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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 7 février 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Catherine Vautrin

1. Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion des articles (suite)

Article 4 (suite)

Amendements nos 94, 327, 402, 423

M. Yann Galut

Amendements nos 476, 438, 535, 623, 1153, 1051, 1567, 1490, 2234, 3267, 3353, 4137, 4320, 4725, 5275

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Amendements nos 3034, 1986, 1992, 2391, 3651, 3991

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Amendements nos 2138, 2418, 2698, 3731, 4162, 2265, 2440, 3867, 4974, 2271, 2441, 2883, 3868, 4977, 1989, 1995, 2392, 3654, 4001

M. Christian Jacob

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 1996, 2001, 2393, 3660, 4013, 2276, 2887, 3869, 4980, 1999, 2008, 3663, 4030, 2892, 3872, 2026, 3664, 2028, 3665, 2896, 3875, 2294, 2906, 3882, 2287, 2444, 2296, 2447, 3224, 2297, 2448, 3226, 3885, 2298, 2449, 3227, 2299, 2450, 2301, 2451, 3230, 2021, 2044, 2023, 2047, 3669, 2060, 3670, 3231, 3890, 2165, 3672, 3233, 3891, 3234, 3893, 3247, 3896, 3243, 3897, 3249, 3899, 3252, 3901, 3259, 3915, 96, 228, 332, 409, 1054, 1103, 1575, 1717, 1755, 3180, 3357, 3976, 4323, 5276

M. Philippe Gosselin

M. Yannick Favennec

Rappel au règlement

M. Jean-Frédéric Poisson

2. Fait personnel

M. Yann Galut

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Catherine Vautrin
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Ouverture du mariage
aux couples de personnes de même sexe

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement n39 à l’article 4 et aux amendements identiques.

Article 4 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 94.

M. Marc Le Fur. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, mes chers collègues, je tiens à livrer à l’ensemble des personnes présentes cet élément d’information : les chiffres d’audience de nos débats sur LCP indiquent qu’ils sont très suivis puisque l’on évoque, ce qui est à l’honneur de l’Assemblée, 2,6 millions de téléspectateurs. Or parmi ces derniers, certains nous ont fait part de leurs réactions, et je voudrais à cet égard revenir sur des propos tenus par la garde des sceaux concernant la présomption de paternité. Celle-ci a en effet déclaré qu’il s’agissait d’une fiction. J’en avais été surpris et un certain nombre de personnes m’ont dit avoir été choquées.

Cette présomption de paternité n’est pas une fiction. C’est la condition de la stabilité des familles, à savoir que le père, dans un mariage, n’a pas à prouver sa paternité. Et si elle peut être contestée, ce n’est toujours que pour des raisons très spécifiques. C’est également important pour les enfants. Dans notre société, bon nombre d’enfants ne connaissent pas leur père. Beaucoup d’entre vous certainement partagent cette expérience de recevoir dans leur permanence des pères désarmés, qui se sentent inutiles. Ils ont un besoin d’enfant qu’ils ne peuvent satisfaire car, en froid avec leur compagne, ils ont perdu tout contact avec leurs enfants.

Le propre de la famille est d’assurer les conditions de la stabilité fondée sur la présomption de paternité, qui est une évidence et non pas une fiction. Je tenais à le rappeler après avoir pris connaissance des émouvants témoignages qui me sont parvenus durant notre pause.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n° 327.

Mme Dominique Nachury. Mesdames les ministres, mes chers collègues, l’alinéa 11 de l’article 4 propose de modifier l’article 601 du code civil, qui porte disposition sur l’usufruit. Il dispose : « les père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution. » Il faudrait dorénavant lire « parents » au lieu de « père et mère ».

Mais le début de l’article 601 demeure : « Il donne caution de jouir en bon père de famille ». Faudra-t-il aussi un jour revenir sur cette notion de bon père de famille, retenue dans le langage commun et qui pourrait heurter certains ou certaines ? Avouez que supprimer « père » et laisser « bon père de famille » est assez cocasse.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n° 402.

M. Yves Albarello. Madame la garde des sceaux, après le mari et la femme, après le beau-père et la belle-mère, il s’agit maintenant de rendre asexuées les obligations de l’usufruitier.

C’est la raison pour laquelle il faut conserver la notion de père et mère que vous voulez supprimer et c’est pourquoi nous souhaitons que cet alinéa 11 soit supprimé.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 423.

M. Hervé Mariton. Je relis l’article 601 du code civil que mes collègues ont évoqué : « Il donne caution de jouir en bon père de famille, s’il n’en est dispensé par l’acte constitutif de l’usufruit ». Cette partie de l’article restant sans changement, la notion de bon père de famille survit donc à votre révolution, madame la garde des sceaux.

Je poursuis ma lecture : « cependant les père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution. » Ici, « les mots père et mère » sont remplacés par « parents ». Nous sommes là dans le cadre de l’une des occurrences que le Gouvernement n’a pu éviter.

Chacun comprend que l’objectif du Gouvernement dans cet article 4 a été d’effacer une critique politique majeure. Vous avez donc inventé l’amendement-balai, mais sans l’appliquer à un certain nombre d’articles, pour lesquels vous avez souhaité une rédaction explicite. Elle est probablement plus sûre juridiquement, mais n’enlève rien à l’erreur politique et sociale qui consiste à remplacer « père et mère » par « parents ».

Par ailleurs, je n’ai toujours pas obtenu du Gouvernement d’autres exemples d’utilisation de l’amendement-balai sur des textes importants. Il serait bon, si l’on veut que les mots aient un sens, que le Gouvernement ait l’obligeance de nous dire s’il existe des exemples d’amendements-balai sur des réformes aussi importantes que celle qui nous réunit.

M. Yann Galut. Je demande la parole, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut. Madame la présidente, j’ai été interpellé tout à l’heure par mon excellent collègue Guillaume Larrivé. Je souhaite donc, sur le fondement de l’article 58, alinéa 4, de notre règlement, avoir la parole en fin de séance pour un fait personnel.

Mme la présidente. J’en prends bonne note, mon cher collègue.

La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 476.

M. François de Mazières. Madame la garde des sceaux, vous avez répondu tout à l’heure à nos interrogations en parlant de la fiction de la PMA et de la présomption de paternité. Si pour notre part nous nous battons pour les mots de père et mère, c’est parce que nous croyons que ce ne sont pas des fictions.

Selon vous, nous nierions la diversité. Nous avons, nous, le sentiment que de votre côté, vous niez l’importance de la famille constituée d’un père et d’une mère, telle que nous la connaissons depuis des millénaires. C’est cette négation de la famille qui nous pose problème.

Nous ne nions pas aujourd’hui la complexité de la situation, et c’est pour cela que nous avons proposé l’alliance civile. Nous regrettons qu’il n’ait pas été possible de travailler dans cette direction et maintenir ce qui fait le socle de la famille telle qu’elle a toujours existé et à laquelle les Français sont très attachés, tout en essayant de réfléchir sur les cas difficiles qu’il faut savoir prendre en considération.

Mme la présidente. Monsieur Jacob, j’aurais dû vous donner la parole avant M. de Mazières pour soutenir l’amendement n° 438. Je vous prie de m’en excuser. Vous avez la parole

M. Christian Jacob. Madame la présidente, j’ai volontiers laissé mon collègue François de Mazières intervenir brillamment avant moi.

L’article 601 du code civil, qui fait référence à la gestion en bon père de famille, notion souvent utilisée en droit, porte sur les obligations de l’usufruitier. J’ai eu l’occasion de soulever le problème lors de la défense d’amendements précédents, mais le rapporteur ne nous a toujours pas répondu : pourquoi l’impasse a-t-elle été faite sur certains articles ? Pourquoi avez-vous laissé avec l’amendement-balai les références sexuées dans certains articles et pas dans d’autres ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Je m’en suis déjà expliqué !

M. Christian Jacob. Non, vous ne nous avez rien expliqué.

M. Bernard Roman. Mais si, il a déjà répondu !

M. Erwann Binet, rapporteur. Je recommencerai.

M. Christian Jacob. Vous avez remplacé la notion de père et mère par le terme de parents en conservant la référence au bon père de famille. Si cette expression ne nous choque pas, ce qui nous choque, c’est l’incohérence de ce texte puisque certains articles du code civil font l’objet de modification tandis que d’autres restent en l’état. Pourquoi cette absence de cohérence ? Est-ce parce que le Conseil d’État n’a pas été saisi de l’article-balai, sachant que concernant les autres articles, vous n’avez vraisemblablement pas tenu compte de son avis – nous ne pouvons le vérifier faute d’avoir l’intégralité du décret du Conseil d’État .

Cette remarque me donne d’ailleurs l’occasion de vous demander à nouveau d’intervenir auprès du Premier ministre pour qu’il rende public l’avis du Conseil d’État.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 535.

M. Patrick Ollier. Nous sommes toujours dans l’incohérence ou la confusion, appelez cela comme vous le voulez, madame la garde des sceaux.

On peut très bien comprendre ce que vous avez souhaité faire, mais le problème, ce sont les aberrations juridiques sur lesquelles cela débouche. Nous sommes toujours dans la logique, que je dénonce depuis le début de ce débat, qui consiste à instaurer l’égalité par l’effacement de la différence des sexes.

Vous supprimez les termes de père et mère à l’article 601 du code civil sans toucher à l’expression « bon père de famille ». Si un couple de jeunes femmes mariées, dès lors que cette loi serait votée, souhaite acheter un appartement, l’acte notarié fera état de la gestion « en bon père de famille », selon l’expression régulièrement utilisée chez les notaires. Comment allez-vous alors expliquer à ce couple de jeunes femmes qu’elle doit gérer l’appartement en bons pères de famille ? Il y a là une contradiction sémantique. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Seul M. Ollier a la parole.

M. Patrick Ollier. Merci de l’autorité avec laquelle vous présidez, madame la présidente.

Madame la garde des sceaux, comment, je le répète, allez-vous alors expliquer aux couples de jeunes femmes qu’elles doivent gérer leur appartement, ou tout autre bien qu’elles auraient acheté, en bons pères de famille ? Je souhaiterais obtenir une réponse sur ce point de sémantiques.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. M. Jacob a déjà répondu à votre question, monsieur Ollier.

M. Patrick Ollier. Je n’écoute que vous, madame la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est nouveau !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 623.

M. Philippe Gosselin. L’actualité me permet de revenir sur l’article 310 du code civil puisque le journal La Croix publiera demain matin une très intéressante tribune de deux magistrats qui lancent un pavé dans la mare.

M. Alain Tourret. Un journal de curés !

M. Philippe Gosselin. Cela a beau être un journal de curés, lorsqu’une tribune est rédigée par des magistrats, j’y prête attention, surtout quand ces magistrats soulignent des risques sérieux d’inconstitutionnalité. Nous avons déjà cité Têtu, L’Humanité, Le Monde, Le Figaro, Marianne je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas citer La Croix. Je crois que nous avons même cité les Annales socialistes de 2004, c’est dire que notre largesse d’esprit est incommensurable.

Je reviens à cette tribune de deux magistrats, M. Laurent Bayon et Mme Marie-Christine Le Boursicot, qui soulèvent des risques d’inconstitutionnalité qui pourraient entraîner un effondrement du texte souhaité par le Gouvernement.

On peut nous reprocher, bien que je défende une vision contraire, de défendre un point de vue politique, mais ces magistrats expriment un point de vue juridique, celui que j’ai essayé de mettre en avant à plusieurs reprises depuis mercredi par touches successives.

Mme la présidente. Votre temps d parole est épuisé, monsieur Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Je continuerai donc à m’expliquer par touches successives. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour soutenir l’amendement n° 1153.

M. Alain Moyne-Bressand. L’article 301 du code civil donne caution de jouir en bon père de famille. Que signifie cette expression ? J’aimerais, mes chers collègues, que vous ayez davantage de bon sens, surtout de bon sens paysan.

Le droit de la famille est déjà très compliqué, et nous allons le compliquer davantage. Avez-vous demandé l’avis du Conseil supérieur du notariat, qui était à même de vous donner les informations nécessaires ? À tous les niveaux, les élus et les juristes auront beaucoup de mal à clarifier certains points de cet article déjà extrêmement complexe. Je souhaite donc que le Conseil supérieur du notariat soit interrogé sur ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1051.

M. Philippe Cochet. Cet amendement tendant à supprimer l’alinéa 11 de l’article 4 semble tout à fait adéquat. Une fois de plus, on peut remarquer, madame la garde des sceaux, que vous avez mis à mal, avec ce texte, les agents d’état civil et les maires. Vous êtes maintenant en train de mettre à mal les notaires. Vous voulez vraiment mettre à mal notre pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Drapeau. Qui êtes-vous pour parler à la place des maires ?

M. Philippe Cochet. C’est un vrai souci ! Comment pouvez-vous élaborer un texte comportant autant de lacunes, et refuser à chaque fois de répondre à l’opposition qui vous pose des questions toutes simples, de bon sens ?

L’un de nos collègues évoquait tout à l’heure la fatigue d’un certain nombre de vos conseillers. Vu l’impréparation de votre texte, il serait judicieux de le retirer, comme le demandent d’ailleurs 61 % des maires de France, ce qui n’est quand même pas rien !

Mme Brigitte Bourguignon. Et les citoyens, ils en pensent quoi ?

M. Philippe Cochet. Les différents orateurs qui se sont succédé ont expliqué en détail les lacunes que comporte ce texte. Si je puis me permettre, madame la garde des sceaux, je vous suggère de faire preuve de bon sens et d’arrêter de mettre notre pays à feu et à sang ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Jean-Luc Drapeau. Pyromane !

M. Bernard Roman. Ambulance !

M. Jacques Myard. Corbillard !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1567.

M. Christophe Guilloteau. C’est très curieux : on a l’impression qu’il y a, dans cet hémicycle, le côté gauche qui sait et le côté droit qui devrait se taire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Eh oui !

Mme Brigitte Bourguignon. Exactement !

M. Philippe Gosselin. Ils le reconnaissent, madame la présidente !

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Guilloteau. (Mêmes mouvements.)

Mes chers collègues, seul M. Guilloteau a la parole. (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Gosselin. Le discours de la gauche, c’est : « Taisez-vous, la droite ! »

Mme la présidente. Monsieur Guilloteau, merci de bien vouloir poursuivre. (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Gosselin. On ne lâchera rien !

M. Christophe Guilloteau. Ces comportements le montrent bien : depuis que nous examinons ce texte, il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas.

M. Claude Sturni. Les sachants !

M. Christophe Guilloteau. En effet : les sachants.

Mme Jacqueline Fraysse. Il n’y a que vous qui parlez !

M. Christophe Guilloteau. Je ne suis pas sûr que le million de personnes descendues dans la rue il y a quelques jours, et qui manifesteront de nouveau le 24 mars, partagent votre avis.

M. Jean-Yves Caullet. Et ceux qui sont favorables au projet de loi, vous n’en parlez pas ?

M. Christophe Guilloteau. Il y a ici des hommes et des femmes élus par le peuple, qui sont là pour défendre leurs opinions !

M. Bernard Deflesselles. Madame la présidente, faites respecter l’ordre !

Mme la présidente. Tout va bien, monsieur Deflesselles.

M. Christophe Guilloteau. Chers collègues, je souhaite retrouver un peu de sérénité dans les débats car, parfois, on tombe au fond du gouffre ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1490.

M. Jean-Frédéric Poisson. Voilà encore avec l’occurrence en question un exemple de la fiction que nous évoquions avant la levée de la séance de cet après-midi, madame la garde des sceaux. Mes collègues ont parfaitement montré pourquoi le maintien dans les textes de la notion de bon père de famille relevait effectivement – en tout cas, de mon point de vue – de cette fiction.

Si vous me le permettez, madame la garde des sceaux, j’aimerais poursuivre notre échange sur ce sujet. La notion de fiction n’est acceptable dans le droit qu’en raison de sa vraisemblance.

À la réflexion, on peut admettre – ce qui n’est pas ma position – cette vraisemblance dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation à l’intérieur du couple.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je l’ai déjà dit : avec tiers donneur. Vous relirez le compte rendu au Journal officiel, monsieur Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je me réfère par exemple à l’ouvrage de Michel Tort, Le désir froid, dans lequel l’auteur compare ces techniques de procréation au regard de la notion de vraisemblance.

On ne peut maintenir dans le droit une connexion avec la réalité que lorsque la vraisemblance est maintenue. Si l’on accepte cette hypothèse de départ, l’assistance médicale à la procréation, l’adoption voire la présomption de paternité – je le concède dans le cadre de mon argumentation, mais pas au-delà – ne sont acceptables que parce qu’elles sont vraisemblables. Dans notre amendement, nous contestons précisément le manque total de vraisemblance entre la situation décrite dans le texte et la « réalité réelle », si je puis m’exprimer ainsi.

Ainsi mon amendement est-il défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2234.

M. Pierre Lequiller. Depuis le début de ce débat…

M. Thomas Thévenoud. Vous n’étiez pas là ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. La bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe !

M. Yann Galut. Vous savez de quoi vous parlez, monsieur Myard !

M. Bernard Roman. C’est assez juste !

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Depuis le début de ce débat,…

M. Jean-Yves Caullet. Vous n’étiez pas là !

M. Pierre Lequiller. …vous nous dites : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires. » Cette phrase est la plus antidémocratique qui ait jamais été prononcée.

Je souligne moi aussi les aberrations juridiques, l’incohérence et la confusion contenues dans ce texte. Effectivement, l’expression « bon père de famille » ne peut pas s’appliquer à un couple de femmes – et je ne parle pas des risques sérieux d’inconstitutionnalité que cela comporte.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Conseil constitutionnel se prononcera !

M. Pierre Lequiller. Enfin, je souhaite que vous consultiez le Conseil supérieur du notariat, car ce texte pose des problèmes sur le fond comme sur la forme.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3267. (« Ah ! » sur divers bancs.)

M. Bernard Roman. Détachez-le !

M. Yann Galut. Virez-le !

M. Bernard Roman. Libérez M. Myard !

Mme la présidente. Seul M. Myard a la parole.

M. Jacques Myard. Aujourd’hui, en tripotant le code civil comme vous le faites, madame la garde des sceaux,…

M. Bernard Roman. Oh ! Un peu de respect !

M. Jacques Myard. …vous êtes tombée dans le ridicule de Labiche. Il faut respecter les concepts. De la même manière que l’on parle « d’une » sage-femme et non « d’un » sage-femme alors qu’il existe des hommes sages-femmes, il y a un bon père de famille. Le bon père de famille est né de vingt siècles de pratique, et même davantage.

M. Erwann Binet, rapporteur. Il n’a rien compris !

M. Jacques Myard. Aujourd’hui, en voulant supprimer ce genre de concept, vous êtes profondément ridicules. Je dis bien : vous êtes ridicules. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Votre problème, c’est que vous êtes prisonniers de votre vocabulaire idéologique.

M. Yann Galut. Réactionnaire !

M. Jacques Myard. Écoutez-moi, camarade ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Écoutez-moi, monsieur Galut : en matière d’âneries, vous avez le premier prix ! (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Monsieur Myard, s’il vous plaît.

M. Jacques Myard. Je vous le dis très franchement, mes chers collègues : il y a un moment où il faut savoir en finir…

M. Yann Galut. C’est toujours le même discours !

Mme la présidente. Monsieur Galut, écoutez M. Myard.

M. Jacques Myard. …avec ce type d’âneries comme l’article-balai, et revenir à un peu plus de sérieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3353.

M. Xavier Breton. Je souhaite revenir sur les propos de Mme la garde des sceaux qui a assimilé l’assistance médicale à la procréation à une fiction.

M. Bernard Roman. C’est vous qui dites cela !

M. Xavier Breton. Non, ce n’est pas moi qui ai dit que l’assistance médicale à la procréation était une fiction : c’est Mme la garde des sceaux. monsieur Roman, suivez nos débats !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je parlais du cas d’un tiers donneur ! Je peux y revenir.

M. Xavier Breton. Dans cette fiction, il y a la question de la vraisemblance.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas l’objet de l’amendement !

M. Xavier Breton. Comme vient de le dire notre collègue Jean-Frédéric Poisson,…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est un peu plus cohérent, lui !

M. Xavier Breton. …la vraisemblance consiste à rendre une réalité crédible, à faire comme si cette chose pouvait exister. Or nous sommes là dans l’invraisemblance : deux hommes ne peuvent pas avoir d’enfant, et deux femmes ne peuvent pas avoir d’enfant. Il s’agit peut-être d’un point de divergence entre nous : dans ce cas, il faut que nous nous en expliquions. En tout cas, on ne peut pas créer une fiction sur ce sujet, n’en déplaise à M. Roman.

Par ailleurs, affirmer que l’assistance médicale à la procréation est une fiction est une injure faite aux femmes qui ont des enfants avec un lien de filiation, puisqu’elles ont accouché de ces enfants.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Arrêtez !

M. Xavier Breton. Certes, ces derniers ont été conçus soit avec les propres gamètes du couple, soit avec les gamètes d’un tiers donneur femme ou homme, mais ils sont bien leurs enfants. Ce n’est pas une fiction, c’est la réalité des choses.

Madame la garde des sceaux, au-delà de vos envolées auxquelles nous avons droit toutes les deux heures,…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quelle mauvaise foi insupportable !

M. Xavier Breton. …je voudrais que vous nous expliquiez votre vision de l’assistance médicale à la procréation. À défaut, Mme la ministre déléguée chargée de la famille pourra nous donner ces explications, puisque ce sujet relève plutôt de son domaine de compétences, et que l’on ne parle pas seulement de principes de droit mais aussi de réalités humaines. Quelle est votre vision de l’assistance médicale à la procréation ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mme Bertinotti pourra vous répondre, mais cela ne servira à rien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n° 4137.

Mme Claude Greff. Qui trop embrasse mal étreint. À trop demander, madame la garde des sceaux, vous finirez peut-être par ne rien obtenir.

Je suis assez surprise par le comportement de mes collègues socialistes. Tout à l’heure, l’un d’eux a décrié le journal La Croix en le qualifiant de « journal de curés ». (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marie Beffara, M. Erwann Binet, rapporteur et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est vous qui avez dit cela !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je crois que l’expression venait plutôt de la partie droite de cet hémicycle…

Mme Claude Greff. Non : c’est un collègue socialiste qui a dit cela. Il est là, assis devant moi, mais je ne connais pas son nom.

M. Philippe Gosselin. Il risque de rester dans l’ombre encore longtemps !

Mme Claude Greff. Dois-je vous rappeler, monsieur le député, que Mme la garde des sceaux vient d’accorder un bel entretien à ce journal que vous avez qualifié de « journal de curés » ? Je trouve d’ailleurs assez curieux, madame la garde des sceaux, que le journal La Croix ait pris connaissance de larges extraits de l’avis rendu par le Conseil d’État alors qu’au Parlement, le président du groupe UMP et l’ensemble de mes collègues vous réclament cet avis !

Ce qui me surprend avec votre volonté de rendre asexués les hommes et les femmes, c’est que vous vous évertuez à supprimer l’égalité – en faveur de laquelle je me suis toujours battue – entre l’homme et la femme en supprimant une fois de plus les mots de « père » et « mère. Je ne comprends pas l’objectif de votre projet de loi, si ce n’est de réduire la société à une « non-identité ».

Comme je l’ai dit tout à l’heure, la gauche a l’habitude de vouloir transformer la société, mais elle n’en mesure jamais les conséquences. Il en est ainsi, par exemple, des 35 heures,…

M. Yann Galut. Il y avait longtemps !

M. Alexis Bachelay. Il ne manquait plus que cela dans le débat !

Mme Claude Greff. …qui étaient soi-disant une belle loi (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) : on en voit aujourd’hui les conséquences, comme pour toutes les lois que vous avez malheureusement pu mettre en place en France. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut. Relier les 35 heures au mariage pour tous, c’est quand même très fort !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n° 4320.

M. Claude Sturni. Nous avons noté, grâce à la remarquable intervention de mon collègue Christophe Guilloteau, qu’il y avait dans cet hémicycle d’un côté les « sachants » et d’un autre un côté les« apprenants ». Il est vrai, chers collègues de la majorité, que nous avons une grande soif d’apprendre et de comprendre votre logique, parce qu’il faut bien reconnaître qu’après toutes ces heures de débat, nous n’avons toujours pas compris votre raisonnement. Sans doute est-il flou, et sans doute cache-t-il le fond de votre pensée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Si votre fatigue ou votre lassitude ne devait pas nous permettre d’être éclairés, je ne doute pas que nos amis sénateurs seront sensibles à vos explications. À défaut, ils seront certainement sensibles aux attentes des 61 % des maires de notre pays qui demandent au Gouvernement de suspendre l’examen du projet de loi pour laisser la place au débat.

Mme la présidente. Sur l’amendement n° 94 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4725.

M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 11 de l’article 4, faisant référence à l’article 601 du code civil relatif aux obligations de l’usufruitier, qui dispose : « Il donne caution de jouir en bon père de famille, s’il n’en est dispensé par l’acte constitutif de l’usufruit ; cependant les père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution. » Vous voulez rendre ces dispositions asexuées en y remplaçant les mots « père et mère » par le terme « parents », tout en maintenant la notion de bon père de famille. Qu’en sera-t-il dans le cadre d’un mariage de deux femmes, qui pourront considérer cette notion de « bon père » comme discriminatoire ?

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5275.

M. Guillaume Larrivé. Je félicite M. le rapporteur pour sa créativité et son inventivité. Il réussit en effet le tour de force de maintenir l’expression « père de famille » dans un article du code civil tout en supprimant dans ce même article les mots « père et mère » pour les remplacer par le terme « parents ».

Si la loi est votée, il faudra enseigner cet article dans les facultés de droit. Peut-être même pourriez-vous songer à faire breveter ce résultat de votre imagination ! Après le passage de Mme Taubira à la Chancellerie, le code civil sera une sorte de manteau d’arlequin masquant une partie du réel, en dévoilant une autre.

M. Bernard Roman. C’est dur d’accepter le mariage pour tous !

M. Guillaume Larrivé. Tout cela commence à s’apparenter à de la loufoquerie.

M. Philippe Cochet. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République pour donner l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques.

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je tiens d’abord à rendre hommage aux journaux La Croix et La Vie qui ont le plus rendu compte de nos débats pendant ces derniers mois. Il était important de le dire plutôt que d’entendre, de part et d’autre de l’hémicycle, proférer des choses désagréables à leur encontre.

M. Christian Jacob. À gauche, pas à droite !

M. Patrick Ollier. Exactement : ce n’est pas nous qui avons dit des choses désagréables à leur endroit !

Mme Claude Greff. C’est n’importe quoi, monsieur le rapporteur !

Mme la présidente. Merci, chers collègues, de bien vouloir écouter le rapporteur.

M. Erwann Binet, rapporteur. Il est bon, en début de séance, de rappeler l’esprit général de l’article-balai. Il s’agit d’une disposition placée en tête des livres I et III du code civil pour une application générale aux couples de même sexe et aux familles homoparentales, dans chacun des articles comprenant des termes sexués.

S’agissant du livre II dont l’article 601 fait partie, une seule occurrence sexuée apparaît. Nous avons choisi dans ce cas de suivre simplement les coordinations engagées par le Gouvernement dans le projet de loi initial et de remplacer les mots « père et mère » par le terme « parents ».

L’expression « père de famille » ne changera évidemment pas, monsieur Myard, avec l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, car il a un sens générique compris par tous les juristes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

Mme Claude Greff. Et lorsqu’il y aura deux femmes ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Aujourd’hui, les femmes seules doivent déjà gérer leur logement en « bon père de famille ».

Mme Claude Greff. Où est l’égalité ? N’importe quoi !

M. Erwann Binet, rapporteur. C’est une référence admise et comprise par tous qui est symptomatique du vocabulaire utilisé dans le code civil. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oui.

Mme Claude Greff. Je ne suis pas un bon père de famille, mais une bonne mère de famille !

M. Erwann Binet, rapporteur. Madame Greff, si vous voulez bien m’entendre,…

Mme Claude Greff. Non !

M. Erwann Binet, rapporteur. …la notion de bon père de famille a évolué avec notre droit et avec ce que l’époque exige comme norme comportementale du père de famille : le père de famille de 2013 n’est pas le même qu’il y a deux cents ans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Merci d’écouter le rapporteur.

M. Erwann Binet, rapporteur. C’est symptomatique de la capacité de notre droit à évoluer en fonction du sens que l’on donne aux mots.

Avis défavorable à l’ensemble des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Claude Greff. Je suis une mère de famille, pas un bon père de famille !

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements identiques.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Avis défavorable du Gouvernement.

J’appuie les arguments présentés par le rapporteur concernant l’expression « bon père de famille », qui est en effet une expression du langage courant bien que, je le concède, il soit étonnant qu’à la suite de plusieurs réformes du code civil, elle n’ait pas disparu. Elle est liée au droit des contrats et de la propriété, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur Jacob, et c’est d’ailleurs pourquoi j’ai dit à M. le ministre Ollier que vous lui aviez répondu par anticipation lorsqu’il m’interrogeait. Cette expression qui relève du droit de la propriété est en tout cas complètement étrangère au droit de la famille, sachant tout de même que les lois Quillot de 1982 relatives aux baux ont remplacé l’expression « bon père de famille » en « jouissance paisible des lieux loués ».

La vérité sociologique veut ainsi qu’il y ait dans ce pays des femmes seules qui achètent des biens et qui sont ainsi, en qualité de propriétaires, confrontées à cette expression.

M. Patrick Ollier. C’était l’occasion de régler le problème.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons toutefois une petite revanche, peut-être quelque peu dérisoire : les hommes qui, de plus en plus, épousent le métier de sage-femme continuent à être appelés « sage-femme » ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Faudra-t-il, comme le souhaite Mme Mazetier, débaptiser les écoles maternelles ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne sais pas si cela peut vous consoler, mais je pense comme vous que l’expression en question n’a plus grand-chose à faire dans le droit de la famille.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Janquin.

M. Serge Janquin. Puisque mes collègues de l’opposition développent toujours les mêmes arguments, je répéterai à mon tour des choses qui ont déjà été dites.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas grave. On n’est pas pressé.

M. Serge Janquin. J’ai entendu dire que nous voulions changer l’ordre des choses. Mais, mes chers collègues, les choses ont changé (Rires sur les bancs du groupe SRC) sans qu’on les accompagne, sans que vous le vouliez ; malgré vous peut-être, mais elles ont changé.

Notre projet est de réinterpréter la société telle qu’elle est en tenant compte d’un principe majeur, celui de l’égalité républicaine.

M. Jacques Myard. Il n’y a pas d’égalité !

M. Serge Janquin. Voyez vos collègues conservateurs britanniques. Ils vont plus vite que vous. Ils font moins d’obstruction. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Votre modèle, c’est la monarchie ?

M. Serge Janquin. Dans quelques années, nos enfants nous diront que nous avons mené en 2013 un combat du siècle d’avant.

M. Jacques Myard. Au contraire, un combat d’avant-garde !

M. Serge Janquin. Je vous en prie, avançons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. À reculons !

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 94, 327, 402, 423, 476, 438, 535, 623, 1153, 1051, 1567, 1990, 2234, 3267, 3353, 4137, 4320, 4725 et 5275.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 179

Nombre de suffrages exprimés 179

Majorité absolue 90

(Les amendements identiques nos 94, 327, 402, 423, 476, 438, 535, 623, 1153, 1051, 1567, 1990, 2234, 3267, 3353, 4137, 4320, 4725 et 5275 ne sont pas adoptés .)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Aux suivants !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3034.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous abordons les questions liées à la succession. À cette occasion, je repose les quatre questions sur lesquelles nous n’avons toujours pas obtenu de réponse précise.

M. Bernard Roman. Quatre !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous êtes un auditeur attentif de nos débats, monsieur le premier questeur, quoiqu’un peu trop spectateur à notre goût : on aimerait vous entendre davantage. (Sourires .)

Première question : au titre de l’article 310, comment traite-t-on l’exequatur ? La question a été posée plusieurs fois.

Deuxième question : comment traite-t-on la présentation et la rédaction des livrets de famille ?

Troisième question : comment rédige-t-on les actes d’état civil ?

Quatrième question : a-t-on oui ou non l’intention d’ouvrir la possibilité pour les mineurs de s’engager dans le cadre d’un PACS ?

Ces quatre questions étant des conséquences pratiques très directes des dispositions proposées à l’Assemblée nationale, nous aimerions avoir des réponses précises.

(L’amendement n° 3034, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1986.

M. Marc Le Fur. Nous sommes toujours à l’intersection du droit et du vocabulaire.

M. Bernard Roman. Il parle comme un livre !

M. Marc Le Fur. À ce propos, je vous renvoie aux écrits de la psychanalyste Marie Balmary : « En ce qui concerne le mot mariage, si l’on institue qu’il veut désormais dire à la fois union des personnes de sexe différent et union de personnes de même sexe, comment nos esprits vont-ils se débrouiller de cette confusion ? Comment expliquerons-nous aux enfants que semblable et différent – une chose et son contraire –, c’est la même chose sans provoquer les mille questions et remarques de ces enfants ? »

Elle ajoute : « Remarques dont sont capables des intelligences, comme Freud les aimait, non encore intimidées par une éducation qui les empêche de réfléchir. »

Je trouve ces éléments de réflexion très beaux. À force de vouloir changer les choses, on est en train de changer les mots. Respectons-les, c’est le propre de l’humilité nécessaire au législateur.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1992.

M. Jean-Frédéric Poisson. Voilà encore un cas d’inutilité de l’article-balai. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Si vous voulez la parole, n’hésitez pas, chers collègues. Participez, je vous en prie.

L’article 731 du code civil dispose : « La succession est dévolue par la loi aux parents et au conjoint successibles du défunt dans les conditions définies ci-après. » Voilà un bon motif de retirer cet article de l’opération de balayage. Les mots visés par l’article-balai ne figurant pas dans cet article, on peut le retirer sans danger et dans un souci de cohérence.

L’amendement est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2391.

M. Philippe Gosselin. Je reviens sur l’intéressante tribune de l’excellent journal La Croix qui informe des difficultés que pourrait soulever ce texte. Ses deux auteurs, qui sont magistrats, font une contestation non pas politique, mais juridique du texte d’autant plus intéressante qu’elle s’appuie sur les réserves émises par ailleurs par le Conseil d’État. Petit à petit, les pièces du puzzle sont en train de se reconstituer : nous aurons bientôt une vue d’ensemble d’une œuvre pour le moins inachevée.

Depuis le début des débats, le Gouvernement comme la majorité répètent à l’envi qu’il n’est pas question de toucher au titre VII du code civil, mais uniquement à la partie concernant l’adoption, notamment l’adoption plénière – l’adoption simple ne posant pas de difficulté majeure. Il est donc important de noter la convergence qui existe entre les réserves et les risques d’inconstitutionnalité soulevés par ces magistrats et les remarques émises par le Conseil d’État.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Je souhaiterais insister sur ces éléments, mais Mme la présidente ne semble pas vouloir m’accorder les quelques minutes qui me seraient nécessaires.

Mme la présidente. Vous y reviendrez à l’occasion d’un prochain amendement.

M. Philippe Gosselin. Mme la présidente est sévère, mais juste. (Sourires .)

L’amendement est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3651.

M. Xavier Breton. M. Janquin qui a parlé avec des trémolos dans la voix de la République a pris pour seul exemple, l’exemple le vote de nos collègues britanniques ! Chacun connaît la longue tradition républicaine des Britanniques !

M. Jean-Yves Caullet. Parlez du texte.

M. Xavier Breton. Je souhaite revenir sur l’assistance médicale à la procréation. À défaut de réponse de Mme la garde des sceaux, je vais m’adresser à Mme la ministre de la famille, en charge de la famille comme l’indique l’intitulé de son ministère, pour lui demander si elle considère que l’assistance médicale à la procréation est une fiction, ce qui ne manquera pas d’intéresser les dizaines de milliers de couples qui ont eu des enfants par ce biais.

Mme la garde des sceaux s’est-elle trompée, ce qui peut arriver à tout le monde, ou êtes-vous d’accord, madame la ministre, avec cette conception ?

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 3991.

M. Hervé Mariton. L’article 729-1 du code civil concerne l’indignité successorale, formulation qui est un peu datée – m’est avis d’ailleurs que l’on aura à reparler de l’avis du Conseil d’État !

Les enfants adoptés par deux parents de même sexe auront un état civil qui fera apparaître qu’ils sont nés de deux parents de même sexe.

Aujourd’hui il est possible aux parents de dire ou de ne pas dire qu’ils ont adopté : je vous renvoie à toute l’évolution sociologique et humaine qui a conduit à souligner qu’il était important de dire la vérité à l’enfant et de construire la famille autour de la réalité, loin de l’approche napoléonienne où toute l’histoire de l’adoption était gommée. Bref, avant, on cachait l’adoption ; aujourd’hui, on peut ou non l’assumer. Le choix est ouvert.

Seulement, un couple de même sexe n’aura pas le choix de ne pas dire l’adoption alors qu’un couple hétérosexuel l’aura. Vous créez donc une inégalité entre enfants adoptés, critiquée, je crois, par le Conseil d’État.

M. Philippe Gosselin. C’est une discrimination !

M. Hervé Mariton. J’aurais aimé avoir l’appréciation du Gouvernement sur ce point.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Nous arrivons à une longue série d’amendements qui visent à soustraire les couples de même sexe et les familles homoparentales de l’application de l’article-balai, plus précisément du nouvel article 718 du code civil, en tête du livre III intitulé « Des différentes manières dont on acquiert la propriété ».

Il n’y a aucune raison de le faire. C’est la raison pour laquelle la commission est défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Je vais répondre sur ce qui concerne directement l’objet de la loi : l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Car depuis le début de nos débats, il est question de bien d’autres choses – certains ont même évoqué les 35 heures ou le libéralisme. Je ne savais pas que cette loi allait donner prétexte à refaire le monde.

M. Jacques Myard. C’est vous qui le refaites !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je reviendrai sur deux points en particulier.

S’agissant de l’expression « faire famille », j’aimerais d’une certaine manière en être l’auteur, mais il se trouve que les sociologues l’utilisent depuis des années. Cela recouvre une évidence, une de ces évidences qu’il vous faut accepter : aujourd’hui, il existe une diversité des modèles familiaux. Je crois même, monsieur Jacob, qu’il y a une dizaine d’années vous l’avez vous-même reconnu. Et lors de la dernière campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy lui-même parlait de cette diversité. Il faut accepter de voir la société française telle qu’elle est.

M. Philippe Gosselin. Personne ne le conteste !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Deuxièmement, il est de mauvaise méthode d’opposer filiation biologique et filiation sociale. Il vous faut reconnaître qu’il existe des filiations sociales, qui n’ont rien à voir avec l’homosexualité. Les enfants adoptés connaissent ces deux types de filiation, même si les parents adoptants deviennent les parents. L’univers psy a, à une époque, défendu la thèse qu’il fallait taire à l’enfant qu’il avait été adopté. Aujourd’hui, les psychologues reconnaissent la nécessité pour l’enfant de connaître son histoire.

M. Hervé Mariton. Cela n’a rien à voir.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur Mariton, il faudra bien à un moment donné que vous vous mettiez en cohérence avec vous-même. Vous ne pouvez pas brandir sans arrêt l’argument du droit de l’enfant et en avoir une approche à géométrie variable selon qu’il s’agit de familles homoparentales ou hétéroparentales. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

De la même façon, pour les enfants nés de PMA, laquelle, je le répète est aujourd’hui autorisée en France pour les couples hétérosexuels,…

Mme Claude Greff. Pour raisons médicales !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …il y a bien une différence entre filiation biologique et filiation sociale.

M. Bernard Deflesselles. Mais ça n’a rien à voir !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Bien sûr que cela à voir !

Pour finir, je ne suis pas sûre que vous rendiez service à l’ensemble des familles, je dis bien à l’ensemble des familles, qu’elles soient hétérosexuelles ou homosexuelles, et à l’ensemble des enfants, qu’ils soient adoptés, qu’ils soient nés d’une PMA, qu’ils vivent dans des familles monoparentales ou encore recomposées. Car le véritable défi de notre droit, c’est d’apporter une protection et une sécurisation juridiques aux différents modèles familiaux qui existent aujourd’hui dans nos sociétés, que cela vous plaise ou non. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

(Les amendements identiques nos 1986, 1992, 2391, 3651 et 3991 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2138.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je défends cet amendement avec d’autant plus de facilité, madame la présidente, que je l’ai défendu précédemment en faisant une erreur dans ma liasse. Le rapporteur a eu la bonté de ne pas le faire remarquer, et je l’en remercie.

Madame la ministre, j’ai vous ai écoutée attentivement : je n’ai pas l’impression que sur nos bancs, nous ayons jamais contesté qu’il y ait différentes manières de vivre en famille, qu’il y ait différents modes de filiation, qu’il y ait différentes façons d’accueillir un enfant.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Nous progressons alors !

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la ministre, personne n’a besoin de ce genre de remarque pour le savoir. Figurez-vous que, comme je l’ai dit l’autre jour, certains d’entre nous peuvent avoir des histoires personnelles qui les mettent aussi en contact avec ces réalités, je suis désolé que vous l’ignoriez.

Mme Claude Greff. C’est dingue, quand même !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ne prétendez pas nous apprendre quoi que ce soit sur ce registre, si vous le voulez bien. Cette accusation d’aveuglement portée à l’encontre de vos contradicteurs n’est pas acceptable.

Enfin, je comprends que l’évocation de la notion de libéralisme dans un débat comme le nôtre vous surprenne. Toutefois, à la suite de l’échange que nous avons eu hier avec Marie-George Buffet, je redis que le choix politique qui est le vôtre de donner droit à toutes les manières de vivre personnelles, à toutes les formes de désir individuel et de les faire entrer presque coûte que coûte dans le droit, renvoie à une conception où l’individu est souverain. Or cette conception correspond historiquement au libéralisme philosophique, que vous le vouliez ou non.

Que vous ne l’assumiez pas, je peux le comprendre. Pourtant telle est la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2418.

M. Philippe Gosselin. Je reviens toujours à cette excellente tribune qui sera publiée demain.

Ses auteurs nous alertent sur les risques d’inconstitutionnalité du projet de loi. Ils prennent pour point de départ la fameuse décision du Conseil constitutionnel à une question du 28 janvier 2011 faisant suite à une question prioritaire de constitutionnalité. Ils ne contestent pas la compétence du législateur en matière de mariage, y compris pour les personnes de même sexe. Moi non plus, du reste : nous aurions simplement préféré un référendum et regrettons que des états généraux n’aient pas été organisés mais je fais partie de ceux qui pensent que le Parlement a toute légitimité en ce domaine.

En revanche, les auteurs soutiennent – et je fais mienne cette thèse qui est dans la continuité de mes arguments des deux derniers jours – qu’il n’en va pas de même en matière de filiation. C’est là que les difficultés apparaissent.

J’en reviens à l’article 310 du code civil – c’est pour cela que je demandais avec tant d’insistance quel modèle d’acte d’état civil Mme la garde des sceaux pourrait nous présenter – qui fixe un principe essentiel du droit français de la filiation, c’est-à-dire l’altérité.

Or l’amendement-balai exclut expressément non seulement l’article 310, mais aussi l’ensemble du titre VII du code civil qui est consacré à la filiation. Cela a des conséquences juridiques majeures que je vous exposerai lors de la défense de mon prochain amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2698.

M. Marc Le Fur. Madame la présidente, j’ai le sentiment que nous progressons, les ministres répondent. Nous avons un débat : nous ne sommes pas d’accord, mais nous avons des éléments de réponse et c’est intéressant.

Je profite de la présence de notre excellent ministre chargé des relations avec le Parlement pour revenir sur l’information de la matinée : à savoir que le président du Sénat souhaitait aboutir à un vote du conforme du Sénat. Vous imaginez bien que cela crée pour nous tous des difficultés puisqu’un tel vote impliquerait qu’il n’y aurait qu’une seule et unique lecture dans notre assemblée comme si l’urgence avait été déclarée. Autrement dit, ce serait la dernière fois que le texte serait examiné dans notre hémicycle.

Vous avez fait deux réponses, monsieur le ministre, et je vous en sais gré.

La première nous a plutôt plu, puisque vous nous avez indiqué que ce n’était pas souhaitable et que cela ne se ferait pas.

M. Bernard Deflesselles. Ce n’était pas aussi clair !

M. Marc Le Fur. Dans votre seconde réponse, vous avez indiqué avec la même justesse que vous ne pouviez pas vous engager pour autrui, puisque par définition cette décision relèvera de la seule majorité sénatoriale. Cela crée une difficulté pour nous : est-ce la dernière fois que nous examinons ce texte ? Les titres éloquents de la presse – « naufrage », « Titanic » – montrent bien qu’il existe beaucoup de difficultés de rédaction. Peut-être les exagérons-nous, mais convenez que vous ne les minorez pas. Mme la ministre elle-même a expliqué que la formule de l’article-balai n’était pas une solution qu’elle avait initialement préconisée. Et l’avis du Conseil d’État a mis en avant les difficultés liées au recours à une telle formule avant même qu’elle ne soit mise en œuvre.

Monsieur le ministre, nous voulons être rassurés : nous voulons une deuxième lecture qui ne porte pas à la marge sur un seul article, mais qui soit exhaustive et nous permette de retravailler tous ensemble. Cela prendra du temps, nous le savons bien, mais c’est nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3731.

M. Xavier Breton. Je voudrais profiter du fait que Mme la ministre de la famille veuille bien participer à nos débats pour l’interroger sur un autre point.

Il est dommage que nous n’ayons pas eu de débats publics qui auraient permis à toutes les Françaises et à tous les Français de débattre de ces sujets passionnants, notamment de nos conceptions de la filiation et de la famille. Nous allons pouvoir un peu creuser ces questions à partir des éléments que Mme la ministre nous a indiqués car chacune de ses interventions recèle une mine d’informations passionnantes qui nous permettent d’échanger même si nous avons des conceptions opposées.

Toutefois Mme la ministre n’est pas revenue sur l’assistance médicale à la procréation. Est-ce une fiction, comme l’a indiqué Mme la garde des sceaux, ou pas ? Des dizaines de milliers de couples qui y ont eu recours attendent votre réponse. Pour nous, il ne s’agit ni d’une fiction juridique ni d’une fiction psychologique. Il nous paraît grave d’employer un tel mot quand il s’agit, non de principes éthérés du droit, mais de la vie des femmes.

Je vous invite donc, madame la ministre, à nous donner votre avis si vous en avez un.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4162.

M. Hervé Mariton. À partir de l’alinéa 12 de l’article 4, il s’agit d’une sorte de nouvel article-balai, qui concerne un ensemble de dispositions sur la propriété.

L’article 731, qu’il s’agirait de retirer de l’amendement-balai, porte sur les successions. Il est rédigé de telle sorte, à dire vrai, que cela ne change pas grand-chose qu’il soit ou non soumis à l’amendement-balai.

Il n’y a donc pas de difficulté particulière à soutenir cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Vous avez affirmé, madame la ministre, que l’expression « faire famille » était maintenant admise. Pour nous, « faire famille » ne veut rien dire, car c’est une notion extrêmement vague. En revanche, vous aviez dit précédemment, et cela a beaucoup plus de valeur, que les couples homosexuels et hétérosexuels font famille de la même façon « grâce à la PMA ».

Nous en revenons ainsi au cœur du sujet qui nous préoccupe : il existe en effet une approche différente dans la manière de fonder la famille, car nous sommes inquiets des dérives possibles de la PMA et de la GPA. Sur ces points-là, vous ne nous avez pas répondu, puisque vous vous contentez de dire que « nous verrons après ». Or, nous voyons bien qu’il fallait voir avant !

Nous en revenons toujours à cette critique fondamentale, qui justifie que l’on débatte systématiquement de la notion de « père et mère », et qui porte sur la méthode.

Sur le plan juridique, de nombreuses zones de flou existent. Un travail en amont aurait dû être effectué au préalable sur cette question – comment fait-on famille ? – plutôt que d’affirmer, comme vous le faites, que l’on fait famille « grâce à la PMA », ce qui nous pose un problème éthique grave.

Ensuite, des questions de fond se posent sur le plan de l’intime, à la différence du plan juridique qu’il faut combiner avec l’intime. La démonstration en avait été apportée sur les bancs de la gauche par M. Azerot, lequel avait expliqué de façon éblouissante que l’enfant ne devait pas devenir un objet.

(Les amendements identiques nos 2138, 2418, 2698, 3731 et 4162 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2265.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet article est traité dans le même esprit que la question de la succession. Comme pour un certain nombre d’articles précédents, il n’y a pas lieu de lui appliquer le « balayage » opéré par cette partie de l’article 4, puisque les différents termes concernés par ce balayage n’apparaissent pas dans le texte de l’article du code civil.

L’amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2440.

M. Philippe Gosselin. Je reviens sur cet élément important du titre VII sur la filiation, qui n’est pas englobé dans l’amendement-balai – le fameux article tour de passe-passe qui croit faire disparaître les termes « père et mère », ou s’y emploie du moins avec un peu d’habileté, mais ne réussit pas totalement à convaincre.

L’article 310 dispose : « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. ». Cet article n’étant pas modifié par l’amendement-balai, je souhaite, m’appuyant encore une fois sur la tribune dont j’ai donné lecture lors de mes interventions précédentes, que Mme la garde des sceaux m’explique comment elle parviendra à concilier la situation des enfants adoptés par des couples de même sexe en adoption plénière avec les « rapports avec leur père et mère » prévus par les dispositions relatives à la filiation.

Par ailleurs, comment peut-on concilier cela avec des éléments essentiels du droit civil de la filiation, alors que ce texte pourrait contrevenir au droit public international ? Il existe clairement un risque d’inconstitutionnalité de l’adoption plénière, telle qu’elle est présentée aujourd’hui. L’adoption plénière étant en outre intimement liée au mariage, l’inconstitutionnalité de l’un entraînerait l’inconstitutionnalité de l’autre.

J’aimerais vraiment sur ces questions, que je pose depuis trois jours, obtenir des réponses précises, parce que les difficultés sont réelles.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3867.

M. Xavier Breton. La filiation est au cœur de notre texte, même si le Gouvernement a essayé de le cacher par manque de courage. En effet, le titre, qui devait être « ouvrir le mariage et l’adoption » – donc, la filiation – « aux couples de personnes de même sexe », est devenu simplement « le mariage », et ce alors même qu’il concerne bien la filiation.

Je voudrais revenir sur les propos de Mme la ministre de la famille – avec qui les échanges sont rares, mais passionnants – concernant la diversité des modèles familiaux. Personne ne songe à les nier, et nous en connaissons autour de nous. Il n’y a donc aucun problème – personne n’a le monopole de ce sujet.

En revanche, je trouve que la notion de « faire famille » relève d’une vision très prométhéenne de la famille. Quelles en sont les limites, en termes de nombre, d’âge, etc. ? Avez-vous des limites au « faire famille », madame la ministre ?

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4974.

M. Hervé Mariton. Dans son intervention, notre collègue Gosselin a souligné un progrès – qui aurait pu répondre à un certain nombre des problèmes auxquels nous cherchons à apporter une solution, mais que le Gouvernement a choisi de rejeter – dans la distinction plus explicite faite entre l’adoption plénière et l’adoption simple.

Le présent amendement, qui concerne un chapitre sur les droits des parents en l’absence de conjoint successible, précise que la loi ne distingue pas selon les modes de filiation. J’ai évoqué tout à l’heure cette situation nouvelle qui veut qu’un enfant adopté par un couple de même sexe saurait nécessairement qu’il est adopté, alors qu’un enfant adopté par un couple de sexes différents, lui, pourrait ne pas le savoir.

Mme la ministre de la famille me répond qu’aujourd’hui tous les psys disent qu’il est préférable de le savoir. J’entends bien ; mais il existe une petite différence entre une obligation, tant légale que de fait, d’une part, et les conseils d’un psy, d’autre part.

J’ajoute qu’aujourd’hui, les parents ont le choix du moment et de la manière de faire. Quand bien même cette nouvelle approche des psys triompherait, il n’en demeure pas moins que certains parents seront dans l’obligation immédiate et instantanée de révéler l’adoption quasiment dès le début, tandis que d’autres pourront, dans le dialogue avec l’enfant et avec le psy, choisir le moment et la manière.

Il y a là une grande inégalité. Dans un cas, il s’agit d’un fait brutal imposé par la situation créée par le texte ; dans l’autre, les parents sont libres de la manière et du moment.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Vous devriez poursuivre votre raisonnement jusqu’au bout !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dire que vous vous plaignez que je ne vous réponde pas, monsieur Mariton, alors que je passe mon temps à cela ! Non seulement je refais sans cesse les mêmes réponses, mais je vous réponds en droit, ce que vous refusez d’entendre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je vous en prie, mes chers collègues !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En tout cas, le fait que vous vous répétiez ne change rien à la réalité ! Mais permettez-moi de répondre d’abord à M. Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Vous allez encore vous fâcher !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député, j’avais vraiment l’impression d’avoir répondu, à plusieurs reprises, à votre question concernant l’article 310, particulièrement le 310-3. Ce n’est d’ailleurs pas qu’une impression : c’est une certitude !

Je répète donc que le 310 se trouve dans le titre VII.

M. Philippe Gosselin. Justement : il est exclu de l’article-balai !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pourquoi est-il dans le titre VII ? Parce qu’il concerne la filiation – et j’ajoute même la filiation « biologique », car le code civil ne le précise pas : il s’agit de la filiation qui concerne les couples hétérosexuels.

Cet article n’est de ce fait pas concerné par la disposition interprétative car il ne concerne que les couples hétérosexuels. Je ne comprends donc pas pourquoi, depuis trois jours, vous tenez absolument à lier cette disposition aux couples homosexuels.

M. Philippe Gosselin. Je vous l’expliquerai à nouveau.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne le sais que trop que vous allez à nouveau me poser la question !

M. Philippe Gosselin. J’essaierai de vous la présenter autrement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pourtant pas une recette gastronomique !

Les enfants adoptés par des couples homosexuels sont quant à eux soumis à l’article 354 du titre VIII, qui établit les conditions de transcription du jugement d’adoption dans les actes d’état civil.

Je n’arrive donc pas à comprendre votre question. J’ai presque envie de vous dire, avec amitié, que vous avez décidé de camper dans le 310 ! Cela fait trois jours que vous ne voulez pas en sortir ! Plus je vous répète que le 310 concerne le titre VII sur la filiation, plus vous vous agrippez au 310 !

M. Xavier Breton. C’est que vous n’êtes pas assez persuasive !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le 310 concerne les familles hétéroparentales ; mais pour les familles homoparentales, il faut se référer au 354, qui se trouve dans le titre VIII !

Concernant l’exequatur, monsieur Poisson, dans l’état actuel du droit, je vous répondrai, comme à M. Gosselin qui m’a également interrogée sur ce sujet, que la Cour de cassation a refusé avec raison de transposer un jugement d’exequatur, puisque l’état actuel de notre droit ne le permet pas. Lorsque l’état de notre droit le permettra, l’exequatur sera alors reconnu et donc exécuté, en application des engagements que la France a contractés avec d’autres pays.

Je répondrai maintenant à la question posée par M. Breton – je sais bien que ce dernier reviendra sur le sujet même si je lui réponds puisque c’est ainsi que les choses fonctionnent depuis une semaine. (Sourires.)

Ce n’est faire injure à personne que de répéter que l’assistance médicale à la procréation relève d’une fiction juridique. D’ailleurs, vous avez vous-même reconnu l’existence de cette fiction juridique, à condition qu’il y ait une adhésion psychologique. M. Fasquelle a ajouté une condition de vraisemblance – que M. Poisson a répétée avec insistance.

Je rappelle encore une fois que, dans les cas d’assistance médicale à la procréation, la fiction juridique existe. Elle est en outre encadrée par le droit, car le code civil précise que le donneur ne peut se prévaloir de son don pour revendiquer la filiation.

M. Hervé Mariton. Mais si c’est le père ? Neuf fois sur dix, il s’agit du père !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’arrête pas de dire que cela ne concerne que les cas de tiers donneurs, monsieur Mariton !

M. Hervé Mariton. Alors précisez-le !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais je le précise depuis mon premier propos ! C’est quand même inouï !

M. Hervé Mariton. Non !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais si ! Vous pouvez tous le vérifier ! Heureusement, les débats sont publics. Mais cela ne vous empêchera pas de revenir dix fois dans la nuit sur ce sujet, et encore pendant le week-end !

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous ne sommes pas comme ça ! (Sourires.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quand on lira le compte rendu, on pourra en faire un sketch !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je le répète, ce n’est faire injure à personne que de parler de fiction. Cela souligne au contraire une double générosité : celle du donneur, qui consiste à donner au couple infertile la possibilité de procréer, et celle des parents qui élèvent cet enfant en sachant qu’ils le doivent au don généreux et altruiste d’une tierce personne.

Voilà en quoi il s’agit d’une fiction juridique : en disposant très formellement que le donneur ne pourra réclamer aucun droit de filiation, le droit organise la sécurité de cette fiction. Je ne vois vraiment pas quel problème cela pose. Mais j’attends tout de même la prochaine question sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Ne les relancez pas, madame la garde des sceaux ! (Sourires.)

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Puisque nous sommes à nouveau dans un long cycle d’amendements répétitifs groupés par séries de cinq ou six, j’informe nos concitoyens qui sont dans les tribunes et ceux qui nous regardent sur Internet qu’il nous reste encore 1 693 amendements à examiner, dont seulement 138 réellement différents. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand.

M. Alain Moyne-Bressand. Madame Narassiguin, c’est le jeu de la démocratie que de pouvoir s’exprimer et nous continuerons à le faire.

M. Philippe Cochet. Et nous sommes en pleine forme !

M. Alain Moyne-Bressand. Ces amendements ont pour objet de clarifier des textes compliqués, flous. Après avoir écouté Mme la ministre, on a bien vu que les interrogations étaient nombreuses en matière de filiation.

Tout à l’heure, j’ai proposé que le Conseil supérieur du notariat puisse donner son avis sur tout ce qui concerne les successions, les filiations. Nous regrettons en effet que ce texte n’ait pas été travaillé en amont par les états généraux de la famille, par le Conseil d’État et par le Conseil supérieur du notariat.

Voilà pourquoi je soutiens ces amendements.

(Les amendements identiques nos 2265, 2440, 3867 et 4974 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Madame Narassiguin, je vous informe que depuis vingt et une heures trente nous avons examiné 127 amendements.

M. Bruno Le Roux. Ils étaient identiques, mais bravo quand même !

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2271.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement est défendu.

Je veux cependant profiter de l’occasion qui m’est donnée pour rappeler quelques souvenirs que nous avons vécus les uns et les autres. Certes, je ne peux pas reprocher à Mme Narassiguin de ne pas les avoir vécus directement puisqu’elle nous a rejoints il y a quelques mois seulement.

M. Pouria Amirshahi. C’est mesquin !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je fais notamment référence – événement auquel j’ai assisté alors que je n’étais pas très loin de la place qu’occupe M. Binet aujourd’hui – aux 11 000 amendements qui avaient été déposés sur le texte relatif à la réforme des retraites.

M. Bernard Deflesselles. On était là !

Mme Sandrine Mazetier. Nous, on en est fiers !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne vois donc pas pourquoi, madame Mazetier, vous nous reprochez aujourd’hui de défendre jusqu’au bout les amendements que nous avons déposés.

Mme Sandrine Mazetier. Notre cause était juste ! Et l’on n’a pas toujours respecté mes droits à l’époque !

Mme la présidente. Monsieur Poisson, veuillez poursuivre. Mme la vice-présidente Mazetier connaît trop le règlement pour ne pas vous laisser parler.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est pour cela que je sais qu’elle m’écoutera, et je l’en remercie.

J’ai alors dû subir comme quelques autres de mes collègues la présentation de milliers d’amendements, tous répétitifs également. La seule chose qui les différenciait était le nom du premier signataire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais si monsieur Le Bouillonnec ! Vous en aviez signés et parfois vous en avez défendus !

Je veux bien qu’on nous fasse le coup de l’indignation, de l’amnésie, de l’obstruction, mais nous sommes tous d’accord pour dire que c’est une manière pour l’opposition de s’exprimer. Le président de la commission des lois a été cité à cet égard, pas plus tard qu’hier dans cet hémicycle, et il faut le remercier pour sa clarté.

En tout cas, cela ne m’empêche pas de défendre cet amendement.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires familiales et sociales. Voilà une intervention pour le moins capitale !

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2441.

M. Philippe Gosselin. Je vais essayer d’expliquer autrement les choses pour trouver le moyen de me faire comprendre.

Le mariage de personnes de même sexe aura pour conséquence l’établissement d’actes de naissance dont les parents seront deux femmes ou deux hommes. Cela révèle immédiatement l’existence d’une adoption plénière alors que la substitution de filiation n’est pas identifiable pour une adoption par un homme et une femme.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Quelles conséquences en tirez-vous ?

M. Philippe Gosselin. Que c’est discriminatoire, sauf à modifier les articles 310 et subséquents du code civil. Mais comme vous avez fait le choix de ne pas toucher à la filiation, tout cela ne tient pas la route.

Telle que vous la présentez aujourd’hui, l’adoption encourt de grands risques d’inconstitutionnalité.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Voilà un raisonnement tortueux !

M. Philippe Gosselin. Non, c’est un raisonnement juridique. Cela montre que l’amendement-balai n’a pas résolu un grand nombre de questions. Cela me rappelle une réplique dans un film bien connu : « C’est très tordu mais bougrement intelligent ». Réfléchissez quand même avant que Pignon ne revienne à la charge !

M. Bernard Deflesselles. Le Pignon du dîner de Cons !

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2883.

M. Marc Le Fur. Je veux demander à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement s’il y aura ou non une deuxième lecture dans cette Assemblée. Pour qu’il y en ait une, il ne faut pas en effet que le texte soit adopté conforme par le Sénat.

Ce n’est pas pour permettre à l’opposition de s’exprimer que nous voulons une deuxième lecture, mais pour peaufiner le texte. C’est parce que l’avis du Conseil d’État précise que la disparition des termes « père et mère » et « mari et femme » pose des problèmes de fond. Le Gouvernement n’a consenti un tel parti rédactionnel qu’en raison de la diversité des situations appréhendées par la loi lorsqu’elle emploie ces termes, cette diversité lui ayant paru faire obstacle à l’application d’une simple grille de lecture transversale – c’est l’option prise par l’amendement de la commission qui a abouti à l’article-balai.

Par anticipation, le Conseil d’État a dit, et c’est une bonne chose, qu’il faut être explicite, que le lecteur du code civil doit pouvoir lire la loi. Or avec l’amendement-balai il ne le pourra pas puisqu’il devra se référer en permanence à une forme de note de bas de page. Il y a bien un vrai risque d’inconstitutionnalité.

Il faut donc pouvoir réexaminer le texte à l’occasion d’une deuxième lecture. Voilà pourquoi il faut absolument que le texte ne soit pas voté conforme par le Sénat.

Ce raisonnement me paraît imparable,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Il l’est !

M. Marc Le Fur. …et je remercie par avance le ministre de me répondre.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3868.

M. Xavier Breton. Madame la garde des sceaux, je vous remercie sincèrement pour votre réponse, si tant est que vous vouliez bien accepter ma sincérité.

Soit vous vous étiez mal exprimé, soit c’est nous qui avions mal compris. En tout cas, on voit bien que les échanges permettent de s’entendre et je prends acte de votre réponse sur l’assistance médicale à la procréation au sens large avec ou sans tiers donneur.

Je veux revenir sur la réponse faite tout à l’heure par Mme la ministre déléguée chargée de la famille. Nous sommes d’accord, il y a des modèles familiaux divers et nous en connaissons tous autour de nous. Le problème c’est de savoir si les désirs des adultes doivent être sans limite. Pour notre part, nous fixons des limites fondées sur l’altérité sexuelle dans la reconnaissance du mariage puis de la procréation. Nous avons aussi des limites historiques en matière d’âge, de liens de parenté, etc. Pour votre part, quelles limites donnez-vous au « faire famille » ?

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4977.

M. Hervé Mariton. Cet amendement concerne l’ordre des héritiers. J’appelle votre attention, madame la garde des sceaux, sur le fait que la multiparenté qui répond à votre vision politique des familles crée des schémas complexes qui impliquent tant de personnes qu’à un moment ce n’est même plus la peine de s’interroger sur l’ordre des héritiers. C’est la notion même d’héritage qui disparaît dans une parenté complexe.

Pour que l’héritage soit légitime, il faut partir d’un principe linéaire. Mais la réalité de la vie fait que la loi a prévu que l’ordre des héritiers soit plus compliqué que simplement entre le père ou la mère et les enfants.

La parenté complexe sort de ce principe simple. Quand il y a beaucoup de parents, quand le lien est distendu entre les parents et les enfants du fait des schémas compliqués que vous appelez avec le présent projet et sans doute avec d’autres comme celui sur la famille, je crains que ce soit la notion même d’héritage qui disparaisse. Je ne m’accorde pas tout à fait avec les préventions libérales d’un certain nombre de mes collègues, mais votre projet est fondamentalement individualiste et matérialiste. L’enfant répond à un désir d’enfant, mais la notion d’héritage n’a plus beaucoup de sens s’il n’y a pas de lignée. Or c’est la lignée qui justifie l’héritage.

En réalité, c’est la notion même d’héritage que votre vision de la famille détruit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Je veux répondre à M. Le Fur qui m’a posé la même question à deux reprises, ce qui m’a laissé le temps de réfléchir.

Mon choix est simple, monsieur Le Fur : soit je vous réponds d’un point de vue juridique, soit je décide au contraire d’entrer dès à présent dans l’histoire en n’étant plus ministre dès demain. (Sourires.)

Vous demandez en effet au ministre délégué chargé des relations avec le Parlement si le présent texte sera voté conforme par le Sénat. Si je vous réponds oui, ma carrière s’arrête là et elle ne marquera pas plus avant l’histoire. Je vois à votre sourire, monsieur Le Fur, que vous avez vous-même conscience des conséquences de votre question ! (Sourires.)

La seule chose que je peux vous dire à ce stade, c’est que le Gouvernement a écarté l’urgence sur ce texte et que dans notre calendrier, nous avons prévu deux lectures. Bien entendu, le Sénat est libre de faire ce qu’il veut, et je n’ai pas de commentaire à faire en la matière au nom de la séparation des pouvoirs. Simplement, j’ai une conviction, que vous pouvez déduire de mes propos. Sur un texte d’une telle importance, nous irons naturellement jusqu’au bout de la procédure législative.

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, nous souhaitons vous garder !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Merci !

Les amendements identiques nos 2271, 2441, 2883, 3868 et 4977 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1989.

M. Marc Le Fur. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse. Je comprends bien que vous ne puissiez pas prendre d’engagement, même au nom du Gouvernement, si ce n’est d’aller au fond des choses pour aboutir à un meilleur texte s’agissant notamment de l’adoption simple – je ne parlerai pas de l’article 1er car il est éminemment politique. Nommer des adoptés simples va devenir très compliqué avec toute cette série possible de noms.

Les précisions que vous avez fournies sont nécessaires car, je le répète, ce texte a été insuffisamment préparé en termes d’auditions, de débat public, sachant par ailleurs que le président Jacob n’a pas obtenu satisfaction concernant sa demande de commission spéciale.

C’est d’autant plus bête que l’audience télévisuelle de nos débats démontre l’intérêt de l’opinion : si on avait su créer un vrai débat – qu’il soit ou non tranché en votre faveur –, notre démocratie en aurait été grandie. Je regrette vraiment que, partant d’une pétition de principe qui n’était qu’un slogan de campagne, vous ayez voulu aller vite plutôt que susciter le débat. Peut-être était-ce pour des raisons politiciennes, pour masquer de vraies difficultés – je ne vous fais pas un procès d’intention, mais on voit bien que vous en traversez quelques-unes aujourd’hui. La famille méritait ce débat. Il a fallu deux ans pour rédiger le code civil. On pouvait se donner un petit peu de temps.

Mme la présidente. L’amendement n° 1989 de M. Jean-Frédéric Poisson est défendu.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2392.

M. Philippe Gosselin. Vous m’obligez, madame la garde des sceaux, à revenir sur mes explications, mais c’est après tout un devoir de législateur. Je pense cependant qu’aussi bien vous-même que votre cabinet avez compris – ce n’est pas possible autrement.

Puis-je vous inviter à repartir de la base ? Nous sommes bien d’accord, l’adoption plénière a pour fondement la loi de 1966. Or, que nous dit cette dernière ? Que l’adoption plénière est calquée sur la filiation biologique puisque la substitution est complète.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Nous sommes d’accord.

M. Philippe Gosselin. Les deux arrêts d’exequatur du 7 juin 2012 que j’évoquais mercredi et encore hier, visent l’article 310 du code civil ; Or, il ne s’agit pas en l’occurrence des conditions de l’adoption, mais de celles de la filiation, la loi de 1966 ayant expressément prévu que l’adoption plénière était calquée sur la filiation biologique.

Au nom de l’égalité, vous avez à de multiples reprises, depuis des semaines et des jours que nous sommes réunis ici, refusé toute alliance civile ou tout contrat civique, ne mettant en avant que le mariage pour tous. Tel était votre slogan : mêmes droits, mêmes devoirs !

Mme la présidente. Merci, monsieur Gosselin.

M. Philippe Gosselin. J’y reviendrai, madame la garde des sceaux, à l’occasion d’un prochain amendement.

Mme la présidente. Sur les amendements nos 1989 et identiques, je suis saisie par le groupe Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3654.

M. Xavier Breton. Je souhaite poursuivre le dialogue que nous avons avec Mme la ministre de la famille sur la diversité des modèles familiaux. Si nous sommes d’accord s’agissant de leur diversité, nous avons un problème avec l’expression « faire famille ». (« Encore ! » sur les bancs du groupe SRC.) Qu’entendez-vous, madame la ministre, par « faire famille » ? Avec l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes du même sexe, existe-t-il des limites à ce « faire famille » ? Je vous ai déjà posé la question : est-ce que les désirs des adultes doivent avoir ou non des limites ? Si oui, lesquelles ?

Je prolongerai ma question, sans vouloir faire de la répétition. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe SRC.) Mes chers collègues, nous faisons acte d’approfondissement.

Madame la ministre de la famille, est-ce que, selon vous, l’État a à juger de la manière de « faire famille » ?

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4001.

M. Hervé Mariton. Il s’agit ici de la succession des enfants à leurs père et mère. Le Gouvernement semblait à cet égard un peu perplexe lors de ma dernière intervention, mais quand vous avez un père, une mère et des enfants – notre vision un peu simplette selon vous de la famille –, on sait qui est héritier. On est à plein dans la légitimité de la succession. En revanche, en compliquant les schémas avec ce que vous appelez les « beaux-parents », vous répartissez d’autant le patrimoine, fragilisant ainsi la logique successorale si bien qu’à un moment, quand il y a beaucoup d’héritiers, il n’y a plus d’héritier. Pas uniquement parce que vous divisez l’héritage entre un grand nombre de personnes, mais parce que la légitimité même de la succession disparaît.

J’ai cité le laboratoire d’idées du PS. Quand on a beaucoup de parents, posez-lui cette question : à quels parents doit-on l’obligation alimentaire ? Il répondra : les deux premiers dans l’ordre chronologique.

D’une manière semblable, en compliquant le schéma parental, vous vous retrouverez en matière d’héritage avec des problèmes de compensation entre les différents parents et à des schémas si compliqués à résoudre qu’ils feront la fortune des notaires. Et l’idée même de l’héritage devenant plus fragile, le législateur se sentira beaucoup plus légitime à aggraver la fiscalité. La société ne comprendra pas alors très bien pourquoi avec le droit d’adopter c’est l’héritage qui disparaît.

Puis-je vous rappeler par ailleurs, madame la garde des sceaux, que vous n’avez pas répondu à ma question sur l’inégalité entre parents d’enfants adoptés selon qu’il s’agit de couples homosexuels ou hétérosexuels ? Autant le couple homosexuel n’a pas le choix du moment auquel, dans sa relation à l’enfant, il lui explique sa parenté, puisque l’annonce lui est imposée, autant le couple hétérosexuel s’il a sans doute l’obligation psychologique de donner l’information, a au moins le choix du moment. Cette inégalité est soulignée par l’avis du Conseil d’État et elle lui paraît grave : elle justifie une réponse du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Indépendamment de ces amendements, sur lesquels la commission a émis défavorable, je souhaite participer à l’effort d’explication concernant l’interrogation de M. Gosselin.

M. Bernard Deflesselles. Ce n’est pas gagné !

M. Erwann Binet, rapporteur. L’article 310 du code civil dispose : « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d’eux. » Notre collègue estime que dans ces conditions il n’est pas applicable aux couples de même sexe puisque le titre VII est exclu de l’article-balai. Or il est rendu applicable à la filiation adoptive par l’article 358 selon lequel « L’adopté a, dans la famille de l’adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu’un enfant dont la filiation est établie en application du titre VII du présent livre.» Tous ces enfants, y compris ceux qui sont dans des familles homoparentales, se verront donc appliquer l’article 310. Je ne vois pas où est le problème.

Avis défavorable sur les amendements.

M. Philippe Gosselin. La jonction des deux n’est pas bonne, mais nous aurons fait notre travail de législateur !

M. Jacques Pélissard. Nous ne sommes pas des lanceurs d’alerte, mais presque !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je souhaite répondre à M. Mariton qui s’inquiète des incidences de ce texte sur le droit des successions, plus précisément du fait que plus il y a des formes de filiation différentes, plus le patrimoine risque de se diviser, selon la formule de droit ancienne : plus il y a d’héritiers, moins il y a d’héritage. Je suis un peu surpris par sa démonstration. Elle a en effet présidé à ce qui a probablement été l’un des plus gros scandales souvent oublié du droit de la famille en matière d’héritage, je veux parler des droits du conjoint survivant. Il est en effet extraordinaire qu’il ait fallu attendre 2001 pour que le conjoint survivant, au sein de ces couples qui font des enfants et dont vous faites une sorte de modèle idéal, ne soit plus oublié !

M. Bernard Roman. La proposition Vidalies !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Jusqu’à cette date, il passait en effet après les frères et sœurs du défunt dans l’ordre de l’héritage. Il n’avait alors pratiquement aucun droit dans la succession. Il a fallu attendre, je le répète, 2001 pour que nous déposions une proposition de loi en la matière. Or ce texte, que j’ai préparé, a dû faire face, non pas dans cette assemblée, mais dans d’autres instances, à une résistance intellectuelle forte fondée sur la notion de protection foncière. Dans ce modèle magnifique de famille que vous évoquez et qu’il faudrait préserver aujourd’hui après avoir traversé notre histoire au cours des siècles, le conjoint survivant avait, en matière de filiation et de patrimoine, surtout le droit, car il s’agissait le plus souvent des épouses, de faire des enfants : quand il s’agissait de leur donner des droits patrimoniaux, elles étaient exclues et renvoyées très loin dans la hiérarchie des héritiers au niveau des cousins germains. Cette vision qui s’est imposée de façon extraordinaire jusqu’en 2001, c’est celle que d’une certaine façon vous reprenez. Heureusement, nous avons changé la loi.

Quant à la démonstration sur la situation différente des enfants, selon que les enfants sont du même lit ou de lit différent, les droits du conjoint survivant ne sont pas les mêmes puisque dans le premier cas – et le législateur a eu bien raison – le conjoint survivant a l’usufruit de la totalité et, dans le second cas, pour ne pas créer un conflit entre lui et les enfants, le quart en pleine propriété. Si les enfants sont à égalité de droit, ils ont bien un traitement juridique différent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Janquin.

M. Serge Janquin. Voilà plusieurs fois que l’on évoque l’expression « faire famille ». Je demande à mes collègues de bien réfléchir à la manière de l’utiliser car, incontestablement, malgré les discours que l’on entend chez certains bons apôtres sur les droits des homosexuels « que l’on respecte », il y a derrière son utilisation l’idée que ces gens-là, mon bon monsieur ils ne peuvent pas faire famille. Cela me fait penser à cette chanson de Jacques Brel : « Faut vous dire, Monsieur / Que chez ces gens-là / On n´cause pas. »

Si, mesdames et messieurs, ces gens-là ça cause, ça vit, ça a des joies et de bonheurs, mais ça a aussi des souffrances et cela à la mesure de ce type d’expression que vous employez. Faites-y très attention.

Cela me fait également penser à la controverse de Valladolid : les esclaves ont-ils une âme ? S’ils n’ont pas d’âme, ils n’ont pas de droits. Au fond, c’est la même question qui est soulevée ici, celle de la dignité du genre humain.

M. Sylvain Berrios. Vous allez trop loin !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Allons jusqu’au bout de cette expression « faire famille ». Tout à l’heure, je parlais de son utilisation par des sociologues, mais même dans les milieux chrétiens c’est une expression qui est utilisée. Depuis longtemps, certains considèrent en effet que la famille n’est pas simplement le lieu du maintien d’un ordre social, mais que les familles, y compris les familles chrétiennes, sont traversées par des évolutions de société qui vont bien au-delà de la vision très traditionnelle que l’opposition nous présente depuis des jours et des jours.

Je la mets donc en garde de ne pas être dépassée par ces milieux chrétiens qui estiment que la réflexion sur le « faire famille » doit se faire indifféremment des sociologues.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 1989, 1995, 2392, 3654 et 4001.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 183

Nombre de suffrages exprimés 183

Majorité absolue 92

(Les amendements nos 1989, 1995, 2392, 3654 et 4001 ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Madame la présidente, je demande une suspension de séance au titre de l’article 58 de notre règlement.

Mme la présidente. Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

Mme la présidente. L’amendement n° 1996 de M. Jean-Frédéric Poisson est défendu.

Monsieur Le Fur, je vous vois prêt à défendre l’amendement n° 2001.

M. Marc Le Fur. Toujours prêt, madame la présidente !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est son côté scout ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur. Toute allusion à des organisations de jeunesse serait sans aucun fondement. (Sourires.)

Je n’aime pas l’expression « faire famille ».

Mme Christine Pires Beaune. C’est bien dommage !

M. Marc Le Fur. D’abord parce qu’il vaut mieux ne pas multiplier les formules de ce genre – quand on peut éviter d’employer le verbe faire, ce n’est pas plus mal ; ensuite parce qu’elle donne un tour très artificiel à la famille. Dans ma conception, la famille est également une chose très naturelle et peut prendre des tours divers : on a connu la famille nucléaire, puis la famille clan, la grande famille, etc. Quoi qu’il en soit, revenons au droit naturel : cette expression m’a valu certains ricanements, mais que les ricaneurs se rendent compte que c’est une notion essentielle dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Marc Le Fur. Je l’y ai recensée trois fois : au début de la déclaration : « Les représentants du peuple français […] ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme » ; à l’article II : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme » ; à l’article IV : « La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels, etc. ».

C’est la meilleure façon de résister à l’emprise des autres hommes : le droit naturel est une protection contre les excès de la société, les excès des États,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. Marc Le Fur. …les excès des tiers. Comprenez-le bien : c’est une protection, et directement l’héritage des Lumières. On retrouve la même notion dans les déclarations des colonies américaines rédigées, souvent d’ailleurs dans les mêmes termes, quelques années auparavant. Retenons que cette notion demeure le fondement juridique de notre droit. Ce n’est pas une pétition de principe qui remonte à longtemps ; c’est un élément de la Constitution. Cela implique d’admettre que si la famille est une construction politique et juridique, c’est aussi la nature.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le droit naturel et la loi naturelle, ce n’est pas la même chose.

Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2001 et ceux qui lui sont identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. L’amendement n° 2393 de M. Philippe Gosselin est défendu.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3660.

M. Xavier Breton. Il est effectivement important que nous ayons des échanges sur ce sujet qui est au cœur du projet de loi. Je me méfie, moi aussi, de l’aspect artificiel induit par ce « faire famille », où la famille serait ramenée à une construction. On ne peut pas aller jusque-là. En même temps, je vois bien, madame la ministre déléguée, les évolutions de la famille à travers des parcours personnels ou familiaux, la mutation des valeurs de la société ou encore sous la pression du monde économique. Je vous renvoie au livre de Luc Ferry qui explique fort bien qu’aujourd’hui, celui qui a sûrement le plus intérêt à cette déstructuration des structures familiales, c’est sans aucun doute le monde capitaliste : qui dit familles décomposées et recomposées dit plus de voitures, plus de logements, plus d’équipements, etc. il y a donc un intérêt économique à la déstructuration des familles. Je vous invite tous, chers collègues, à lire ce livre très intéressant. La famille est à coup sûr amenée à évoluer, nous sommes d’accord là-dessus.

La seule question est de savoir quel est le rôle de l’État face à ces évolutions. Doit-il simplement accompagner et valider les évolutions en cours ou doit-il en encourager certaines et surtout fixer des limites et des interdictions : où s’arrête le faire famille ? Au-delà de l’ivresse des mots, il est important d’avoir un cadre politique. Le rôle d’un ministre n’est pas seulement de faire des discours mais c’est également de mettre en place une politique. Quel est, madame la ministre, le cadre dans lequel le faire famille que vous prônez s’inscrira ?

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4013.

M. Hervé Mariton. Il est ici question de la situation particulière où les père et mère sont amenés à hériter de leur enfant. Dans une conception que d’autres ici ont qualifiée de naturelle, on a affaire à un schéma linéaire : l’enfant peut hériter de ses parents et, de manière assez symétrique quoique plus exceptionnelle, les parents peuvent hériter de l’enfant.

Mais qu’en est-il dans l’appréhension qui est la vôtre, la satisfaction donnée au désir d’enfant ? Êtes-vous sûr que la justification du fonctionnement que je viens de décrire joue dans les deux sens ? Si l’on a eu un enfant dans le seul but d’étancher son désir d’enfant, quelle légitimité a-t-on alors à hériter de lui ? Dans le désir d’enfant, vous n’avez pas la même logique de responsabilité.

M. Erwann Binet, rapporteur. Quelle ineptie !

M. Hervé Mariton. Quand vous avez un enfant, vous ne faites pas enfant. Ce n’est pas tant l’exercice d’une liberté qu’une responsabilité. En contrepartie de cette responsabilité, il n’est pas absurde, si par malheur votre enfant décède avant vous, que vous héritiez de lui. Mais dans votre logique, celle du désir d’enfant, je ne vois pas quelle est la base philosophique, en quelque sorte, qui justifierait que l’ascendant – adoptif en l’occurrence et en particulier au sein d’un couple de personnes de même sexe – hérite de lui. Dès lors qu’on s’est borné à épanouir un désir d’enfant, pourquoi devrait-on hériter de ce qui n’a été que la cause de l’épanouissement ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous pourriez parler en français ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet.

M. Philippe Cochet. À ce stade, au bout de dix jours de débats, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le pays compte 10 000 chômeurs supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Seul M. Cochet a la parole !

M. Philippe Cochet. Il se trouve que je suis père de quatre enfants et maire d’une commune de 40 000 habitants.

M. Nicolas Bays. C’est une femme Barbara Gould ! (Sourires.)

M. Philippe Cochet. Il y a quelque chose de scandaleux à continuer à discuter (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP) sur un texte aussi mal préparé…

Mme la présidente. Merci de laisser M. Cochet poursuivre, mes chers collègues.

M. Philippe Cochet. Je vous remercie de m’applaudir parce qu’en tant que père de quatre enfants et maire d’une commune de 40 000 habitants, j’ai fait partie des 61 % des maires de France qui demandent la suspension de ce texte pour que nous puissions enfin travailler sur des sujets qui concernent les Français, c’est-à-dire le chômage ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Eh bien alors, arrêtez !

M. Alexis Bachelay. Retirez donc vos amendements poubelles !

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 2001, 1996, 3660 et 4013.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 150

Nombre de suffrages exprimés 150

Majorité absolue 76

(Les amendements nos 2001, 1996, 3660 et 4013 ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2276.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est la division d’honneur !

Mme la présidente. Allons !

M. Jean-Frédéric Poisson. Détendez-vous madame la présidente, tout va bien. (Sourires.)

Mon amendement porte sur l’article 737 du code civil et il est défendu.

Tout à l’heure, j’avais perdu de vue notre collègue Janquin dans l’hémicycle, il m’en excusera, mais maintenant je le vois, j’en suis heureux.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est normal, nous sommes nombreux !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai que vous êtes si nombreux que l’on peut vous perdre. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Puis-je continuer, madame la présidente ?

Mme la présidente. Continuez, monsieur Poisson, et ne répondez pas.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je n’ai pas répondu.

Mme la présidente. Il n’y a pas de conversations personnelles, mais une seule prise de parole pour tout l’hémicycle. Merci de bien vouloir continuer, monsieur Poisson !

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, madame la présidente. Je voulais profiter de cette défense d’amendement pour m’étonner que nos collègues de la majorité fassent fréquemment référence à l’Angleterre.

Durant les débats de ces derniers jours, nous avons entendu la majorité invoquer la République. Nous avons vu avec quelle énergie et quel enthousiasme elle a voulu absolument ajouter que les cérémonies devaient se faire dans le respect des rites républicains. Comment ne pas les comprendre ?

Vous avouerez dès lors, mes chers collègues, qu’il y a quelque chose de cocasse à vous voir faire référence à ce qui se passe dans une monarchie, certes parlementaire, par ailleurs dotée d’une religion d’État – ce qui ne correspond pas tout à fait à votre modèle laïque, convenez-en –…

M. Serge Janquin. Certes !

M. Jean-Yves Caullet. Et malgré cela !

M. Nicolas Bays. La laïcité est une religion d’État !

M. Jean-Frédéric Poisson. En Angleterre, le mariage civil, c’est-à-dire en dehors de l’église anglicane, représente une infime minorité de situations. Je m’étonne donc de voir nos collègues de gauche prendre ce qui se passe chez nos amis d’outre-Manche comme une référence, car je ne vois pas ce qu’il y a de comparable entre nos deux pays.

M. Yann Galut. Quel argument !

M. Philippe Gosselin. Je viens de l’expliquer, monsieur Gallut. Si vous aviez daigné m’accorder quelques secondes de votre attention, vous l’auriez compris.

M. Serge Janquin. C’est parler pour ne rien dire…

Mme la présidente. Sur l’amendement n° 2276 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2887.

M. Marc Le Fur. Ceux qui veulent s’exprimer dans les rangs socialistes ou écologistes peuvent parfaitement le faire.

M. Bernard Roman. Merci !

M. Marc Le Fur. Il vous suffit de lever la main et la présidente vous donnera très vraisemblablement la possibilité de vous exprimer contre nos amendements. N’hésitez pas !

Je remercie M. le ministre Vidalies pour ses réponses, mais je voudrais revenir sur un sujet majeur : notre demande de référendum qui a été refusée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Baumel. Vous en avez déjà parlé tout à l’heure !

M. Yann Galut. Tous les jours ! Et ça fait dix jours que ça dure !

M. Marc Le Fur. Le référendum, cela ne fait pas dix jours : cela figure dans la Constitution de 1958 et cela a été initié par le général de Gaulle.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça ne lui a pas réussi !

M. Marc Le Fur. Il avait contre lui vos grands anciens, en particulier Monnerville qui l’avait accusé de forfaiture, chacun s’en souvient. Mais nous, nous sommes attachés au référendum parce que nous croyons à la volonté populaire.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Que tenez-vous à la main, un parchemin du Moyen âge ?

M. Marc Le Fur. Le droit naturel est l’une de nos bornes ; la volonté populaire en est une autre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous ne sommes pas omnipotents et, à entendre certains, encore moins omniscients. Au lieu de crier, lisez ce qui se passe… (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Baumel. Bavardage, blocage, obstruction !

Mme la présidente. Laissez M. Le Fur s’exprimer !

M. Marc Le Fur. Madame la présidente, nous avions bien commencé, mais quelques excités se rendent compte qu’ils ont tort, qu’ils sont sur le Titanic au moment où il commence à couler !

M. Philippe Baumel. C’est vous qui coulez !

M. Marc Le Fur. Que dit le professeur Daugeron sur le référendum ? Que les obstacles opposés au référendum ne tiennent pas.

M. Serge Janquin. Nous sommes le peuple souverain !

M. Marc Le Fur. Premier obstacle : c’était dans le programme du Président de la République. Cela n’interdit évidemment pas une option référendaire et ce n’est pas parce que c’est dans le programme du Président de la République que cela doit nécessairement s’appliquer. Nous ferons bientôt la liste de tous les éléments du programme Président de la République qui n’ont pas donné lieu à applications.

M. Philip Cordery. Il nous reste cinq ans !

M. Marc Le Fur. Nous attendons encore un peu, mais nous la ferons. Je reviendrai sur l’article 11 de la Constitution en prochaine semaine…

Mme la présidente. La prochaine fois !

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3869.

M. Xavier Breton. Je voudrais poursuivre le débat avec Mme la ministre de la famille et inviter mes collègues de la majorité à y participer. N’ayant pas eu l’occasion de faire un grand débat public et citoyen, nous le faisons ici. Si vous avez des idées sur la manière de faire famille, allez-y, dites-nous quelles sont vos convictions !

Madame la ministre, j’en étais à l’expression « faire famille ». Je suis d’accord si l’on parle des évolutions de la famille dans l’histoire, sociétales ou socio-économiques, ou des limites à une vision purement prométhéenne, puisqu’il n’y a pas de construction artificielle dans la famille. Accordons-nous donc sur l’expression faire famille.

Dès lors, l’État doit-il poser des limites à ce faire famille ? La réponse que vous aviez donnée dans une interview au magazine Têtu, en août 2012, n’était-elle qu’une transcription de journaliste ? « L’État n’a pas à juger de la manière de faire famille », aviez-vous dit. Maintenez-vous cette phrase ?

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4980.

M. Hervé Mariton. L’article 737 du code civil traite du cas où l’enfant décède après ses père et mère.

Tout à l’heure, le ministre Vidalies a souligné à juste titre que, jusqu’à une époque récente, la situation du conjoint survivant était assez mal traitée par la loi. S’il existait heureusement des formules assez accessibles pour résoudre cette difficulté, la législation actuelle est sans doute préférable.

De la même façon, pour les couples de personnes de même sexe et pour les enfants dont ils peuvent avoir la charge, s’il n’y a pas de réponse automatique de la loi, il y a souvent des réponses permises par la loi afin de veiller aux intérêts de l’enfant et à ne pas léser d’autres héritiers potentiels.

L’automatisme, monsieur le ministre, n’est pas en toute chose la bonne réponse. Je le dis avec beaucoup de constance, mais sans bien convaincre Mme Taubira qui devait pourtant méditer et partager cette réflexion. On ne trouve pas forcément les bonnes réponses dans l’imitation et la duplication.

Oui, les procédures actuelles de droit conférées aux conjoints survivants sont meilleures que celles qui existaient antérieurement. Cependant, l’intervention contractuelle était possible, elle n’était pas si compliquée que cela et elle permettait de régler bien des situations. Nous ne sommes pas passés de la nuit au jour…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas loin !

M. Hervé Mariton. Reste que la situation actuelle est meilleure. Prenons garde toutefois en légiférant dans le domaine des relations familiales qui peuvent être compliquées : s’il faut parfois protéger le faible, on aurait tort d’écarter systématiquement le juge. C’est pour cette raison que j’ai toujours été très défavorable à la déjudiciarisation du divorce, cas typique où le juge est bien le protecteur du faible.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est aussi mon avis.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes d’accord sur ce point !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je constate que le magazine Têtu voit son nombre d’abonnés augmenter, c’est intéressant !

M. Alexis Bachelay. Mariton fera la couverture le mois prochain !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’État doit reconnaître et protéger tous les modèles familiaux qui sont respectueux des valeurs de la République, et ce sont elles qui mettent les limites. C’est pourquoi tout votre discours sur la polygamie, l’inceste, etc. ne tient pas, pour la bonne raison que ces pratiques sont contraires aux valeurs de la République.

Nous n’avons pas à intervenir ensuite puisque ce sont nos concitoyens qui décident de divorcer, de se remarier, de se pacser, de se dépacser puis de se marier. L’État n’a pas à dire si c’est bien ou pas, mais à mettre du droit, de la protection, de la sécurisation juridique. Je le répète : l’État doit reconnaître et protéger tous les modèles familiaux respectueux des valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Madame la ministre de la famille, je souhaiterais que vous m’indiquiez exactement comment est organisé le test qui permet de s’assurer que les modèles familiaux sont respectueux des valeurs de la République. Nous les avons tous en partage, en tant que citoyens. Vous êtes dans une présentation un peu animiste des choses : autant je comprends qu’un citoyen ait le respect des valeurs de la République, par responsabilité, choix, engagement, autant il faut m’expliquer ce qu’est un modèle familial respectueux de ces mêmes valeurs. À quels tests allez-vous soumettre les modèles familiaux pour vous assurer qu’ils sont conformes aux valeurs de la République ? Vous avez une appréhension un peu curieuse des choses…

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n os 2276, 2887, 3869 et 4980.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 165

Nombre de suffrages exprimés 165

Majorité absolue 83

(Les amendements n os 2276, 2887, 3869 et 4980 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1999.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai oublié de saluer l’arrivée au banc des commissions du vice-président Le Bouillonnec. Je l’en remercie.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça fait un moment qu’il est là !

M. Christian Jacob. Avant, il était à sa place, maintenant il est au banc !

M. Jean-Frédéric Poisson. Et je salue son arrivée au banc, madame la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Au banc de Poisson… (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Elle est amusante, celle-là ! J’espère que le compte rendu l’aura notée !

Mme la présidente. Si M. Poisson pouvait intervenir sur le fond, cela nous éviterait de perdre du temps.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis tellement ravi de voir mes collègues s’égayer un peu, madame la présidente !

Mme la présidente. Laissez les bancs de poissons à leurs auteurs ! Veuillez continuer.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous progressons : la question sur les exequatur a reçu une réponse. En restent trois à ce stade, je les repose : comment les livrets de famille seront-ils libellés ? Comment les actes d’état civil seront-ils écrits ? Comptez-vous, en tirant les conséquences de votre projet de loi, ouvrir aux mineurs la possibilité de signer un PACS ? Voilà les trois questions qui restent sans réponse.

L’amendement n° 1999 est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2008.

M. Marc Le Fur. Je reviens sur la nécessité d’un référendum. Le Président de la République peut prendre cette initiative : l’article 11 de la Constitution le permet.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et c’est reparti !

M. Marc Le Fur. Madame Lemorton, tout se passait bien, que vous arrive-t-il ?

M. Christian Kert. Elle s’est lâchée !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous me mettez de bonne humeur !

Mme la présidente. Monsieur Le Fur, laissez la présidente de la commission des affaires sociales rire toute seule et continuez.

M. Marc Le Fur. Comme elle était prise d’une certaine hilarité…

Mme la présidente. Peu importe, ce n’est pas le sujet.

M. Marc Le Fur. Nous sommes partisans du référendum. Selon l’article 11, le Président peut en prendre l’initiative. La seule véritable raison qu’on nous oppose est que l’article fait référence au social alors que notre sujet est sociétal. Cet argument ne tient pas puisque le mot sociétal est un néologisme qui n’était pas employé en 1958 et pas davantage en 1962, lorsque l’article 11 a été utilisé pour la première fois. En outre, la famille, c’est aussi du social. Ce n’est pas seulement des allocs ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman et M. Yann Galut. C’est affligeant !

M. Marc Le Fur. Qu’est ce qui vous prend, mes chers collègues ? Puisqu’il s’agit de social, cela doit permettre au Président de la République d’envisager de soumettre cette réforme à un référendum. Je n’ai pas eu le temps, j’essaierai de le faire dans les jours prochains, d’aller consulter les travaux préparatoires de la Constitution de 1958, regroupés à l’initiative du constitutionnaliste M. Maus en plusieurs tomes. Nous pourrons voir comment a été rédigé l’article 11 et constater que cet article a fait consensus lors de sa rédaction. Vous êtes les héritiers de Guy Mollet, lui aussi était dans cette affaire : la SFIO existait, il a voté l’article 11 de la Constitution. Mais je comprends que 1956, Guy Mollet, cela vous gêne un peu…

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3663.

M. Xavier Breton. Je veux continuer l’échange avec Mme la ministre déléguée car cela montre l’intérêt d’un véritable débat. On vu que sur l’expression « faire famille », qui suscitait une incompréhension, peut-être de mon fait, nous sommes parvenus à un rapprochement après que Mme la ministre a formalisé la position du Gouvernement.

« L’État n’a pas à juger la manière de faire famille », aviez-vous déclaré au magazine Têtu ; vous venez de préciser : dans les limites du cadre républicain. Nous pouvons nous accorder sur ce point. Je ne vais pas vous embêter en vous demandant si la limitation à deux du nombre de mariés fait partie de ce cadre républicain, quoiqu’on puisse se poser la question : quel est le caractère républicain d’un mariage à deux ? Est-ce à dire que l’altérité sexuelle est un principe fondamental reconnu par les lois de la République ? Qu’est-il posé dans le cadre républicain ? Est-ce le nombre deux sans considération du sexe ? Y a-t-il une considération de sexe ? Il y a matière pour s’interroger sur les limites posées du cadre républicain. J’y reviendrai plus loin.

Mme la présidente. Sur l’amendement n° 1999 et les amendements identiques, Je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 4030.

M. Hervé Mariton. Je reviens sur un point évoqué plus tôt dans la journée qui a donné lieu à une réponse assez vive de Mme la ministre déléguée, mais peu satisfaisante à mon goût : je veux parler de l’évolution de la composition du Haut conseil de la famille.

Vous vous êtes flattée, madame la ministre, de ce que le Haut conseil de la famille était réuni, et c’est effectivement une excellente chose. Mais vous en avez modifié la composition, en diminuant notamment la proportion de représentants des associations familiales au profit d’organisations syndicales ou de groupes représentant telle ou telle catégorie de familles telles que vous les concevez.

M. Christian Assaf et M. Philippe Baumel. Des noms !

M. Hervé Mariton. Cette modification n’est pas le fruit du hasard : la revendication des organisations syndicales est assez ancienne. Il me semble que la composition antérieure, avec une plus forte présence des représentants des associations familiales, correspondait mieux à la fonction même du Haut conseil de la famille. Nous savons, hélas ! quelles peuvent être ses orientations aujourd’hui. Quel qu’ait été le moment de sa nomination, je pense que nous ne sommes, pour l’essentiel, pas tout à fait en phase avec celui qui est aujourd’hui son président.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est vous qui l’avez nommé !

M. Hervé Mariton. Je le sais.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ah !

M. Hervé Mariton. Oui, et ce n’était pas une bonne idée (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC), je le dis comme je le pense. J’ai toujours dit que ce n’était franchement pas une bonne idée, même après avoir discuté avec l’intéressé pour préparer un rapport sur la famille pour le groupe UMP il y a deux ans.

Vous avez donc le président qui convient, mais cela ne vous suffit pas : alors vous changez la composition du Haut conseil. Et probablement aurez-vous ainsi plus facilement son agrément aux réformes que vous souhaitez.

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1999, 2008, 3663 et 4030.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 166

Nombre de suffrages exprimés 166

Majorité absolue 84

(Les amendements n os 1999, 2008, 3663 et 4030 ne sont pas adoptés.)

M. Nicolas Bays. Ils sont de moins en moins nombreux ! C’est une boucherie !

M. Alexis Bachelay. Arrêtez le massacre !

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2892.

M. Marc Le Fur. Je reviens sur le référendum (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Votre refus du référendum témoigne d’une méfiance à l’égard du peuple, ce n’est pas autre chose. Nous, nous faisons confiance au peuple. L’histoire de nos grands anciens démontre que nous en tirons toutes les conséquences, y compris quand cette décision populaire peut être négative comme pour le référendum de 1969.

M. Jean-Yves Caullet. Et le 6 mai, ce n’était pas un référendum ?

M. Marc Le Fur. Vous refusez donc le référendum, vous refusez le peuple. Nous avions introduit dans la révision constitutionnelle de 2008 la possibilité d’organiser un référendum d’initiative populaire sur certains sujets, avec des conditions évidemment, mais nous pensions que le peuple doit pouvoir s’exprimer.

Je me souviens, pour y avoir participé, des débats consécutifs à cette révision en 2011 au terme desquels nous avons voté la loi organique qui permet désormais d’aller vers un référendum d’initiative populaire. Mais celui-ci reste soumis à des conditions relativement exigeantes : un cinquième des parlementaires, un dixième de la population, ce qui constitue une difficulté objective. Je me rappelle les critiques des socialistes à l’époque, M. le Bouillonnec ne me démentira pas, qui les trouvaient trop exigeantes, à tel point que le texte n’est toujours pas adopté au Sénat.

Vous refusez, et c’est grave, donc toute capacité d’initiative du peuple. Le texte de l’Assemblée est désormais au Sénat. Je ne verrais que des avantages à ce que vous me répondiez, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, ne serait-ce que pour corriger certaines des erreurs : je ne prétends pas à la science infuse ni à l’exhaustivité. En tout état de cause, vous considériez que notre texte était insuffisant et malgré cela, vous ne l’avez pas adopté au Sénat, où il ne restera qu’une « petite loi » sans effet tant qu’il n’aura pas été adopté dans les mêmes termes.

Allons plus loin, allons au bout des choses : Démontrez-nous votre volonté de faire adopter un dispositif permettant l’initiative populaire sur certains sujets. Cette initiative doit évidemment être contrainte, limitée et organisée, cela va de soi. De grandes démocraties ont mis en place un mécanisme analogue. La France aune tradition du référendum, héritage du gaullisme.

Mme la présidente. Sur l’amendement n° 3872 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3872.

M. Xavier Breton. Je poursuis mon propos de tout à l’heure sur le « faire famille ». Nous sommes d’accord pour admettre que le « faire famille » est limité a minima par le cadre républicain. Le problème, c’est que ce « faire famille » a une dimension prométhéenne qui va de pair et fait écho à la notion de droits : autrement dit, des droits y sont attachés. Quelles sont les limites qui s’appliquent à ces droits, notamment pour ce qui touche à l’enfant ? Notre cadre républicain permet-il, oui ou non, de limiter un droit à l’enfant ? Si oui, quelles sont ces limites ? Il est important que nous puissions nous accorder sur ces sujets. Vous avez fait le choix de la division quand il faudrait rechercher l’unité de notre pays et la réconciliation pour définir notre conception de la famille et de la politique familiale. Des voies existent, notre échange le prouve. Je répète ma question : quelles sont dans le cadre républicain les limites au « faire famille » qui ouvrent un droit à l’enfant ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Je réponds à M. Le Fur qui a posé une question sur le référendum d’initiative populaire qui faisait effectivement partie de la réforme constitutionnelle. On ne peut pas dire que la loi organique nécessaire pour sa mise en œuvre a été adoptée dans la précipitation : lors de notre arrivée, elle était déjà depuis un certain temps au Sénat sans avoir été inscrite à l’ordre du jour par l’ancienne majorité… Ce temps est révolu, ce texte va venir à l’ordre du jour du Sénat dans les prochaines semaines, et je peux d’ores et déjà vous indiquer que le Gouvernement le regardera dans une démarche positive.

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2892 et 3872.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 167

Nombre de suffrages exprimés 167

Majorité absolue 84

(Les amendements nos 2892 et 3872 ne sont pas adoptés.)

M. Michel Pouzol et M. Jean-Luc Drapeau. Cela baisse, cela baisse ! L’étau se resserre !

Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir éviter de hurler dans l’hémicycle, chers collègues.

M. Alexis Bachelay. On ne hurle pas, madame la présidente, c’est l’émotion !

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2026.

M. Marc Le Fur. Je voudrais revenir sur les questions essentielles de la PMA et de la GPA. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Vous n’avez vraiment rien à dire !

M. Marc Le Fur. PMA et GPA ne sont, au moins théoriquement, pas admis par vous, chers collègues de la majorité. Et pour ce qui nous concerne, sur le plan théorique comme sur le plan pratique, nous sommes contre la PMA et la GPA.

On cite souvent la presse parisienne. Je reprendrai pour ma part un article de Ouest-France, qui pose la question de la PMA et de la GPA, mais qui pourrait aussi concerner la question de l’euthanasie, qui pose la question de la PMA et de la GPA, disais-je, en droit national au regard d’une réalité internationale. C’est, finalement, le sujet qui est au cœur de nos diverses préoccupations. L’auteur de cet article, un dénommé Le Guay – cela ne s’invente pas –, est un philosophe. Son propos est extrêmement intéressant, et je vous en livre quelques extraits : « Le débat sur le mariage homosexuel ébranle les frontières de notre monde juridique. Par principe, le droit énonce ce qui est acceptable ou refusé sur un territoire donné. Il procède d’une certaine idée morale. Ainsi en est-il de la gestation pour autrui. Elle est massivement refusée en France. Or, [c’est une réalité,] des enfants naissent à l’étranger », issus de GPA, des enfants dont les parents sont français. Il y a un problème théorique, il y a aussi un problème pratique qui se pose à l’égard de ces enfants, chacun le comprendra.

Plus loin, l’auteur remarque que les règles touchant à la PMA sont très différentes d’un pays à l’autre, et qu’il en est de même pour le suicide assisté et l’euthanasie.

J’en veux pour preuve ce qui se passe entre la France et l’Espagne, par exemple, pour la PMA. Les règles sont très différentes. On me dit, mesdames les ministres, monsieur le ministre, que vous voulez vous en prendre aux gens qui prônent le départ vers l’étranger, l’utilisation des techniques étrangères. Des articles sont déjà parus dans la presse à ce sujet il y a de cela quelque temps. Nous souhaiterions savoir comment on peut faire. On me donne l’exemple d’un médecin qui travaille en France et qui, quand il doit réaliser un acte interdit chez nous,…

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Le Fur !

M. Marc Le Fur. …renvoie à son cabinet de Barcelone. Cela pose un problème…

Mme la présidente. Merci !

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3664.

M. Xavier Breton. Je crois que l’on peut considérer nos échanges sur le « faire famille » comme provisoirement clos. Je note simplement que nous n’avons pas eu de réponse sur les limites posées au droit à l’enfant dans un cadre républicain. Il faudra que nous revenions sur ce point, mais je ne voudrais pas avoir l’air d’empêcher les débats de progresser. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

J’en viens donc à un deuxième point que vous avez évoqué dans votre intervention de tout à l’heure, madame la ministre déléguée : la question des filiations. Au risque de déplaire à Mme la garde des sceaux en reprenant cette notion de pilier qu’elle méprisait hier,…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai simplement dit qu’il y en avait deux.

M. Xavier Breton. …je maintiens qu’il y a bien plusieurs filiations : une filiation « physiologique », pour reprendre votre terme, et une filiation « sociale ». Derrière le physiologique, il y a le biologique, mais je n’aime pas trop l’idée, je préfère la notion de filiation corporelle. Cela dépasse le seul aspect génétique : cela passe aussi par le corps, notamment par un acte d’amour, par une grossesse, par un accouchement, toutes réalités corporelles.

La filiation que vous dites « sociale » est plutôt à mon sens une filiation affective et éducative, à l’intérieur du foyer ; mais il est une autre filiation sociale, c’est la reconnaissance par la société. On pourrait donc débattre de la question de savoir s’il y a finalement deux ou trois piliers, mais peu importe.

La question qui m’intéresse, madame la ministre, c’est de savoir comment vous articulez ces deux filiations. Sont-elles alternatives, complémentaires, exclusives ? J’aimerais avoir votre avis sur cette question importante filiation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 2026 et 3664.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 159

Nombre de suffrages exprimés 159

Majorité absolue 80

(Les amendements nos 2026 et 3664 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2028.

M. Marc Le Fur. Je reviens à cet article tout à fait passionnant du philosophe Le Guay, paru dans Ouest France.

Comment concilier une règle et des objectifs nationaux avec un monde qui s’internationalise ? La question vaudrait pour de multiples sujets, elle vaut aussi pour la PMA, la GPA et de nombreuses préoccupations de nature éthique.

« Les principes de notre code civil, écrit Damien Le Guay, peuvent-ils s’appliquer aux Français, où qu’ils soient ? De toute évidence, non. Une certaine “délocalisation morale” existe qui autorise ailleurs ce qui est interdit ici. Nous ne pouvons pas interdire ce qui se passe hors de nos frontières. Et les Français, à l’étranger, ne sont pas des citoyens-bulles régis partout par nos seules lois. » Mes préoccupations sont parfaitement expliquées.

« D’où l’émergence d’un “tourisme juridique”, poursuit-il. Faute d’obtenir ici les doits qu’ils réclament, certains les cherchent et les trouvent à l’étranger. » Nous sommes confrontés à cette difficulté : nos règles nationales ne valent que sur un territoire donné, elles ne valent pas pour l’ensemble de des citoyens français : celui qui va à l’étranger, chacun l’imagine, n’est pas suivi à la trace par nos policiers. Se pose donc le problème – M. Le Guay l’exprime très bien – du tourisme juridique.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3665.

M. Xavier Breton. Je continue sur la question des filiations.

Nous entendons bien qu’il y a plusieurs sortes de filiations, qu’elles ont des effets en droit, et pas seulement d’ailleurs ; elles ont des effets sur la construction de chaque personne, chaque famille. Pour que nos échanges progressent, madame la ministre de la famille, ma question est la suivante : la société doit-elle se fixer pour objectif l’unité ou la dissociation de ces filiations ?

(Les amendements identiques n° 2028 et 3665, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2896.

M. Marc Le Fur. Je poursuis la lecture du texte du professeur Le Guay. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

« D’où l’émergence d’un “tourisme juridique”. Faute d’obtenir ici les doits qu’ils réclament, certains les cherchent et les trouvent à l’étranger. Pas de GPA en France ? Ils vont en Inde, aux États-Unis ou en Ukraine. »

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. En Serbie !

M. Marc Le Fur. Avec toutes les conséquences que cela a, avec une attitude à l’égard de ces peuples et à l’égard de ces femmes proprement scandaleuse. Vous le dites : essayez de le traduire dans les faits.

Le professeur Le Guay continue : « Est-ce moral – au sens de l’acceptation par tous des lois communes ? Non. Est-ce possible ? Oui. Devant cette sorte d’incivilité juridique pour convenance personnelle, la question est la suivante : jusqu’à quel point devons-nous accepter la loi commune, la faire nôtre ? Jusqu’à quel point en refuser les conséquences ? » Je trouve que le sujet de la loi commune et de ses conséquences est parfaitement posé.

Je poursuivrai tout à l’heure.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3875.

M. Xavier Breton. Sans réponse de Mme la ministre chargée de la famille, je continue sur les questions de filiation. Je crois important de savoir quel objectif nous visons, ou alors il faut admettre que c’est indifférent, qu’il importe peu que l’on dissocie les filiations ou, à l’inverse, que l’on cherche le meilleur équilibre possible. Il y a plusieurs conceptions, et je crois important que le Gouvernement puisse se situer par rapport à celles-ci.

L’une, la mienne, que je crois partagée sur les bancs de l’opposition, est qu’il faut rechercher une harmonie entre cette filiation physiologique, corporelle, et la filiation sociale. Pourquoi ? Parce que c’est le schéma qui est préférable, parce que c’est celui qui convient le mieux à l’épanouissement des enfants, qui savent qu’ils sont nés de parents, de leurs gamètes, que ce sont cet homme et cette femme qui les élèvent et qui sont reconnus dans la société comme étant leurs parents. Bien sûr, il y a des accidents de la vie, je ne le nie pas, et je ne soutiens pas pour autant que tous les enfants dont la vie s’inscrit dans ce schéma sont heureux.

Simplement, est-ce un schéma préférable, est-ce le schéma sur lequel fonder notre droit ? Nous croyons que oui, car nous pensons que cette unité dans la filiation permet d’éviter des souffrances quand il manque un de ses piliers. Je vous pose donc encore une fois la question : ce schéma d’une filiation qui permette de réconcilier la dimension physiologique, corporelle, la dimension affective, éducative, et une dimension sociale ou juridique est-il, pour vous, le bon schéma ? Ou pensez-vous qu’il faille promouvoir un autre schéma dans notre société ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je voudrais répondre à M. Mariton sur le Haut conseil de la famille, mais il n’est plus là…

Il est quand même assez stupéfiant de voir contester l’introduction d’un collègue « petite enfance » dans le Haut conseil de la famille. Ou alors, que l’on m’explique que la petite enfance ne doit pas tenir une place importante dans notre politique familiale ! Qui peut regretter enfin que les personnalités qualifiées soient un peu plus nombreuses, compte tenu, précisément, de la diversité de nos modèles familiaux et donc des visages très pluriels des familles ?

Je veux rappeler à M. Mariton que le Haut conseil de la famille n’a pas vocation à donner un blanc-seing aux diverses réformes. C’est avant tout un organe de réflexion et de concertation.

Enfin, la façon dont a été mis en cause Bertrand Fragonard…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. C’est honteux !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …est assez choquante, je tiens à le dire. C’est un haut fonctionnaire qui a œuvré de manière très républicaine pendant plus de trente ans, sous tous les gouvernements, au service de la politique familiale. Je trouve ce type de propos particulièrement déplacé.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Absolument !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet.

M. Philippe Cochet. Bien sûr, nous soutenons ces amendements.

Je veux faire comprendre à nos collègues de la majorité que le sujet est grave. Nous discutons de choses sérieuses. Ricaner comme ils l’ont fait plusieurs fois témoigne d’un manque de respect à l’égard du législateur, mais surtout des Français.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et répéter trois cents fois la même chose, c’est quoi ?

M. Philippe Cochet. Alors, mesdames et messieurs de la majorité, un peu de respect pour les Français ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Serge Janquin. Allons !

Mme la présidente. Un peu de calme, mes chers collègues !

(Les amendements identiques nos 2896 et 3875 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2294.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’amendement est défendu, et je voudrais porter au débat le point de vue d’un avocat parisien, Geoffroy de Vries.

M. Yann Galut. Vous savez, les avocats…

M. Jean-Frédéric Poisson. Je note que vous adressez vos salutations à la profession, monsieur Galut.

Voici ce qu’il nous dit à propos de l’argument tiré de la nécessaire protection de l’enfant : « Le mariage et, en conséquence, l’adoption permettraient, selon les partisans du projet, d’assurer aux enfants d’adultes de même sexe une protection juridique inexistante à ce jour. Il n’en est rien.

« Tout d’abord, de quels enfants parle-t-on ? Il ne s’agit pas des enfants dont les deux parents sont connus, et qui vivent avec leur père ou leur mère et le partenaire de même sexe de l’un ou l’autre. Ces enfants-là sont dans une situation de famille recomposée, tout comme ceux de parents divorcés et remariés, à ceci près que le père ou la mère vit désormais avec un compagnon de même sexe. »

« Ces cas ne nécessitent pas de disposition juridique particulière, car l’enfant a toujours un père et une mère, quelle que soit leur orientation sexuelle. Il s’agit d’enfants qui n’ont qu’un seul parent légal et qui vivent avec ce parent et son partenaire de même sexe. Dans certains cas, l’enfant a pu être adopté par son père ou sa mère en France ou à l’étranger. Il n’a qu’un seul parent, bien qu’il soit élevé par sa mère et sa compagne, ou par son père et son compagnon. Dans d’autres cas, l’enfant élevé par sa mère et sa compagne a été conçu délibérément en le privant de père au moyen d’une insémination par donneur anonyme, et ce, à l’étranger et en contradiction avec la loi française, qui à ce jour n’autorise la PMA que pour les couples homme-femme.

« De même, l’enfant élevé par son père et son compagnon et issu d’une femme donneuse d’ovocytes, a été porté par une femme porteuse et a été privé de mère, et ce en contradiction avec la loi française qui interdit le recours aux mères porteuses. »

« Autrement dit, si ces enfants n’ont qu’un seul parent, c’est… »

Mme la présidente. Merci, monsieur Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je continuerai tout à l’heure, madame la présidente.

Mme la présidente. Bien sûr ! Mais pour l’instant, nous en restons là.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2906.

M. Marc Le Fur. Je reprends ce que disait M. Le Guay. L’interdiction de la PMA au niveau national et la libre circulation des populations font apparaître un phénomène de tourisme juridique. Comment serait-il possible de suivre l’ensemble des Français ? Ce qui est vrai de la GPA et de la PMA peut valoir pour d’autres activités, mes chers collègues. Cela pose un problème de fond.

« Devant cette sorte d’incivilité juridique pour convenance personnelle, la question est la suivante : jusqu’à quel point devons-nous accepter la loi commune, la faire nôtre ? Jusqu’à quel point en refuser les conséquences ? Ces petits arrangements avec les interdits nationaux posent problème à notre droit. Certains le font même pour tester des zones grises, et les rendre plus souple. »

Parfois, certaines attitudes militantes mettent en cause la loi nationale, la défient en jouant sur les différences de législations entre pays. Cela pose un problème de fond. Alors, que faire ? Être intransigeant, mais jusqu’à quel point ?

Vous disiez très justement, madame la garde des sceaux, que cette intransigeance pose problème. En effet, la naissance d’un enfant à l’étranger, issu de l’une de ces techniques, d’un parent français, pose objectivement une difficulté, nous ne la nions pas.

Faut-il pour autant être laxiste au point d’accepter les conséquences de ce que l’on interdit par principe ? Accepter les conséquences de principes que l’on réprouve, cela s’appelle de l’hypocrisie. Or c’est l’attitude que nous sommes en train d’organiser à l’égard d’un certain nombre de pratiques. C’est de l’hypocrisie : on affiche un principe sans en tirer aucune conséquence, ni pénale ni de quelque autre ordre que ce soit. Faut-il se résigner, et s’aligner sur le droit des autres pays ? Mais alors c’est le plus libéral qui finit toujours par l’emporter. Suivre cette logique revient à accepter toujours le plus petit commun dénominateur.

Mme la présidente. Merci, monsieur Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je poursuivrai cette démonstration un peu plus tard.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3882.

M. Xavier Breton. Je remercie Mme la ministre de la famille de sa réponse au sujet du Haut conseil de la famille. Je ne lui répondrai pas à la place de mon collègue Hervé Mariton, qui a dû nous quitter, mais je me permettrai de revenir sur le sens de sa question, telle que je l’ai comprise.

M. Mariton ne s’est pas étonné que le Haut conseil de la famille comprenne des représentants pour le domaine de la petite enfance. À aucun moment il n’a prononcé les mots « petite enfance » : vous n’aviez donc aucune raison de vous en scandaliser, madame la ministre. En revanche, vous n’avez pas répondu sur le fait qu’on avait réduit représentation des associations familiales dans la nouvelle composition du Haut conseil de la famille, ce sur quoi portait justement son interrogation.

Je tenais à préciser ce point pour la justesse et la clarté de nos débats.

(Les amendements identiques nos 2294, 2906 et 3882, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2287.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il va continuer sa citation !

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

Je poursuis donc la citation que je tire du Livre blanc des États généraux de l’enfant portant sur le mariage de personnes de même sexe, édité par l’association Cosette et Gavroche : « Autrement dit, si ces enfants n’ont qu’un seul parent, c’est le plus souvent parce qu’ils ont été voulus comme tels par des personnes qui invoquent désormais, au soutien de leurs revendications, cette situation pourtant délibérée, puisqu’il leur a fallu adopter un enfant seul, ou se rendre à l’étranger pour utiliser un procédé interdit par la loi française. »

« Pour autant, et contrairement à ce qu’indiquent les partisans du projet, ces enfants ne sont pas dans une situation de vide juridique. Ils sont tout d’abord égaux en droits avec tout autre enfant. Le droit français ne s’applique pas aux enfants en fonction, notamment, de l’orientation sexuelle des parents, ou des modalités de leur venue au monde. Par contre, le compagnon du père ou de la mère n’a pas de droit automatique sur l’enfant concerné. C’est d’ailleurs normal, puisqu’il n’est pas le parent de l’enfant. Le code civil prévoit pourtant des solutions aux problèmes avancés. Ainsi, grâce à la tutelle testamentaire, le parent légal de l’enfant peut désigner, en cas de décès, son partenaire comme tuteur de l’enfant. La nomination du tuteur se fait de façon simple, soit par une déclaration devant notaire, soit sous forme de testament olographe selon l’article 403 alinéa 2 du code civil. Pour permettre un partage des droits sur l’enfant, le droit civil autorise, depuis une loi du 4 mars 2002, la délégation partage de l’autorité parentale, prévue par l’article 377 du code civil. »

Je continuerai cette citation lors de ma prochaine intervention ; l’amendement n° 2287 est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2444.

M. Philippe Gosselin. J’ai quitté quelques instants l’hémicycle pour vérifier plusieurs éléments, afin de revenir…

Plusieurs députés du groupe SRC. Ah ! (Sourires.)

Mme Annick Lepetit. Cela se voit !

M. Philippe Gosselin. Eh oui, vous nous obligez à donner le meilleur de nous-mêmes ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Dites plutôt le pire !

M. Philippe Gosselin. Je vois que vous en doutez encore !

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Rassurez-vous : nous ne sommes peut-être pas encore au maximum ! Nous verrons bien si le principe de Peter est vérifié. Je ne doute pas que certains ici soient excellents en jus de crâne.

M. Alain Tourret. En Normandie, c’est plutôt le cidre…

M. Philippe Gosselin. Cher collègue Tourret, je n’ai pas bien entendu ce que vous venez de dire, mais j’ai saisi le mot « Normandie ». Cela suffit amplement à faire mettre au garde à vous le patriote normand que je suis, en attendant que les léopards héraldiques rugissent pour rappeler notre belle province… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Quel rapport ?

M. Philippe Gosselin. J’y viens, j’y viens ! Nous sommes pour la France des diversités, où les léopards normands peuvent rugir et rappeler leur période glorieuse : n’oubliez pas que la Normandie fait partie des plus anciennes provinces de France. Elle fut rattachée au royaume en 1204 ! (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Drapeau. On est en République !

M. Philippe Gosselin. Je viens donc au fait. Laissez-moi revenir, madame la présidente, au point de départ : la loi de 1966. La prochaine fois, prenez-vous-en à votre collègue Tourret. Il ne faut pas tenter le diable : je n’y suis pour rien !

M. Alain Tourret. Le diable, lui ?

M. Philippe Gosselin. Laissez-moi terminer, chers collègues…

Mme la présidente. Concluez, monsieur Gosselin.

M. Philippe Gosselin. L’amendement n° 2444 est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

(Les amendements identiques nos 2287 et 2444, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2296.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ah, la suite de l’histoire ! Nous sommes en haleine !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je termine donc la citation que j’avais commencé à lire tout à l’heure de cet avocat parisien : « S’il existe des difficultés non résolues par loi, il suffirait de quelques aménagements législatifs pour y remédier, mais ce ne peut être une raison pour prévoir l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels. »

Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais porter à la connaissance de l’Assemblée nationale. C’est également ce que nous disons depuis l’ouverture des débats sur ce projet de loi : l’ouverture du mariage aux couples de personnes du même sexe ne répond à aucune nécessité de droit. Il ne s’agit pas d’une nouvelle traduction du principe d’égalité qu’il serait nécessaire d’inscrire dans la loi. On ne peut pas plus arguer de la nécessité de prendre en compte toutes les situations familiales de manière égale. Tous ces arguments ne tiennent pas !

Nous sommes face à un choix politique, qui ne répond pas à des nécessités de droit, car le droit actuel permet déjà de traiter les situations que vous visez. C’est ce que nous répétons depuis le début.

L’amendement n° 2296 est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2447.

M. Philippe Gosselin. Mon tour de parole revient vite, c’est formidable !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il faut dire que vous avez déposé tellement d’amendements…

M. Philippe Gosselin. Ne me tentez pas, vous jouez contre vous ! Nous ne sommes pas pressés, nous !

Je reprends donc le fil de mon raisonnement. Dans la loi de 1966, l’adoption plénière est calquée sur la filiation biologique. Voilà pourquoi, en résumé, c’est l’article 310 du code civil qui était visé par les deux arrêts de la chambre civile de la Cour de cassation du 7 juin 2012.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. C’était déjà le cas avant !

M. Philippe Gosselin. Oui, tout à fait ! Mais attendez, le reste qui est important.

Ce que je disais tout à l’heure, et que j’essaye à présent de reformuler autrement, c’est qu’au nom de l’égalité, la loi veut faire entrer les adultes dans le droit commun. Votre discours l’illustre, avec des formules comme celle de « mariage pour tous ». Mais la loi ne peut tout à la fois garantir le droit commun aux adultes et en faire sortir les enfants. C’est pourtant à cela que revient votre projet !

M. Serge Janquin. On ne fait sortir personne du droit commun !

M. Philippe Gosselin. Vous voulez faire sortir les enfants du droit commun de la filiation. Il y a donc une vraie difficulté : dans ce cas, la loi leur donne un état civil marqué par l’orientation sexuelle des parents. Cela ne peut pas fonctionner.

J’en reviens, pour la dernière fois…

Plusieurs députés du groupe SRC. Oh non, pas la dernière fois ! Quel dommage ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Nous aurons vraiment joué notre rôle de lanceurs d’alerte. J’en reviens donc à ma dernière demande : quels actes d’état civil allez-vous proposer ? Confirmez-vous qu’il y aura bien deux actes d’état civil, et trois livrets de famille ? Ces questions très précises n’ont toujours pas de réponse.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3224.

M. Marc Le Fur. Mon collègue Philippe Gosselin ayant évoqué la Normandie, je me dois de défendre la Bretagne, rattachée beaucoup plus tardivement à la France : il a fallu pour cela que deux rois de France épousent successivement Anne de Bretagne, Charles VIII et Louis XII.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et les enfants, là-dedans ?

M. Marc Le Fur. Chacun sait cela ! Il fallut encore que la fille de Louis XII et d’Anne de Bretagne, Claude de France, épousât François Ier pour que cette union devînt définitive. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On sent la consanguinité arriver !

M. Marc Le Fur. Que voulez-vous, chacun a son histoire, permettez-moi d’évoquer la mienne, celle de la région dont j’ai le bonheur d’être issu ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Silence, s’il vous plaît, mes chers collègues.

M. Marc Le Fur. Mon collègue Urvoas pourrait me reprendre si jamais je commettais des erreurs. D’autres collègues ont des attaches dans cette région qui nous est chère.

L’objet de mon amendement est de poursuivre le propos développé très intelligemment par M. Le Guay qui observe un certain « tourisme juridique », et se demande comment y faire face. Il craint qu’à force de tolérer des conséquences, tout en continuant d’affirmer des principes contraires, on cède chaque fois un peu plus au libéralisme ambiant. De cette manière, la norme minimale l’emporterait.

La mauvaise monnaie chasse la bonne, apprend-on en économie. C’est exactement ce qui se passe en droit ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Serge Janquin. Qu’entendez-vous par « mauvaise monnaie » ?

M. Marc Le Fur. Dans un monde mondialisé, c’est la règle la moins contraignante qui domine. En matière économique, vous combattez cette logique, mais vous vous en accommodez pour ce qui est de la GPA. C’est pourtant exactement la même chose ! Je pose là une question de fond ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Leroy. Dans ce cas, il faudra voter la réforme bancaire !

M. Philippe Baumel. On verra cela la semaine prochaine !

M. Marc Le Fur. À partir du moment où les personnes sont libres de circuler, c’est la règle minimale qui s’applique. C’est cela que vous tolérez ! (Mêmes mouvements.) C’est cela que vous prônez de manière hypocrite, en énonçant des principes sans en tirer les moindres conséquences ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(Les amendements identiques nos 2296, 2447 et 3224, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2297.

M. Jean-Frédéric Poisson. Puisque nous évoquons la Bretagne, je tourne mon regard vers mes collègues Clergeau, Lemorton, Urvoas, Janquin, Le Bouillonnec, ainsi que vers M. le ministre des relations avec le Parlement et Mme la garde des sceaux : peut-être vous souvenez-vous d’avoir entendu, au cours de la précédente législature, notre collègue breton Rogemont nous à détailler les différentes manières d’accommoder le homard.

Mme Marie-Françoise Clergeau. C’était il y a longtemps !

M. Jean-Frédéric Poisson. À l’époque, cela vous avait fait beaucoup rire, nous un peu moins. Souffrez donc, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, que les rôles soient aujourd’hui inversés ! Comme disait M. le président Urvoas, cela fait partie de la règle du jeu !

J’en viens à présent aux risques juridiques qu’entraîne l’article que nous examinons, et plus particulièrement aux aspects relatifs à la mise en cause de la présomption de paternité. Je poursuis ma citation de Me de Vries, que je terminerai dans ma prochaine intervention.

« Le mariage postule la filiation biologique en vertu de la présomption de paternité selon laquelle tout enfant né d’un couple marié est présumé être le fruit de l’union de ce couple. » C’est l’article 312 du code civil, que nous étudions en ce moment. Je vois le rapporteur qui acquiesce, ce dont je le remercie.

« Cette présomption peut être renversée par la preuve que le mari n’est pas le père. » C’est que nous rappelait Mme la garde des sceaux un peu plus tôt. « Or, dans le cas d’époux de même sexe, ce lien de parenté biologique est impossible. C’est la raison pour laquelle le projet de loi maintient cette présomption pour les couples de personnes de sexe différent sans l’appliquer aux couples homosexuels. » Nous comprenons très bien pourquoi. «Il y aura, alors, deux types de mariages et un risque de contentieux à venir au motif de la discrimination entre le “mariage homosexuel” et le “mariage hétérosexuel”. À titre d’exemple, un mari pourrait désavouer l’enfant qu’il n’a pas désiré, même s’il est le père biologique, en arguant que l’application de la présomption de paternité aux seuls couples de personnes de sexe différent est discriminatoire ou non conforme au principe d’égalité avec les couples homosexuels ! »

L’amendement n° 2297 est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2448.

M. Philippe Gosselin. Pardonnez-nous cette bataille entre les territoires situés au nord et au sud du Couesnon, mais mon collègue Le Fur est mitoyen de la Normandie : je lui rappellerai donc la bataille d’Hastings en 1066 ! À cette époque glorieuse de l’histoire de la Normandie, l’Angleterre nous était soumise ! Ce n’est pas rien ! Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si le dauphin était duc de Normandie jusqu’à la veille de la Révolution française, ce qui a marqué la primauté de cette belle province ! Enfin, il faut parfois être fier de ses racines : cela n’offense nullement les autres, puisque cela ne leur enlève rien.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Et en plus, cela occupe le temps !

M. Philippe Gosselin. C’est d’ailleurs le principe même du mariage que vous tentez de nous proposer : cela qui n’enlève rien aux autres. Vous voyez que mes propos avaient bien un lien avec le sujet qui nous préoccupe ce soir !

Nous nous sommes quittés hier soir sur quelques considérations d’Aude Mirkovic. Vous avez été nombreux à me demander de revenir sur l’explication des enfants croisés, car il est vrai que c’était quelque peu compliqué. Je le fais donc bien volontiers, ce qui nous permettra de reprendre le cours de cette intéressante causerie dont je suis simplement le porte-parole. Notre collègue Coronado lui-même était allé jusqu’à tweetté que c’était particulièrement intéressant.

M. Sergio Coronado. Ça a changé depuis !

Mme la présidente. N’interpellez pas vos collègues dans l’hémicycle, monsieur Gosselin ! Si M. Coronado veut s’exprimer, il demandera la parole !

M. Philippe Gosselin. Je ne l’interpellais pas, madame la présidente. Je faisais simplement remarquer que M. Coronado avait apprécié la teneur de mes propos !

Si quatre personnes qui se sont investies dans un projet parental se considèrent, chacune, comme parent à part entière, sur quels critères objectifs les juges vont-ils départager les revendications de ces quatre personnes sur un même enfant ? Dès lors que la référence à la biologie est abandonnée pour intégrer le concept de parent de même sexe, la parenté sociale, comment un juge pourra-t-il départager objectivement les candidats à cette parenté sociale ? Et l’article que je citais de se conclure ainsi : si deux personnes de même sexe sont reconnues ensemble comme parent d’un même enfant, ils ne sont plus l’homme et la femme à l’origine de l’enfant. La filiation n’est plus définie en relation avec l’enfantement,…

Mme la présidente. Je vous remercie de conclure !

M. Philippe Gosselin. Je termine ma phrase, madame la présidente.

…qu’il soit réel ou symbolique comme en cas d’adoption, et la filiation se retrouve réduite à une relation d’éducation ou d’affection.

J’y reviendrai plus tard. L’amendement n° 2448 est défendu !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3226.

M. Marc Le Fur. Nous devons vraiment échanger avec Philippe Gosselin, car, sur ces sujets de Bretagne-Normandie, nous avons beaucoup de choses à nous dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La Normandie était une province sans Parlement, tandis que la Bretagne en avait un : c’était extrêmement différent ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En matière fiscale aussi, il existait des singularités extrêmement intéressantes. En Bretagne, nous étions dispensés de payer la gabelle ! Cela a eu une conséquence très concrète et très objective en matière culinaire : faute de gabelle, le sel n’était pas cher et le beurre salé a été la conséquence logique de cette disposition fiscale à laquelle nous étions très attachés et que nous enviaient très régulièrement les Normands ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je dispense ce propos sur la Bretagne devant vous tous dans le seul but de répondre à mon collègue Gosselin. Il m’a interpellé de manière presque violente, je me devais de le faire !

M. Jean-Luc Drapeau. À quand les recettes de crêpes ? Parlez-nous du Poitou :

M. Marc Le Fur. Je reviens à cet article de M. Le Guay sur le tourisme juridique qui aboutit au libéralisme : « Difficile de renoncer à ses principes et d’accepter que des vérités en deçà des Pyrénées soient erreurs au-delà ! Difficile aussi de se laisser dire son droit par d’autres. » C’est ce à quoi la France est exposée. « Et, pourtant, il semblerait que la porosité des frontières conduise de plus en plus à un patchwork des pratiques aboutissant à une harmonisation progressive des droits. » Et M. Le Guay de conclure : « L’avènement d’une sorte de world morale, une regrettable morale, mondiale, libérale-libertaire !

Mme la présidente. L’amendement n° 3885 de M. Xavier Breton est défendu.

(Les amendements identiques, nos 2297, 2448, 322 et 3885, repoussés par le Gouvernement et la commission, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2298.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je continue la citation de Me de Vries dans le Livre blanc des états généraux de l’enfant publié par l’Association Cosette et Gavroche. Je le cite : « Si on supprimait la présomption de paternité pour tous les couples, cela reviendrait à instaurer officiellement la dissociation entre conjugalité et procréation et viderait le mariage de son sens. Quel sens peut avoir un mariage civil qui, en refusant de régler la transmission naturelle de la vie, n’honore plus la promesse de fidélité des époux ? Et si on imaginait de prévoir alors une “présomption de parentalité” pour tous les couples, la filiation ne reposerait plus sur les liens de sang présumés (filiation biologique) mais sur le comportement du conjoint et sa volonté (qui peut changer) d’être désigné comme parent (filiation dite sociale). Cette présomption pourrait alors être renversée par un conjoint par la preuve du défaut de projet parental. On ne peut que constater la difficulté de remettre en cause le principe français de présomption de paternité et surtout de l’appliquer, autant que faire se peut, au cas des couples de personnes homosexuelles. Il est évident que, quelle que soit l’option choisie, des contentieux apparaîtront, ainsi que des drames humains. »

L’amendement n° 2298 est défendu, madame la présidente !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2449.

M. Philippe Gosselin. Je traite, vous l’avez bien compris, de la question de l’homoparentalité et des difficultés liées à la filiation.

La filiation n’étant plus définie en relation avec l’enfantement, se développe une filiation réduite à d’autres éléments tels que l’éducation et l’affection. Cela signifie que tout adulte investi dans le projet éducatif au sens large pourra réclamer la reconnaissance de sa qualité de parent ; c’est évidemment la question du droit des tiers, envisagée ici sous un angle particulier. Puisqu’il ne sera pas possible de départager les différents candidats à la parenté, on pourra alors allonger le nombre des parents. Ainsi, l’homoparentalité, telle qu’elle est présentée, conduit nécessairement – et c’est un point vraiment essentiel – à la multiparentalité, évidemment réclamée par les associations de parents gays et lesbiens. Cette multiparentalité pose évidemment problème. Nous avons établi quelques comparaisons avec l’étranger. Ainsi, au Canada, certains enfants ont déjà trois parents légaux : la mère, la conjointe de la mère et le père biologique, d’où ce qui a été dit hier et avant-hier, et qui a suscité quelque étonnement : je veux parler de cette remarque de notre rapporteur, lequel évoquait un maximum de quatre parents. Nous ne sommes pas, ici, dans le cas d’une adoption simple, la situation est beaucoup plus complexe. Cela nous mène donc à trois parents légaux, ce qui soulève une vraie difficulté. Le parti écologiste est souvent en pointe sur toutes ces questions, c’est le cas en Belgique, aux Pays-Bas, c’est encore le cas en France et cela l’a été en Suède. Il faut lui reconnaître une certaine cohérence. Ainsi, aux Pays-Bas un débat se déroule actuellement. Après avoir accepté l’idée des parents de même sexe, c’est maintenant le parti écologiste qui réclame au gouvernement la possibilité de reconnaître officiellement trois personnes ou plus comme parents d’un même enfant pour tenir compte de la réalité sociale de la multiparentalité. Ces propos illustrent parfaitement le fait qu’on explose la filiation en introduisant l’adoption telle qu’elle nous est présentée aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3227.

M. Marc Le Fur. Je voudrais mettre en exergue un témoignage, toujours à propos de la PMA. Après vous avoir détaillé le propos du professeur Le Guay, j’aimerais maintenant que nous écoutions le professeur Jean-Philippe Wolf qui dirige le Centre d’études et de conservation des œufs et du sperme humains de l’hôpital Cochin à Paris. Nous pouvons considérer que c’est une autorité dans ce domaine. Il explique ses réticences et les difficultés auxquelles il est confronté. Que chacun veuille bien écouter. Il parle de la PMA pour les couples homosexuels. « Je n’y suis pas hostile d’un bloc […] mais je vois plusieurs arguments pour le contester. Tout d’abord, les homosexuels, en général, ont-ils un droit à l’enfant comme on peut avoir un droit au logement ? » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) « Doit-on, ensuite, employer des moyens médicaux hyper-sophistiqués pour créer un enfant répondant à ce désir, quitte à le placer d’emblée dans une situation un peu bancale ? » Et de poursuivre : « Ce n’est pas parce qu’une “PMA business” s’est développée en Belgique, en Espagne ou ailleurs, qu’il faut faire pareil. »

À propos de la “PMA business”, je vous ai parlé tout à l’heure de ces médecins qui partagent leur activité entre la France et l’Espagne : quand ils ne peuvent agir en France, ils se rendent en Espagne, et ce avec les mêmes clients. C’est tout de même un sujet de fond ! Je reviens aux propos du professeur Wolf : « Je ne dis pas que certains de mes confrères sont des monstres, mais ils répondent à une demande, ils ne se placent pas le terrain éthique. De plus, les homosexuels vont réclamer le même droit, c’est-à-dire la gestation pour autrui à laquelle je suis totalement opposé. »

Mme la présidente. Je vous remercie de conclure, monsieur Le Fur !

M. Marc Le Fur. Que se passe-t-il si la femme meurt en couches ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable !

Mme la présidente. La parole est à M. Céleste Lett.

M. Céleste Lett. Je ne vous parlerai pas de la Lorraine, mes chers collègues…

M. Philip Cordery. Est-ce bien utile ?

M. Céleste Lett. Même si elle n’a été rattachée qu’en 1766, la Lorraine n’en demeure pas moins une terre de valeurs traditionnelles à l’image de la Bretagne et de la Normandie !

Notre collègue Marc Le Fur a signifié, en début de séance, combien les Français manifestaient de l’intérêt à nos débats.

Mme Annick Lepetit. Les pauvres !

M. Céleste Lett. Je dirai même que, plus ils écoutent l’opposition, plus ils ont conscience que ce projet de loi est funeste, néfaste et contre-nature ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est vrai que nous faisions face parfois, hier, à de l’indifférence, parce que nos concitoyens ne mesuraient pas les conséquences de ce texte. C’est parce que l’opposition sait mettre le doigt sur les incohérences de ce texte et sur son impréparation que les Français en prennent aujourd’hui conscience. Un grand débat sous la forme d’états généraux aurait été nécessaire.

Mme la garde des sceaux insistait hier sur le sens des mots ; aujourd’hui, elle s’en affranchit bien facilement. Elle triche avec les mots « père, mère, parents », avec les genres et les sexes, avec les singuliers et les pluriels. Il est heureux que nos excellents juristes de l’opposition sachent l’expliquer. Sans doute permettront-ils, demain, aux sénateurs socialistes d’apporter des corrections, évitant peut-être à ce texte d’être inconstitutionnel.

Mme la présidente. Je vous remercie !

M. Céleste Lett. Je sais que le droit est difficile et qu’il est parfois tordu, mais la morale peut le tirer vers le haut. Les socialistes font l’inverse, ils le tirent vers le bas : (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

(Les amendements identiques nos 2298, 2449 et 3227, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous passons à la série suivante d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2299.

M. Jean-Frédéric Poisson. Puisque nous examinons entre trente et quarante-cinq amendements à l’heure, je fais à nouveau l’inventaire des trois questions qui restent à ce stade sans réponse : l’écriture et la présentation des livrets de famille, la rédaction des actes d’état civil et l’ouverture ou non du PACS pour les mineurs, conséquence des dispositions que vous êtes en train d’inscrire dans ce projet de loi.

L’article 756 n’est pas concerné par l’amendement-balai. Il convient donc de l’en exclure.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2450.

M. Philippe Gosselin. Je reviens toujours à cette question de l’homoparentalité, avec son corollaire, la multiparentalité. C’est un vrai sujet. On nous dit qu’on ne veut pas modifier le cadre « traditionnel » de la famille, tout en reconnaissant, et nous n’avons jamais dit le contraire, que les familles sont aujourd’hui diverses. C’est la réalité ; nul ne la conteste. Les familles monoparentales existent. Nous n’avons aucune nostalgie d’une version parfois idéalisée de la famille du XIXe siècle.

M. Yann Galut. On ne dirait pas… Vous ne tiendriez pas ce genre de propos sinon !

M. Philippe Gosselin. Pour autant, doit-on aller jusqu’à la multiparentalité ? C’est une question évidemment très importante. On voit que l’on ouvre une porte, et dans les bribes des projets de réforme du code de la famille qui seront présentés d’ici à quelques mois dans la loi sur la famille, un certain nombre d’éléments nous inquiètent.

Je ne sais pas si on fera famille à ce moment-là, je ne sais pas si on fera problème ou fausse route mais, en attendant, cette multiparentalité qui se développe au Canada ou aux Pays-Bas sera vraisemblablement invoquée assez rapidement comme un modèle : que ce sont toujours ces modèles étrangers qui sont mis en avant, avec, toujours, ce glissement éthique vers le bas, ce dumping éthique.

Évidemment, c’est une perte de sens de la relation de filiation…

Mme la présidente. Merci !

M. Philippe Gosselin. Je poursuivrai tout à l’heure.

(Les amendements identiques nos 2299 et 2450, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous passons à la série suivante.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2301.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais compléter ce que vient de dire M. Gosselin sur la multiparenté, en vous citant toujours le Livre blanc des états généraux de l’enfant, publié par l’association Cosette et Gavroche, page 53 :

« Cette substitution de la “parenté sociale” à la parenté biologique qui limite le nombre des parents à deux (père et mère), va logiquement avoir pour effet d’augmenter le nombre de parents. Beaucoup d’enfants ont trois ou quatre “parents sociaux”, en alternance ou sous le même toit, lesquels éduquent l’enfant et se considèrent comme parents à part entière et à égalité – par exemple lorsqu’un couple d’hommes s’est entendu avec un couple de femmes pour avoir des enfants croisés. Comment alors départager les différents candidats à la parenté s’il n’y a plus de critères objectifs pour trancher les conflits de parenté si ce n’est en allongeant le nombre de parents ?

« Ce qui a pu se passer dans des États étrangers ayant autorisé le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels est d’ailleurs très révélateur. Au Canada, la Cour d’appel de l’Ontario a allongé la liste des parents d’un enfant en 2007 : deux femmes homosexuelles avaient décidé d’avoir un enfant avec l’assistance d’un ami, tout en convenant que les deux femmes auraient la charge principale de l’enfant et que le père resterait impliqué dans sa vie. Après la naissance de l’enfant, la Cour a déclaré la compagne de la mère troisième parent de l’enfant, au même titre que la mère et le père biologique. »

Je continuerai tout à l’heure, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2451.

M. Philippe Gosselin. Vous noterez avec intérêt que les informations que M. Poisson et moi vous apportons se complètent parfaitement : sans avoir les mêmes références de page et de livre, nous arrivons aux mêmes conclusions, un arrêt de 2007 au Canada qui reconnaît officiellement trois personnes, et on pourra aller au-delà.

À partir du moment où la porte est ouverte, il n’y a pas de raison d’arrêter. Le rapporteur estime souhaitable d’arrêter à quatre mais, sincèrement, dans votre logique, ce n’est pas nécessairement une ineptie d’aller à cinq ou six, et nullement par provocation, si ce sont des relations d’éducation, des relations affectives qui sont mises en avant. On voit tous les jours des gens qui se séparent plusieurs fois. Viennent dans ma permanence des familles qui se retrouvent dans une situation inextricable. Le géniteur n’est en quelque sorte pas le père et il y a des liens affectifs dans des familles pluri-recomposées avec, parfois, trois ou quatre lits différents et des enfants élevés successivement par trois ou quatre conjoints de la mère. On peut vouloir assurer une certaine stabilité affective mais, au-delà d’une certaine limite, cela devient ingérable.

Il me paraît donc important de conserver la notion classique de filiation, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a fait attention à ne pas toucher au titre VII, mais la brèche ouverte notamment par l’adoption plénière risque d’entacher l’ensemble.

J’y reviendrai par la suite.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3230.

M. Marc Le Fur. Je continue de vous citer les propos du professeur Wolf, qui dirige le CECOS à Cochin :

« Ce n’est pas parce qu’une “PMA business” s’est développée en Belgique, en Espagne ou ailleurs qu’il faut faire pareil. » C’est le sujet de fond parce que cela pose de multiples problèmes.

« De plus, les homosexuels vont réclamer le même droit, c’est-à-dire la gestation pour autrui à laquelle je suis totalement opposé. Que se passe-t-il si la femme meurt en couches – objectivement, ce sont des problèmes que l’on va rencontrer. Qu’arrive-t-il si l’enfant est trisomique et que personne n’en veut, ni la mère qui l’a porté, ni les parents qui l’ont conçu ? » Je vous ai montré l’autre jour un contrat de gestation pour autrui prévoyant le remboursement de l’éventuel avortement si l’enfant ne correspondait pas au cahier des charges en quelque sorte. « Quelles répercussions pour les enfants de la mère porteuse qui la verront enceinte ? Sans compter que lorsque l’on paie les gens, on ouvre la porte à toutes les dérives comme ce bébé qu’une mère porteuse avait voulu vendre au plus offrant sur Internet ! » Ce ne sont pas des hypothèses d’école. Regardez sur un certain nombre de sites, je les avais présentés l’autre jour mais il faudra que je les représente car, visiblement je n’ai pas été assez clair.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous avez oublié que la GPA était interdite en France ! Nous sommes contre, vous le savez très bien !

M. Marc Le Fur. Se pose aussi la question de l’appariement, mais j’y reviendrai dans ma prochaine intervention.

(Les amendements identiques nos 2301, 2451 et 3230, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous passons à une autre série.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2021.

M. Jean-Frédéric Poisson. Après l’expérience du Canada, l’expérience de la Californie et des Pays-Bas. En effet, le Parlement de l’État de Californie a récemment voté une loi –à laquelle, cependant, le gouverneur a opposé son veto – prévoyant la possibilité de reconnaître légalement comme parents les différents adultes qui se considèrent comme tels et qui s’investissent auprès d’un enfant. Les Pays-Bas devraient examiner prochainement la question de la multiparenté afin de reconnaître officiellement trois personnes ou plus comme parents d’un même enfant.

Tout cela prouve que les questions que nous posons, même à cette heure avancée de la nuit, sur les conséquences de l’article 4 ne sont pas des fausses questions. Ces problèmes se posent ailleurs. Au moment où, ce qui se comprend, monsieur Goldberg, vous prenez volontiers des références dans des pays étrangers pour soutenir votre thèse,…

M. Daniel Goldberg. Pas seulement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pas seulement mais aussi dans les pays étrangers. Il est de notre responsabilité de vous alerter sur les risques qu’encourent les familles qui sont dans notre pays et sur la situation de notre droit si vous introduisez dans le code civil les dispositions que vous soutenez.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2044.

M. Marc Le Fur. J’ai eu le privilège d’appartenir dans la législature précédente à la commission bioéthique. Nous avions examiné un certain nombre de questions touchant à la PMA et à la GPA, sous l’autorité du président Claeys. Je regrette d’ailleurs qu’il n’assiste pas ce soir à nos travaux car il apporterait une expérience déterminante, ainsi que M. Bapt. Les contacts qu’ils ont eus les ont amenés à faire preuve d’une extrême prudence sur ces questions, prudence que je ne retrouve pas chez notre rapporteur en particulier, qui, on le sait, est très ouvert à ces évolutions – trop, me semble-t-il.

À l’occasion de ce travail, j’ai appris, ce que l’opinion ne sait pas toujours, que l’essentiel – 92 % – des assistances médicales à la procréation se faisaient au sein du couple, le père et la mère fournissant les gamètes et la médecine les aidant à avoir un enfant. On comprend bien qu’en termes génétiques, les choses ne sont pas fondamentalement changées, puisqu’il s’agit du père et de la mère.

Dans 8 % des cas, cela devient un peu différent puisqu’un seul des deux fournit des gamètes. Cela pose alors le problème de l’appariement. Comment associer le sperme donné par un individu anonyme et l’ovule de la maman ? Il y a une vraie difficulté parce que l’on est proche de l’eugénisme mais aussi parce qu’il peut y avoir des attitudes racialement assez limites. On comprend parfaitement que l’on ne va pas implanter un sperme issu d’une personne européenne chez un sujet d’origine africaine…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela ne s’appelle pas une implantation, cela s’appelle une insémination !

M. Marc Le Fur. Mais le risque est grand de voir organiser une demande : fera-t-on préciser à la famille quelles sont ses préférences. Et on pourrait dire par exemple que l’on veut un blond aux yeux bleus, puisque c’est généralement le message que l’on reçoit.

(Les amendements identiques nos 2021 et 2044, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous passons à la série suivante.

L’amendement n° 2023 est défendu par M. Jean-Frédéric Poisson.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2047.

M. Marc Le Fur. La question de l’appariement pose des problèmes dont on parle peu, mais qui avaient été évoqués avec beaucoup d’intelligence par M. Claeys dans notre commission.

Voici ce que dit le professeur Wolf quand on lui demande comment il répondra aux demandes si une loi ouvre la PMA aux homosexuelles « Avec sympathie, comme on essaie toujours de le faire ici. Après une loi, il y a des décrets d’application et les bonnes pratiques médicales. Pour la question de l’appariement, il est difficile d’avoir une réponse précise. Je suppose qu’avant de sélectionner le donneur de sperme, on demandera aux femmes : “Comment imaginez-vous votre enfant ?” et qu’on essaiera de correspondre aux souhaits exprimés s’ils ne sont pas trop farfelus. »

Nous avons là un vrai sujet. On associe souvent le don de sperme au don de sang ; mais, dans le don de sang il y a anonymat total, y compris pour le médecin, qui ne sait pas d’où il vient. Dans une logique de génétique, la difficulté est autrement plus considérable.

Je suis très surpris que la gauche, souvent en avance sur ces questions ethniques, ne soit pas plus révulsée par des pratiques qui semblent se répandre par ce biais.

Plusieurs députés du groupe SRC. Deux minutes !

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous remercie de votre aide, mais soyez assurés que nous sommes très loin des deux minutes.

M. Arnaud Leroy. Faites réviser votre chronomètre !

Mme la présidente. C’est celui de l’Assemblée, et il est révisé à chaque séance.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3669.

M. Xavier Breton. Je souhaite revenir sur les différentes dimensions de la filiation. Mme la ministre de la famille a parlé – ce ne sont pas les termes que, personnellement, j’aurais utilisés mais cela simplifiera les choses, pour progresser dans la discussion – d’une filiation physiologique et d’une filiation sociale.

Nous considérons que l’unité de ces deux filiations est le schéma préférable. Cela ne signifie pas que c’est le seul, ni que toutes les familles qui répondent à ce schéma soient parfaites ; mais c’est dans ce cadre que l’on peut construire une filiation solide sans solliciter un pilier plus que l’autre.

Une deuxième option consiste à prendre un malin à plaisir à dissocier ces filiations, pour couper l’homme de ses racines. C’est la logique qui vise à « casser les déterminismes », pour reprendre les termes de Mme la garde des sceaux, qui considère que tout déterminisme est mauvais. C’est la logique qui vise à complètement déraciner la personne, notamment dans le cadre de sa généalogie. Ce n’est clairement pas notre conception. Ce que je souhaite savoir, c’est si cette conception qui dissocie au maximum les filiations physiologique et sociale est celle que le Gouvernement entend promouvoir avec ce projet de loi et, plus généralement, dans sa politique familiale.

(Les amendements identiques nos 2047 et 3669, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2060.

M. Marc Le Fur. Je constate que notre rapporteur argumente toujours aussi peu ses réponses. C’est pourtant la fonction propre d’un rapporteur que de dire le pourquoi, le comment, les conséquences, mais on ne le lui a sans doute pas expliqué, et il se contente donc de ce simple mot : « défavorable ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il le prononce d’ailleurs…

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Avec talent !

M. Marc Le Fur. …avec l’accent nécessaire : au début, nous n’entendions pas le « dé- » et nous croyions donc entendre « favorable », mais ça s’est amélioré depuis. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Après avoir, à l’appui d’exemples, évoqué la PMA, je voudrais revenir à un sujet majeur : l’adoption. Celle-ci est de plus en plus difficile. L’adoption internationale se ferme et se fermera plus encore au terme de cette loi : certains pays ne confieront plus d’enfants à des familles françaises qui aspirent à l’adoption.

Je voudrais vous lire l’avis rendu par le Conseil supérieur de l’adoption lorsque celui-ci a été sollicité sur la loi.

M. Yann Galut. Vous l’avez déjà lu !

M. Xavier Breton. Ce n’est pas le même passage !

M. Marc Le Fur. Détrompez-vous, je ne l’ai encore pas lu.

« Consulté sur le projet de loi tendant à ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe conformément aux prévisions du code de l’action sociale et de la famille, article L. 148-1 – cela a le mérite d’être précis –, le Conseil supérieur de l’adoption a apporté le 9 janvier 2013 sa contribution sur les effets de cette réforme en matière d’adoption. » Vous voyez que c’est récent.

« Le Conseil constate que le mariage entraînerait automatiquement la possibilité pour des personnes mariées de même sexe d’adopter ensemble un enfant, ou pour le conjoint de même sexe d’adopter l’enfant de son époux ou épouse. Il se montre globalement très réservé à l’égard de ces possibilités car l’adoption est avant tout une mesure de protection des enfants privés durablement de famille dont la finalité est de donner une famille à un enfant et non un enfant à une famille. »

M. Philippe Cochet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3670.

M. Xavier Breton. Je souhaite poursuivre sur le thème de l’articulation entre les deux dimensions de la filiation évoquées par Mme la ministre de la famille : filiation physiologique et filiation sociale. Nous pensons qu’il faut essayer de concilier les deux. D’autres pensent qu’il faut, par malin plaisir, les dissocier. Une troisième solution, c’est l’indifférence, l’absence de préférence entre l’harmonie de ces deux piliers ou leur dissociation. Peut-être est-ce là le choix du Gouvernement. Cela peut être une option, qui s’entend tout à fait, mais elle a des conséquences, nous le verrons, sur certains choix de politique familiale ainsi qu’en termes de techniques de procréation. Je souhaite une réponse du Gouvernement sur l’articulation entre la filiation physiologique et la filiation sociale.

(Les amendements identiques nos 2060 et 3670, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques nos 3231 et 3890.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3231.

M. Marc Le Fur. Je crois l’avis du Conseil supérieur de l’adoption tout à fait essentiel. J’ai indiqué qu’il se montre très réservé « car l’adoption est avant tout une mesure de protection des enfants privés durablement de famille dont la finalité est de donner une famille à un enfant et non un enfant à une famille. »

Le Conseil rappelle ensuite les différentes conventions internationales ratifiées par la France, notamment la Convention internationale des droits de l’enfant. Nous avons insisté dans nos amendements, il y a quelques jours, sur la nécessité de nous référer très clairement à cette convention, et l’opposition regrette qu’une telle référence ne soit pas systématique car elle constitue à nos yeux une protection pour les familles et les enfants concernés.

Je poursuis : « Le Conseil supérieur de l’adoption renouvelle son inquiétude devant la difficulté de concilier un objectif d’égalité des droits au bénéfice des personnes de même sexe et le caractère prioritaire de l’intérêt de l’enfant. » Le problème est posé : ce sont les deux sujets qui nous rassemblent. Comment se fait la conciliation entre les deux ? « Il précise qu’il ne s’attache pas à l’orientation sexuelle des candidats à l’adoption mais aux conséquences qu’aurait pour l’enfant l’instauration d’un double lien de filiation à l’égard de parents de même sexe, lui conférant deux mères ou deux pères. » Tel est bien le sujet : la filiation et la sortie de l’altérité qui nous semble être un élément majeur, comme j’ai eu l’occasion de le dire et de le redire, en mobilisant pour cela Léon Blum, à quoi M. Bloche a répondu et je lui en sais gré. Il n’empêche que Léon Blum était très clairement un apôtre de cette altérité nécessaire.

Je reviendrai, madame la présidente…

Mme la présidente. À tout à l’heure, monsieur Le Fur. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3890.

M. Xavier Breton. Je souhaite revenir sur ces questions de filiation, car le choix que nous ferons aura des conséquences sur la procréation. Si l’on considère que le pilier physiologique n’a aucune importance et que seule compte la dimension sociale, il est clair qu’il n’y aura plus de limites en termes de procréation et de techniques de procréation. Réduire la filiation à sa seule dimension sociale, c’est considérer que peuvent être parents tous ceux qui sont capables d’élever, d’accompagner un enfant. Soyons clairs : personne ne remet en cause la capacité de chacun à pouvoir élever un enfant, mais la question est de savoir comment on a cet enfant. Si l’on ne considère que seule la dimension sociale, un droit à l’enfant s’ensuivra, et l’on aura recours aux techniques de l’assistance médicale à la procréation ou de la gestation pour autrui. Nous voyons donc bien que la conception de la filiation est importante, car elle détermine le positionnement que l’on aura sur ces techniques.

La conception au cœur du texte, notamment au cœur de l’article 4, avec la suppression des mots « père » et « mère » et leur remplacement par l’article-balai, ouvre un droit à l’enfant qui débouchera sur la PMA pour convenance personnelle et sur la GPA. C’est pourquoi il est important que vous vous déterminiez ici sur ces questions.

(Les amendements identiques nos 3231 et 3890, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous passons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2165.

M. Marc Le Fur. Je cite à nouveau l’avis du Conseil supérieur de l’adoption : « Pour la majorité des membres du Conseil supérieur de l’adoption, la possibilité de prononcer une adoption plénière au profit de deux personnes de même sexe constituerait un bouleversement majeur du droit de la filiation, aujourd’hui fondé sur l’altérité sexuelle des parents – nous l’avons dit et redit ; je sais que c’est un point de divergence dans cette assemblée mais permettez-nous de réaffirmer ce principe qui nous semble majeur et essentiel pour les enfants – en privant l’enfant de toute possibilité de se voir conférer un parent de l’autre sexe. Certains s’interrogent ainsi sur les conséquences et le devenir de ces enfants, notamment sur leur construction identitaire en l’absence de référent parental de sexe opposé. »

L’altérité n’est pas seulement un élément constitutif du couple ; elle est nécessaire à l’éducation et à la filiation. C’est ce que dit clairement le Conseil supérieur de l’adoption. Nous avons affaire à des enfants fragilisés : susceptibles d’être adoptés, ils ont connu des histoires parfois pénibles, difficiles ; ce sont des enfants qui, de ce fait, doivent être plus accompagnés que d’autres. À défaut d’avoir des parents, comme les autres, il convient qu’ils puissent avoir des parents qui ressemblent aux autres. D’où la nécessité de l’altérité plus particulièrement pour eux.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3672.

M. Xavier Breton. En l’absence de réponse, je voudrais approfondir cette question des filiations. Mme la ministre a évoqué une filiation physiologique et une filiation sociale. Au sein de cette dernière existent peut-être deux dimensions, et il conviendrait que nous nous accordions. Il y a tout d’abord une filiation sociale au sens de reconnaissance par la société : c’est le lien de père ou mère à enfant telle qu’établie dans l’état civil, avec tous les droits et devoirs qui y sont attachés. L’autre aspect, que j’ai cru percevoir dans les propos de Mme la ministre, c’est une filiation éducative et affective, ce qui se passe dans le foyer et même au-delà, dans la vie quotidienne. Il serait important de savoir si, aux yeux du Gouvernement, ces deux aspects sont identiques ou si, au contraire, il y a bien deux dimensions. Cela aurait des conséquences très concrètes sur notre droit, avec une filiation reposant non plus sur deux, mais sur trois piliers. Il serait intéressant d’échanger sur cette question.

(Les amendements identiques nos 2165 et 3672, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous passons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3233.

M. Marc Le Fur. Le Conseil supérieur de l’adoption évoque évidemment le point très spécifique de l’adoption internationale, qui représente aujourd’hui, d’après les chiffres qui nous parviennent, environ 80 % des enfants adoptés. Nous avons des relations étroites avec certains pays, mais d’autres se ferment, pour diverses raisons, par exemple parce qu’ils atteignent un certain niveau de vie qui permet à des familles du pays d’adopter des enfants. Notre crainte est que l’adoption internationale se ferme encore un peu plus. Nous l’avons évoqué, et même à gauche vous ne pouvez ignorer le problème.

Voilà ce qu’en dit le Conseil supérieur de l’adoption : « En ce qui concerne l’adoption internationale, le Conseil supérieur de l’adoption constate que la plupart des pays refusent les candidatures des couples de même sexe. Dans les pays qui les acceptent, les enfants proposés ne correspondent pas toujours aux souhaits des candidats à l’adoption. » Nous le savons : c’est le sujet des enfants en attente d’adoption et qui ont déjà quelques années, qui ne suscitent pas, de ce fait, l’attention spontanée des couples susceptibles d’adopter. Ces enfants n’en méritent pas moins une attention particulière car les traumatismes qu’ils ont pu vivre sont accentués ; pensez à la situation de la Roumanie, notamment dans la période de l’après-Ceausescu.

« Face à cette réalité, le Conseil supérieur de l’adoption insiste sur la nécessité de la transparence : cacher le fait de vivre avec une personne de même sexe pourrait avoir de graves répercussions, dont l’ensemble des candidats célibataires pourraient ensuite pâtir. » Les célibataires français en effet seraient nécessairement assimilés aux homosexuels et pourraient se voir refuser l’adoption dans un certain nombre de pays – la majorité, je le crains.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3891.

M. Xavier Breton. Pour prolonger ces questions sur la filiation, et en l’absence de réponse du Gouvernement sur l’articulation entre la filiation biologique et la filiation sociale – qui se divise en deux : la filiation juridique et la filiation affective et éducative –, je voudrais revenir sur l’altérité sexuelle.

Tout se tient, de fait : c’est pourquoi ce texte est relatif au mariage et à la filiation. Nous défendons l’altérité sexuelle dans le mariage, question au cœur de l’article 1er dont nous avons débattu, mais également dans la filiation, qui fait l’objet de l’article 4.

L’altérité sexuelle s’inscrit dans la problématique de la filiation par la dimension physiologique : peut-être que des progrès scientifiques remettront en cause la nécessité de l’altérité sexuelle sur le plan physiologique – sujet abordé il y a quelques jours par M. Mariton –, mais pour l’instant cette filiation corporelle repose sur l’altérité sexuelle : voilà un point sur lequel nous pourrions nous accorder. J’y reviendrai plus loin.

(Les amendements identiques nos 3233 et 389, repoussés par la commission et le Gouvernement ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3234.

M. Marc Le Fur. Certains membres du Conseil supérieur de l’adoption, dont l’autorité n’est contestée par personne, je l’espère, considèrent que, pour les enfants déjà élevés par des couples de même sexe, l’adoption par le conjoint peut répondre à l’intérêt de l’enfant. Il faut effectivement distinguer l’enfant né dans le couple et celui qui y serait arrivé grâce à l’adoption de type international.

Enfin, « le Conseil souhaite qu’une réflexion de fond soit engagée en vue d’une réforme globale de l’adoption, afin de mieux garantir en toutes circonstances l’intérêt de l’enfant. » C’est l’intérêt de l’enfant qui doit nous guider : non pas le droit à l’enfant, dans lequel celui-ci n’est qu’un objet, mais le droit de l’enfant, où il est véritablement sujet. Voilà la différence majeure que nous avons souvent répétée, tant elle nous semble essentielle.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3893.

M. Xavier Breton. Je veux poursuivre sur le problème de l’insertion de l’altérité sexuelle dans les piliers de la filiation.

Nous avons vu que l’altérité sexuelle était indispensable dans le cadre de la filiation physiologique ; la question porte sur les dimensions affective et éducative. Personne, je le répète, ne remet en cause la capacité d’un homme ou d’une femme à élever et à aimer un enfant.

La question se pose au niveau du couple – un homme et une femme, deux femmes, ou deux hommes. Les études nous montrent qu’il faut être prudents, car les résultats sont contrastés. Nous ne devons pas avoir de réponse définitive : si certaines études ont été menées, non sans défauts de méthode soulignés notamment lors des auditions en commissions des lois, qui concluent dans un sens, d’autres tendraient à prouver le contraire, mais avec d’autres incertitudes.

Nous devons surtout rester prudents. La question de savoir si le manque pour l’enfant de l’une des deux dimensions sexuelles peut avoir un impact sur son éducation reste en suspens, et j’aimerais avoir votre avis afin que nous progressions sur ce terrain.

(Les amendements identiques nos 3234 et 3893, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3247.

M. Marc Le Fur. Pour rompre la litanie des avis d’autorité, j’en reviens à quelque chose de plus futile : la lecture de Paris-Match. La revue évoque une situation qui nous intéresse directement : celle d’un enfant arrivé dans le couple constitué par Sir Elton John, l’artiste bien connu, qui a soixante-cinq ans, et David Furnish, qui en a cinquante. Ils ont déjà des enfants, mais un nouvel enfant vient de rejoindre cette famille, grâce à une GPA – le coût de l’opération nous est même donné. Ce cas peut être d’une certaine manière exemplaire pour des gens modestes ou des gens qui manquent de références. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Erwann Binet, rapporteur. Des gens modestes ou des gens qui manquent de références ?

M. Jean-Luc Drapeau. Vous prenez les gens pour des imbéciles !

M. Yann Galut. Comment peut-on dire des choses pareilles ?

M. Marc Le Fur. Ce qui est surprenant, et un peu triste, …

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est limite !

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas limite du tout. Il peut y avoir des gens qui manquent de références…

Voilà l’exemple, dans la jet-set où l’argent permet tout, d’un enfant issu d’une GPA, exemple valorisé par une certaine presse. Ce qui est pénible à lire, dans cet article, c’est l’explication que donne le couple des deux pères, en quelque sorte, relativement au choix du prénom : « On a choisi Joseph comme prénom, car ça nous plaisait à tous les deux – et c’est très bien –, parce que c’était le nom d’un chien qui a longtemps vécu avec nous et auquel nous étions très attachés ».

Le voilà, l’enfant-caprice, l’enfant-objet, dont nous ne voulons pas !

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

M. Alexis Bachelay. Abonnez-vous à Voici !

Mme Brigitte Bourguignon. À Gala !

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3896.

M. Xavier Breton. L’article 4 organise la suppression, dans de nombreux articles de loi, des noms de « père » et « mère », « mari » et « femme », etc., autrement dit de l’altérité sexuelle dans notre droit, ce qui provoque une résistance très forte dans notre société. Il serait intéressant d’en chercher les raisons, car si le problème est celui de l’altérité sexuelle dans notre droit, il se pose également dans notre conception de la parenté et de la filiation.

Cette altérité est indispensable, d’un point de vue physiologique ; son absence peut poser problème dans le cadre éducatif, mais une question importante demeure, qui témoigne des insuffisances des études menées – je pense à celle qui a été conduite en Allemagne, sur laquelle Mme Narassiguin va peut-être m’éclaire : les couples homosexuels qui ont élevé ces enfants étaient-ils mariés ou non ?

(Les amendements identiques nos 3247 et 3896, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3243.

M. Marc Le Fur. Vous ne m’écoutez pas mes chers collègues.

Plusieurs députés du groupe SRC. Mais si !

M. Marc Le Fur. Je n’arrive pas à vous convaincre, hélas.

Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

M. Jean-Luc Drapeau. On ne sera pas convertis !

M. Marc Le Fur. Écoutez ceux qui longtemps vous guidèrent, vous inspirèrent : je pense à Michel Rocard, personnage considérable de notre histoire et surtout de votre histoire socialiste, s’il en est ! Mais y a-t-il encore des rocardiens ? On ne sait pas trop. Y en a-t-il ici ?

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, s’il vous plaît !

M. Marc Le Fur. Toujours est-il que Michel Rocard nous appelle à la plus grande prudence. De fait, il se prononce en faveur du mariage homosexuel dans un entretien, mais contre l’adoption. Il se trouve finalement sur une ligne plus proche de la nôtre que de la vôtre. Cela signifie que c’est quelqu’un de libre, quelqu’un d’expérience…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et de Gaulle, il en pensait quoi ?

M. Marc Le Fur. Un homme qui a aussi une expérience familiale et qui, en dépit de tout cela, considère que les enfants sont un autre domaine, …

Mme Sandrine Mazetier. Un spécialiste !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est sûr, quand on ne peut plus en faire…

M. Marc Le Fur. …un autre degré d’exigence, une autre responsabilité et que de tout cela il faut tenir compte, y compris quand on est législateur.

C’est pourquoi nous avions, dans l’opposition, envisagé une autre solution, qui permettait le mariage sans que les enfants aient à pâtir de cette évolution juridique que nous refusons. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est Michel Rocard : n’enterrez pas trop vite ceux qui naguère vous ont guidés !

M. Philippe Cochet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3897.

M. Xavier Breton. Michel Rocard et Lionel Jospin, malgré les désaccords que j’ai avec eux, ont une pensée digne d’être entendue. J’ai l’impression qu’une rupture est en train de se faire, parfois à votre corps défendant, avec cette tradition.

Très clairement, leur exigence politique, comme celle de Jacques Delors – quand bien même je suis en désaccord avec leurs choix économiques ou sociaux – est foncièrement respectable. Aujourd’hui, si j’étais de gauche, je m’interrogerais sur leur message, qui ressortit à une conception de la politique que vous balayez d’un revers de main.

Sincèrement, mes chers collègues, prenez le temps de réfléchir et de lire en toute conscience le message qu’ils vous adressent.

(Les amendements identiques nos 3243 et 3897, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3249.

M. Marc Le Fur. J’ai évoqué Michel Rocard, je voudrais revenir sur une autre personnalité qui vous a longtemps inspirés : Lionel Jospin, qui a été Premier ministre de la France…

Mme Karine Berger. Merci de nous le rappeler !

M. Marc Le Fur. …pour reprendre la formule de l’un de ses prédécesseurs, ministre dans ce gouvernement. Lionel Jospin exprime également ses réserves sur cette évolution juridique : c’est à vous qu’il adresse ce message, mes chers collègues, en sollicitant de votre part la plus grande prudence.

Il le dit très clairement : lorsqu’il est venu évoquer le rapport de sa commission sur la rénovation de la vie politique, son idée fondamentale était que l’humanité est structurée entre des hommes et des femmes, non pas selon des préférences sexuelles.

Essayez de méditer cela. Voilà un homme libre, un homme d’expérience qui, pendant cinq ans, a assumé des responsabilités considérables dans notre pays, à la si difficile fonction de Premier ministre. Sachez l’écouter ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Leroy. Quel talent !

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3899.

M. Xavier Breton. Dans nos échanges avec Marc Le Fur, nous sommes au cœur du texte : moins dans son fondement juridique que politique. Il y a en effet aujourd’hui cette idéologie du gender, dont nous aurons l’occasion de reparler souvent : que ce soit à l’occasion de ce projet de loi sur le mariage, au moment de la loi sur l’école, avec la loi sur la famille… Il va falloir que nous ayons un débat sur cette théorie, car les informations manquent.

M. Patrick Bloche. C’est un fantasme ! On ne fait pas un débat sur un fantasme !

M. Xavier Breton. S’il y a un bon côté – les études de genre, utiles, apportent beaucoup aux recherches universitaires et sociologiques –, l’idéologie du genre toutefois pose problème.

Certains d’entre vous en ignorent les conséquences et ces débats devraient permettre de montrer le glissement qui nous guette.

Des personnalités comme Lionel Jospin sont tout à fait lucides sur la question, notamment grâce à son épouse, Sylviane Agacinski, qui combat cette idéologie quand elle verse dans l’excès. Or cet excès est au cœur du présent texte. Encore une fois, nous devrons prendre le temps d’en débattre, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi ou d’autres textes qui suivront. Il faut surtout que la société s’empare de ces sujets car on est en train d’imposer une idéologie sans qu’aucun débat public ne soit organisé. Eh bien, comptez sur nous pour le faire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

(Les amendements identiques nos 3249 et 3899 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3252.

M. Marc Le Fur. Mesdames et messieurs les ministres, vous n’écoutez pas les scientifiques, vous n’écoutez pas les instances officielles de l’adoption, vous n’écoutez pas vos grands anciens ; au moins écoutez le peuple !

M. Philippe Cochet. Très juste : le peuple a toujours raison !

M. Marc Le Fur. Il existe une fédération nationale de la médaille et de la famille française. Plusieurs d’entre vous, j’imagine, participent à des cérémonies que je trouve pour ma part émouvantes, en particulier lors de la fête des mères – que vous voulez peut-être aussi supprimer.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vu que c’est une fête d’origine pétainiste, on pourrait !

M. Marc Le Fur. Au cours de ces cérémonies, on remet la médaille de la famille française à certaines femmes et certains hommes. Ce sont des gens du peuple, des gens qui ont parfois rencontré beaucoup de difficultés pour élever leurs enfants et qui pourtant n’ont rien demandé. Ce ne sont pas ceux que vous fréquentez dans les cortèges, qui défilent avec des banderoles pour solliciter je ne sais quels droits ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce sont ceux qui essaient de faire leur devoir, en essayant d’offrir à leurs enfants un petit peu plus que ce qu’ils ont eu eux-mêmes durant leur enfance. Ce sont des gens qui tiennent leur place. Le premier terme qui me vient à l’esprit quand je pense à eux, c’est celui de dignité.

Or tous ces gens sont regroupés dans une fédération qui exprime son hostilité à votre texte. Sachez écouter le peuple ! Ne tombez pas dans les travers qui caractérisent par exemple l’association Terra Nova consistant à faire l’impasse sur le peuple au profit des bobos. Écoutez le peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3901.

M. Xavier Breton. Ces débats sur la théorie du gender que nous commençons d’avoir et qui se prolongeront pendant des semaines et des mois…

M. Patrick Bloche. C’est un fantasme !

M. Xavier Breton. Si c’est un fantasme, expliquez-moi pourquoi, mon cher collègue.

M. Nicolas Bays. Allez vous coucher !

M. Xavier Breton. Ce n’est pas en dévalorisant les gens et en leur disant d’aller se coucher qu’on fera avancer le débat. En fait ces questions vous font peur. Eh bien, nous vous imposerons le débat.

C’est du reste pourquoi, avec notre collègue Virginie Duby-Muller, nous avons rédigé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’introduction sans aucun débat de la théorie du gender dans notre pays. Encore une fois, n’ayez pas peur du peuple, comme l’a très bien dit notre collègue Marc Le Fur !

M. Alexis Bachelay. Nous n’avons pas peur du peuple !

M. Xavier Breton. Cette théorie est susceptible d’avoir des conséquences énormes dans des pans entiers de notre droit, de notre société. Aussi, je m’adresse à mes collègues de gauche qui ne sont pas des militants de cette théorie, lesquels ne sont que quelques-uns parmi eux.

M. Alexis Bachelay. Merci !

M. Xavier Breton. Prenez donc le temps d’écouter : ce n’est pas parce que nous sommes des députés du groupe UMP et que nous sommes à droite que nous avons obligatoirement tort. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

(Les amendements identiques nos 3252 et 3901 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3259.

M. Marc Le Fur. J’en reviens à la fédération nationale de la médaille de la famille française qui déclare : « Nous avons un devoir envers toutes ces familles qui croient dans le mariage, socle de la société. Nous ne pouvons accepter sans rien dire que le mariage perde sa substance – l’union d’un homme et d’une femme. »

C’est dit simplement, clairement, de manière objective ; mais on a l’impression que vous refusez d’écouter le peuple, que vous vous enferrez dans une logique. Le propre de la gauche, c’est de faire prévaloir la théorie sur la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3915.

M. Xavier Breton. Mettons de côté la théorie du gender – nous avons tout le temps pour en débattre, quoiqu’il y ait urgence par rapport aux enjeux de société –, et revenons-en à la question de la filiation et de l’altérité sexuelle, qui est au cœur de l’article 4. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Drapeau. Pensez au peuple !

M. Xavier Breton. Je rappelle à nos collègues qui vocifèrent que l’article 4 vise à sortir d’une grande partie notre droit toute référence à l’altérité sexuelle, altérité dont j’aimerais du reste que vous nous parliez afin que nous puissions connaître votre conception, si vous en avez une.

L’amendement-balai ayant été conçu en raison des résistances de la société, il convient dès lors de savoir ce que devient cette altérité sexuelle dans le mariage – référence que vous avez refusée à l’article 1er –, mais également dans la filiation, via l’adoption, les techniques d’assistance à la procréation ou encore la gestation pour autrui. Au-delà de la filiation physiologique, ce sujet est l’objet de polémiques pour ce qui est de la filiation affective et éducative. Reste donc la filiation sociale, juridique.

De récentes études parues en Allemagne ont tâché de répondre à la question de savoir si les enfants, dans le cadre de ces familles de couples de personnes de même sexe, avaient été bien ou mal élevés. Il s’agissait notamment de savoir si ces enfants étaient élevés par deux hommes ou par deux pères – je ne suis pas sûr que tout le monde comprenne la distinction. Je pense en particulier à l’un de nos collègues sur les bancs de la majorité, mais je ne citerai personne car je ne veux pas provoquer de fait personnel ! (Sourires.) En tout cas, je souhaite savoir si des éléments de cette étude sont en possession du Gouvernement.

M. Arnaud Leroy. De quelle étude parlez-vous ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 3259 et 3915 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une dernière série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 96.

M. Marc Le Fur. Cet amendement me donne l’occasion de reprendre ma démonstration, ou tout au moins de me faire l’écho de ce cri du cœur qui vient du fond de nos provinces, (Rires sur les bancs du groupe SRC) –cela vous fait rire, évidemment –,…

M. Alexis Bachelay. C’est vous qui nous faites rire !

M. Marc Le Fur. …je veux parler de ce cri des personnes médaillées de la famille française : « Gardons le mariage pour les hommes et les femmes qui veulent s’engager durablement l’un envers l’autre devant la société ; ils acceptent de prendre ce risque pour donner la vie à des enfants. »

C’est tellement simple que cela vous paraît naïf, mais c’est faussement naïf, c’est en fait très intelligent et très profond. Il ne faut pas confondre la naïveté avec la simplicité. La simplicité est dans ces mots que chacun entend, mais que vous ne voulez pas entendre, enferrés que vous êtes dans une logique dont vous mesurez enfin, j’espère, en ce début de journée, les difficultés.

M. Philippe Cochet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 228.

M. Bernard Deflesselles. Tout le monde a bien compris qu’avec l’article 4 nous sommes au cœur du débat, mes chers collègues, encore qu’appelé « article balai » il soit mal nommé.

Comme on l’a vu tout au long de ces débats, il présente une insécurité juridique qui se double d’une insécurité politique. Et non seulement le refus du Premier ministre de lever l’anonymat sur l’avis du Conseil d’État…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Lever l’anonymat ?

M. Bernard Deflesselles. …nous pose problème, même si cette juridiction n’a pas été saisie de l’article 4, cette insécurité politique est renforcée par la déclaration du président du Sénat qui, ce matin, expliquait qu’une seule lecture par assemblée serait la bienvenue.

Autrement dit, s’il n’y a qu’une seule lecture ici à l’Assemblée nationale, nous devons continuer à approfondir le débat. Prenons en le temps. Continuons cette discussion fort importante, car si nous étions privés d’une deuxième lecture, le peuple se trouverait privé du débat.

Cette inquiétude politique se double elle-même d’une inquiétude qui vient de la profondeur de nos provinces, exprimée par les maires. Vous avez pris connaissance de ce sondage de l’IFOP paru hier montrant que 52 % des maires sont contre ce projet et que 61 % d’entre eux souhaitent que le Gouvernement arrête ce débat pour l’approfondir.

Mme Brigitte Bourguignon. Et les citoyens ?

M. Bernard Deflesselles. Voilà, mes chers collègues, une leçon à méditer. Continuons tout simplement à travailler d’arrache-pied et à approfondir le débat !

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement n° 332.

Mme Dominique Nachury. Mesdames et monsieur les ministres, monsieur le rapporteur nous arrivons au terme de l’examen de l’article 4. Nous nous sommes attachés à relever les imprécisions et les incohérences liées, je le répète, à la méthode choisie pour élaborer et travailler ce texte. Nous aurions eu grand bénéfice à prendre le temps nécessaire et aussi grand intérêt à choisir la voie d’un texte plus global sur la famille, distinguant conjugalité et parenté. En raison de votre choix de nombreuses incohérences et, surtout, de nombreuses incertitudes demeurent sur ce qui est établi aujourd’hui et sur ce qui sera possible demain.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n° 409.

M. Yves Albarello. Devant le caractère imprécis du terme « parent », qui crée de l’incertitude juridique, quid des articles 731 et 734 du code civil relatifs aux droits de succession et qui se réfère aux parents par une définition tout autre ? Ils visent jusqu’au sixième degré les enfants et leurs descendants, les père et mère, les frères et sœurs et les descendants de ces derniers, les ascendants autres que les père et mère et les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.

Vous comprendrez que, devant cette insécurité juridique, nous demandions la suppression de l’alinéa 16.

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1054.

M. Philippe Cochet. Je regrette que la ministre de la famille soit partie. Il s’agit tout de même ici d’un sujet qui concerne la famille.

Je voudrais tout d’abord féliciter nos collègues Le Fur et Breton qui, depuis un certain temps, expliquent dans le détail ce que vous vous refusez à comprendre et à voir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut. Cela dure depuis dix jours !

M. Philippe Cochet. Nos collègues ont essayé de faire appel à votre bon sens ; il semblerait que ce soit quelque chose d’impossible.

Comme vous ne parlez pas – il est tout de même extraordinaire d’avoir une majorité qui ne parle pas ! –, j’espère au moins que vous avez lu l’excellent livre blanc commis par l’association lyonnaise Cosette et Gavroche dont les travaux ont été suivis par de nombreux députés lyonnais . Mesdames et messieurs de la majorité, si vous aviez lu ce document, peut-être auriez-vous progressivement réussi à comprendre que vous faites fausse route.

M. Nicolas Bays. Rendez-nous Le Fur !

M. Philippe Cochet. Hier soir, nous avions 10 000 chômeurs de plus depuis que nous discutons de ce texte. Aujourd’hui, nous en avons 11 000 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n° 1103.

M. Claude de Ganay. Cet amendement est l’occasion pour moi de réitérer mon opposition à cet article 4.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1575.

M. Christophe Guilloteau. Comme nous avons à cette heure-ci le temps de faire quelques lectures, je parcourais les propos d’un éminent juriste parisien, Anne-Guillaume Serre, avocat à la cour, qui écrit : « Il ne s’agit pas d’interdire au législateur de modifier le code civil, c’est son rôle, pour autant que ces modifications soient justifiées et cohérentes car le code civil n’est pas une compilation de textes mais un ensemble construit et logique. Or ce projet n’est ni justifié ni cohérent. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1717.

Mme Véronique Louwagie. Je citerai à mon tour le document qui a été publié dans le cadre des états généraux de l’enfant, plus particulièrement des extraits des dernières pages : « Nous affirmons que dans ce projet de loi, l’intérêt de l’enfant n’est pas une considération primordiale du législateur. C’est la revendication d’adultes qui seraient satisfaites. Les questions que nous soulevons dans notre argumentaire ne trouvent pas de réponse autre que : la société s’adaptera. Cela ne nous paraît pas une réponse satisfaisante parce qu’elle est insuffisante. S’il faut faire évoluer la législation pour prendre en compte certaines situations familiales qui existent de fait, le législateur » – c’est-à-dire nous, mes chers collègues – « doit garder à l’esprit que s’il existe plusieurs façons de vivre la famille aujourd’hui, toutes ne sont pas équivalentes du point de vue des enfants qui sont parfois les victimes des choix des adultes. »

Nous réitérons, par le biais de cet amendement, notre regret que l’alliance civile que nous proposions n’ait pas été retenue.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier pour soutenir l’amendement n° 1755.

M. Guillaume Chevrollier. Si le code civil ne mentionnait pas expressément que le mariage unit deux personnes de sexe différent, c’est que tout le code civil le sous-entend. En témoigne le fait qu’il est nécessaire de supprimer des mentions sexuées du code civil pour pouvoir ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Cet alinéa montre une fois de plus que, contrairement, mesdames les ministres, à ce que vous n’avez pas cessé d’affirmer, vous supprimez bien les notions de père et de mère, au profit du mot « parents ». Vous refusez de reconnaître que ce texte introduit des modifications importantes qui concernent tout le monde, puisque notre droit est modifié. Ainsi, quel sens donner à l’expression « jouir en bon père de famille » ? Encore une chose qu’il va nous falloir proscrire pour cause de discrimination car, par principe, cette expression deviendra non avenue pour les couples homosexuels composés de deux femmes.

Revenez donc sur ce texte destructeur de tout ce qui fait l’équilibre de notre société, et tournez-vous vers ce que nos concitoyens attendent de vous, ce qui devrait être votre priorité, la priorité de la représentation nationale, à savoir le redressement économique de notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3180.

M. Céleste Lett. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3357.

M. Xavier Breton. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 3976.

M. Yves Censi. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n° 4323.

M. Claude Sturni. Madame la garde des sceaux, permettez-moi, à cette heure tardive, de vous redire, avec beaucoup de plaisir, à quel point nous sommes fiers de chercher à creuser ce texte. Nous continuerons à le faire demain et après-demain, tant que nous n’aurons pas mis au jour tout ce que ce texte change, tout ce qu’il révolutionne, même, dans nos références et dans notre code civil.

S’agissant de l’article 4, nous avons eu largement l’occasion d’expliquer qu’il n’était pas un article balai, mais qu’il changeait fondamentalement nos références. Aujourd’hui, à cette heure tardive, je voudrais seulement déplorer une nouvelle fois que, par obstination, vous n’ayez pas souhaité créer les conditions d’un consensus. Comme beaucoup de collègues sur ces rangs, je regrette que nous n’ayons pas réussi à aller vers cette alliance civile, qui aurait, je n’en doute pas, contribué à assainir le débat.

Mme la présidente. Sur l’article 4, Je suis saisie par les groupes SRC et UMP d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 5276.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, nous abordons la onzième journée de débat.

M. Nicolas Bays. La faute à qui ?

M. Guillaume Larrivé. Il s’agit du texte le plus longuement débattu à l’Assemblée nationale depuis le début du quinquennat de M. Hollande, parce que le Président de la République et le Gouvernement on fait le choix de lui donner la priorité et d’en faire une urgence absolue, comme si la représentation nationale devait se concentrer, pendant près de quinze jours, sur un seul sujet, une seule question, une seule obsession,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Karine Berger. Il fallait venir en commission des finances !

M. Philip Cordery. Qui a déposé tous ces amendements ?

Mme la présidente. Un peu de calme, mes chers collègues.

M. Guillaume Larrivé. …celle d’ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe.

Je vous le dis comme je le pense, et comme on me le dit sur le terrain, dans la circonscription dont j’ai l’honneur d’être l’élu : le choix du Président de la République et du Gouvernement n’est pas un choix raisonnable. Plutôt que de mobiliser l’Assemblée nationale jour et nuit sur cette question, le pouvoir exécutif, qui est à l’initiative de ce texte, serait mieux avisé de s’intéresser au chômage ; il serait mieux avisé de lutter contre l’insécurité (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) ; il serait mieux avisé d’écouter les Français ; il serait mieux avisé de dire la vérité ; il serait mieux avisé, enfin, d’agir en responsabilité. (Mêmes mouvements et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 96, 228, 332, 409, 1054, 103, 1575, 1717, 1755, 3180, 3357, 3976, 4323 et 5276.

(Les amendements identiques nos 96, 228, 332, 409, 1054, 103, 1575, 1717, 1755, 3180, 3357, 3976, 4323 et 5276.)

Mme la présidente. Sur l’article 4, je suis saisie de demandes d’explications de vote.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Gosselin. Au terme de ces quatre jours de débat sur l’article 4, au cours desquels l’opposition a essayé de mettre au jour un certain nombre de failles, je voudrais revenir très rapidement sur les difficultés que pose ce texte.

C’est une chose de voter un projet politique, de le voter largement, et de s’en réjouir – c’est ce qui s’est passé samedi avec l’article 1er, puis avec l’article 2, relatif à l’adoption –, mais c’en est une autre de trouver le bon dispositif juridique, celui qui permettrait de sécuriser l’ensemble de nos concitoyens, tout particulièrement ceux qui seront les nouveaux bénéficiaires du droit au mariage et à l’adoption plénière.

Plusieurs d’entre nous ont mis en évidence des failles : Hervé Mariton l’a fait à plusieurs reprises, comme Xavier Breton, Jean-Frédéric Poisson et moi-même, ainsi que l’ensemble de nos collègues, que je remercie.

Plusieurs députés du groupe SRC. Vous oubliez Marc Le Fur !

M. Philippe Gosselin. Vous avez parfaitement raison ! Mais je ne vous ferai pas le plaisir de revenir sur le débat qui oppose Normands et Bretons...(Sourires.)

Tous nos collègues ont essayé de démontrer que ce texte présente des failles, qui ne permettront pas une application correcte du droit, et qui, au final, perturberont même le choix politique que vous avez fait.

Ce choix, ce n’est pas le nôtre. Cela a été dit à plusieurs reprises sur les bancs des groupes SRC et écologiste : il y a, c’est vrai, deux conceptions de la société qui s’affrontent, et qui se déclinent sur le terrain de la politique familiale. Vous savez cela, et nous aurons l’occasion d’y revenir, avec le nouveau projet de loi du Gouvernement. Nous craignons que, par un effet domino, nous ayons bientôt la PMA, puis la GPA, malgré les dénégations des uns et des autres – la circulaire sur la GPA et le va-et-vient permanent sur la PMA alimentent nos craintes.

C’est au nom de ces failles, de ces lacunes et de cet amendement-balai, que le groupe UMP votera contre l’article 4.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Yannick Favennec. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous venons de débattre longuement de l’un des articles phares du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Loin d’être anodin, cet article est au cœur de notre débat. Il n’est pas, comme certains ont voulu nous le présenter, une simple coordination technique permettant d’accorder notre code civil avec l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Dans sa rédaction initiale, cet article visait, ni plus ni moins, à remplacer les termes « père » et « mère » par le terme asexué de « parents », et cela dans cinquante-deux articles du code civil. Il s’agissait également de procéder à d’autres substitutions, tendant notamment à remplacer « le mari et la femme » par « les époux », ou encore à supprimer les références aux branches maternelles et paternelles

Lorsqu’il a vu les inquiétudes qu’un tel bouleversement de notre droit de la famille pouvait légitimement susciter, le rapporteur a intégralement réécrit l’article 4, rendant ainsi applicables les dispositions sexuées aux couples de même sexe. Au-delà de l’incertitude juridique qui l’entoure, cet amendement n’est en réalité qu’un écran de fumée, un langage destiné à masquer la réalité. Car au fond, le résultat est le même : ces dispositions nient l’altérité sexuelle, elles tentent de la gommer et de la dissimuler derrière des termes qui veulent faire oublier que la nature humaine est liée à cette altérité sexuelle. Elles reposent sur une conception de la société qui n’est pas la nôtre. Il faut toucher aux lois d’une main tremblante, conseillait en son temps Portalis. J’ajouterai : surtout en matière de droit du mariage et de la filiation. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI, madame la présidente, votera contre l’article 4.

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Chers collègues de l’opposition, au début de notre discussion, vous avez donné des accents de croisade à nos débats… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Vous allez rallumer le feu, cher collègue !

M. Sergio Coronado. …puisque la loi naturelle et l’ordre symbolique ont été vos principales références. C’est un débat qui nous occupe sans doute depuis le siècle des Lumières, puisque notre République est le fruit de ce mouvement, au terme duquel le pouvoir temporel s’est affranchi du pouvoir spirituel. Vos interventions ne portaient pas directement sur le texte, car vous avez finalement semblé assez peu intéressés par les dispositions contenues dans le texte présenté par le Gouvernement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Sergio Coronado. Ce fut tout de même un débat intéressant : nous avons pu vous écouter et vous entendre, et parfois même vous répondre.

M. Bernard Deflesselles. Vous, on ne vous a pas beaucoup entendus !

M. Sergio Coronado. Vous avez ensuite multiplié les références et vous nous avez servi, pêle-mêle, Dalida, Guy Béart, Sylviane Agacinski et Georgina Dufoix.

M. Sylvain Berrios. Vous oubliez Michel Rocard !

M. Sergio Coronado. Ce soir, chers collègues, vous avez choisi des références un peu plus douteuses. Un petit livre intitulé Les états généraux de l’enfant a été pour vous une mine de citations. On y trouve des phrases extraordinaires, d’une violence inouïe, que je voudrais citer, pour celles et ceux qui ne l’ont pas eu entre les mains et pour celles et ceux qui nous écoutent et qui pourront, à juste titre, être scandalisés. « S’il est vrai qu’un parasite est une personne qui vit aux dépens d’autrui, les homosexuels mariés auront donc un double comportement parasitaire. » Cette phrase figure dans le texte qui vous a servi, ce soir, de référence principale.

M. Guillaume Larrivé. Personne n’a dit cela sur les bancs de l’opposition !

M. Sergio Coronado. À ce stade de nos débats, je n’ai qu’une certitude, chers collègues : la caricature que vous donnez de vous-mêmes a fait fuir jusqu’à vos amis – je ne vois nulle part François Fillon, Laurent Wauquiez, Valérie Pecresse.

M. Marc Le Fur. Et vos deux coprésidents, où sont-ils ?

M. Sergio Coronado. Vous n’avez pas intérêt à continuer dans cette voie ; nous n’avons rien à y gagner et le Parlement n’en sort pas grandi.

M. Philippe Cochet. On va continuer !

M. Sergio Coronado. Vous avez lutté, vous avez argumenté, vous avez bataillé, mais je peux vous dire que ce combat est vain, car vous avez, face à vous – et c’est assez rare pour être souligné –une majorité rassemblée…

Mme la présidente. Merci de conclure.

M. Sergio Coronado. …une majorité déterminée (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) une majorité unie et fière de ce texte, une majorité qui a l’amour de l’égalité, une majorité qui, mardi prochain, fera en sorte que les couples de personnes de même sexe aient accès au mariage, une majorité qui fera voter ce texte, fière de ce qu’elle a fait, fière des débats qu’elle a conduits, et fière de ses ministres. (Les députés du groupe écologiste et certains députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. À ce moment de la nuit, après des dizaines d’heures de réflexion, je voudrais d’abord m’adresser à nos collègues de l’opposition. Ils ont fait ce qu’ils ont jugé utile, une obstruction qui, à mon sens, n’a pas servi à grand-chose.

M. Claude Goasguen. Ben voyons !

M. Alain Tourret. C’est une grande tradition, mais elle ne vient pas, comme ils nous l’ont dit tout à l’heure, de quelques grands anciens de leurs rangs, comme Simone Veil. Je voudrais simplement leur rappeler le vote qui a eu lieu le 20 décembre 1981 sur la dépénalisation de l’homosexualité, qui fut un vote important. Un seul député de droite ne s’est pas opposé à cette dépénalisation et, parmi ceux qui ont voté contre, il y a encore deux grandes personnalités dans leurs rangs : l’un occupe le poste de maire de Marseille et l’autre est un ancien premier ministre. Selon moi, cela veut dire beaucoup.

M. Céleste Lett. Cela ne veut rien dire !

M. Alain Tourret. Aujourd’hui, nous votons l’article 4. Il est la suite du vote par lequel nous avons fait en sorte que le mariage soit désormais ouvert aux couples de personnes de même sexe. Vous n’étiez même pas cent à vous y opposer !

Il y a eu ensuite le vote sur l’adoption. Cela a été un grand vote, car je continue de penser que l’adoption, en France, a connu un grand échec et qu’il y a peut-être là un nouveau paradigme qui permettra de retrouver le chemin de l’adoption.

Ensuite il y a eu le problème des noms, puis celui des mentions de « père » et de « mère ». Je veux dire aujourd’hui avec force que je suis fier de soutenir un gouvernement qui soutient cette loi.

M. Céleste Lett. Contre les Français !

M. Alain Tourret. Je veux dire aujourd’hui avec force que je suis fier d’avoir participé, avec toute la commission, au travail qui a été fait. Je veux vous dire, messieurs de l’opposition, que vous venez de rater le chemin de l’histoire, et que vous avez eu tort. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Cochet. C’est sexiste ! Il faudrait dire « mesdames et messieurs de l’opposition » !

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Corinne Narassiguin. Je voudrais remercier les ministres qui ont été, pendant ces dernières journées, d’une patience extraordinaire et d’une pédagogie admirable, ainsi que tous les députés de la majorité qui sont restés très mobilisés ces trois derniers jours au cours desquels nous avons fait du surplace, examinant près de 1 350 amendements d’obstruction.

L’obstruction peut avoir son utilité dans les travaux parlementaires quand elle sert à faire avancer les débats.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous m’expliquerez ce paradoxe !

Mme Corinne Narassiguin. Malheureusement, quand elle ne sert qu’à faire perdre du temps, ceux qui la pratiquent ne font pas honneur à ceux qui attendaient de leur part un débat de fond. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Et les lacunes du texte que nous avons mises en avant ? Le nom volé ? Ces trois jours de débat ont permis de révéler beaucoup de choses !

M. Xavier Breton. Arrêtez les leçons, nous ne sommes plus dans le débat !

Mme la présidente. Laisser l’oratrice terminer s’il vous plaît !

Mme Corinne Narassiguin. Nous avons réussi à rester mobilisés pendant ces derniers jours dans l’hémicycle, mais aussi à faire avancer les autres dossiers qui préoccupent les Français, notamment la régulation bancaire sur laquelle s’est penchée hier soir la commission des finances, réunion à laquelle malheureusement aucun député de l’UMP n’était présent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Bays. Ils ne travaillent pas !

M. Philippe Gosselin. Il avait été décidé qu’il n’y aurait pas de réunion de commission pendant la séance plénière !

Mme Corinne Narassiguin. Toutes nos priorités sont en ordre : nous travaillons pour redresser la France et nous continuons notre chemin convaincu et déterminé vers l’égalité.

M. Philippe Cochet. Et les mille nouveaux chômeurs par jour ?

Mme Corinne Narassiguin. Nous, députés de la majorité, voterons ensemble, unis, ce grand texte mardi prochain. Je vous donne rendez-vous demain et pendant le week-end pour finir l’examen de ce texte avant un grand vote historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 4.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 163

Nombre de suffrages exprimés 163

Majorité absolue 82

(L’article n° 4 est adopté.)

(Les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la présidente, je voudrais répondre à M. Coronado sur le fondement de l’article 58 de notre règlement.

Monsieur le député, vous avez accusé l’opposition d’avoir fait état d’un document dans lequel on trouverait une certaine phrase que je ne me souviens d’ailleurs pas d’avoir citée ou de l’avoir entendue de la part de mes collègues,.

Mme Catherine Coutelle, rapporteure pour avis. Il n’a pas dit que vous l’aviez citée !

M. Jean-Frédéric Poisson. Permettez madame, je suis encore libre de mes propos partout où je suis, y compris dans cet hémicycle.

M. Pouria Amirshahi. M. Coronado aussi !

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur Coronado, vous êtes un homme cultivé et fin, vous connaissez donc certainement cette célèbre phrase de Richelieu : « Donnez-moi quatre lignes de l’écriture d’un homme, et je me charge de le faire pendre. »

Je regrette que vous n’ayez pas jugé bon de préciser que le document en question est une compilation d’interventions, qui n’engagent pas tous ceux qui y puisent des références. Sinon on ne pourrait plus citer ni les dictionnaires, ni l’encyclopédie, ni aucun ouvrage dans cet hémicycle sans encourir les foudres de celui qui trouverait un propos qui ne lui convient pas 350 pages plus loin.

M. Nicolas Bays. Cela les cautionne quand même !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je n’ai pas demandé la parole pour un fait personnel parce que vous ne me visiez pas. Mais j’ai été le premier à citer ce document dans cette enceinte.

Je ne crois pas avoir jamais tenu un propos depuis le début de ces débats qui ait offensé quiconque. Et je ne comprends pas qu’à cette heure – certes tardive, mais vos propos sont enregistrés – vous ayez besoin d’expliquer votre position en haranguant l’opposition après avoir été frappé du syndrome du prêcheur, celui que connaissent bien les pasteurs et les prêtres qui le dimanche matin tancent au titre des absents les fidèles présents.

Je regrette que nous terminions cette séance ainsi. Si l’on peut avoir des désaccords – nous n’avons d’ailleurs pas cessé de les exprimer dans cette enceinte –, nous avons simplement pour notre part tâché de montrer que ce texte comportait des incohérences, des risques et des faiblesses. Nous continuerons de le faire.

J’admire d’ailleurs l’optimisme de notre collègue Mme Narassiguin qui considère que nous voterons l’ensemble du texte mardi. Nous verrons bien ce qu’il en est.

Mme la présidente. Merci de conclure.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous n’avons pas intérêt, en tout cas ce n’est pas mon souhait, à sans cesse aller chercher l’adversaire sur le plan personnel. Le débat juridique doit être d’une tout autre volée, et je regrette que M. Coronado n’ait pas choisi de nous rejoindre à cette hauteur-là. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

2

Fait personnel

Mme la présidente. En application de l’article 58, alinéa 4, du règlement, M. Galut a demandé la parole pour un fait personnel.

La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut. Mes chers collègues, j’ai été mis en cause par mon collègue Guillaume Larrivé qui a lu à l’Assemblée nationale un tweet dans lequel j’indiquais que je souhaitais que ce débat cesse.

La soirée que nous venons de vivre – notamment la dernière intervention de notre collègue Poisson annonçant que l’obstruction allait continuer et que nous ne serions peut-être pas dans la capacité de voter ce texte mardi prochain, alors que nous nous étions tous engagés, m’avait-il semblé, à faire en sorte que le vote solennel ait lieu mardi – me conforte dans l’idée qu’après onze jours de débat, quatre cents heures de discussion, après avoir étudié 3 000 amendements, après avoir permis à l’opposition, et c’est normal, de s’exprimer,…

M. Bernard Deflesselles. C’est maintenant que vous vous en rendez compte !

M. Yann Galut. …nous devons passer à une autre étape.

Nous étions quelques-uns à nous intéresser, parallèlement à cette séance, à ce qui s’est passé en commission des finances.

M. Bernard Deflesselles. Ce n’est pas un fait personnel !

M. Yann Galut. Alors que les commissaires socialistes étaient présents avec toute la gauche pour discuter de la loi bancaire, en particulier des paradis fiscaux et des frais bancaires, les députés de l’UMP, eux ne l’étaient pas.

M. Philippe Gosselin. Nous avions un accord pour qu’il n’y ait pas de réunion de la commission pendant la séance publique !

M. Yann Galut. Vous prolongez le débat de manière inutile,…

M. Guillaume Larrivé. Dites à M. Ayrault de retirer le texte !

M. Yann Galut. …répétant en boucle « Adoption », « PMA », « GPA » !

Nous sommes déterminés à mener le débat et à faire en sorte qu’il se termine rapidement afin que nous votions le texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, vendredi 8 février à dix heures :

Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 8 février 2013, à deux heures dix.)