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M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, est venue confirmer le contrôle a priori de nos choix nationaux lors d’une réunion à l’Assemblée nationale, le 15 octobre dernier, en précisant : « La Commission pourra adresser une opinion sur le projet de budget, en amont du vote national. »
Angela Merkel vient de proposer devant le Bundestag de « confier au commissaire européen des affaires économiques un droit de veto sur les budgets des états membres » et même d’autoriser « un véritable droit d’ingérence sur les budgets nationaux ». Où va-t-on ?
M. Pierre Lellouche. Bravo !
M. Julien Aubert. Il a raison ! C’est scandaleux !
M. Alain Bocquet. La représentation nationale de la République Française ne doit en aucun cas perdre sa liberté et son autonomie de décision en matière budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs du groupe UMP.)
N’acceptons jamais, chers collègues, de devenir les godillots d’une commission non élue, sans aucune légitimité démocratique, entourée des 30 000 agents d’une technocratie tentaculaire et sensible aux pressions quotidiennes de 15 000 lobbyistes de la planète finance, qui gravitent autour d’elle à Bruxelles ! (Mêmes mouvements.)
M. Pierre Lellouche et M. Patrice Verchère. Bocquet, avec nous !
M. Alain Bocquet. La Commission européenne, championne d’une austérité renforcée et d’un soutien inconditionnel aux marchés financiers, ferait bien, quant à elle, d’en finir avec une certaine opacité de gestion, avec des dépenses fastueuses et des gabegies intolérables.
M. Pierre Lellouche. Très bien !
M. Alain Bocquet. Ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, que le temps est venu de mettre en place une commission de vigilance et de contrôle de la Commission européenne, composée de parlementaires – qui sont élus, eux – des vingt-sept pays et du Parlement européen, pour plus de transparence, plus de confiance et plus d’espérance dans la construction d’un nouveau projet européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Christian Hutin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député Alain Bocquet, je vous remercie pour votre question, qui va me permettre de faire le point sur les conditions dans lesquelles s’organise désormais le dialogue entre les parlements nationaux, le Parlement européen et la Commission, sur les matières budgétaires.
Je commencerai par vous confirmer le souhait du Gouvernement de ne rien faire qui puisse remettre en cause les prérogatives souveraines du Parlement. Je rappelle d’ailleurs que, dans le cadre de l’article 13 du traité récemment adopté par le Parlement, est prévue la mise en place d’une conférence interparlementaire associant le Parlement européen et les parlements nationaux, qui permettra, sur les matières budgétaires, à votre assemblée d’user normalement, et de manière très approfondie, de ses prérogatives de contrôle.
Vous avez fait état de la présence de Mme Reding devant la commission des affaires européennes, la semaine dernière. Elle était en effet présente, précisément pour que, dans le cadre du semestre européen qui définit les conditions dans lesquelles s’articule le dialogue entre les parlements, les gouvernements et la Commission, les parlementaires français puissent avoir avec la Commission un échange approfondi sur les conditions de mise en place de ce semestre européen.
Enfin, pour ce qui touche aux conditions de contrôle du budget de la Commission par le Parlement, nous sommes en cours de négociation du budget de la Commission pour la période 2014-2020 ; dans ce cadre, le Parlement européen émet de nombreux avis et de nombreuses propositions, tout en contrôlant en permanence, grâce au travail de ses commissions, les conditions dans lesquelles le budget de la Commission européenne est mis en œuvre.
Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour faire en sorte que souveraineté parlementaire et construction de l’Europe se déclinent conjointement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Alain Tourret. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
La Palestine est l’amie de la France et rien de ce qui se passe au Moyen-Orient ne nous laisse indifférents. Le Président de la République s’est engagé devant les Français, dans sa cinquante-neuvième proposition, à soutenir la reconnaissance internationale de l’État palestinien, et nous avons été élus sur son programme.
Pour revenir avec Mme Laurence Dumont d’une mission consacrée aux droits de l’homme en Palestine, je peux assurer que le calme apparent de cette région masque de nombreux épisodes de violence, notamment à Gaza : elle a été endeuillée ces jours-ci par de nombreuses victimes tant du côté palestinien que du côté israélien.
Ce calme relatif précède une tempête qui ne va pas manquer de déferler, selon nos interlocuteurs palestiniens. Les élections américaines et israéliennes bloquent pour l’instant la situation dans un statu quo intenable, marqué par la présence toujours plus forte des colons israéliens qui, depuis 1967, assurent un véritable mitage de la Cisjordanie, au détriment des droits palestiniens reconnus par la communauté internationale et par la France. Il suffit de se rendre à Hébron pour s’en persuader.
La diplomatie, depuis les accords d’Oslo de 1993, n’a rien obtenu. L’Autorité palestinienne attend beaucoup de la France et de l’Union européenne, sans doute beaucoup trop. Certes, Israël a le droit de vivre en paix et à l’abri des attentats et des tirs de roquette. Mais il appartient à la France de prendre des initiatives significatives.
Aussi, monsieur le ministre, mes questions sont au nombre de deux.
Premièrement, la France compte-t-elle seule, avec d’autres nations éventuellement européennes, reconnaître officiellement l’État de Palestine dans les frontières de 1967 ?
Deuxièmement, notre pays envisage-t-il de soutenir à l’assemblée générale de l’ONU la demande de l’Autorité palestinienne pour obtenir à la mi-novembre 2012 le statut d’État observateur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur Tourret, c’est vrai que le conflit israélo-palestinien, depuis des années, malheureusement, est l’un des principaux foyers de tension au Proche et au Moyen-Orient. Il faut tout faire – c’est la position des gouvernements successifs de la France – pour essayer de le réduire.
Nous pensons qu’il n’y a pas de solution possible s’il n’y a pas la coexistence de deux États, un État israélien qui doit pouvoir vivre en paix et en sécurité, et un État palestinien qui doit être viable et effectif.
Vous me demandez quelle serait notre position si une résolution était déposée aux Nations unies pour que les Palestiniens aient droit à un statut d’État observateur. Nous en attendons le dépôt effectif, mais sachez que M. Mahmoud Abbas nous a dit qu’il nous consulterait.
C’est sur la base du contenu de cette résolution que nous nous déterminerons, en ayant à l’esprit qu’il faut absolument que reprenne une négociation sérieuse entre les deux parties.
Mme Danièle Hoffman-Rispal. Très bien !
M. Laurent Fabius, ministre. Permettez-moi deux remarques pour terminer.
D’abord, il n’y a, dans cette partie du monde comme ailleurs, aucune paix durable sans justice, et justice, actuellement, n’est pas rendue aux Palestiniens.
Ensuite, si tous les peuples disent, à travers le printemps arabe, qu’ils ont le droit à la liberté, le peuple palestinien peut dire aussi qu’il a le droit à un État.
C’est la position de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RDPP et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Marc Le Fur. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, puisqu’il s’agit du fonctionnement du Gouvernement, et au-delà, du fonctionnement de l’État.
M. Guy Geoffroy. Eh oui !
M. Marc Le Fur. Que s’est-il passé ? Rappelons-nous cet été : les Français avaient le sentiment que le Gouvernement vivait dans l’indolence et dans l’insouciance. Prenant conscience de cela, monsieur le Premier ministre, vous nous convoquez, toutes affaires cessantes, en session extraordinaire pour examiner un certain nombre de textes qui devaient être adoptés avant l’hiver. Parmi ces textes, il y avait celui sur le logement, qu’a défendu ici Mme Duflot.
M. Philippe Cochet. Démission !
M. Marc Le Fur. Que s’est-il passé ? À la suite de ce qui est bien plus qu’une négligence de procédure, car c’est bafouer les droits du Parlement, vous vous faites le porte-parole du Conseil constitutionnel…
M. Philippe Meunier. En plus !
M. Marc Le Fur. …et vous nous annoncez que le texte sera censuré.
Toujours en septembre, nous avons ensuite travaillé sur un texte relatif à l’énergie, un texte mal préparé, un brouillon. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. Nous le dénonçons comme tel, mais nous ne sommes pas les seuls à le dénoncer : le Sénat, où vous êtes majoritaires, a considéré en commission que ce texte était irrecevable. Des jeunes nous écoutent : « irrecevable », en termes scolaires, cela veut dire zéro pointé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Deux textes majeurs sont ainsi dans l’impasse, monsieur le Premier ministre. Après cinq mois de gouvernement, soit 150 jours, quel est votre bilan législatif ?
Plusieurs députés du groupe UMP. Rien !
M. Marc Le Fur. Seulement une révision des lois que nous avions pu faire.
À la suite de tous ces couacs, monsieur le Premier ministre, les choses sont simples. Les Français espéraient une équipe de France. Ils ont le sentiment d’avoir affaire à une équipe d’amateurs et que l’entraîneur n’est pas à la hauteur. Oui, il y a un problème du côté du manager ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Démission ! Zéro !
M. le président. S’il vous plaît, nous écoutons la réponse du Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Quel sang-froid, mesdames et messieurs les députés de l’UMP !
M. Christian Jacob. Vous êtes fragile, monsieur le Premier ministre !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous me faites un reproche, monsieur Le Fur. J’ai peut-être anticipé une décision du Conseil constitutionnel sur une éventuelle annulation de la loi sur le logement. Il est vrai que tous les conseils juridiques du Gouvernement m’indiquent que cette annulation est possible. Mais elle n’a pas été décidée, vous avez parfaitement raison.
On ne sait jamais, je me suis peut-être trompé en anticipant un peu ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Peut-être que le Conseil constitutionnel, par sa décision rendue cet après-midi, nous annoncera une bonne nouvelle.
M. Claude Goasguen. Ce serait pire !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si vous êtes inquiet, sachez en tout cas que je connais parfaitement le principe de la séparation des pouvoirs et que j’ai trop de respect pour ce principe ainsi que pour la totale indépendance du Conseil constitutionnel pour qu’il y ait la moindre ambiguïté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
J’en viens au fond – et ma remarque vaut pour ce projet de loi comme pour les autres. Ce n’est pas en effet la forme que vous avez combattue, mais la loi sur le logement elle-même sur le fond, c’est-à-dire la mise à disposition gratuite de terrains pour construire 150 000 logements sociaux. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.) Vous avez combattu l’obligation pour les communes de construire partout des logements sociaux, à Neuilly comme ailleurs !
Monsieur le Fur, je vous le dis, si le Conseil constitutionnel décidait d’annuler cette loi, le Gouvernement en présentera une autre immédiatement. Elle sera appliquée à Neuilly comme partout ! Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – « Debout ! Debout ! » sur les bancs du groupe UMP. – De nombreux députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Olivier Véran. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, vous avez annoncé hier qu'un accord a été trouvé dans le cadre des négociations conventionnelles, que vous avez initiées, sur les dépassements d'honoraires. Les attentes étaient majeures parmi les usagers du soin comme parmi les professionnels. Les résultats sont là, si l'on en croit les titres de la presse spécialisée qui parle d'un accord historique. Au terme d'une négociation fleuve, l'assurance maladie et les syndicats de médecins ont signé un relevé de conclusions qui devrait permettre d'encadrer les dépassements d'honoraires tout en encourageant à une pratique plus respectueuse au service des patients.
Nous espérons désormais que cet accord sera définitivement conclu. Il permettra de réduire le reste à charge pour les patients en plafonnant, pour la première fois, les dépassements d'honoraires. Soyons clairs : cela constitue une avancée majeure qui a été rendue possible par votre détermination, madame la ministre, à faire respecter un engagement du Président de la République.
Par ailleurs, cet accord permet de mieux valoriser l'exercice des médecins respectant le tact et la mesure, notamment par un forfait patient et une meilleure prise en compte des consultations longues. La lutte contre les pratiques abusives réduira, j’en suis sûr, le sentiment d'insécurité sociale dans l'opinion publique. Elle permettra également de soutenir l'immense majorité de professionnels qui se sentent stigmatisés, conséquence injuste du laisser-aller qui était devenu la seule règle en vigueur sous les gouvernements précédents.
M. Michel Pouzol. Bravo !
M. Olivier Véran. Il s'agit donc là d'une véritable rupture qui répond pleinement aux objectifs que vous aviez vous-même fixés. Madame la ministre, pouvez-vous nous détailler les étapes qui ont conduit à ce relevé de conclusions et les apports de ce texte dans la perspective d'un système plus juste et plus solidaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Allô !
M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. M le député Olivier Véran, vous avez raison : le Gouvernement s’est effectivement engagé à garantir aux Français qu’ils pourront être soignés dans de meilleures conditions, quels que soient leur lieu d’habitation et leur niveau de revenu. Après des années au cours desquelles le laisser-faire a prévalu et au cours desquelles on a beaucoup parlé de dépassement d’honoraires sans jamais rien faire, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…
M. Julien Aubert. Et allez !
Mme Marisol Touraine, ministre. …nous nous sommes engagés et, par la négociation, un accord a été adopté, qui doit être signé dans les prochains jours.
Je voudrais à cette occasion saluer l’implication et l’engagement de tous les acteurs : l’assurance maladie bien sûr, les syndicats de médecins, tous autant qu’ils sont et aussi les organismes complémentaires et les mutuelles.
M. Franck Riester. Parlons-en!
Mme Marisol Touraine, ministre. Grâce à la négociation et grâce à leur implication, les Français pourront demain être mieux soignés, mieux pris en charge et mieux accompagnés. Grâce à cet accord en effet, nous arrivons à des éléments qui marquent un tournant majeur.
Tout d’abord, les dépassements abusifs seront sanctionnés.
Plusieurs députés du groupe UMP. Et à Paris ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous le dis, mesdames et messieurs les députés : les médecins qui pratiquent des dépassements abusifs feront l’objet de sanctions dès l’entrée en vigueur de l’accord. Les médecins se sont en outre engagés à geler le niveau de leurs consultations. Ils obtiendront en contrepartie de meilleures prises en charge pour leurs patients, qui seront mieux remboursés par l’assurance maladie. Enfin, cinq millions de personnes, en plus de celles qui sont à la CMU, pourront bénéficier de consultations au tarif remboursé par la sécurité sociale. Au total, cet accord permettra aux Français d’être mieux soignés et de voir leur pouvoir d’achat préservé. Après le laisser-faire, la dérive et l’inflation des dépassements d’honoraires vient le temps de la justice et de l’accès aux soins. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Henri Jibrayel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Henri Jibrayel. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Vendredi 19 octobre, le Liban a renoué avec la violence. Une voiture piégée a explosé à Beyrouth, dans le quartier d'Achrafieh. Je voudrais tout d'abord adresser mes condoléances aux familles des victimes de cet acte terroriste et barbare et y associer l'ensemble de mes collègues. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
L'attentat a causé la mort de dix personnes et a fait plus de cent blessés. Le chef des forces de sécurité intérieure du pays, le général Wissam El Hassan, a été tué dans l'opération. C'était un homme entièrement dévoué à son pays, à sa stabilité, à sa paix intérieure et surtout à son indépendance. Sa disparition est une grande perte pour toute la région.
Comme vous l'avez vous-même souligné, monsieur le ministre, il est probable que ce triste événement ne soit qu'un prolongement de ce qui se passe actuellement en Syrie. Le Liban profitait d'une relative accalmie depuis quatre ans. Le voilà de nouveau en proie au désordre. Suite à l'attentat, les incidents se multiplient partout dans le pays !
Plus que jamais, pour la stabilité de la région et la sécurité des Libanais, il importe que le Liban reste à l'écart des tensions régionales et plus particulièrement de celles de ses voisins. Notre pays s'est toujours tenu au côté du Liban. Pouvez-vous me dire, monsieur le ministre, si la France et l'Union européenne développent en ce moment des stratégies pour soutenir le Liban en cette période cruciale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur Jibrayel, vous venez de rappeler les conditions dans lequel s’est produit cet attentat, le plus grave depuis 2005. Le Président de la République et moi-même avons réagi immédiatement, comme vous l’aurez fait, j’en suis certain, sur tous les bancs de cette assemblée, en condamnant un attentat inadmissible qui est le prolongement de la crise syrienne, dans laquelle nous demandons aux Libanais de ne pas se laisser entraîner.. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Cette condamnation, nous l’avons portée aussi au Conseil de sécurité des Nations Unies. En même temps, nous nous sommes bien sûr mis en relation avec le président Sleimane, le premier ministre Mikati, M. Hariri ainsi que d’autres responsables. Nous leur avons dit que ce qui relève de leur gouvernement ne peut bien sûr être décidé par la France, mais que celle-ci leur demande de toutes ses forces d’empêcher que ce reproduise ce que l’on a connu par le passé avec les conséquences tragiques que l’on sait : des centaines de milliers de Libanais qui descendent dans la rue, face à des centaines de milliers d’autres. Car ce qu’attend le pouvoir de M. Bachar El-Assad, c’est de pouvoir exporter la crise syrienne. Il ne faut pas que le Liban se laisse entraîner dans cette dérive. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je voudrais terminer en disant, au nom de tous ici, que les Libanais sont nos amis et nos frères et que nous leur faisons passer un message de soutien à l’intégrité et à l’indépendance du Liban. En ces circonstances si difficiles, la France se tient à leurs côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Bernard Perrut. Monsieur le Premier ministre, nous débattons cette semaine des comptes sociaux de la nation. Encore une fois, comme pour le budget de l'État que vous nous avez déjà présenté, la potion est amère pour les Français puisque des prélèvements supplémentaires vont frapper la plupart des ménages, les particuliers employeurs, les commerçants, les artisans, les professions libérales, et même les retraités.
Sur ces bancs, notre inquiétude est grande pour la France, car là où nous avions contenu les dépenses (Protestations sur de nombreux bancs du groupe SRC)…
M. Pierre-Alain Muet. C’est incroyable !
M. Bernard Perrut. …et ramené le déficit du budget de la Sécurité sociale de 24 milliards d'euros en 2010 à 13 milliards en 2012, ce qui constitue un rattrapage inédit, vous, au contraire, contre l'avis même de la Cour des comptes (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC), vous augmentez l'objectif de dépenses, ignorant les prévisions réelles de croissance et le chômage qui s'aggrave.
De cette façon, vous demeurez, en quelque sorte, fidèles à vos pratiques de 1997 à 2002, lorsque vous votiez des augmentations de 3 %, et lorsque vous dérapiez avec au final des dépenses en hausse de 6 %. Cela avait fait perdre 13 milliards d'euros à l'assurance maladie, il faut s’en souvenir.
Aujourd'hui, vous refusez de poursuivre les réformes structurelles et courageuses qui s'imposent et que nous avions engagées.
M. Marc Le Fur. C’est vrai !
M. Bernard Perrut. Parce que vous n’en avez pas la volonté, vous ne favorisez pas le retour à l'équilibre des comptes sociaux, pourtant essentiel, sur lequel nous étions engagés, et qui va être ralenti.
Monsieur le Premier ministre, comment ferez-vous dans quelques mois lorsque vos dépenses sociales auront encore dérapé ?
M. Jean-Marie Le Guen. Cela vous va bien ! Quel culot !
M. Bernard Perrut. Les Français paieront-ils une deuxième fois l'addition avec une augmentation de la CSG ou d'autres taxes ? Quand engagerez-vous la réforme du financement de la protection sociale pour diversifier les recettes, pour alléger le coût du travail et, par là même, pour favoriser l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, vous semblez être, je le crains, un peu fâché avec les chiffres des comptes sociaux. Comme nous examinons cette semaine le projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vais me permettre de vous les rappeler.
En 2001, les comptes de la Sécurité sociale n’étaient pas seulement équilibrés, ils étaient excédentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Entre 2002 et 2012, la politique que vous avez soutenue a contribué à créer un déficit cumulé de 160 milliards d’euros que vous avez transféré à la CADES.
M. Bernard Accoyer. N’oubliez pas les trente-cinq heures !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Autrement dit, vous avez décidé d’imposer par anticipation celles et ceux qui ne sont même pas encore nés, mais qui devront rembourser les emprunts que vous avez dû contracter pour mener des politiques sociales que vous ne saviez pas financer.
Monsieur le député, en 2004, le ministre responsable des comptes sociaux déclarait lui-même que le déficit, qui s’élevait alors à 12 milliards d’euros, était « abyssal ». En 2010, le même, toujours responsable des comptes sociaux, ne trouvait pas de mot pour qualifier les 28 milliards de déficit pour cette année-là. Voilà votre bilan !
M. Avi Assouly. C’est vrai !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quant à l’amélioration des comptes en 2012, elle sera à mettre au crédit de l’action du gouvernement de Jean-Marc Ayrault.
M. Yves Nicolin. Ben voyons !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En effet, sans prendre les mesures nécessaires, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse s’élèverait en 2012 à 19,4 milliards d’euros. Grâce à nous, ce montant sera ramené à 13,9 milliards ce qui constitue une nette amélioration. Il faut en effet rétablir les comptes sociaux pour rétablir la confiance de concitoyens en la protection sociale.
Monsieur le député, il y avait dans votre question beaucoup d’approximations, je me permets de vous le faire remarquer. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Tant que vous mentirez sur notre action, nous ne cesserons de dire la vérité sur votre bilan ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste. – « Debout ! Debout ! sur les bancs du groupe UMP. – De nombreux députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Paola Zanetti, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Paola Zanetti. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, ma question porte sur le devenir du régime minier de la sécurité sociale et j'y associe l'ensemble de mes collègues du groupe socialiste élus d'un bassin minier.
Ce régime particulier est un régime singulier.
Il est singulier d'abord parce qu'il est l'héritage emblématique de la solidarité. Il a été le premier modèle français de protection sociale. Il traduit la reconnaissance que porte la nation à l'endroit de ces « premiers ouvriers de France » qui ont contribué au péril de leur vie, à « gagner la bataille du charbon » pour faire l'essor économique de notre pays. (« Kucheida ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
C’est un régime singulier ensuite, parce qu'il est fermé : il n'accueille plus de nouvel affilié.
Enfin, il est singulier parce qu'il touche la corporation professionnelle qui a connu les taux les plus élevés d'accident du travail, d'invalidité, de maladies professionnelles et de mortalité.
Il est aussi unique par son réseau de soins de proximité basée sur la médecine salariée.
Or, à partir de 2009, le gouvernement Fillon a renié ce devoir de reconnaissance de la nation en enclenchant un processus de destruction sans précédent. Par décret, le 30 août 2011, il a porté un coup de grâce à la corporation minière en fixant la disparition de son régime avant la fin de l'année 2013.
La corporation minière n'ignore pas les difficultés que connaît son régime ; elle demande simplement que la nation accepte de laisser ce dernier s’éteindre naturellement et dignement.
Madame la ministre, le 7 août dernier, vous avez pris l’engagement de maintenir le régime spécifique de Sécurité sociale pour les mineurs jusqu'au dernier affilié. Vous avez annoncé un moratoire et une concertation avec les organisations syndicales. Il y est d'ailleurs fait référence dans le PLFSS pour 2013. C'est un premier pas. Il marque votre attachement sincère ainsi que celui du Gouvernement à l'endroit de la corporation minière.
La parole donnée doit être tenue. Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous envisagez de prendre pour parvenir, dans la concertation, au maintien réel du régime minier jusqu'au dernier vivant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée Zanetti, votre engagement de longue date et la force de votre implication pour le régime minier est bien connu. Je les partage.
M. Marc Dolez. Abrogez les décrets Sarkozy !
Mme Marisol Touraine, ministre. Ce régime est un régime de Sécurité sociale professionnel à destination des mineurs et de leur famille proche. Nous devons collectivement nous souvenir de ce que la France doit à ces mineurs. Notre pays doit se souvenir de ce qu’ils ont apporté au développement industriel et économique du pays. Les mineurs ont payé un lourd tribut ; il est normal et naturel que la nation le leur rende. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Kucheida ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
De nombreux territoires sont concernés par la tradition minière et vous avez vous-même évoqué les centres de santé qui structurent de nombreux départements. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité, dès le mois de juillet, engager un moratoire pour que le décret d’août 2011, adopté par le précédent gouvernement sans aucune concertation ni aucun dialogue,…
M. Céleste Lett. C’est faux !
Mme Marisol Touraine, ministre. …ne soit pas mis en œuvre. Ce moratoire doit nous permettre d’avancer au cours d’une discussion avec les organisations syndicales et les élus qui ont été reçus à mon ministère dès le mois de juillet.
J’ai confié une mission (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) à M. Jean Bessière, ancien directeur général adjoint de la direction du travail, afin qu’en concertation avec l’ensemble des acteurs, il puisse faire des propositions. Je lui ai donné mandat pour étudier toutes les hypothèses permettant la préservation des droits des affiliés du régime des mines qui connaît aujourd’hui une situation financière fragile.
Dès demain, M. Jean Bessière rencontrera l’Intersyndicale. S’amorcera alors un travail de concertation et de dialogue qui a manqué jusqu’à maintenant. Je suis certaine qu’il aboutira dans l’intérêt de tous les mineurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Valérie Lacroute. Monsieur le Premier ministre, à la veille d’une grève à la SNCF, vous avez déclaré que vous seriez demain aux côtés des cheminots grévistes. Mais qu’en est-il des usagers ?
Nos concitoyens, dès vingt heures ce soir et jusqu’à vendredi matin huit heures, vont, une nouvelle fois, devoir faire face à une grève d’une partie des agents de la SNCF. Heureusement, les usagers ont pu, dès ce matin, être informés des horaires mis en place dans le cadre du service minimum…
M. Christian Jacob. Eh oui ! Grâce à nous !
Mme Valérie Lacroute. …et ainsi organiser tant bien que mal leurs deux journées de galère. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Cinq ans après la loi de 2007 sur le service minimum garanti dans les transports votée par la précédente majorité, on peut se féliciter qu’elle permette à des millions clients de la SNCF – salariés, demandeurs d’emploi, étudiants – d’anticiper leurs déplacements. Cette grande évolution, nous la devons à l’UMP.
Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !
Mme Valérie Lacroute. Nous n’osons pas imaginer un détricotage des mesures prises par le précédent gouvernement, qui aurait pour seul objectif de contenter les syndicats au détriment des usagers.
Aujourd’hui, dans le contexte économique très grave que nous connaissons et alors que la compétitivité de nos entreprises est menacée, il serait impensable de pénaliser les personnes qui, chaque jour, font l’effort de passer parfois plus de trois heures dans les transports pour se rendre sur leur lieu de travail.
Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : pouvez-vous prendre l’engagement, devant la représentation nationale, de ne pas remettre en cause le service minimum dans les transports ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la députée, le Gouvernement est attaché à la continuité du service public (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), à la qualité du dialogue social et à la prévention des conflits.
Aujourd’hui, à la veille d’un mouvement de grève, les salariés de la SNCF souhaitent montrer l’état dans lequel se trouve le système ferroviaire, au moment où nous devons affronter l’enjeu de sa réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Patrice Verchère. Alors pourquoi la grève ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. En effet, la continuité du service public, la rénovation des moyens ferroviaires et la modernisation de l’ensemble du matériel roulant sont une nécessité ; c’est sur ce point que les employés de la SNCF ont souhaité attirer notre attention.
M. Christian Jacob. Et les usagers ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. À aucun moment, vous le savez, nous n’avons souhaité remettre en cause le droit de grève. Nous ne sommes plus au temps où l’ancien Président de la République pouvait déclarer que, « quand il y a une grève en France, plus personne ne s’en aperçoit ». Nous respectons à la fois les salariés et les usagers et nous souhaitons garantir la qualité du service public. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)
M. Sébastien Huyghe. Ce n’est pas ce que disent les Français !
M. le président. S’il vous plaît !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Si vous avez souhaité placer le niveau de l’intervention politique dans l’affrontement, nous souhaitons, quant à nous, le dialogue social et le rétablissement des modalités qui permettent de prévenir les conflits. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Patrice Verchère. Ce n’est pas cela, le dialogue social !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Ainsi, nous privilégions la discussion en organisant une conférence sociale, qui est la marque de la concertation et du respect des organisations syndicales, avec la volonté que l’ensemble des salariés concernés puissent être écoutés et que le droit des usagers soit respecté.
Vous voulez, une fois de plus, opposer des catégories de citoyens les unes aux autres. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Nous ne souhaitons pas ce type d’affrontements, et nous le démontrons en organisant une concertation, dans le respect de chacun. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.
Mme Véronique Massonneau. Monsieur le ministre de l’intérieur, ces dernières semaines ont été marquées par une multiplication inquiétante de manifestations d’intolérance religieuse : ainsi l’occupation de lieux de culte ou de futurs lieux de cultes par des groupuscules qui ont fait du rejet de l’autre leur identité, l’intention affichée par certains élus locaux de ne pas appliquer une future loi de la République au nom de leurs convictions religieuses personnelles ou à ces propos aux relents nauséabonds qui, sous couvert d’anecdotes boulangères prétendument vécues, véhiculent préjugés et fantasmes. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.) Je pense également à l’expression, dans certains quartiers, d’un radicalisme religieux intolérant, qui va à contre-courant de la construction pourtant réelle et précieuse d’une société qui dépasse les frontières religieuses et culturelles.
Notre pays est le pays d’Europe qui connaît la plus forte proportion de mariages mixtes, et c’est une richesse. C’est aussi cette richesse-là que les extrémistes combattent.
Face à ces intolérances, à ces fanatismes de tous ordres, la France oppose un principe : la laïcité. La laïcité n’est pas la négation des croyances et des convictions individuelles. Bien au contraire, elle leur garantit un droit égal à l’épanouissement et à la pratique. Elle permet à tous les représentants de toutes les religions d’exprimer leur point de vue – qui est légitime – sur les grandes questions de société, mais elle assure la neutralité de l’État, de ses agents et de ses représentants élus dans la prise des décisions comme dans leur application.
Monsieur le ministre, la Constitution fait de vous le garant du respect des cultes. Pouvez-vous nous dire comment vous entendez organiser les échanges entre notre État laïc et les représentants des institutions religieuses en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Madame la députée, les faits que vous avez rappelés sont inacceptables, et le Premier ministre comme le Gouvernement les ont condamnés avec la plus grande fermeté.
Soixante-treize personnes, venues de plusieurs régions françaises, ont occupé, le 20 octobre dernier, le chantier de la mosquée de Poitiers, actuellement en construction. Les motivations des membres de ce groupuscule d’extrême droite sont évidentes : provocation, diffusion d’un message de haine et d’intolérance et, surtout, volonté manifeste de faire parler d’eux. La recherche de la médiatisation était en effet au cœur de leur stratégie. À nous de ne pas être dupes. La dissolution de ce groupe est étudiée ; elle devra reposer sur des fondements juridiques solides – c’est la fragilité d’une démocratie, mais c’est aussi sa grandeur.
Madame la députée, la République garantit à tous le libre exercice du culte dans le respect des règles de la laïcité. Tout acte dirigé contre un lieu de culte est une atteinte à notre pacte social, une agression contre notre pays. Ces individus doivent donc s’attendre à la plus grande fermeté de la part de la République. Quatre leaders ont d’ailleurs été mis en examen lundi et placés sous contrôle judiciaire.
La France est une grande démocratie, où la liberté d’expression et la liberté d’association doivent être préservées. Tel est le sens du dialogue que j’ai noué, sous l’autorité du Premier ministre, avec l’ensemble des cultes. Il y a la place pour croire comme pour ne pas croire, à condition que l’on respecte la laïcité, nos valeurs et certains droits et devoirs.
Parce que nous sommes une grande démocratie, la violence, notamment politique, n’a pas sa place dans notre société, que l’on manifeste sa haine contre la France et nos valeurs, que l’on s’attaque, comme l’ultragauche, à des permanences de parlementaires…
M. le président. Merci, monsieur le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. … ou que l’on s’attaque, comme l’extrême droite et les identitaires, à des lieux de culte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR, RRDP et UDI.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier., pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le Premier ministre, après divers cafouillages et couacs, que vient de rappeler notre collègue Marc Le Fur, vous proposez un budget pour 2013 qui impacte fortement les ménages et les entreprises.
Le groupe UMP a largement dénoncé vos orientations budgétaires, qui prennent pour base un taux de croissance de 0,8 % réfuté par tous les experts. Par ailleurs, vous avez choisi d’augmenter les impôts plutôt que de baisser des dépenses publiques improductives – le journal Le Monde titre aujourd’hui sur une « hausse historique des impôts », c’est dire ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. Bernard Perrut. C’est vrai !
M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Aujourd’hui, au-delà du budget, vous proposez dans le PLFSS une mesure concernant les retraités : il s’agit d’instituer une nouvelle contribution sur les retraites, contribution que votre majorité parlementaire, en commission, a décidé de doubler à compter de 2013. Pourquoi vous attaquez-vous aux retraités ? Vous allez prélever 700 millions d’euros sur les retraités imposables, ce qui va concerner 7,5 millions de personnes. Dans votre esprit, les retraités sont-ils des riches, voire des privilégiés ? Je ne peux que dénoncer cette vision lorsque l’on sait que le niveau moyen des pensions s’établit à 1 200 euros par mois, sans parler des pensions agricoles à 500 euros.
Les retraités n’ont pas vocation à servir de boucs émissaires pour vous permettre de boucler un budget mal orienté. Dès lors, ma question est simple : puisque vous avez encore la possibilité d’agir, quelles mesures entendez-vous prendre pour éviter le matraquage fiscal des retraités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale s’inscrivent en rupture avec ce qui s’est passé lors des dix dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Christian Jacob. Ça, c’est sûr !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je vais expliciter cette rupture : pendant dix ans – les déficits sociaux comme les déficits de l’État en témoignent –, vous n’avez eu de cesse que de baisser les ressources, sans diminuer la dépense à due concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Pour tenir les comptes, vous vous êtes réfugiés dans la seule fuite possible, celle de l’endettement du pays – un endettement qui, ces dix dernières années, a progressé de 160 milliards d'euros pour les comptes sociaux et de plusieurs centaines de milliards d’euros pour le budget de l’État.
M. Étienne Blanc. Et ça s’aggrave !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Au total, ces dix dernières années, vous avez contracté près de 900 milliards d’euros de dettes supplémentaires, que les générations futures vont devoir acquitter.
Les exemples sont multiples. Ainsi, c’est M. Copé qui fait voter la réforme de l’impôt sur le revenu, dont l’essentiel bénéficie aux ménages les plus aisés de notre pays. (« Et les retraités ? » sur les bancs du groupe UMP.) C’est Mme Lagarde qui instaure le bouclier fiscal, avec les chèques de restitution de la part du fisc, c’est-à-dire des contribuables, aux plus fortunés de nos compatriotes. C’est M. Fillon qui réforme l’ISF, avec une perte pour le budget de l’État de près de deux milliards d’euros (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Vous avez ainsi mené, au prix de l’endettement, une politique dont l’échec est patent, avec trois millions de chômeurs, un endettement qui a progressé, une parole de la France qui s’est dégradée en Europe et dans le monde, et un modèle social malheureusement fragilisé. (« La question ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Aujourd’hui, vous en appelez aux retraités, auxquels nous demandons de consentir un effort de 350 millions d’euros l’année prochaine. Mais c’est vous, monsieur le député, qui avez voté les franchises médicales que les retraités ont, malheureusement pour eux, à acquitter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est vous qui avez voté la taxe sur les mutuelles, près de deux milliards d’euros que les retraités vont acquitter chaque année ! (Mêmes mouvements.) C’est vous, monsieur le député, qui avez augmenté la CSG sur le patrimoine, que les retraités vont acquitter !
Plusieurs députés du groupe UMP. Vous allez la supprimer ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Alors, avant de nous donner des leçons sur la manière dont nous gérons les finances publiques, vous devriez faire acte de contrition sur la manière dont vous avez géré les finances au mépris de la justice, au mépris de l’équité, au mépris de l’avenir et au mépris de la jeunesse ! (Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Cottel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Jean-Jacques Cottel. Monsieur le ministre délégué aux transports, à la mer et à la pêche, le projet de construction du canal Seine Nord Europe, dernier chaînon manquant pour raccorder la France au réseau de transport fluvial du nord de l’Europe, soulève quelques inquiétudes malgré la farouche volonté des élus et acteurs locaux de voir aboutir cet investissement d’avenir.
Même si les projets inscrits au schéma national d’infrastructures de transport par le précédent gouvernement l’ont été sans priorité et surtout sans financement…
M. Claude Goasguen. Mais oui ! Bien sûr !
M. Jean-Jacques Cottel. …le canal Seine Nord recueille l’unanimité et relève d’un statut d’aménagement d’intérêt européen avec de multiples retombées.
Ce projet représente une opportunité territoriale majeure et les collectivités, après les réserves du foncier déjà effectuées, sont prêtes à s’impliquer davantage encore. Ce « chantier du siècle », comparable à celui du tunnel sous la Manche, est stratégique car il permettra le renforcement de l’attractivité économique de nos territoires et l’essor de nos ports. Véritable bouffée d’oxygène pour les régions traversées, cet équipement favorisera, en ces temps de crise, la création de milliers d’emplois et le développement de la filière logistique. Enfin, ce canal s’inscrira pleinement dans la transition environnementale et allégera nos autoroutes déjà saturées et émettrices de gaz à effet de serre.
Monsieur le ministre délégué, vous l’aurez compris, ce projet est très attendu et nous avons besoin de l’assurance du Gouvernement et de l’engagement financier de l’Europe. Mes questions seront donc les suivantes.
Premièrement, quelles actions le Gouvernement a-t-il l’intention de mener pour réaliser ce projet en termes de calendrier ? (« Aucune ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Votre temps de parole est épuisé, mon cher collègue.
M. Jean-Jacques Cottel. Deuxièmement, quelles initiatives avez-vous l’intention de prendre s’agissant des fonds européens pour la croissance…
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, je vous remercie pour votre question relative à la réalisation du canal Seine Nord – un sujet qui, je le sais, vous tient particulièrement à cœur. Vous avez souligné à quel point ce projet représente un enjeu en matière d’environnement, de transport, de report modal et d’aménagement du territoire.
M. Claude Goasguen et M. Yves Censi. Mais !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Le projet de canal Seine Nord est fort ancien, puisque la décision initiale de le réaliser date de 2004, et fut réitérée à plusieurs reprises. Aujourd’hui, vous me donnez l’opportunité de répondre à un certain nombre de rumeurs et de fausses informations de nature à nourrir votre inquiétude.
Tout d’abord, contrairement à ce que soutiennent certains, le Gouvernement n’a pas décidé de suspendre le canal Seine Nord, j’en veux pour preuve le dialogue compétitif, toujours en cours. Par ailleurs, j’ai diligenté deux études (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…
M. Claude Goasguen. Et voilà !
M. Patrice Carvalho. Deux de plus !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …l’une de l’inspection générale des finances, l’autre du conseil général de l’environnement et du développement durable, afin d’examiner la soutenabilité du projet.
Le 5 avril 2011, l’ancien Président de la République a indiqué que 97 % du financement du projet était assuré.
M. Yves Censi. Mais vous, qu’avez-vous décidé ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. C’était un mensonge, puisqu’il apparaît aujourd’hui que le groupe Bouygues lui-même a décidé de suspendre sa participation au dialogue compétitif, ce qui montre la fragilité du montage réalisé par l’ancien gouvernement, dont nous avons hérité.
M. Yves Censi. Et vous, qu’avez-vous fait ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Comme vous l’avez souligné, la réalisation du canal Seine Nord est un projet présentant un intérêt au moins européen. J’ai déjà eu l’occasion de souligner combien la faiblesse de la subvention européenne était flagrante, mais nous ne pouvons en vouloir à l’Europe, quand on connaît la teneur du courrier de M. Borloo en date du 20 juillet 2007. M. Borloo, qui n’est pas le dernier à vouloir donner des leçons à l’actuel gouvernement, demandait seulement 6 % de financement à l’Europe, ce qui met aujourd’hui en difficulté la réalisation …
M. le président. Merci, monsieur le ministre délégué.
M. Yves Censi. Il n’a pas répondu à la question !
M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
M. Arnaud Richard. Avec la réponse que vient de nous faire M. le ministre délégué chargé des transports, nous voilà bien rassurés sur le canal Seine-Nord !
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Décidément, monsieur le Premier ministre, vous êtes extraordinaire. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement.)
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !
M. Arnaud Richard. Avec vous et votre gouvernement, on ne s’ennuie pas. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC continuent à applaudir.) « Les cafouillages, c’est fini ! » Avouez que, un mois après, cette phrase du Président de la République sonne comme une vaste plaisanterie. (Mêmes mouvements.)
M. le président. Monsieur Richard, veuillez patienter un instant.
Mes chers collègues, asseyez-vous et écoutez l’orateur, s’il vous plaît !
M. Arnaud Richard. Fut un temps où les couacs à répétition de votre gouvernement, pourtant déjà préoccupants, pouvaient être mis sur le compte de l’inexpérience. Mais aujourd’hui, votre attitude à l’égard des institutions de la République provoque notre profonde indignation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Dès la rentrée de septembre, vous avez décidé de légiférer à la hussarde, sur des sujets aussi majeurs que la crise du logement et la transition énergétique, pour compenser votre inaction des premières semaines.
Plusieurs députés des groupes UDI et UMP. C’est vrai !
M. Arnaud Richard. Avec le rejet du texte sur l’énergie par le Sénat, vous avez appris à vos dépens que l’on ne piétine pas le Parlement sans en subir les conséquences. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Patrick Labaune. C’est vrai !
M. Arnaud Richard. Mais vous faites mieux aujourd’hui : vous humiliez le Conseil constitutionnel, garant de nos institutions. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Vous avez en effet, ce matin, annoncé vous-même une décision qu’il n’a pas encore prise, puisqu’il se réunit actuellement !
M. Patrick Labaune. C’est vrai !
M. Arnaud Richard. Monsieur le Premier ministre, le groupe UDI vous demande solennellement de présenter vos excuses au Conseil constitutionnel. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le groupe UDI vous demande solennellement de vous ressaisir. Vous avez déclaré ne pas avoir été nommé à Matignon par hasard. Pour notre part, nous commençons à nous demander si vous ne l’avez pas été par erreur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le député, je pense effectivement que la question des excuses se pose. De quoi parlons-nous ? Des 1,7 million de familles qui, en France, attendent un logement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. Arnaud Richard. Justement!
M. François Rochebloine. Le problème n’est pas là !
Mme Cécile Duflot, ministre. Nous parlons aussi de 3 millions de personnes qui sont mal logées et de 600 000 qui vivent dans des logements insalubres. Voilà où est l’urgence !
M. Jean-Christophe Lagarde. Il fallait le dire avant !
M. le président. Monsieur Lagarde, veuillez retrouver votre calme !
Mme Cécile Duflot, ministre. Cela peut vous déplaire, mais c’est un choix – celui du Gouvernement et des Français ; c’est le choix d’une politique de solidarité.
Le choix du Gouvernement et des Français, c’est une politique d’égalité, qui s’inquiète des plus faibles.
Plusieurs députés du groupe UMP. Vous êtes nuls !
Mme Cécile Duflot, ministre. Cela vous dérange peut-être, mais nous allons continuer. Vous ne nous ferez pas frémir et vos manœuvres de diversion sur la forme ne nous feront jamais oublier le fond. Et le fond, c’est de répondre à ceux qui en ont besoin. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Un député du groupe UMP. Ce n’est pas ce que vous faites !
Mme Cécile Duflot, ministre. Oui, la politique de ce gouvernement est au service, par exemple, de ceux et celles avec qui j’étais cette nuit…
M. Franck Gilard. En garde à vue ?(Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Cécile Duflot, ministre. Avec ces gens qui dorment dans la rue et dont s’occupent des milliers de travailleurs sociaux, qui ne sont sans doute pas fiers d’imaginer que les logements dont ils ont besoin pour les reloger ne pourront pas être construits, tout simplement parce que vous tentez de gagner du temps. Cette loi a beau vous déplaire, elle sera votée pour ceux qui en ont besoin ! (Mmes et MM. les députés des groupes écologiste, SRC et RRDP se lèvent et applaudissent longuement. – Huées sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jacques Alain Bénisti. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Alors que des millions d’habitants subissent chaque jour l’enfer des nuisances sonores et atmosphériques liées au trafic aérien de la plateforme d’Orly – aéroport le plus enclavé d’Europe, avec pas moins de 3 500 habitants au kilomètre carré –, nous venons d’apprendre que vous auriez donné votre accord, en tant qu’actionnaire majoritaire de la société Aéroports de Paris, à un programme d’investissements d’un demi-milliard d’euros, qui vise entre autres la construction de six nouveaux pontons pour accueillir des gros-porteurs, ce qui conduira à doubler le nombre de passagers à Orly.
M. Jean-Luc Laurent. Mensonge !
M. Jacques Alain Bénisti. Or, comme vous le savez, l’aéroport d’Orly est plafonné à 200 000 mouvements – chiffre d’ailleurs largement dépassé – et est soumis à un couvre-feu, trop souvent enfreint.
M. Jean-Luc Laurent. Vous n’aimez pas Orly !
M. Jacques Alain Bénisti. En tant qu’élu riverain de l’aéroport d’Orly, permettez-moi de vous faire part de l’émoi suscité par cette annonce auprès des riverains et des élus, toutes tendances politiques confondues.
M. Jean-Luc Laurent. C’est faux !
M. Jacques Alain Bénisti. C’est le signal évident d’une volonté de remettre en cause les engagements que vous avez pris pour réduire les nuisances et intégrer la coalition des plateformes aéroportuaires dans leur environnement.
C’est également incohérent quand on sait que l’une de vos premières décisions, monsieur le Premier ministre, après votre arrivée à Matignon, a été de déplacer l’aéroport de Nantes dans une zone moins urbanisée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christian Jacob. Eh oui !
M. Marcel Rogemont. La décision avait été prise il y a longtemps !
M. Jacques Alain Bénisti. C’est aussi incompréhensible, car d’autres solutions existent, comme le déplacement des pistes à cinquante kilomètres au sud d’Orly en les reliant aux terminaux par un Trans Val express, comme il en existe dans la plupart des autres aéroports. En un mot, monsieur le Premier ministre, c’est un plan anti-riverains inacceptable. Pensez-vous revoir votre position ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, l’aéroport d’Orly doit connaître une modernisation. Vous savez bien que le projet en question est ancien. Il est porté par Aéroports de Paris, avec pour objectif l’optimisation des infrastructures et de l’ensemble des séquences d’organisation aérienne.
M. Yves Censi. Et les deux études qui existent sur le sujet ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Contrairement à ce que vous affirmez, cela a été fait dans le plus parfait respect des altitudes permettant de préserver la tranquillité des riverains.
Vous savez aussi combien il est complexe, dans cette zone extrêmement urbanisée, de concilier le respect du quotidien des riverains, ce qui suppose, entre autres, un niveau sonore acceptable, et les nécessités de l’approvisionnement d’Orly en période nocturne.
Nous avons lancé une concertation avec les élus et avec la population, à laquelle participe également ADP. Ce que vous dites, monsieur le député, ne correspond donc pas à ce que constatent l’ensemble des parlementaires et des élus locaux concernés. Vous n’êtes pas nécessairement détenteur d’une vérité absolue en la matière. Un certain nombre d’élus saluent d’ailleurs notre décision, qui vise à optimiser les infrastructures aéroportuaires d’Orly, et qui répond à un réel besoin économique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jonas Tahuaitu, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
M. Jonas Tahuaitu. Monsieur le président, chers collègues, ia ora na !
Monsieur le ministre des outre-mer, permettez-moi tout d'abord de vous exprimer, au nom de tous les Polynésiens, nos remerciements les plus sincères pour le volontarisme et l'efficacité dont vous faites preuve depuis votre prise de fonction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et du groupe SRC.)Votre réactivité dans le dossier de la lutte contre la vie chère témoigne de l'intérêt que vous portez aux dossiers des outre-mer.
Cependant, un sujet préoccupe plus particulièrement l'ensemble des Polynésiens, et nous vous en avons fait part lors de précédentes rencontres : c'est la date des élections pour le renouvellement des représentants à l'assemblée de la Polynésie française.
L'incompétence du gouvernement polynésien, son incapacité à comprendre les véritables problèmes de nos concitoyens, son obsession pour l'indépendance conduisent la Polynésie au fond du gouffre. Chaque mois qui passe aggrave la situation de notre collectivité.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien la situation financière désastreuse de la Polynésie. Les mesures de redressement que vous attendez du gouvernement polynésien n'arriveront jamais.
Les acteurs économiques tirent désespérément la sonnette d'alarme, nos entreprises ferment et licencient. Les secteurs clés de notre développement – tourisme, perliculture, pêche – connaissent une crise sans précédent ; 11 000 emplois ont été détruits depuis trois ans, le taux de chômage atteint 25 %, et un quart de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté.
Dans un tel contexte, la demande du président de la Polynésie française de reporter le renouvellement de l’assemblée de la Polynésie de plusieurs mois, voire de plusieurs années, est-elle acceptable dans un État de droit ?
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner l'assurance que la loi et la démocratie seront respectées et que l'élection des représentants à l'assemblée de la Polynésie française se déroulera à l'issue du mandat de cinq ans, comme le prévoit la loi organique du 27 février 2004, c'est-à-dire en février 2013 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le député, vous avez bien voulu accompagner votre question sur la date des élections en Polynésie française de quelques appréciations fort laudatives pour l’action du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Nous vous en remercions.
Vous avez également formulé des commentaires très critiques à l’égard de la situation en Polynésie française. Il est vrai que l’instabilité politique y est pour quelque chose et qu’elle a été, quelque part, entretenue.
Vous nous rendrez cette justice que de mauvaises décisions, très politiciennes, ont aggravé la situation économique en Polynésie française. On a refusé de débloquer la subvention de 50 millions d’euros, c’est ce Gouvernement qui le fait. On a réformé la dotation globale de développement économique, en créant notamment ce que l’on appelle le troisième instrument, ce qui a aggravé la situation de la commande publique.
La loi organique nous permet effectivement d’organiser des élections et de choisir des dates entre les mois de janvier et juin 2013. Le Premier ministre a entamé des négociations et devrait trancher très prochainement. Selon toute probabilité, cette élection devrait pouvoir se tenir aux mois de mars et avril. Nous respecterons scrupuleusement toutes les ressources de la loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Geneviève Levy. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Madame la ministre, nous ne comprenons pas pourquoi vous cherchez à monter les Français les uns contre les autres et à les opposer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Alors que le principe fondateur de la politique familiale de la France, dont le modèle est vanté à travers le monde, a toujours été l'universalisme des prestations, nous nous retrouvons devant un fait inédit : sous votre gouvernement, toutes les familles ne se valent pas.
Vous attaquez le quotient familial en le rabotant ; vous supprimez le forfait sur les charges payées pour un emploi à domicile ; vous allez priver d'emplois 85 000 personnes, souvent des personnes qui trouvent dans les secteurs concernés des voies professionnalisantes.
Vous allez conduire des millions de foyers à faire des choix cornéliens : continuer à déclarer la nounou des enfants et absorber le coût de plusieurs centaines d’euros supplémentaires ou négocier avec elle une partie en travail dissimulé, voire envisager que la mère de famille arrête de travailler.
Mme Marie-Françoise Clergeau. Oh !
Mme Geneviève Levy. Vous précarisez ces employés si nécessaires à la gestion du quotidien.
Le 1er janvier, le coût horaire des emplois à domicile augmentera de 20 % pour une femme de ménage et de 120 % pour un professeur. À l'heure où le taux de chômage n'a jamais été aussi élevé, vous allez tuer un secteur d'activité qui affiche un taux de croissance de 3 % et qui crée des milliers d'emplois chaque mois. Mais, c'est vrai, vous préférez favoriser la création d'emplois dans le secteur public.
Alors je vous le dis comme je le pense, madame la ministre : il ne fait pas bon d'être un Français de classe moyenne sous votre gouvernement ; il ne fait pas bon d’être une femme qui souhaite continuer à travailler en faisant garder ses enfants, il ne fait pas bon d'être un fils qui souhaite maintenir ses parents âgés à leur domicile. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Votre budget est un acte de guerre à l’encontre des familles et des classes moyennes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Madame la députée, il est tout de même assez surprenant de vous entendre nous donner des leçons…
M. Christian Jacob. De réalisme !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. … sur le fait qu’il ne faut pas opposer les Français, vous qui avez passé un quinquennat à les dresser les uns contre les autres, les chômeurs contre les travailleurs, ceux qui se lèvent tôt contre ceux qui se lèvent tard. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) De grâce, évitez de nous faire ce mauvais procès !
Oui, en matière de politique familiale, nous faisons d’autres choix, celui de la solidarité, celui d’agir en direction de ceux qui en ont le plus besoin, les familles modestes et les familles précarisées.
La revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire est une mesure qui n’a pas creusé le déficit de la branche famille, contrairement à celles que vous avez pu prendre, car elle est compensée par des recettes supplémentaires. Oui, nous conduisons une autre forme de politique, en demandant, non pas aux classes moyennes mais à ceux dont les revenus équivalent à 6, 7, voire 8 fois le SMIC, de contribuer à l’effort de solidarité et d’assurer le financement de la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire pour les plus démunis. Il s’agit donc bien d’une mesure de solidarité.
M. Yves Censi. C’est faux !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Nous menons aussi une autre politique en matière de petite enfance. On sait – mais vous l’avez oublié en déscolarisant nombre d’enfants de moins de trois ans – que les inégalités commencent dès la plus petite enfance. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Si nous voulons aujourd’hui réduire les inégalités scolaires, c’est en offrant des places de garde aux familles défavorisées.
M. Claude Goasguen. Faites-le donc !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Là encore, c’est une politique familiale en direction des familles modestes, des familles démunies mais aussi des classes moyennes que nous menons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – « C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (nos 287, 302, 301).
Hier soir, l’Assemblée a terminé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, à l’issue d’une longue discussion générale qui a été fournie et qui a permis de nombreuses interventions très constructives, je veux revenir sur les préoccupations des uns et des autres.
La première est celle de l’accès aux soins. Il me paraît nécessaire d’afficher clairement que l’hôpital public ne peut pas être géré comme un établissement privé, dans une perspective de profits. Certains, sur les bancs de l’opposition, ont contesté cette idée, au nom de la nécessité de poursuivre dans la voie de la convergence des tarifs entre le secteur public et le secteur privé et ont demandé la revalorisation des actes dans le privé. Je le dis clairement, nous faisons le choix de compléter la tarification à l’activité par d’autres critères de financement de l’hôpital et nous rétablissons la notion de service public hospitalier, comme cela a été souligné par Christian Paul et Olivier Veran. Nous ferons ainsi en sorte que les missions d’intérêt général puissent être davantage reconnues et que d’autres critères liés au caractère spécifique de l’hôpital public soient pris en compte.
Comme Jean-Noël Carpentier, j’attache une grande importance à la capacité des établissements hospitaliers à trouver du crédit sur les marchés. La question des emprunts toxiques est un sujet de préoccupation majeur, notamment pour certains hôpitaux. Un comité pour la sécurisation des financements sera bientôt mis en place, qui permettra de répondre à l’enjeu plus spécifique des emprunts toxiques.
M. Christian Paul attache une grande importance, comme nombre de parlementaires, à la question des déserts médicaux et en a fait un enjeu particulier. Il a rappelé qu’il était nécessaire de mettre fin aux inégalités entre Français face à la maladie sur le territoire de notre pays. Il est indispensable d’engager une politique résolue de lutte contre les déserts médicaux. Pour ce faire, il nous faudra apporter des réponses nouvelles. Depuis plusieurs années, c’est le laisser-faire qui l’a emporté et le résultat est là : les déserts médicaux se sont accrus. Diverses mesures seront donc nécessaires et nous aurons l’occasion d’en débattre. M. Paul a rappelé la création des 200 premiers postes de praticiens locaux de médecine générale. À l’évidence, cette mesure ne se comprend que dans un cadre politique plus général, mais c’est une avancée significative.
Je remercie Mme Véronique Massonneau d’avoir rappelé, elle aussi, que le schéma pour les praticiens locaux de médecine générale était innovant et qu’il permettrait d’avancer dans la mise en place d’une politique nouvelle de l’accès aux soins partout sur le territoire.
Mme Gisèle Biémouret a plus particulièrement rappelé que, même s’ils ne sont pas les seuls, les territoires ruraux sont particulièrement concernés par la question des déserts médicaux et a évoqué le cas du département du Gers. Mme Dominique Orliac, pour le Lot, a aussi insisté sur ce point. Il me semble nécessaire de prendre en compte la spécificité des territoires. En effet, on ne traite pas des déserts médicaux de la même manière lorsqu’il s’agit d’un territoire rural comme celui de Mme Biémouret et d’un territoire urbain en zone sensible. Il faut y répondre dans les deux cas, mais avec des moyens différents.
M. Alfred Marie-Jeanne a soulevé la question de l’accès aux soins en Martinique. Bien évidemment, il nous faut prendre en considération, là encore, la spécificité des territoires. La question des territoires d’outre-mer appelle des solutions particulières. C’est la raison pour laquelle M. Marie-Jeanne a été reçu récemment à mon cabinet pour réfléchir à la manière de mettre en place des dispositifs qui répondent aux attentes des habitants tout en tenant compte des caractéristiques du territoire local.
Plusieurs interventions ont fait référence à la question des dépassements d’honoraires, indépendamment du fait que c’est hier qu’a été conclue la négociation sur leur limitation. Cela fait des années que nous assistons à l’augmentation des dépassements d’honoraires, à la fois anarchique et inconsidérée. Anarchique puisque les territoires ne sont pas égaux entre eux. En effet, dans certains territoires, on ne peut plus trouver aujourd’hui de médecins qui pratiquent des tarifs opposables dans certaines spécialités. Inconsidérée puisque, parfois, dans les mêmes territoires, certains dépassements d’honoraires atteignent des niveaux qui ne sont plus acceptables et ne seront plus acceptés puisque tous ceux qui se sont engagés dans la négociation ont fait connaître leur volonté de mettre un terme à ce phénomène.
De ce point de vue, Jean-Marc Germain a insisté, à juste titre, plus particulièrement sur la situation des étudiants et sur la nécessité de leur garantir un accès à la mutuelle. C’est l’un des engagements que le Président de la République a réaffirmé il y a quelques jours devant le congrès de la Mutualité française en indiquant qu’il fixait au Gouvernement l’objectif de permettre à chaque Français de disposer d’une mutuelle de qualité d’ici à la fin de son mandat. On voit bien qu’il faut faire un effort spécifique en direction des étudiants qui, compte tenu de leurs faibles ressources, et parce qu’ils considèrent que leur santé est bonne, ont tendance à privilégier d’autres postes de dépenses. Cela les rend très fragiles s’ils sont confrontés à des problèmes de santé compliqués et cela les amène à renoncer à des démarches de prévention et de soins alors qu’ils ne sont pas encore trop malades. Du coup, on doit les prendre en charge dans des situations plus difficiles.
J’en viens aux interventions de l’opposition sur les dépassements d’honoraires.
M. Denis Jacquat. Enfin ! Merci de nous regarder, madame la ministre !
Mme Marisol Touraine, ministre. Peut-être que certains sujets vous préoccupent moins que d’autres. En tout cas, on vous a peu entendu sur la question des déserts médicaux. Mais il faut dire que votre bilan explique assez largement que vous soyez silencieux sur ce sujet. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Bernard Accoyer. Si vous voulez nous montrer vos talents, arrêtez de répéter toujours la même chose !
Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous accorde bien volonté, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, que même si ce n’est pas l’humilité qui vous caractérise (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), il est préférable, compte tenu de votre bilan en la matière, que vous fassiez preuve d’un peu de discrétion. C’est le cas, en particulier, des dépassements d’honoraires. Franchement quel est votre bilan ?
Hier soir, M. Door et M. Robinet, ont indiqué que l’accord qui a été adopté hier était un copié-collé conforme à ce qui avait été proposé par le gouvernement précédent. Je ne sais pas très bien comment ils lisent les textes. Aussi, je suis disposée à leur offrir une paire de lunettes !
M. Denis Jacquat. Qui va payer ?
M. Jean-Marc Germain. Elles sont encore remboursées !
Mme Marisol Touraine, ministre. Les premiers qui ont dit que la démarche n’était pas la même, ce sont les médecins eux-mêmes. Ils avaient clairement indiqué ne pas se retrouver dans l’accord que vous leur aviez proposé. Hier, ils ont tenu à aller au bout des discussions pour pouvoir s’engager et marquer leurs préoccupations et leur volonté de procéder à un encadrement des dépassements d’honoraires.
Mesdames, messieurs les députés de l’opposition, savez-vous combien de contrats proposés par M. Bertrand ont été signés par les médecins en trois mois ? Seulement treize contrats pour le secteur optionnel.
Quand on a n’obtenu que la signature de treize contrats par les médecins, on fait preuve d’un peu d’humilité avant de critiquer ce que la majorité d’aujourd’hui a décidé de faire de façon résolue.
Vous avez été, mesdames les députées, plusieurs à intervenir sur les mesures proposées concernant l’accès des femmes à l’interruption volontaire de grossesse et à la proposition qui sera faite de rendre l’accès gratuit aux mineures de quinze à dix-huit ans. Mme Ségolène Neuville a souligné qu’il s’agissait de bonnes mesures d’accès aux soins pour les femmes et je partage avec elle la volonté que nous nous engagions dans une politique résolue en faveur des femmes, parce que les enjeux de santé sont importants pour elles et que, malheureusement, certaines ont difficilement l’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse, pour des raisons diverses, mais qui peuvent être financières.
Mme Poletti a indiqué soutenir les mesures du Gouvernement dans ce domaine. Je salue son engagement constant pour renforcer les droits des femmes en matière de contraception et d’interruption volontaire de grossesse, au-delà des barrières partisanes.
Plusieurs interventions concernaient la famille. Ma collègue Dominique Bertinotti aura l’occasion de revenir sur les mesures que nous proposons. Madame Clergeau, nous partageons la vision que vous nous avez exposée avec force et clarté de ce que doit être la politique familiale. Effectivement nous mettons en œuvre, et vous y contribuez madame la députée, une politique familiale résolument ancrée à gauche, qui reconnaît l’ensemble des familles, qui reconnaît la contribution de toutes les familles, mais qui dans le même temps vise l’égalité entre les femmes et les hommes et la prise en compte des nouvelles formes familiales qui existent aujourd’hui.
De ce point de vue, l’accueil de la petite enfance sera évidemment une des priorités de la politique que le Gouvernement mettra en place – Mme Bertinotti aura l’occasion d’y revenir –, rompant avec les pratiques du précédent gouvernement, tant sur le fond que sur la forme. Il est important d’avoir une vision globale qui intègre aussi l’école dans la manière d’apporter des réponses aux familles.
S’agissant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, Christian Paul, Christian Hutin, Michel Liebgott ont insisté sur le fait que, par les mesures que nous avons prises, nous avons plus que rétabli l’équilibre de cette branche. De déficitaire, elle va devenir excédentaire et nous allons donc pouvoir commencer à apurer la dette existante, qui est de 2 milliards d’euros.
Au-delà de cet aspect financier, ce sont aussi des mesures de justice que nous avons engagées : Christian Hutin l’a rappelé pour ce qui concerne les travailleurs de l’amiante, puisque les mesures inscrites dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale s’inscrivent dans le prolongement de celles que nous avons déjà prises en faveur des salariés victimes de l’amiante.
Je ne reviens pas sur le régime des mines, auquel Michel Liebgott a rappelé son attachement tout en soulignant la nécessité d’une solidarité collective : J’ai eu l’occasion de m’exprimer à ce sujet pendant les questions au Gouvernement.
Par ailleurs, vous avez été nombreux à souhaiter que les réformes de structure qui sont engagées dans ce PLFSS puissent se développer, nombreux aussi– par sur tous les bancs, évidemment –…
M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail. C’est sûr !
Mme Marisol Touraine, ministre. …à regretter qu’aucune réforme de structure en matière de Sécurité sociale n’ait été engagée au cours des dernières années. La réforme des retraites ne nous occupera pas beaucoup dans l’examen de ce PLFSS, puisqu’une nouvelle réforme sera à l’ordre du jour l’année prochaine. Mais la réforme des retraites dont on nous avait expliqué, monsieur Woerth, qu’elle réglerait les difficultés financières, est une réforme dont l’impact social aura été fort, mais l’impact sur l’équilibre des comptes nettement moins, puisque nous sommes amenés à apporter une contribution spécifique en direction de la branche vieillesse et du fonds de solidarité vieillesse.(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Un grand nombre d’entre vous sont intervenu sur la perte d’autonomie : il existe à l’évidence une attente très forte de réformes de fond, pour mieux répondre aux préoccupations de nos concitoyens. On ne s’étonnera pas que ces interventions soient venues, là encore, principalement des bancs de la majorité, puisque le bilan que l’actuelle opposition nous présente n’est quand même pas très brillant.
M. Jérôme Guedj. Il est nul !
Mme Marisol Touraine, ministre. D’ailleurs, vous êtes assez peu nombreux, il faut le dire, à le revendiquer ou à assumer ce qui fut une Arlésienne politique : tous les six mois, vous nous annonciez la grande réforme voulue par le Président de la République et tous les six mois, nous devions constater, dépités, que cette belle et grande réforme était repoussée à plus tard.
Comme l’a dit Mme Martine Pinville, rapporteure du budget médico-social, il est absolument indispensable de commencer à préparer cette réforme : il nous faut consolider la protection sociale des personnes âgées et pour cela, il nous faut répondre aux besoins nouveaux en matière de perte d’autonomie. Il y a quinze ou vingt ans, le problème était plus limité, car les familles le prenaient encore en charge et le vieillissement de la population était moins accentué. À l’évidence nous sommes aujourd’hui confrontés à un phénomène global de société qui, en raison du vieillissement de la population, nous conduit à répondre à des questions nouvelles, qu’il s’agisse de perte d’autonomie ou d’apparition de nouvelles pathologies.
Vous avez, madame la rapporteure, à juste titre souligné que l’institution d’un petit prélèvement sur les retraités imposables allait permettre de préparer ce grand chantier de la réforme de l’autonomie.
Je ne peux que rejoindre Denys Robiliard sur l’importance de l’accès aux soins pour les personnes âgées, notamment dans des territoires où la densité médicale est faible. Vous êtes un élu de la région Centre qui est aussi la mienne et qui a malheureusement le triste privilège d’être montée au hit-parade des régions les plus désertifiées.
M. Bernard Accoyer. Que font les élus locaux ?
Mme Marisol Touraine, ministre. La question de l’accès aux soins, monsieur le député, ne relève pas simplement des élus locaux. Il y a aussi des politiques nationales à mettre en place. Pour les déserts médicaux, c’est précisément parce que vous pensez qu’il n’y a que les élus locaux pour agir que rien n’a été fait peut-être, car sans incitation et sans politique nationale, rien ne peut être fait. Les élus locaux n’ont pas à se substituer au Gouvernement. Au cours des années passées, ils ont souvent, avec beaucoup d’énergie, essayé de pallier les manques de la politique nationale : vient un moment où l’engagement de l’État devient absolument nécessaire.
Mme Carrillon-Couvreur a indiqué que ce PLFSS marquait « une étape historique » s’agissant de la perte d’autonomie, dans la mesure où il pose les bases d’un financement pérenne. Si la réforme attendue de l’autonomie ne peut évidemment pas se limiter à des enjeux de financement, la question du financement doit être posée. Nous avons eu l’occasion de le dire et sommes cohérents : le financement de la perte d’autonomie ne peut pas reposer sur les assurances privées, il doit évidemment s’appuyer sur la solidarité. Mme Iborra a eu, en quelque sorte, beau jeu de rappeler que l’UMP nous avait promis cette belle réforme pendant cinq ans et que nous l’attendons toujours.
M. Jérôme Guedj a lui aussi rappelé sa préoccupation autour de ces questions qu’il connaît bien et sur lesquelles il travaille beaucoup à divers titres, puisque ses fonctions de président d’un conseil général le mettent en première ligne. Je profite de l’occasion pour rappeler qu’un effort particulier va être fait en direction des départements, effort annoncé il y a quelques jours par M. le Président de la République : dès maintenant, par la mise en place d’un fonds de solidarité pour les départements en difficulté et, dans un second temps, la mise en place d’une concertation avec les conseils généraux pour que la charge que représentent les trois allocations universelles qui pèsent lourdement sur leurs budgets puisse être prise en considération dans la perspective des réformes à venir. Mme Joëlle Huillier a également manifesté sa crainte que les financements accordés aux départements soient limités alors même que les charges sociales augmentent : je ne peux que confirmer l’engagement du Gouvernement, à la suite des décisions annoncées par M. le Président de la République.
En matière de réformes de structure, plusieurs intervenants ont souligné la nécessité de s’engager fortement en ce qui concerne le médicament. Mme Carrey-Conte a insisté sur la nécessité de renforcer la place des génériques, sur l’amélioration des prescriptions, sur l’utilité d’un encadrement de la visite médicale et souligné qu’à travers ce PLFSS, se dégageait une véritable politique structurelle. Je crois que nous devons devenir plus sobres en matière de médicaments.
Mme la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, dont l’engagement est bien connu, a rappelé l’importance d’une politique du médicament. Elle a aussi rappelé l’inquiétude que suscite le rôle de certains lobbies et je lui confirme que le Gouvernement est attentif, que je suis attentive, à certaines pratiques qui existent toujours de la part de laboratoires.
Sur la démocratie sanitaire, qui devra progresser, je ne peux que saluer l’intervention de M. Jean-Louis Roumegas : effectivement, rien n’a été fait depuis la grande loi de 2002. Il est temps, il sera temps d’avancer vers une nouvelle étape de démocratie sanitaire : il faudra mieux répondre aux préoccupations exprimées par les patients et qui ne sont pas toutes prises en compte dans la loi de 2002. Depuis lors, l’idée de démocratie sanitaire s’est installée dans le paysage social. Il nous faudra franchir une nouvelle étape en matière de droits collectifs, puisque la loi de 2002 portait sur les droits individuels. Ce sujet doit faire l’objet de réflexions et je suis certaine, monsieur le député, que vous souhaiterez y prendre toute votre part.
Vous avez d’ailleurs rappelé votre attachement à la mise en place de politiques de prévention, à l’instar de Gérard Sebaoun qui a longuement insisté sur ce point. Il est nécessaire que nous donnions une place plus importante à ces politiques. M. Sebaoun a marqué son inquiétude quant à l’utilisation des pesticides dont l’effet sur la santé n’est plus à démontrer. Le Président de la République, il y a quelques jours, a souhaité que les enjeux de prévention soient davantage pris en considération et que le Gouvernement présente un projet de loi de santé publique au cours de l’année prochaine puisque celle de 2004, qui devait être revue cinq ans plus tard, à savoir en 2009, ne l’a pas été ; aussi nous appartient-il de réaliser ce travail.
Je ne reviendrai pas sur les retraites sauf pour rappeler que Michel Issindou, rapporteur pour l’assurance vieillesse, a insisté sur le bilan catastrophique de la politique menée à la suite, notamment, de la réforme de 2010 dont il a affirmé qu’elle n’était ni juste ni pérenne,…
M. Bernard Accoyer. Vous n’êtes pas sérieuse !
Mme Marisol Touraine, ministre. …ajoutant qu’il fallait définir une réforme de structure, à savoir de long terme.
M. Denis Jacquat. Achetez donc des lunettes !
Mme Marisol Touraine, ministre. Ce sera le cas en 2013 et je suis certaine que cela nous vaudra de beaux débats.
M. Jacquat a indiqué lui-même que l’équilibre des retraites ne tiendra pas.
M. Denis Jacquat. À cause de vous !
Mme Marisol Touraine, ministre. Vous voyez, monsieur Woerth, c’est M. Jacquat lui-même qui l’affirme. Je salue par conséquent sa lucidité : il sait lire les chiffres et constate que la réforme de 2010 se révélera inefficace.
Vous avez été nombreux à souligner votre attachement à la bonne gestion et aux économies qui caractérisent ce PLFSS. Certaines interventions ne m’en ont pas moins paru étonnantes. Ainsi, M. Tian a affirmé que le déficit cumulé du régime général et du fonds de solidarité vieillesse était « honteux ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail. C’est de la repentance !
Mme Marisol Touraine, ministre. Ce déficit, ce n’est pas cette majorité qui l’aurait créé en cinq mois ! Nous avons même contribué, pendant cette période, à le résorber de façon significative. À dire vrai, j’ignore si je dois me réjouir ou m’inquiéter de pareils soutiens : que dire sinon que vous avez parfaitement raison de rappeler la facture sociale laissée par le gouvernement que vous avez soutenu et qui s’élève à 90 milliards d’euros sur cinq ans puisque vous serez parvenus, pour les retraites mais aussi pour l’assurance maladie, à accroître les déficits et le reste à charge pour les Français. La performance n’est pas banale et doit être soulignée : réussir à ce point et dans le même temps sur les deux tableaux est plutôt unique.
Le rapporteur général Bapt (Murmures)…
M. Bernard Accoyer. Il n’est pas général ! (Sourires.)
Mme Marisol Touraine, ministre. …a souligné l’importance de la politique devant permettre une trajectoire de retour à l’équilibre dans la justice. Il a particulièrement insisté – et je salue cette démarche – sur la nécessité d’une meilleure efficience de notre système – à travers la « e-santé » –, sur la nécessité d’un dossier médical personnel qui enfin, si j’ose dire, ressemble à quelque chose, enfin sur la nécessité de réformes de structure.
Rémi Delatte a observé que le présent texte ne comportait aucune mesure relative au DMP. C’est exact car si nous avions dû prendre des mesures, elles auraient peut-être été radicales. Nous devons procéder à l’évaluation d’un dispositif qui, manifestement, n’a pas atteint ses objectifs et a été appliqué en dépit du bon sens.
Valérie Rabault, rapporteure pour avis de la commission des finances, a insisté sur les principes qui fondent ce PLFSS et qui en sécurisent le financement : le principe de la protection sociale selon lequel chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. C’est bien dans cet esprit que nous avons structuré ce texte à la fois « ambitieux et réaliste », pour reprendre les termes de Mme Rabault, ce afin de répondre aux attentes de la population.
Le Gouvernement partage tout à fait certaines des préoccupations de Mme Fraysse. Nous engageons sur plusieurs points une politique qu’il va nous falloir mener plus loin. Le rétablissement de la justice, le retour à un équilibre respectueux des préoccupations et des attentes sociales des Français, doivent se construire dans la durée. Reste que le PLFSS constitue une avancée tout à fait importante dans ce sens.
Plusieurs d’entre vous sont intervenus sur les taxes comportementales prévues par le texte. À cet égard, je me réjouis du travail mené sous l’égide de la présidente Catherine Lemorton qui a réuni la commission à plusieurs reprises sur la question, en particulier, de l’addiction des jeunes, sur la manière de mettre en œuvre des politiques de santé publique qui ne s’appuient pas seulement sur la fiscalité mais aussi et surtout sur la prévention et l’accompagnement.
Laissez-moi encore une fois vous remercier, mesdames et messieurs les députés, pour la qualité de vos interventions, de vos propositions d’amélioration du texte – nous allons avoir l’occasion d’en discuter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Comme le veut l’usage, je commencerai par m’adresser à l’opposition. J’entends bien les critiques formulées à l’encontre de ce PLFSS qui ne permettrait pas la réalisation d’assez d’économies et à cause duquel, en contrepartie, il serait procédé à trop de prélèvements.
Pour ce qui est des économies, l’ONDAM a été fixé à 2,7 % pour 2013, soit une économie de 2,4 milliards d’euros par rapport à la tendance, une économie comparable à la dernière année de responsabilité de l’ancienne majorité tandis que, au cours de la précédente législature, l’ONDAM a progressé en moyenne de 3,3 %, c’est-à-dire 0,6 point de plus que ce que nous proposons. Il ne semble donc pas qu’en matière d’économies nous soyons en retard, d’autant que ce pourcentage d’évolution est fonction de l’exécution. Or si l’on compare ce qui est comparable, le dernier ONDAM voté par la majorité précédente pour une année pleine était supérieur à celui, plus flatteur, présenté par ceux qui défendent le bilan de cette précédente majorité, soit 2,8 % au lieu de 2,5 %. Nous n’avons donc pas de leçon à recevoir en matière d’économies, d’autant que nous menons une politique de maîtrise de la dépense qui se compare très facilement à celle de nos prédécesseurs.
Les prélèvements sont ce qu’ils sont – importants – et nous les assumons parce que l’urgence, au-delà de la mise en œuvre de politiques nouvelles, consiste à rétablir les comptes sociaux. À l’occasion des questions au Gouvernement j’ai indiqué les chiffres – corrigeant au passage ceux donnés par un député de l’UMP : le déficit cumulé des dix ans de majorité UMP représente 160 milliards d’euros, c’est beaucoup, c’est trop ; le déficit de cette année, sans mesures de correction, c’est 19,4 milliards d’euros, ici aussi, c’est beaucoup trop. Nous ramenons ce déficit à 13,7 milliards d’euros. Nous ne pouvons pas le faire uniquement par des mesures d’économies. Il faut donc prévoir des prélèvements complémentaires.
Ces prélèvements ne s’effectuent pas au détriment de ce que nous estimons – peut-être conjointement – devoir être la mission de la protection sociale : aucun déremboursement n’est prévu, aucune augmentation de cotisations, aucune nouvelle franchise, aucune taxe sur les mutuelles, toutes mesures prises par la majorité précédente et dont il est difficile d’affirmer qu’elles auraient épargné les classes moyennes – chacun sait bien qu’il n’en est rien. Nous assumons ces prélèvements de la même manière que les tenants du bilan de la majorité précédente assument le fait qu’il se résume, qu’on le veuille ou non, à une augmentation du reste à charge pour les familles, une diminution du taux moyen de remboursement et une aggravation des déficits.
Ce bilan est préoccupant. Je peux concevoir que la précédente majorité a conduit une politique sociale dans des conditions délicates, mais il faut trouver d’autres raisons que la crise pour justifier le déficit cumulé de 60 milliards d’euros à l’issue de la législature 2002-2007, à savoir avant la crise. Comment expliquer ce déficit autrement que par l’impasse de l’équation budgétaire que vous aviez décidé de résoudre par l’endettement, que par une diminution de la ressource sans maîtrise de la dépense. C’est ce que vous avez fait au moins pendant cinq ans alors que, je le répète, la crise n’avait pas encore éclaté. C’est précisément ce que nous ne voulons pas faire dans les cinq ans qui viennent, lors même que la crise se prolonge.
Quant aux prévisions de croissance, elles sont naturellement critiquables. Lorsque j’étais député de l’opposition, je ne me suis d’ailleurs pas gêné pour critiquer les prévisions de croissance du Gouvernement de l’époque. Subir aujourd’hui ces critiques me paraît par conséquent de bonne guerre, encore que j’ai souvenir que, en commission des finances, certains députés de l’opposition ont décidé de ne pas contester ces chiffres. Attendons de voir ce qu’il en sera. Les uns, sans doute instruits par l’expérience, se montrent d’ailleurs plus responsables que d’autres, enthousiastes à l’idée de critiquer le Gouvernement dans tous ses choix et dans toutes ses hypothèses. Là encore, le débat parlementaire est émaillé de ce type d’outrances.
Je vois l’ancien président de l’Assemblée paraître douter de ce que je dis et pourtant, quand il était au perchoir, ce ne sont pas les outrances de la majorité précédente qui le gênaient.
M. Bernard Accoyer. Même quand on ne dit rien on se fait agresser !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Pour ce qui est des critiques émises à l’encontre des politiques nouvelles, à la différence de la majorité précédente, monsieur Accoyer, les mesures que nous proposons sont financées.
M. Bernard Accoyer. Je demande votre protection, madame la présidente !
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est préventif, monsieur Accoyer !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire est financée par un transfert entre familles. Il ne s’agit donc pas d’une amputation de crédits qui se ferait au détriment des familles mais simplement d’un déplacement de l’ordre de 450 à 480 millions d’euros des ménages les plus aisés – pas forcément riches – vers les plus défavorisés.
Je vous rappelle que, ces cinq dernières années, le taux de pauvreté est passé de 7,8 % à un peu moins de 13 % en France. Ces chiffres font aussi partie du bilan que j’aimerais vous voir assumer avec un peu plus de constance et de lucidité.
C’est parce que nous assumons notre politique, que nous la finançons, que reviendra le débat sur la compétitivité que nous avons abordé au moment de l’examen du PLF et que nous poursuivrons probablement lors de la discussion sur le PLFSS. Je n’anticipe pas mais vous connaissez déjà les raisons qui nous ont amenés à revenir sur la hausse de la TVA : nous pensons que la bonne politique économique pour l’année prochaine consiste à ménager la consommation des ménages puisque, chacun le sait, elle est le moteur, pour les deux tiers, de la croissance économique de la France et que nous avons besoin d’un peu de croissance.
Il est vrai que le consensus des économistes donne un chiffre nettement inférieur à notre prévision : 0,3 %. Seulement, entendons-nous sur ce que signifie le consensus des économistes : il n’est que la moyenne des prévisions faites par les économistes de différentes institutions bancaires, financières ou d’organismes de recherche ou d’étude. Il s’agit bien d’une moyenne et non d’un accord entre économistes sur l’estimation du taux de croissance pour 2013. Et si, pour certains économistes, le risque d’une récession de 0,7 % est réel, pour d’autres une croissance de 1,2 ou 1,3 % est tout à fait envisageable. Je prends pour habitude de citer la chef économiste de HSBC et j’invite les uns et les autres à examiner ses prévisions de ces dernières années et à les confronter aux chiffres de la croissance constatée a posteriori. Je ne prétends pas que Mathilde Lemoine ne s’est jamais trompée mais elle s’est plutôt moins trompée que les autres ; or elle annonce une croissance de 0,9 % pour l’année prochaine. Il ne me semble donc pas que notre hypothèse de croissance de 0,8 % soit la plus choquante.
Je remercie, donc, les députés de l’opposition pour leur contribution au débat. Permettez-moi maintenant de remercier les députés de la majorité, à commencer par le rapporteur Gérard Bapt, puis la présidente de la commission, Catherine Lemorton, pour leur coopération avec le Gouvernement, très fructueuse, très intéressante, très utile au pays. Mme Valérie Rabault, pour sa part, en tant que rapporteure pour avis de la commission des finances, a mis en perspective de façon très utile le PLFSS. Elle a porté un regard indispensable sur le texte et je ne doute pas que ses travaux contribueront à sa bonne compréhension. Je ne saurai bien sûr oublier Christian Paul.
Tous ont bien rappelé la situation que nous trouvons et que nous devons gérer en gardant en priorité à l’esprit le nécessaire apurement des comptes sociaux, indispensable pour que notre protection sociale continue durablement de garantir l’unité nationale – son rôle depuis la Libération. Des comptes aussi gravement déficitaires minent non seulement la protection sociale mais encore la confiance qu’ont les citoyens en elle.
Je remercie également Monique Iborra pour avoir rappelé que le contexte budgétaire est des plus préoccupants. Jean-Louis Roumegas a fait des remarques comparables pour lesquelles je le remercie aussi. Contexte qui oblige, les députés de la majorité l’ont souligné, à prendre les mesures nécessaires pour assurer le financement de la protection sociale dans la durée, sans renoncer, naturellement, à notre modèle et en garantissant le meilleur accès de tous aux soins.
Marisol Touraine a indiqué les voies et les moyens que le Gouvernement entendait privilégier pour que cette égalité d’accès aux soins soit, non pas confortée, mais rétablie, car nous savons les problèmes que rencontrent beaucoup de nos concitoyens dans leurs démarches d’accès aux soins, et même aux soins primaires.
Michel Issindou et Denys Robiliard ont souligné très justement que ce redressement devait se faire dans un esprit d’équité, et dès cette année. Je les remercie tous deux d’avoir évoqué nos mesures en faveur du pouvoir d’achat des plus modestes de nos compatriotes, que je viens moi-même de rappeler aux parlementaires de l’opposition.
Merci également à Jean-Noël Carpentier, à la présidente Lemorton, ainsi bien sûr qu’à Jacqueline Fraysse, pour avoir donné leur approbation de principe sur ce projet. J’ai bien entendu, madame la députée Fraysse, votre souhait de voir le Gouvernement aller encore plus loin. Nous devons suivre un chemin de crête étroit, entre ce que nous estimons être une impérieuse nécessité, cesser de nous endetter, et une ardente obligation, préserver notre modèle de protection sociale. Même si ce chemin est étroit, je ne doute pas qu’avec votre concours, nous saurons le suivre, sans verser ni d’un côté, ni de l’autre.
Je voudrais adresser des remerciements particuliers à Jean-Marc Germain pour son intervention : il a su mettre en perspective la stratégie que nous adoptons en matière de recettes et je lui sais gré d’avoir explicité ce qui avait peut-être besoin de l’être.
Les orateurs de la majorité ont exposé plus particulièrement certaines de nos mesures, à commencer par la taxe sur les boissons énergisantes. À cet égard, je tiens à remercier Gérard Bapt et Gérard Sebaoun pour leur initiative, qui a été largement soutenue, ainsi que Dominique Orliac et Véronique Massonneau. Comme Marisol Touraine l’a indiqué, le Gouvernement est particulièrement intéressé par cette disposition de santé publique.
S’agissant des droits sur la bière, Catherine Lemorton et le rapporteur Gérard Bapt ont indiqué que cette mesure était évidemment utile à la santé publique. Je les remercie, au nom du Gouvernement, d’avoir également fait des propositions pour améliorer le texte.
Merci encore à Valérie Rabault et à Jean-Marc Germain, que j’ai déjà cités, pour leurs propos sur la suppression du calcul forfaitaire des cotisations. Il s’agit bien là, tout en respectant un dispositif fiscal instauré par la gauche, maintenu par la droite, et toujours assumé par la gauche, de préserver les droits des salariés qui, aujourd’hui, ne le sont pas suffisamment, tant il est vrai que le droit d’option fait souvent préférer le système forfaitaire au système réel. Le choix que nous avons fait de préserver les droits des salariés a été parfaitement exprimé par l’un et l’autre de nos collègues : qu’ils en soient remerciés.
M. Arnaud Robinet. On peut s’en aller ! (Sourires.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Merci à Michel Issindou pour être revenu sur les nécessaires mesures de financement des retraites.
M. Bernard Accoyer. Si nous pouvons faire quelque chose pour vous, prévenez-nous ! (Sourires)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Enfin, Martine Pinville, Jerôme Guedj et Martine Carrillon-Couvreur ont bien indiqué que ce PLFSS préparait une réforme majeure, celle de la prise en charge de l’autonomie. Cette réforme, que l’on sait nécessaire, et que nos prédécesseurs avaient qualifiée d’obligation morale, avait donné lieu, l’été dernier, à une concertation, au terme de laquelle le Premier ministre de l’époque avait fait la promesse de mettre cette réforme en œuvre avant la fin de l’année dernière.
M. Éric Woerth. On n’en avait pas les moyens !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. On sait que de réforme, il n’y eut pas. Ce devoir nous échoit aujourd’hui, et nous l’accomplirons, je l’espère, de manière satisfaisante, sous le contrôle de l’opposition, à laquelle je me permettrai de rappeler qu’elle a beaucoup promis, mais très peu fait en la matière.
Joëlle Huillier et Gérard Bapt ont rappelé que le financement de cette réforme serait assuré par diverses mesures. Merci à ceux qui ont compris que la contribution additionnelle à la solidarité active était naturellement une anticipation du nécessaire financement de cette réforme de la prise en charge de l’autonomie.
J’espère, mesdames et messieurs les députés, avoir répondu comme il convenait aux parlementaires de l’opposition, qui vont naturellement contribuer à ce débat de manière intéressante et fructueuse, ainsi qu’aux parlementaires de la majorité, donc le Gouvernement espère la contribution et le soutien, à l’occasion de l’examen des amendements, et surtout du vote final, qui interviendra d’ici quelques jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – « Amen » sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, avant que ne s’engage la discussion des articles, je souhaite vous dire quelques mots de la manière dont j’ai contrôlé la recevabilité des amendements déposés sur ce texte.
Sur les 719 amendements déposés, 138 ont été déclarés irrecevables, soit 19 % d’entre eux : comparé aux années précédentes, où il avoisinait les 30 %, ce taux est relativement modeste.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quel laxisme ! (Sourires )
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Comme vous le savez, les amendements aux projets de loi de financement doivent être conformes, non seulement à l’article 40 de la Constitution, mais aussi aux dispositions de la LOLFSS, qui définit le domaine de la loi de financement, et conduit à censurer – de façon plus stricte encore que dans les lois de finances – ce que l’on nomme désormais les « cavaliers sociaux ».
J’ai naturellement déclaré irrecevables les soixante-dix amendements créant ou aggravant une charge publique : la plupart visaient à élargir le champ des frais et remboursements pris en charge par la sécurité sociale ou à accroître les prestations versées. J’ai par ailleurs censuré trois amendements qui constituaient une perte de recettes non gagée. En revanche, j’ai fait preuve de compréhension en rectifiant les amendements mal gagés, qui compensaient généralement la perte de recettes pour l’État, et non pour la Sécurité sociale.
S’agissant des cavaliers sociaux, le Conseil constitutionnel censure tout amendement n’ayant pas d’impact, ou un impact trop indirect, sur l’équilibre des régimes de base de la Sécurité sociale : à ce titre, j’ai écarté soixante-cinq amendements. Certains d’entre eux modifiaient des règles de procédure ou de composition de certaines structures, comme les commissions de contrôle des manquements aux règles de facturation. D’autres portaient sur le contenu des ordonnances délivrées par les professionnels de santé. Sachez, madame la présidente de la commission des affaires sociales, que j’ai écarté ces amendements avec d’autant plus de regret, que mon épouse, qui est pharmacienne d’officine, aurait totalement approuvé ceux que vous avez déposés pour encourager les médicaments génériques.
D’autres amendement encore avaient trait à la certification des établissements de santé ou au plafonnement des dépassements d’honoraires, non pris en charge par la sécurité sociale. Enfin, plusieurs amendements auraient dû être déposés en projet de loi de finances – certains l’avaient d’ailleurs été – car ils portaient sur des crédits d’impôt affectant les recettes de l’État. Pour tous ces amendements, dont la censure ne préjuge évidemment pas de l’intérêt, le projet de loi de financement ne constituait pas le bon véhicule, et j’invite leurs auteurs à les redéposer, soit sur un projet de loi ordinaire – mais, il n’y en a hélas pas tellement en perspective –, soit sur un projet de loi de finances, par exemple sur le collectif budgétaire de fin d’année, que nous examinerons dans quelques semaines
Au total, je me suis efforcé d’exercer ma mission avec souplesse et discernement, et je suis certain que les 581 amendements qui restent en discussion nous permettront d’avoir un débat nourri. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement, en commençant par la première partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives à l’exercice 2011.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général.
M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général. L’article 1er concerne l’approbation des tableaux d’équilibre pour l’exercice 2011.
Je tiens d’abord à rappeler le lourd déficit de cette année, qui s’élève à 19 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires et à 17 milliards pour le régime général, dont, respectivement, 7,9 et 6 milliards d’euros au titre des retraites.
Monsieur le ministre – et ma remarque vaut aussi pour Mme la ministre des affaires sociales, puisque vous êtes tous deux concernés –, je veux attirer votre attention sur le fait que la Cour des comptes a de nouveau refusé la certification des comptes de la branche famille. Son argumentation pointait d’abord des insuffisances en matière de gestion, mais aussi d’autres problèmes, parmi lesquels des erreurs sur les prestations, dont le coût s’est élevé, pour les années 2010 et 2011, à 1,6 milliard d’euros pour les seules prestations légales, lesquelles sont malheureusement souvent présentées comme relevant de la fraude, alors qu’il s’agit de prestations indues et récupérables.
La Cour déplorait également les insuffisances des systèmes d’information, qui demeurent peu fiables. Je souhaite attirer votre attention sur le fait que le contrat d’objectif et de gestion va bientôt être renégocié avec la CNAF. À cet égard, les précédents contrats ont donné des signes de défaillance en matière de gestion. Malheureusement, aucune modification en matière de gestion n’est résultée des remarques faites à la fois par l’État et par la Cour des comptes, notamment en ce qui concerne les services d’information. Or il y a là des économies structurelles à faire et je compte vous remettre très prochainement un rapport sur le sujet.
Je voulais enfin signaler, car cela me paraît, non pas anecdotique, mais paradoxal, qu’en 2011 a débuté le décaissement du fonds de réserve des retraites au profit de la caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, à hauteur de 2,1 milliards d’euros. Quel paradoxe de voir ce fonds de réserve pour les retraites, qui avait été créé par le gouvernement Jospin, servir, année après année, à rembourser la dette, dont le montant, pour les dix dernières années a atteint, comme cela a été rappelé, 160 milliards d’euros.
En dépit de ces observations, madame la présidente, la commission a bien entendu voté cet exercice clôturé de 2011.
(L’article 1er est adopté.)
(L’article 2 est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.
(L’ensemble de la première partie du projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. Nous abordons maintenant la deuxième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives à l’année 2012.
Mme la présidente. Sur l’article 3, la parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 549.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, tendant à parfaire le rôle dévolu au nouveau prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine.
(L’amendement n° 549, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de coordination du Gouvernement, n° 756.
(L’amendement n° 756, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie par la commission de trois amendements de précision ou de conséquence nos 423, 425 et 424.
(Les amendements nos 423, 425 et 424, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
(L’article 3, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement rédactionnel, n° 351, de M. Gérard Bapt.
(L’amendement n° 351, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 4, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, inscrit sur l’article 5.
M. Jean-Pierre Door. Je voudrais remercier M. Cahuzac d’avoir rappelé que l’opposition était en droit d’exister. Lorsqu’il était parlementaire, il ne se privait pas non plus d’intervenir, et il ne faisait pas non plus des interventions « bisounours ». Il en va de même de Mme Touraine : on s’en souvient très bien, et j’ai relu tous les comptes rendus des cinq dernières années, au cours desquelles elle est intervenue sur les PLFSS. Merci, donc, de nous conforter dans cette position.
Au sujet de l’article 5, je voudrais vous dire que le déficit prévisionnel s’établit à 13,3 milliards d’euros, ce qui représente une amélioration de 4,1 milliards d’euros par rapport à 2011, et même de 4,7 milliards d’euros si l’on se réfère à la loi de financement initiale. Au total, il s’agit donc de 3,5 milliards d’euros de mesures d’économies sur les dépenses, qui doivent être mises au crédit du gouvernement précédent.
Il faut rendre à César ce qui est à César et accepter que nous puissions vous interpeller sur ce projet, en vous donnant notre point de vue.