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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 18 décembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Proclamation de trois députés

2. Questions au Gouvernement

Droit de mourir dans la dignité

Mme Véronique Massonneau

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Transport de matières dangereuses

M. Jean-Christophe Lagarde

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Réforme bancaire

Mme Valérie Rabault

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Exilés fiscaux

M. Patrick Devedjian

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Éducation

M. Yves Durand

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Grand Paris Express

M. Jacques Alain Bénisti

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Budget des conseils généraux outre-mer

M. Thierry Robert

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Politique économique

M. Élie Aboud

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Réciprocité du commerce international

Mme Seybah Dagoma

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur

Amnistie de militants syndicaux

M. Marc Dolez

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Grand Paris Express

M. Sylvain Berrios

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Recrudescence de la tuberculose

Mme Thérèse Guilbert

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Création de l’agglomération de Roanne

M. Yves Nicolin

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Situation de l’AFPA

M. Jacques Cresta

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Chantiers navals STX

M. Christophe Priou

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Marc Le Fur

3. Fixation de l’ordre du jour

4. Projet de loi de finances rectificative

Présentation

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Motion de rejet préalable

M. Alain Chrétien

M. Pierre-Alain Muet, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Éric Woerth, M. Charles de Courson, M. Éric Alauzet

Discussion générale

M. Charles de Courson

M. Dominique Lefebvre

M. Hervé Mariton

Mme Arlette Grosskost

M. Nicolas Sansu

Présidence de M. Christophe Sirugue

M. Éric Alauzet

M. Thierry Robert

M. Thierry Mandon

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Éric Woerth

Mme Eva Sas

M. Jacques Bompard

M. Thomas Thévenoud

M. Bruno Le Roux

Suspension et reprise de la séance

Première Partie

Article 1er

Article 2

Amendement no 30

Article 3

Article 3 bis

Amendements nos 31, 32, 33

Article 4 et état A

Amendement no 150 rectifié

Vote sur l’ensemble de la première partie

Seconde partie

Article 5 et état B

Amendements nos 165 deuxième rectification, 149, 162, 154, 156, 159, 161, 163, 164, 146

Article 6 et état D

Articles 7 à 7 ter

Article 8

Amendement no 113

Article 9

Article 10

Amendement no 79

Article 11

Amendements nos 102, 103, 104

Article 12

Amendements nos 81, 80

Articles 12 bis et 12 ter

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Proclamation de trois députés

M. le président. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue aux trois députés élus dimanche 16 décembre (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI) :

M. Patrick Devedjian, dans la treizième circonscription des Hauts-de-Seine ; M. Élie Aboud, dans la sixième circonscription de l’Hérault ; M. Sylvain Berrios dans la première circonscription du Val-de-Marne. (Mme et MM les députés des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI se lèvent et applaudissent vivement.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Droit de mourir dans la dignité

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. Monsieur le Premier ministre, le professeur Didier Sicard a, ce matin, remis au Président de la République un rapport très attendu sur la fin de vie. Un rapport attendu par les associations prônant l’aide au droit de mourir dans la dignité et, plus largement, par toutes celles et tous ceux, malades et familles, qui sont confrontés à ce choix douloureux.

Au-delà de la députée française que je suis, c’est aussi la femme qui a vu ses parents bénéficier de la législation belge qui vous interroge aujourd’hui, une législation qui reconnaît le droit de mourir dans la dignité.

Si le rapport Sicard intègre une pluralité d’approches, ses conclusions ne semblent pas suffisantes.

Une meilleure application de la loi Leonetti, adoptée en 2005 et appelée par son auteur lui-même « droit au laisser-mourir », est la piste principale développée dans le rapport. Cette loi permet certes, quand elle est réellement connue et appliquée, d’accompagner plus dignement les mourants, mais elle ne permet pas à ceux qui veulent mourir d’exercer leur choix dans la sécurité et la sérénité.

S’il présente des orientations intéressantes sur le développement de la formation des médecins sur la fin de vie et s’il ouvre, plus que modérément, la réflexion sur les suicides assistés, ce rapport exclut l’euthanasie dite active.

Mis en débat par Noël Mamère en 2002, le droit de mourir dans la dignité s’est traduit lors de la dernière campagne présidentielle par l’engagement 21 de François Hollande. Désormais président, François Hollande a annoncé à midi une loi sur la fin de vie pour juin 2013.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire quelles orientations du rapport Sicard seront retenues et pouvez-vous nous assurer que l’engagement du chef de l’État pour le droit de mourir dans la dignité sera respecté dans ce projet de loi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée, vous l’avez rappelé, le professeur Sicard a, ce matin, remis au Président de la République son rapport sur la fin de vie. Je veux saluer la qualité de ce rapport, l’humanité qui s’en dégage. Il est le résultat de longues semaines de travail et de débats publics, qui ont eu lieu partout en France et ont permis d’entendre la diversité des points de vue. Le professeur Sicard et la mission ont fait plusieurs constats.

Le premier est que les soins palliatifs sont aujourd’hui insuffisamment développés et que la fin de vie apparaît excessivement médicalisée. Avant le mois de mai, avec ma collègue Geneviève Fioraso, nous présenterons des propositions pour l’amélioration de la prise en charge palliative des personnes en fin de vie.

Un autre constat est qu’une grande partie de nos concitoyens souhaite pouvoir décider du moment et des conditions dans lesquelles la vie s’achève et que la dignité de la fin de vie soit reconnue. À cet effet, le Président de la République a saisi le Comité consultatif national d’éthique afin de préciser les conditions dans lesquelles les décisions anticipées des patients pourraient être recueillies, les conditions dans lesquelles le patient pourrait être assisté pour mettre fin lui-même à sa vie, enfin, les conditions dans lesquelles, une fois les traitements interrompus, la prise en charge d’un patient pourrait être améliorée.

C’est une question de dignité, madame la députée, c’est un enjeu majeur. Une loi sera présentée au Parlement au mois de juin prochain. Il faut aborder ce débat sans passion et avec humanité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Transport de matières dangereuses

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Le 13 décembre dernier, un train de déchets nucléaires, parti des Pays-Bas pour se rendre à La Hague, est venu stationner pendant vingt-quatre heures en pleine gare du Bourget sur le territoire de la ville de Drancy dont je suis le maire. Il a ainsi mis en danger des centaines de milliers d’habitants qui n’ont évidemment pas été informés et les maires des communes concernées, avertis, ont été victimes du mensonge de la SNCF qui leur a expliqué que ce train ne ferait que traverser.

D’ordinaire, les trains transportant des matières dangereuses traversent les zones urbaines denses sans s’y arrêter, même si cela a déjà quelque chose d’absurde : n’importe lequel de nos concitoyens peut se demander ce qu’un train en provenance des Pays-Bas et à destination de La Hague vient faire dans la région la plus peuplée de France.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce train, madame la ministre, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Par cette gare comme par de nombreuses autres gares de triage situées en zone urbaine dense transitent chaque année entre 4 000 et 6 000 wagons chimiques très dangereux. Des accidents, des déraillements, des fuites ont régulièrement lieu. Une étude menée par l’un de vos services, la direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement, montre qu’un trou de deux centimètres dans un wagon de chlore entraînerait des effets mortels majeurs dans un rayon de 2 600 mètres. Rien que pour la gare du Bourget, 210 000 habitants seraient concernés alors même que 80 % des trains transportant des matières dangereuses qui la traversent ne sont pas destinés à l’Île-de-France.

Les wagons les plus dangereux – n’importe qui pourrait le concevoir – devraient passer non pas au milieu des fortes concentrations humaines mais bien plus loin, en dehors des zones urbaines. Je vous ai écrit à ce sujet en septembre mais vous n’avez même pas daigné vous fendre d’une réponse.

Ma question est simple, madame la ministre : aurez-vous le courage de prendre les décisions politiques qui s’imposent pour respecter le principe de précaution ou attendez-vous qu’une catastrophe, hélas prévisible, se produise pour ensuite venir verser des larmes de crocodile ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. En réponse à votre question, monsieur le député, je vous renvoie à la note de l’Autorité de sûreté nucléaire sur le transport des combustibles usés des Pays-Bas vers le site de La Hague, disponible en ligne : elle répond de façon tout à fait transparente à l’ensemble des questions que vous avez soulevées.

Toutes les mesures sont prises pour assurer la sûreté et la sécurité de nos concitoyens.

Le contrôle de la sûreté des transports de matières radioactives est assuré par l’Autorité de sûreté nucléaire à chaque étape de la vie du colis, de sa conception à sa maintenance, jusqu’à son expédition et son transport.

L’application des contraintes réglementaires et les débits de dose à proximité du véhicule sont, comme vous le savez, très strictement contrôlés. Chaque transport fait l’objet de mesures de sécurité et de sûreté particulières, coordonnées par le ministère de l’intérieur qui assure en outre la protection de l’ordre public en lien avec les préfectures concernées.

Toutes les garanties de sûreté sont prises pour éviter les heures d’affluence s’agissant de l’inévitable passage en région parisienne.

M. François Rochebloine. Qu’en pensent les Verts ?

Mme Delphine Batho, ministre. Le convoi que vous évoquez est ainsi arrivé en France de nuit et a atteint Le Bourget à six heures ; il n’en est reparti qu’à vingt et une heures pour éviter les heures de pointe. Pendant l’arrêt du train dans la zone de fret isolée du Bourget, les trois wagons concernés ont été surveillés en permanence par l’opérateur ainsi que par les services de sûreté de la SNCF.

J’ajoute que l’Autorité de sûreté nucléaire, en conclusion de son rapport, indique que les transports de combustibles usés en provenance des Pays-Bas présentent la même protection dans le domaine de la sûreté que les autres substances radioactives et qu’un grand nombre de transports a été assuré de façon comparable cette année sans être sujet à préoccupation particulière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Réforme bancaire

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, depuis 2008, nous sommes touchés par une crise financière sans précédent. Cette crise s’est propagée à toute l’économie réelle ; elle s’est alors transformée en crise économique d’une ampleur inégalée, entraînant des destructions d’emplois par milliers et mettant un coup d’arrêt brutal à la création de richesse dans notre pays.

Face à cette situation et pour éviter l’effondrement de tout un système, le précédent gouvernement a été contraint d’accorder sa garantie publique à hauteur de plusieurs centaines de milliards d’euros. Il l’a toutefois fait sans demander de contrepartie, et ce en dépit des promesses du précédent Président de la République de « tirer les leçons de la crise pour qu’elle ne se reproduise pas ». Il l’a fait sans demander de contrepartie alors que d’autres pays comme les États-Unis et le Royaume Uni ont, eux, engagé un débat sur la réforme du système bancaire.

Or, monsieur le ministre, il ne peut y avoir de mobilisation d’argent public sans contrepartie. Ce principe, bafoué par la précédente majorité (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP),…

M. Thierry Mariani. Ça fait six mois que vous ressortez cet argument !

Mme Valérie Rabault. …doit redevenir notre fil conducteur.

La première de ces contreparties doit consister à placer chacun face à ses responsabilités. Il s’agit d’identifier clairement ce qui marche et ce qui ne marche pas. Ce qui ne marche pas, c’est la survivance de l’aléa moral qui permet que des activités spéculatives puissent bénéficier d’un sauvetage financé par la puissance publique lorsqu’elles perdent de l’argent ou sont en faillite.

La seconde contrepartie découle directement de la première : il faut avoir le courage de réformer ce qui ne marche pas. Avec ce projet de séparation bancaire, vous êtes, monsieur le ministre, le premier en France, mais aussi en Europe, à proposer une solution pour réformer la banque. (Exclamations et rires sur plusieurs bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Aussi, pourriez-vous nous indiquer en quoi la filialisation que vous proposez constitue une séparation des activités, en quoi elle permettra de protéger l’argent des épargnants et en quoi elle garantira que les éventuelles aides publiques ne seront pas utilisées pour sauver des activités spéculatives ? (« Allô ! Allô ! » sur plusieurs bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la députée, je présenterai demain au conseil des ministres ce projet de loi visant à séparer les activités bancaires spéculatives des activités bancaires utiles au financement de l’économie. C’était une promesse très forte de François Hollande quand il était candidat. Première en Europe, ce projet, économique mais aussi politique, vise à tirer les leçons de la crise financière. Plus jamais ça : plus jamais d’aides publiques sans contrepartie !

Il vise quatre objectifs.

Son premier objectif est d’empêcher les activités spéculatives des banques de mettre en péril les déposants. On ne spécule pas avec l’argent des déposants ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) C’est la raison pour laquelle nous allons cantonner les activités spéculatives dans une filiale ad hoc et interdire certaines activités spéculatives dangereuses comme le trading à haute fréquence ou la spéculation sur les matières premières agricoles.

Son deuxième objectif est de donner aux pouvoirs publics les moyens d’intervenir en cas de défaillance bancaire. Il n’est pas normal que ce soient les déposants ou que ce soient les citoyens, à travers les finances publiques, qui soient menacés dans ces circonstances ; il faut que ce soient les actionnaires et les créanciers. Nous mettrons en œuvre un contrôle prudentiel renforcé en ce sens.

Son troisième objectif est d’anticiper et de prévenir. Nous créerons une nouvelle autorité qui sera à même d’imposer aux banques des mesures supplémentaires – sorte de ciseaux – afin d’écarter l’aléa moral ou le risque que vous évoquiez.

Son quatrième objectif, fondamental, consiste à protéger le consommateur. Il n’est pas normal que lorsque l’État vient au secours des banques, il néglige les citoyens les plus fragiles. Ce projet de loi comprendra des mesures qui leur seront destinées afin de plafonner les commissions, de faciliter les procédures de surendettement ou d’introduire de la concurrence dans ce que l’on appelle le crédit emprunteurs.

C’est une réforme ambitieuse, c’est une réforme forte, c’est une réforme ferme, c’est une réforme qui mérite votre soutien, mesdames, messieurs les députés : elle est historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Exilés fiscaux

M. le président. La parole est à M. Patrick Devedjian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Patrick Devedjian. Merci pour votre accueil.

Monsieur le Premier ministre, à propos d’un grand artiste français, vous avez dit « minable » ; pour votre part, monsieur Sapin, vous avez dit « déchéance ».

Qu’il me soit permis tout d’abord de dire qu’il ne faut pas traiter les grands artistes comme ça, même quand ils font preuve de démesure (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), car chez les artistes la démesure et le talent vont ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Bruno Le Roux. Alors vous êtes un grand artiste…

M. Patrick Devedjian. Quand un artiste français s’installe à l’étranger, il fait aussi rayonner la culture française dans le monde. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues !

M. Patrick Devedjian. Il demande donc à être traité beaucoup mieux.

Ensuite, je veux vous dire que le ministre des affaires étrangères belge vous a répondu : « la France a librement choisi un système fiscal qui porte des conséquences ». Or, durant ces six derniers mois, vous avez augmenté très fortement vingt-cinq impôts.

M. Philippe Vitel. De mieux en mieux !

M. Patrick Devedjian. Je vous renvoie à ce que disait si intelligemment Abraham Lincoln : « Vous ne pouvez pas aider le pauvre en ruinant le riche ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Or, vous avez fait le contraire.

Plutôt que d’injurier les personnes, alors que l’Europe est construite sur la liberté de circulation et d’installation pour ses citoyens, je vous le rappelle, dites-nous plutôt comment vous comptez rendre le territoire national plus attractif qu’il ne l’est. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme Claude Greff. Comment va la Suisse ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Avant de vous répondre, monsieur le député, permettez-moi d’abord de vous adresser mes félicitations républicaines pour votre réélection, et veuillez excuser l’absence du Premier ministre, en déplacement dans le département du Nord.

Monsieur le député, vous semblez faire un lien entre le régime fiscal qui prévaudrait dans un pays et le départ de ce pays de quelques-uns de ses ressortissants, dont certains très célèbres.

Il ne paraît pas que l’étude attentive de ce qui s’est passé ces dix dernières années puisse corroborer la déduction que vous semblez faire. En effet, il existe deux façons d’apprécier ce que d’aucuns appellent l’exil fiscal : d’abord, le nombre de redevables à l’impôt sur la fortune, et ensuite, jusqu’en 2005 – avant que M. Copé ne supprime le quitus fiscal –, le nombre de redevables à l’impôt sur le revenu.

On constate, par exemple, qu’entre 2003 et 2006 le nombre d’exilés fiscaux est passé de 368 à 843. Or, il me semble que, durant cette période, vous, à l’UMP, n’avez pas été en arrière de la main pour baisser les impôts… Pourtant le nombre de départs pour raison fiscale a été multiplié par 2,5.

Entre 2007 et 2012, pour prendre une période plus récente, vous avez voté et longtemps défendu le bouclier fiscal en espérant voir revenir certains qui s’étaient expatriés vers des cieux fiscalement plus cléments. Or, il se trouve qu’aucun retour substantiel n’a été observé.

Je ne crois donc pas possible, monsieur le député, de tirer une règle générale d’un cas aussi tonitruant que médiatique, et je me permettrais, après vous avoir donné ces éléments d’appréciation, de répondre à M. le président de la commission des finances, qui a interrogé le Gouvernement de manière très précise à ce sujet, que, naturellement, toutes les réponses lui seront apportées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Éducation

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Durand. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, notre école ne va pas bien. Ce constat est hélas partagé par toutes les études, qu’elles soient nationales ou internationales.

Malgré le dévouement des enseignants, l’échec scolaire reste massif et touche principalement les enfants des milieux défavorisés. L’échec scolaire devient une fatalité aux yeux de ceux qui attendent pourtant tout de l’école. L’illettrisme, lui-même, devient un véritable fléau national.

Les enseignants ont perdu confiance, victimes de gouvernements qui les ont trop souvent méprisés (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP), au point de leur ôter toute formation.

M. Marcel Rogemont. Eh oui !

M. Yves Durand. Comment faire respecter un métier qui ne s’apprend même pas ?

Ce triste bilan a été aggravé par dix ans de suppressions massives de postes.

Monsieur le ministre, vous avez commencé à apporter des réponses en urgence, pour permettre une rentrée satisfaisante en septembre dernier – je pense aux 1 000 postes supplémentaires et aux emplois d’avenir. Mais les moyens ne peuvent pas être la seule réponse aux problèmes de l’école. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Ainsi, dès votre arrivée au ministère, vous avez lancé le chantier ambitieux de la refondation de l’école, engageant une large concertation pendant tout l’été.

Refonder l’école, cela commencera par l’examen par le Parlement de la loi d’orientation et de programmation – la première depuis longtemps – qui en sera le premier acte après son adoption par le Conseil supérieur de l’éducation vendredi dernier.

Pouvez- vous, monsieur le ministre, nous donner les grandes lignes de cette loi et de cette refondation – que signifient-elles pour vous ? – ainsi que son calendrier prévisionnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. François Rochebloine. Et du cannabis !

M. le président. S’il vous plaît !

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, vous avez raison : si la France veut mieux préparer son avenir, elle doit mieux élever, éduquer et instruire ses enfants.

Lorsque la France ne le fait pas – et elle ne l’a pas fait suffisamment ces dernières années –, non seulement elle porte préjudice à sa jeunesse, mais elle nous met dans la situation de défaut de compétitivité économique, de cohésion sociale et même de cohésion civique à laquelle nous assistons.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas possible d’entendre ça !

M. Vincent Peillon, ministre. C’est pourquoi le Président de la République a décidé, conformément à notre histoire, de refonder l’école de la république et de refonder la république par son école, en attribuant des moyens, certes – ils sont nécessaires –, mais également en faisant en sorte que tous les enfants de France puissent réussir.

Cela suppose un certain nombre de priorités : d’abord, la priorité au primaire : cela veut dire davantage de moyens, l’accueil des tout petits, le changement des pédagogies, la remise en place d’une formation des enseignants.

Cela veut dire aussi de nouveaux rythmes scolaires, puisque l’on a créé une exception française : nos enfants n’auraient que 144 jours de classe, alors qu’ils en avaient 180 il y a encore quatre ans, comme dans tous les pays d’Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Il faut en même temps être capable d’améliorer l’orientation, d’en finir avec les orientations subies ; il faut être capable de se moderniser, de se doter d’un service public de l’éducation numérique ; il faut être capable de préparer l’avenir et d’aller aussi rechercher tous les décrocheurs – 150 000 décrocheurs par an après dix ans de gouvernement de droite ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas acceptable !

M. Vincent Peillon, ministre. L’ensemble de ces propositions vous seront faites lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation. Elle sera présentée en Conseil des ministres fin janvier et débattue au Parlement à partir du mois de mars.

Pour la première fois, en effet, une loi de programmation et d’orientation a été très largement et majoritairement approuvée par le Conseil supérieur de l’éducation, parce qu’elle sert l’intérêt des élèves et l’intérêt de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Grand Paris Express

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe Rassemblement-Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Alain Bénisti. Madame la ministre de l’égalité des territoires et du Grand Paris, il y a quelques semaines vous affirmiez devant la représentation nationale que le Grand Paris Express serait bel et bien réalisé, en respectant et son planning et l’accord historique conclu entre les quatre-vingt-treize maires, les six départements, la région et l’État, tous bords politiques confondus. Ma question aujourd’hui est très simple : pourquoi avez-vous menti ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Jeudi dernier, un rapport vous a été remis qui renvoie à 2040, c’est-à-dire aux calendes grecques, la jonction de la grande boucle dite ligne rouge qui relie les quarante-cinq villes de banlieue entre elles. Il va jusqu’à proposer un plan à la découpe avec des bouts de tronçons sans cohérence entre eux et sans pertinence.

De plus, en repoussant de douze ans ce projet, il augmente son coût de 10 milliards, si on considère les 2,2 % d’inflation par an, le faisant passer de 20 à 30 milliards d’euros.

Mais le plus grave est que vous renvoyez à leur condition déplorable les huit millions de Franciliens qui souffrent au quotidien dans des transports en commun dépassés, peu fiables, alors qu’ils avaient placé tant d’espoir dans ce projet, si prometteur pour diminuer leur temps de transport par trois, voire par quatre.

Ce rapport, dont vos conseillers ont tout simplement dicté la rédaction, est affligeant car il repose sur des postures idéologiques dogmatiques contraires à l’intérêt général.

Madame la ministre, pouvez-vous vous engager aujourd’hui devant la représentation nationale à mettre purement et simplement au panier ce rapport inique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Monsieur le député, je vous prie d’excuser l’absence de Cécile Duflot, retenue au Sénat où elle présente le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement.

Comme elle l’avait indiqué au mois de juillet, le projet de Grand Paris Express est soutenu par le Gouvernement dans sa totalité et il sera réalisé. Mais, compte tenu de l’état dans lequel vous avez laissé les finances publiques (Protestations sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP), il était assez logique qu’un projet de cette ampleur soit évalué et qu’il puisse éventuellement être séquencé. C’est pourquoi Cécile Duflot a missionné M. Auzannet le 1er septembre dernier. Celui-ci a remis son rapport la semaine dernière.

Le coût de ce projet avait été sous-évalué, et vous le savez très bien puisque ni la ligne orange ni les interconnexions entre le Grand Paris Express et le réseau actuel n’avaient été intégrées au projet.

M. Auzannet a proposé des scénarios qui constituent un éclairage utile pour le Gouvernement et la ministre de l’égalité des territoires et du logement. Le Premier ministre lui a demandé de travailler avec Pierre Moscovici, Jérôme Cahuzac, Frédéric Cuvillier et moi-même, afin qu’il puisse prendre des décisions le 15 février prochain. Ne doutez pas que ces décisions seront prises en tenant compte des besoins actuels des Franciliens en matière de transports collectifs et, bien entendu, des besoins futurs.

Budget des conseils généraux outre-mer

M. le président. La parole est à M. Thierry Robert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Thierry Robert. Madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation, et de la fonction publique, le 22 octobre dernier, le Président de la République a signé une déclaration d’engagements réciproques avec une délégation de présidents de conseils généraux.

L’un de ces engagements prévoit la création par l’État, dès le début 2013, d’un fonds spécifique de 170 millions d’euros pour mieux soutenir le financement des missions de solidarité par les départements les plus exposés à des tensions financières.

Lors de la première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2012, le Gouvernement a fait voter un amendement proposant une répartition du fonds exceptionnel de soutien. La première section du fonds se voit dotée de 85 millions d’euros, une quote-part sera réservée aux départements d’outre-mer. Ces dispositions spécifiques prévues pour les départements ultramarins ne sont équitables, ni sur le fond, ni sur la forme.

Comment peut-on écarter les départements d’outre-mer de la répartition de droit commun, ce qui aura pour conséquence de diminuer de moitié cette contribution financière exceptionnelle ?

Les départements ultramarins assument leurs charges comme n’importe quel autre département français. De plus, ils sont le terrain de difficultés sociales extrêmement fortes, qu’il ne faut pas négliger. Le nombre de bénéficiaires de l’APA ou du RSA ne cesse de croître chaque jour.

Il n’est donc pas normal que l’on puisse, à l’occasion de la création d’un mécanisme de compensation exceptionnel, refuser aux départements ultramarins l’application du droit commun.

Madame la ministre, lors de la nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2012, avez-vous l’intention de vous engager en faveur de l’application du droit commun dans le sens d’une plus juste compensation pour les départements d’outre-mer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député, vous avez déjà déposé, dans le cadre de la discussion, en première lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2012, des amendements relatifs à la disposition visant à créer un fonds de 170 millions d’euros qui s’ajoute à l’ensemble des dotations en faveur des collectivités territoriales, lesquelles s’élèvent à 100 milliards d’euros. Ce fonds, dont la création a été voulue par le Président de la République, vise à aider les départements les plus en difficulté. Comme vous l’avez expliqué, ce fonds est divisé en deux sections. La première correspond à des critères très objectifs de difficultés, la seconde étant soumise à une répartition à partir d’un système lié à la démographie de chaque département.

Vous vous opposez à la quote-part, et je le comprends. Mais si l’on commence à enlever ce que nous avons toujours tous décidé ensemble, avec Victorin Lurel, qui est malheureusement retenu à Wallis-et-Futuna en raison des grandes catastrophes qui s’y sont produites, nous serons conduits à enlever également la quote-part pour le fonds de péréquation globale ainsi que pour le fonds de péréquation de la CVAE. Or comme l’on prend à chaque fois pour les départements et territoires d’outre-mer, mais surtout pour les départements, deux fois la population pour 10 %, vous voyez que vous y perdrez.

Il faudra, pour quelques cas comme Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Martin qui ont besoin d’un secours, y répondre, mais la décision appartient à vos collègues du Sénat qui, je crois, préfèrent pour le moment conserver le système de la quote-part.

Politique économique

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Ne lui prenez pas tout son temps…

M. Élie Aboud. Merci, monsieur le président, pour votre accueil républicain et permettez-moi, à mon tour, de saluer tous mes collègues ici, au cœur de la démocratie.

Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre. De retour du terrain, après cette élection législative partielle, je veux dire à mes collègues, à tous mes collègues, à la représentation nationale, l’état d’inquiétude, de souffrance, que j’ai rencontré sur le terrain. Chaque jour, 1 500 chômeurs viennent s’ajouter aux trois millions existants. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – « Eh oui ! » sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Plus de dix millions de retraités voient leurs impôts augmenter. (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Des milliers de salariés regrettent la suppression de l’exonération des heures supplémentaires. (Même mouvement.)

Monsieur le Premier ministre, notre intégration républicaine est en panne. Surtout, beaucoup d’électeurs des couches populaires m’ont dit ne pas percevoir de cap : à force de vouloir satisfaire les uns et les autres, on ne voit pas clairement où veut en venir votre Gouvernement dans le domaine économique. Il est pourtant impératif de libérer les énergies, de favoriser la création d’emplois, de redonner de l’espérance. Au lieu de cela, nous avons des réformes de société, des sujets profondément clivants, sans réel débat, parfois à la hussarde, dans une impréparation et un manque de conviction tout à fait évidents. La procréation médicalement assistée est un bel exemple de ces initiatives discutables. Il y a un écart grandissant entre les préoccupations des Français et votre majorité.

Alors, monsieur le Premier ministre,… (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. Merci, mon cher collègue.

La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, permettez-moi de vous présenter mes félicitations pour votre élection…

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. …Vous avez été en campagne électorale, comme d’autres : nous, nous sommes aussi sur le terrain, tous les jours, et nous connaissons les préoccupations des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Les préoccupations des Français – et c’est le cap du Gouvernement – ce sont l’emploi, l’emploi, l’emploi. La bataille pour l’emploi, la bataille contre le chômage, c’est le seul sujet qui préoccupe vos concitoyens, comme il nous préoccupe ici, au Gouvernement et dans l’ensemble de la majorité.

Et c’est la raison pour laquelle les emplois d’avenir ont été décidés largement, par un grand nombre de députés, y compris dans vos rangs monsieur le député, pour donner une réponse pertinente aux jeunes qui sont à la fois éloignés de l’emploi et éloignés de la formation. C’est la raison pour laquelle le contrat de génération, qui a été adopté en Conseil des ministres la semaine dernière, qui passe demain en commission, qui sera discuté dès les premiers jours de l’année 2013 dans cette Assemblée, ce contrat de génération est là pour faciliter l’entrée des jeunes dans les entreprises, dans toutes les entreprises, sans pour autant que les plus âgés soient poussés dehors. C’est pourquoi les partenaires sociaux se sont saisis, à notre demande, d’une grande négociation sur les conditions d’organisation du travail dans les entreprises, pour lutter contre toutes ces situations où les jeunes, les femmes, les plus âgés sont poussés en dehors du travail, alors qu’on a tant besoin d’eux dans les entreprises françaises.

C’est ça le cap, c’est ça la cohérence : et tout ce que fait le Gouvernement, qu’il s’agisse du financement de l’économie, qu’il s’agisse du rétablissement de la stabilité en Europe, tout va dans ce sens. Le cap, vous le connaissez. Mettons-le en œuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Réciprocité du commerce international

M. le président. La parole est à Mme Seybah Dagoma, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Seybah Dagoma. Merci, monsieur le président. Chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre du commerce extérieur. J’y associe ma collègue Monique Rabin.

Avec 70 milliards d’euros de déficit, la droite a laissé la balance commerciale de notre pays en lambeaux. Alors qu’en 2002 elle était excédentaire, la précédente équipe aux responsabilités a assisté en simple spectatrice à son explosion. La majorité de gauche refuse de rester les bras ballants face à cette situation.

Pour faire face aux défis de la compétitivité internationale, notre pays dispose de solides atouts liés à son passé industriel et à sa capacité d’innovation. La France productive n’est pas un mythe, elle est une réalité que ne peuvent éclipser ni les déclinistes, ni les tenants d’une France sans usine. Depuis six mois, le Gouvernement s’est attelé à la tâche pour restaurer la compétitivité de notre économie et de nos entreprises, mais nous savons tous que tant d’autres combats importants méritent d’être menés, tant les conditions dans lesquelles s’exercent les échanges internationaux apparaissent déséquilibrées. Les principaux partenaires commerciaux de l’Europe multiplient les obstacles monétaires et réglementaires pour favoriser leurs entreprises. Par exemple, l’accord plurilatéral sur les marchés publics témoigne de distorsions graves entre les grandes zones économiques du globe. Là où l’Europe ouvre 85 % de ses marchés publics à la concurrence internationale, les États-Unis se contentent de 32 %, le Japon de 28 %. Les émergents, eux, ferment leurs marchés publics.

Le commissaire européen Michel Barnier lui-même confessait il y a peu : « Oui, l’Europe a été naïve. Oui, l’Europe a joué le jeu de l’idéologie ultra-libérale. » Les socialistes militent depuis longtemps pour la mise en œuvre d’un juste échange et l’introduction d’une véritable réciprocité dans les relations commerciales.

À cette fin, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer comment se déroulent les négociations avec nos partenaires européens sur la mise en place d’un instrument de réciprocité et quels résultats peuvent en être attendus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du commerce extérieur.

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Madame la députée, je partage votre souhait d’une nouvelle politique commerciale qui se mène à l’échelon communautaire.

M. Claude Goasguen. Bravo !

Mme Nicole Bricq, ministre. Écoutez, à 73 milliards de facture, il n’y a pas de quoi être fier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations et huées sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP)

M. Alain Chrétien. Arrogance !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues ! Je sais bien que la fin de l’année approche, mais il faut vous calmer !

Mme Nicole Bricq, ministre. Très tôt, cet été, j’ai jeté les bases d’une nouvelle position de la France, d’une nouvelle doctrine, qui est fondée sur le principe de réciprocité. Il faut savoir que ce principe n’est pas partagé par tout le monde en Europe, nous ne sommes pas majoritaires. Il nous faut donc convaincre, il nous faut faire écho à l’engagement qu’avait pris le Président de la République dans sa campagne du juste échange et je sais que vous y êtes attachés de ce côté-ci, puisque vous menez une mission, avec Mme Fort, sur ce juste échange dans la politique de la mondialisation de la France.

Alors, j’ai pris mon bâton de pèlerin et j’ai fait le tour des capitales européennes pour convaincre. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Eh oui ! Je n’ai pas le complexe de Cyrano, qui consiste à faire de belles tirades puis finalement à mourir seul ! Je préfère être avec mes partenaires européens (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) ce que vous n’avez pas su faire pendant dix ans. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Quand on fait le bilan, on s’aperçoit que l’Union européenne a été pour le moins ingénue, c’est-à-dire qu’elle a conclu des accords de libre-échange rapidement. Et ça veut dire quoi, la réciprocité ? Cela veut dire qu’on ouvre, mais à condition que les autres ouvrent…

M. le président. Merci, madame la ministre.

Amnistie de militants syndicaux

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Madame la garde des sceaux, ces dernières années, beaucoup de nos concitoyens se sont légitimement engagés dans les mouvements sociaux, pour faire respecter leurs droits fondamentaux, pour protéger leurs conditions de travail ou pour préserver l’emploi et les services publics.

Mais alors qu’ils défendaient l’intérêt général, de nombreux syndicalistes ont été attaqués pénalement, du fait, directement, de leurs actions et engagements syndicaux. Toutes ces poursuites contre le monde syndical ne visaient, à l’évidence, qu’à éteindre toute velléité de contestation et ont rendu délétère le dialogue social. L’action collective est pourtant un droit reconnu par la Constitution, l’alinéa 6 du préambule de 1946 disposant que chacun « peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale ».

Non, les citoyens qui défendent leur outil de travail, leur retraite, leur école ou leur hôpital ne sont ni des criminels, ni des délinquants. C’est pour leur rendre justice que les députés du Front de gauche ont déposé une proposition de loi d’amnistie, qui concernent tous les militants syndicaux condamnés pénalement sous le précédent quinquennat. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Cette mesure de justice, massivement soutenue dans le pays (Rires sur les mêmes bancs), contribuerait sans conteste au rétablissement d’un vrai dialogue social, si indispensable à la réussite du changement.

M. Alain Chrétien. La chienlit !

M. Marc Dolez. Madame la garde des sceaux, le président de notre groupe, André Chassaigne, l’a solennellement demandé au Président de la République : le Gouvernement va-t-il mettre en débat cette proposition de loi d’amnistie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, le sujet que vous évoquez est effectivement préoccupant. En qualité de garde des sceaux, j’ai le souci d’assurer la protection des syndicats engagés auprès des salariés dans l’expression de leurs revendications, particulièrement lorsqu’il y a une perspective de plan social. Nous devons veiller à ce que cette expression s’exerce dans le cadre de la loi.

Votre groupe ainsi que le groupe homologue au Sénat ont tous deux déposé une proposition de loi d’amnistie. Ce sera l’occasion pour nous de définir le champ d’application, le périmètre et les modalités d’application de cette amnistie, si les deux assemblées décidaient de la voter.

Pour ce qui concerne la programmation, vous savez que les chambres sont maîtresses de leur calendrier parlementaire. Mais il est évident que le Gouvernement participera activement à la discussion autour de ce texte de loi.

Les dernières condamnations prononcées ont concerné les « Cinq de Roanne ». Elles ont été assorties d’une dispense de peine. L’une des difficultés – et j’ai reçu à ce sujet les confédérations syndicales –, c’est aussi l’inscription au fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG. Ce fichier avait été créé, dans un esprit de responsabilité, en 1998 par la gauche, Élisabeth Guigou étant garde des sceaux. Mais, par la loi du 18 mars 2003, la précédente majorité a considérablement élargi le champ des infractions entraînant l’inscription à ce fichier, puisqu’elle y a inclus les dégradations, donc les tags.

Je comprends la préoccupation quant aux risques de pénalisation de l’activité syndicale. Et c’est dans cet esprit que le Gouvernement participera à la discussion dès que les chambres l’auront programmée. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Grand Paris Express

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Sylvain Berrios. Merci de votre accueil, mes chers collègues !

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, et est également consacrée au Grand Paris, car la réponse apportée par le ministre ne nous satisfait pas.

Le 13 décembre dernier, effectivement, un rapport a été remis au Gouvernement. Mais dans les faits, c’est le rééchelonnement du projet du Grand Paris Express qui va entraîner un surcoût de 9 milliards d’euros, et porter l’ensemble à 30 milliards. Dans ces conditions, la prolongation d’Orbival, par exemple, serait renvoyée à l’horizon de 2030.

Si un tel choix était fait, cela reviendrait à détricoter complètement le projet validé il y a deux ans par l’État, la région et les huit départements d’Île-de-France. C’est totalement inacceptable.

Et ce constat, monsieur le Premier ministre, ce n’est pas moi qui le fais mais le président d’Orbival, par ailleurs sénateur de votre majorité. Le président socialiste de la région Île-de-France lui-même est intervenu pour rappeler l’importance, l’urgence du point de vue de l’investissement et de l’emploi, que revêt le Grand Paris.

Dans ce contexte, nous attendons que M. le Premier ministre nous rassure quant à la volonté du Gouvernement de ne pas dénaturer le Grand Paris et de respecter ses engagements sur les délais de réalisation de ce réseau exceptionnellement attendu par l’ensemble des Franciliens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Monsieur le député, je vous adresse également mes félicitations pour votre résultat du second tour. Mais je vois qu’on ne m’applaudit pas…

Je vais me répéter par rapport à ce que j’ai dit tout à l’heure. Cécile Duflot, dès le mois de juillet, avait affirmé que le projet du Grand Paris Express était un projet du Gouvernement, et qu’il serait accompli dans sa totalité. À partir de là, elle a missionné Pascal Auzannet, qui a remis son rapport la semaine dernière. Celui-ci, contrairement à ce que vous dites, a évalué à 30 milliards d’euros le coût du projet, compte tenu d’opérations qui n’avaient pas été prises en compte – entre autres, la ligne orange…

M. Jacques Alain Bénisti. Ce n’est pas vrai !

M. François Lamy, ministre délégué. Relisez le rapport Auzannet !

Compte tenu surtout, ce qui est tout de même un peu paradoxal, de l’interconnexion entre les gares du nouveau Grand Paris Express et le réseau existant.

Ce projet a été évalué, donc, à 30 milliards. Je vous l’ai dit tout à l’heure, M. Auzannet a élaboré des scénarios, qui vont maintenant être étudiés par le Gouvernement, par la ministre chargée du dossier ainsi que ceux qui sont concernés par le Grand Paris Express. Cela constitue un éclairage utile pour le Gouvernement, et le Premier ministre prendra ses décisions le 15 février. Soyez rassuré, il le fera, compte tenu de l’état des finances publiques, sur l’ensemble du dossier, en prenant en considération, bien entendu, l’intérêt des Franciliens, non seulement pour moderniser le réseau existant, mais aussi pour préparer l’avenir.

Recrudescence de la tuberculose

M. le président. La parole est à Mme Thérèse Guilbert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Thérèse Guilbert. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, l’augmentation des cas de tuberculose en France depuis plusieurs mois crée une situation qui n’est pas sans inquiéter vivement nos concitoyens.

Ma commune est ainsi particulièrement touchée : quatre cas de tuberculose ont été dépistés et un enfant âgé de cinq ans est décédé fin septembre : il n’avait pas été vacciné. Les services de l’agence régionale de santé informent, expliquent, et ont réalisé plus de 500 dépistages dans l’entourage des enfants. Ils conseillent vivement la vaccination.

Cette maladie, longtemps éradiquée par l’inoculation du BCG aux bébés réapparaît aujourd’hui puisqu’il y a, chaque année, environ 5 000 cas de tuberculose en France. De nombreux pédiatres conseillent aux parents de ne pas avoir recours au vaccin, stipulant que les risques encourus sont importants. Or, si une telle réflexion pouvait être compréhensible en 2007, année où la tuberculose semblait avoir disparu, cette recommandation peut paraître aujourd’hui inappropriée.

Aussi, vu le nombre important de cas décelés dans l’ensemble de nos régions, notamment en Île-de-France, on peut raisonnablement se poser la question d’un retour à l’obligation de cette vaccination. Face à ce constat, je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir m’indiquer les intentions du Gouvernement. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée, je connais la situation particulière dans laquelle s’est retrouvée votre commune avec les quatre cas que vous avez évoqués et le décès d’un jeune enfant. Il est vrai qu’après une forte diminution de la tuberculose l’on constate que, si cette évolution se poursuit, elle est moins rapide qu’auparavant. Même si l’on ne peut pas parler de recrudescence de la maladie, on note une forte concentration des cas dans certaines régions, parmi lesquelles les départements du Nord et du Pas-de-Calais, c’est pourquoi je comprends votre préoccupation.

La suppression de l’obligation vaccinale s’est accompagnée du lancement d’un programme de lutte contre la tuberculose très important et orienté vers les populations les plus à risque. Après quelques années d’observation, madame la députée, on ne constate pas d’impact de cette décision sur la maladie : par rapport à 2008, on compte le même nombre de cas de tuberculose sévères – de l’ordre de sept par an. En revanche, il paraît essentiel d’engager une action résolue contre la pauvreté, contre la précarité car nous savons que la tuberculose touche des populations en grande difficulté sociale.

C’est pourquoi, dans le cadre des actions de santé menées dans le prolongement de la grande conférence de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, nous devons faire en sorte que l’accès aux soins, l’accompagnement, la prévention soient renforcés et que les populations les plus précaires soient davantage soignées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Création de l’agglomération de Roanne

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Nicolin. Madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, demain au Sénat débutera la discussion d’une proposition de loi sur les communautés de communes et les communautés d’agglomération. Cependant, la loi du 16 décembre 2010, portant réforme des collectivités territoriales, entre en application dans les territoires de France. Or vous devez garantir, madame la ministre, le respect de l’application stricte de la loi.

Depuis plusieurs mois, le nord du département de la Loire attend votre décision. Dans le strict respect des procédures, le schéma de coopération intercommunal de ce département a été adopté, après un long travail de concertation, à une large majorité de la commission départementale de coopération intercommunale il y a plus d’un an, le 14 décembre 2011.

Ce schéma prévoit la création autour de la ville de Roanne d’une agglomération, comptant quarante communes pour un peu plus de 100 000 habitants. Ces quarante communes ont délibéré et vingt d’entre elles, qui représentent 82 % de la population de la future entité, se sont prononcées pour, tandis que vingt autres se sont prononcées contre. La loi considère sans contestation possible que le vote est ainsi réputé favorable.

Nous arrivons au terme du processus et la préfète de la Loire n’attend plus que votre feu vert pour signer l’arrêté de création de la future agglomération du Grand Roanne.

M. Jean Glavany. Je vous rappelle que chacun représente ici la nation !

M. Yves Nicolin. Après de longues discussions, concertations, médiations, rencontres à votre ministère, samedi 15 décembre, plus de 250 élus représentants tous les cantons concernés, ont lancé, rassemblés dans la diversité de leurs opinions politiques, un appel au Premier ministre pour que la loi soit respectée. Après un an de patience, madame la ministre, allez-vous signer l’arrêté portant création de l’agglomération de Roanne ?

M. Jean Glavany. Voilà ce que c’est, le cumul des mandats !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. L’application de la loi du 15 décembre 2010 a créé une contrainte : celle de revoir l’ensemble des schémas de coopération intercommunale, en particulier d’agrandir autant que faire se pouvait les périmètres de l’intercommunalité sauf, curieusement – les raisons m’en échappent encore –, pour la première couronne autour de Paris.

Vingt communes de l’agglomération de Roanne se sont en effet prononcées pour ce schéma et vingt communes contre. En outre, 250 élus, toutes tendances politiques confondues, ont écrit pour demander l’application de ce fameux périmètre des quarante communes alors qu’un peu plus de 245 élus ont écrit pour en demander le report.

J’espérais, monsieur le député, et j’en ai longuement discuté avec M. Christian Avocat qui porte ce projet avec vous, que les négociations et la médiation que nous avions entamées conduisent à ce que ce périmètre soit accepté par un maximum d’élus quand bien même ils ne représenteraient que 20 % de la population.

De nombreuses communes rurales estiment, même si l’on se fait fort de réunir une moitié de communes réunissant 80 % d’une population, qu’on ne les prend pas assez en compte. J’ai donc tout fait pour essayer de convaincre et de ne pas contraindre. L’intercommunalité, quand elle est vécue comme une contrainte, en particulier par de petites communes rurales, est en effet difficile à vivre. Et, monsieur le député, vous vous inquiétez, comme moi, de ce sentiment d’abandon.

Comme je n’ai pas réussi cette médiation, j’ai déclaré à M. Avocat que la loi serait appliquée et donc l’arrêté pris. Reste que je persiste à regretter de ne pas avoir réussi à convaincre les quarante communes qui vont être « agglomérées » au sein de cette intercommunalité.

Situation de l’AFPA

M. le président. La parole est à M. Jacques Cresta, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jacques Cresta. Monsieur le ministre délégué à la formation professionnelle et à l’apprentissage, dans le dur combat pour l’emploi que mène notre majorité, la formation professionnelle peut et doit jouer un rôle décisif.

Comme en d’autres domaines, la précédente majorité a fait des choix idéologiques désastreux pour la formation professionnelle dans notre pays. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Gérald Darmanin. Et pas vous ?

M. Jacques Cresta. Avec ma collègue Ségolène Neuville, nous avons rencontré, hier encore, l’intersyndicale des personnels de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes dans notre département des Pyrénées-Orientales. Après les élections du printemps dernier, notre majorité a trouvé l’AFPA au bord de la faillite, et le Gouvernement s’est engagé fortement pour pallier le déficit de trésorerie et le désengagement des banques. Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit, à cet effet, des crédits d’un montant total de 87 millions d’euros

Nous devons cependant rester lucides : le coût du fonctionnement du siège de l’AFPA représente aujourd’hui 30 % du coût d’une heure de formation, contre 12 % auparavant : tel est le terrible résultat, le terrible échec du plan d’économies sur cinq ans, que devait mener l’ancien directeur général de l’AFPA, nommé sous Nicolas Sarkozy.

Cette situation n’est plus acceptable. Il convient aujourd’hui de redresser les finances de l’association, pour développer ensuite son activité, et transformer son modèle pédagogique. En concertation avec les régions, l’AFPA doit avoir pour objectif de développer des formations, en adéquation avec les acteurs locaux et les demandes des bassins d’emploi.

Cela ne sera possible que si l’association parvient à surmonter ses difficultés. Quels sont donc, monsieur le ministre, les actions prévues aujourd’hui par le Gouvernement pour sauver l’AFPA et pérenniser son activité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur le député, vous l’avez dit : la politique menée par le gouvernement précédent a conduit l’AFPA au bord du gouffre. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Claude Goasguen. Allons !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Au moment du changement de gouvernement, en juin dernier, il n’y avait pas de quoi assurer la paie du mois de juillet pour les 9 300 salariés de cette entreprise, qui assure la formation professionnelle en France depuis près de soixante ans.

M. Claude Goasguen. Arrêtez !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le député, s’il n’y avait pas eu ce changement de majorité et de gouvernement, nous devrions effectivement gérer aujourd’hui le plan social de cette entreprise de 9 300 salariés.

Dès notre prise de fonction au mois de juin, nous avons tout mis en œuvre, avec M. Michel Sapin, pour assurer la trésorerie de cet outil au service de la formation professionnelle en France, en lui versant 20 millions d’euros dès le mois d’août : l’État devait cette somme à l’AFPA et ne la lui avait pas versée. Nous avons apporté 25 millions d’euros supplémentaires en décembre : cette somme, une fois encore, était due par l’État, au titre de prestations commandées à l’AFPA et demeurées impayées.

Vous l’avez dit, au cours de l’adoption du budget, nous avons réinséré dans le budget de l’État 85 millions d’euros, qui seront versés à cet organisme, compte tenu des sujétions de service public que nous lui demandons, à savoir d’être présent partout sur le territoire national.

Un plan de redressement a été proposé par son nouveau président. Je le redis devant vous : le Gouvernement sera présent pour soutenir ce plan. Il reste quelques ajustements à faire : c’est le Premier ministre lui-même qui, en janvier prochain, annoncera les modes de dévolution du patrimoine à l’AFPA, mais aussi la somme qui sera nécessaire pour recapitaliser durablement cet outil, dont nous avons vraiment besoin en cette période de crise économique.

Nous ne laisserons pas tomber les 9 300 salariés et leurs familles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Chantiers navals STX

M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christophe Priou. Ma question s’adresse au ministre du redressement productif.

En marge de la visite de M. le Premier ministre à Bouguenais, en Loire-Atlantique, le 15 octobre dernier, Arnaud Montebourg, qui nous a quittés il y a quelques minutes, avait reçu les syndicats nazairiens des chantiers navals STX, qui réclament depuis plusieurs mois l’intervention des pouvoirs publics pour sauver ce fleuron de notre industrie, qui est aussi le dernier grand chantier naval français.

Les syndicats, qui attendent des réponses concrètes, sont déçus, car ils attendaient, de la part de l’État, un positionnement clair pour sauver la navale française.

Je rappelle qu’en novembre 2008, l’action du Président de la République Nicolas Sarkozy et du Premier ministre François Fillon, avait permis de sauver les chantiers, avec une participation de l’État à hauteur de 33,3 %. Cette mesure importante a été unanimement saluée à l’époque. Un plan de relance dédié avait d’ailleurs permis d’obtenir des commandes de bâtiments de projection et de commandement pour la marine nationale française et la marine russe. Depuis, la crise s’est intensifiée et les carnets de commande sont vides.

Le 18 avril 2012 ; le député-maire de Nantes, qui est devenu Premier ministre depuis, le président du conseil régional des Pays de la Loire, le président du conseil général de Loire-Atlantique et le maire de Saint-Nazaire signaient une déclaration commune sur l’avenir de STX. Ils disaient attendre, je cite, « des initiatives volontaristes de la part d’un État porteur d’une réelle politique industrielle, ainsi que d’un actionnaire qui doit clarifier sa stratégie ».

Monsieur le ministre, cette déclaration est-elle toujours d’actualité ? Qu’attendez-vous pour prendre clairement position, et pour mettre en œuvre les préconisations du printemps dernier ? Allez-vous faire évoluer la participation de l’État dans le capital ? Quelles sont les garanties d’un maintien du savoir industriel des chantiers navals français en matière de construction de paquebots, laquelle, en dépit de la nécessaire diversification, reste bien le cœur de métier de ces chantiers ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, vous serez d’accord avec moi pour convenir que l’avenir des Chantiers de l’Atlantique est un sujet qui doit nous rassembler tous, car il s’agit d’une industrie à la fois emblématique et stratégique.

Ces chantiers qui, depuis cent cinquante ans, sont l’un des fleurons de l’industrie française, emploient 2 000 personnes et font vivre, au-delà, un grand nombre de sous-traitants dans la région et la circonscription dont vous êtes l’élu. La construction de bateaux est par ailleurs créatrice d’une très forte valeur ajoutée.

Je veux vous dire que le Gouvernement est totalement engagé : le Premier ministre, en premier lieu, mais aussi le ministre du redressement productif, ainsi que Mme Nicole Bricq et moi-même. Je veux vraiment vous assurer de notre dévouement à cette cause.

Mais vous savez aussi que les Chantiers de l’Atlantique, comme leurs concurrents, font face à une demande mondiale extrêmement déprimée, et que, dans un contexte aussi cyclique, il est important que l’État soit actif. Pour sauver les Chantiers de l’Atlantique, nous nous sommes engagés dans deux directions. La première consiste à leur donner les moyens de remporter de nouveaux contrats à l’export : c’est la raison pour laquelle, avec Mme Bricq, nous travaillons à des offres financières particulièrement performantes. Il s’agit d’ailleurs de l’une des mesures du pacte de compétitivité.

La deuxième direction, vous l’avez mentionnée vous-même : il s’agit de la diversification. De ce point de vue, de nombreuses opportunités se présentent : je pense notamment aux éoliennes, qui impliqueront aussi d’autres entreprises privées.

Ce que je veux vous dire, monsieur le député, sans pouvoir dévoiler toutes les opérations en cours, c’est qu’il s’agit d’un sujet auquel nous sommes attachés, à l’égard duquel le Premier ministre est personnellement vigilant, et sur lequel nous travaillons.

Nous sauverons les Chantiers de l’Atlantique, avec une politique volontariste, à la fois en matière d’export et en matière d’action de l’État, qui assumera ses responsabilités d’actionnaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Fixation de l’ordre du jour

M. le président. La conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine du 21 janvier 2013 :

Débat sur les politiques industrielle et commerciale européennes ;

Questions à un ministre sur la politique industrielle ;

Débat sur la fiscalité écologique ;

Débat sur la politique de l’hébergement ;

Débat sur le projet de fonds européen d’aide aux plus démunis.

Pour la semaine du 28 janvier 2013 : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

4

Projet de loi de finances rectificative

Nouvelle lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale et rejeté par le Sénat (nos 541, 544).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mesdames, messieurs les députés, l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2012 est pour moi l’occasion de tirer les principaux enseignements du dernier collectif budgétaire de l’année.

L’exécution budgétaire aura été conforme aux souhaits de certains, et, en tout cas, à la volonté du Gouvernement et de la majorité, de respecter l’objectif de déficit public en fin d’année, fixé à 4,5 %.

En effet, par rapport à la loi de finances initiale, l’amélioration est de 3,6 milliards d’euros et, par rapport à la loi de finances rectificative du début d’année, elle est de 2,4 milliards d’euros. Surtout, en exécution en 2012, par rapport à la loi de finances exécutée en 2011, l’amélioration est, en valeur absolue, de l’ordre de 200 millions d’euros. Ce chiffre peut paraître faible, mais je rappelle qu’en moyenne, ces cinq dernières années, l’aggravation en exécution d’une année sur l’autre a été de 5 à 6 milliards d’euros. Autrement dit, l’effort consenti cette année dans le cadre de l’exécution budgétaire est donc de 5 à 6 milliards d’euros. Je crois que cela ne s’était jamais produit dans notre histoire économique et budgétaire contemporaine.

Ce résultat traduit le sérieux avec lequel ce gouvernement et, naturellement, celui qui l’a précédé, en début d’année, ont décidé de mener cette exécution budgétaire à bon terme. Il faut toutefois préciser qu’il a fallu adopter une loi de finances rectificative cet été pour tenir les objectifs définis par la précédente majorité et le précédent gouvernement puisque, comme la Cour des comptes l’avait signalé, il manquait 7 à 10 milliards d’euros qu’il a bien fallu dégager lors du collectif de juillet.

L’exécution du budget en 2012 témoigne donc d’un réel sérieux budgétaire. Au-delà, nous menons une politique budgétaire assumée, qui consiste, pour 2013, à préserver une politique de la demande en évitant de solliciter les ménages et les entreprises les plus fragilisés – afin de maintenir, aux uns, leur pouvoir d’achat, et, aux autres, leur capacité d’investissement –, tout en sollicitant les moins fragiles, à des niveaux dont je reconnais qu’ils peuvent être jugés rudes, mais qui sont pour autant nécessaires dès lors qu’il est impératif de redresser nos finances publiques.

Ce projet de loi de finances rectificative comporte par ailleurs deux caractéristiques.

D’une part, elle met en œuvre un très ambitieux plan de lutte contre la fraude fiscale. Les dispositions proposées au Parlement manquaient depuis longtemps à l’arsenal de l’administration, dès lors que celle-ci entend faire respecter cet acte citoyen qu’est le paiement de l’impôt. D’autre part, elle crée le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Certes, ce dernier dispositif a été introduit dans le texte par amendement, mais il n’en est pas moins caractéristique du projet de loi dans la mesure où il a été adopté en première lecture à l’Assemblée.

Ce crédit d’impôt représente un effort de 20 milliards d’euros. Il se différencie de ce que nos prédécesseurs ont voulu faire, tant par son montant – 20 milliards au lieu de 11 à 13 milliards – que par le caractère effectif de l’aide apportée – les 11 à 13 milliards de nos prédécesseurs ne tenaient pas compte de la baisse de l’impôt sur les sociétés. Autre différence : nous avons choisi, contrairement au mode de financement privilégié par nos prédécesseurs, de ne pas solliciter nos compatriotes en 2013 par une augmentation de la TVA, car nous souhaitons préserver le pouvoir d’achat. Dernière différence, et elle est de taille : nous finançons cet effort en économisant 10 milliards d’euros sur la dépense, ce qui nous amène à conduire une politique doublement vertueuse puisqu’elle permet de réduire la dépense publique et de dégager des marges afin d’aider les entreprises à restaurer les leurs, à investir, à former les salariés, à embaucher, je l’espère en tout cas, et à conquérir ou reconquérir des parts de marché abandonnées à une concurrence étrangère, hélas florissante ces dernières années.

Lors de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative en première lecture, un certain nombre de dispositions ont été adoptées qui sont, à mon sens, satisfaisantes. Les débats qui se sont déroulés sur ce texte au Sénat n’ont pas permis qu’il revienne dans une version substantiellement modifiée puisque, comme nous le savons tous, il n’y a pas de majorité gouvernementale au Sénat.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ah !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ce projet de loi de finances rectificative a donc logiquement été rejeté par une opposition, certes hétéroclite, mais une opposition incontestable au Gouvernement. En conséquence, c’est la version adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture qui vous est soumise. Vous ne serez donc pas surpris de retrouver dans le texte des dispositions que vous avez adoptées lors de son dernier examen dans cet hémicycle.

Pour ne pas faire durer inutilement cette intervention liminaire,…

M. Jean Glavany. C’est un plaisir de vous écouter !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …je me contenterai d’indiquer qu’à l’occasion de cette nouvelle lecture, le Gouvernement demandera au Parlement l’ouverture de crédits supplémentaires destinés au ministère de la défense. En effet, le logiciel LOUVOIS de gestion de la paie se révèle particulièrement peu fiable. Il est donc nécessaire de procéder à l’ouverture de 204 millions d’euros de crédits supplémentaires afin d’assurer le fonctionnement du ministère.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pourtant, 200 millions d’euros de crédits ont déjà été ouverts en décret d’avance !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il est clair que de très gros efforts devront être déployés l’année prochaine afin que le logiciel LOUVOIS donne les résultats que l’on est en droit d’attendre et qu’il cesse de décevoir au point de mettre les gestionnaires du ministère de la défense, et plus généralement le Gouvernement, dans une situation particulièrement délicate.

M. Charles de Courson. On atteint un sommet : on ne peut même plus payer les militaires ! (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ignore dans quelles conditions il fut décidé de créer, d’instaurer puis de mettre en œuvre ce logiciel – peut-être les parlementaires pourraient-ils d’ailleurs s’en inquiéter. Objectivement, en tout cas, de tels errements posent un très gros problème dans la gestion des affaires de l’État.

Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les éléments dont je souhaitais vous faire part avant que nous ne débutions l’examen, en nouvelle lecture, de ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, nous voici réunis, pendant cette dernière semaine de la session, pour une nouvelle lecture du troisième et dernier projet de loi de finances rectificative pour 2012, qui est aussi le second de ce gouvernement issu des élections du printemps dernier.

Je commencerai par quelques rappels matériels. À l’origine, le projet de loi comportait 31 articles. Lors de la première lecture par notre assemblée, 205 amendements ont été adoptés sur 408 qui avaient été déposés, 25 articles ont été modifiés, et les 31 articles du projet initial ont par ailleurs été complétés par 58 articles additionnels, pour leur majeure partie à l’initiative du Gouvernement. Ces amendements du Gouvernement, certes nombreux et portant sur des sujets très divers, pour ne pas dire parfois hétéroclites, ont cependant été déposés, pour la plupart d’entre eux, en temps utile pour permettre leur examen en commission, à l’occasion de deux réunions organisées après une suspension de la séance publique à cet effet. Au total, le texte adopté par l’Assemblée nationale et transmis au Sénat comprenait donc 99 articles, soit trois fois plus que le projet initial.

Le Sénat a rejeté l’ensemble du texte : n’y revenons pas. Le 17 décembre 2012 – hier, donc –, la commission mixte paritaire a constaté qu’elle ne pouvait parvenir à un accord sur l’ensemble des dispositions restant en discussion, et a conclu à l’échec de ses travaux. Ce projet de loi fait donc maintenant l’objet d’une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale. Notre commission l’a examiné hier soir, immédiatement après l’échec de la CMP. L’ensemble des délais de la fin de cette procédure d’examen du PLFR, qui a d’ailleurs pris l’importance d’un vrai PLF, est manifestement particulièrement court pour un texte de cette portée.

M. Charles de Courson. On peut le dire !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Sur le fond, la commission a peu modifié le texte qu’elle avait adopté la semaine dernière. Parmi les modifications adoptées, je cite l’indexation sur l’inflation des bases des impositions forfaitaires sur les IFER, la prorogation pour une année supplémentaire du maintien à 7 % du taux de TVA applicable à la construction et à la rénovation des logements sociaux, ainsi que la demande de transmission aux commissions des finances des plans financiers de l’UESL, définis pour assurer le remboursement des prêts garantis par l’État.

J’insiste tout particulièrement sur le fait que ce collectif est marqué pour la première fois – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, et c’est important alors que l’on évoque souvent l’augmentation d’un certain nombre de taxes – par une diminution de 200 millions d’euros de l’exécution des dépenses de l’État sur l’exercice 2012 dans le périmètre dit « à zéro valeur ». Il faut saluer cet effort permis par le collectif adopté en juillet dernier, notamment par le sur-gel de 1,5 milliard d’euros que le Gouvernement avait proposé.

Le deuxième élément majeur de ce PLF est le crédit d’impôt compétitivité-emploi, le fameux CICE. Monsieur le ministre, vous avez introduit ce dispositif par voie d’amendement. Certes, certains de nos collègues auraient préféré une lettre rectificative, mais je salue votre réactivité face au constat, maintenant unanimement reconnu, de la baisse du nombre d’emplois industriels…

M. Charles de Courson. Cela fait trente ans que cela dure !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …et à la nécessité de prendre des mesures complémentaires.

Le Gouvernement a voulu que cette mesure soit simple et lisible. Elle présente ainsi un premier avantage : chaque entreprise pourra assez aisément calculer son crédit d’impôt compétitivité-emploi et, suivant le mécanisme déjà décrit, l’intégrer dans ses comptes dès 2013 alors même que le coût budgétaire de cette mesure n’interviendra qu’en 2014. Il s’agit en effet d’un crédit d’impôt : comme le crédit d’impôt recherche, il fait l’objet d’un paiement à la suite du constat de la créance.

Le deuxième avantage de ce dispositif – vous l’avez dit aussi – est qu’il n’est pas directement lié à une baisse de cotisations sociales. Pour les salariés comme pour les employeurs, la contribution sociale est le résultat d’un système basé sur la négociation sociale. Ceci est préservé, parce que le crédit d’impôt compétitivité-emploi n’est pas basé sur une réduction des cotisations sociales : c’est une différence majeure avec ce que l’on a appelé la « TVA Sarkozy ».

M. Charles de Courson. C’est bien la seule différence !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Troisième avantage : nous avons construit l’éligibilité au dispositif sur des principes, consistant à préciser à quoi il devait servir – un amendement déposé par nos collègues du groupe écologiste viendra d’ailleurs compléter les dispositions adoptées en première lecture. Le crédit d’impôt compétitivité-emploi doit servir à l’investissement, à la formation, à l’innovation, à la recherche de nouveaux marchés, à l’exportation ou au retour à des marges plus substantielles, effectivement souvent nécessaires aux entreprises. Il ne doit pas servir à majorer les bénéfices sans avoir auparavant rempli les conditions évoquées ou à majorer arbitrairement les rémunérations des dirigeants. Tout le monde aura remarqué que si ces principes sont posés dans la loi, leur suivi est assuré dans la négociation sociale par l’obligation de rendre compte au comité d’entreprise et aux délégués du personnel. De plus, le comité de suivi institué en première lecture pourra surveiller l’utilisation de ce crédit d’impôt compétitivité-emploi, dont nous avons bien dit qu’il était universel et général.

Pour autant, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur un certain nombre de difficultés posées par le caractère général de la mesure.

À la demande de très nombreux parlementaires de la majorité, je veux notamment soulever la question de ce que beaucoup appellent la « distorsion de concurrence » créée par le crédit d’impôt compétitivité-emploi, en particulier entre les secteurs public et privé. Il en va ainsi dans le secteur sanitaire, où d’aucuns s’étonnent que les cliniques privées bénéficient de ce crédit d’impôt alors même que le secteur associatif à but non lucratif et le secteur public n’en bénéficieraient pas. Il en va de même dans le secteur médico-social. Nous avions convenu avec Pierre Moscovici, lors de la première lecture, que le Gouvernement devrait rassurer sur ce point et proposer des mesures destinées à compenser cette distorsion de concurrence que personne ne comprend – encore que, dans le domaine de la santé, si la concurrence peut avoir des effets positifs, elle peut également conduire à des dérives.

Monsieur le ministre, nous avons soutenu le choix du Gouvernement d’adopter une mesure générale, qui ne cible pas uniquement l’industrie. Certes, vous avez dit – cela figure dans un certain nombre de documents – que l’industrie bénéficierait du crédit d’impôt compétitivité-emploi pour une part plus importante que celle qu’elle occupe dans l’activité économique ; pour autant, il nous semble qu’il faut apporter des réponses à la question que j’ai soulevée. Peut-être la création d’un crédit « taxe sur les salaires » pourrait-elle être un outil ou un levier à imaginer.

La contrepartie du crédit d’impôt compétitivité-emploi, ou plutôt la partie destinée à financer ce dispositif, consiste en des économies de 10 milliards d’euros, une recette supplémentaire de TVA de 6 à 7 milliards d’euros, et une recette attendue de 3 à 4 milliards d’euros d’une fiscalité écologique qu’il nous faut construire.

Le Gouvernement a souhaité poser les principes d’un aménagement des taux de TVA. Nous avons, bien entendu, noté qu’un certain nombre de secteurs auraient souhaité bénéficier dès maintenant d’aménagements de taux de TVA, considérant que le passage de 7 à 10 % serait une marche infranchissable pour certains, et qu’il faudrait même envisager un changement de catégorie pour d’autres. Le souhait du rapporteur général – accompagné, je crois, par la majorité – est de rappeler que l’entrée en vigueur des changements de taux de TVA est prévue le 1er janvier 2014. Lors de l’examen d’un prochain projet de loi de finances – au pire, dans le projet de loi de finances initiale pour 2014, si d’aventure aucun projet de loi de finances rectificative n’était discuté plus tôt, ce dont nous ne sommes franchement pas sûrs ! –, nous proposerons probablement, indépendamment de la modification des taux que le Gouvernement a d’ores et déjà inscrite dans la loi et qui a été votée en première lecture, un certain nombre d’aménagements. Pourquoi ne pas envisager que ces aménagements aillent même jusqu’à déplacer le curseur entre le niveau de recettes de TVA et le niveau de fiscalité écologique attendus ? Je sais que Pierre-Alain Muet y est très attaché. Je suis, moi-même, aussi parfois attaché à ce que les taux de 5 %, 10 % et 20 % ne soient pas gravés dans le marbre à l’unité près, même si la tendance est effectivement fixée.

Voilà, monsieur le ministre, chers collègues, ce que je souhaitais rappeler. Les modifications apportées par la commission en nouvelle lecture ne sont pas essentielles, mais importantes. Il ne vous aura pas échappé que notre commission a approuvé l’ensemble du texte, avec quelques modifications dont nous aurons à débattre. Au nom de la commission, je vous recommande bien entendu d’en faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Très bien !

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 a été adopté en première lecture dans cet hémicycle par la majorité socialiste. Quelques jours plus tard, le Sénat l’a rejeté. C’est dire l’incertitude, le manque de cohésion et le manque de conviction de cette majorité sur ce projet de loi de finances rectificative !

Il faut le rappeler : ce collectif budgétaire s’inscrit dans un double contexte. Tout d’abord, il intervient au moment de la dégradation de la note de la France par l’agence Moody’s, qui n’est pas due au bilan de la précédente législature, comme certains le prétendent, mais bien aux six premiers mois de cette présidence socialiste. En effet, l’agence Moody’s a attendu six mois avant de sanctionner votre politique fiscale, ou plutôt votre absence de politique fiscale. Ce collectif intervient aussi quelques semaines après l’examen du projet de loi de finances pour 2013 qui augmentera de 20 milliards d’euros la charge fiscale qui pèse sur les Français et sur les entreprises.

Toutefois, ce projet comporte quelques points positifs, comme le volet anti-fraude, dont nous partageons les objectifs sans pour autant approuver tous les moyens choisis. Le groupe UMP a ainsi déposé plusieurs amendements visant à supprimer des dispositions à effet rétroactif. Les intentions du Gouvernement ne semblent en effet pas très claires s’agissant de certaines mesures : s’agit-il vraiment d’une volonté de réduire les abus ou de mesures de rendement fiscal ?

De plus, nous ne pouvons que nous interroger sur la cohérence générale de la politique budgétaire menée par le Gouvernement. En additionnant les mesures du premier collectif de juillet, du budget 2013 et de ce PLFR, on atteint des hausses de prélèvements de près de 17 milliards d’euros pour les entreprises. À cette somme, il faut ajouter les 3 ou 4 milliards d’euros de prélèvement écologique que le Gouvernement a prévus pour financer une partie de son crédit d’impôt compétitivité-emploi. S’agissant de cette fiscalité écologique, là encore, aucune précision ne nous a été apportée : nous sommes dans le flou le plus complet.

Au total, la hausse des prélèvements sur les entreprises atteint donc quelque 20 milliards d’euros, pour un crédit d’impôt de 20 milliards également. Où est la cohérence, quand on prend 20 milliards aux entreprises en 2013 pour les leur redonner, soi-disant, l’année suivante ?

À gauche, vous aimez beaucoup Keynes. Ce dernier disait souvent : « On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. » Comment voulez-vous que les entreprises investissent si elles n’ont pas confiance en l’avenir,…

M. Pierre-Alain Muet. Il faut de la demande, voilà tout !

M. Alain Chrétien. …et si elles ne comprennent pas la politique fiscale que vous souhaitez mener ?

S’agissant du financement de ce crédit d’impôt, là aussi, où est la cohérence lorsqu’on annonce la suppression de la « TVA Sarkozy » en mai et qu’on la rétablit en novembre ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce n’est pas la même chose !

M. Alain Chrétien. En outre, ces trois niveaux de TVA – 5 %, 10 % et 20 % – s’appliquent sur des produits et services qui sont, par nature, non délocalisables. Comme l’a très justement rappelé le président de la commission des finances, Gilles Carrez, il aurait été préférable d’agir davantage sur le taux normal de TVA, qui frappe les importations, plutôt que d’augmenter substantiellement le taux intermédiaire, qui concerne des secteurs protégés et donc non délocalisables.

Enfin, il est inutile de vous dire, mes chers collègues, que nous sommes très loin du compte ! Alors que ce crédit d’impôt devrait coûter 20 milliards d’euros, où sont les 10 milliards d’euros de baisses de dépenses publiques que vous nous rappelez à longueur de séance ? Concrètement, où allez-vous tailler ? Dans quelles administrations ? Pour quel montant ? Nous n’en savons absolument rien ! Dire cela n’est qu’une constatation, et non un jugement.

J’ai entendu M. Eckert nous dire que ce crédit d’impôt était simple et lisible.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est vrai !

M. Alain Chrétien. Excusez-nous, mais il ne sera ni simple, ni lisible. Nous ne connaissons même pas son contenu, ni ses fameuses conditions (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué, M. Christian Eckert, rapporteur général et M. Pierre-Alain Muet. Il n’y a pas de conditions !

M. le président. Veuillez écouter l’orateur !

M. Alain Chrétien. …puisqu’un certain nombre de membres de cette majorité fragile ont souhaité que des conditions soient imposées pour ne pas donner de cadeaux fiscaux supplémentaires aux méchantes entreprises, qui continueront d’exploiter le prolétariat.

Alors que même Bruno Le Roux avait déclaré qu’il n’était « pas question d’introduire des conditions dans l’attribution du crédit d’impôt compétitivité-emploi », certains membres de la majorité l’exigeaient, quelques jours plus tard, ici même. On voit donc bien la fragilité de la majorité socialiste – ou socialo-communiste, ou socialo-écolo-communiste : je ne sais pas très bien comment la qualifier. Aucune conviction n’anime la politique mise en œuvre. C’est pourquoi nous sommes très sévères – les Français aussi, d’ailleurs, au vu des derniers résultats des élections partielles.

Ce crédit d’impôt n’apportera aucune véritable réponse aux faiblesses structurelles de notre économie. Quant aux différents audits des politiques publiques qui sont évoqués, ils ressembleront vraisemblablement à une RGPP façon Hollande, que vous appliquerez après avoir fustigé la RGPP façon Sarkozy.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce que vous dites est inacceptable !

M. Alain Chrétien. Ce crédit d’impôt reste donc une très maigre réponse au regard du fameux rapport Gallois, dont vous vous félicitiez systématiquement et qui préconisait, quant à lui, un vrai choc de compétitivité en transférant une partie significative des charges sociales – jusqu’à trois SMIC et demi, soit 30 milliards d’euros – vers la réduction de la dépense publique et le relèvement de certains taux intermédiaires de TVA. Il n’est donc pas certain que ce crédit d’impôt, dont la facture sera payée par les ménages, permette de faire baisser les coûts de l’industrie ; pour ce faire, il aurait fallu cibler des salaires plus élevés que deux fois et demi le SMIC.

De même, votre crédit d’impôt ne répond pas à l’urgence de notre situation économique et à ce qu’attendent les entrepreneurs. Alors qu’il devrait s’appliquer dès le 1er janvier 2013, comme il était prévu pour la TVA anti-délocalisation, il n’entrera pas en vigueur avant 2014. Pourtant, vous partagez, du moins je l’espère, notre constat concernant la situation d’urgence dans laquelle se trouve l’économie française. C’est d’autant plus préoccupant que le maintien de l’objectif de la France de ramener son déficit public à 4,5 % du produit intérieur brut n’est plus garanti, puisque la recapitalisation de Dexia alourdira sensiblement le déficit budgétaire de l’État, qui atteindra plus de 86 milliards fin décembre, contre 83 milliards attendus jusqu’ici. Pour atteindre l’objectif de 4,5 %, vous allez, une fois de plus, faire appel à la hausse de la fiscalité applicable aux entreprises. J’y vois l’occasion de souligner l’étouffement croissant des entreprises par les prélèvements fiscaux. Dès lors, nous ne pouvons que nous interroger sur une politique budgétaire qui consiste à donner aux entreprises d’un côté, pour leur reprendre de l’autre, avec un ensemble de mesures qui vont considérablement alourdir leurs charges.

Depuis le mois de juillet, il faut constater que votre politique budgétaire ne pose pas la bonne question : celle du nécessaire rééquilibrage entre hausse des recettes et baisse des dépenses. En faisant porter les deux tiers de l’effort de redressement des finances publiques sur les ménages et sur les entreprises sans réduire le train de vie de l’État, vous proposez 20 milliards de hausses d’impôts, élevant ainsi le niveau des prélèvements obligatoires au taux record de 46,3 %. Ce n’est pas le crédit d’impôt compétitivité-emploi proposé dans ce collectif, et dont on nous dit que l’attribution sera conditionnée dans trois mois, qui risque d’inverser la donne, après le matraquage fiscal que le budget pour 2013 va leur faire subir. Nous citerons, entre autres, la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunts à 75 % en 2013, le mécanisme de report des déficits des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, la modification de l’assiette de la quote-part pour les frais et charges sur les plus-values de cession de titres de participation, la modification du régime des acomptes d’impôts pour les entreprises et, enfin, l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu des gains de cession de valeurs mobilières, les conditions pour en être exonéré étant tellement éloignées de la réalité qu’il sera très difficile pour les entreprises de les réunir toutes. Autant de mesures à charge contre les entrepreneurs qui investissent, prennent des risques et créent de l’emploi ! À ce propos, il serait intéressant d’analyser de manière exhaustive les départs de Français vers l’étranger, qui ont fait l’actualité récente. Je pense non seulement aux artistes, mais aussi et surtout aux entrepreneurs, comme l’a si justement souligné à plusieurs reprises le président de la commission des finances, Gilles Carrez.

Une telle analyse est d’autant plus urgente que le matraquage fiscal auquel vous vous livrez dans le projet de budget pour 2013 va poser avec encore plus d’acuité la question de l’harmonisation fiscale dans la zone euro. La France va ainsi compter 153 taxes et prélèvements pesant directement ou indirectement sur l’entreprise, alors que l’Allemagne n’en compte que cinquante-cinq. Il en résulte que, hors impôt sur les sociétés, ce sont près de 72 milliards d’euros de taxes qui vont peser directement sur les entreprises. Le Conseil des prélèvements obligatoires a d’ailleurs indiqué que « les prélèvements sur les entreprises représentent 39 % des prélèvements obligatoires du pays, soit dix points de plus que la moyenne de l’Union européenne ». Ainsi, la France va devenir le pays le plus taxé d’Europe, avec un taux de prélèvement de 46,3 %, plus élevé qu’en Suède, où il est de 44,2 %. Seul le Danemark nous dépasse, avec 48,2 %.

Enfin, vous avez d’abord tenté de faire croire aux ménages que les hausses d’impôts ne concerneraient que les riches. Mais personne n’est dupe, surtout pas les Français ! En vérité, vous avez inventé la révolution fiscale permanente, et ce sont au moins six Français sur dix qui vont subir votre matraquage fiscal. Le gel du barème de l’impôt sur le revenu, que vous auriez pu remettre en cause, va, à lui seul toucher, l’essentiel de la classe moyenne en augmentant la pression fiscale de 2 %. Cette hausse, associée à la hausse programmée des contributions sociales à hauteur de 15,5 %, à la suppression du prélèvement libératoire ainsi qu’à la nouvelle tranche d’imposition à 45 %, élèvera le taux d’imposition à plus de 100 % pour certains contribuables.

En somme, ce collectif ne répond pas aux questions les plus urgentes. Il n’apporte pas de réponse à la nécessaire diminution de la dépense publique, puisqu’on ne sait toujours pas où vous irez chercher les 10 milliards. Il confirme surtout la mise en œuvre d’une politique fiscale incohérente, qui abroge la TVA compétitivité en juillet pour l’adopter à nouveau en décembre. Enfin, il n’apporte pas de réponse sur les nécessaires réformes en matière de compétitivité, alors que le rapport Gallois lui en fournissait la matière. Sa réponse au défi de la compétitivité se résume à redonner d’une main aux entreprises ce qu’il leur aura pris de l’autre, ni plus ni moins. Les Français et les entreprises ne comprennent pas une telle politique budgétaire.

Pour toutes ces raisons, le projet de loi de finances rectificative ne saurait être examiné en l’état en séance publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur Chrétien, nous avons ce débat depuis un certain temps déjà. La politique du Gouvernement est parfaitement cohérente : il a construit un budget qui réduit de 30 milliards les dépenses sans peser sur la consommation ni augmenter de manière générale les prélèvements sur les entreprises, puisque les 10 milliards de prélèvements supplémentaires qu’elles supporteront correspondent à la suppression de niches fiscales, suppression qui va rendre notre fiscalité sur les entreprises plus juste et donc plus efficace.

M. Charles de Courson. Oh la la !

M. Pierre-Alain Muet. S’agissant du collectif budgétaire, le sujet majeur, c’est la compétitivité et l’emploi. Le Gouvernement souhaite les favoriser, non pas en procédant à un transfert de charges – lequel aurait immédiatement pesé sur la consommation des ménages en 2013 et, par conséquent, remis en cause la cohérence de la loi de finances –, mais en créant un crédit d’impôt qui présente un double avantage. Il permet en effet que le moment où l’on donne du souffle aux entreprises pour leur permettre d’investir et le moment où la contrepartie, sous forme fiscale ou de réduction de dépenses, sera susceptible de peser légèrement sur la croissance ne coïncident pas.

Cette politique, parfaitement cohérente du point de vue conjoncturel, donnera, en outre, pour la première fois, un rôle réel à la négociation sociale dans la gouvernance d’un crédit d’impôt. Nous avons en effet défini, non pas des critères ou des conditions, mais des lignes directrices, afin que les acteurs de la négociation sachent à quoi doit servir ce crédit d’impôt – l’investissement, l’emploi et la compétitivité – et ce à quoi il ne doit pas servir, c’est-à-dire à la distribution de dividendes. Ensuite, ils s’en saisiront et définiront les modalités de la gouvernance, afin que tout soit entériné dans une loi, en janvier prochain. C’est un grand changement, pour notre pays, qui nous rapproche de l’Europe du Nord ou de l’Allemagne, où la négociation sociale joue son rôle et, comme le rappelait le rapport Gallois, constitue un facteur de compétitivité. C’est une grande avancée. C’est pourquoi le groupe socialiste votera, encore une fois, monsieur Chrétien, contre votre motion de rejet préalable.

Mme Luce Pane. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je voudrais tout d’abord souligner l’excellente qualité de la motion qu’a défendue notre collègue Alain Chrétien. En effet, mes chers collègues de la majorité, qu’il s’agisse de votre collectif budgétaire pour 2012 ou de la loi de finances initiale pour 2013, la réalité reste la même, celle du matraquage fiscal. Vous ne pouvez plus, dès lors, nous parler de justice. Ce matraquage génère une instabilité fiscale, pour les particuliers et pour les entreprises, et impose une fiscalité confiscatoire, registre dans lequel s’inscrit réellement le collectif. Ainsi, au-delà des craintes et des questionnements, votre politique provoque l’exil fiscal. Elle aura donc pour résultat concret que vos attentes en termes de recettes fiscales ne seront pas satisfaites.

M. Muet vient d’évoquer la gouvernance du crédit d’impôt. J’ai tout entendu, à ce sujet, de votre part, lors de la première lecture. On a dit qu’il n’y avait pas de conditionnalité ni de critères, ou alors que ceux-ci seraient généraux. En revanche, vous invoquez à chaque fois le dialogue social. Ayez donc l’honnêteté de dire que vous confiez aux partenaires sociaux la gouvernance du crédit d’impôt : cela aura le mérite d’être beaucoup plus clair. Mais ce n’est pas ce genre de réponse qu’attendent les entreprises en matière de compétitivité.

Pour ces raisons, le groupe UMP votera la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, pour le groupe Rassemblement-Union pour un mouvement populaire.

M. Éric Woerth. Monsieur le président, mes chers collègues, trop d’incohérence, trop de fiscalité, trop peu de compétitivité, trop de conditions et trop d’incertitude quant au financement du dispositif : ce texte ne nous inspire pas assez confiance pour que nous puissions le voter. Nous soutenons donc la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Quelle concision !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La sobriété incarnée !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, vous connaissez l’expression célèbre : « Ils brûleront ce qu’ils ont adoré. » Eh bien, la majorité actuelle en est là. Après avoir fait campagne en 2007, puis en 2012, en disant : « Jamais nous n’augmenterons la TVA ! », ses membres s’apprêtent à voter en catimini un amendement à 20 milliards sur ce sujet. En vingt ans de commission des finances, je n’ai jamais vu cela !

M. Marc Goua. Et la réforme de la taxe professionnelle, monsieur de Courson ?

M. Charles de Courson. Aucune étude d’impact, rien ! Mes chers collègues de la majorité, vous nous expliquez qu’il faut augmenter brutalement la TVA, alors que, deux mois plus tôt, le Premier ministre disait : « Promis juré, nous ne l’augmenterons pas ! » La majorité est intellectuellement cul par-dessus tête (Protestations sur les bancs du groupe SRC), puisqu’elle préconise aujourd’hui l’inverse de ce pour quoi elle s’est fait élire. Quant à notre collègue Muet, je le trouve formidable en tant que porte-parole du groupe socialiste : le même qui défendait exactement la thèse inverse en commission et en séance publique il n’y a pas trois mois, prend aujourd’hui son encensoir pour parler du crédit d’impôt.

M. Pierre-Alain Muet. Vous ne m’avez pas écouté !

M. Charles de Courson. Je n’aurai pas la cruauté de relire ce que vous avez dit à ce sujet.

M. Pierre-Alain Muet. Vous pouvez !

M. Charles de Courson. Comment voulez-vous, dès lors, que nous ne votions pas cette motion de rejet préalable ? On ne sait où l’on va – j’y reviendrai dans la discussion générale – et c’est l’improvisation permanente. Ainsi, on dépense sans même avoir de recettes en face : aux 20 milliards du crédit d’impôt correspond une augmentation de la TVA de 6,4 milliards, dont on ne sait pas d’ailleurs en quoi elle va consister puisqu’il paraît que l’on va réajuster l’assiette des différents taux.

Ce brouillage concerne également le rôle des partenaires sociaux. On nous dit qu’ils vont contrôler le dispositif, mais comment voulez-vous qu’ils contrôlent un crédit d’impôt ? Le chef d’entreprise leur expliquera tout simplement qu’il a respecté les objectifs fixés par le texte, objectifs dont la liste est au demeurant un inventaire à la Prévert – on y trouve même l’adverbe « notamment », ce qui permet de faire ce que l’on veut. Que signifie le contrôle, dans ces conditions ? Les partenaires sociaux auront-ils un pouvoir de sanction, un pouvoir de blocage ? On ne nous a toujours pas répondu sur ce point,...

M. Thierry Mandon. Il y aura le contrôle du conseil d’administration !

M. Charles de Courson. …préférant renvoyer la question à une loi future. C’est l’improvisation permanente !

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Cher collègue franc-comtois Alain Chrétien, la motion de rejet est un type d’exercice qui donne lieu à des excès, et l’outrance y est à chaque fois au rendez-vous, mais tout de même !

M. Alain Chrétien. C’est outrancier !

M. Éric Alauzet. Franchement, est-ce très sérieux de parler dans cette assemblée de méchantes entreprises qui vont exploiter le prolétariat ? Vous savez que tout cela est excessif et faux.

Vous avez sous-estimé la lutte contre les abus fiscaux, mise en œuvre par cette majorité. Pourtant, nous savons tous que certains interposent des écrans de fumée entre le fisc et leur patrimoine pour échapper à l’impôt. Ce sont de bonnes mesures : elles rapporteront des recettes, et elles sont justes.

Certes, on ne connaît pas précisément le contenu de la fiscalité écologique, à ce stade, mais j’aurais aimé savoir ce que vous en pensez, chers collègues de l’opposition.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Rien, ils ne pensent pas !

M. Éric Alauzet. Cela aurait été intéressant pour nous tous que vous contribuiez au débat que nous allons avoir bientôt.

M. Éric Alauzet. Enfin, dire que l’on prend d’un côté pour redonner de l’autre, en mettant au même niveau les deux montants de 20 milliards d’euros, est complètement aberrant, dans la mesure où ce ne sont pas les mêmes entreprises qui sont concernées. Dans le premier cas, comme l’a indiqué Pierre-Alain Muet, il s’agit de cibler les grosses entreprises profitables et les niches fiscales. Dans l’autre, il s’agit de donner à toutes les entreprises.

Certes, je regrette un peu que l’on donne à toutes, mais il n’empêche que ce ne sont pas les mêmes entreprises, et cela change tout. On ne peut pas parler, comme l’a fait Mme Dalloz, en utilisant des mots qui font florès, de matraquage, d’impôt confiscatoire.

M. Philippe Meunier. C’est pourtant vrai !

M. Éric Alauzet. C’est une tentative d’attirer l’attention de nos concitoyens, mais on en connaît l’intérêt.

Enfin, vous parlez d’incohérence, alors que c’est vous qui en faites preuve. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à réexaminer le projet de loi de finances rectificative pour 2012, après son rejet par le Sénat où, force est de le constater, la majorité est totalement divisée et n’a pas voulu soutenir le Gouvernement.

Monsieur le ministre, nous avons largement eu l’occasion, lors de la première lecture, de vous dire et de vous redire notre opposition aux mesures que vous avez proposées. Nous ne nous sommes pas contentés d’émettre des critiques et avons fait de nombreuses propositions en déposant, en première lecture, une cinquantaine d’amendements. Un seul a été adopté. Nous n’avons jamais vu un gouvernement et une majorité aussi fermés aux propositions constructives de l’opposition.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oh !

M. Charles de Courson. C’est regrettable pour la démocratie.

Nous sommes pourtant convaincus que vous faites fausse route et que la stratégie gouvernementale en matière économique et budgétaire ne répond malheureusement pas aux deux priorités du pays que sont la compétitivité et l’emploi.

Que penser du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et des hausses massives de TVA ? Improvisation et amateurisme, sur la forme ; inefficacité économique, sur le fond.

Nous ne reviendrons pas sur le fait que ce projet de loi de finances rectificative, qui n’était à l’origine qu’un simple texte d’ajustement de fin d’année, s’est révélé être le support de mise en œuvre d’une mesure considérable évaluée à 20 milliards d’euros.

Sur la forme, la décision précipitée du Gouvernement de mettre en œuvre cette réforme d’une importance majeure, par voie d’amendements et sans la moindre étude d’impact, ne respecte pas la représentation nationale. Nous le dénonçons une nouvelle fois. En outre, la volonté d’agir vite pourrait être saluée si les mesures proposées par le Gouvernement étaient susceptibles de répondre à la crise que nous traversons. Or force est de constater qu’avec le Gouvernement, le problème de compétitivité de nos entreprises peut attendre encore un an.

Monsieur le ministre, les députés du groupe UDI se réjouissent que vous soyez enfin revenu à la raison, vous qui aviez jusqu’ici toujours juré que le coût du travail n’était pas un problème dans notre pays. Maintenant, il est temps d’agir réellement.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ne coûtera rien en 2013, mais il coûtera 13 milliards d’euros en 2014 et 20 milliards d’euros en 2015. Nous sommes loin du choc de compétitivité immédiat prôné par le rapport Gallois. Contrairement à ce que dit M. Muet, le sens économique d’une telle réforme, décalée dans le temps, est plus que discutable.

Avec vous, c’est deux pas en arrière, un pas en avant : vous aggravez tout d’abord les charges sur les entreprises de 14 milliards d’euros en 2013, puis vous annoncez, sans aucune concertation, un allégement de 13 milliards d’euros de charges sociales en 2014 et de 20 milliards d’euros en 2015. N’aurait-il pas été préférable de commencer par ne pas alourdir la fiscalité des entreprises ? se demandent les esprits simples comme le mien.

Vous menez une politique complètement incohérente. La sanction de Moody’s – la perte du « AAA », qui n’a d’ailleurs pas de grandes conséquences – n’en est qu’un symbole parmi d’autres.

Sur le fond, votre dispositif provoque une accumulation de très graves critiques.

Première critique : quel est l’objectif ? En matière de compétitivité, il fallait concentrer le dispositif, quel qu’il soit, sur l’industrie, c’est-à-dire le secteur en compétition internationale. Or vous faites l’inverse, en étendant la mesure à tous les secteurs, dont une bonne partie n’a pas de problèmes de compétitivité internationale, n’étant pas soumise à la concurrence étrangère.

D’après les chiffres indiqués en commission – sans qu’aucune étude d’impact n’ait été réalisée –, l’industrie ne bénéficierait que de 20 % du montant de la mesure. On s’en réjouit, au motif que l’industrie représente 14 % de la valeur ajoutée produite en France, mais c’est tout de même extrêmement faible. Comme le rapport Gallois le montre, il ne fallait pas cibler les salaires de zéro à 2,5 fois le SMIC mais plutôt ceux compris entre 1,5 et 3 ou 3,5 fois le SMIC, puisque la grande masse des salaires de l’industrie – dont la moyenne est plus élevée que la moyenne dans l’économie en général – se situe dans cette tranche.

Par ailleurs, dans votre logique d’arrosage général, pourquoi excluez-vous le travail indépendant ? Cela pose un problème de rupture d’égalité entre les formes de travail. Au reste, si je suis un travailleur indépendant, à la tête d’une entreprise individuelle ou d’une société, il ne m’est pas très difficile de changer de statut et de prendre celui de salarié. Aucune étude d’impact n’a évalué cette substitution possible entre travail non salarié et travail salarié. Il aurait fallu que tous les statuts, salariés ou non salariés, soient intégrés.

Pourquoi excluez-vous les entreprises relevant du forfait ? Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel a rendu des décisions en la matière.

Mme Arlette Grosskost. C’est exact !

M. Charles de Courson. L’opposition soumettra le problème au Conseil constitutionnel.

Quant au secteur économique qui n’est soumis ni à l’impôt sur les sociétés ni à l’impôt sur le revenu, il a fallu qu’une partie de votre majorité s’allie à l’opposition pour vous demander pourquoi vous excluiez ainsi du dispositif notamment l’économie solidaire. L’amendement adopté, contre la volonté du Gouvernement, est insuffisant, puisque l’on a couvert qu’une partie de ce secteur hors IS et IR.

Deuxièmement, quel va être l’impact à moyen terme de ce dispositif ? On nous a dit qu’on espérait 300 000 créations d’emploi.

M. Thierry Mandon. On ne l’a pas dit comme ça !

M. Charles de Courson. En commission, c’est ce qu’on nous a dit. Si le Gouvernement n’est pas capable de répondre à cette question, c’est grave ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Écoutez l’orateur, mes chers collègues.

M. Charles de Courson. À supposer que ce nombre ait un sens – ce dont je doute – chaque emploi créé reviendrait donc à 20 milliards d’euros divisés par 300 000, soit 66 000 euros. Quelle est l’efficacité d’une dépense publique de 20 milliards d’euros pour 300 000 emplois ?

M. Marc Goua. Et celui de la défiscalisation des heures supplémentaires ?

M. Charles de Courson. C’est deux fois le coût moyen d’un emploi chargé en France !

M. Marc Goua. Il ne fallait pas le faire, alors ?

M. Alain Chrétien. Pas comme ça !

M. Charles de Courson. Que dire de l’efficacité de votre politique économique, sachant qu’on attend toujours l’étude d’impact sur ces fameux 300 000 emplois ?

En ce qui concerne les contreparties sociales, on atteint des sommets. L’amendement du Gouvernement ne prévoyait aucune contrepartie, ce qui a provoqué une grande agitation de l’aile gauche du parti socialiste. Tout le monde a été convoqué à Matignon. On vous a alors donné quelques petits amendements totalement vides de sens.

Le premier amendement que vous avez adopté prévoit que le crédit d’impôt ne doit pas être utilisé pour majorer les salaires des dirigeants ni pour augmenter la part des bénéfices distribués.

M. Marc Goua et M. Thierry Mandon. C’est très bien, très logique !

M. Charles de Courson. Cela ne veut rien dire ! Si je suis chef d’entreprise, je vais vous expliquer que j’ai utilisé le crédit d’impôt pour développer mes investissements, mon innovation ou mes réseaux commerciaux. Certes, j’ai augmenté ma rémunération, mais pas grâce au crédit d’impôt. Que me répondrez-vous ? Vous adoptez des amendements pour vous faire plaisir, mais ils ne servent à rien.

Parlons du contrôle. Que signifie un contrôle sans sanction ? Les partenaires sociaux auront-ils un pouvoir de blocage ? En outre, vous êtes-vous posé la question de la constitutionnalité de cette mesure qui consiste, pour l’Assemblée nationale, à déléguer à des personnes privées le soin de contrôler un crédit d’impôt ? Le Conseil constitutionnel va casser cette disposition, car il a toujours considéré – et heureusement – qu’il était impossible de déléguer à des tiers cette fonction régalienne de l’État : l’impôt et son contrôle.

Mme Arlette Grosskost. C’est exact !

M. Charles de Courson. Ce ne sont que quelques réflexions mais, comme vous dites : ce n’est pas grave, il y aura une nouvelle loi en janvier prochain, et nous verrons bien.

Venons-en au mode de financement incroyable de ces 20 milliards d’euros.

Nous allons augmenter la TVA, dites-vous. Puis-je vous rappeler la déclaration du Premier ministre, il y a moins de trois mois : « Nous n’avons pas l’intention d’augmenter la TVA parce que c’est une mesure injuste. » En trois mois, c’est devenu une mesure juste… Vous avez avalé des boas. Dommage que notre collègue Muet ne soit pas là : il avait défendu la thèse du Premier ministre. Maintenant, il défend la thèse inverse. Mais peu importe !

M. Thierry Mandon. Ce ne sont pas les mêmes taux ni les mêmes montants !

M. Charles de Courson. Ce que mon groupe et moi-même trouvons le plus critiquable, c’est que vous nous proposez d’augmenter le taux intermédiaire de TVA. Vous êtes fous ! Ce taux frappe du travail massivement français : la restauration, le logement. Or, il n’y a pas de problème de compétitivité dans la restauration française ; quant à la création de logements, elle n’est pas en compétition avec celle d’Allemagne, d’Italie ou d’ailleurs.

C’est le taux normal qu’il faut augmenter : moins de 20 % des biens et services taxés au taux intermédiaire sont importés, contre 40 % des biens et services taxés au taux normal. Ce que vous faites est donc complètement aberrant.

Quant à la légère baisse du taux réduit de 5,5 % à 5 %, c’est-à-dire de 0,5 point, elle est totalement inefficace. Je vous renvoie aux études du Conseil des impôts, dont j’ai été le rapporteur pendant quelques années, qui montrent qu’une petite baisse est captée par les réseaux de distribution. Sur une baguette de pain de base, à 70 centimes, quel sera l’impact de cette baisse de TVA ? La baisse sera de 0,3 centime ! Cela n’aura aucun effet. Vous voulez faire croire que vous faites du social, alors que vous encouragez la captation d’une mesure fiscale, non pas par les consommateurs, mais par les intermédiaires.

M. Alain Chrétien. Tout à fait ! C’est de l’affichage !

M. Charles de Courson. Par ailleurs, où en est-on de la fiscalité écologique, évoquée par notre collègue du groupe écologiste ? Vous ne nous apportez aucune réponse sur les trois milliards d’euros prévus. Cette somme est pourtant considérable. Est-ce la taxe carbone ? On ne sait pas, on verra. Ce n’est pas sérieux !

Venons-en aux 10 milliards d’euros d’économies. On va voter ce texte dans les deux jours à venir et le Gouvernement s’est réuni ce matin pour commencer à réfléchir sur ce que pourraient être les 10 milliards d’euros d’économies. Les bras nous en tombent !

M. Alain Chrétien. Des audits, la RGPP Hollande !

M. Charles de Courson. C’est de l’improvisation permanente. Et je vous souhaite bien du plaisir, monsieur le ministre, pour mettre en œuvre les 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires. Vous n’aurez d’autre choix que de reprendre une politique de réduction de la fonction publique…

M. Alain Chrétien. La RGPP Hollande est arrivée !

M. Charles de Courson. …et de réduire encore un peu plus les dotations aux collectivités locales. Vous avez prévu une baisse de 1,5 % en 2014 et de 1,5 % supplémentaire en 2015, mais il faudra doubler l’effort.

M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue.

M. Charles de Courson. Le reste du projet de loi, notamment la lutte contre la fraude, qui suscite une quasi-unanimité nationale, ne provoque pas de discussion entre nous. Mais cette seule affaire du CICE suffit amplement pour que le groupe UDI vote contre ce texte.

M. Alain Chrétien et Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de l’état d’esprit qui est le nôtre au moment où notre assemblée va examiner en nouvelle lecture cette troisième loi de finances rectificative, la dernière de l’année 2012.

Cet état d’esprit, celui du groupe socialiste et, je n’en doute pas, celui de l’ensemble de la majorité gouvernementale, nous conduit à faire preuve de responsabilité et de cohérence dans la mise en œuvre des engagements pris par le Président de la République devant les Français au printemps dernier. Il nous conduira donc à confirmer, au terme de nos débats, notre vote de première lecture.

Il y a deux raisons fondamentales à cela.

D’abord, nous débattons une nouvelle fois à partir du texte adopté par notre assemblée puisque, pour la cinquième fois, je crois, par un hasardeux rassemblement de voix de circonstance, le Sénat a rejeté un texte déjà adopté par notre assemblée. Chacun le sait, l’addition de votes contradictoires quant à leurs motivations ne fait pas une majorité alternative et encore moins une politique alternative. Nul n’est dupe des applaudissements de la droite de cet hémicycle à certaines interventions du groupe GDR, voire du vote de certains de ses amendements qui sont à l’opposé des positions politiques que l’UMP et l’UDI expriment dans notre enceinte.

Je veux le dire à nos amis du groupe GDR : les divergences qui s’expriment entre nous portent non sur les objectifs, que nous partageons largement, mais davantage sur la politique à conduire pour les atteindre. Nous ne confondons donc pas leurs critiques et leurs votes avec ceux de la droite, même si nous regrettons qu’ils aient, lors du vote en première lecture, joint leurs voix à celles de la droite pour s’opposer à ce texte qui comporte pourtant de réelles avancées, j’y reviendrai, en matière de justice fiscale.

Il nous revient donc, à nous, d’exprimer avec force la cohérence et la solidité de la majorité gouvernementale, et nous l’exprimerons à nouveau – soyez-en certain, monsieur le ministre –, avec détermination et responsabilité. Nous le ferons surtout parce que, ce qui est en jeu dans cette discussion, c’est le respect de la parole donnée et des engagements pris au printemps dernier devant les Français par le Président de la République et par notre majorité.

Le premier et le principal de ces engagements, celui qui conditionne tout le reste, c’est d’assurer le redressement de la France dans la justice et, pour cela, de mettre en œuvre une politique économique, sociale et budgétaire à la hauteur de cet enjeu, alors même que notre pays s’est enfoncé depuis dix ans dans la spirale infernale de l’endettement et qu’il a perdu des centaines de milliers d’emplois industriels en même temps que notre compétitivité économique se dégradait et que le chômage explosait. Ce projet de loi de finances rectificative, comme celui du mois de juillet dernier et comme le projet de loi de finances que nous venons d’adopter en nouvelle lecture, s’inscrit dans cette politique économique, sociale et budgétaire choisie par le Gouvernement pour redresser la France dans la justice, une politique qui doit permettre de rompre avec le triple déficit de confiance, de crédibilité et de compétitivité de notre pays que nous a légué le précédent gouvernement, une politique qui donne à la France les moyens d’agir pour une réorientation des politiques européennes.

Sans cette réorientation – nous le savons, mes chers collègues –, nous ne pourrons retrouver sur notre continent une croissance durable et faire reculer le chômage. De ce point de vue, les premiers résultats obtenus au plan européen, qui en appellent d’autres, légitiment cette démarche.

Redresser la France dans la justice, nous ne devons cesser de le répéter, c’est d’abord maîtriser et réduire nos déficits publics, en premier lieu notre déficit structurel, qui n’a cessé de se dégrader depuis 2007, afin de stabiliser puis réduire notre dette publique. J’insiste sur ce premier aspect, essentiel, de ce projet de loi que les autres dispositions du texte, notamment l’introduction en première lecture du crédit d’impôt compétitivité emploi, ont un peu occulté dans nos débats.

Rappelons d’abord que nous aurons, nous, tenu les engagements pris par la France, et ce malgré les impasses en recettes et en dépenses que la précédente majorité nous a léguées. Nous l’avons fait grâce à un effort sans précédent pour contenir l’évolution de la dépense publique, tout en assurant par redéploiement le financement de nos priorités politiques.

Répétons ensuite que la dette, celle que nous a léguée la droite, est l’ennemie de la gauche et des politiques de gauche. Elle est un impôt sur les générations futures – un impôt à la naissance, avez-vous dit, monsieur le ministre – qu’il est aujourd’hui irresponsable et surtout immoral de léguer à nos enfants dès lors qu’elle n’est pas justifiée par des dépenses d’investissement qui préparent l’avenir.

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Dominique Lefebvre. Elle est aussi un impôt différé sur les classes moyennes, sur lesquelles pèsera demain la charge essentielle du remboursement.

Elle est surtout un impôt de fait, et dès aujourd’hui, pour les classes populaires, dès lors que son coût – je le rappelle, les intérêts de la dette sont désormais la première mission du budget de l’État hors charges de pension – réduit d’autant les politiques publiques et les services publics dont elles sont les premiers bénéficiaires. Les classes populaires, soyons-en conscients, payent déjà et paieront encore demain la dette par moins de service public.

Rappelons enfin que la dette est un risque majeur pour le financement de l’économie, et donc pour la croissance. Toute augmentation des taux d’intérêt des obligations d’État que provoquerait une politique budgétaire laxiste conduirait mécaniquement, au-delà de la dépense budgétaire supplémentaire qui en résulterait, à une augmentation des taux auxquels nos entreprises, à commencer par les PME, peuvent emprunter sur les marchés. Cette augmentation pèserait sans nul doute sur la compétitivité de notre économie et sur leur capacité à investir. Elle conduirait donc à une aggravation de la situation économique et de l’emploi.

Réduire nos déficits n’est donc ni conduire une politique sociale libérale ni davantage mettre en œuvre une politique d’austérité aveugle. Réduire nos déficits dans la justice en prenant des mesures en recettes et en dépenses en cohérence avec nos objectifs de politique économique les mieux à même de soutenir l’activité économique comme la consommation, c’est assumer une politique de redressement de la France et concourir à la stabilisation de la zone euro, sans quoi nous ne pourrons répondre aux attentes de nos concitoyens. Ceux-ci ont conscience de la gravité de la crise, ils savent que des efforts sont nécessaires, ils y sont prêts, mais à une condition, une seule : que ces efforts soient justement répartis et que l’effort soit partagé et supporté d’abord par ceux qui peuvent le plus.

De ce point de vue, les mesures de ce projet de loi de finances rectificative qui visent à renforcer la lutte contre la fraude fiscale et faire cesser des stratégies d’optimisation fiscale détournant notre législation fiscale de ses objectifs sont pertinentes. Elles doivent être soutenues et encore davantage expliquées à nos concitoyens. Je veux saluer, monsieur le ministre, la détermination qui est la vôtre en ce domaine, qui n’est peut-être pas étrangère aux attaques dont vous pouvez faire l’objet par ailleurs.

M. Pierre-Alain Muet. Très juste !

M. Dominique Lefebvre. Je veux aussi et surtout redire simplement que si nous avons été conduits à prendre des mesures fiscales nouvelles significatives pesant sur les ménages comme sur les entreprises, c’est bien en raison de l’ampleur des déficits que nous a légués la droite, que notre effort de maîtrise de la dépense publique ne pouvait à lui seul combler, sauf, pour le compte, à prendre des mesures récessives dont l’impact sur la situation des finances publiques aurait été au final négatif. Nous avons choisi de faire porter ces mesures fiscales là où cela était, dans le même temps, le plus efficient sur le plan économique et le plus juste sur le plan social. Nous avons préservé les classes populaires et les classes moyennes, voire moyennes supérieures, comme les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, des augmentations d’impôt.

Cette juste répartition des efforts suscite des critiques et des oppositions à droite. Soit ! Venant de ceux qui ont accru les déficits publics en multipliant les cadeaux fiscaux aux plus riches, avec pour seul résultat une injustice fiscale et des inégalités plus grandes sans aucun effet sur le plan économique, bien au contraire, cela nous laisse de marbre.

Cet effort était nécessaire, maintenant. Il devait être justement partagé pour être accepté et pour que la solidarité ne soit pas un vain mot dans notre pays. Nous le mettons en œuvre, comme nous mettrons en œuvre à l’avenir la réorientation des politiques publiques, indispensable pour en améliorer l’efficience et en maîtriser le coût. Cet effort à venir répond, lui aussi, à une attente forte de nos concitoyens, et la modernisation de l’action publique qu’engage le Gouvernement et dans laquelle notre assemblée aura un rôle essentiel est le corollaire indispensable de l’effort fiscal demandé aux Français.

Bien sûr, l’une des mesures essentielles pour le redressement de la France du texte qui nous est soumis aujourd’hui est le crédit d’impôt compétitivité emploi. J’en termine par là.

Tout a été dit sur ce sujet lors du débat en première lecture, et nous attendons, vous le savez, monsieur le ministre, que des aspects de ce dispositif qui nous posent problème, notamment les distorsions de concurrence qui pourraient exister dans le domaine de la santé, entre le secteur privé, d’une part, et le secteur public et le secteur privé à but non lucratif, d’autre part, puissent être correctement traités. De même, nous entendons revenir en 2013 sur la question de la TVA et, à ressources constantes, procéder à un réexamen de la répartition des produits entre les trois taux que nous avons adoptés, en cohérence avec nos priorités politiques.

Tel qu’il a été adopté en première lecture, avec les amendements du groupe socialiste qui l’ont précisé et renforcé sans le dénaturer – je tiens à saluer l’esprit de dialogue qui a prévalu entre le groupe et le Gouvernement –, ce dispositif est essentiel au soutien de l’activité et donc de l’emploi. Il devrait commencer à produire ses effets dès 2013 en permettant aux entreprises de faire des choix adaptés à leur situation pour retrouver de la compétitivité.

Nous ne réduisons pas, pour notre part, la question de la compétitivité de l’économie française à une question de coûts. Le pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi comporte trente-cinq mesures et le CICE n’est que l’une d’entre elles. Mais cette mesure, qui donnera de l’air à nos entreprises, sera un élément essentiel du dialogue social sans lequel, comme l’a rappelé Louis Gallois, nous ne retrouverons pas la compétitivité et la croissance indispensables pour faire reculer le chômage. Nous croyons, pour notre part, aux vertus du dialogue social et nous attendons que la négociation sociale qui doit s’achever dans les jours à venir aboutisse, pour que notre assemblée puisse, dès le début de l’année prochaine, traduire ses fruits sur le plan législatif. C’est là une véritable contrepartie de gauche au crédit d’impôt que nous allons adopter.

Je ne doute pas, pour ma part, que cet acte de confiance, qui répond dans le même temps à l’urgence de la situation économique et de l’emploi, nous permettra de tenir l’engagement du Président de la République d’assurer le redressement de notre économie et donc celui de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est utile, examiner ce collectif en nouvelle lecture, car, au fil du temps, l’analyse se précise et s’aggrave. Ce collectif, c’est de l’incertitude, de la contrainte et de la facilité.

C’est de l’incertitude, monsieur le ministre, quant aux perspectives économiques de notre pays. Le collectif n’est pas conscient de ce qu’est la situation de la croissance ou, plus exactement, de la stagnation de notre économie, ni de l’aggravation du chômage dans notre pays. Le collectif, inséré dans un ensemble de textes budgétaires que nous réexaminons en ce moment, n’anticipe pas sur ce qu’est l’évolution vraisemblable de notre pays dans les prochains mois et dans les prochaines années.

C’est un acte important, un projet de loi de finances rectificative, mais le Gouvernement nous présente un texte dont la base économique n’est pas solide. Un texte budgétaire ne fait pas l’économie à lui tout seul, mais il doit reposer sur des bases économiques solides. Il doit aussi contribuer à construire de telles bases. Rien de tel dans votre collectif !

En effet, votre stratégie économique est pleine d’incertitudes – et, quand je dis cela, comprenez qu’il s’agit là d’une sorte de litote aimable. Le collectif le confirme et, à mesure que l’ouvrage est remis sur le métier, les choses s’aggravent pour vous. Que voulez-vous, au juste ? Voulez-vous baisser les impôts, ou les augmenter ? Est-ce que l’enjeu de la compétitivité est important, ou est-ce qu’il ne l’est pas ? Est-ce que cette question de la compétitivité des entreprises et de notre pays est liée, dans une mesure importante, au coût du travail ? Ce qui est assez extraordinaire, aujourd’hui, c’est que le gouvernement de la France et la majorité auront, en à peine six mois, prétendu démontrer une chose et son contraire. Chacun y prendra ce qu’il voudra, mais rien de tout cela ne contribue au sursaut et au redressement de notre pays.

Vous avez, avec une certaine ambition, que l’on pouvait saluer, affiché une volonté politique et parlé – peut-être cela pouvait-il être une stratégie économique – de redressement de la France. Chiche, mais on a vraiment l’impression que, le redressement, ce n’est pas vous !

Supposons même que le pays ait eu besoin de cette stratégie. Je n’ai jamais prétendu, nous n’avons jamais prétendu, que la situation de la France, au mois de juin dernier, était parfaite.

M. Alain Chrétien. Ça ne s’est pas amélioré !

M. Hervé Mariton. Simplement, à toute majorité, à tout exécutif, quel qu’il soit, échoit la responsabilité d’essayer de faire avancer les choses, de les faire progresser. Or, on ne progresse pas avec des stratégies à ce point contradictoires. Ainsi, vous aurez, à l’occasion du collectif de l’été et du projet de loi de finances pour 2013, alourdi considérablement – on l’a encore rappelé la semaine dernière – les impôts des citoyens et des entreprises, et, à l’occasion de ce collectif-ci, vous allégez les impôts des entreprises tout en continuant d’aggraver la charge fiscale des particuliers ! C’est tout de même un peu curieux.

Faute de stratégie économique, vous n’avez pas de stratégie fiscale claire.

Prenons d’autres exemples. La TVA est-elle un impôt horrible ou non ? Elle était horrible…

M. Charles de Courson. Il y a trois mois !

M. Hervé Mariton. …à l’été, elle ne l’est plus à l’automne.

M. Charles de Courson. Ça va, ça vient !

M. Hervé Mariton. S’agissant de la TVA, nous n’avons pas tous été, au cours de la législature précédente, sur une même ligne qu’il aurait été facile à déterminer.

M. Charles de Courson. Grand débat !

M. Hervé Mariton. Vous avez même pu accuser la précédente majorité de délibérer trop tard sur ce sujet. Peut-être votre critique était-elle juste : peut-être délibérer aussi tard sur un sujet aussi important pose-t-il problème, mais enfin… Nous avons assumé que la question était difficile. Nous ne nous sommes pas précipités.

Vous, vous vous êtes précipités pour défaire, au nom de l’alternance, puis pour refaire. S’il y a eu, si rapidement, une nouvelle alternance de nature à justifier cela, elle m’a échappé.

L’incertitude concerne aussi la fiscalité écologique. Vous nous parlez, pour financer le crédit d’impôt compétitivité emploi, d’un recours à la fiscalité écologique, mais c’est quoi, exactement ? c’est combien ? c’est où ? c’est qui ?

Mesurez-vous l’incertitude dans laquelle vous plongez les acteurs économiques ? Mesurez-vous l’effet dépressif de l’incertitude considérable qui prévaut quant à votre stratégie économique, quant à la hausse de la TVA, et quant à la fiscalité écologique ? Mesurez-vous combien ces incertitudes pèseront sur l’économie de la France ? Vous ne suivez pas une stratégie, mais une anti-stratégie !

Sans doute tout cela n’est-il pas volontaire. Mais la difficulté que vous avez à arriver à un consensus au sein de la majorité, à définir votre propre vision et à réconcilier la vie du terrain, la vie économique, avec les choix idéologiques auxquels vous tenez : tout cela soumet notre pays à une accumulation d’incertitudes. Ce ne sont pas là de simples propos de tribune : tout cela est grave pour l’économie et pour l’emploi !

Vous imposez l’incertitude, mais aussi la contrainte. Nous l’avons dit à plusieurs reprises, et cela reste vrai : vous faites trop souvent le choix du matraquage fiscal. Vous le faites encore une fois à l’occasion de ce collectif budgétaire, sous couvert de la lutte contre les abus et la fraude. Mais, comme M. le rapporteur général lui-même l’a reconnu à plusieurs reprises, un certain nombre des dispositions que vous proposez n’ont pas uniquement pour objet de lutter contre les abus. Il s’agit aussi de mesures de rendement. J’en discutais encore il y a peu de temps avec mon excellente collègue, Mme Arlette Grosskost.

M. Philippe Vigier. Excellente, en effet !

M. Hervé Mariton. Mesurez-vous les conséquences des mesures que vous proposez sur la transmission des entreprises ? Sous couvert de lutte contre les abus, vous cherchez en réalité le rendement. Cette recherche de rendement aura pour effet une perturbation et une désorganisation grave sur un sujet dont chacun dans notre pays s’accorde à dire qu’il n’est pas simple : celui de la transmission des entreprises. Là encore, vous jouez contre l’économie et contre l’emploi.

Et puis, le matraquage fiscal, ce ne sont pas seulement des mots : ce sont aussi les amendements du Gouvernement comme de la majorité qui aggravent la taxation des plus-values immobilières. Ne pensez-vous pas que le Parlement en a assez fait dans ce domaine au cours des derniers mois, voire au cours d’une période plus longue encore ? Est-il réellement indispensable de déstructurer encore plus le marché de l’immobilier, de perturber encore plus les décisions patrimoniales, en aggravant considérablement la fiscalité sur les plus-values immobilières ? Vous avez même tenté d’inventer un impôt original, que je qualifierai même d’extravagant puisqu’il s’agissait d’un impôt d’État s’appuyant sur une fiscalité locale : la fameuse taxe sur les résidences secondaires. Heureusement, l’opposition veillait, et les critiques que nous avons formulées assez tôt au cours de nos débats vous ont dissuadés de persévérer dans cette erreur. Que ce rare moment de lucidité vous soit reconnu !

M. Marc Goua. Merci !

M. Hervé Mariton. Je vous remercie à mon tour de votre reconnaissance, qui est tout à votre honneur !

M. Yves Censi. Heureusement que l’opposition est là !

M. Hervé Mariton. Les contraintes ont également été augmentées par les corrections que vous avez voulu apporter au crédit d’impôt compétitivité emploi. La majorité n’a eu de cesse de multiplier les contraintes, et le Gouvernement a presque toujours cédé. Comment appelle-t-on cela en langage politiquement correct, dans cette véritable novlangue ? Des critères, et pas des conditions ! Pensez-vous qu’en conditionnant ainsi le crédit d’impôt compétitivité emploi, vous en faciliterez l’usage ? Non ! Peut-être d’ailleurs était-ce là votre intention.

M. Charles de Courson. Même le fonds de roulement !

M. Hervé Mariton. Votre action est donc marquée par l’incertitude, la contrainte, mais aussi la facilité. La facilité, quand vous vous résignez avec tant de légèreté à l’exil fiscal d’un certain nombre de nos concitoyens. La facilité, lorsque vous cherchez à couvrir honteusement les polémiques nées de l’augmentation de la contribution minimum au titre de la CFE, la contribution foncière des entreprises. Vous dites que la faute en revient à la réforme de la taxe professionnelle. Mais pas du tout ! Rien n’obligeait les communes et les intercommunalités qui l’ont fait à augmenter la contribution minimum !

M. Philippe Vigier et Mme Arlette Grosskost. Absolument ! (Protestations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Hervé Mariton. Un certain nombre d’élus locaux sont présents ici : ils ne l’ont pas fait. Je ne l’ai pas fait, pour ma part, dans la commune dont je suis maire. Lorsque, par facilité fiscale, vous avez fait le choix – car le plus souvent ce sont des collectivités de gauche qui l’ont fait – d’augmenter la contribution minimale au titre de la CFE…

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est faux !

M. Hervé Mariton. …aujourd’hui, vous vous en mordez les doigts, et vous cherchez à en imputer la responsabilité à autrui. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Facilité encore, dans l’aide que vous apportez aux départements mal gérés. Vous avez là le génie de créer une aide dont bénéficieront des départements qui sont le plus souvent – force est de le constater – gérés par vos amis. Facilité toujours, lorsque vous élargissez le crédit d’impôt compétitivité emploi à des domaines de l’économie qui sont hors du débat sur la compétitivité. Facilité suprême, lorsque vous parlez d’économies à propos du financement de ce crédit d’impôt et même des contrats de génération, sans donner plus d’éléments substantiels.

Les débats budgétaires auxquels nous participons depuis l’été dernier sont une véritable escroquerie. Non seulement vous pratiquez un matraquage fiscal que vous n’assumez pas et vous réinventez le bouclier fiscal, sans l’assumer non plus, mais vous prétendez consolider vos projets en compensant les mesures nouvelles par des économies budgétaires qui ne sont pas au rendez-vous.

Pour conclure,…

M. Thomas Thévenoud. Enfin !

M. Yves Censi. Vous dites cela parce qu’il touche juste !

M. Hervé Mariton. …notre responsabilité à tous, aussi bien dans la majorité et au Gouvernement que dans l’opposition, est de proposer aux Français des repères. Nous devons tracer des perspectives d’avenir, y compris pour les sujets techniques abordés lors des débats budgétaires. Nous devons aussi, dans les moments difficiles et troublés que nous vivons, rassurer nos concitoyens. Votre collectif budgétaire répond-il à ces préoccupations ? Non, il n’en est rien. Vous ne serez donc pas surpris que le groupe UMP, avec encore plus de conscience et de force de conviction qu’au cours de la première lecture, choisisse de voter contre ce projet de loi de finances rectificative en nouvelle lecture. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Thomas Thévenoud. L’UMP a progressé en conscience !

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le collectif budgétaire que nous examinons aujourd’hui avait initialement pour principal objet d’assurer la fin de la gestion de l’exercice 2012, suite à l’audit des comptes publics réalisé par le Premier président de la Cour des comptes. Il était également le véhicule législatif utilisé afin de compléter les mesures anti-fraude mises en place par le précédent gouvernement.

Or ce collectif budgétaire n’a été en réalité qu’un prétexte législatif pour faire passer dans la précipitation des mesures de grande ampleur, qui représentent de gros montants. Le projet qui nous est soumis aujourd’hui a triplé de volume par rapport au projet initial : il comporte 59 articles additionnels, dont 52 émanent de l’exécutif ! Curieuse façon d’interpréter le concept de concertation tant défendu par le Gouvernement. Insidieusement, de nombreuses modifications ont été apportées au livre des procédures fiscales, renforçant les prérogatives de l’administration et créant par-là même une suspicion nouvelle à l’égard des contribuables. Nous nous éloignons du climat apaisé et de la concertation – voire de la procédure contradictoire – qui devraient pourtant être la règle dans les relations entre l’administration et les citoyens, les contribuables.

La confiance, condition indispensable au bon fonctionnement de l’économie, est une nouvelle fois mise à mal pour conforter le logiciel de gauche. Et pourtant, je me dois aussi de saluer certains articles qui ont été rattrapés et qui vont dans le bon sens. Il est en ainsi de la cotisation foncière des entreprises, qui aurait pourtant encore pu être améliorée si vous aviez poussé la logique jusqu’au bout, comme le proposait notre collègue Charles de Courson, et mis en place un plafonnement.

Un regard bienveillant a été porté sur la péréquation. Cependant, là aussi, je regrette que le critère du revenu moyen demeure, alors qu’il ne reflète ni la répartition réelle des ressources entre les habitants, ni les charges réelles qui pèsent sur le département.

Nous constatons que ce collectif budgétaire cause un nouveau choc fiscal, avec encore plus d’impôts. Il devrait compenser, selon vous, à la fois les dépassements de crédits et les 20 milliards d’euros du crédit d’impôt compétitivité emploi, mesure intéressante en soi, mais insuffisamment travaillée et qui a été in fine proposée comme un simple amendement rédactionnel.

Je doute que les mesures proposées soient les plus efficaces. Le CICE, aussi louable soit-il dans son principe, apparaît comme un dispositif lourd de tracasseries supplémentaires chronophages pour nos PME, et dont la mise en place entraînera pour l’État des frais de fonctionnement non évalués. Espérons que ce crédit d’impôt ne sera pas encore une usine à gaz, ou une façon cachée d’imposer et de conforter la présence syndicale dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oh !

M. Nicolas Sansu. Ce serait plutôt bien !

M. Marc Goua. C’est cela, c’est une véritable soviétisation !

Mme Arlette Grosskost. Vous restituez d’une main ce que vous avez pris de l’autre par les dispositions du collectif budgétaire de juillet 2012 et celles du projet de loi de finances pour 2013. Avec une nuance de poids, puisqu’il s’agit d’une trésorerie différée. Notez, au passage, que ce texte n’apporte pas de réponse aux difficultés de mise en œuvre du préfinancement prévu par les banques.

Il aurait été plus logique de baisser le coût du travail, mais vous refusez d’aborder la réalité du problème. La baisse du coût du travail reste pour vous un tabou. La hausse des taux de TVA est, elle aussi, illogique, portant le taux réduit de 7 % à 10 % et le taux normal de 19,6 % à 20 % au 1er janvier 2014.

M. Philippe Vigier. C’est un très mauvais coup que vous portez là !

Mme Arlette Grosskost. Voilà un bien sympathique cadeau de Noël pour vos électeurs, alors même qu’une partie de votre campagne a porté sur la suppression de la TVA compétitivité. Cette mesure est une incohérence supplémentaire. Elle relève d’une stratégie hasardeuse, car elle porte essentiellement sur des produits peu ou pas soumis à la concurrence des produits importés, de surcroît souvent issus de pays pratiquant le dumping social.

Ce choix va surtout plomber un secteur ô combien nécessaire pour relancer l’activité…

M. Yves Censi. Le bâtiment !

Mme Arlette Grosskost. …à savoir celui du bâtiment. Avec le doublement du taux de TVA en deux ans, l’artisanat du bâtiment devra faire face à un nouveau coup dur et prévoit d’ores et déjà la perte de 20 000 emplois. Conscients d’ailleurs de cet état de fait, vous annoncez déjà votre volonté de peaufiner les hausses de TVA à compter de 2014. Encore et toujours de l’incohérence !

Force est de constater que toutes les mesures fiscales annoncées depuis votre arrivée aux responsabilités relèvent exclusivement de la politique politicienne, sans aucune logique de reconquête économique. Nous ne pouvons que le regretter et nous inscrire en faux contre vos orientations et stratégies économiques. Celles-ci entraînent une véritable défiance, comme cela a été parfaitement rappelé par notre collègue Hervé Mariton. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Alain Chrétien. Juste retour !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le collectif budgétaire dont nous entamons la discussion en nouvelle lecture comportait, dans sa configuration initiale, des dispositions qui auraient pu conduire le groupe GDR à l’approuver. Je pense notamment à la série de propositions destinées à lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, qui représentent une première étape dans la mise en œuvre des préconisations de la commission d’enquête constituée à l’initiative de notre groupe au Sénat, et dont le rapport a été adopté à l’unanimité. Mais l’introduction de plus de cinquante amendements d’origine gouvernementale, notamment de ceux visant la mise en œuvre des dispositions clefs du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, a profondément modifié la nature de ce texte. Il y a tout d’abord l’instauration du fameux crédit d’impôt de 20 milliards d’euros, compensé par un transfert de charges sur les ménages via la hausse du taux normal et du taux réduit de TVA.

Alors que le Gouvernement et le Président de la République lui-même ont maintes fois écarté une hausse globale de cette taxe, le taux normal passera au 1er janvier 2014 de 19,6 % à 20 % et le taux intermédiaire de 7 % à 10 %, au détriment des services à la personne, du logement social, des artisans du bâtiment et du cinéma.

On nous annonce que l’on reviendra sur cette répartition de l’augmentation de TVA de 7 milliards d’euros en 2013. Mais alors, pourquoi se précipiter ?

Alors que le nombre de chômeurs explose, que des millions de salariés subissent depuis des années la stagnation salariale et connaissent des difficultés croissantes à boucler les fins de mois, à mettre de l’essence dans le réservoir, à payer le loyer ou les études des enfants, cette décision est pour nous incompréhensible. Elle est d’autant moins compréhensible que, comme nous l’avons appris à la fin de la semaine dernière, il n’y aura pas d’autre coup de pouce pour le SMIC que la revalorisation automatique de 0,3 % au 1er janvier.

C’est une déception et un mauvais service rendu à l’économie du pays qui nous conduit inéluctablement à la récession. Le Gouvernement en a fait lui-même l’aveu en baissant les prévisions de croissance pour 2013. Les faits sont têtus : la stagnation des salaires étouffe l’économie. Cette tendance se vérifie dans tous les pays qui ont fait le choix de l’austérité et du gel des salaires. Tous, sans exception, voient leurs perspectives de croissance et de développement s’assombrir. Il est temps de changer de logique.

La création pour toutes les entreprises du crédit d’impôt compétitivité emploi, d’un montant de 20 milliards d’euros, accompagné d’une hausse de la contribution des ménages, symbolise le retour des vieilles recettes, celles que la droite avait d’ailleurs prévu de mettre en œuvre avec la TVA dite sociale. Laissez-moi vous dire que nous sommes extrêmement surpris de ce changement de position, réalisé entre juillet et novembre. Nous sommes surpris que le groupe SRC accepte de voter une disposition qu’il avait abrogée en juillet…

M. Alain Chrétien et Mme Arlette Grosskost. Nous aussi, nous en sommes surpris !

M. Nicolas Sansu. …et que les groupes UMP et UDI ne votent pas cette disposition alors même qu’ils l’avaient prévue quand ils étaient dans la majorité !

M. Yves Censi. Cela n’a rien à voir !

M. Nicolas Sansu. Il y a manifestement, entre le collectif de juillet, le projet de loi de finances pour 2013 et ce collectif, un problème de cohérence. On nous explique que le coût du travail, trop élevé dans notre pays, serait la seule cause de perte de compétitivité de nos entreprises. C’est faux, et je vais vous donner quelques chiffres. La part de la valeur ajoutée préemptée par les salaires et les cotisations sociales est plus faible aujourd’hui qu’il y a trente ans. En 1982, salaires et traitements bruts mobilisaient 55,5 % de la valeur ajoutée produite et les cotisations sociales en retenaient 19,4 %. En 2000, la part des salaires est passée à 48,5 % de la valeur ajoutée et celle des cotisations sociales à 16,5 %. En dix-huit ans, nous avons donc vu le bloc « salaires et cotisations » passer de 75 % de la valeur ajoutée produite par le travail à 65 %. Regardons maintenant les dividendes et revenus de la propriété : en 1982, les sociétés distribuaient 16,5 % de la valeur ajoutée en revenus du capital ; en 2000, ce taux atteignait près de 25 % ; en 2011, il s’est établi à 31,7 %. Le montant des dividendes et revenus distribués dépasse, aujourd’hui, celui des cotisations sociales !

Il est rarement fait état de ces observations dans les analyses de la situation économique. Et pourtant, il suffit de jeter un œil sur les chiffres publiés, la semaine dernière, par le cabinet Proxinvest sur la rémunération des dirigeants des entreprises du CAC 40 pour prendre la mesure de l’ampleur du problème et constater la concentration scandaleuse des richesses dans les poches de quelques-uns. C’est ainsi que Maurice Lévy, patron de Publicis, a empoché l’an passé, grâce au versement anticipé de ses bonus différés, 19,6 millions d’euros de rémunération. Carlos Ghosn, le patron de Renault, qui tente d’arracher des accords improprement dits de compétitivité dans ses usines pour baisser le coût du travail, a vu sa rémunération croître de 38 % et atteindre 9,7 millions d’euros. Pour la première fois, en 2011, le salaire fixe moyen des dirigeants du CAC 40 a franchi le million d’euros. Pourquoi ne pas indexer le SMIC sur l’augmentation des salaires des patrons du CAC 40 ? Cela représente, pour eux, 5 % de plus, cette année. Pourquoi ce qui est possible pour un grand patron ne pourrait-il pas l’être pour un smicard ?

Ces chiffres méritent d’autant plus d’être rappelés que ces mêmes dirigeants du CAC 40 ont adressé, il y a quelques semaines, dans les colonnes d’un hebdomadaire dominical, une lettre ouverte au Président de la République, François Hollande, pour revendiquer une baisse du coût du travail d’au moins 30 milliards d’euros en deux ans, le transfert de 15 milliards d’euros de cotisations vers la TVA et une baisse drastique de 15 milliards d’euros des dépenses publiques. Hélas, ils ont été entendus !

Vous comprendrez que nous ne croyions aucunement aux vertus du recours au crédit d’impôt pour venir au secours des entreprises et les rendre plus compétitives. Ce qu’il faut, ce n’est pas alléger le coût du travail, mais réduire le coût du capital. Contrairement à une idée reçue, la dégradation de la situation de nos entreprises résulte, non pas d’un coût salarial trop élevé, mais d’une multitude de facteurs, au premier rang desquels la financiarisation, la surévaluation de l’euro à partir de 2002-2003 et les difficultés accrues d’accès au crédit depuis le début de la crise. Si nos entreprises peinent à investir et à créer des emplois, ce n’est pas non plus du fait de taux d’imposition trop élevés. En effet, les si nombreuses, trop nombreuses, niches fiscales et sociales permettent aux grands groupes, notamment, d’échapper à l’impôt. Jugeons-en : le montant des exonérations fiscales dont bénéficient les entreprises s’élève, aujourd’hui, à 55,74 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter les 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, dont 22 milliards au titre des exonérations Fillon.

En trente ans de politiques libérales, de baisse de l’impôt sur les sociétés, de baisse puis de suppression de la taxe professionnelle, de gel puis de réduction des cotisations sociales, de flexibilité et de précarité accrues du travail, quels ont été les effets sur la croissance, l’emploi, l’investissement, l’innovation ? En dix années de ces politiques, les chiffres sont éloquents : un million de chômeurs en plus, 720 000 emplois supprimés dans l’industrie, une dette publique qui a quasiment doublé, passant de 900 à 1 700 milliards d’euros, et plus de 8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté avec moins de 964 euros par mois, soit 300 000 de plus qu’en 2007. En clair, les choix menés depuis trente ans nous ont conduits là où nous en sommes. Pourquoi proposer, aujourd’hui, de reconduire des recettes qui n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité ?

En plus d’être inefficace, le crédit d’impôt compétitivité est injuste et incohérent. Injuste, car il se paie d’une hausse de la TVA et d’une nouvelle baisse des dépenses publiques, dont on néglige, une fois de plus, l’importance dans la vie économique et le développement de la richesse. Injuste encore parce qu’il s’applique à toutes les entreprises sans distinction, alors que chacun sait que c’est l’industrie qui a besoin d’être soutenue, et non les banques ou les assurances. Qui fera croire que les entreprises du CAC 40 ou encore les banques et les assurances ont besoin de ce crédit d’impôt ? Il aurait été beaucoup plus judicieux de prévoir une modulation des cotisations et de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’utilisation du résultat. Il est évident que les PME, notamment industrielles, doivent être soutenues. Cela pourrait se faire par une pénalisation des grands groupes qui spéculent contre l’emploi et contre notre pays.

Ce crédit d’impôt est également incohérent, car il crée des différences de traitement qui n’ont pas même été anticipées entre les cliniques privées, qui en bénéficieront et les hôpitaux qui n’en bénéficieront pas, entre les sociétés anonymes de HLM et les offices publics.

Monsieur le ministre, personne ne peut se satisfaire de la situation actuelle et son cortège de souffrances, situation qui, si aucune réponse concrète n’est apportée, risquerait de renforcer les idées de repli, les solutions individuelles, voire les haines et l’exclusion.

Nombreux sont celles et ceux qui, dans la majorité politique du 6 mai,…

M. Alain Chrétien. Quelle majorité ?

M. Nicolas Sansu. …vous invitent à changer de cap et à opter pour une véritable refonte de la fiscalité, pour une nouvelle répartition des richesses en faveur des salariés, des retraités et des demandeurs d’emploi.

Ce n’est pas le chemin que vous semblez emprunter. En conséquence, les députés du front de gauche ne peuvent que confirmer leur vote de la première lecture en s’opposant à ce texte.

(M. Christophe Sirugue remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Christophe Sirugue
vice-président

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative s’inscrit dans la ligne fixée par la nouvelle majorité :…

M. Alain Chrétien. Au Sénat aussi ?

M. Éric Alauzet. …la justice fiscale et l’emploi

Avant d’évoquer la question principale qu’est l’emploi, il faut rappeler tout l’intérêt des mesures prises dans ce PLFR en faveur de la lutte contre les abus fiscaux. Je ne parle pas de la fraude – il est trop facile de dire que l’on est contre la fraude –, mais bien des abus fiscaux, des détournements, que l’on appelle pudiquement l’optimisation fiscale, laquelle consiste à interposer des écrans de fumée entre un patrimoine et l’imposition via le démembrement de patrimoine ou les sociétés immobilières. Ces dispositions fiscales sont l’occasion de rappeler les plus favorisés à leur devoir de responsabilité et d’éthique. L’exemple doit venir d’en haut ; il n’est pas interdit de rêver, même si l’actualité cinématographique devrait nous inciter à la prudence…

L’emploi constitue bien notre priorité absolue, notre obsession, alors qu’au cours des cinq dernières années, le nombre des chômeurs a crû de 700 000. C’est la raison pour laquelle nous avons supprimé, non pas les heures supplémentaires, comme certains se plaisent à le faire croire, mais les exonérations fiscales et sociales…

M. Alain Chrétien. C’est pareil !

M. Éric Alauzet. …– cela n’a rien à voir ! – sur les heures supplémentaires.

M. Alain Chrétien. Quel est l’intérêt d’en faire, maintenant ?

M. Éric Alauzet. Les 4,5 milliards d’euros ainsi économisés permettront de financer, dans les prochains mois, environ 300 000 emplois, ce que vous avez été incapables de faire, chers collègues de l’opposition, avec les exonérations que vous avez votées.

M. Yves Censi. Ce sont les revenus que vous diminuez !

M. Alain Chrétien. Et après trois ans, on fait quoi ?

M. Éric Alauzet. Cette économie permettra, disais-je, de financer 300 000 emplois, dont 150 000 au titre des emplois d’avenir et autant au titre des contrats de génération. Les Français qui ont perdu du pouvoir d’achat doivent savoir que cet argent aura réellement contribué à créer de l’emploi, peut-être pour des jeunes de leur propre famille ou de leurs connaissances. Ces dispositifs ont en effet été créés pour les jeunes, qui sont le plus touchés par le chômage, notamment ceux qui habitent dans certains quartiers ou dans des zones rurales en difficulté. En 2010, 17,2 % des actifs entre quinze et trente ans étaient sans emploi. C’est un drame, en particulier pour les familles modestes.

L’opposition nous explique que les emplois-jeunes ainsi créés ne sont pas de vrais emplois parce qu’ils sont financés avec l’argent public. Mais que dit-elle des 20 milliards investis dans le crédit d’impôt compétitivité emploi – soit une dépense publique quatre fois supérieure – pour créer exactement le même nombre d’emplois ? Charles de Courson nous a rejoints sur cette question ; il était temps. C’est parce que la majorité veut faire feu de tout bois en mobilisant, dans l’urgence, tous les leviers possibles que le CICE a été proposé. Nous l’avons critiqué, nous avons tenté de l’amender et nous persisterons dans cette voie. Ce dispositif portera-t-il ses fruits ? Nous espérons sincèrement que les résultats seront ceux attendus, mais nous retenons notre souffle.

En tout état de cause, nous restons mobilisés pour l’améliorer sur le plan du financement, des principes et de l’évaluation. Le financement ne doit pas être contre-productif, du fait d’un alourdissement de la TVA dans certains secteurs économiques prioritaires, tels que celui du bâtiment et du logement, secteurs sur lesquels nous avons par ailleurs misé pour créer de l’emploi local, offrir un logement confortable et économe à nos concitoyens, tout en réduisant les consommations d’énergie, les factures de chauffage et l’émission de gaz à effet de serre.

Nous sommes donc résolument engagés auprès de nos collègues de la majorité pour travailler à l’évolution de ce dispositif, notamment en oeuvrant en faveur d’une fiscalité écologique, nouveau facteur de compétitivité – ce que certains, ici, n’ont pas encore tout à fait compris –, et de la garantie du pouvoir d’achat de nos concitoyens, que nous voulons préserver des augmentations de TVA dans les secteurs du logement, de l’énergie, de l’eau, des déchets, des transports et de la culture – tous biens et services qui contribuent eux-mêmes à la mutation écologique.

Par ailleurs, le groupe écologiste attend que, parmi les grands principes du CICE, nous placions en tête l’humain et la nature et, plus précisément, l’emploi et la préservation de nos ressources, à savoir la transition écologique et économique des entreprises. En l’état actuel du texte, ce ne seront ni des conditionnalités ni des critères, mais nous devons, au moins, en faire une condition morale, une orientation, une direction, un sens. Celles et ceux qui bénéficieront de ces aides doivent se sentir engagés. Il s’agit sans doute d’une vision un peu naïve, mais il faut prendre des risques. Au fond, il s’agit tout simplement de prévoir pour le CICE ce que nous avons prévu pour la BPI à l’issue d’un débat fructueux ; c’est une question de cohérence. Au moment où les entreprises vont s’engager dans une opération de développement et de modernisation et faire simultanément appel au crédit d’impôt et au CICE, nous devons leur proposer des outils convergents et cohérents. Bien entendu, l’évaluation, le compte rendu devront faire état des résultats obtenus en termes d’emplois, de consommation de ressources fossiles et de rejets polluants. Pour modifier, le cas échéant, le dispositif, nous devrons, chers collègues, être très réactifs.

Monsieur le ministre, nous ne sommes pas à la fin de l’histoire du PLF et nous continuerons à agir pour l’améliorer et le faire évoluer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Robert.

M. Thierry Robert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes invités à examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi de finances rectificative pour 2012, que le groupe Radical, républicain, démocrate, et progressiste, que j’ai l’honneur de représenter aujourd’hui, a voté en première lecture.

Ce collectif budgétaire comporte des mesures contre la fraude fiscale, mais également des ajustements budgétaires de plusieurs milliards pour des mouvements de crédits neutres sur le plafond des dépenses et pensions. Je salue d’ores et déjà le fait que le dépassement prévisionnel des prélèvements sur recettes à hauteur de 70 millions d’euros ait été compensé à partir d’économies nettes sur les crédits des ministères. En tant que démocrate, j’accorde une importance toute particulière à la sobriété dans le fonctionnement de l’État. Mais, aujourd’hui, tout budget présenté devant notre assemblée doit être axé en priorité sur la lutte contre le chômage, qui ne cesse de faire des ravages aussi bien dans les territoires de la France d’outre-mer que dans ceux de la France hexagonale.

Je tiens à rappeler que la France d’outre-mer ne doit pas être ignorée des dispositifs de soutien à la création de richesses et d’emplois. En effet, la vie chère et le chômage, associés à la détresse sociale de nos compatriotes ultramarins, risquent à nouveau de provoquer des révoltes populaires sur ces territoires. J’ai, à plusieurs reprises, informé le Président de la République de ces risques, en particulier à La Réunion. J’y reviendrai plus tard.

Dans le cadre de ce collectif budgétaire, nous, législateurs, devons tout faire pour agir face au déficit abyssal et au chômage croissant, mais encore faut-il le faire avec patience, intelligence et dans le cadre d’une concertation entre l’exécutif et le Parlement. Comme l’a rappelé le président de notre groupe, Roger-Gérard Schwartzenberg, lors de la discussion générale en première lecture de ce collectif budgétaire, le Gouvernement a introduit in extremis deux amendements à son propre projet de loi, amendements portant création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Cette méthode a trois inconvénients : premièrement, l’obligation pour le Parlement de statuer à la hâte sur des dispositions complexes sans avoir eu le temps de les examiner en profondeur ; deuxièmement, l’absence de consultation préalable du Conseil d’État, puisqu’il s’agit d’amendements ; enfin, l’absence, pour la même raison, d’étude d’impact et de véritables exposés des motifs, lesquels ont été remplacés par des exposés sommaires, alors que l’enjeu est de très grande importance. On peut, certes, adhérer au dicton : « travail vite fait, bien fait », mais cela ne doit pas s’appliquer au travail du législateur. En effet, depuis le début de cette législature, nous subissons l’injonction d’agir dans l’urgence de la part de l’exécutif pour assister, finalement, au rejet de plusieurs de ses textes soit par le Conseil constitutionnel, soit par la Haute Assemblée ! « Tout ça pour ça », me direz-vous !

Passons sur la méthode, contestable, pour nous concentrer sur le fond.

Je remercie le Gouvernement d’avoir accepté que soient intégrés certains sous-amendements d’objet analogue, qu’ils aient été présentés par le groupe RRDP ou par le groupe SRC, en particulier celui qui oblige les entreprises bénéficiant du crédit d’impôt à rendre compte de son utilisation dans un rapport annexé à leurs comptes annuels.

Tout cela va dans le bon sens, mais il faudrait également que l’effort national se dirige vers les entreprises qui maintiennent l’emploi, embauchent ou renforcent le pouvoir d’achat de leurs salariés. C’est le sens de l’amendement qu’a déposé Jean-Noël Carpentier.

Il n’en demeure pas moins que ce collectif ne répond pas aux urgences sociales que les collectivités, en particulier les conseils généraux, doivent assumer alors que le coût des allocations de solidarité ne cesse de s’accroître.

J’en viens à l’article 17 duodecies, ajouté par un amendement du Gouvernement. Si la signature en octobre dernier d’une déclaration d’engagements réciproques entre une délégation de présidents de conseils généraux et le Président de la République était louable, l’issue de cette démarche ne l’est pas.

Les deux premiers engagements du Gouvernement devaient répondre à l’urgence, maintes fois signalée par les présidents des assemblées départementales, de revoir le dispositif de financement des allocations de solidarité versées par les départements au titre du RSA, de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap.

Le premier de ces engagements est l’annonce d’une négociation destinée à mettre en place à compter de 2014 des ressources pérennes et suffisantes permettant aux départements de faire face, dans un cadre maîtrisé, au financement des trois allocations individuelles de solidarité dont la loi leur confie la charge.

Le second engagement concerne la création par l’État, dès le début de 2013, d’un fonds spécifique doté de 170 millions d’euros pour soutenir le financement des missions de solidarité des départements les plus exposés à des tensions financières.

Las, un amendement du Gouvernement a réparti ces 170 millions sans réelle consultation des départements concernés. Ainsi, c’est sur une quote-part de la première section du fonds, d’un montant de 85 millions, que les départements d’outre-mer devront essayer de verser les aides aux bénéficiaires des allocations de solidarité.

Pour moi, il y a deux injustices.

La première est que les départements d’outre-mer doivent aider beaucoup plus de personnes dans le besoin que les autres départements français. Les chiffres le prouvent. Pour le seul conseil général de La Réunion, la charge supplémentaire des allocations de solidarité est évaluée à plus de 50 millions d’euros en 2013,…

M. Yves Censi. Absolument ! C’est une ruine !

M. Thierry Robert. …en raison notamment du taux de chômage record que connaît notre île. Or le montant de la quote-part de la taxe nationale sur les produits énergétiques reçue à titre de principale compensation lors du transfert de ces charges n’a pas évolué depuis le transfert du RMI intervenu en 2004.

Ce surcroît de charges représente donc déjà, pour un seul département, près de 30 % de l’enveloppe nationale du fonds de soutien. Je ne demande pas que 30 % du fonds soient attribués aux départements d’outre-mer, mais l’État aurait pu au moins rectifier les modalités de calcul de la quote-part destinée aux départements d’outre-mer dans le sens d’une plus juste compensation.

La seconde injustice est que vous n’avez pas souhaité intégrer les départements ultramarins à la répartition de droit commun. Comme je l’ai déjà signalé, les compétences des départements d’outre-mer ont évolué juridiquement, au cours des dernières années, dans les mêmes conditions que celles des départements de l’hexagone, sans les compensations spécifiques auxquelles ils auraient pu prétendre en raison du poids, plus élevé qu’en métropole, des transferts de compétences opérés, notamment au titre des allocations de solidarité. Les départements ultramarins assumant leurs charges au même titre que ceux de métropole, il n’est pas normal que le Gouvernement ait choisi, à l’occasion de la création d’un mécanisme de compensation exceptionnel, de les traiter différemment et de leur refuser l’application du droit commun.

Je déplore cette attitude, qui se veut équitable et juste mais ne met pas en adéquation les paroles et les actes.

Bien que le texte présente des avancées pour l’emploi et la compétitivité, une étude approfondie du sujet aurait permis d’en réaliser de plus grandes, pérennes, pour lutter contre le chômage et renforcer la compétitivité des entreprises.

Pour conclure, je souhaite revenir sur la conduite de la politique générale de relance de la compétitivité et de l’emploi.

Je suis un fervent partisan de la relance de notre compétitivité à travers le dispositif « Produire en France », qui consisterait, entre autres, à labelliser de façon indépendante la provenance, totale ou partielle, des produits vendus aux consommateurs. Cette voie me semble la bonne, et doit inspirer en permanence l’action du Gouvernement.

J’adresse enfin ce message au Président de la République et au Premier ministre : n’ayez pas peur de réformer, ne craignez pas de heurter celles et ceux qui, dans la majorité présidentielle ou gouvernementale, défendent des doctrines parfois dépassées, n’apportent pas les vraies réponses aux maux affectant nos territoires, outre-mer comme en métropole.

Réformez avec courage, soutenez les plus faibles au sein des départements et des collectivités qui agissent dans l’urgence sociale, relancez la création d’entreprises, la production et l’exportation françaises, la création d’emplois dans le secteur marchand, et vous aurez accompli la plus grande partie du long chemin à faire pour sauver notre pays.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mandon.

M. Thierry Mandon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames messieurs, un certain nombre d’études d’impact ont été réalisées depuis la première lecture, et nous savons maintenant à peu près ce que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi apportera comme avantages à telle ou telle branche de l’économie.

C’est d’abord un dispositif conçu pour améliorer la compétitivité de notre pays puisque, en réduisant les coûts engagés par les entreprises, ce crédit d’impôt leur permet d’augmenter leur marge brute et leur donne donc des marges de manœuvre pour investir, pour embaucher, voire, si elles en décident ainsi, pour baisser le coût de vente de leurs produits et donc gagner des marchés en France ou à l’exportation.

Il s’agit aussi, puisqu’il est ouvert à tous les secteurs, de consolider l’emploi dans l’ensemble de notre économie. C’est un dispositif de baisse généralisée du coût du travail, qui fortifie les secteurs exposés à la concurrence internationale, mais aussi l’ensemble des secteurs qui font la diversité et la densité des emplois privés dans notre économie.

Contrairement à ce que l’on a affirmé ici ou là, c’est un dispositif simple à utiliser, puisqu’il touche toutes les entreprises et qu’il instaure un allégement qui, sur trois ans, représentera 20 milliards d’euros, calculés sur la masse salariale brute de l’entreprise en deçà de deux fois et demie le SMIC.

En première lecture, les réponses à un certain nombre de questions que nous nous posions n’étaient pas tout à fait claires.

Première question : quels secteurs bénéficieront demain du CICE ? Les études dont nous disposons montrent que, contrairement aux craintes parfois exprimées, l’industrie sera la grande gagnante de ce nouveau dispositif. Elle captera environ 4 milliards d’euros, soit 20 % de l’enveloppe globale. On peut dire que ce n’est pas assez mais, comme elle ne représente malheureusement plus que 11 % du PIB et 12 % des emplois, c’est deux fois plus que ce qu’elle aurait dû recevoir si l’on tenait compte de son poids réel dans l’économie.

Ajoutons que, lorsque l’on parle de l’industrie, on parle du secteur industriel et que les services aux industries, qui bénéficieront aussi de la mesure, contribuent à la compétitivité globale de notre tissu industriel et augmenteront le retour sur investissement.

Encore une fois, si les réglementations européennes l’avaient permis, nous aurions aimé que tout soit centré sur l’industrie. Ce n’est pas le cas, mais l’industrie est nettement gagnante, et c’est heureux.

Deuxième question : avec une baisse de 6 % de la masse salariale, quel est le gain net pour le coût du travail, secteur de l’économie par secteur de l’économie ? Très concrètement, en quoi cet effort considérable permet-il d’abaisser le coût du travail ? En moyenne, le coût net du travail baissera de 2,7 %, 2,4 % dans l’industrie compte tenu de la structure de la masse salariale, donc un tout petit peu moins que la moyenne, mais, dans les services aux entreprises, qui sont souvent des services aux industries, il baissera de 2,8 %.

En conclusion, ce dispositif ne mérite pas de louanges, et personne ne lui en a d’ailleurs adressé. Il y a des contraintes, nous en avons conscience, et nous pouvions difficilement, en raison notamment de la réglementation européenne, faire plus ni cibler davantage. En revanche, il ne mérite pas les excès d’indignation entendus tout à l’heure sur les bancs de l’opposition, qui, de manière tout à fait paradoxale, s’apprête à ne pas voter le dispositif alors qu’elle nous rappelle à longueur de séances que le coût du travail est trop élevé et qu’il faut prendre des mesures pour le baisser. C’est ce que nous faisons, dans les proportions que nous révèlent désormais les résultats des études réalisées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous abordons une nouvelle fois le projet de loi de finances rectificative pour 2012, et je souligne la difficulté à laquelle vous êtes confronté, monsieur le ministre. Pour chaque projet de loi de finances, qu’il s’agisse de la loi de finances initiale pour 2013 ou de la loi de finances rectificative déposée pour procéder aux ajustements nécessaires en fin d’année, et en dépit d’une majorité dans chacune des deux assemblées, vous êtes contraint de revenir en nouvelle lecture parce que vos textes sont rejetés par le Sénat. C’est une situation inédite, preuve d’une impréparation manifeste et, au-delà, d’une incapacité à rassembler et à convaincre l’ensemble de votre majorité.

Vous avez commencé en juillet 2012, lors de votre premier collectif, à dépenser sans compter pour répondre aux engagements d’un candidat devenu président : remise en cause de la réforme des retraites, majoration de l’allocation de rentrée scolaire, coup de pouce au SMIC, abandon de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, recrutement de 60 000 enseignants supplémentaires sur cinq ans.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Comme c’est bizarre ! Nous avons dépensé moins d’argent en 2012 que vous en 2011 !

Mme Marie-Christine Dalloz. La conséquence immédiate de ces mesures de générosité, ce sont 20 milliards d’euros de dépenses supplémentaires au cours de cette législature.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il ne faut pas raconter n’importe quoi aux gens !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous nous reprochiez il y a quelques mois, et vous étiez le premier, monsieur le rapporteur général, à nous faire ce reproche, de financer les dépenses par de la dette. Je constate que vous ne savez pas faire mieux…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ça ne va pas, non ?

Mme Marie-Christine Dalloz. …et que vous utilisez exactement la même technique.

M. Michel Vergnier. Quel aveu !

Mme Marie-Christine Dalloz. Comment financez-vous ces nouvelles dépenses si ce n’est par de la dette ? C’est le danger de ce collectif : vous augmentez massivement les impôts – je reviendrai sur plusieurs mesures – mais le risque de ne pas être au rendez-vous du retour à l’équilibre est réel !

Ce dernier collectif 2012 est marqué par des changements profonds des règles fiscales en vigueur dans notre pays, changements que vous masquez par des exposés sur la lutte contre les abus ou la fraude. En réalité, c’est un leurre, car ce sont bien des mesures de rendement que vous prenez.

Lors de la première lecture, par le biais de nombreux amendements – une quarantaine, je crois –, le Gouvernement a introduit différentes dispositions. Certaines d’entre elles, monsieur le rapporteur général, sont des cadeaux à des catégories choisies. Il est vrai que Noël approche !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous feriez bien de prendre de bonnes résolutions pour la nouvelle année !

Mme Marie-Christine Dalloz. Je pense aux 25 millions d’euros de crédit d’impôt, en lieu et place d’une réduction d’impôt, sur les versements au titre des cotisations syndicales. On comprend bien que le Gouvernement veuille faire plaisir aux organisations syndicales ! Je pense aussi aux 80 millions en faveur de la production exécutive de cinéma, dits crédit d’impôt international, avec un forfait hébergement fixé à 270 euros la nuitée. C’est encore une démonstration de votre conception de la justice fiscale : il faut matraquer les riches, mais favoriser les gens qui font de la production cinématographique !

J’en viens à la mesure pour la compétitivité inscrite à l’article 24 bis suite aux conclusions du rapport Gallois. Nous aurions pu penser, et nous l’avions sincèrement espéré, que vous aviez compris la nécessité et l’urgence qu’il y avait à agir pour la compétitivité de nos entreprises. Que nenni ! Vous inscrivez un crédit d’impôt qui prendra effet au 1er janvier 2014, avec des critères extrêmement larges qui correspondent plus à de l’affichage qu’à une mesure pragmatique, et, parallèlement, vous faites supporter aux entreprises une hausse de fiscalité de 15 milliards d’euros en 2013. Et je ne parle pas du taux de TVA de 19,6 % qui va passer à 20 %,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous aviez proposé plus !

Mme Marie-Christine Dalloz. …alors que les produits low cost continueront à concurrencer les produits fabriqués en France. C’est beau, l’affichage, mais la réalité, c’est autre chose ! Vous n’avez pas compris à quelle réalité sont confrontées nos entreprises, ni la réalité des 1 500 demandeurs d’emploi supplémentaires chaque jour.

Oui, ce collectif aurait pu apporter une réponse à notre économie, à deux conditions : que la fiscalité supplémentaire ne soit pas rétroactive et que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi entre en vigueur dès le 1er janvier 2013. Ce collectif est un nouveau rendez-vous manqué avec notre économie, nos entreprises, notre pays, et c’est navrant.

M. Yves Censi. Très bien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous avez eu dix ans de rendez-vous manqués !

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Michel Vergnier. Ça devrait être plus nuancé !

M. Éric Woerth. Décidément, monsieur le ministre, vous n’avez pas de chance avec les textes financiers. Le PLFR suit au Sénat le même chemin de croix que le PLF.

Dans ce PLFR, on trouve les ajustements traditionnels des collectifs de fin d’année, mais le plat de résistance, ce sont vos initiatives sur la compétitivité. J’y reviendrai. Je remarque toutefois, pour étendre le propos, qu’en cette période de dépression économique et sociale, le palais de l’Élysée est devenu une sorte de palais de la Découverte. (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Joli !

M. Éric Woerth. Découverte de la réalité à laquelle vous êtes confrontés : réalité du coût du travail, que vous avez niée pendant tant de temps ; réalité du problème des retraites, ravivé par les prévisions du COR et par la conjoncture ; réalité des conséquences d’une politique fiscale qui fait fuir les plus « investissants » d’entre nous ; réalité des conséquences de cette politique sur la croissance ; réalité de la nécessité de moderniser et de réformer l’État, qui ont justifié la réunion d’un comité interministériel aujourd’hui.

Face à ces réalités, le présent PLFR affiche un certain nombre d’ambitions dans le domaine de la compétitivité. Je redirai à cet égard ce qu’ont déjà dit mes prédécesseurs de la minorité. Tout d’abord, le crédit d’impôt pour la compétitivité n’est pas une mauvaise idée en soi, c’est même une avancée en matière de coût du travail, mais ce n’est pas comme cela qu’il fallait procéder : il aurait mieux valu diminuer le coût du travail en réduisant les cotisations sociales. C’eût été plus direct, plus juste, plus précis,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Plus facile !

M. Yves Censi. Bien sûr ! Pourquoi ne pas l’avoir fait ?

M. Éric Woerth. …et l’on aurait bien vu quel était l’objectif poursuivi.

Le crédit d’impôt compétitivité est en réalité une niche fiscale ; il est donc appelé au même avenir que les niches fiscales, avec l’incertitude que cela comporte. C’est aussi, d’une certaine façon, comme cela a été dit, remettre dans la poche des entreprises ce que vous avez pris dans l’autre poche : 20 milliards pour 20 milliards. Vous avez le goût des chiffres ronds ! (Sourires.) Par le biais des mesures fiscales prises depuis juillet, 20 milliards ont été pris aux entreprises, et aujourd’hui 20 milliards sont remis dans la machine de la compétitivité par le biais de ce crédit d’impôt. Ce n’est guère la meilleure façon de procéder !

Lors des débats, de nombreux députés de la majorité ont essayé de limiter ce crédit d’impôt, d’empêcher qu’il fonctionne pour des entreprises qui ne maîtriseraient pas leurs coûts énergétiques, qui licencieraient, qui distribueraient plus d’argent à leurs actionnaires, bref, d’introduire toute une série de conditions. Vous n’avez pas retenu toutes ces conditions, vous avez essayé de tenir bon, mais vous en avez accepté quand même quelques-unes, notamment – je vois bien que c’est un point qui nous oppose – celle qui concerne la distribution de dividendes. Il ne faut pas que le crédit d’impôt profite aux actionnaires. Comme si l’actionnaire était le diable ! Ce n’est pas le cas : il y a probablement de mauvais actionnaires, comme il y a de mauvais employeurs et de mauvais salariés, mais l’entreprise a besoin de capital. Quand une entreprise a sous-rémunéré ses actionnaires pendant un certain nombre d’années, ce peut être une bonne idée de mieux les rémunérer, pour consolider et développer son capital. On ne peut à la fois dire que les entreprises françaises, notamment les PME, n’ont pas suffisamment de capital, et prévoir une condition de non-rémunération de l’actionnaire pour ce crédit d’impôt.

Il faut de la souplesse. Un certain contrôle est certes nécessaire, mais en Allemagne, où le coût du travail est moins élevé qu’en France, on ne contrôle pas ce que font les entreprises. Ce qui est artificiel, c’est en réalité la fiscalité, non la liberté d’entreprendre.

Enfin, vous recréez la TVA sociale. C’est d’ailleurs la seule occasion où vous n’acceptez pas que le mot « social » soit adjoint à un autre mot. Certes, cette recréation est plus modeste que ce que nous avions prévu et sur quoi vous êtes revenus au mois de juillet. Nous avons, dans nos débats, suivi le rapporteur général : nous étions d’accord pour ne pas engager dès maintenant un énorme débat sur les taux de TVA et pour attendre un peu, mais porter de 7 à 10 % le taux réduit, c’est beaucoup, et cela touchera beaucoup de nos concitoyens dans leur consommation quotidienne.

Enfin, vous n’avez jamais répondu à la question du coût pour les entreprises. Vous nous dites qu’il n’y a pas de décalage, que ce crédit d’impôt est une créance sur l’État, qu’il pourra être mobilisé très rapidement. Cette mobilisation, de qui dépendra-t-elle ? Des banques ? D’OSEO ? Je ne sais pas, mais elle aura forcément un coût. De combien est-il ? Vous n’avez jamais répondu.

Pour toutes ces raisons, et pour bien d’autres encore que je ne peux exposer en cinq minutes, nous ne voterons pas ce PLFR.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, nous l’avons salué dans nos précédentes interventions, et encore à l’instant par la voix d’Éric Alauzet, ce dernier projet de loi de finances rectificative pour 2012 permet des avancées en matière de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales. Ces avancées, concernant notamment la taxation d’office à 60 % des sommes non déclarées placées à l’étranger et la justification des sommes encaissées sur les comptes à partir de 200 000 euros, constituent un premier pas, qu’il faudra renforcer. Car nous considérons, comme le Gouvernement, que la question de la fraude fiscale est une question centrale que nous devons placer parmi les priorités de la majorité, par souci d’efficacité mais aussi d’équité devant l’impôt.

En 2008, un rapport du Syndicat national unifié des impôts estimait à 40 milliards d’euros le montant de la fraude fiscale en France. À l’heure où des efforts substantiels sont demandés aux Français pour redresser les comptes publics, le renforcement des moyens de lutte contre la fraude fiscale est l’un des instruments essentiels de ce redressement, mais également du consentement à l’impôt. Nous allons mettre en place des outils ; il faudra également veiller à ce que les moyens humains soient présents pour les utiliser.

Au-delà de ces mesures, je voudrais insister sur la question de la hausse de la TVA programmée dans ce PLFR pour financer le crédit d’impôt compétitivité. Je ne reviens pas sur le crédit d’impôt lui-même, je crois que mes précédentes interventions étaient en la matière assez claires, mais je voudrais appeler l’attention de la majorité sur trois secteurs qui pourraient pâtir de cette augmentation de la TVA si elle était mise en œuvre.

Lors de la création du taux intermédiaire en 2011, l’ancienne majorité avait déjà fait subir à certains services une augmentation substantielle de taxation de 5,5 à 7 %. Ce fut le cas dans une partie de l’industrie culturelle, avec l’augmentation du taux sur les entrées au cinéma ou au musée. Ce fut également le cas dans un secteur essentiel pour la transition écologique et pour le quotidien de nos concitoyens, celui des transports collectifs. Le groupement des autorités régulatrices de transport avait chiffré à 84 millions d’euros le surcoût que cette augmentation avait entraîné pour les collectivités locales à l’époque. Lorsqu’on connaît à la fois l’ensemble des besoins auxquelles doivent faire face les collectivités locales, l’état actuel des transports collectifs urbains – en Île-de-France, la ponctualité recule d’un à deux points par an – et la congestion qui caractérise notre réseau routier, qui concentre encore 80 % des déplacements de nos concitoyens, on ne peut qu’appeler à éviter une nouvelle augmentation de la taxation après celle de 2011. Sur ce point, nous joignons notre voix à celle des élus locaux, au premier rang desquels le président de la région Île-de-France, pour que les transports collectifs soient classés dans les biens de première nécessité.

Le deuxième secteur que je voudrais évoquer, c’est le logement social. La majorité s’est fixé un objectif de construction de 150 000 logements sociaux par an. Or, si nous augmentions le taux de TVA, l’effort réalisé pour réunir les moyens financiers nécessaires à cette action serait de fait annulé. Nous saluons donc l’amendement du rapporteur général qui prévoit de reporter le relèvement du taux de TVA applicable aux opérations de construction et de rénovation de logements sociaux de 7 à 10 % en 2015 et non en 2014 comme prévu. Cet amendement est essentiel si nous voulons ensemble faire face aux besoins de logements sociaux.

Enfin, dernier secteur sur lequel nous souhaiterions mettre l’accent : la rénovation thermique des logements. Une nouvelle réglementation thermique entrera en vigueur en 2013 sur les bâtiments neufs, mais, comme vous le savez, la construction ne concerne chaque année que 1 % du parc. La priorité est donc la rénovation de l’ancien, et nous partageons l’objectif de rénovation de 600 000 logements par an annoncé par le Gouvernement et réaffirmé lors de la Conférence environnementale. Pour atteindre le facteur 4 en 2050, c’est-à-dire la division par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre, il faudrait de plus rénover ces logements à la norme BBC, « Bâtiment basse consommation ». Le coût par ménage est donc important et deviendrait pour une partie d’entre eux inaccessible si la TVA passait de 7 à 10 %. Cela aurait un double effet négatif : celui de rendre inatteignable l’objectif de 600 000 logements rénovés par an et celui de fragiliser un secteur du bâtiment déjà lourdement touché par la crise.

Nous avons pris note de votre ouverture sur la question d’une révision des taux de TVA. Nous avons entendu que la question restait ouverte et que des aménagements pourraient être trouvés en 2013 pour réétudier les questions sectorielles. Nous espérons donc que nous pourrons avancer ensemble sur ces secteurs essentiels pour le groupe écologiste : les transports collectifs, le logement social et la rénovation thermique des bâtiments. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, nous examinons la troisième loi de finances rectificative pour 2012. En comptant la loi de finances initiale, les contribuables français auront eu à subir quatre lois fiscales, rien que pour l’année 2012. À chaque fois, des variations de taux d’imposition, des changements d’assiette, de nouvelles procédures, quand ce ne sont pas de nouveaux impôts et toute l’incertitude que cela entraîne pour les acteurs économiques. Or, nous le savons tous, les investisseurs n’aiment pas l’incertitude. Ils ont besoin de visibilité à moyen et long terme. Ils aimeraient savoir, et c’est la moindre des choses, à quelle sauce fiscale ils vont être mangés. Ces changements fiscaux incessants pénalisent notre économie tout entière.

Ce projet – et mes collègues écologistes et radicaux, pourtant membres de la majorité, n’ont pas manqué de le souligner avec véhémence lors de la première lecture du texte – a été en outre présenté à la hussarde par le Gouvernement. C’est porter bien peu de considération au Parlement que de se comporter ainsi. Je vous rappelle que le Gouvernement a déposé cinquante-deux amendements en première lecture, dont certains ont un impact budgétaire non négligeable.

Le Gouvernement a ainsi introduit, par voie d’amendement, sans étude d’impact, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi issu du pacte de compétitivité, ainsi que l’augmentation de la TVA à partir du 1er janvier 2014.

Je m’interroge, monsieur le ministre, sur la cohérence d’une telle politique. Vous supprimez la TVA compétitivité en juillet dernier pour voter une augmentation quelques mois plus tard. Allez comprendre.... D’autant que les contreparties au crédit d’impôt ne seront présentées qu’en janvier, et les baisses de dépenses censées financer pour partie le dispositif ne sont pas évoquées.

Parmi les principales mesures de ce projet de loi de finances rectificative figure un ensemble de mesures antifraudes et anti-abus. Les moyens d’action de l’administration sont encore augmentés au-delà de toute mesure. Grâce à une vision très extensive de l’abus, ces mesures sont surtout un prétexte pour un nouveau coup de matraque fiscal.

M. Régis Juanico. N’importe quoi !

M. Jacques Bompard. Les sommes placées légalement à l’étranger seront ainsi réputées avoir été reçues à titre gratuit et taxées au taux de 60 % lors de leur retour en France. Avec de telles conditions, comment voulez-vous que cet argent revienne en France ?

Mais surtout, ce collectif budgétaire souhaite empêcher la transmission du patrimoine en réprimant l’optimisation fiscale lors d’une donation de titres de sociétés suivie d’une cession. Ce mécanisme est très utilisé,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et pour cause !

M. Jacques Bompard. …notamment par les chefs d’entreprise dont les enfants ne souhaitent pas reprendre la société. Souhaitant vendre sa société, le chef d’entreprise donne d’abord ses titres à ses enfants, payant au passage les droits de mutation à titre gratuit au taux de 20 % ou plus pour les grosses transactions. Puis les enfants vendent leurs titres ainsi reçus, sans avoir à payer l’impôt sur la plus-value en plus des droits de donation. Désormais, les enfants devront conserver les titres au moins deux ans. À défaut, le fisc considérera qu’ils auront dégagé une plus-value calculée à partir de la date d’acquisition par le père.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Sauf s’ils gardent les actions !

M. Jacques Bompard. Vous êtes bien nerveux, monsieur le rapporteur général…Nous n’avons pas souvent la parole, alors laissez-nous nous exprimer.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je précise les choses et je rectifie vos propos. Apparemment, vous n’avez pas lu le projet jusqu’au bout !

M. Jacques Bompard. Voilà encore une mesure qui va compliquer la transmission du patrimoine et compliquer davantage les cessions d’entreprises. Il est vrai qu’en la matière les majorités successives ne sont jamais à court d’idées.

Quant aux plus-values immobilières, notre assemblée a adopté en première lecture un amendement du rapporteur général durcissant encore leur taxation. Résultat escompté : 130 millions d’euros d’impôts supplémentaires à partir de 2013. Cette surtaxe est censée compenser la suppression décidée par le Gouvernement du prélèvement sur le potentiel financier des bailleurs sociaux. Vous taxez donc les classes moyennes, à travers leur patrimoine immobilier, pour alléger la facture de bailleurs sociaux qui ne réalisent parfois pas assez d’investissements et qui s’accordent des salaires qui ne sont pas très sociaux.

Le président Hollande, si soucieux de tenir ses promesses lorsqu’il s’agit de dénaturer le mariage, avait pourtant promis, lors de la campagne électorale, de revenir au régime antérieur de taxation des plus-values immobilières, c’est-à-dire une exonération totale au bout de quinze ans de détention. Nous en sommes loin...

En matière fiscale, les promesses électorales sont toujours aussi vite oubliées et le changement n’est visiblement toujours pas pour maintenant.

La révolution que tous les citoyens de France attendent n’a rien à voir avec des changements radicaux dans la société. Ce qu’ils attendent, c’est la défense des droits fondamentaux tels la sécurité et le droit au travail, un travail libérateur, intégrateur, bien payé permettant de balayer le traitement social du chômage qui détruit notre économie.

M. Michel Vergnier. C’est bien, vous vous êtes fait plaisir !

M. Dominique Baert. Applaudissements nourris…

M. le président. La parole est à M. Thomas Thévenoud.

M. Thomas Thévenoud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le rejet par nos collègues du Sénat du troisième et dernier projet de loi de finances rectificative pour 2012, il nous revient la responsabilité de voter ce texte, pour cinq raisons que je vais essayer d’exposer en cinq minutes.

Premièrement, ce PLFR est respectueux de la parole publique. La France s’est engagée vis-à-vis de ses partenaires à réduire son déficit public. Le Président de la République a défini une trajectoire de retour à l’équilibre budgétaire : la parole a été donnée aux Français et à l’Europe. Elle doit donc être respectée. C’est ce que nous faisons avec ce collectif budgétaire de fin d’année et celui que nous avons adopté durant l’été.

Le déficit public s’élèvera à 4,5 % du PIB, comme il avait été annoncé lors du changement de majorité au printemps dernier.

Aucun gouvernement n’a, en début de législature, accompli un tel effort.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est vrai !

M. Thomas Thévenoud. Un effort sur lui-même, je veux le redire.

Deuxièmement, ce projet de loi de finances rectificative est exemplaire en matière de réduction des dépenses publiques. Oui, l’État doit faire des efforts sur lui-même. Les collectivités locales aussi d’ailleurs. C’est le cas grâce à ce collectif car les dépenses de l’État diminuent de 3,6 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2012.

Le constat établi par la Cour des comptes en juillet dernier était sans appel : surévaluation des recettes et sous-évaluation des dépenses. Il y avait un risque en exécution de plus de 7 milliards d’euros, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Ce risque est levé à l’issue de cette année de changement, d’alternance politique et de profonde réorientation de notre politique et de notre stratégie budgétaire.

Troisièmement, ce projet de loi de finances rectificative favorise la compétitivité de nos entreprises.

Le rapport Gallois a mis en lumière les erreurs de la précédente majorité, qui a déserté ces bancs. Le rapport Gallois est un réquisitoire sans appel contre la politique industrielle menée depuis dix ans. Plutôt que d’enterrer ce rapport, le Gouvernement a choisi courageusement de traiter au plus vite la question de la compétitivité avec la mise en œuvre du crédit d’impôt. C’est un geste sans précédent notamment pour les PME. Les chefs d’entreprises soumises à la concurrence internationale ne s’y sont pas trompés. Tous ceux que j’ai rencontrés me disent leur satisfaction de cette mesure simple, claire et lisible. Mais une telle somme – 20 milliards d’euros – mérite selon nous que l’on y prête attention. Elle doit être balisée, encadrée par des principes clairs de justice sociale et fiscale. C’est pourquoi les députés socialistes ont exigé l’exemplarité en matière de rémunération des dirigeants et de distribution des dividendes.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est vrai !

M. Thomas Thévenoud. Mettre les partenaires sociaux au cœur de l’application du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, c’est ni plus ni moins nourrir le dialogue social. Je rappelle que c’est l’une des préconisations du rapport Gallois et un élément déterminant de la compétitivité allemande. Mettons-le à l’honneur !

Quatrièmement, ce projet de loi de finances rectificative préserve le pouvoir d’achat des plus modestes.

C’est le fil conducteur de la nouvelle modulation des taux de TVA proposée dans ce texte. Et c’est toute la différence avec la TVA de M. Sarkozy outre le fait que le prélèvement de ces trois nouveaux taux de TVA sera deux fois moins important que ladite TVA sociale. Cette nouvelle modulation est plus juste socialement. Avec le rapporteur général, nous avons engagé un travail pour aller plus loin dans la recherche de l’équilibre économique et social de cette mesure. Cela consiste à ne pas alourdir la fiscalité sur les biens de première nécessité, et selon moi, le logement en fait partie.C’est la raison pour laquelle nous devons être attentifs au taux de TVA applicable au logement social.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce sera difficile !

M. Thomas Thévenoud. Cela consiste également à ne pas oublier que la modulation des taux de TVA est la contrepartie du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Certains secteurs vont en bénéficier et, en même temps, être éligibles à un nouveau taux de TVA. Prenons un exemple au hasard, l’hôtellerie et la restauration. (Sourires.)

M. Régis Juanico. Ah !

M. Thomas Thévenoud. Pour ce secteur, l’impact de la hausse de TVA sera de 750 millions d’euros et le bénéfice du crédit d’impôt de plus d’un milliard. Il faut donc procéder au même calcul pour d’autres secteurs, tels le bâtiment ou les transports.

Enfin, il ne faut pas oublier que le financement du CICE passe par une montée en puissance de la fiscalité écologique. Notre pays est en retard en la matière. Rien n’empêche, si le financement du crédit d’impôt est assuré, d’en faire un peu plus en matière de fiscalité écologique et un peu moins en matière de TVA.

Cinquièmement, ce collectif se caractérise par la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. L’actualité est riche en matière d’exil fiscal. Ce n’est pas Astérix chez les Belges, que nous voyons sur les écrans, mais plutôt Obélix au paradis fiscal

Mme Marie-Christine Dalloz. Nul !

M. Thomas Thévenoud. Les montages financiers, l’optimisation fiscale ne suffisent plus à certains de nos concitoyens. Ils préfèrent s’en aller pour ne plus payer tout en revenant le plus souvent pour se faire soigner. C’est donc un enjeu de justice et d’égalité devant l’impôt que porte ce collectif par le biais du renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.

Voici, exposées en cinq minutes, cinq raisons de voter le projet de loi de finances rectificative pour 2012. C’est ce que nous ferons au nom de la justice, du courage et de la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je demande une suspension de séance afin de réunir notre groupe.

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-neuf heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Première Partie

M. le président. J’appelle maintenant les articles de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

Article 1er

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. L’amendement n° 30 de M. le rapporteur général est rédactionnel.

(L’amendement n° 30, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Article 3

(L’article 3 est adopté.)

Article 3 bis

M. le président. Les amendements nos 31, 32 et 33 de M. le rapporteur général sont rédactionnels.

(Les amendements nos 31, 32 et 33, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 3 bis, amendé, est adopté.)

Article 4 et état A

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué pour soutenir l’amendement n° 150 rectifié.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cet amendement à l’article d’équilibre a pour objet de minorer les recettes fiscales de 50 millions d’euros. Les recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques sont en effet minorées de ce montant en raison de la sortie progressive du dispositif de baisse instauré au dernier trimestre 2012 face à la montée des prix à la pompe.

Par ailleurs, il vise à traduire dans l’équilibre du budget de l’État l’incidence de cette mesure.

Il résulte du présent amendement un déficit prévisionnel pour 2012 de 86,17 milliards d’euros, en augmentation de 50 millions d’euros par rapport au solde établi à l’issue de la première lecture du présent projet de loi finances rectificative par votre assemblée. Reste qu’il y a, en valeur absolue, une amélioration en exécution par rapport à 2011 : c’est la première fois depuis très longtemps.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Favorable. Cet amendement tient compte de la réalisation exacte du produit de la TICPE. Et je rejoins M. le ministre sur la légère amélioration du solde.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. S’agissant d’un sujet important pour nos concitoyens, le Gouvernement peut-il rappeler les modalités de sortie du dispositif et nous indiquer comment il envisage l’évolution de sa politique en la matière ? Il est certes important d’établir un constat comptable – minoration des recettes et traduction dans l’équilibre général de l’incidence de cette mesure – mais qu’en est-il de l’avenir, monsieur le ministre ?

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. À l’occasion de ce petit amendement d’équilibre, je voudrais rappeler au nom de mon groupe que, depuis que ce gouvernement s’est installé, il a procédé à 7 milliards d’euros de hausses fiscales sur le seul exercice 2012. Le redressement, cette année, s’est donc fait par une augmentation massive des prélèvements obligatoires et non par une réduction des dépenses. C’est là une stratégie totalement erronée, compte tenu de la situation du pays.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je répondrai à l’occasion de la présentation des amendements suivants.

(L’amendement n° 150 rectifié est adopté.)

(L’article 4 et l’état A, amendé, sont adoptés.)

Vote sur l’ensemble de la première partie

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

(L’ensemble de la première partie du projet de loi est adopté.)

Seconde partie

M. le président. Nous en venons à la seconde partie du projet de loi.

Article 5 et état B

M. le président. Je suis saisi de dix amendements du Gouvernement, nos 165 deuxième rectification, 149, 162, 154, 156, 159, 161, 163, 164, 146, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il s’agit d’amendements de crédits, monsieur le président.

La préparation par le ministère de la défense de la solde des militaires du mois de décembre a fait apparaître un besoin non anticipé de 195 millions d’euros, sur lequel je vais naturellement m’expliquer.

Afin de permettre au ministère d’honorer ses obligations vis-à-vis de ses personnels, et dans le souci de tenir directement informée la représentation nationale, le Gouvernement propose d’amender le projet de loi de finances rectificative.

Ce besoin, complémentaire aux décrets d’avances que vous venez de ratifier, s’explique par des difficultés d’estimation et des dysfonctionnements considérables du système LOUVOIS – logiciel unique à vocation interarmées de la solde – sur les conditions de l’élaboration, de la validation et de la mise en œuvre duquel il faudra peut-être s’interroger. De telles erreurs paraissent considérables en valeur absolue, même si ces quelque 200 millions d’ouvertures de crédits supplémentaires représentent un pourcentage très faible des 20 milliards d’euros de dépenses de fonctionnement du ministère de la défense.

Le Gouvernement présente un amendement d’ouverture de crédits. Afin de respecter la norme de stabilité des dépenses de l’État, ces ouvertures sont intégralement gagées par une annulation de 100 millions d’euros de crédits, hors masse salariale, devenus sans objet de la mission « Défense » et de 95 millions d’euros de crédits des missions « Agriculture », « Enseignement scolaire », « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Provisions ». Précisons que ces annulations portent sur des crédits qui ne seront pas consommés par les missions concernées d’ici à la fin de l’année.

Pour des raisons similaires, un besoin de 9 millions d’euros est également apparu à l’intérieur du périmètre du ministère des affaires étrangères, dont vous savez qu’il emploie également des militaires dans nos postes diplomatiques et consulaires à l’étranger.

Le Gouvernement propose donc d’ouvrir 9 millions d’euros de crédits de personnels sur le programme 105, mesure entièrement gagée par des annulations de crédits des autres titres des programmes 105 et 151 relevant de la mission « Action extérieure de l’État ».

Le ministre de la défense et moi-même avons constaté la très grande difficulté qu’il y avait à assurer correctement la paye des forces armées. Il est tout à fait scandaleux que ces personnels ne puissent être payés dans des délais acceptables. Si certains retards peuvent être supportés – et encore difficilement –, d’autres se sont avérés tout à fait excessifs et sont manifestement intolérables.

Il faut corriger cela au plus vite : c’est la raison pour laquelle ces amendements sont présentés en loi de finances rectificative, et je ne doute pas que la représentation nationale, au moins sur ces sujets-là, fera preuve de consensus, sinon d’unanimité.

Monsieur Mariton, la diminution est d’un centime le 1er décembre, d’un demi-centime le 11 décembre, d’un demi-centime encore dix jours plus tard, et le dispositif prendra fin le 11 janvier.

Monsieur de Courson, il faut bien avoir en tête les chiffres, et surtout le contexte. Par rapport à la loi de finances initiale que vous aviez votée quand vous apparteniez à la majorité, l’économie résultant de la baisse de la dépense est de 3,6 milliards d’euros.

Par rapport à la loi de finances rectificative que vous aviez également votée, la baisse est de 2,4 milliards d’euros.

Surtout, en exécution en 2012, nous aurons une amélioration par rapport à l’exécution 2011 de 200 millions d’euros.

M. Hervé Mariton. Grâce à la dette !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je vous rappelle que, jusqu’alors et d’une année sur l’autre, l’accroissement était de 5 à 6 milliards d’euros. Il me paraît donc assez injuste de reprocher au Gouvernement de ne pas avoir tenu l’exécution.

Vous faites remarquer qu’en loi de finances rectificative, cet été, les impôts ont augmenté de 7,2 milliards d’euros ; nous en avons tous deux le souvenir précis.

Monsieur de Courson, vous êtes trop averti en matière de finances publiques pour croire sérieusement qu’un effort d’économie d’une dizaine de milliards d’euros peut être décidé au cœur de l’été et pour l’année tout entière. La chose n’était pas possible, d’ailleurs aucun gouvernement ne l’a jamais fait, notamment ceux que vous avez soutenus. C’est en début d’année que ces choses-là doivent se faire ; or, elles ne l’ont pas été suffisamment. Le Gouvernement a assumé les prévisions de déficit budgétaire et les a même améliorées par rapport à ce que son prédécesseur avait décidé. Nous tenons le déficit à 4,5 %.

Nous avons débattu d’économies et de recettes lors de l’examen du collectif de cet été ; il me semblait donc que ce débat était purgé. Si chacun reste sur ses positions, ce n’est pas bien grave, mais je ne vois guère l’intérêt de rouvrir en cette fin d’année le débat que nous avons eu au cœur de l’été ; cela dit, c’est à votre convenance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avec votre permission, monsieur le président, je ferai comme M. le ministre : je traiterai de l’ensemble des amendements de crédits qui nous sont présentés aujourd’hui.

Effectivement, notre commission s’est étonnée, monsieur le ministre, de ce besoin soudain de 195 millions plus 9 millions, c’est-à-dire 204 millions, alors même que nous avions déjà validé 272 millions dans le décret d’avances. Cela fait au total 476 millions, soit 2,5 % de la masse salariale du ministère de la défense, ce qui est tout de même critiquable, d’autant que nous nous interrogeons, même si vous avez donné des explications, sur le fait que ce besoin est apparu, au moins pour une part, très récemment. Nous avons déjà examiné d’autres textes financiers, et sommes donc assez surpris de n’en trouver mention que maintenant.

Cela, c’était la mauvaise nouvelle ; la bonne nouvelle, c’est que le Gouvernement réussit à couvrir l’ensemble de ses besoins par des annulations de crédits à hauteur de 100 millions d’euros pour le programme 146, concernant toujours le ministère de la défense, mais aussi 45,8 millions pour l’enseignement scolaire, 16,2 millions pour l’immigration, l’asile et l’intégration, 15 millions pour l’agriculture et 18 millions pour les provisions, ce qui veut dire que le solde n’est en rien affecté.

Je vous rejoins, monsieur le ministre, sur l’idée qu’il faut examiner de très près cette affaire du logiciel LOUVOIS, dont on me dit qu’il rencontre en outre des interférences ou des difficultés avec l’interface liée au logiciel CHORUS. Chacun a évidemment entendu parler de ces situations personnelles, la plupart du temps difficiles, ou au contraire parfois bénéficiaires : certaines personnes auraient été payées alors que d’autres – les plus nombreuses – ne l’ont pas été, ou très peu.

Je suggère donc, monsieur le ministre, que vous-même et vos services meniez les investigations nécessaires pour déterminer dans quelles conditions ce logiciel a été mis en place.

Je suggère également que nos deux rapporteurs spéciaux chargés de ces budgets, François Cornut-Gentille et Jean Launay – mais ils le savent et je crois qu’ils s’y emploient spontanément – obtiennent toutes les informations nécessaires en lien avec les inspections que vous ne manquerez pas, je crois, de lancer.

Sous cette réserve assez critique, et puisque le solde, couvert par des annulations de crédits, n’est pas affecté, j’émets un avis favorable à cette série d’amendements.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je voudrais dire deux choses.

Tout d’abord, je conteste votre thèse, monsieur le ministre, selon laquelle la réduction de 2,4 milliards enregistrée depuis votre arrivée au pouvoir début mai serait une performance. Non, excusez-moi de vous le dire : c’est parce qu’il y avait 7 milliards dans la réserve ! Vous avez tout simplement utilisé la réserve, laquelle est d’ailleurs faite pour ça.

Deuxième observation : vous avouerez que faire un collectif à 7,2 milliards, c’est énorme ! Surtout un collectif qui, je le rappelle à ceux qui l’auraient oublié, annulait notre dispositif de TVA « compétitivité », que vous avez critiqué pour le faire finalement réapparaître sous la forme du CICE cinq mois plus tard.

M. Pierre-Alain Muet. Il ne faut pas désespérer, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Monsieur Muet, dans l’exercice du double salto arrière, vous êtes quand même remarquable ! (Sourires.)

Mais j’en viens tout de même à cette affaire grave des 487 millions qui ont été rouverts en deux temps pour financer la masse salariale des militaires, dont ils représentent 2,5 %.

Je reçois dans ma permanence, car il y a beaucoup de militaires dans la Marne, des gens qui ne sont pas payés depuis deux mois ! Ils n’ont plus rien pour vivre ! L’une de ces personnes est venue me demander si elle pouvait différer le paiement de son loyer, étant donné qu’elle est locataire d’un logement appartenant à ma commune. Vous voyez où on en est ! L’ordinateur est devenu fou : on ne leur verse que 150 euros par mois ! Point ! Pas d’explication !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est vous qui avez foutu ce bordel !

M. Charles de Courson. Ce que j’aimerais savoir, monsieur le ministre, concernant ces 487 millions, autrement dit les 2,5 %, c’est de quoi ils relèvent. D’une erreur d’évaluation des crédits budgétaires ? Cela me paraît étonnant : je ne vois pas comment on peut se tromper de 2,5 %, puisque – je me souviens du temps où j’étais à la direction du budget – il n’est quand même pas très difficile de calculer les traitements, connaissant le nombre de points, la valeur du point et le montant des indemnités.

Comment s’explique, dès lors, la nécessité de rouvrir des crédits ? Cela n’a rien à voir avec LOUVOIS, monsieur le ministre, car c’est un problème de versement effectif des soldes. Pouvez-vous donc nous expliquer, d’abord, la raison de ce besoin de 487 millions supplémentaire, et ensuite le problème du paiement effectif : après tout, vous êtes ministre du budget et responsable de la comptabilité publique !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ne vous énervez pas, je vais vous répondre ! Il est vrai que vous n’étiez pas là lors de la première lecture de ce texte…

M. Charles de Courson. Comment cela ?

(Les amendements nos 165 deuxième rectification et 149 sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, vous ne nous aviez pas habitués à un tel comportement : ne pas répondre aux orateurs ! D’autant plus quand ils soulèvent…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ça va, calmez-vous !

M. Charles de Courson. Mais je suis très calme ; c’est vous qui ne l’êtes pas ! Vous ne nous aviez pas habitués à un tel comportement, monsieur le ministre !

Pouvez-vous nous donner les explications qui vous sont demandées ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je vous répondrai lorsque nous examinerons les amendements !

M. Charles de Courson. On y est, monsieur le ministre !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Alors ne vous énervez pas !

M. Charles de Courson. Il n’y a eu aucune explication sur la nécessité de nouvelles dotations budgétaires pour payer les salaires des militaires. Cela pose une première question, car ce n’est pas cela qui résoudra le problème du paiement effectif, puisqu’on nous explique que cela tient au dysfonctionnement d’un programme informatique.

Le ministre pourrait tout de même répondre aux orateurs de l’opposition quand ils lui demandent comment il fera pour payer les soldes des milliers de militaires qui ne sont pas payés ! Voilà la question, et on n’a toujours pas de réponse !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Au point où nous en sommes de nos discussions budgétaires, il n’est guère contestable que l’intervention de notre collègue de Courson tout à l’heure était un peu longue, et que nous avons compris assez vite quelle était sa question, à savoir celle du lien entre les inscriptions budgétaires et le problème, réel et grave, du paiement effectif des traitements.

Le plus simple est peut-être que le ministre réponde, fût-ce de façon synthétique, à cette question qui peut être résumée assez brièvement et qui est cependant considérable.

Je pense, en résumé, que Charles de Courson a eu tort d’être si long, mais qu’il a eu raison d’insister sur une question d’importance.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Qui êtes-vous pour juger ?

(L’amendement n° 162 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson contre l’amendement n° 154.

M. Charles de Courson. Je renouvelle ma question au ministre. On nous demande d’ouvrir 195 millions. Le ministre peut-il au moins répondre à la question suivante : pourquoi avez-vous besoin de 2,5 % de crédits supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale ?

Deuxième question : une fois que nous aurons voté cet amendement, comment ferez-vous pour assurer le paiement effectif ? Ce sont deux problèmes différents.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Merci, monsieur le président.

J’avais en effet l’intention, monsieur le député, de vous répondre à l’occasion de l’amendement ouvrant ces crédits. Il ne me paraissait pas choquant de vous demander d’attendre qu’il soit appelé pour ce faire, plutôt que de répondre au détour d’un amendement qui ne concernait pas cette ouverture de crédits.

Je répondrai également à M. Mariton que je n’ai jamais eu l’intention de cacher quoi que ce soit, pas plus sur ce sujet que sur d’autres.

La situation faite aux agents des forces armées résulte manifestement d’une insuffisance de crédits en loi de finances initiale : c’est là le problème ! C’est d’ailleurs une loi de finances que vous avez votée, monsieur de Courson, sans voir cette insuffisance de crédits !

Outre cette insuffisance de crédits, il y a eu des erreurs de gestion dans la paye. Pour régler cette question, M. Le Drian et moi avons créé un fonds d’urgence, doté d’une trentaine de millions d’euros. Et, pour remédier à l’insuffisance d’évaluation des crédits, nous ouvrons de nouveaux crédits afin que les soldes soient enfin liquidées de façon satisfaisante et respectueuse à l’égard de nos soldats.

Nous ne découvrons malheureusement pas ce problème en fin d’année, car il est survenu très tôt au cours de l’année 2012, et je constate que le gouvernement que vous souteniez, monsieur de Courson, a bien peu fait pour le régler. J’aurais aimé vous voir manifester, à l’égard du gouvernement que vous souteniez à l’époque, la même indignation que celle que vous manifestez à mon endroit. Mais, si ma mémoire est bonne, vous vous en êtes bien gardé !

Ainsi, nous avons tout d’abord créé un fonds d’urgence pour réparer les insuffisances de gestion dans la paye, et demandons maintenant l’ouverture de crédits supplémentaires, pour la défense nationale et pour les affaires étrangères, afin de réparer l’insuffisance des inscriptions budgétaires.

Enfin, parce que cette situation ne doit pas se répéter, Jean-Yves Le Drian et moi avons diligenté une mission d’inspection pour tirer au clair, soit les questions de sous-évaluation, soit les questions de gestion, soit probablement les deux, de sorte que l’année prochaine, si nous avons des désaccords, au moins nous n’ayons pas celui-là !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, je ne comprends toujours pas.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Tant pis pour vous !

M. Charles de Courson. On a ouvert, à votre demande, 272 millions dans le cadre du collectif de juillet : comment se fait-il que vous vous soyez trompé de près de 200 millions ? Si ce que vous dites est exact, cela signifierait que les services de la défense ne vous ont pas fait remonter les bonnes informations, y compris lors de l’audit de la Cour des comptes.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Parce que le logiciel ne marche pas !

M. Charles de Courson. Non : le logiciel concerne le paiement ! Or, nous sommes dans l’évaluation des crédits !

Si vous défendez, monsieur le ministre, la thèse selon laquelle l’ancien gouvernement aurait inscrit 487 millions de moins que nécessaire, comment se fait-il que vous l’ayez découvert en deux temps, c’est-à-dire que vous ayez découvert seulement en décembre qu’il vous manquait encore 200 millions en plus des 272 que vous nous aviez demandés ? Je ne comprends toujours pas !

Quant au deuxième point concernant le fonds d’urgence, je connais des militaires qui sont venus me voir pour me dire : « On n’est pas payés ! Comment peut-on vivre ? On ne peut plus rien payer, on ne peut même plus payer nos loyers, on ne peut pas payer nos impôts, et en plus on nous applique des pénalités ! »

Vous avez parlé de fonds d’urgence, mais ces personnes habitent dans mon village, je peux donc en témoigner ! Un collectif de femmes de militaires s’est même constitué, parce qu’elles n’ont plus rien pour vivre.

Pouvez-vous donc nous expliquer comment vous allez verser les 30 millions du fonds d’urgence dont vous nous parlez ? D’ailleurs, ce ne sont pas 30 millions, mais 195 millions qui sont rouverts : ils ne va pas au fonds d’urgence ! Comment les militaires seront-ils payés ? Voilà les deux questions que je vous pose, et qui me paraissent être de bon sens !

(L’amendement n° 154 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, contre l’amendement n° 156.

M. Charles de Courson. Avec cet amendement n° 156, le Gouvernement nous propose deux mesures afin de gager ces 195 millions. Il prévoit ainsi d’annuler 36,5 millions d’euros du programme « Enseignement scolaire public du second degré », et 9,3 millions d’euros du programme « Enseignement privé du premier et du second degrés ». Le Gouvernement peut-il nous dire si les crédits qui resteront disponibles seront suffisants ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La réponse est oui !

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, l’avez-vous vérifié auprès des services concernés ? Car ces annulations de crédits ne me paraissent pas négligeables. Pour savoir si la mesure sera supportable, il suffit là encore, de faire un calcul simple. Pouvez-vous nous assurer que les enseignants du public et du privé seront payés ?

(Les amendements n156, 159, 161, 163, 164 et 146, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’article 5 et l’état B annexé, amendé, sont adoptés.)

Article 6 et état D

M. le président. Je mets aux voix l’article 6 et l’état D annexé.

(L’article 6 et l’état D annexé sont adoptés.)

Articles 7 à 7 ter

(Les articles 7 à 7 ter sont successivement adoptés.)

Article 8

M. le président. L’amendement n° 113 de M. le rapporteur général à l’article 8 est rédactionnel.

(L’amendement n° 113, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 8, amendé, est adopté.)

Article 9

(L’article 9 est adopté.)

Article 10

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool pour soutenir l’amendement n° 79.

M. Jean-Pierre Decool. Nous voudrions, par cet amendement, mettre en place, pour les paquets, cartouches et tous les conditionnements de cigarettes, lors de leur importation, introduction, exportation, expédition ou commercialisation, un dispositif sécurisé d’identification et d’authentification unitaire qui permette de garantir leur traçabilité.

Le dispositif vise à préciser la description de toutes les technologies qui pourraient réaliser au mieux l’objectif voulu par l’article 10. En effet, des procédés ne relevant pas du marquage permettent aujourd’hui non seulement d’identifier le produit, mais encore de l’authentifier de manière unitaire et sécurisée. Ces systèmes ne sont pas plus coûteux, ils respectent davantage l’environnement puisqu’ils ne nécessitent pas de consommables et reposent sur des technologies qui excluent même la contrefaçon d’une marque d’identification. Ils répondent donc bien aux exigences de l’article 10, et vont même plus loin.

Il convient de ne pas exclure la possibilité d’adopter des technologies, notamment françaises, qui répondraient parfaitement à ces besoins. La rédaction actuelle de l’article semble orienter le choix vers une solution de sérialisation classique, de type code-barres, qui n’est plus aujourd’hui le système le plus inviolable, le plus difficile à contrefaire, et permettant de lutter au mieux contre la vente illicite de produits du tabac.

La contrebande et la contrefaçon de produits du tabac sont des menaces trop importantes pour les finances publiques et la santé publique pour en exclure certaines technologies, plus protectrices et plus sûres, qui pourraient être mises en place en matière de traçabilité.

Cet amendement vise donc uniquement à préserver la neutralité technologique et à ne pas préjuger la solution technique, qui permettra une traçabilité optimale des produits du tabac, c’est-à-dire l’identification sécurisée et l’authentification unitaire du produit vendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’article 10 prévoit bien l’apposition d’une marque d’identification sur les conditionnements de cigarettes afin d’en assurer la traçabilité. Si j’ai bien compris, votre amendement, d’apparence rédactionnelle, entend substituer à ce code-barres un dispositif sécurisé d’identification et d’authentification unitaire, permettant l’authentification des cigarettes par autre chose qu’une marque. J’avoue ne pas bien comprendre sa portée. Il me semble en effet que le dispositif décrit dans l’article 10 lui-même pose bien les conditions d’une bonne traçabilité du tabac pour éviter les fraudes.

Je suis donc plutôt défavorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis.

Je pense que votre amendement, monsieur Decool, est satisfait d’une certaine manière car l’article 10 prévoit clairement le principe du marquage mais ne définit pas de technique. Vous avez dit souhaiter qu’aucune technique ne soit exclue : or, puisque cet article ne prévoit aucune technique, toutes sont possibles. Je crois pour ma part que ce n’est pas à la loi de préciser qu’il faille utiliser telle technique plutôt que telle autre. Cela relève plutôt du règlement.

Monsieur le député, ne doutez pas de l’intention du Gouvernement, à savoir la connaissance précise et irréfutable de l’origine des produits de contrebande. Si vous le souhaitez, je vous informerai des progrès de la réflexion du ministère en matière de choix techniques pour définir ces marquages.

Au bénéfice de cet engagement, peut-être pourriez-vous retirer votre amendement ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Bien entendu, la définition d’une technique ne relève pas de la loi. Vous aurez compris que j’ai connaissance de nouveaux procédés français qui permettent une forme de marquage plus écologique. Il faut aller le plus loin possible dans la technicité pour éviter les contrefaçons.

Je veux bien retirer cet amendement, mais vous me permettrez de vous adresser une note afin de vous présenter ces technologies.

(L’amendement n° 79 est retiré.)

(L’article 10 est adopté.)

Article 11

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 102.

M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu, de même que les amendements nos 103 et 104.

(Les amendements nos 102, 03 et 104, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux vois, ne sont pas adoptés.)

(L’article 11 est adopté.)

Article 12

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 81.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, même si nos propos sont un peu répétitifs après les différentes lectures, il faut que la majorité accepte que nos amendements soient défendus.

Je l’ai dit lors de la discussion, il faut faire en sorte que la lutte contre l’abus vise juste, qu’elle ne se transforme pas en mesure de rendement et qu’elle n’ait pas un impact négatif sur les conditions techniques et opérationnelles de la transmission et de la cession.

L’amendement vise à limiter le dispositif anti-abus au cas où la cession d’usufruit se fait à une société contrôlée par le contribuable. Nous proposons de mieux cadrer le dispositif du Gouvernement. Nous n’avons pas été entendus lors des débats précédents, mais nous ne désespérons pas de convaincre le Gouvernement. Peut-être fera-t-il de cette contrainte de la nouvelle lecture un bien ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. M. Mariton a raison d’espérer,…

M. Hervé Mariton. Merci !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …mais le rapporteur général et la commission ont repoussé son amendement.

On se souvient que l’article 12 instaure une nouvelle règle d’assiette pour le calcul de l’impôt sur le revenu, et ce serait permettre un schéma d’optimisation fiscale excessif que de ne pas l’adopter en l’état. La cession d’usufruit temporaire permet en effet de percevoir un capital immédiatement disponible tout en réduisant son ISF. Une taxation juste à l’impôt sur le revenu permet de rééquilibrer quelque peu les choses sans remettre en cause l’intérêt de l’opération en tant que telle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Mariton, le dispositif proposé est déjà d’application restreinte puisqu’il ne vise que les cas de cession effectuée à titre onéreux et portant sur un usufruit à durée fixe. Vous proposez de le restreindre davantage encore, en le limitant à une seule catégorie de cessionnaires : les sociétés contrôlées par le contribuable. Cela paraît tout à fait excessif au Gouvernement, qui appelle donc au rejet de l’amendement.

(L’amendement n° 81 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 80.

M. Hervé Mariton. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, des contribuables de ma circonscription m’ont écrit pour appeler mon attention sur la date d’application de l’article 12. Ils avaient fait un montage pour faciliter la reprise de l’exploitation familiale, faute de repreneur à l’intérieur de la famille. L’ensemble des actes ont été signés antérieurement à la date du conseil des ministres, c’est-à-dire avant le 14 novembre 2012 pour être précis, mais le délai nécessaire à l’obtention des autorisations administratives liées au droit foncier a empêché que l’affaire soit conclue définitivement avant cette date, d’où l’intérêt de l’amendement de M. Mariton. Les cas sont nombreux de gens qui se sont fait piéger parce qu’ils ont signé l’ensemble des actes sous réserve d’obtenir les autorisations : il faut en effet de deux à trois mois pour les obtenir.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à adresser à l’administration fiscale des instructions pour leur demander de tenir compte de telles situations ? Il n’y a aucune volonté de détournement de la loi, les contribuables ont seulement été pris dans des procédures longues.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La tradition, vous le savez, c’est de retenir la date du conseil des ministres. Nous nous y tenons.

M. Charles de Courson. Mais les actes étaient antérieurs à cette date !

(L’amendement n° 80 n’est pas adopté.)

(L’article 12 est adopté.)

Articles 12 bis et 12 ter

(Les articles 12 bis et 12 ter sont successivement adoptés.)

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2012 ;

Discussion, en nouvelle lecture du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)