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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 21 mai 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

2. Questions au Gouvernement

Maintien de l’ordre public

M. Bernard Debré

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Agressions contre les forces de l’ordre

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Livre blanc sur la défense

M. Philippe Folliot

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Lutte contre l’homophobie

Mme Véronique Massonneau

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Politique du Gouvernement

Mme Catherine Vautrin

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Construction de logements

Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Enseignement supérieur et recherche

M. Patrick Hetzel

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Projet de loi sur la consommation

M. Frédéric Barbier

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Politique à l’égard des entreprises

Mme Laure de La Raudière

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Prise en charge de la dépendance

Mme Jeanine Dubié

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Corse

M. Laurent Marcangeli

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Développement de la cogénération industrielle

Mme Sophie Errante

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Politique d’austérité et centrale d’Hornaing

M. Jean-Jacques Candelier

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Conséquences des inondations

M. Rémi Delatte

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Fraude fiscale

M. Yann Galut

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Denis Baupin

3. Fixation de l’ordre du jour

M. le président

M. Patrick Hetzel

4. Autorisation de légiférer pour accélérer les projets de construction

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d'un projet de loi

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Mme Annick Lepetit, rapporteure de la commission des affaires économiques

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Motion de renvoi en commission

M. Lionel Tardy

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, Mme Annick Lepetit, rapporteure, Mme Michèle Bonneton, M. François Pupponi, M. Philippe Le Ray, M. Michel Piron, M. André Chassaigne, M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Discussion générale

Mme Michèle Bonneton

M. Jacques Krabal

M. André Chassaigne

M. Henri Jibrayel

M. Jean-Marie Tetart

M. Michel Piron

M. François-Michel Lambert

Mme Audrey Linkenheld

M. François de Mazières

M. Jacques Bompard

M. Daniel Goldberg

Mme Laure de La Raudière

Mme Frédérique Massat

M. Jean-Luc Laurent

M. Sylvain Berrios

M. Mathieu Hanotin

Mme Marie-Hélène Fabre

Mme Catherine Vautrin

M. Thierry Mandon

Mme Jacqueline Maquet

Mme Cécile Duflot, ministre

Mme Annick Lepetit, rapporteure

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à M. Nikom Waïratpani, président du Sénat du Royaume de Thaïlande. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Maintien de l’ordre public

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard Debré. Monsieur le Premier ministre, une semaine après la mise à sac du Trocadéro par des bandes de casseurs, c’est toujours l’heure des comptes et des rappels historiques. Souvenez-vous : le 24 mars dernier, votre ministre de l’intérieur avait donné l’ordre de charger et de gazer des familles avec des poussettes (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC), sans doute parce qu’elles lançaient de dangereux nounours ou des biberons sur les CRS ! Ces gens étaient alors traités de « dangereux casseurs » par Manuel Valls.

La semaine dernière, au Trocadéro, M. Valls a cette fois donné l’ordre, irresponsable, aux CRS de reculer. Sous les yeux des habitants et des commerçants, les forces de l’ordre ont alors abandonné la place aux casseurs, aux barres de fer et aux tessons de bouteille. Ceux-là étaient de véritables casseurs : il ne s’agissait pas de simples mouvements de foules. Les témoignages des habitants sont accablants. Vous le sauriez, si votre ministre s’était rendu sur place constater lui-même les dégâts.

Monsieur le Premier ministre, l’ordre public, cela ne peut être deux poids, deux mesures. Le manque d’anticipation et la naïveté de M. Valls ont coûté cher : les commerces ont été saccagés, le mobilier urbain dévasté ; l’image de la France a été atteinte ; Paris a souffert. Les Parisiens ont été meurtris et les commerçants traumatisés. Depuis une semaine, ils doivent réparer vos dégâts. Les démarches auprès des assureurs seront longues. Il faut remplacer les vitrines, racheter les biens détruits, se faire indemniser des pillages et surtout reprendre une vie normale. Certains commerçants ont mêmes dû fermer plusieurs jours.

Qu’avez-vous prévu pour faciliter les démarches de ces hommes et de ces femmes qui ont investi parfois toute une vie dans leur commerce ?

Monsieur le Premier ministre, un an de fuite et de défaussement, cela suffit ! Prenez vos responsabilités maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur Bernard Debré, en matière de violences, de lutte contre la délinquance, de maintien de l’ordre, il n’y a pas de place pour le laxisme. Le rôle des forces de l’ordre, dans des situations parfois très difficiles, comme cela a été le cas par le passé en 2005 et en 2010, est d’agir pour permettre ensuite à la justice de punir.

M. Charles de La Verpillière. Bla-bla-bla !

M. Manuel Valls, ministre. C’est évidemment ce qui se passe : quarante-trois personnes ont été interpellées car les violences de la semaine dernière étaient inacceptables, et cela vaut pour toutes les manifestations. Dans notre pays, celles-ci sont évidemment permises puisque nécessaires à l’expression du débat public, c’est un droit constitutionnel, un droit démocratique. Mais ce qui est inacceptable, c’est que certains s’en prennent aux forces de l’ordre, comme ces groupes identitaires d’extrême droite il y a quelques jours – vous auriez pu en parler puisque vous êtes élu de Paris – lorsqu’un commissaire de police courageux a été aspergé d’un produit inflammable par un individu. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Charles de La Verpillière. Ce n’est pas vrai !

M. Manuel Valls, ministre. L’ordre public, l’ordre républicain, doit s’appliquer partout, et nous nous y attelons depuis un an en donnant plus de moyens à la police et à la gendarmerie, plus de considération aux forces de l’ordre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de La Verpillière. Bla-bla-bla !

M. le président. Monsieur de La Verpillière, je vous en prie !

M. Manuel Valls, ministre. Enfin, monsieur le député, j’ai relevé que vous avez parlé, à votre tour, de « gazage ». Un de vos collègues de l’opposition l’avait déjà fait, c’est inacceptable. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Claude Perez. C’est honteux !

M. Manuel Valls, ministre. Vous ne pouvez pas utiliser un tel vocabulaire en parlant des forces de l’ordre, des compagnies républicaines de sécurité, des escadrons de gendarmerie, de la hiérarchie de la police et de la gendarmerie. Je le répète : employer de tels termes est inacceptable.

M. Charles de La Verpillière. Diversion !

M. Manuel Valls, ministre. C’est vous qui, par de tels mots, organisez le désordre ; c’est la majorité et le Gouvernement qui impose l’ordre républicain. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Agressions contre les forces de l’ordre

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre de l’intérieur, hier, vous avez présidé la cérémonie d’hommage à Aurélie Fouquet, policière municipale de la commune de Villiers-sur-Marne, tuée il y a trois ans dans l’exercice de ses fonctions, alors que son collègue Thierry Moreau était, quant à lui, grièvement blessé.

Hier également, vous avez rendu hommage aux policiers de la brigade anticriminalité parisienne, Boris Voelckel et Cyril Genest, tués en service il y a deux mois, alors qu’un de leurs collègues, Frédéric Kremer, était, quant à lui, grièvement blessé.

Dimanche dernier à Guérande, vendredi dernier à Fosse et dans le Lot, comme précédemment dans les Yvelines, des individus ont délibérément pris pour cible des fonctionnaires qui opéraient des contrôles, en les blessant, pour certains, très grièvement. Bien entendu, cela est inacceptable.

Dans quelques jours, vous allez commémorer le triste anniversaire du drame des Collobrières où Alicia Champion et Audrey Berthaut, deux femmes gendarmes, ont perdu la vie.

Nous nous sommes associés à l’hommage que la nation a rendu à ces femmes et à ces hommes qui ont perdu la vie dans l’exercice de leurs missions, en assurant notre soutien à leurs familles durement éprouvées, ainsi qu’aux fonctionnaires blessés.

Quelles lourdes interrogations provoquent ces faits qui méprisent et refusent l’autorité des fonctionnaires, chargés des hautes missions de sécurité et de tranquillité publique, et qui incarnent aussi l’exigence du respect de la loi, de la règle commune sans laquelle aucun corps social ne peut construire son avenir !

Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez rappelé que ces fonctionnaires étaient le symbole de l’engagement de tant d’autres qui, confrontés quotidiennement à la violence de notre société, restent les garants de notre pacte républicain et de notre paix sociale.

Face à ce défi, qui met en cause la sécurité de nos concitoyens et celles des fonctionnaires qui ont justement la charge de les protéger, comment l’État, dans ses fonctions régaliennes, doit-il et veut-il affronter cette réalité grave ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, nous étions en effet hier, avec votre collègue Jacques-Alain Bénisti, à Villiers-sur-Marne, dans le Val-de-Marne, pour rendre hommage à Aurélie Fouquet, policière municipale.

C’est vrai que les forces de l’ordre, policiers, gendarmes – et policiers municipaux, que je ne veux pas oublier –, paient leur engagement parfois de leur vie et souvent de leur intégrité physique. Nous leur devons évidemment soutien et confiance, parce qu’il y a de la violence dans la société.

En 2010, 1 408 militaires de la gendarmerie ont été blessés ; ils étaient 1 439 en 2011 et 1 342 en 2012. Notre société vit donc cette réalité depuis longtemps. Au-delà du soutien et de la confiance, nous y répondons par l’action de la justice, dont je discute souvent avec la garde des sceaux, qui doit être impitoyable à l’égard de ceux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui s’en prennent aux forces de l’ordre.

D’ailleurs, votre collègue Bénisti le disait très justement hier, à l’occasion de cet hommage. Mesdames et messieurs de l’opposition, si vous étiez capables de discernement sur ce sujet, vous pourriez vous rassembler tous contre l’insécurité et la violence. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous n’avez aucune leçon à donner dans ce domaine, au vu des résultats.

L’une des façons de soutenir la police et la gendarmerie, monsieur le député, c’est de leur donner des moyens supplémentaires. Après une hémorragie dans les effectifs et la suppression de 10 000 postes de policiers et de gendarmes, ce gouvernement créé des postes supplémentaires. La police et la gendarmerie ont besoin de moyens humains, techniques, scientifiques et financiers pour faire face à la délinquance.

Oui, mesdames et messieurs de l’opposition, vous n’avez pas pris vos responsabilités quand vous étiez au pouvoir. Oui, nous, nous les assumons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Livre blanc sur la défense

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre de la défense, il y a peu, avec une délégation pluraliste de la mission d’information parlementaire, nous étions au Mali et nous avons pu constater sur place le formidable travail accompli par nos hommes dans des conditions difficiles et face à des adversaires redoutables.

Hommage doit être rendu à nos six soldats qui ont payé de leur vie cet engagement et à leurs frères d’armes pour avoir quasi éradiqué de dangereux mouvements terroristes faisant planer de lourdes menaces sur notre sécurité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI, UMP et SRC.)

La question qui se pose est la suivante : demain, une telle intervention, avec de tels résultats, sera-t-elle possible ? Le Livre blanc de la défense, récemment publié, consacre l’abandon d’une telle ambition pour la France et sa défense. Une fois encore, on demande à nos armées de continuer à faire plus, mais avec moins.

Monsieur le ministre de la défense, nous sommes tous ici conscients des contraintes budgétaires très fortes. Elles pèsent déjà sur le budget des armées, qui, plus que tous les autres, ont fait des efforts drastiques d’économie ces dernières années.

Sa baisse programmée sur cinq ans et les 24 000 suppressions de postes supplémentaires, au-delà des 55 000 déjà effectuées, toucheront inéluctablement les unités opérationnelles, d’autant plus que de réels doutes subsistent sur les recettes exceptionnelles que vous comptez mobiliser pour équilibrer ces budgets.

La baisse des objectifs opérationnels et des niveaux de livraison de matériel auront de lourdes conséquences économiques et sociales, sans parler de la récente annonce de l’achat de deux drones américains, qui laisse nos industriels nationaux perplexes.

Ce Livre blanc marque l’affaiblissement de notre défense et témoigne donc de la vision d’une France étriquée, reléguée au rôle d’une puissance continentale et européenne. Les députés du groupe UDI considèrent que, sur ce sujet crucial, il est nécessaire de parvenir à un consensus national, comme nous l’avons fait sur le Mali.

Monsieur le ministre, quelle est la stratégie d’avenir du membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU qu’est la France, pour sa défense et celle de l’Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, je vous remercie de votre question sur le Libre blanc et de l’hommage que vous rendez à nos soldats de l’opération Serval.

Nous étions ensemble au Mali et nous avons pu constater les conditions très difficiles dans lesquelles ils exercent leur mission. Mais nous avons pu constater aussi, avec vos collègues de la commission de la défense, la qualité et le professionnalisme de leur action ainsi que la force de leur courage.

Ils continuent à opérer tous les jours, y compris aujourd’hui, même si on en parle moins dans les médias : la force Serval effectue des missions quotidiennes pour poursuivre l’éradication du mal terroriste qui menaçait d’envahir ce pays.

Vous faites référence au Livre blanc et vous vous inquiétez de la permanence stratégique de notre pays.

M. Guy Geoffroy. À juste titre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Après une visite en Grande-Bretagne, je me suis rendu aux États-Unis il y a deux jours. Mes collègues ministres de la défense ont rendu hommage à la qualité de notre Livre blanc et au fait que la France ne baissait pas la garde et qu’elle assurait sa permanence stratégique.

M. Yves Nicolin et M. Lionnel Luca. Baratin !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ils ont raison, en particulier sur le fait que les trois missions majeures de notre défense – la protection du territoire, la dissuasion et la capacité d’intervention, y compris d’intervention en premier – seront maintenues, dans les perspectives du Livre blanc. L’entrée financière du Livre blanc sera à la même hauteur que le budget 2013, qui était lui-même à la même hauteur que le budget 2012, voté sous l’ancienne majorité. Vous voyez qu’il y a une permanence de l’effort. Mais ce Livre blanc permettra de remédier à des lacunes qui n’ont pas été comblées auparavant, en particulier dans les domaines de la cyberdéfense, des drones, du ravitaillement en vol et du transport logistique. Nous allons combler tous ces vides sécuritaires, pour la permanence de nos choix stratégiques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Lutte contre l’homophobie

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. Ma question s’adresse à Mme la ministre des droits des femmes.

Au cours des douze derniers mois, près de 2 000 témoignages de victimes d’actes homophobes ou transphobes ont été enregistrés par SOS homophobie ; c’est 27 % de plus qu’en 2011. Dans le même temps, l’association Le Refuge, qui accueille de jeunes homosexuels rejetés par leur famille, fait état d’une croissance inédite des appels de détresse.

Certaines bonnes âmes – je dis « bonnes » pour rester polie – croient avoir trouvé l’explication : dans tous les pays qui ont adopté le mariage entre personnes de même sexe, nous dit-on, il y a recrudescence de l’homophobie. Cet argument est d’une stupidité confondante : c’est un peu comme si on rendait le mouvement pour les droits civiques responsable de la résurgence du Ku Klux Klan dans l’Alabama des années cinquante.

M. Franck Gilard. Eh oui !

Mme Véronique Massonneau. Derrière cette pseudo-analyse se cache une justification en creux de l’injustifiable, comme si un débat démocratique pouvait déraper, presque naturellement, dans la stigmatisation et la violence homophobes.

Madame la ministre, cette recrudescence constatée de l’homophobie est à nos yeux la résultante de deux facteurs distincts. Le premier, détestable, tient à la libération irresponsable d’une parole homophobe latente dans certains secteurs de la société. Le second est plus rassurant : c’est le refus des victimes de rester silencieuses et de souffrir sans rien dire brimades et violences psychologiques ou physiques. Aujourd’hui, à Paris, l’égalité sera fêtée, mais n’oublions pas les souffrances !

Madame la ministre, nous sommes fiers d’appartenir à une majorité qui, la première, a mis en place un programme d’action interministériel de lutte contre les violences et les discriminations homophobes ou transphobes. Pouvez-vous nous détailler le bilan, à ce jour, de sa mise en œuvre, et nous en indiquer les perspectives pour les prochains mois ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, l’homophobie commence quand on mesure la valeur d’un individu à l’aune de son orientation sexuelle. La loi sur le mariage pour tous, promulguée samedi dernier, était à cet égard un préalable indispensable, puisqu’elle disqualifie de fait cette idée d’une hiérarchie entre les individus : jusqu’alors, il était effectivement très compliqué d’expliquer, en particulier aux plus jeunes, qu’il n’y avait pas d’échelle de valeur distinguant un homosexuel d’un hétérosexuel alors même que l’on n’accordait pas les mêmes droits au premier et au second.

Pour autant, cette loi de mariage pour tous n’est pas un solde de tout compte en matière de lutte contre l’homophobie. Nous avons vu que les réflexes homophobes sont encore présents dans notre société ; pire, ils ont même redoublé jusque dans nos rues.

M. François Rochebloine. À qui la faute ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il faut donc s’y attaquer avec fermeté et détermination, sans aucune ambiguïté, sans aucune compromission, et, j’espère, de façon rassemblée, car le sujet est grave.

Le gouvernement auquel j’appartiens a, c’est vrai, adopté, à la demande du Premier ministre, le premier plan intégré de lutte contre l’homophobie, qui mobilise l’ensemble des administrations et des forces de l’État. Nous avons en particulier fait en sorte que, dès l’accueil, les choses se passent beaucoup plus facilement que par le passé pour les victimes d’actes homophobes. J’ai signé vendredi dernier, avec SOS homophobie, une convention de partenariat ; nous allons renforcer cette ligne d’écoute qui a vu ses appels décupler. Nous avons adopté un très large plan de formation des professionnels – magistrats, avocats, infirmiers, enseignants – qui verra le jour dès le mois de juin prochain, pour mieux détecter et mieux accompagner les victimes. Nous allons faire en sorte que les commissariats et les gendarmeries soient destinataires de trames d’audition qui aideront à établir le caractère homophobe des violences commises ; enfin, une circulaire de Mme la garde des sceaux incitera à une plus grande vigilance quant au traitement des plaintes liées à l’homophobie.

Nous allons également aider à lutter contre les stéréotypes et les préjugés qui créent l’homophobie, en faisant en sorte que les associations puissent intervenir dans nos écoles. Voilà notre combat, et nous serons intraitables. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Politique du Gouvernement

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le Premier ministre, 34 % des Français estiment que la politique que vous menez depuis un an participe à la dégradation de la situation économique de notre pays, et 76 % ne font plus confiance au Président de la République.

Il vous faut maintenant assumer la responsabilité de vos décisions et les tristes records qui en résultent. Le chômage explose avec plus de 1 000 chômeurs supplémentaires par jour et 5 millions de demandeurs d’emplois, un record dramatique. Quant à la compétitivité de notre économie, vous l’avez achevée avec le matraquage fiscal. Le taux de marge des entreprises est au plus bas depuis 1985.

Avec 30 milliards d’euros d’impôts supplémentaires votés depuis l’élection de François Hollande, le taux de prélèvements obligatoires va atteindre 46,5 % du PIB. Là encore, c’est un record.

Les conséquences sont immédiates : le pouvoir d’achat des Français diminue pour la première fois depuis trente ans.

Avec votre addiction aux impôts et taxes en tout genre, vous faites peser sur les Français, sur les ménages et sur les entreprises, le poids d’une fiscalité confiscatoire. Le printemps est certes maussade, mais chaque semaine voit fleurir une nouvelle hausse ou une nouvelle taxe, une nouvelle idée : un jour les vins, le lendemain les smartphones et les tablettes ! Demain, vous ferez les poches des retraités entre la hausse de la CSG et la désindexation des pensions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Vergnier. C’est honteux de dire ça !

Mme Catherine Vautrin. Quel crédit nos concitoyens peuvent-ils encore accorder à une majorité qui multiplie les annonces anxiogènes, une majorité qui prend acte de la baisse des chiffres de la croissance, qui prend acte de la récession sans en tirer les conséquences, sans prévoir de collectif budgétaire ?

Quel crédit accorder à un Gouvernement dont l’ancien ministre du budget dit à qui veut l’entendre que ses déclarations sur les prévisions du déficit étaient juste un mensonge aux Français ?

La France s’enfonce dans la récession. La France s’isole en Europe. Les Français s’appauvrissent un peu plus chaque jour. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin réagir ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Madame la députée, je voudrais répondre à trois éléments de votre question.

Premièrement, la récession. Vous soutenez que notre politique en serait à l’origine. Pourtant, lorsque l’on considère l’évolution des taux de croissance respectifs des PIB français et allemands, le différentiel est de 0,2 % en notre faveur. Lorsque la récession est bien plus forte en Allemagne, l’Allemagne mène une bonne politique ; lorsqu’elle est plus faible de 0,2 point en France, nous en menons une mauvaise. Allez comprendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Deuxièmement, l’évolution des dépenses. Vous considérez que nous sommes assez peu prompts à faire des économies ; ce serait la raison pour laquelle nous créerions des impôts. Laissez-moi cependant vous rappeler quelques chiffres ayant trait à un passé récent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. C’est vous qui êtes aux responsabilités, maintenant !

M. Yves Nicolin. Décidément, vous êtes toujours dans le passé !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Au cours du dernier quinquennat, vous avez augmenté de 170 milliards d’euros les dépenses publiques. Dans le même temps, vous avez fait 15 milliards d’économies, dont 11 avec la révision générale des politiques publiques, et vous avez restitué à peu près 1,9 milliard d’euros en mesures catégorielles. Faisons le calcul : tandis que vous augmentiez les dépenses publiques de 170 milliards d’euros par an, vous faisiez 2 milliards d’euros d’économies par an. Nous en faisons 10, et cela ne vous suffit pas. Allez comprendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Troisièmement, permettez-moi de vous rappeler quelques petites choses sur les impôts. Vous aviez pris à ce propos des engagements devant la Commission européenne. En 2015, si vous étiez restés au pouvoir, le taux de prélèvements obligatoires aurait été de 46 % du PIB. Il atteindra finalement, compte tenu des engagements que nous avons pris, de 46,2 %. Autrement dit, 46,2 %, c’est du matraquage fiscal ; 46 % c’est l’Eden fiscal… Allez comprendre !

La réalité, madame Vautrin, c’est que, question après question, vous essayez, devant la représentation nationale et devant les Français, de vous livrer une opération d’enfumage. Nous redressons la France ; vous l’avez affaiblie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Construction de logements

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement. Madame la ministre, notre assemblée examine aujourd’hui en séance publique un projet de loi habilitant le Gouvernement à recourir aux ordonnances pour accélérer les projets de construction de logements.

Notre pays est confronté à une crise du logement extrêmement préoccupante : 3,5 millions de Français sont très mal logés, et 3,8 millions de ménages vivent en situation de précarité énergétique. (« Allô ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Cette crise, nous la devons à l’attentisme qui a prévalu durant ces dix dernières années, mais aussi aux difficultés rencontrées par les élus locaux pour mener à bien leurs projets.

Cette initiative du Gouvernement en la matière était donc attendue. Elle sera donc particulièrement bienvenue. Elle permettra de traduire dans notre droit huit des vingt mesures du plan d’investissement pour le logement présenté par le Président de la République le 21 mars dernier. Encourager, stimuler, faciliter la construction de logements est une priorité évidente pour notre majorité. C’est la raison pour laquelle il est indispensable d’aller vite.

Cela passe par la réduction des délais de mise en œuvre des projets de construction. Cela passe également par la réduction des délais de traitement des recours contentieux dans le domaine de l’urbanisme. Cela passe, enfin, par la possibilité de densifier les programmes, et par le développement du logement intermédiaire. Tout cela contribue, bien sûr, au soutien de l’activité des entreprises du bâtiment, qui en ont tant besoin. Sur ce sujet comme sur tant d’autres, malgré la crise, notre majorité doit tenir bon.

Après l’adoption en janvier de la loi de mobilisation du foncier public, et avant la présentation d’une loi Duflot II, nous ne cessons d’avancer vers l’objectif de construire 500 000 logements par an. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous le devons aux Français.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser dans quelle démarche d’ensemble se situe le Gouvernement, aux côtés des collectivités territoriales, pour relever ce défi majeur qu’est le logement pour tous ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

M. Lucien Degauchy. Et des ordonnances !

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Madame la députée, vous avez fait remarquer avec justesse à la fois la volonté du Gouvernement et la difficulté de la situation. Le logement est un secteur qui subit la crise à un double titre. Tout d’abord, un certain nombre de nos concitoyens ne trouvent plus les moyens de se loger dans de bonnes conditions. Parallèlement, ce secteur a subi plus durement que d’autres, et avec une ampleur très importante, le ralentissement de l’activité dû à la crise.

C’est pourquoi le Gouvernement a décidé d’agir selon une vision de long terme, tout en répondant à l’urgence. Pour répondre à l’urgence, un certain nombre de dispositions ont déjà été prises. Une loi a été votée à la fin de l’année 2012.

M. Lucien Degauchy. On voit les résultats !

Mme Cécile Duflot, ministre. À présent, nous travaillons ensemble, avec les professionnels du secteur, à un projet de loi qui sera débattu à l’Assemblée nationale dès cet été. Ce deuxième projet de loi, comme vous l’avez rappelé, ne nous dispense pas de prendre d’autres dispositions, qui sont aujourd’hui largement soutenues par l’ensemble des acteurs de ce secteur.

M. Lucien Degauchy. Ce n’est pas vrai !

Mme Cécile Duflot, ministre. Elles ont d’ailleurs été largement discutées au cours des travaux en commission, ce dont je me félicite. Elles s’inscrivent dans le cadre du plan d’investissement pour le logement présenté le 21 mars par le Président de la République, et pourront être prises plus rapidement, si le Parlement en décide ainsi, grâce au vote de ce projet de loi d’habilitation.

M. François Rochebloine. Et la TVA ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Ce texte permettra au Gouvernement de prendre des ordonnances pour lutter contre les recours abusifs. Les attentes sont extrêmement fortes en la matière : un système malveillant – dont on peut même dire qu’il s’apparente à un racket – s’est développé dans certains territoires. Ce projet de loi permettra également de mettre en place une procédure intégrée pour la production de logements, de créer un statut pour le logement intermédiaire, et de transformer des immeubles de bureaux vacants en logements grâce à la suppression des freins juridiques qui s’y opposent actuellement, notamment l’obligation de construction de places de stationnement dans des zones déjà très bien desservies par les transports en commun.

Comme vous le constatez, madame la ministre – pardon, madame la députée…

M. le président. Merci.

Mme Cécile Duflot, ministre. Vous pouvez interpréter ce lapsus comme vous le voulez ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Enseignement supérieur et recherche

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Patrick Hetzel. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Comme l’indique la Cour des comptes, entre 2007 et 2012, l’enseignement supérieur et la recherche ont bénéficié d’une augmentation de moyens sans précédent. Depuis votre arrivée, il n’en est – hélas ! – plus de même. En effet, si l’on neutralise le compte d’affectation spéciale « Pensions », le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est en recul en 2013 par rapport à 2012. Cela montre très clairement que ce secteur ne fait pas partie de vos priorités.

Demain, nous débuterons dans cet hémicycle l’examen du projet de loi que vous nous présenterez. Vous avez jugé opportun d’engager la procédure accélérée sur ce texte, ce qui illustre votre malaise et la difficulté que vous avez à défendre cette réforme. Avec cette loi, vous détricotez la loi LRU de 2007. Vous revenez sur l’autonomie des universités et suscitez d’énormes inquiétudes. D’ailleurs, le président de la région Bourgogne, qui appartient pourtant à votre famille politique, est le premier à le dire. C’est un retour en arrière sans précédent. Votre projet va faire prendre du retard à notre enseignement supérieur, alors que la loi LRU l’avait dotée d’une fantastique capacité d’évolution et d’adaptation.

M. Laurent Wauquiez. Très bien !

M. Patrick Hetzel. Votre texte relève de la tambouille électoraliste plutôt que de la vision stratégique. D’une gouvernance resserrée vous passez à une organisation bicéphale, avec deux présidents de conseils qui seront en concurrence. Nos établissements d’enseignement supérieur se retrouveront rapidement dans une situation de blocage institutionnel.

M. Jean-Luc Laurent. On ne comprend rien à votre raisonnement, cher collègue !

M. Patrick Hetzel. Par ailleurs, votre projet de loi témoigne d’une vision technocratique. Vous projetez de créer des communautés d’universités. Ces communautés seront imposées par votre ministère. Le système que nous avions mis en place relevait du volontariat, et privilégiait le rôle des acteurs sur le terrain. À l’inverse, vous direz de manière autoritaire qui doit travailler avec qui.

Votre texte ne se préoccupe nullement de la réussite et de l’insertion professionnelle de nos étudiants. C’est une véritable régression : même la loi Savary de 1984 était plus progressiste ! Madame la ministre, retirerez-vous ce projet de loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, je vois que l’examen de ce projet de loi en commission n’a pas suffi à vous faire réaliser que sa priorité est la réussite des étudiants. Vous avez consacré, au cours de la précédente législature, 730 millions d’euros à un plan pour la réussite des étudiants en licence. Quel a été le résultat ? Le taux de réussite en licence en trois ans est passé de 42 % à 37 % ! Vous avez fait régresser ce chiffre de sept points en cinq ans !

Mme Valérie Pécresse. Avec moins de moyens, cela n’ira pas mieux !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Et les jeunes issus des familles les plus modestes sont de moins en moins nombreux à l’université. Il s’agit donc d’un échec sur toute la ligne. Pourquoi cela ? Parce que vous n’y avez pas mis les moyens. Parce que vous n’avez pas écouté les territoires. Vous avez organisé, à l’échelle de notre pays, une compétition stérile entre les territoires. Or ce n’est pas la compétition qui fait l’excellence universitaire. Vous qui connaissez bien le milieu, monsieur le député, vous devriez le savoir !

Ce qui fait l’excellence universitaire, c’est la collégialité et la coopération au service de la recherche et de l’enseignement supérieur, avec de vrais objectifs en matière de réussite étudiante. De vrais objectifs – mais cela vous gêne de le dire –, c’est orienter correctement les étudiants, c’est faire en sorte que les bacs techno réussissent dans les IUT, c’est faire en sorte que les bacs pro réussissent dans les STS, et n’aillent pas échouer à l’université ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

C’est aussi accueillir davantage d’étudiants étrangers pour que nos étudiants, à l’université, aient connaissance des cultures étrangères, ce qui se traduit en emplois, dans une économie d’échanges. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Et qu’on ne réserve pas l’excellence à l’élite des grandes écoles, contre lesquelles vous n’avez jamais émis la moindre protestation ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Écoutez la réponse de Mme la ministre !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Donc, oui, ce projet de loi est égalitaire ! Il veut la réussite des étudiants : c’est bien pour cela qu’il vous ennuie, parce qu’il rappelle les objectifs que vous avez annoncés mais jamais atteints au cours du précédent quinquennat. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Projet de loi sur la consommation

M. le président. La parole est à M. Frédéric Barbier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Frédéric Barbier. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

Les Français ont besoin de confiance. Les Français ont besoin d’honnêteté. Les Français ont besoin de protection. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ils ont besoin de savoir, quand ils sont victimes d’une tromperie, que les responsables seront punis et que le dommage leur sera réparé. Ils ont besoin de savoir, quand ils sont victimes d’une clause abusive, que celle-ci sera reconnue et annulée. Ils ont besoin de savoir, quand on leur propose un crédit, que celui-ci ne sera pas le crédit de trop. Ils ont besoin de savoir que l’administration contrôle la qualité sanitaire de ce qu’ils mangent et qu’elle a le pouvoir de combattre efficacement les dérives. Ils ont aussi besoin de savoir, quand ils achètent une machine à laver, s’ils pourront ou non la faire réparer quand elle tombera en panne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ces situations courantes sont loin d’être anecdotiques. Il s’agit de la vie de tous les jours des Français, de leur bien-être collectif et, surtout, de leur pouvoir d’achat. Les enjeux, à cet égard, sont considérables.

Mais n’oublions pas que les Français sont aussi des salariés qui travaillent dans des entreprises qui doivent survivre, vivre et grandir. Les entreprises, elles, ont besoin de savoir, quand elles investissent dans la qualité de leurs produits et de leurs services, qu’elles pourront récolter le fruit de leurs efforts. Elles ont besoin de savoir, quand le coût des matières premières augmente, qu’elles ne seront pas asphyxiées. Elles ont aussi besoin de savoir qu’elles seront sanctionnées, si elles ne respectent pas les règles, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais qu’elles ne seront pas poursuivies pour rien et qu’on protège leur capacité d’innovation.

Notre gouvernement a profondément à cœur cet équilibre entre protection du consommateur et compétitivité de nos entreprises. Il a aussi à cœur de tenir ses promesses et parfois, et je dirai même souvent, les promesses non tenues par les précédents gouvernements ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous expliquiez comment le projet de loi sur la consommation que vous avez présenté le 2 mai en conseil des ministres répond aux besoins des Français et des entreprises françaises, et comment il va changer leur quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Paul Molac. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Franck Gilard. Ah ! Voilà un spécialiste de l’entreprise !

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le député Frédéric Barbier, vous l’avez dit, les Français consomment tous les jours. Ils achètent des biens, des services.

M. Yves Censi. Des machines à laver !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ils les achètent dans les magasins, dans les grandes surfaces ou sur internet. Or, tous les jours, des milliers de consommateurs français s’estiment, à tort ou à raison, lésés, trompés du fait de pratiques anticoncurrentielles, de fraudes économiques ou de pratiques commerciales trompeuses. Ils s’estiment trompés…

Plusieurs députés du groupe UMP. Par Hollande !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …parce que se sont constituées, dans ces défaillances du marché, dans ces trous en matière de protection des consommateurs, des rentes économiques considérables, colossales qui affectent leur pouvoir d’achat.

Le projet de loi sur la consommation voulu par le Premier ministre et par le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, vise précisément à combler ces trous dans la raquette, ces lacunes en matière de protection des consommateurs. Comment ? D’abord en créant une voie de recours collective en cas de préjudices dans le cadre de la consommation du quotidien. Nous allons créer l’action de groupe (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Paul Molac. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. … qui permettra, dans le cadre des pratiques anticoncurrentielles, de faire en sorte que ces rentes économiques puissent être distribuées aux consommateurs.

Nous allons aussi créer un registre national des crédits aux particuliers pour éviter ce fameux crédit de trop, pour détecter beaucoup plus précocement le surendettement et pour responsabiliser les banquiers, les prêteurs qui s’abritent derrière une solvabilité parfois factice, pour laisser monter le surendettement.

Nous allons aussi mieux protéger nos entreprises et nos PME en mettant en œuvre la LME de manière beaucoup plus concrète et en faisant mieux respecter les délais de paiement. Je retiens enfin une mesure à laquelle Sylvia Pinel a beaucoup contribué : la création des indications géographiques pour les produits manufacturés. Ce sera une manière de reconnaître les savoir-faire locaux dans le domaine des produits manufacturés, comme nous l’avons fait dans le domaine alimentaire. De ce point de vue, le projet de loi sur la consommation défendra, outre le pouvoir d’achat, l’emploi des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique à l’égard des entreprises

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le président, je souhaite interroger M. le Premier ministre sur la politique de défiance menée par le Gouvernement à l’encontre du monde économique.

Vous n’arrêtez pas de nous dire que votre première priorité, c’est l’emploi. Mais où sont les réformes structurelles pour améliorer la compétitivité des entreprises ? Force est de constater que votre politique vis-à-vis des entreprises est jusqu’à présent totalement incohérente, autrement dit totalement incohérente vis-à-vis de l’emploi. En juillet et à l’automne, vous avez décidé une pluie d’impôts sur les entreprises : plus de 13 milliards ! En même temps, vous avez décidé de taxer lourdement l’investissement dans le capital des entreprises, ignorant totalement leurs besoins de financement.

C’est aussi avec une parfaite incompréhension du monde des affaires que le ministre du redressement productif a réussi à faire capoter le rachat de l’entreprise française Dailymotion par Yahoo il y a quelques jours.

Plusieurs députés du groupe SRC. Tant mieux !

Mme Laure de La Raudière. Pourtant, cette opération aurait créé des emplois en France, dans un secteur en croissance.

Le message est catastrophique pour les investisseurs étrangers. Nous en sommes devenus la risée. Ce ne serait grave que pour notre honneur si cela n’avait pas de lourdes conséquences pour nos entreprises et sur l’emploi.

En fait, vous nous dites que votre mobilisation est totale pour l’emploi, alors que les Français ne voient que cacophonie et manque de résultats. Pire, ils ont l’impression que la boîte à outils, si chère au Président de la République, n’est, en réalité, qu’un set de manucure. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Rodet. C’est sexiste !

M. le président. On retrouve son calme, s’il vous plaît !

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le Premier ministre, quand on veut mener une politique interventionniste, il faut s’en donner les moyens. Concrètement, quelle est la solution proposée par le Gouvernement pour l’avenir et le développement de Dailymotion ? (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la députée, Laure de La Raudière, je veux essentiellement répondre à votre charge sans nuance contre la politique du Gouvernement en direction des entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ainsi, pendant les dix années où vous avez été aux responsabilités,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Et c’est reparti !

M. Pierre Moscovici, ministre. …la compétitivité de l’économie française a fortement reculé, comme l’a établi le rapport Gallois. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Parallèlement – élu d’une région industrielle, je peux en témoigner –, l’emploi industriel dans notre pays n’a cessé de reculer : 750 000 emplois industriels ont été détruits en dix ans, dont 450 000 entre 2007 et 2012. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous ne manquez franchement pas d’air en critiquant un gouvernement qui, lui, a fait de la compétitivité le cœur de sa politique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Parfaitement, de la compétitivité ! Le 6 novembre 2012, sur la base du rapport Gallois, le Premier ministre a présenté un plan en trente-cinq mesures. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Il n’est pas financé !

M. Pierre Moscovici, ministre. Parmi celles-ci, le crédit d’impôt compétitivité emploi a d’ores et déjà permis de débloquer plus de 500 millions d’euros de préfinancement en direction des petites et moyennes entreprises, notamment, qui ont besoin de trésorerie, d’investissements comme d’embauches !

Je rappellerai aussi que le Président de la République a conclu il y a quelques jours les assises de l’entreprenariat, fruit du travail de Mme Pellerin, et a notamment proposé de créer un plan d’épargne en actions pour les PME ou encore d’orienter l’épargne issue de l’assurance-vie vers l’investissement.

Nous avons pris toute une série de mesures en direction des jeunes entreprises innovantes notamment.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. Oui, notre politique est pro-entreprises. Notre politique est attachée à l’entreprenariat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !

M. Pierre Moscovici, ministre. Notre politique vise à ce que ce pays puisse à nouveau investir et embaucher. (Exclamations sur les mêmes bancs.) C’est cette politique qui, s’agissant de Dailymotion comme d’autres entreprises, permettra la réussite de la France que vous avez, pour votre part, dégradée et abîmée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Paul Molac. Très bien !

M. le président. Retrouvez votre calme, s’il vous plaît ! Cela s’est bien mieux déroulé pour les premières questions !

Prise en charge de la dépendance

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

Madame la ministre, la journée de solidarité a été créée en 2004 à la suite de la canicule de 2003, qui a provoqué le décès de 15 000 personnes, essentiellement des personnes âgées.

Ce scandale a révélé les dysfonctionnements de l’accompagnement des personnes âgées et engendré une prise de conscience brutale de la situation d’isolement de nombre d’entre elles.

Cette journée de solidarité, fixée initialement au lundi de Pentecôte, est travaillée mais non payée. Les employeurs, publics et privés, versent à la CNSA une contribution de 0,3 % de la masse salariale. Au 1er avril dernier, cette contribution de solidarité autonomie a été étendue aux retraités imposables.

Depuis sa mise en place en 2004, la journée de solidarité a rapporté au total 18,6 milliards d’euros, destinés à améliorer la prise en charge des personnes âgées et handicapées.

On entend ici et là des voix s’élever pour dénoncer un détournement des fonds dégagés par la journée de solidarité. Dès lors, pouvez-vous nous dresser un bilan de ce dispositif ?

M. Guy Geoffroy. Vous n’en vouliez pas, à l’origine !

Mme Jeanine Dubié. La contribution de solidarité autonomie sert notamment à financer l’APA, versée par les départements. Or nous constatons d’année en année une baisse du taux de compensation de l’APA par l’État, au détriment des départements. En 2012, le taux de couverture pour l’ensemble des départements est de 30 %. Dans le département des Hautes-Pyrénées, il est de 27,2 %, alors qu’il était de 38 % en 2010.

Ainsi, chaque exercice budgétaire nous éloigne un peu plus du principe initial, mais non écrit, d’un financement 50-50 entre l’État et les départements. Cette situation revient à laisser les départements supporter seuls l’augmentation des dépenses liées à la perte d’autonomie des personnes âgées. Cela étrangle chaque année davantage les finances des conseils généraux et remet ainsi en cause la capacité d’action des départements, voire compromet l’équilibre budgétaire d’un grand nombre d’entre eux. Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour remédier à cette situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Oui, madame la députée, le lundi de Pentecôte a bien été la journée de solidarité envers les personnes âgées et les personnes handicapées (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Vautrin. C’est ce que nous avions dit à l’époque ! Et vous n’en vouliez pas !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. …et, même si cette journée travaillée supplémentaire a perdu de sa visibilité dans la mesure où elle peut être à n’importe quelle date, les 2,4 milliards d’euros qu’elle rapporte permettent bien de réaliser des actions concrètes pour les âgés : amélioration des maisons de retraite, soutien du secteur de l’aide à domicile et, plus encore, augmentation du nombre de personnels déployés autour de chaque personne âgée en établissement.

Vous m’interrogez sur la juste destination des financements. J’ai demandé un rapport complet à la caisse nationale de solidarité (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) et, en effet, en 2010, 2011 et 2012, ce sont bien des sommes représentant 1 % de la contribution totale de la journée de solidarité qui ont été utilisées pour la sécurité sociale.

Quant à l’APA, mise en place par Lionel Jospin, il est vrai que les gouvernements de droite ont laissé faiblir la part de l’État, sans agir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place un groupe de travail, qui, sous l’autorité du Premier ministre, rendra son rapport à la fin de l’année, et, dès 2012, débloqué un fonds d’urgence de 170 millions d’euros.

Mme Bérengère Poletti. Tu parles !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Oui, madame la députée, chaque euro…

M. le président. Merci.

Corse

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Laurent Marcangeli. J’associe à ma question mes collègues Camille de Rocca Serra et Sauveur Gandolfi-Scheit.

Monsieur le ministre de l’intérieur, il y a quelques semaines, vous avez dit, à deux reprises, que la Corse était « culturellement » violente. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Mes compatriotes désapprouvent très fermement ces propos choquants, indignes d’un ministre de l’intérieur (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP), et un récent sondage a démontré qu’ils étaient rejetés par l’ensemble de nos compatriotes du continent et de Corse.

La violence, c’est aussi quand des CRS chargent des familles qui viennent manifester. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) La violence, c’est aussi quand des supporters de football détruisent Paris. La violence, c’est aussi lorsque, à Marseille, on tombe sous les balles, comme ailleurs.

La vérité, monsieur le ministre de l’intérieur, c’est que vous êtes culturellement incompétent en matière de maintien de la sécurité (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP), vous et votre famille politique.

Alors, c’est au nom d’une région qui a très mal vécu ces propos, une région qui a été la première à être libérée, le premier morceau de France libéré, comme le disait le général de Gaulle en 1943, une région qui mérite bien mieux de la part d’un ministre de l’intérieur, que je vous pose une question très simple : continuez-vous à maintenir ces propos scandaleux, continuez-vous à nier le fait que la Corse, c’est la France et que la Corse ne mérite pas un traitement de cette nature ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Quand nous travaillons ensemble sur les dossiers de la Corse, monsieur le député, quand je me rends en Corse pour rencontrer les parlementaires et les élus, dont vous êtes, pour marquer aussi le soutien de l’État, notamment sur le plan économique, depuis plus de dix ans, et d’ailleurs dans la continuité des différents gouvernements, je vous trouve en général plus pondéré, plus modéré et moins caricatural. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Xavier Bertrand. Vous allez nous dire que vous n’avez pas tenu ces propos, monsieur le ministre ?

M. Manuel Valls, ministre. Il y a de la violence et du crime organisé en Corse. C’est le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui a été le premier à parler de dérive mafieuse en Corse,…

M. Franck Gilard. Pas plus qu’à Nantes !

M. Manuel Valls, ministre. …et il faut dire les choses comme elles sont : oui, en Corse, il y a une violence. Oui, en Corse, il y a plus d’armes par habitant que dans le reste du pays. Oui, en Corse, le taux d’assassinat est plus élevé qu’en Sicile. Oui, en Corse, il y a des gens qui ne veulent pas parler parce qu’ils ont peur.

M. Jean Glavany. Eh oui !

M. Manuel Valls, ministre. Oui, en Corse, il y a de la violence et de la corruption.

M. Jean Glavany. Eh oui !

M. Camille de Rocca Serra. De tels propos sont scandaleux !

M. Manuel Valls, ministre. Alors, monsieur le député, ouvrez les yeux, parlez et soutenez la politique du Gouvernement pour mettre fin à la violence et à la mafia en Corse. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Ces propos sont scandaleux !

M. Lucien Degauchy. Il n’a pas répondu !

Développement de la cogénération industrielle

M. le président. La parole est à Mme Sophie Errante, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sophie Errante. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, la semaine dernière, dans le cadre des discussions autour du projet de loi DADUE, dans le domaine du développement durable, vous avez défendu un amendement important visant à préserver la filière de la cogénération à haut rendement.

Les industriels énergie-intensifs français ont massivement investi ces dernières années pour le développement d’un parc de cogénérations. Le déploiement de cette filière, particulièrement encouragé par l’Europe, s’explique par ses bonnes performances environnementales et énergétiques, ainsi que par son haut niveau de disponibilité en hiver et en été. Les atouts de la cogénération, aussi bien pour assurer la transition écologique que pour encourager la compétitivité, rendent nécessaires sa préservation et son développement.

Or les industriels ont aujourd’hui des difficultés à financer les investissements nécessaires à la modernisation de la filière, en raison d’un vide juridique sur la question du renouvellement des contrats. En effet, les contrats d’obligation d’achat arrivent à échéance pour les installations supérieures à 12 mégawatts à la fin du mois, alors que la rémunération du marché de capacité prévue par la loi NOME n’interviendra pas avant fin 2016.

Ce vide juridique, entre 2013 et fin 2016, comporte le risque de voir démanteler ces installations de cogénération industrielles, avec des conséquences lourdes pour la sécurité d’approvisionnement en France comme pour la compétitivité et les emplois de nos entreprises. Nous avons d’ailleurs déjà assisté à des démantèlements et à des relocalisations dans d’autres pays européens.

Madame la ministre, pouvez-vous nous présenter les mesures prises par le Gouvernement pour sécuriser les investissements dans la filière de la cogénération et développer ce secteur d’avenir tant sur le plan écologique qu’économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Madame la députée, les cogénérations gaz permettent de produire de la chaleur et de l’électricité pour un certain nombre de sites industriels importants dans les domaines de l’agroalimentaire, de la chimie, de la papeterie ou du raffinage. Ce sont seize sites industriels, concernant 13 000 emplois, qui étaient directement exposés à un risque de disparition de ces installations de cogénération. Ces dernières années, plusieurs ont été démantelées. Il était donc nécessaire de sécuriser la situation de telles installations. Sinon, les sites auraient subi une augmentation du coût de l’énergie, et il en serait également résulté des difficultés dans l’approvisionnement électrique de pointe de la France.

C’est la raison pour laquelle j’ai déposé vendredi matin, au nom du Gouvernement, un amendement pour créer un système transitoire de contrats de rachat de l’électricité pour ces installations. Je remercie le groupe socialiste, ainsi que l’opposition, pour leur soutien, car cet amendement a été voté à l’unanimité. Il permet de sécuriser l’approvisionnement énergétique de ces sites industriels.

Votre question, madame la députée, illustre également les enjeux du Conseil européen qui se tiendra demain. Comme vous le savez, le Président de la République François Hollande propose à nos partenaires une nouvelle politique européenne de l’énergie, la création d’une communauté européenne de l’énergie, pour répondre aux inquiétudes du secteur industriel concernant le prix de l’énergie abordable, mais aussi pour faire de l’Europe le continent de la transition énergétique. La France a mis des propositions sur la table ; j’espère que certaines d’entre elles avanceront demain, au cours du Conseil européen. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Politique d’austérité et centrale d’Hornaing

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le Premier ministre, la récession est confirmée. Le pouvoir d’achat régresse et le chômage atteint des records.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Jean-Jacques Candelier. Ceux qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts peuvent se faire du souci, car votre gouvernement persiste et signe dans l’austérité.

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

M. Jean-Jacques Candelier. Je n’ai pas fini.

Nous le disons avec force : pour développer l’économie et l’emploi, il faut faire le contraire de votre politique ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Au lieu d’interdire les licenciements injustifiés, vous précarisez les salariés et cassez le code du travail, main dans la main avec le MEDEF.

Au lieu de faire participer les revenus financiers au financement des retraites, vous voulez faire travailler les Français plus longtemps.

Au lieu d’augmenter tous les salaires, avec un SMIC à 1 700 euros bruts et l’indexation des salaires sur le coût de la vie, vous avez offert l’an dernier aux smicards un Carambar par jour, et vous gelez les traitements des fonctionnaires.

M. Patrice Verchère. Qui a voté pour eux ?

M. Jean-Jacques Candelier. Au lieu d’orienter les activités en nationalisant les banques et les grands groupes industriels, comme Renault ou E.ON, dont la centrale d’Hornaing ne suscite guère votre intérêt, vous vendez les participations de l’État.

Au lieu de faire la révolution fiscale contre les plus aisés et le grand capital, vous augmentez la TVA, impôt injuste, pour financer un cadeau supplémentaire de 20 milliards d’euros au patronat.

Enfin, au lieu de remettre à plat ce carcan des peuples qu’est l’Union européenne, vous suivez docilement ses injonctions libérales.

Monsieur le Premier ministre, je n’attends rien car j’ai l’impression que le Gouvernement rame dans la falaise ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Mais je vous le demande : comptez-vous stopper votre politique d’austérité, qui mine la société et fait le lit de la droite et de l’extrême droite ? Et que prévoyez-vous pour nous aider à sauver la centrale d’Hornaing ? (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, nous hésitions pour savoir lequel d’entre nous devait vous répondre, et plutôt que d’entrer dans des considérations sur ce que vous venez de dire de la politique du Gouvernement, qui n’est pas une politique d’austérité, je vous invite à soutenir nos efforts en vue de réorienter la construction européenne, notamment sur la question de l’énergie, enjeu concret autour duquel nous pouvons mener cette réorientation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Je veux vous répondre précisément sur la centrale d’Hornaing. Vous savez qu’un accord entre E.ON et les partenaires sociaux prévoyait que cette centrale à charbon fermerait en 2015, conformément aux règles de la directive européenne sur la nécessité de réaliser des investissements pour réduire les émissions polluantes, investissements qu’E.ON ne souhaite pas réaliser.

Le groupe a décidé de mettre fin à l’activité de cette centrale immédiatement, en 2013, mais la justice vient de donner raison aux salariés. Le Gouvernement souhaite que la décision de justice s’applique et que l’accord de 2010 entre le groupe E.ON et les organisations syndicales, prévoyant le maintien de l’activité jusqu’en 2015, soit respecté.

Par ailleurs, nous aurions souhaité que cette centrale d’Hornaing soit transformée en cycle combiné gaz. Cet exemple illustre la difficulté dans laquelle se trouve aujourd’hui l’Union européenne, au moment où le charbon devient plus rentable que le gaz, faute d’un prix élevé du CO2. C’est pourquoi nous souhaitons qu’un objectif du prix du CO2 soit fixé en Europe à l’horizon 2030, de façon à réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre. C’est le moyen d’assurer la rentabilité des cycles combinés gaz qui permettrait de maintenir l’emploi à Hornaing. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Conséquences des inondations

M. le président. La parole est à M. Rémi Delatte, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Rémi Delatte. Monsieur le Premier ministre, plusieurs départements de Bourgogne, de Champagne-Ardenne et d’Île-de-France sont frappés par d’importantes inondations. Les dégâts sont considérables, tant au niveau de l’habitat et des routes que des exploitations agricoles.

Permettez-moi d’abord de saluer le formidable élan de solidarité qui s’est formé dans nos campagnes autour des maires, des pompiers et des très nombreux bénévoles qui sont venus en aide aux populations éprouvées. La gravité de la situation se caractérise par l’ampleur et la durée des crues : ainsi, en Côte-d’Or, 20 000 hectares ont été ou sont encore sous l’eau.

S’agissant des productions agricoles, les pertes peuvent aller jusqu’à la destruction totale, avec des possibilités limitées de remise en culture à cette époque. Les répercussions sanitaires sur les productions céréalières, maraîchères et viticoles s’annoncent conséquentes. Quant à l’élevage, des effets sur la fertilité des troupeaux et la qualité de la production laitière sont à craindre.

Les trésoreries des exploitations agricoles seront lourdement affectées. Certaines filières agricoles seront pénalisées, y compris en matière d’emploi – je pense au Val de Saône qui approvisionne, aux mois de juillet et d’août, le marché français en pommes de terre primeur.

Au-delà de la décision attendue de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, nous demandons, monsieur le Premier ministre, que vous fassiez rapidement des annonces pour tous les départements sinistrés. Il convient notamment d’activer le fonds des calamités agricoles ; d’octroyer des avances de trésorerie et des allégements de charges pour accompagner les agriculteurs dans leurs remboursements d’emprunt et leurs cotisations sociales ; de maintenir l’ensemble des aides PAC et de suspendre certaines contraintes liées à l’entretien des jachères et des prairies.

Enfin, il est nécessaire de tirer les conséquences de telles catastrophes naturelles et de s’interroger sur les façons d’anticiper les risques par un entretien réaliste des cours d’eau et une urbanisation raisonnable des villes.

Les paysans ont dû accepter de recueillir sur leurs parcelles des excès d’eau : il est juste…

M. le président. Merci.

M. Rémi Delatte. …de les dédommager (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, votre question est à la fois une remarque générale et une information sur ce qui s’est passé, et nous y adhérons. Avec Delphine Batho, nous nous sommes rendus, il y a quelques jours, dans l’Aube, avec plusieurs maires, et notamment celui de Troyes, pour constater les dégâts que vous venez de décrire et qui ont touché plusieurs régions, en Champagne-Ardenne, dans le Centre et en Bourgogne.

Avec les préfets, les élus, les chambres de commerce et d’industrie, les chambres d’agriculture, nous sommes en train de faire un état très précis des dégâts que vous venez de rappeler et qui sont effectivement très importants. J’ai moi-même annoncé sur place que l’état de catastrophe naturelle serait reconnu, et nous devons aussi engager la procédure d’état de calamité agricole, puisque j’ai constaté moi-même sur place dans l’Aube, avec Delphine Batho, que 10 000 hectares de terres agricoles, sur un secteur bien précis, avaient été inondées. Vous pouvez donc compter sur l’engagement et la vigilance du Gouvernement : le Premier ministre nous a demandé que ces procédures soient mises en œuvre le plus rapidement possible.

Vous avez eu raison de rappeler, avec des mots très justes – Delphine Batho l’a souligné également –, combien il est important de prévenir.

Enfin, je veux à mon tour saluer l’engagement des sapeurs-pompiers, de la sécurité civile, des forces de l’ordre, le courage et l’engagement des maires, des habitants et des bénévoles, qui ont permis d’éviter toute catastrophe humaine. Il appartient maintenant à l’État de répondre aux catastrophes naturelles.

Fraude fiscale

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yann Galut. Ma question s’adresse à M. le ministre du budget.

Un député du groupe UMP. Lequel ?

M. Yann Galut. Monsieur le ministre, dans moins d’un mois, dans cet hémicycle, notre assemblée va légiférer sur la fraude fiscale. Cette loi a pour objectif de lutter contre ce fléau qui plombe notre budget et remet en cause notre cohésion nationale. Au moment où le Gouvernement a pour objectif le redressement de nos comptes publics, il est absolument scandaleux que 40 à 80 milliards d’euros disparaissent des comptes de l’État à cause de la fraude fiscale. C’est autant d’argent en moins pour nos hôpitaux, nos écoles et nos services publics. Aussi devons-nous faire de cette lutte contre l’évasion fiscale une vraie priorité.

Nous devons le faire au niveau européen, avec le Conseil européen qui se tiendra demain sous l’impulsion de François Hollande.

En France, ce projet de loi porté par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault va nous faire franchir une nouvelle étape en durcissant considérablement notre législation.

Face à notre détermination, nombre de fraudeurs souhaitent maintenant régulariser leur situation. Cela a été le cas en Allemagne et aux États-Unis, qui ont été confrontés au même problème : ils ont ouvert des cellules de régularisation. En France, notre position doit être extrêmement claire. Nous ne souhaitons ni la réactivation de la cellule Woerth, ni l’amnistie fiscale telle qu’elle a été proposée par des députés UMP le 28 mars dernier, avec un taux de 5 %.

Nous pensons cependant qu’avant l’adoption d’une législation extrêmement dure, chacun peut revenir dans la légalité.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé dernièrement une réflexion sur cette possibilité de régularisation. Pouvez-vous indiquer à la représentation nationale où vous en êtes dans cette réflexion et quelles sont les pistes de travail pour l’envisager ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, je voudrais d’abord vous dire notre détermination à lutter contre la fraude fiscale. Cela passe, comme vous l’avez dit, par des actions au plan international et au plan européen. C’est pourquoi, à l’occasion du Conseil européen de demain, le Président de la République s’emploiera avec les pays de l’Union à atteindre trois objectifs : des conventions harmonisées d’échange automatique d’informations au sein de l’Union européenne ; la mise en place d’une liste d’États et de territoires non coopératifs au plan européen ; la possibilité donnée à l’Union européenne de négocier des conventions de type FATCA avec des pays tiers.

Si nous arrivons à atteindre ces trois objectifs, nous ferons peser sur les fraudeurs une pression très forte. En France, la loi à laquelle vous avez fait référence va augmenter les moyens de l’administration fiscale et de la police judiciaire d’enquête fiscale pour détecter la fraude de grande ampleur. Nous allons articuler notre action avec la justice pour faire en sorte que ceux qui se sont rendus coupables de fraudes fiscales de grande ampleur soient davantage pénalisés, avec des peines de prison pouvant aller jusqu’à sept ans et 2 millions d’euros d’amendes.

Enfin, nous invitons ceux qui fraudent à se mettre en conformité avec le droit : non pas en allant se rendre à des cellules constituées à cet effet, au sein desquelles on leur consent des conditions particulièrement avantageuses, mais en allant devant l’administration fiscale, dans des conditions de droit commun, pour que leur soient appliqués les pénalités et les intérêts qui doivent s’appliquer à ceux qui ont fraudé, parce que les fraudeurs ne peuvent pas bénéficier d’un bonus.

Vous me demanderez l’intérêt qu’ils ont à aller devant l’administration fiscale. Ils auront intérêt à y aller, parce que le durcissement de la législation auquel nous allons procéder les exposera à des risques de sanction auxquelles ils n’étaient pas exposés jusqu’à présent, ce qui doit les conduire à se mettre en conformité avec le droit. Comme vous l’avez dit, il n’y a pas de raison que des Français modestes paient l’impôt et que d’autres y échappent, en période de redressement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq sous la présidence de M. Denis Baupin.)

Présidence de M. Denis Baupin
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Fixation de l’ordre du jour

M. le président. La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine du 10 juin 2013 :

Débat sur Internet et la protection des données personnelles ;

Questions au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ;

Deux propositions de résolution européennes relatives au respect de l’exception culturelle et à l’accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne ;

Débat sur la politique maritime ;

Débat sur l’immigration professionnelle et étudiante ;

Débat sur la rémunération des cabinets ministériels depuis 2002.

Il n’y a pas d’opposition ?

M. Patrick Hetzel. Si, monsieur le président !

M. le président. L’ordre du jour proposé par la Conférence des présidents rencontrant une opposition, il y a lieu de le mettre aux voix.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour une explication de vote.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, je suis conscient du fait qu’il est assez inhabituel de demander que l’ordre du jour soit mis aux voix. Si je le fais, c’est pour appeler l’attention de notre assemblée sur les conditions dans lesquelles nous avons dû travailler la semaine dernière, conditions qui ne me paraissent pas normales, en tout état de cause pas dignes du travail parlementaire habituel.

Pour examiner le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a été amenée à siéger, mercredi soir, jusqu’à cinq heures du matin. Il nous a ensuite été dit que le texte consolidé, c’est-à-dire issu des travaux de la commission, serait disponible au cours de la journée de jeudi, au plus tard en fin de journée. En réalité, il ne l’a finalement été que vendredi après-midi, soit pratiquement vingt-quatre heures après ce qui nous avait été annoncé.

De ce fait, alors que les amendements devaient initialement être déposés avant vendredi dix-sept heures, il nous a été dit que nous pouvions le faire jusqu’au lendemain à la même heure, en plein week-end de Pentecôte ! Même en disposant de vingt-quatre supplémentaires, nombre de collègues n’ont pas été en mesure de le faire à temps, et n’ont donc pu exercer leur droit légitime d’amendement.

Pour cette raison, nous demandons purement et simplement que le texte soit reprogrammé au cours de la semaine du 10 juin, celle dont nous évoquons actuellement l’ordre du jour. Je précise que les services de l’Assemblée nationale, qui ont travaillé d’arrache-pied, ne sont pas en cause. Cependant, ces conditions de travail à marche forcée, alors même que l’examen du projet concerné se fait dans le cadre de la procédure de temps programmé, ne permettent pas un débat serein et montrent bien que le Gouvernement est particulièrement gêné sur ce texte.

M. le président. Je mets aux voix l’ordre du jour proposé par la Conférence des présidents.

(L’ordre du jour proposé par la Conférence des présidents est adopté.)

4

Autorisation de légiférer pour accélérer
les projets de construction

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction (nos 1017, 1041).

La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, nous étions convenus, l’hiver dernier, de nous revoir à l’automne prochain pour examiner une loi relative à l’urbanisme et au logement déposée à l’été. Ce rendez-vous a été avancé.

J’ai en effet l’honneur et la responsabilité de vous retrouver, dès ce printemps, pour porter, dans l’intervalle laissé par les saisons, un projet de loi supplémentaire, habilitant le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnances des dispositions destinées à accélérer les projets de construction.

Disons les choses franchement : j’ai bien conscience, en prenant la parole devant vous, que le mot « ordonnances » n’est pas le mot préféré des parlementaires. J’appartiens, comme vous le savez, à une tradition politique particulièrement regardante sur tout ce qui touche au respect du Parlement, de ses droits et de son indépendance. Et c’est sans aucune hésitation, et avec une détermination sans faille, que je viens devant vous porter ce projet de loi d’habilitation, afin que vous permettiez au Gouvernement de procéder par ordonnances.

La situation l’exige. Pour faire face à l’urgence et combattre la crise, nous devons engager de la manière la plus rapide et la plus volontaire qui soit la levée des obstacles qui obèrent les chances de notre pays de répondre aux besoins qui sont les siens. Je sais qu’une telle volonté amène à bousculer beaucoup de choses et suscite des inquiétudes sur tous les bancs de cette assemblée.

Il relève de la mission du Gouvernement de les entendre et d’y répondre. Mais j’ai aussi foi dans notre capacité collective à dépasser nos craintes par le débat, à dégager ensemble la possibilité non pas d’un consensus mou, mais d’un accord solide, sur la base d’une indépassable réalité : l’impérieuse obligation qui est la nôtre de construire, construire mieux, construire plus vite, construire inlassablement les logements dont nous avons besoin, dont les habitants de ce pays ont besoin. Aussi vous proposé-je de vous inscrire dans ce mouvement de mobilisation de toutes les énergies afin que nous parvenions à atteindre cet objectif.

C’est un enjeu social, c’est un enjeu économique, c’est un enjeu environnemental majeur.

Un enjeu social – je l’ai souligné à de nombreuses reprises devant la représentation nationale – parce que la pénurie de logements constitue une menace pour la cohésion nationale. Il n’est pas de parlementaire qui ne connaisse cette triste réalité : dans les faits, le droit au logement, pourtant inaliénable, n’est pas garanti dans notre pays.

Nous nous employons depuis les premières minutes de notre arrivée aux responsabilités à le défendre. Nous entendons la demande, l’impatience et parfois la colère qui monte à ce sujet dans notre pays. L’inaction ou l’attentisme n’est pas un luxe que nous avons la possibilité de nous offrir : bien au contraire, ce serait une faute.

Faciliter et encourager la construction, c’est également un enjeu économique, qui a partie liée tant à notre développement économique qu’à la bataille que nous avons engagée pour l’emploi. Les secteurs de la construction ont besoin de notre mobilisation en faveur du logement. Ils en ont besoin maintenant, au cœur même de la crise. Ce n’est pas en coupant le moteur que nous échapperons à la crise, mais en inventant un modèle où la satisfaction des besoins sociaux fondamentaux, à l’instar du logement, est inscrite au cœur du pacte économique.

Construire des logements, c’est, enfin, un enjeu environnemental. Je veux le dire ici avec un peu de solennité : il n’est aucunement question de sacrifier les enjeux écologiques, mais bien au contraire de les hisser irrévocablement à un rang prioritaire dans l’ordre des questions qui guident l’action publique.

M. Benoist Apparu. Quel dommage !

Mme Cécile Duflot, ministre. Nous devons promouvoir la ville dense, afin de lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols. L’urgence de la construction de logements est compatible avec la protection de l’environnement. Nous ne souhaitons pas nous engager dans une logique de productivisme urbain aveugle, mais bien mobiliser toutes les ressources de notre intelligence collective pour donner enfin sa chance à l’écologie urbaine.

Il faut de la nature en ville pour faire droit à la biodiversité et rendre la densité non seulement acceptable mais aussi souhaitable. Tandis que la densité urbaine permet la qualité des services, des équipements et des réseaux, la nature en ville préserve les respirations et la qualité du cadre de vie. Il faut tout à la fois plus de logements, et plus de logements de qualité. C’est le sens des politiques que nous aurons à conduire au service de la rénovation énergétique.

Vous l’aurez compris, si le Président de la République a choisi – comme il l’a annoncé le 21 mars dernier à Alfortville – de procéder par ordonnances, c’est pour utiliser toutes les possibilités d’accélération offertes par le droit. Au sens propre du terme, nous pouvons dire qu’ici nécessité fait loi.

Le projet de loi que je vous présente aujourd’hui est l’un des fruits de ce plan d’investissement. Son objectif, très simple, consiste à lever aussi vite que possible les principaux freins identifiés à la construction de logements.

Ces freins sont de tous ordres : souvent financiers, parfois techniques, la plupart d’entre eux trouvent leur source commune dans l’empilement des procédures, la complexité des dispositifs et l’absence de lisibilité d’ensemble du droit de l’urbanisme, qui mettent en jeu la sécurité juridique des projets.

L’habilitation que vous demande aujourd’hui le Gouvernement cible une série de sujets identifiés lors des vastes concertations menées à l’occasion de la préparation du projet de loi sur le logement et l’urbanisme que je déposerai bientôt sur le bureau du Parlement. Je vous les présenterai en détail tout à l’heure lorsque nous en débattrons, mais je veux, à ce stade, dire un mot rapide de quelques-unes d’entre elles.

Les professionnels, les élus, mais aussi les citoyens se plaignent de l’empilement dans le temps des procédures relatives à la construction de logements. Le Gouvernement vous propose donc de l’habiliter pour lui permettre de bâtir une procédure intégrée concernant le logement, qui fusionne les délais plutôt que de les compiler. C’est une question de cohérence.

Il vous propose aussi d’améliorer l’accès aux documents d’urbanisme à travers la création d’un portail national de l’urbanisme où professionnels comme particuliers pourront trouver les renseignements utiles pour déterminer facilement la constructibilité d’un terrain et envisager ainsi plus facilement les projets aux endroits les plus opportuns. C’est une question de transparence.

Le Gouvernement souhaite également faciliter le financement de projets d’aménagement, en particulier les plus complexes d’entre eux, en permettant aux collectivités territoriales d’augmenter le taux maximal de garantie d’emprunt qu’elles peuvent consentir. C’est une question de mobilisation.

Tout le monde s’accorde à dire aujourd’hui qu’il est urgent de réduire le délai de traitement des recours contentieux et de lutter efficacement contre les recours de type mafieux qui se multiplient contre les permis de construire. Il vous est proposé d’habiliter le Gouvernement à prendre une ordonnance à cette fin ; elle se fondera sur les conclusions du rapport que m’a remis le président Labetoulle, juriste et grand spécialiste de ces questions. Ce n’est au fond rien d’autre qu’une question de démocratie.

J’en ai présenté le contenu au Président de la République. Voilà ce que je peux d’ores et déjà vous en dire.

Pour lutter contre les recours regardés comme abusifs, je proposerai un encadrement équilibré de l’intérêt à agir des personnes pour s’assurer que les motifs fondant le recours sont bien liés à l’urbanisme.

J’envisage aussi d’ouvrir au titulaire du permis de construire une action en dommages et intérêts contre l’auteur d’un recours dont l’introduction serait à l’origine d’un préjudice anormal. Si cette proposition constituera un moyen de dissuasion très puissant, elle doit évidemment, pour être juste, viser exclusivement les recours malveillants, qui n’ont d’autre fondement que l’intérêt financier. Les associations agréées pour la protection de l’environnement n’auront donc pas vocation à en être l’objet.

Une troisième proposition, qui me paraît très forte, consiste à déclarer à l’administration fiscale les transactions qui aboutissent à un désistement monnayé du recours contre un permis de construire, sous peine de nullité de la transaction. J’ai toujours cru, en la matière, au pouvoir dissuasif de l’administration fiscale.

Pour raccourcir les délais de traitement des recours, la quatrième proposition, parmi les plus puissantes, consistera à conférer au juge la possibilité de fixer une date au-delà de laquelle de nouveaux moyens d’annulation du permis ne pourront plus être invoqués. On ne pourra plus égrener les moyens, en gardant les meilleurs pour la fin, dans le seul but de ralentir sans fin la procédure.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

Mme Cécile Duflot, ministre. Autre proposition pour accélérer le traitement des recours : donner aux cours administratives d’appel une compétence de premier et de dernier ressort afin d’accélérer les procédures relatives aux projets de taille importante, c’est-à-dire portant sur une surface supérieure à 1 500 mètres carrés, situés dans les communes où le déséquilibre entre l’offre et la demande de logements est marqué. Je veux parler des agglomérations de plus de 50 000 habitants soumises à la taxe sur les logements vacants. Grâce à cette procédure, on peut espérer diviser par trois la durée de traitement des contentieux les plus lourds.

Voilà les principales propositions au sujet desquelles le Gouvernement vous demande une habilitation : je pense qu’elles peuvent recueillir une large adhésion sur l’ensemble de ces bancs, comme l’a suggéré le débat en commission.

Pour construire davantage en zone tendue, où le foncier manque souvent, il faut se donner les moyens de densifier la ville : tel est l’objet des mesures que nous vous proposons de prendre, qui sont susceptibles de lever rapidement les obstacles à la densification tout en luttant contre l’étalement urbain, en favorisant la transformation de bureaux en logements, en limitant les obligations de places de stationnement et en autorisant un alignement au faîtage ou la surélévation d’immeubles pour la création de logements.

Si nous devons faire preuve d’imagination dans tous les domaines pour inventer la ville durable, la construction et le logement sont des facteurs majeurs de promotion d’un nouveau modèle urbain.

Je veux dire aussi que nous sommes particulièrement à l’écoute des questions soulevées par les acteurs du monde associatif environnemental, qui ne veulent pas voir sacrifier la préoccupation de la défense de l’environnement. S’ils ont raison de se mobiliser, qu’ils sachent toutefois que nous sommes attentifs à leurs messages d’alerte.

Il vous est par ailleurs proposé d’encourager le développement de logements intermédiaires. Cette offre de logements, il convient d’y insister, fait aujourd’hui cruellement défaut dans les zones tendues, où les loyers du parc privé atteignent des niveaux inabordables pour les classes moyennes. Cette absence d’une offre intermédiaire entre le parc public et le parc privé contribuant à gripper les parcours résidentiels et nuisant à la rotation du parc social, il est nécessaire d’y remédier. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le détail au cours de nos débats.

Il vous est par ailleurs proposé de supprimer la possibilité de garantie intrinsèque pour les opérations de vente de logements en l’état futur d’achèvement. Acheter un logement est une décision lourde de conséquences financières et qui vous engage bien souvent une vie durant. Bien qu’il s’agisse de cas peu fréquents, je sais que nombre de parlementaires y ont été confrontés : nous ne pouvons pas accepter le drame que représente pour une famille le fait de s’être endettée à vie pour acquérir un logement qui ne lui sera jamais livré, et dont la banque, pourtant, réclame, mois après mois, le paiement. Voilà le risque que fait courir la garantie intrinsèque et la réalité que vivent certains de nos concitoyens : c’est la raison pour laquelle nous souhaitons sa suppression progressive.

Je n’ignore pas que cette évolution remet en cause le modèle économique de certains promoteurs, dont un grand nombre font un travail honnête et remarquable. Aussi une application progressive de la mesure sera-t-elle proposée, et un travail sera-t-il mené avec les assureurs et la profession afin de veiller à ce que la garantie extrinsèque soit disponible pour le plus grand nombre de constructeurs.

Enfin – j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer en répondant à une question au Gouvernement –, le projet de loi a pour objet de faciliter la gestion de la trésorerie des entreprises du bâtiment. Ces dernières dispositions vont permettre de modifier le cahier des clauses administratives générales relatives aux marchés de travaux publics, afin de réduire les délais de production du décompte général après réception des travaux. Pour les marchés de travaux privés, il s’agit notamment de prévoir que le délai d’intervention du maître d’œuvre, ou d’un autre prestataire dont l’intervention conditionne le paiement des sommes dues, est désormais inclus dans le délai de paiement au titre des acomptes mensuels, et de s’assurer que les maîtres d’ouvrage payent chaque mois les travaux exécutés par les professionnels de ce secteur sur la base des demandes de paiement mensuel qu’ils présentent.

Comme vous l’aurez noté, certaines des dispositions qui vous sont proposées sont très techniques. Elles visent à résoudre concrètement et rapidement les difficultés du secteur, qui ont été aggravées par la situation économique. Il était urgent de les aborder aussi vite que possible.

D’évidence, elles n’épuisent pas le sujet et nous aurons l’occasion de nous retrouver pour en débattre à nouveau dans quelques semaines, puisque la préparation du projet de loi suit le calendrier prévu. L’ensemble des autres questions qui peuvent être évoquées le seront bien entendu à l’occasion de ce futur débat.

M. Jean-Luc Laurent. Vivement demain !

Mme Cécile Duflot, ministre. J’espère – je n’en doute d’ailleurs pas – que nous saurons nous rassembler, peut-être même, qui sait, au-delà des traditionnels clivages partisans, pour donner le coup d’accélérateur dont notre pays a besoin. Je vous y engage avec force.

Le logement et les Français ont besoin de vous. Nous pouvons gagner sans doute près d’une année par l’application de ces dispositifs. Il est de mon devoir de m’appuyer sur votre mobilisation pour me faire l’avocate infatigable, jour après jour, de la cause du logement. C’est dans cet esprit que je me tiens en ce jour devant vous, à la fois consciente de la gravité des sujets dont nous discutons et pleine d’espoir sur notre capacité à nous battre avec énergie contre ce qui n’est jamais une fatalité, mais qui souffrirait, soyons-en certains, de nos atermoiements (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires économiques.

Mme Annick Lepetit, rapporteure de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise majeure que connaît le secteur du logement et l’attente forte des millions de nos concitoyens qui souffrent tous les jours de la pénurie de logements appellent des réponses rapides et efficaces.

Au manque de logements que nous dénonçons sur ces bancs depuis une décennie s’ajoute la dégradation plus récente du secteur du bâtiment. La dégradation des chiffres de la construction s’est aggravée ces dernières années sous l’effet de la crise économique, ce qui s’est traduit par de nombreuses suppressions d’emplois et par un rythme de production éloigné de nos objectifs.

C’est pour répondre à cette urgence que le Gouvernement nous demande, par ce projet de loi, de l’habiliter à prendre des mesures d’ordre législatif dans le domaine de la construction. De fait, si cette catégorie de textes demeure un objet juridique particulier, le choix de recourir à des ordonnances n’est pas rare pour autant : lors de la dernière mandature, cinq lois d’habilitation ont été adoptées, tandis que 44 autres lois comprenaient au moins un article de ce type.

Ces lois d’habilitation obéissent à certaines spécificités que je me dois de préciser, en ma qualité de rapporteure. Le droit d’amendement est strictement encadré : à titre d’exemple, s’il ne nous est pas possible d’élargir le champ de compétence des ordonnances, nous pouvons en revanche le préciser. Cela a son importance et diffère de la manière dont nous avons l’habitude de travailler. Une dizaine d’amendements déposés ont d’ailleurs été déclarés irrecevables pour cette raison. Cela confère d’autant plus d’importance à nos débats puisqu’ils orientent la manière dont le Gouvernement devra, demain, se servir de la plume que nous lui confions aujourd’hui.

Trois types de dispositions doivent figurer dans une loi d’habilitation : son périmètre, qui est précisé à l’article premier ; les délais, indiqués à l’article 2, dans lesquels le Gouvernement doit prendre les ordonnances – entre quatre et huit mois ; enfin, le délai impératif de dépôt par le Gouvernement des projets de loi de ratification – un pour chaque ordonnance – devant le Parlement, dans les cinq mois qui suivent leur publication, conformément à l’article 3.

Les délais resserrés d’examen de ce texte ne nous ont pas empêchés de travailler sérieusement au cours des dernières semaines. J’ai ainsi mené vingt-trois auditions, comme toujours ouvertes à l’ensemble des membres de la commission, et qui couvraient tout le spectre des acteurs du logement. J’ai pu constater combien ce texte recueillait l’unanimité. Les mesures que nous présentons sont dans leur ensemble fortement soutenues et, pour certaines, attendues de longue date.

Ce texte s’inscrit également de manière cohérente dans la redéfinition globale de la politique du logement, menée par la majorité depuis un an et qui vise à produire plus de logements, des logements plus abordables et mieux adaptés, c’est-à-dire se situant là où sont les vrais besoins.

La première mesure s’inscrit parfaitement dans cet objectif puisqu’il s’agit de créer une « procédure intégrée pour le logement ». Celle-ci s’inspire de la déclaration de projet, dispositif intéressant mais très peu utilisé car jugé trop complexe et peu opérationnel par les élus et les professionnels. Cette procédure intégrée pour le logement permettra de diviser par trois les délais de procédure pour mettre en compatibilité ou adapter certains documents réglementaires. La commission a souhaité préciser que les projets visés par cette procédure, qui comportent principalement la réalisation de logements, devront être d’intérêt général.

La seconde mesure consiste en la création d’un géoportail où seront disponibles, facilement et gratuitement, tous les documents d’urbanisme. L’intérêt en termes de gain de temps et de fiabilité est indiscutable. J’aimerais cependant que la ministre nous éclaire sur le soutien que le Gouvernement compte apporter aux plus petites collectivités qui n’ont pas forcément, en interne, les capacités techniques pour alimenter un tel portail.

La troisième mesure permet aux collectivités locales qui le souhaitent de porter de 80 % à 100 % la garantie qu’elles donnent aux opérations importantes d’aménagement. La commission a débattu des risques éventuels que cette décision pourrait faire courir à leur équilibre budgétaire. Il apparaît que les dispositions encadrant ces garanties demeurent suffisantes. Ainsi, une collectivité ne peut s’engager sur plus de 50 % du montant total de ses recettes réelles de fonctionnement, et reste plafonnée pour chaque bénéficiaire à 10 % de ce montant. J’ajoute que, lors des auditions, toutes les associations d’élus locaux ont soutenu cet assouplissement qui leur permettra de faciliter la réalisation de certains projets qui, complexes et innovants, sont actuellement bloqués par la restriction du crédit bancaire.

La quatrième mesure vise à accélérer le règlement des recours contentieux en matière d’urbanisme et à lutter contre le développement de recours mafieux. Ce point est particulièrement important. On estime à 30 000 le nombre de logements dont la construction est bloquée actuellement à cause d’une procédure. Il est crucial de trouver un juste équilibre entre la possibilité d’ester en justice, qui reste un droit garanti par la Constitution, et la nécessité de fluidifier la procédure.

Madame la ministre, vous avez demandé au groupe de travail présidé par Daniel Labetoulle de proposer des solutions concrètes et efficaces, ce qu’il a fait. En commission, vous nous avez exposé les préconisations que vous comptez mettre en œuvre dans la future ordonnance. Nous ne pouvons que les saluer, tant elles répondent aux attentes de tous les acteurs du logement qui ont été auditionnés.

La commission a jugé que l’une d’elles était suffisamment importante et significative pour figurer dans le projet de loi : il s’agit de permettre au juge administratif de condamner l’auteur d’un recours abusif à des dommages et intérêts. Cette mesure à la fois juste et proportionnée devrait permettre de dissuader les personnes mal intentionnées, sans empêcher les gens de bonne foi de défendre leurs droits.

La cinquième ordonnance favorisera la densification dans les zones tendues. Les quatre points proposés permettent ainsi de faire de la dentelle dans le tissu urbain, là où les majorations uniformes ont pu être préférées par le passé. Est-il normal, par exemple, d’augmenter de 25 000 euros le coût d’un logement et de gâcher de l’espace public pour créer une place de parking dans une opération de comblement d’une « dent creuse » située à moins de 500 mètres de trois stations de métros ?

M. Thierry Mandon. C’est Paris !

Mme Annick Lepetit, rapporteure. Je ne le pense pas car, je le rappelle, la priorité est de construire des logements. Quand certains verrous ne sont plus justifiés mais continuent de bloquer des opérations, il est alors légitime de les faire sauter.

Ce cinquième point illustre d’ailleurs très bien l’état du droit de l’urbanisme et la nécessité de passer par des ordonnances. Ce degré de technicité serait plus adapté au niveau réglementaire. Mais puisque tout ce qui doit être modifié est déjà inscrit dans la loi, il nous faut légiférer à nouveau pour agir, par exemple, sur les freins à la transformation de bureaux en logements. Cette technicité plaide clairement pour le choix des ordonnances.

La sixième ordonnance vise à développer le logement intermédiaire. Un statut précis permettant de fixer des objectifs de construction dans les documents d’urbanisme sera instauré. Dans les zones tendues, la différence entre les loyers du logement social et ceux du marché libre est devenue si importante qu’elle empêche toute mobilité. Il est donc nécessaire de proposer une offre moins chère que le prix du marché, sans pour autant exonérer les communes de leur obligation de disposer d’au moins 25 % de logement sociaux en 2025.

Le logement intermédiaire est une bonne réponse. Il doit permettre le retour des investisseurs institutionnels, dont le départ a été un élément important dans la hausse des prix.

La possibilité ouverte aux offices HLM de créer des filiales a suscité un débat important en commission, c’est-à-dire un débat de fond.

M. Jean-Luc Laurent. C’est le doute méthodique !

Mme Annick Lepetit, rapporteure. Votre rapporteure y a fait adopter un amendement précisant qu’un principe de stricte étanchéité des fonds devait être respecté.

M. Henri Jibrayel. Très bien !

Mme Annick Lepetit, rapporteure. Je pense que nous aurons l’occasion d’en débattre de nouveau ce soir, mes chers collègues.

M. Henri Jibrayel. Sûrement !

M. Jean-Luc Laurent. Assurément !

Mme Annick Lepetit, rapporteure. Le septième point supprime la garantie intrinsèque pour les ventes en l’état futur d’achèvement, plus communément appelées VEFA. En cas de défaillance du promoteur, les ménages se retrouvent dans des situations catastrophiques où ils continuent de rembourser un logement inachevé sans pouvoir y vivre. La fin de cette garantie inutilement risquée est saluée par tous les acteurs du logement. Une période transitoire est prévue pour que les derniers promoteurs ayant recours à cette pratique puissent s’adapter, notamment – ces régions ont été mentionnées à plusieurs reprises au cours des auditions – en Auvergne, en Alsace ou en Bourgogne.

Enfin, le dernier point facilite la gestion de la trésorerie des entreprises du bâtiment. Aujourd’hui, mes chers collègues, plus de 60 % de celles-ci connaissent des problèmes de trésorerie pour des montants supérieurs à 10 000 euros. Elles n’étaient que 25 % à connaître de telles difficultés il y a dix-huit mois. Modifier les règles de délai de paiement leur apportera un peu d’oxygène pour traverser cette période, difficile pour l’ensemble du secteur.

Mes chers collègues, soyez assurés que toutes les mesures que je viens de vous présenter sont attendues par les acteurs du logement. Ils ont besoin de soutien, de signes forts et rapides de l’État pour relancer la construction. C’est ce que propose ce projet de loi. Les travaux en commission des affaires économiques ont démontré qu’un certain consensus était possible, puisque le texte y a été adopté à l’unanimité. Gageons que le débat en séance sera tout aussi constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Madame la ministre, avocate infatigable du logement, le fait que le Parlement vous demande de légiférer par ordonnances me semble justifié par le périmètre concerné comme par les sujets abordés.

Lorsqu’on légifère par ordonnances, c’est d’abord parce qu’il y a urgence. Or, qui conteste ici qu’il y ait urgence en matière de construction de logements, d’accès au logement pour tous sur l’ensemble des territoires ? Qui ne considère qu’il y a urgence pour l’industrie du bâtiment, en attente de décisions de cette nature ? Personne. En tout cas, je n’ai pas entendu ce point de vue durant les nombreuses heures au cours desquelles nous avons siégé en commission.

Les ordonnances peuvent également être utilisées lorsque le sujet traité fait l’objet d’un large consensus et qu’il ne concerne pas des mesures de caractère fondamental. Imaginez, madame la ministre, que vous ayez souhaité imposer par ordonnance le plan local d’urbanisme intercommunal. Une telle extravagance n’aurait pas été acceptable, car cette question renvoie à un débat de fond sur la manière dont les territoires s’organisent. Je sais que vous avez l’intention d’inscrire cette mesure dans un texte en préparation, mais une telle mesure ne sera pas prise par ordonnance : il y aura un débat complet sur le sujet.

M. Michel Piron. Très bien !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’ai choisi cet exemple au hasard, mais il me semble que la façon dont l’ensemble des représentants des groupes ont débattu en commission a montré que, sur ce sujet, tout le monde comprenait bien qu’il y avait urgence et que le recours aux ordonnances n’était pas nécessairement une absurdité.

Pour autant, si le Gouvernement légifère par ordonnances, il importe de savoir exactement ce qu’il fera de l’habilitation qu’on lui donne. À cet égard, madame la ministre, je prends acte de l’engagement que vous avez affirmé en commission : vous avez annoncé en effet que vous nous présenterez le texte avant qu’il ne soit promulgué. J’ai pris cet engagement au sérieux, car il est important que la commission examine ce texte avant sa promulgation.

À l’instar des autres parlementaires, j’ai souvent critiqué le fait de légiférer par ordonnances, considérant que c’était une négation du travail parlementaire. Chaque fois que les gouvernements précédents ont agi ainsi, je me suis relativement insurgé. Je dis « relativement » car, cette procédure ayant été utilisée une cinquantaine de fois par le gouvernement précédent ainsi que l’a rappelé Mme la rapporteure, je n’ai probablement pas crié à chaque fois.

M. Lionel Tardy. Voilà qui n’est pas sympathique ! Tout le monde le fait !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Les gouvernements précédents l’avaient fait également.

M. Lionel Tardy. C’est bien de le reconnaître !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Sous tous les gouvernements, on défend l’idée que parfois, pour aller plus vite ou pour éviter certains débats ennuyeux, il faut recourir aux ordonnances.

Ce n’est pas le cas ici. Aucun sujet fondamental n’est abordé. Les dispositions concernent des aspects strictement techniques et il ne s’agit pas de traiter en catimini de sujets dont on ne voudrait pas débattre. Ce serait un mauvais procès que de considérer que la méthode choisie n’est pas adaptée.

Je comprends que certains ne souhaitent pas qu’on légifère par ordonnances, car plus cela dure, moins le Gouvernement avance dans la construction de logement, moins il répond au besoin social et moins le marché de l’immobilier et de la construction se porte bien. Ceux qui souhaitent l’échec du Gouvernement peuvent donc souhaiter qu’on n’utilise pas ce mode d’élaboration de la loi que sont les ordonnances.

Sur le fond, notre législation est devenue d’une complexité extrême. Il y a dans chacune de nos communes – celle dont je suis le maire n’y échappe pas – un ou plusieurs experts en recours permanents, dont l’intérêt à agir est rarement démontré mais qui, en tout état de cause, ont la capacité de faire traîner les projets, voire d’en empêcher l’aboutissement car, de tribunal en tribunal, les procédures découragent finalement les investisseurs. Comme il a été rappelé, il s’agit d’un enrichissement sans cause, puisque la plupart de ces experts monnaient le retrait de leur recours contre des euros sonnants et trébuchants, pariant sur l’angoisse des investisseurs face à un horizon encombré de procédures qui s’accumulent. Le temps joue pour eux, ce qui est absolument insupportable. Vous en conviendrez, ce phénomène touche beaucoup de communes sur l’ensemble du territoire. Cette disposition est un des points clés de ce texte.

Mme Audrey Linkenheld. Très juste !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je n’évoquerai pas ceux qui considèrent que, étant arrivés les derniers dans une commune, ils doivent le rester éternellement. (Sourires.) Il est heureux pour eux que ceux qui les ont précédés les aient acceptés ; mais c’est un autre sujet.

Je tiens à saluer la cohérence, le pragmatisme de ce texte et son utilité concrète. Il respecte en outre le rôle de chacun ; les collectivités, les tribunaux. Je remercie le Gouvernement d’avoir instauré, ce faisant, une obligation de clarté et de réactivité pour les services de l’État, ce qui est nécessaire dans ce domaine. Le Président de la République avait annoncé ces mesures d’urgence il y a quelques semaines et la majorité gouvernementale est fière de constater, engagement après engagement, que la feuille de route s’exécute, et ce dans le respect du rôle du Parlement.

Pour conclure, ce texte porte en lui une nouvelle écriture de la formule négative : « Qui peut le PLU peut le moins » : avec ce texte, on pourra dire : « qui peut le PLU peut bien plus ». (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du Règlement.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la motion de renvoi en commission que je défends devant vous ne doit pas être comprise comme une opposition au texte qui nous est soumis…(« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Goldberg. Nous voilà rassurés !

M. Lionel Tardy. Voyez que nous pouvons aussi être positifs ! Elle doit plutôt être perçue comme une contribution constructive à un débat que nous n’avons que de manière trop fragmentée sur nos méthodes de travail.

Trop souvent, nous n’abordons publiquement ces questions de méthode que par le biais de rappels au règlement. Ces rappels au règlement traduisent le plus souvent une irritation, parfois légitime, mais ils ne permettent pas de poser sereinement les termes du débat ni de développer un discours de la méthode.

La question des ordonnances prises en vertu de l’article 38 de la Constitution est un vrai sujet, qui nécessite que les méthodes de travail du Parlement soient clairement revues.

Tous les gouvernements, quel que soit leur bord politique – le président de la commission des affaires économiques l’a parfaitement souligné –, ont recours aux ordonnances.

Pratique et rapide, cette procédure permet d’éviter des débats parlementaires sur des sujets si techniques que personne, ou presque, n’y comprend rien.

Souvenez-vous du débat sur le projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière financière, qui a eu lieu en décembre dernier. Il s’agissait notamment de transposer des directives très techniques sur les questions financières. J’avais déposé un amendement que, je dois bien l’avouer, je n’avais pas écrit et que j’aurais eu du mal à défendre longuement. (Sourires.) Je ne faisais là que relayer un questionnement qui m’avait été transmis par des personnes maîtrisant le sujet bien mieux que moi. Le rapporteur, visiblement dans la même situation, n’a pas dû comprendre grand-chose à la réponse qu’il m’a faite en lisant consciencieusement sa fiche…

M. Michel Piron. Effrayant !

M. Lionel Tardy. Voilà un texte qu’il aurait été préférable de faire passer par ordonnance, plutôt que par un projet de loi débattu selon la procédure ordinaire.

Le recours aux ordonnances permet aussi de gagner du temps. L’encombrement du calendrier parlementaire, nous le savons tous, ne permet pas d’aller aussi vite qu’on le souhaiterait, alors même qu’il y a parfois urgence. C’est la justification de la loi d’habilitation qui nous est soumise aujourd’hui, et je la reçois parfaitement.

Il faudra simplement, madame la ministre, que la publication des ordonnances suive. S’il vous faut six mois pour les publier, il vous sera difficile de justifier la nécessité d’accélérer, voire de court-circuiter le débat parlementaire.

J’entends dire beaucoup de mal des ordonnances. Ce qui pose problème n’est pas tant le principe mais la manière de faire, et il faut reconnaître que le traitement des ordonnances par le Parlement est très loin d’être satisfaisant.

En amont, lors de la phase parlementaire, les débats sur les habilitations sont rares, car celles-ci sont souvent logées dans des articles placés en fin de texte. Les députés n’ont alors qu’une envie : terminer rapidement l’examen du projet de loi parce qu’il est tard et que beaucoup de temps a été perdu à discuter de broutilles lors de l’examen des premiers articles.

Je reconnais donc tout l’intérêt d’un projet de loi entièrement consacré à habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances. Même si cela ne peut être qu’exceptionnel, vu les contraintes du calendrier parlementaire, un vrai débat sur l’habilitation peut ainsi avoir lieu.

Mais le moment le plus important n’est pas tant celui de l’habilitation des ordonnances que celui de leur ratification. S’il présente les grandes orientations politiques et le cadre de l’habilitation, le projet d’habilitation ne donne aucun détail sur le contenu exact des mesures.

M. Michel Piron. C’est vrai !

M. Lionel Tardy. Or l’essentiel, à mes yeux, est là : dans les mesures qui seront effectivement applicables. Sur ce point, on peut affirmer que le Parlement est absent ; c’en est même affligeant !

Lorsque les ordonnances sont ratifiées, ce qui n’est pas toujours le cas – je pense à plusieurs ordonnances remontant à 2011 – cela se fait par amendements, lesquels, souvent, ne suscitent pas le moindre débat.

Ces dix dernières années, les ratifications d’ordonnances ayant pris la forme d’un projet de loi inscrit à l’ordre du jour doivent se compter sur les doigts d’une main.

Il arrive parfois que quelques amendements soient débattus lors de la ratification mais ils portent toujours sur des points très précis ; le reste de l’ordonnance n’est même pas examiné. Nous ratifions à l’aveugle, alors même qu’une partie substantielle de notre législation, notamment sur le plan technique, passe par ce biais.

La réforme constitutionnelle de 2008, qui a supprimé les ratifications implicites, n’a pas changé grand-chose à cet état de fait. Cela me dérange profondément, car il s’agit là d’un dessaisissement du Parlement.

Or, notre rôle dans le processus d’élaboration de la décision publique est important. L’examen par le Parlement représente l’étape publique de l’élaboration d’un texte. Même si, dans les faits, l’essentiel des décisions et des arbitrages est rendu en amont, la discussion parlementaire est irremplaçable, car publique. Ce moment où tout doit être mis sur la table en pleine lumière, avant validation définitive de la décision, est absolument nécessaire.

Le cœur de notre rôle au sein de la Ve République est là, mes chers collègues : obliger le Gouvernement à expliquer ses choix, à donner les tenants et les aboutissants tout en veillant à ce que les parlementaires, certes, mais aussi tous ceux qui veulent se saisir des textes, disposent du temps nécessaire pour les analyser et produire leurs observations.

Vu les moyens matériels dont nous disposons, il ne faut pas nous leurrer. Il nous est impossible, à moins d’être des experts, d’analyser les textes en profondeur. Nous pouvons détecter les points litigieux ou ceux qu’il faut creuser, mais d’autres que nous se chargent de l’analyse en profondeur et nous la transmettent, afin que nous l’utilisions dans le débat.

Cette phase est essentielle, car elle limite l’action du Gouvernement. Celui-ci évite d’aller aussi loin qu’il le voudrait car « cela va se voir » : cela ne passera pas, car c’est inacceptable, ou cela entraînera des demandes d’explications et attirera l’attention sur d’autres points. C’est un garde-fou, un rail de sécurité.

Le fait que la procédure existe et que les choses devront être mises en lumière influence profondément l’ensemble du processus décisionnaire. Démocratiquement, c’est vital ! Malheureusement, les ordonnances échappent trop souvent à ce processus de mise en lumière. Même si, globalement, elles ne semblent pas donner lieu à des dérapages majeurs, il n’est pas mauvais d’éliminer ce qui demeure, dans la fabrication de la loi, un angle mort.

L’un des aspects sur lesquels nous devons agir et où, justement, les ordonnances sont largement utilisées, est l’inflation normative. Depuis quelque temps, le Sénat se penche avec attention sur les normes et leur impact sur les collectivités locales. Cet impact est tout aussi important, sinon plus, sur les entreprises, chères à notre commission – mais, malheureusement, les sénateurs sont désignés par les élus locaux et non par les chefs d’entreprises, d’où un tropisme aisément compréhensible.

Reste que le problème de l’inflation des normes est bien réel. La plupart du temps, elles passent par des ordonnances. Certes, le droit de l’Union européenne a sa part de responsabilité mais, trop souvent, si ce n’est systématiquement, la France « surtranspose ». Elle ajoute des dispositions qui ne sont pas imposées par la directive et fait passer le tout en bloc.

J’ajoute que l’ordonnance est le véhicule parfait pour que l’administration ou, pire, les lobbies fassent passer sans réelle validation politique des mesures sectorielles qui n’auraient peut-être pas été adoptées si elles avaient fait l’objet de réunions interministérielles et d’un débat public au Parlement. En revanche, une fois la mesure adoptée, il est plus compliqué de revenir dessus.

Voici un exemple typique, contre lequel je me bats sans succès depuis 2009 : cette année-là, l’ordonnance 2009-901, relative à la partie législative du code du cinéma et de l’image animée, a été prise, créant en son article 3 un droit pour les sociétés de gestion de droits. Il est prévu, au détour d’une petite phrase anodine, que : « Les sociétés d’auteurs, d’éditeurs, de compositeurs ou de distributeurs peuvent recevoir de l’administration des impôts tous les renseignements relatifs aux recettes réalisées par les entreprises soumises à leur contrôle. » C’est-à-dire que la SACEM, la SACD et autres bénéficient d’un droit d’accès aux fichiers fiscaux pour vérifier les déclarations des commerçants soumis au paiement des droits.

Je suis tombé sur cette disposition par pur hasard. Malgré plusieurs amendements que j’ai déposés pour la supprimer ou, tout du moins, en débattre, elle existe toujours. Or il me semble contestable que des sociétés civiles, qui se disent de pur droit privé quand on évoque les salaires de leurs dirigeants, disposent de prérogatives de puissance publique pour exercer une activité privée.

On pourrait trouver des dizaines d’exemples tels que celui-là. La situation est donc loin d’être satisfaisante et nous en sommes les principaux responsables !

Comme pour beaucoup de choses, nous avons les pouvoirs, nous avons les moyens, mais nous ne nous en saisissons pas ! Toutes les habilitations passent par un texte de loi : nous pouvons déposer des amendements et nous inscrire comme orateurs dans la discussion des articles.

Il en va de même pour les ratifications : nous pouvons présenter des amendements portant sur l’ensemble de l’ordonnance. Il ne tient qu’à nous, chers collègues, de le faire.

Encore faut-il avoir les moyens de travailler sur le texte de ces ordonnances, et c’est là que le bât blesse : individuellement, c’est une mission impossible.

Ce ne peut être que le résultat d’un travail collectif mené dans le cadre de la commission. Je m’adresse donc à vous, monsieur le président de la commission des affaires économiques, car c’est vous qui détenez la clé. De plus, je vous sais attentif aux pouvoirs du Parlement et peu disposé à laisser trop de place aux ordonnances.

Les outils existent déjà pour un contrôle parlementaire des ordonnances. L’essentiel, selon moi, est de contrôler le contenu de l’ordonnance, une fois promulguée.

Il se trouve que le Gouvernement est obligé de déposer systématiquement un projet de loi de ratification. Celui-ci n’est pourtant jamais inscrit à l’ordre du jour, l’ordonnance étant validée du seul fait du dépôt de ce texte, non de son adoption.

À partir du moment où le projet de loi est déposé, il est renvoyé à une commission. Il est alors tout à fait possible de désigner un rapporteur ! Celui-ci examinera l’ordonnance, procédera à des auditions et rendra un rapport qui pourra être examiné en commission. Nul besoin qu’un texte de loi soit formellement inscrit à l’ordre du jour de la séance publique pour qu’il soit examiné et adopté en commission.

Mais l’essentiel du problème vient du manque de temps. Qu’il s’agisse de la séance publique ou des réunions de commission, il existe une limite. Nous ne pouvons passer notre temps en commission et il y a tellement à faire : examen des projets de loi, auditions, examen des rapports d’information. Je conçois aisément qu’il reste peu de place pour les rapports sur les ordonnances.

Toutefois, ce n’est pas un problème si l’on adapte nos méthodes de travail, ce qui nécessite que l’ensemble des commissaires s’astreignent à une discipline.

L’important, à mes yeux, est qu’un rapport soit écrit sur chaque ordonnance afin de fournir aux parlementaires, mais aussi à l’ensemble des citoyens, une information sur le contenu de l’ordonnance ainsi qu’une analyse un tant soit peu politique et, surtout, indépendante du Gouvernement.

Actuellement, le rapport au Président de la République, annexé à l’ordonnance, constitue le seul dossier explicatif. Qu’il y ait un deuxième son de cloche ne me semble pas inutile au bon fonctionnement de notre démocratie.

Parfois, un débat sera nécessaire. Il ne sera pas systématique, notamment si le contenu de l’ordonnance, satisfaisant et consensuel, n’appelle pas de commentaires. S’ils le souhaitent, les groupes politiques ou certains commissaires pourront aussi s’exprimer sans qu’il soit utile pour autant d’organiser un débat, par le biais de simples contributions écrites annexées au rapport. Approuver le rapport sans débat par un vote en commission prend moins d’une minute, monsieur le président.

Sans doute cela alourdira-t-il quelque peu la charge de travail des administrateurs des commissions, mais ils en ont vu d’autres et ils sont tout à fait capables d’absorber cette charge supplémentaire (Sourires), d’autant qu’elle peut être répartie dans le temps. Les ordonnances entrant en vigueur dès leur publication, il n’y a aucune urgence à procéder à la ratification. Pendant les périodes de surchauffe, comme la commission des affaires économiques en a connu à l’automne dernier, on peut très bien laisser ces dossiers de côté et les reprendre quand l’agenda est plus calme.

L’existence d’un rapport, donc d’un texte de la commission, est nécessaire pour que le texte vienne en séance publique et que l’ordonnance soit ratifiée. Cela peut aller vite si le travail a été bien mené en amont et que le contenu de l’ordonnance ne fait pas problème. Il suffit d’utiliser la procédure simplifiée, qui existe dans notre règlement et qui sert surtout pour les ratifications de conventions internationales. Là encore, monsieur le président, cela prend moins d’une minute.

Ratifier les ordonnances est utile : cela leur donne un niveau législatif et joue sur le contentieux, notamment constitutionnel. Une ordonnance ratifiée peut faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité car elle est de niveau législatif, alors qu’une ordonnance non ratifiée est de niveau réglementaire.

On a déjà vu le Conseil constitutionnel prononcer des non-lieux à statuer sur des QPC dirigées contre un texte en apparence législatif, qui était en fait le résultat d’une ordonnance non encore ratifiée. Alors que le plaideur aurait pu gagner sur le fond et voir le cours de son procès changer, il a perdu pour un motif de pure forme, ce qui n’est pas satisfaisant et porte un préjudice réel.

Nous ne pouvons donc traiter à la légère la question de la ratification des ordonnances et laisser traîner les choses comme c’est le cas aujourd’hui.

Tel est, monsieur le président de la commission des affaires économiques, le message que je souhaitais vous adresser cet après-midi.

Quand on sait les utiliser, les ordonnances sont un outil utile, qui peut permettre d’aller vite, de désengorger le calendrier parlementaire et d’éviter des débats trop techniques dont les parlementaires se désintéressent, dégageant ainsi du temps pour d’autres activités.

Le Gouvernement a également tout à gagner à ce que davantage de textes passent par voie d’ordonnances sans que cela froisse les parlementaires ou nuise au bon fonctionnement démocratique de nos institutions.

Mes chers collègues, il ne nous reste plus qu’à nous mettre au travail. Je vous remercie.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je voudrais remercier Lionel Tardy, qui ne nous a d’ailleurs pas invités à voter son renvoi en commission. (Sourires.) En effet, il s’agissait surtout pour lui d’évoquer ce sujet délicat qu’est le rapport entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire, au moyen de ce véhicule intermédiaire que sont les ordonnances, qu’il juge plutôt bien adaptées au sujet qui nous préoccupe.

En cohérence avec la position que vous avez défendue en commission, vous ne critiquez ni le fond ni la méthode, monsieur Tardy, cette dernière vous semblant plus appropriée qu’en d’autres occasions où les ordonnances n’avaient pas été ratifiées. Or une ordonnance non ratifiée n’a pas de valeur législative, et il ne faut donc pas perdre de temps entre sa promulgation et sa ratification – le Parlement et le Gouvernement doivent y veiller.

Votre appel à la vigilance nous donne l’occasion d’un débat de constitutionnalistes – ce dont je m’excuse auprès de Mme la ministre – sur le bon équilibre des pouvoirs. Nous devons tous réfléchir à faire des textes de loi moins bavards et moins réglementaires, ce qui amoindrit les capacités du Gouvernement à s’adapter à des contextes parfois délicats. L’ordonnance est l’un des outils qui permettent d’être réactif, quand bien même il s’écoule plusieurs mois avant la promulgation. Pour autant, cela reste plus rapide que la discussion parlementaire d’un texte comportant plusieurs articles et soumis à deux lectures.

À ce propos, il paraît, madame la ministre, que le texte que vous devez nous présenter prochainement comporte plus d’une centaine d’articles : or quand vous proposez cent articles aux députés, vous êtes sûre d’en avoir deux cents à la sortie, et il serait peut-être plus sage de commencer par une cinquantaine d’articles seulement…

M. Michel Piron. Il faut commencer par l’essorage ! (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’en profite, comme vous le voyez, pour faire passer quelques messages au Gouvernement !

J’invite la majorité à ne pas voter ce renvoi en commission. Je précise par ailleurs que la commission a siégé pendant deux cent dix minutes et examiné seize amendements.

M. Michel Piron. Vous aviez besoin de réfléchir !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Mais vous nous avez aidés, monsieur Piron, ce dont je vous remercie. J’ai bien compris, quoi qu’il en soit, que vous ne souhaitiez pas le renvoi en commission.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Annick Lepetit, rapporteure. J’ai écouté attentivement vos propos, monsieur Tardy, qui ne contenaient aucune critique sur le fond des huit mesures qui nous occupent.

Les débats que nous avons eus en commission – et que nous allons bien évidemment poursuivre dans l’hémicycle – ont en effet permis d’éclairer ses membres, et l’unanimité qui s’est faite montre que les mesures proposées par le Gouvernement ne posent guère de problème.

M. le président. Au titre des explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

Mme Michèle Bonneton. Le logement est une urgence, cela fait largement consensus, bien au-delà des rangs de la majorité.

Les ordonnances qui nous sont proposées concernent des points relativement techniques : création d’une procédure intégrée dans l’instruction des dossiers pour accélérer celle-ci ; lutte contre les recours abusifs et accélération des procédures de recours contentieux ; possibilité de densification – modérée – dans les zones tendues, grâce à l’alignement des hauteurs sur l’existant, au comblement des « dents creuses », à la diminution du nombre de places de stationnement là où il y a des transports en commun, mais aussi en facilitant la transformation de bureaux en logements ; meilleure sécurisation des ventes en l’état futur d’achèvement par la remise en cause progressive de la garantie intrinsèque ; facilitation de la gestion de trésorerie des entreprises du bâtiment ; augmentation des garanties d’emprunt des collectivités locales ; mesures enfin concernant le logement intermédiaire et permettant notamment le développement des baux emphytéotiques de longue durée.

Quant à la méthode, le projet de loi d’habilitation dont nous allons débattre encadre clairement et strictement le contenu des ordonnances, lesquelles seront soumises à discussion avant d’être publiées, avec ou sans ratification, ainsi que vous l’avez assuré, madame la ministre, devant la commission des affaires économiques.

Cette façon de statuer par ordonnances permettra d’accélérer la construction et la rénovation de logements et préparera la prochaine loi sur le logement, que nous devrions examiner en septembre prochain.

Nous sommes donc contre le renvoi en commission, qui ferait perdre beaucoup de temps, contrairement aux objectifs défendus par ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. François Pupponi, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. François Pupponi. Comme le disait le président Brottes, vous n’avez pas donné un seul argument, monsieur Tardy, à l’appui d’un renvoi en commission – que vous ne demandez même pas vous-même…

Et pour cause : nous sommes ici dans une procédure prévue par la Constitution et engagée par le Gouvernement pour les raisons objectives que nous connaissons et que nous soutenons. La commission s’est réunie pour travailler ; le groupe UMP n’a d’ailleurs pas jugé bon de déposer d’amendements, ce qui a contribué à la sérénité des débats. La rapporteure a procédé à de nombreuses auditions, et nous avons donc préparé efficacement ce projet de loi d’habilitation, dont nous débattons aujourd’hui dans l’hémicycle.

Il est temps de se mettre au travail pour qu’il soit adopté le plus rapidement possible, car nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y a urgence dans le domaine du logement. Le groupe SRC votera donc naturellement contre le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Le Ray. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UMP soutient la motion défendue par Lionel Tardy. On a certes évoqué l’urgence dans laquelle nous sommes, mais j’insiste sur la nécessité d’un nouveau passage en commission avant la promulgation de la loi.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Je n’ajouterai rien à l’ensemble des arguments plutôt laudatifs que j’ai entendus, et ce propos suffira à exprimer la position de l’UDI. (Rires.)

M. Jean-Luc Laurent. C’est très centriste !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Je n’irai pas jusqu’à demander le renvoi en commission dans la mesure où je n’ai pas participé aux réunions de la commission des affaires économiques, ayant dû, pendant deux semaines, participer aux travaux de la commission des affaires sociales pour préparer notre « niche » parlementaire de jeudi dernier. Il serait donc particulièrement inélégant de ma part de demander un renvoi en commission alors que je n’en ai pas suivi les débats.

J’expliquerai au cours de la discussion générale que nous ne sommes pas favorables à la procédure qui consiste à légiférer par ordonnances. Nous ne concevons le travail en commission que sur la base d’un vrai texte de loi, et non d’un texte appelant à légiférer par ordonnances.

M. Bertrand Pancher. Très bien !

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’ai oublié de préciser tout à l’heure que le Gouvernement avait pris l’engagement de présenter le texte à la commission des affaires économiques avant sa promulgation. La commission se réunira donc, et j’espère, monsieur Chassaigne, que vous participerez alors à ses travaux.

M. André Chassaigne. Vous m’avez suffisamment manqué pour que je revienne !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, construire suffisamment de logements en France demeure une gageure. Les politiques publiques des années précédentes n’ont pas permis de résorber le mal-logement et, au cours de l’année 2012, les mises en chantier ont diminué ainsi que les emplois dans le secteur du bâtiment. La Fondation Abbé-Pierre fait état de 3,6 millions de personnes mal logées, dont plus d’un million en attente d’un logement social, 650 000 sans domicile personnel, et 150 000 sans domicile fixe, alors que le droit au logement est inscrit dans la Constitution. Les objectifs fixés par le Gouvernement nécessitent la mobilisation de tous et de tous les moyens dont nous disposons.

Madame la ministre, vous avez déjà apporté des réponses importantes sur les questions du foncier et du droit au logement opposable. Vous avez renforcé la loi SRU et, dans les prochains mois, une nouvelle loi sur le logement permettra de doter notre pays de règles ambitieuses concernant la qualité environnementale et thermique des logements à construire et à rénover.

C’est un vaste chantier qui aura à la fois un impact fort sur l’environnement, sur le pouvoir d’achat des ménages, sur l’emploi et sur l’économie.

Ces défis, nous devons les relever de front. L’isolation des logements est, de loin, le meilleur moyen de lutte contre les rejets de gaz à effet de serre, qui conduisent au dérèglement climatique. L’objectif doit être l’habitat à faible consommation, voire à énergie positive.

C’est aussi un grand enjeu social, dans la mesure où le renchérissement du coût de l’énergie précipite de nombreux ménages dans une situation de précarité énergétique. Les programmes envisagés constitueront des gisements d’emplois, bien au-delà du seul secteur du bâtiment.

La loi d’habilitation qui vient en discussion permettra d’accélérer les mises en construction et la rénovation, ce qui va dans le sens de l’intérêt général. De nombreux obstacles doivent cependant être levés. Au fil du temps, plusieurs procédures préalables à la construction, qui ont chacune leur utilité, se sont empilées. Si nous sommes très attachés à leur maintien et à leur amélioration pour un habitat plus respectueux des hommes et de l’environnement, les délais qui en résultent sont très longs. Pour réduire la durée totale de l’instruction, vous nous proposez une procédure intégrée qui permettra d’instruire pour partie les dossiers en parallèle et non plus les uns après les autres, le délai s’alignant sur celui de la procédure la plus longue. C’est une solution tout à fait pertinente.

Le contenu des ordonnances à venir est à l’image de cette disposition, à savoir strictement et clairement encadré, et nous nous en félicitons.

Je ne rappellerai pas toutes les dispositions de la loi ; je n’en citerai que deux, particulièrement emblématiques : la création d’un portail national des projets d’urbanisme ; la transformation de bureaux vides en logements – les estimations font état, pour la seule Île-de-France, de 4,5 millions de mètres carrés vacants, ce qui représente un gisement important.

Par ailleurs, le travail en commission a permis de préciser certains éléments. Les facilités accordées par les ordonnances devront l’être dans le souci de l’intérêt général et en toute transparence, portée par la volonté politique d’aller vers plus de mixité sociale.

La définition de ce que l’on qualifie de « zone tendue » a été précisée en commission, en prenant comme référence « les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants telles que définies à l’article 232 du code général des impôts ».

La commission a aussi débattu de la possibilité ouverte aux organismes HLM de créer des filiales pour intervenir dans le logement intermédiaire. Or, ce dispositif n’ayant pas fait ses preuves, il ne fait pas l’unanimité, ce qui explique qu’un amendement de suppression de l’alinéa 22 ait été déposé à l’article 1er. En effet, si l’on souhaite construire 150 000 logements sociaux par an, l’ensemble des moyens des organismes HLM et des terrains disponibles ne sera pas de trop. De surcroît, n’est-il pas préférable que le seul objet des organismes HLM soit le service public du logement ? De même, nous ne sommes pas totalement convaincus de la nécessité d’augmenter le niveau des garanties que les collectivités locales pourront apporter aux projets portant principalement sur du logement.

Nous avons enfin déposé un amendement pour rappeler notre attachement à la lutte contre l’artificialisation des sols. Si votre projet de loi vise à accélérer la construction et la rénovation, il ne faut pas oublier pour autant que l’artificialisation des sols et le recul des surfaces agricoles sont des problèmes très importants qu’il convient de traiter aussi en urgence. J’ai d’ailleurs bien entendu ce que vous venez de dire sur ce sujet, madame la ministre.

La situation du logement appelle des réponses rapides. Nous approuvons et nous apprécions votre réactivité, madame la ministre, et nous soutenons votre volonté d’accélérer la construction et la rénovation.

M. Éric Alauzet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Nous sommes réunis dans cet hémicycle aujourd’hui pour habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance afin d’accélérer les projets de construction.

L’ordonnance est un moyen pour le Gouvernement de légiférer plus vite, sans passer par l’examen approfondi qu’impose la procédure parlementaire traditionnelle. Nous sommes donc là pour donner les moyens au pouvoir exécutif de prendre des mesures en urgence.

Aucun parlementaire ne peut se réjouir de ce procédé qui doit être réservé à des situations exceptionnelles et rester exceptionnel. Permettez-moi donc d’exprimer en propos liminaire une légère antipathie, au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, à l’encontre de cette procédure qui pourrait rappeler le mauvais vieux temps des décrets-lois.

M. Michel Piron. Ah !

M. Jacques Krabal. Cela dit, l’encadrement des ordonnances est devenu de plus en plus contraignant et le Parlement s’y trouve associé, en amont et en aval.

Nous sommes dans la phase amont où nous allons examiner et voter une loi d’habilitation précise et strictement délimitée, comme cela a déjà été rappelé à de nombreuses reprises.

De manière plus générale, reconnaissons que ce projet de loi nous arrive sous cette forme car le temps parlementaire est une denrée rare. Et ce n’est pas une question de majorité, puisqu’il en était de même sous la précédente législature ! Peut-être devrions-nous donc approfondir notre réflexion et trouver des solutions pour améliorer l’utilisation de cette denrée ?

Au nom du groupe RRDP, je voudrais exprimer un certain agacement dû au fait que de trop nombreux projets de loi contiennent des dispositions strictement réglementaires. Ne comptez pas sur moi pour vous donner des exemples. Il ne s’agit pas d’être impoli, mais le constat est unanimement partagé par tous ceux qui s’intéressent aux textes examinés.

M. Michel Piron. Tout à fait !

M. Jacques Krabal. Loin de moi l’idée de prétendre que la frontière entre l’article 34 et l’article 37 de la Constitution n’a pas toujours été poreuse. On entend en effet un discours quelque peu nostalgique sur des années dorées, sur une prétendue étanchéité idéalisée. Force est de constater que la situation ne s’est pas améliorée.

Nous assistons dans le même temps à une application extrêmement stricte de l’article 40 de la Constitution, avec une sévérité parfois absurde. Nous sommes nombreux à ressentir la variabilité du respect de la Constitution en fonction des articles.

L’urgence et la situation spécifique du logement en France justifient-elles le recours à la procédure des ordonnances ?

Nous avons entendu beaucoup d’arguments en ce sens, en particulier celui selon lequel « le logement est la priorité des priorités ». Les députés du groupe RRDP en sont évidemment d’accord, même si la formule est aujourd’hui trop galvaudée. Sans faire de discours larmoyant ou philosophique, proclamer qu’un toit est la condition première de la dignité de nos concitoyens revient à énoncer une vérité simple, mais qui s’impose à tous.

La gravité de la situation a été décrite, la crise des entreprises du bâtiment nécessite bien quelques mesures urgentes qui relèvent du domaine de la loi. Et le paradoxe de la situation actuelle est connu : en 2012, les ventes de logement neuf ont baissé de 18 % et le nombre de logements commencés a chuté de 20 %, alors même que les Français éprouvent de plus en plus de difficultés pour se loger.

Accélérer les projets de construction, voilà donc un bel objectif que les députés du groupe RRDP partagent. Sachez, madame la ministre, que malgré nos réserves sur la forme, nous soutenons votre projet de loi, en premier lieu parce qu’il est pragmatique. Vous montrez ainsi le bon exemple en conjuguant pragmatisme et action politique, ce qui est assez rare pour être signalé.

Nous vous soutiendrons pour de nombreuses raisons, en particulier pour mettre fin à l’ensemble des recours abusifs. Cela a déjà été dit, mais il faut le répéter. Entre 30 000 et 35 000 logements sont bloqués par des recours abusifs, alors que les taux de rejet des recours atteignent plus de 90 % dans les grandes villes.

Les projets s’en trouvent inutilement ralentis pendant plusieurs années. Ce procédé est même devenu un business, franchement insupportable. Un tel dévoiement des procédures de contrôle est si scandaleux qu’il pourrait justifier à lui seul le recours aux ordonnances. Nous entendons tous des plaintes sur ce sujet depuis des années, mais rien n’a été fait jusqu’à présent, ou pas grand-chose.

Madame la ministre, ce problème est enfin traité. Sans prétendre régler tous les problèmes du logement, cette mesure va dans le bon sens pour accélérer les procédures et mettra surtout un terme à des pratiques infernales.

Nous partageons par ailleurs l’esprit de votre texte, votre volonté d’amorcer un mouvement de simplification. Combien de fois avons-nous constaté le désarroi de nos compatriotes, de nos entrepreneurs, face à la complexification et à la multiplication des normes qui s’imposent ?

Nous saluons l’instauration d’une procédure intégrée pour le logement avec des délais raccourcis qui permettent de tenir compte de la spécificité de ce secteur. Elle permettra d’échapper aux nombreux freins auxquels se heurtent les projets d’aménagement.

Certaines normes supérieures imposent des contraintes importantes, parfois discutables, et empêchent tout projet de construction sur des zones qui pourraient accueillir de nouveaux logements.

Tel est le cas des plans de prévention du risque inondation – PPRI –, dont je peux vous citer un exemple que je connais bien, celui de la rivière de la Marne.

M. Michel Piron. Oh la la !

M. Jacques Krabal. Non seulement les risques de crue ont été largement surestimés – c’est un point sur lequel s’accordent tous les experts – mais des erreurs de calcul ont de surcroît été commises lors de l’élaboration du PPRI, ce qui aboutit fréquemment à des situations de blocage.

Ce PPRI a été beaucoup trop étendu. Alors que nous n’avons jamais eu à déplorer la moindre inondation, les mesures de restriction nous interdisent de construire des parkings souterrains. Nous sommes pourtant loin de la situation de l’île de la Cité où ils sont légion, sans même parler des nouvelles techniques de construction qui permettent de garantir ces parkings contre les risques d’inondation.

Les exemples de ce type sont nombreux en France et nous attendons avec impatience des améliorations.

Cette procédure intégrée pour le logement résoudra donc des difficultés d’aménagement, bien évidemment dans le cadre d’une évaluation environnementale, pour permettre une adaptation du PPRI et autoriser la réalisation d’un projet d’aménagement.

Concernant la simplification, force est de constater que les différentes réglementations et l’accumulation de nouvelles normes et procédures en matière d’urbanisme se traduisent par des délais d’instruction de plus en plus longs. Cela étant, les retards liés aux procédures résultent aussi du manque de moyens des services administratifs au sein des directions départementales des territoires pour instruire les permis de construire, les permis d’aménager et les certificats d’urbanisme – et la révision générale des politiques publiques n’a pas aidé, c’est le moins que l’on puisse dire.

Je profite de ce débat pour vous faire remonter une demande des territoires.

Nous devrions pouvoir évaluer finement les besoins dans les services et les territoires en tension. L’accélération des projets de construction passe par la simplification et l’accélération des procédures, mais aussi par un nombre d’agents adapté à la quantité de travail.

Votre texte contient par ailleurs une excellente initiative : la création du fameux géoportail national de l’urbanisme pour améliorer l’accès aux documents d’urbanisme. Voilà un bon exemple des possibilités de simplification qu’offrent les nouvelles technologies numériques.

Vous savez cependant, madame la ministre, que les maires craignent que ce géoportail, qu’ils saluent, ne pèse sur les finances des communes, déjà financièrement fragilisées.

Pour parler d’une situation que je connais bien, il est impératif, pour que se développe une offre de logement intermédiaire, que les territoires en tension, c’est-à-dire ceux où l’offre de logement est très inférieure à la demande, bénéficient rapidement du dispositif qui porte votre nom.

Sans attendre une réforme des zonages, il faut accorder à ces territoires hors zone un contingent de logements bénéficiant des avantages de ce dispositif d’investissement locatif.

Enfin, votre texte corrige la loi de modernisation de l’économie de 2008 pour tenir compte de la spécificité du secteur du bâtiment quant aux délais de paiement applicables aux marchés de travaux privés.

En effet, depuis 2008, les délais de paiement fournisseurs se réduisent progressivement alors que les délais de paiement clients s’allongent. Le résultat en est que la trésorerie des entreprises du bâtiment se voit infliger une double peine en subissant une érosion des deux côtés. Les entrepreneurs se sont montrés satisfaits de cette proposition.

Madame la ministre, je vous ai exprimé les réserves des députés du groupe RRDP quant à la méthode et à la forme employées, mais, en leur nom, je vous exprime notre soutien pour votre politique du logement. Elle vise clairement à répondre à la crise du logement en construisant plus, et donc en soutenant des entreprises du bâtiment qui en ont bien besoin, tout en prenant soin de préserver les espaces naturels et agricoles.

Mme Cécile Duflot, ministre. Merci !

M. Jacques Krabal. Nous voterons sans réserve ce projet de loi mais la confiance n’excluant pas le contrôle, nous continuerons d’être attentifs aux suites qu’il appelle.

Pour conclure, permettez-moi de livrer à votre réflexion la morale de la fable de Jean de La Fontaine, Conseil tenu par les rats : « Ne faut-il que délibérer,/ La Cour en conseillers foisonne ;/ Est-il besoin d’exécuter,/ L’on ne rencontre plus personne. »

M. Michel Piron. Admirable !

M. Jacques Krabal. L’on peut en revanche compter sur vous, madame la ministre.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Ce projet de loi autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour permettre que s’accélèrent les projets de construction appelle un commentaire liminaire de notre part.

J’ai été surpris d’entendre, dans la bouche du Président de la République jeudi dernier, que le projet de loi dont nous débattons avait pour but de limiter l’inflation législative. Je cite : « Le volume des textes applicables, dans notre pays, a triplé en dix ans ! Triplé ! Si l’on mesurait effectivement l’efficacité des gouvernements au nombre de textes pris, je ne doute pas que, sur ces dix dernières années, l’objectif avait été atteint ! Moi, je préfère que l’on allège. Il y aura donc deux lois d’habilitation qui vont être demandées au Parlement pour permettre au Gouvernement d’agir par ordonnances. L’une d’elles concerne le logement. »

Or ce n’est pas parce qu’une loi fait l’objet d’une ordonnance que les textes applicables sont moins nombreux, d’autant que nous devons non seulement débattre de l’autorisation, mais encore ratifier une par une les ordonnances ainsi prises. Est-ce à dire que, dans l’esprit du Président de la République, c’est le débat parlementaire qui fait problème, plus que le nombre de textes ? Si tel était le cas, ce serait grave, mais cela pourrait expliquer la légèreté, pour ne pas dire l’irrespect, avec lequel nous sommes trop souvent traités.

Certes, ce n’est pas une nouveauté de la présente législature. La droite nous a allègrement montré à quel point elle méprisait notre assemblée.

Mais force est de constater que les choses n’ont guère changé avec le changement de majorité. Le projet de loi issu de l’accord national interprofessionnel nous en offre un bon exemple : non seulement les parlementaires étaient sommés de ne pas toucher l’équilibre du texte voulu par le MEDEF, mais encore le Gouvernement a utilisé la procédure d’urgence, puis la seconde délibération et enfin le vote bloqué pour nous lier les mains !

Chacun peut également constater que les niches parlementaires sont vidées de leur sens à coup de renvois en commission, ou de suppression sans discernement de l’ensemble des articles pour éviter le vote. Chacun peut constater que notre calendrier de travail est surchargé, que les délais réglementaires sont parfois négligés avec, au bout du compte, une perte de temps.

C’est dans ce contexte que le Gouvernement nous impose des ordonnances. Erreur en deçà des élections, vérité au-delà !

M. Michel Piron. Blaise Pascal paraphrasé !

M. André Chassaigne. Légèrement modifié ! (Sourires.)

Je ne suis pas convaincu par l’unanimité exprimée aujourd’hui en faveur du recours à une telle procédure.

Pourquoi, en lieu et place de ce texte, ne débattons-nous pas directement des mesures d’urbanisme proposées ? Certes, l’urbanisme est un domaine très technique, mais il a des implications directement politiques, comme le savent les élus locaux que nous sommes. Aussi n’est-il pas opportun de nous écarter de l’élaboration de ces nouvelles normes.

En effet, une fois que les ordonnances auront été rédigées par l’exécutif, il ne nous sera plus possible de revenir sur le détail des dispositions. Il nous faudra voter soit pour, soit contre la ratification, et avaler ainsi le texte dans son ensemble !

En tout état de cause, l’inflation législative n’a rien à voir là-dedans et les députés du Front de gauche regrettent aussi bien les propos à l’emporte-pièce du Président de la République que le recours aux ordonnances.

Sur le fond, qu’en est-il des modifications apportées par ce texte ?

Pour notre part, nous sommes partisans de la densification du bâti en zone tendue, notamment pour lutter contre l’étalement urbain. Certaines mesures vont donc dans le bon sens, mais nous pensons que cette densification ne doit pas se faire à coup de déréglementations du code de l’urbanisme.

C’est d’ailleurs ce que les différents groupes de la gauche avaient estimé lorsque la droite avait proposé, sur un coup de tête du président Sarkozy, l’augmentation de 30 % des droits à construire. À l’époque, chers collègues de gauche, nous avions critiqué ensemble un texte qui prétendait favoriser la construction de logements sans allouer un euro à cet objectif.

On peut vouloir, comme vous le faites, simplifier et contourner les normes urbanistiques ; mais comment croire que c’est, par exemple, l’obligation de créer des places de stationnement qui freine durablement la construction de logements dans notre pays ?

Il nous semble illusoire de laisser penser que le déficit de construction de logements serait lié à des blocages administratifs ou juridiques. C’est là une vision réductrice, à laquelle nous ne souscrivons pas. Couvrez ce sein que je ne saurais voir…

M. Michel Piron. Ah ! Nous passons à Molière !

M. André Chassaigne. Ce doit être Dorine dans Le Tartuffe, du moins celui de Dorine ! (Sourires.)

Pour notre part, nous soulignons depuis des années que les vrais leviers sont le foncier et les aides à la pierre. Les parlementaires communistes ont d’ailleurs déposé une proposition de loi en vue de la création d’une agence nationale foncière permettant d’agir sur la spéculation sur les terrains à bâtir. Nous nous battons également pour une relance des financements en faveur de la politique du logement social. Or avec le présent texte, certes de transition, madame la ministre, nous sommes encore une fois placés devant une loi sur le logement qui n’apporte pas un sou de plus pour la construction et pour le logement social.

En revanche, plusieurs possibilités de dérogations aux plans locaux d’urbanisme sont ouvertes par le présent texte.

Ainsi, il est proposé de permettre que les constructions soient réalisées en dérogation aux règles de volume de construction des PLU dès lors que le projet prévoit l’alignement de la nouvelle construction sur la hauteur de l’immeuble mitoyen et que cette solution ne porte pas atteinte à la qualité urbaine du secteur.

Sur la question du rehaussement des immeubles, il est prévu de permettre explicitement de déroger aux règles de stationnement et de densité définis au sein du PLU et de donner la possibilité au préfet de région d’autoriser qu’un projet déroge à certaines règles d’urbanisme du code de la construction relatives, notamment, à l’équipement lié à l’accessibilité, à la performance énergétique et acoustique.

Vous me permettrez, madame la ministre, de m’étonner qu’une ministre écologiste porte devant la représentation nationale un texte permettant de déroger aux normes en matière de performance énergétique du bâti…

Quoi qu’il en soit, on le voit bien, les PLU communaux sont vus comme des freins à la construction. Nous combattons cette logique qui vise à dessaisir les communes des compétences logement et urbanisme. Sur ce point, nous serons attentifs au contenu de votre future loi, madame la ministre, ainsi qu’à l’acte III de la décentralisation. Vous le savez, nous serons vent debout contre le sabordage des communes et les coups portés à la démocratie locale.

Le présent texte veut par ailleurs favoriser le développement du logement dit « intermédiaire ». Le dispositif de défiscalisation Duflot obéissait déjà à cette volonté. Nous sommes ici dans le droit fil des politiques d’investissement locatif menées par le précédent gouvernement. Selon nous, le logement intermédiaire existe déjà : il s’agit du PLS, c’est-à-dire la catégorie la moins sociale du logement social. Celle-ci est d’ores et déjà majoritaire dans la construction de logements sociaux. En créant cette nouvelle catégorie, vous ne contribuez pas à faire baisser les prix du marché privé : vous les sanctuarisez au contraire en créant une offre dédiée à ceux qui ne peuvent plus se loger dans le privé, sans toutefois pouvoir bénéficier d’un logement social.

Parmi les autres dispositions proposées, nous soutenons la lutte contre les recours abusifs, même si, dans certains cas, les recours effectués par les associations de riverains ou d’usagers ont permis de lever de gigantesques lièvres, comme dans le cas des partenariats public-privé. Sans doute faut-il lutter contre les procédures dilatoires et les recours mafieux. Mais soyons attentifs à ne pas généraliser ! Ce serait une grave erreur de considérer que les garde-fous et les recours administratifs sont systématiquement infondés.

L’idée de faciliter la transformation des bureaux inutilisés en logements est également intéressante. Je rappelle que l’on compte aujourd’hui 4,5 millions de mètres carrés de bureaux inoccupés en Île-de-France, dont 1,1 million dans la capitale. Il faut d’ailleurs aller beaucoup plus loin pour permettre la transformation massive de ces surfaces en logements. Car si de telles surfaces de bureaux sont vides, c’est que les bureaux sont une marchandise plus rentable que les logements pour les spéculateurs.

À ce propos, madame la ministre, qu’en est-il de la réquisition, dont nous avons tant débattu ? Il semblerait qu’aucune des procédures lancées par le ministère n’ait encore abouti. Pourquoi un tel délai, alors que vous aviez pris, suite à mes interpellations, des engagements très solennels dans cet hémicycle ? Je pense que vous ferez le point dans votre réponse.

Enfin, l’obligation de garantie pour sécuriser les acquéreurs de logements en voie future d’achèvement va incontestablement dans le bon sens.

Vous le voyez, si nous saluons les quelques bonnes mesures que contient ce texte, le recours aux ordonnances et le rabotage des compétences communales nous amènent à nous abstenir sur ce projet de loi.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il n’y a pas de rabotage !

M. le président. La parole est à M. Henri Jibrayel.

M. Henri Jibrayel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous demande aujourd’hui de l’habiliter à légiférer par voie d’ordonnance pour agir vite. En effet, alors que les Français ont de plus en plus de mal à se loger, il doit répondre à une triple urgence.

Premièrement, il y a urgence économique.

La crise a ralenti aussi bien la demande que l’offre et, par conséquent, elle a entraîné une baisse de la construction de nouveaux logements. À titre d’exemple, les ventes au détail de logements neufs et le nombre de logements commencés ont baissé de 18 à 20 % entre 2011 et 2012. Sur les deux premiers mois de l’année 2013, le recul serait de l’ordre de 16 %.

Deuxièmement, il y a urgence sociale.

D’une part, la baisse de la construction de logements aurait été à l’origine de la suppression de 60 000 emplois depuis 2006. D’autre part, 3,6 millions de Français sont aujourd’hui mal logés, et l’on constate que, depuis dix ans, les prix ont doublé dans les zones dites « tendues ».

Troisièmement, il y a urgence environnementale.

La France se doit d’être au rendez-vous de la transition énergétique Pourtant, même si cette transition doit avoir lieu, 3,8 millions de ménages vivent dans une situation de précarité énergétique.

Ce texte s’inscrit dans une série d’actions conduites par le Gouvernement et le Président de la République pour faire du logement une priorité.

Le 21 mars dernier, déjà, le Président de la République avait présenté à Alfortville le Plan d’investissement pour le logement, décliné en vingt mesures. Ce que nous propose aujourd’hui le Gouvernement, c’est de l’habiliter à recourir à des ordonnances pour huit d’entre elles.

Ces derniers mois, le Gouvernement a identifié des freins à l’aboutissement des projets de construction de logements. Certains avaient même déjà été évoqués lorsque nous étions dans l’opposition. Cette loi d’habilitation va, par conséquent, permettre de mettre en œuvre, par voie d’ordonnance, plusieurs mesures pour y remédier et accélérer la construction de nouveaux logements.

Celles-ci visent à réduire les délais de réalisation des projets de construction de logements, les délais de traitement des recours contentieux dans le domaine de l’urbanisme. Elles permettront la densification des projets et le développement d’une offre nouvelle.

Le texte qui nous est proposé est relativement court. Il est composé de quatre articles.

L’article 1er vise à délimiter le périmètre de l’habilitation sur les huit mesures. L’article 2 vise à fixer les délais de l’habilitation. L’article 3 vise à fixer le délai de ratification des ordonnances. L’article 4 n’est pas lié à la procédure d’habilitation, mais s’intéresse à la problématique de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Soulignons qu’une grande partie des engagements présidentiels a déjà été mise en œuvre. C’est le cas, par exemple, du renforcement des obligations de construction de logements sociaux ; de la cession, jusqu’à la gratuité, des terrains de l’État ; du relèvement du plafond du livret A ; de la mise en place d’un dispositif d’incitation à l’investissement locatif équilibré ; de l’encadrement des loyers à la première location en zone tendue ; ou encore du plan de rénovation énergétique des logements.

Cette loi d’habilitation constitue donc une nouvelle étape de la feuille de route du Gouvernement en matière de logement et d’urbanisme. Elle est une réponse supplémentaire à l’urgence de la situation, qui s’inscrit dans les objectifs du quinquennat, comprenant la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux.

Les mesures examinées aujourd’hui, mes chers collègues, sont aussi le préalable à une grande réforme. Dans les prochaines semaines, le projet de loi relatif à l’urbanisme et au logement nous sera présenté.

Pour permettre la mise en place des mesures les plus pressantes, habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances, conformément à l’article 38 de la Constitution, est selon nous la meilleure chose à faire.

J’y insiste, car l’urgence l’impose.

Il s’agit de créer un choc de confiance en augmentant la construction, en répondant aux besoins, en créant de l’emploi et en soutenant un secteur stratégique.

En permettant la transformation de bureaux vides en logements et en préservant davantage les espaces naturels, ces mesures apportent un soutien aux plus défavorisés, relancent un secteur économique essentiel et contribuent à la transition écologique des territoires.

C’est pourquoi le groupe socialiste y est totalement favorable et votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart.

M. Jean-Marie Tetart. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le Président de la République a annoncé le 21 mars qu’un texte habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances serait présenté. Nous avons attendu ce texte pendant près de deux mois. Et, en moins d’une semaine, nous devons l’examiner en commission, puis en séance. La réitération de ces conditions pourrait dégrader, monsieur le président Brottes, l’intérêt des travaux de la commission dont vous avez la responsabilité. Dans le même temps, je reconnais que les débats consacrés à ce texte étaient d’excellente qualité.

Nous sommes d’accord, l’urgence est réelle. Qu’il s’agisse de l’offre de logements ou de la situation des professionnels de la construction et du bâtiment, la situation s’est considérablement détériorée depuis que vous avez la responsabilité du pays.

François Hollande avait promis la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Cette promesse est loin d’être tenue. En 2012, 340 000 logements neufs seulement ont été mis en chantier, soit 100 000 de moins qu’en 2011.

N’expliquez pas une nouvelle fois cet échec par l’héritage du gouvernement précédent : en cinq ans, nous avions construit deux millions de logements dont 600 000 logements sociaux !

Mme Audrey Linkenheld. Grâce à la loi SRU !

M. Jean-Marie Tetart. Vous nous avez dit, madame la ministre, que vous notiez une reprise au cours du premier trimestre 2013. La CAPEB – la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment – note, pour sa part, une baisse d’activité de 2,5 % au cours du dernier trimestre 2012 et annonce une nouvelle baisse de 3 % au premier trimestre.

Nous ne connaissons pas, madame la ministre, les facteurs qui expliquent votre optimisme. Par contre, nous savons comment ce gouvernement a participé à la dégradation de la situation.

Bien évidemment, la complexité des normes, la lourdeur des procédures, la rigidité des documents d’urbanisme, la rigueur touchant au zèle des administrations pour les appliquer comptent, comme la question du foncier, parmi les facteurs qui participent clairement à cette crise du logement. Ils n’avaient cependant pas empêché vos prédécesseurs de tenir leurs objectifs.

Mais ces différents facteurs n’expliquent pas à eux seuls la fragilité des entreprises du secteur du bâtiment. Vous connaissez, parce que ces entreprises vous le disent, l’effet destructeur de la refiscalisation des heures supplémentaires, le manque de flexibilité dans la gestion des emplois, la concurrence déloyale de l’auto-entreprenariat et la concurrence tout aussi déloyale des entreprises d’autres pays européens.

La vérité est que les entreprises ont été malmenées et que les Français n’ont pas confiance dans votre politique. Devant le chômage, la stagnation de la croissance et, maintenant, la récession, ils n’investissent plus. J’en veux pour preuve l’échec que constituent pour l’heure les logements qui portent votre nom, madame la ministre.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous venons tout juste d’arriver !

M. Jean-Marie Tetart. Comment peut-il en être autrement dès lors que l’on promet une fiscalité de plus en plus lourde, une réduction des prestations à la famille, une hausse de la TVA, peut-être de la CSG et tant d’autres mesures !

Mme Audrey Linkenheld. Quelle caricature !

M. Jean-Marie Tetart. Conscient de l’échec de la première année de son quinquennat, le Président de la République demande à son gouvernement de placer la deuxième sous le signe de l’offensive et du combat. Mais nous vous avions cru à l’offensive dès l’an un ! Vous l’aviez en effet engagée dès juillet 2012 en supprimant la faculté conférée quelques mois auparavant à toutes les communes de densifier l’habitat sans modifier le PLU.

Mme Audrey Linkenheld. Et nous avons eu raison !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est une obligation, pas une difficulté !

M. Jean-Marie Tetart. Au lieu de faire évoluer cette mesure, par exemple en l’amendant, vous l’avez écartée au motif qu’elle avait été adoptée par la majorité précédente. Vous venez aujourd’hui nous en présenter une nouvelle version limitant aux seules zones tendues les dérogations aux documents d’urbanisme.

Vous avez fortement encouragé les entreprises publiques et l’État à mettre le foncier à disposition, gratuitement si possible, pour des opérations de logements en zone tendue. Nous sommes impatients de connaître les résultats de cette injonction… Vous avez aussi imposé ce que vous considériez comme l’arme absolue pour augmenter la production de logements sociaux, c’est-à-dire l’augmentation du pourcentage opposable aux communes, comme s’il suffisait d’incantations, d’obligations et d’amendes pour atteindre vos objectifs ! Enfin, vous avez augmenté le taux de TVA applicable à la construction de logements privés de 19,6 % à 20 %, tandis que la TVA applicable à la construction de logements sociaux passait de 7 % à 10 %… À présent, le Président de la République envisage de la ramener à 5 %. Que de temps perdu, d’incohérence et de signaux contradictoires !

Temps perdu, incohérences, mauvais outils : voilà ce qui justifie l’urgence aujourd’hui et qui vous conduit à légiférer par ordonnances quelques semaines avant la discussion de la grande loi, annoncée depuis des mois, que l’on nous présente comme la nouvelle loi universelle qui résoudra les problèmes du logement, de l’urbanisme et de l’aménagement dans un ouvrage qui contiendra entre cent et cent cinquante articles… Je m’étonne qu’en attendant la discussion aussi prochaine d’une loi aussi fondamentale, on puisse vouloir gagner du temps par des ordonnances dont le délai cumulé de publication et de ratification attendra treize mois pour certaines d’entre elles !

Nous ne contestons pas l’urgence, bien réelle. Légiférer par ordonnances pour mettre en place une procédure d’instruction intégrée des opérations d’aménagement et de construction ou pour décider d’un portail national de l’urbanisme, pourquoi pas ? Le faire pour permettre aux collectivités qui le souhaitent, et celles-là seulement, de densifier plus facilement l’habitat en revenant à l’esprit des dispositions abrogées en juillet 2012, pourquoi pas ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Jean-Marie Tetart. Mais des amendements sont nécessaires pour préciser la distinction entre le traitement des surélévations et celui des « dents creuses », et pour que les maires ne se voient pas imposer l’exonération des places de stationnement mais continuent au contraire à exiger des participations pour leur non-réalisation à même de concourir à la réalisation de parkings dans les mêmes secteurs.

En revanche, nous ne pouvons accepter de la même manière le recours aux ordonnances pour modifier le champ et les procédures de recours contentieux en matière de construction et d’urbanisme, même si nous partageons totalement la nécessité de réduire les possibilités de recours contentieux de pure aubaine économique. Il nous semble nécessaire de traiter cette question dans le cadre d’un vrai débat dans cet hémicycle. Il nous semble aussi nécessaire de garantir que les droits des associations de patrimoine et de défense de l’environnement demeureront inchangés.

Nous appuyons les dispositions en faveur de la trésorerie des entreprises. Il faudra toutefois veiller à ce qu’elles n’affectent pas, par ricochet, celle des collectivités locales, de plus en plus tendue. Nous appuyons aussi la suppression de la garantie intrinsèque pour les VEFA qui aurait pu éviter des scandales du type Apollonia. Cela aurait dû être fait plus tôt, je le reconnais. En revanche, si nous pensons qu’il faut définir la notion même de logement intermédiaire, nous ne comprenons pas que des communes puissent être exclues du dispositif d’aide à leur réalisation. Nous espérons au moins qu’elles bénéficieront de la procédure intégrée de la première ordonnance prévue à l’article 1er et des facilités prévues par l’alinéa 4 du même article.

Nous sommes conscients, madame la ministre, madame la rapporteure, de l’urgence dans laquelle la gestion gouvernementale a enfermé la question du logement et du secteur du bâtiment. On peut d’ailleurs se demander si les délais de publication et de ratification prévus ne sont pas trop généreux. En effet, il faudra tenir compte de la bonne volonté mise par les administrations déconcentrées dans l’application des lois après leur promulgation. C’est pourquoi nous avons déposé des amendements visant à diminuer les délais maximum de publication et de ratification.

Nous sommes favorables aux ordonnances qui assouplissent les garanties d’emprunt, à l’amélioration de la trésorerie des entreprises et à la suppression de la garantie intrinsèque des VEFA. Nous sommes également favorables à l’esprit de simplification des procédures d’aménagement, à l’amélioration de l’accès à l’information et à la dérogation aux règles des PLU en zone tendue. Mais pourquoi ne pas en discuter dans le cadre de la loi à venir, compte tenu des délais que j’évoquais tout à l’heure ? Nous sommes enfin opposés à la restriction des facilités accordées aux logements intermédiaires en seule zone carencée.

Vous le voyez, madame la ministre, si nous sommes favorables à la plupart des mesures envisagées, notre appréciation de la pertinence du recours aux ordonnances n’est pas unanime dès lors que nous examinerons votre projet de loi dans quelques semaines. C’est pourquoi nous voulons dire notre solidarité unanime avec les Français qui attendent le logement et avec les entreprises du secteur. Notre groupe exprimera en revanche une position beaucoup plus hétérogène sur le soutien à votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. « Quand le bâtiment va, tout va ! » dit la fameuse maxime lancée de cette tribune en 1850 par Martin Nadaud, député de la Creuse. Elle n’a rien perdu, hélas ! de son acuité.

M. Bertrand Pancher. C’est vrai !

M. Michel Piron. Elle n’en a rien perdu, car la situation du secteur de la construction est à l’image de l’économie de notre pays, actuellement en récession. Au cours du premier trimestre 2013, 84 000 logements seulement ont été mis en chantier sur l’ensemble du territoire, soit une baisse de 11,2 % par rapport à l’année 2012, qui marquait déjà une forte chute par rapport à l’année 2011.

M. Bertrand Pancher. Il ne restera bientôt plus rien !

M. Michel Piron. Ainsi, loin des objectifs très ambitieux que vous vous êtes fixés en matière de construction, madame la ministre, nous devrions difficilement finir l’année 2013 avec environ 300 000 nouveaux logements construits, peut-être 320 000 en intégrant le plan de rénovation urbaine, mais bien loin des 500 000 unités annoncées. Et, disons-le, tous les voyants sont au rouge pour les mois qui viennent. Si rien n’est fait, nous serons donc confrontés à une sorte de plan social non dit d’une ampleur inégalée, car 40 000 emplois sont en cause dans le secteur en 2014, ce qui équivaudrait à un Aulnay-sous-Bois toutes les trois semaines !

Certes, la crise ne date pas d’aujourd’hui et plusieurs facteurs l’expliquent. Mais certaines décisions prises en début de quinquennat ont considérablement aggravé les difficultés du secteur.

M. Bertrand Pancher. Eh oui !

M. Michel Piron. La principale, c’est évidemment l’augmentation annoncée du taux de TVA de 7 % à 10 % au 1er janvier 2014, qui vient, il est vrai, après une augmentation de deux points en 2011. La simple annonce d’une seconde hausse, qui porte l’augmentation totale à 100 % en deux ans, a totalement déstabilisé le monde de la construction, qui affronte déjà la crise économique.

Le groupe UDI n’a cessé de vous alerter sur ce point. Si nous nous félicitons que vous ayez fait marche arrière en matière de logement social, nous attendons que vous alliez plus loin en matière de soutien du secteur, en abaissant par exemple pour deux ou trois ans à 5 % le taux de TVA pour les travaux de rénovation et d’efficacité énergétique et à 10 % celui pesant sur le locatif intermédiaire public et privé. Ces propositions, formulées dans le cadre du plan de redressement national envoyé par Jean-Louis Borloo à l’ensemble des groupes parlementaires de notre Assemblée, devraient nous réunir. C’est du moins le vœu que nous formons pour relancer l’activité dans un secteur fondamental pour l’ensemble de notre économie ; c’est le cadre dans lequel s’inscrit votre texte autorisant le Gouvernement à prendre des mesures législatives dans le domaine de la construction, madame la ministre, premier volet du plan d’urgence pour le logement annoncé par le Président de la République le 21 mars dernier.

Si par définition les parlementaires ne sont pas des aficionados des ordonnances, force est néanmoins de constater qu’il est urgent de simplifier les procédures actuelles afin de faciliter la construction. N’ayant pas l’intention de rejeter aujourd’hui dans la minorité ce que je préconisais hier dans la majorité, je ne m’opposerai évidemment pas à la procédure d’exception choisie ici, tant il y a urgence à agir. Je note cependant qu’une telle préoccupation ne fait pas l’unanimité et je me félicite par la même occasion de la récente conversion de la majorité et du président de notre commission, qui déclarait sans ambages en février 2010 : « Nous n’aimons pas le recours aux ordonnances ».

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Et je l’ai redit.

M. Michel Piron. Nous n’avons pas, au groupe UDI, d’hostilité pavlovienne à cette procédure, à condition que le recours aux ordonnances corresponde bien à l’urgence, qu’il soit précisément encadré relativement à son objet et que le Parlement soit directement informé et associé à la rédaction de la loi.

Il y a urgence et cela ne date pas d’hier, nous sommes tous d’accord. Une telle procédure peut donc se justifier si les mesures prises sont applicables et appliquées le plus rapidement possible. À ce propos, nous nous étonnons que l’examen du projet de loi d’habilitation survienne deux mois après la présentation du plan d’urgence du Président de la République. En outre, les délais que vous avez prévus pour prendre les ordonnances nous semblent inadaptés à la gravité de la crise. Nous proposons donc de les réduire, afin que les premières mesures soient applicables dès cet été et les dernières avant le 1er janvier 2014. Ces propositions à nos yeux raisonnables nous semblent constituer un compromis acceptable entre les différentes options qui seront débattues.

L’encadrement du champ de l’habilitation nous semble suffisamment précis pour nous éclairer sur les intentions du Gouvernement. Sur le fond, nous considérons que les huit mesures, quoique d’inégale importance, répondent toutes à des freins à la construction bien identifiés. Elles vont donc dans le bon sens et obtiennent à ce titre l’assentiment des acteurs de la construction que nous avons rencontrés avec mes collègues de l’UDI lors de la préparation du texte. Il est plus que nécessaire de limiter les recours abusifs, même s’il faut reconnaître la difficulté de les caractériser juridiquement. Les pistes évoquées par le Gouvernement et les préconisations contenues dans le rapport du groupe de travail présidé par M. Daniel Labetoulle exigent elles aussi une mise en œuvre rapide. La disposition relative aux places de stationnement elle aussi s’imposait.

Plus globalement, nous sommes favorables à la procédure accélérée pour le logement, le comblement des « dents creuses » ou la transformation de bureaux en logements, qui sont autant d’outils nécessaires et attendus, en particulier dans les zones tendues. Nous sommes également satisfaits de la création d’un portail national de l’urbanisme pour faciliter l’accessibilité des documents et des dispositions en faveur de la trésorerie des entreprises, tout en vous appelant à la vigilance quant à leur cohérence avec les dispositions relatives aux délais de paiement contenues dans le projet de loi « consommation ».

L’utilité du logement intermédiaire est tout aussi indiscutable, mais nous nous interrogeons toujours sur la nécessité de lui accorder un statut dans la loi. Je crains qu’en partant d’une intention louable, nous ne créions des rigidités supplémentaires dans un domaine qui souffre déjà de sa complexité normative.

À ce propos, je voudrais moi aussi attirer l’attention du Gouvernement sur un point. Dans un pays aussi centralisé que le nôtre, simplifier est extraordinairement compliqué. Trop souvent, les volontés simplificatrices et leurs bonnes intentions aboutissent au but inverse de celui qu’elles s’étaient assigné. Dans le secteur du logement, peut-être plus encore qu’ailleurs, les difficultés proviennent notamment de l’empiétement continu du législateur sur le domaine réglementaire. Je crains qu’un nombre considérable de détails ne figure dans les ordonnances, abordant des sujets qui devraient relever du décret ou de la circulaire. Je ne jette pas la pierre au Gouvernement…

M. Thierry Mandon. Très bien ! (Sourires.)

M. Michel Piron. Bien souvent, la créativité de nos amendements parlementaires n’est pas exempte de responsabilité. Mais à l’heure où vous annoncez, madame la ministre, le dépôt d’un projet de loi qui pourrait compter 150 articles, je souhaite vous rendre attentive au véritable piège qui nous amène à étendre toujours davantage le domaine de la loi. À défaut, nous serons obligés de légiférer pour toute modification ultérieure, même minime, ou pire, cher président Brottes, de systématiser le recours aux ordonnances pour faire évoluer la moindre règle !

Mme Frédérique Massat. Bigre ! Quelle horreur ! (Sourires.)

M. Michel Piron. Par ailleurs, le recours aux ordonnances ne peut être légitime que s’il ne se résume pas à un chèque en blanc donné au Gouvernement. Cette exigence démocratique nécessite d’associer très directement le Parlement à leur rédaction. Nous souhaitons également raccourcir le délai prévu à l’article 3, afin de débattre le plus rapidement possible de leur ratification, car c’est bien au Parlement de légiférer, contrairement à ce que le titre initial du texte pourrait laisser entendre.

En conclusion, le groupe UDI considère que si le projet d’habilitation qui nous est soumis contient des dispositions pratiques, nécessaires et attendues, il est loin de répondre à l’ampleur de la crise qui frappe le monde de la construction et qu’il ne saurait exonérer le Gouvernement d’un effort massif dans ce domaine. Quand la crise atteint un tel niveau et ne permet plus à chacun de se loger décemment, le rôle de l’État est bien de revêtir les habits de bâtisseur, fût-ce temporairement, en actionnant tous les leviers et en mobilisant tous les acteurs du logement. C’est aussi sur cette urgence, et aussi sur les taux de TVA que nous attendrons votre réponse, madame la ministre, pour nous prononcer définitivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bertrand Pancher. C’est très clair !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est un peu hors sujet, monsieur Piron ! Nous ne sommes pas en loi de finances ; vous mélangez les genres !

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, il nous est demandé aujourd’hui d’autoriser à légiférer par ordonnances pour accélérer les projets de construction. Je confirme ce qui a déjà été dit : on ne peut plus attendre pour relancer la production de logements et aucun acteur impliqué – les personnes en attente, les bailleurs sociaux, les constructeurs, les élus – ne le nie, bien au contraire. L’étape d’aujourd’hui s’inscrit dans une vision à plus long terme : celle de structurer une nouvelle France, loin de la dilapidation des moyens financiers, des terres agricoles et du vivre-ensemble. C’est par l’urbanisme que nous reconquérrons ces territoires délaissés, abandonnés, devenus le terreau de populismes que nous combattons tous ici.

Ainsi, par une approche intégrée de facilitation de création de logements, dans une logique de contrats de territoires intercommunaux, la solidarité et la coopération seront mises en avant. Par une optimisation grâce à une meilleure concertation et à une meilleure articulation entre les schémas existants, avec notamment un rôle renforcé des collectivités locales, vous préconisez, madame la ministre, la cohérence et la structuration partagée du territoire, fondements de notre pays.

Après l’urgence des ordonnances que nous examinons aujourd’hui, le projet de loi prévu pour la rentrée sera celui de la transition écologique : lutte contre l’artificialisation des sols pour tenir l’objectif du groupe écologique d’un solde net de zéro terre agricole consommée par l’urbanisation ; nouvelle vision de la ville durable dans un équilibre entre densité, préservation des espaces remarquables, gestion des flux et des déchets et optimisation énergétique, dans un modèle de circuits de proximité et d’économie circulaire ; un changement en profondeur dans la production de logements, avec des matériaux innovants, performants, issus de matières renouvelables ou recyclées, c’est-à-dire l’écoconception pour bien bâtir, pour anticiper les mutations à venir, pour permettre la déconstruction, le réemploi et la transformation. Je rappelle que le secteur du bâtiment est le plus important secteur générateur de flux de matières, depuis la construction jusqu’à la déconstruction. C’est donc un formidable vecteur pour concevoir autrement notre modèle économique, dans une vision de l’économie circulaire et dans le respect des hommes, à travers l’innovation à valoriser et la formation professionnelle à renforcer.

Ce sera aussi un appel à être plus respectueux des hommes – les propriétaires et les locataires en premier lieu doivent retrouver des relations de confiance – en garantissant les loyers pour tous comme vous l’avez prévu dans votre future loi, madame la ministre.

Enfin, parce que le monde est fait de diversité, d’utopie, d’envie, il est nécessaire de libérer le cadre législatif pour permettre le vivre autrement choisi par près d’un million de personnes en France…

Mme Cécile Duflot, ministre. Tout à fait.

M. François-Michel Lambert. Vivre autrement dans l’habitat participatif, l’habitat coopératif et l’habitat léger. Nous attendons également beaucoup de votre loi sur ces points.

Pour conclure, je souhaite tout d’abord, madame la ministre, insister sur la méthode à suivre pour mener à bien cette future loi : votre capacité à la concertation est unanimement saluée. Il ne pouvait en aller autrement, mais encore fallait-il le faire, et je vous en remercie d’autant plus que vous avez porté attention aux plus fragiles. Ce texte sera le fondement d’une société en transition écologique de par la vision adoptée – je ne doute pas de la vôtre, chère Cécile –, de par la méthode suivie, sur laquelle j’insiste, et de par la structuration d’un pays au lieu d’une déstructuration de l’espace coûteuse en énergie, en impacts environnementaux et en liens sociaux.

Construisons le vivre mieux ensemble tel que vous le présentez et tel que nous le soutiendrons pleinement.

Mme Michèle Bonneton. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, construire plus, construire mieux, construire vite, tel est le mot d’ordre du groupe SRC pour répondre à l’urgence de la crise du logement. Le projet de loi d’habilitation qui nous est soumis aujourd’hui s’inscrit en cohérence avec l’action menée depuis le mois de juin 2012 pour lever les freins à la construction dans notre pays et encourager la production de logements.

La loi de mobilisation du foncier public et de renforcement des obligations de production de logement social, dont les décrets arrivent, a été une première étape de ce processus.

Avec les ordonnances sur le logement que nous propose le Gouvernement aujourd’hui, voici une nouvelle étape qui permettra de supprimer certains blocages administratifs et de contribuer à créer les conditions pour construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, objectif ambitieux sur lequel s’est engagé le Président de la République.

Nous ne nous arrêterons pas là : d’autres avancées suivront, on le sait. Je pense aux douze autres mesures du plan d’investissement pour le logement, mais surtout au projet de loi « urbanisme et logement » qui devrait nous être soumis dans les prochaines semaines.

Chacune de ces étapes ne peut être considérée séparément. Elles forment un ensemble cohérent : celui d’une politique plus juste et plus solidaire qui tient enfin compte de la réalité de la demande de logements qui s’exprime et de la réalité d’un marché immobilier de plus en plus déconnecté des revenus d’une majorité de Français.

Le gouvernement précédent avait cru pouvoir répondre à la crise du logement en majorant partout les droits à construire. Cette mesure générale et unilatérale s’est vite avérée contre-productive. Nous l’avons largement dit sur ces bancs et c’est pourquoi, cher André Chassaigne, nous avons abrogé cette mesure, conscients qu’elle portait des risques de rétention du foncier, mais aussi d’effets inflationnistes.

Il n’en reste pas moins que la densification et la construction de villes intenses sont indispensables pour répondre au manque criant de logements sans encourager en même temps l’artificialisation des sols ou l’étalement urbain. La solution proposée par le projet d’habilitation, qui offre au cas par cas de la souplesse, qu’il s’agisse de la transformation, des gabarits ou encore des places de stationnement imposées dans certaines opérations urbaines en zone tendue, est un moyen intelligent de construction supplémentaire et de densification.

Soyons toutefois vigilants, madame la ministre, aux effets collatéraux. Certains propriétaires peu scrupuleux pourraient en effet voir dans ces capacités nouvelles de construction un prétexte pour augmenter encore le prix de vente de leur bien.

M. André Chassaigne. Très juste !

Mme Audrey Linkenheld. À l’heure où les prix du foncier grèvent lourdement l’équilibre des opérations, ce n’est évidemment pas le but recherché. Il faut exercer sur ce point une vigilance constante dans nos territoires, à l’image de ce que commencent à faire les observatoires de loyers mis en place à la demande du Gouvernement.

Le dernier sujet que je voudrais aborder est celui du statut du logement intermédiaire, dont ce texte prévoit la création.

On le sait : l’envolée vertigineuse des prix dans le parc privé a poussé nombre de classes moyennes à frapper à la porte du logement social. Le prêt locatif social peut, dans certains territoires, être une réponse à ces demandes. Mais ailleurs, le PLS ne suffit pas, en raison des plafonds de ressources ou des écarts de loyers,…

M. Jean-Luc Laurent. Très juste !

Mme Audrey Linkenheld. …les ménages se retrouvant alors exclus et du parc social, et du parc privé classique.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Bien sûr.

Mme Audrey Linkenheld. Construire du logement intermédiaire pourra permettre de pourvoir à ces besoins non satisfaits. Cela me parait donc une réponse pertinente à condition que le logement intermédiaire intervienne bien sûr en complément de l’effort de construction de logements sociaux et en aucun cas en substitut de celui-ci.

M. Jean-Luc Laurent. Tout à fait !

Mme Audrey Linkenheld. Les équilibres financiers des opérations comportant du logement social sont souvent, on le sait, difficiles à trouver. La priorité politique et budgétaire doit donc bien rester au logement social.

Vous nous préciserez, je l’espère, madame la ministre, au cours des débats, les conditions et les avantages, fiscaux peut-être, attachés au nouveau statut que nous allons créer pour le logement intermédiaire. Peut-être nous préciserez-vous où en est le rapport demandé sur la mise en œuvre de la règle des trois tiers bâtis, cet engagement fort du Président de la République qui illustre notre volonté de mixité sociale et notre conception du vivre ensemble, et qui constitue un garde-fou indispensable à toute confusion entre logement intermédiaire et logement social.

Pour conclure, je veux exprimer ma conviction que ce projet de loi va dans le bon sens pour répondre à la crise du logement et pour soutenir un secteur du bâtiment qui, on l’a dit, souffre beaucoup. La méthode choisie, celle des ordonnances, doit permettre de gagner du temps et c’est tant mieux pour les logements produits, tant mieux pour les personnes à loger, tant mieux pour les emplois créés ou sauvegardés. L’ampleur des difficultés liées au logement conduit à être modeste, certes, mais aussi à être pressé. Aujourd’hui encore, la détermination du Gouvernement à agir en faveur du logement s’exprime clairement. C’est pourquoi, comme mes collègues du groupe SRC, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François de Mazières.

M. Jean-Luc Laurent. Voilà Versailles ! Cela va être un autre discours !

M. François de Mazières. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, chers collègues, il y a quelques mois, nous discutions dans ce même hémicycle de la loi sur la mobilisation du foncier public en faveur des logements sociaux. À l’époque, nous avions regretté que vous saucissonniez au nom de l’urgence la grande réforme annoncée pour 2013. Aujourd’hui, une nouvelle fois, vous légiférez dans l’urgence et nous le regrettons.

Je développerai trois idées principales qui justifient mon opposition au recours à la procédure des ordonnances.

La première idée est que rien ne justifie la procédure d’urgence alors même que vous avez prévu le passage de votre texte principal dès le mois de juillet. Regardons les choses en face : vous avez en effet annoncé en commission des affaires économiques que votre texte à portée générale sur la réforme du logement viendrait en examen à l’Assemblée au mois de juillet. Si l’on prend en compte les délais prévus pour l’entrée en vigueur des ordonnances, mentionnés à l’article 2 du projet de loi d’habilitation, soit quatre mois, six mois voire huit mois pour certaines dispositions, plus les cinq mois avant la ratification, il apparaît clairement que vos ordonnances seront prises au moment même où le Parlement votera la version finale de votre loi à vocation générale. Comment dès lors justifier que des dispositions techniques, telle la création d’un portail d’urbanisme, soient prises par voie d’ordonnance ou encore, selon le premier alinéa de l’article 1er, que ces ordonnances permettent au Gouvernement de prévoir « une procédure intégrée pour le logement, soumise à une évaluation environnementale » afin de « favoriser une production rapide de logements » ? Franchement, je ne vois dans ces méthodes, alors qu’on va examiner un projet de loi ordinaire sur le même sujet, qu’une explication : la volonté d’empêcher la représentation nationale d’exercer totalement son rôle.

Bien entendu, nous partageons, madame la ministre, votre inquiétude de voir les recours abusifs se multiplier, ce qui justifie notamment que nous nous abstenions. Certes, nous vous suivons sur ce point, mais prenons garde, en procédant par ordonnances, à ne pas donner l’impression de brider un droit essentiel. Ce sont les excès qu’il faut condamner et non la possibilité pour les associations d’exercer leurs droits. Ne tombons pas dans le travers inverse, à savoir ne pas permettre la préservation des garanties de cohérence urbaine affirmées dans les documents d’urbanisme : de même qu’il faut permettre aux villes de construire, il faut aussi se prémunir des constructions inopportunes ne répondant qu’à des logiques spéculatives – vous voyez, madame la ministre, que l’on peut partager vos préoccupations.

Cela m’amène à développer un deuxième argument à mes yeux tout aussi essentiel car outre la critique de la méthode, j’ai une vraie inquiétude sur le fond : je crains que vous ne remettiez en cause les pouvoirs des maires ainsi qu’un principe essentiel du droit, celui du recours à un double niveau de juridiction. Mauvais procès, allez-vous me répondre. Mais est-ce vraiment sûr ? Votre projet de loi d’habilitation prévoyant que « le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnances toute mesure de nature législative propre à […] mettre les documents d’urbanisme applicables à ce projet en compatibilité avec ce projet », reconnaissez que c’est tout de même vous donner un blanc-seing inquiétant. Voulez-vous dire qu’il sera possible de s’asseoir sur les PLU ? Il y a, à mes yeux de maire, une grande dérive dont il faut nous protéger : celle de perdre de vue que la cohérence de l’urbanisme ne peut se définir qu’au niveau d’une ville. La connaissance fine des enjeux et des spécificités d’un territoire relève du maire et de son équipe. Je m’oppose ainsi fermement à toutes ces idées qui voudraient que l’on ôte au maire ce qui fait la grandeur de sa mission, à savoir définir à travers une vision urbaine le développement de la ville. En zones tendues, les ordonnances que vous nous proposez aboutiront clairement, et sans doute est-ce votre intention, à aller à l’encontre de la politique des maires.

Sur ce point, je ne peux pas vous rejoindre même si, comme vous le savez, je suis personnellement convaincu de l’utilité du logement social dans des conditions équilibrées.

Sur l’organisation des recours, votre projet ne dit pas grand-chose, en tout cas pas assez. Il semblerait toutefois que vous vouliez confier l’instruction des recours directement aux cours d’appel afin de vous affranchir du délai – le plus long – du tribunal d’instance. Ce double degré de juridiction est un principe essentiel auquel le Parlement et le Conseil constitutionnel sont attachés.

Troisième argument : vous êtes sans doute en train de rater une occasion de faire approuver des objectifs que, pour nombre d’entre eux, nous partageons. Nous ne sommes pas opposés, tant s’en faut, à donner un coup de fouet à la construction en assouplissant certains blocages.

Faciliter des constructions dans les « dents creuses » ? Oui, si c’est une possibilité offerte aux maires et jamais une obligation. Faciliter l’accès aux documents d’urbanisme pour qu’aient lieu de vrais débats locaux ? Nous en sommes d’accord, bien entendu. Lutter contre les procédures abusives ? Nous y sommes aussi favorables, mais pas dans n’importe quelles conditions. C’est pourquoi nous souhaitons en parler dans le cadre d’un vrai débat qui n’apparaisse pas réalisé en catimini, notamment aux yeux des associations, qu’elles soient patrimoniales ou environnementales.

D’ailleurs, dans vos propos introductifs, j’ai noté votre souci, madame la ministre, et je pense qu’il aurait mieux valu que vous mettiez tous ces projets en cohérence dans le texte annoncé pour juillet, en évitant le recours à des ordonnances. Voilà pourquoi, je m’abstiendrai sur ce texte.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, notre époque a souvent des œillères et la mémoire courte, incapable de prévoir au-delà d’une semaine et de se souvenir de quoi que ce soit.

Lors de la séance du 8 juin 2005 pourtant, le premier secrétaire du parti socialiste disait des ordonnances que c’était une méthode détestable qui revenait à flouer le Parlement, à renoncer à la confrontation démocratique et au débat serein. Le président du groupe socialiste dénonçait quant à lui une méthode autoritaire traduisant une peur du Parlement. François Hollande, sans doute, n’avait pas prévu de devenir chef de l’État, et Jean-Marc Ayrault ne s’imaginait pas chef du Gouvernement.

Les Français ne supportent plus la duplicité des hommes politiques. Être dans l’opposition peut sembler facile pour certains lorsqu’il n’y a qu’à dénoncer. Pourtant, quand on se prépare à devenir la majorité future, être dans l’opposition n’autorise pas à parler en l’air. Il est toujours édifiant de constater que, lors du passage de la minorité à la majorité, il s’opère chez les responsables politiques une mue étonnante. De démocrates soucieux des droits du Parlement, ils deviennent aisément ministres responsables, soucieux d’agir vite et fort, si possible sans débat préalable.

Malheureusement, la scène politique est devenue une scène de théâtre et les ministres ressemblent davantage à des acteurs qu’à des gestionnaires. C’est ainsi que s’opère le miracle suivant : l’ancienne minorité, dans l’exercice du pouvoir, s’accommode volontiers de toutes les méthodes utilisées par les anciennes majorités. Tout à coup, la mémoire revient et les vieux réflexes reparaissent.

L’usage des ordonnances, madame la ministre, témoigne de votre mépris pour le travail de notre assemblée. Le système de la Ve République transforme les députés en godillots mais cela ne vous suffit pas. L’usage des ordonnances démontre la vraie nature de votre gouvernement. Vous consentez, hélas ! à vous démunir des oripeaux de la pseudo-démocratie représentative et vous cédez avec délice à la tentation de l’autocratie.

Voici donc les députés de la nation empêchés de discuter le fond de la loi.

M. Thierry Mandon. Parlez-en, du fond !

M. Jacques Bompard. On doit se contenter d’en discuter les principes, et il est vrai que la matière ne manque pas.

Il n’est besoin que de citer l’objectif de mixité sociale qui montre bien que perdurent les vieilles lubies de la gauche. Pourtant, l’utopie des cités et lotissements arc-en-ciel où se côtoieraient joyeusement des citoyens du monde dans une concorde parfaite a fait long feu. C’est au nom de ce principe que le Gouvernement continuera d’opprimer les maires et de leur imposer des normes absconses qui entravent le développement des communes, quelquefois au mépris du droit à l’objection de conscience qui s’imposerait en démocratie.

Sans doute le projet de loi d’habilitation nous donne quelques lignes, mais chacun sait que le diable se cache toujours dans les détails. Et c’est là que la vigilance des députés serait très nécessaire.

Lors de la séance des questions au Gouvernement, tout à l’heure, vous nous avez donné un aperçu des graves dérives autoritaires que vous préparez. Vous avez indiqué que vos ordonnances vous permettront toutes les atteintes à la propriété privée en saisissant des bureaux vacants qui seront transformés en logements, ou encore à imposer une pénalisation supplémentaire des automobilistes en supprimant des places de parking.

Manifestement, le Gouvernement ne vit pas dans le même monde que la grande majorité des Français. Exclure la voiture de la conception de l’urbanisme n’a aucun sens quand on sait l’importance que revêt ce moyen de transports pour la plupart des Français. Je réclame, madame le ministre, l’abandon pur et simple de cette méthode de gouvernement qui fait la part belle à l’arbitraire.

C’est pourquoi je voterai contre ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Monsieur le président, je vous remercie tout particulièrement de siéger ce soir et de ne pas avoir fait valoir votre droit à un congé de paternité. (Sourires.)

Madame la ministre, chers collègues, dans ce projet de loi visant à permettre au Gouvernement de légiférer par ordonnances, il nous faut distinguer le contenant et le contenu : le fait de légiférer par ordonnances et l’utilité des dispositifs qui nous sont proposés.

Je ne suis un grand défenseur du recours aux ordonnances. Je ne l’étais pas au cours de la précédente législature ; je ne le suis pas davantage aujourd’hui, si ce n’est que ce sujet – construire des logements accessibles au plus grand nombre socialement et équitablement répartis sur le territoire – en fait une nécessité et que les dispositifs proposés par le Gouvernement et rappelés notamment par Mme la rapporteure vont dans ce sens.

Ces dispositifs se situent à la limite d’un champ réglementaire, au point qu’ils ne devraient pas forcément figurer dans la loi. De plus, ils nécessitent une rapidité tant de leur rédaction dans les délais impartis par ce projet de loi que de leur mise en œuvre rapide par les services de l’État. Cela suppose que le Gouvernement soit clair dans ses objectifs et que l’écriture des ordonnances se fasse dans le cadre d’une coproduction législative. Je sais que ce terme est cher à l’UMP et je ne doute pas que, sur les différents bancs de cette assemblée nous puissions nous retrouver. Voilà pour le contenant.

En matière de contenu, nous avons déjà beaucoup fait en un an : nous sommes revenus sur une loi de densification urbaine mal comprise et mal constituée ; nous avons réorienté le budget par la loi de finances pour 2013 ; nous avons adopté la loi sur la mobilisation du foncier public fixant l’objectif de 25 % de logement locatif social dans chaque commune. À cet égard, madame la ministre, je vous félicite d’avoir, vendredi dernier à Caen avec le Président de la République, permis officiellement une première libération de terrain public, qui en appelle bien sûr beaucoup d’autres.

Nous parlons beaucoup de crise du logement. Pour ma part, je me refuse à employer ce terme qui évoque généralement un dur moment à passer alors que, dans le cas présent, c’est un moment qui dure et depuis trop longtemps. Entre 800 000 et un million de logements manquent pour répondre aux besoins. Il faut construire plus et mieux. Avec le soutien des députés du groupe SRC de la majorité parlementaire, j’affirme que nous ne renonçons pas à l’objectif de construction de 500 000 logements par an, dont 250 000 logements sociaux. Cela nécessite de clarifier les lieux de décision, la place des différents acteurs publics comme privés, ce sera, je l’espère, le cadre dans le projet de loi de décentralisation que nous examinerons prochainement.

Reste qu’il y a une spécificité française : le coût du logement, le coût du foncier et la rétention foncière qui ont trop longtemps marqué notre pays, et une ghettoïsation des zones habitations par le haut du niveau social.

Désormais, il faut construire partout et bien entendu dans les zones tendues. Il faut aussi construire des logements abordables dans les centres bourgs, dans les zones périurbaines où les habitants éprouvent aussi des difficultés à se loger, même si l’on pense parfois, à tort, que ce n’est pas le cas. Il faut construire aussi pour répondre au vieillissement bienheureux de notre population et aux évolutions de la structure familiale.

Il faut construire pour répondre aux besoins mais aussi pour améliorer la compétitivité de notre pays et de nos entreprises. À la suite de son rapport, Louis Gallois a regretté de ne pas y avoir abordé la question du logement en analysant la compétitivité de nos entreprises. Dans son intervention du 21 mars dernier, François Hollande a évoqué cette problématique, et vous l’avez fait vous-même à plusieurs reprises, madame la ministre. De même, un récent rapport sur les coûts de production en France, adopté par notre assemblée, y a fait largement écho.

Le coût élevé du foncier et donc de l’immobilier handicape le développement de nos entreprises. Il pèse également sur le pouvoir d’achat des ménages : les dépenses contraintes sont deux fois plus élevées en France qu’en Allemagne, ce qui constitue aussi un frein à la mobilité protégée des salariés que j’appelle de mes vœux.

Pour bâtir une ville plus robuste et capable de répondre aux enjeux actuels, il faut construire des logements accessibles socialement là où il y a de la demande, et favoriser l’activité là où habitent des salariés.

Enfin et pour conclure, madame le ministre, profitant de ce projet de loi ou de débats qui restent à venir, il serait plus que temps de revenir sur certaines normes de construction en vigueur dans notre pays où, au cours des dernières années, le coût de construction des logements a augmenté deux fois plus vite que les salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord sur la nécessité de mobiliser tous nos moyens pour favoriser la construction et le développement de logements en France.

C’est important pour que les Français puissent mieux se loger, trouver une solution en rapport avec leurs revenus, que ce soit dans le parc public ou dans le parc privé. Les mesures de dynamisation de la construction apparaissent donc justifiées et, à ce titre, le groupe UMP les soutient. Elles le sont aussi au titre de l’emploi dont le secteur du bâtiment est un grand pourvoyeur.

Cependant, madame la ministre, permettez-moi d’appeler à une cohérence entre vos objectifs de construction et ceux que vous affichez en matière de relance du bâtiment. Rappelons que la TVA dans le secteur du bâtiment va augmenter de 7 % à 10 %, ce qui est très négatif pour la construction de logements dans le parc privé et pour l’artisanat, grand pourvoyeur d’emplois dans nos territoires.

Revenons-en au texte que vous nous proposez et tout d’abord à des questions de forme. En novembre dernier, nous étions réunis pour examiner la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. Aujourd’hui, nous examinons le projet de loi d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances pour accélérer les projets de construction ; or nous savons d’ores et déjà que le futur texte en faveur du logement sera examiné en juillet prochain au sein de la commission des affaires économique avant son passage dans l’hémicycle en septembre, et que ce texte s’annonce riche de 150 articles…

Pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi de légiférer par ordonnances sur ce sujet, alors que nous allons examiner un texte important, au moins par son nombre d’articles, prochainement ?

Vous vous en êtes expliquée en commission et aujourd’hui en séance, madame la ministre. Néanmoins, cette précipitation n’avait sans doute pas lieu d’être puisque vous nous demandez des délais importants pour rédiger les ordonnances.

Comment expliquer alors que les articles du projet de loi d’habilitation, que nous allons examiner dans quelques minutes, ne puissent pas tout simplement être intégrés dans la prochaine loi Duflot en juillet ? Peut-être n’aviez-vous aucun autre sujet à mettre pour l’heure à l’ordre du jour ?

Sur le fond, je veux dénoncer un point de l’article 1er qui me choque particulièrement et qui mériterait un débat approfondi dans cet hémicycle : le fait de recourir aux ordonnances pour limiter le recours à la justice. Certes, vous nous précisez qu’il s’agit d’encadrer les recours abusifs et que vous puiserez votre inspiration dans le rapport Labetoulle sur les recours contre les documents d’urbanisme. Encadrer les recours abusifs ne me choque pas au fond : il ne faudrait pas que le recours à la justice soit détourné de sa vocation initiale qui est bien de régler un différend entre les parties et non de faire échouer un projet sur des motifs généralement de procédure. Cependant, j’estime qu’il mérite un débat dans cet hémicycle au moins à deux titres. C’est restreindre les libertés des individus que d’encadrer les recours à la justice. Cela mérite donc un débat au fond dans cet hémicycle.

C’est aussi un sujet qui mérite d’être étudié dans d’autres secteurs que la construction. Il y a des recours abusifs dans de nombreux domaines économiques. À chaque installation classée de nouveaux élevages de porcs, ou à chaque construction d’usine, on trouve une association souvent plus nationale que locale qui vient déposer des recours administratifs pour empêcher le projet de se faire. Que dire, aussi, madame Duflot, des recours systématiques, et clairement abusifs au regard de la jurisprudence, dont est l’objet l’installation des antennes relais mobiles, qui retardent le développement des nouveaux services mobiles ?

Pourquoi donc privilégier l’encadrement d’un seul type de recours abusifs, ceux qui visent la construction, plutôt que réfléchir à l’encadrement des recours abusifs qui touchent les différents secteurs économiques ? Y a-t-il à vos yeux des secteurs économiques plus politiquement corrects que d’autres ?

Cette distinction me gêne donc par principe. La réflexion sur les recours abusifs doit avoir lieu dans cet hémicycle, car elle représente une restriction du droit des justiciables, donc des Français, à avoir recours à la justice. Une telle question ne peut pas être tranchée par ordonnance. Qui plus est, compte tenu de son intérêt, elle mérite une réflexion globale sur l’ensemble des secteurs économiques. Ce sera l’objet d’un amendement que je défendrai avec conviction tout à l’heure.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui vise à accélérer les projets de construction.

Après les mesures prises cet été contre la hausse des loyers à la relocation, après la hausse de la taxe sur les logements vacants, après le relèvement du plafond du livret A, après la loi relative à la mobilisation du foncier public et au renforcement de la construction de logement social, ce texte marque une nouvelle étape de la politique menée par le Gouvernement pour répondre à la crise que connaît le logement.

Comme mes collègues, je me réjouis que le Gouvernement ait su réagir à l’urgence de la situation. La France souffre depuis des années du manque d’offre et de construction de logements. Pour y répondre, ce texte présenté en application de l’article 38 de la Constitution vise donc à habiliter le Gouvernement à recourir aux ordonnances pour aller plus vite, être plus réactif, construire plus vite, dans l’attente de l’examen du projet que, madame la ministr, vous nous présenterez prochainement. Je veux saluer la pertinence des solutions offertes par ce projet de loi et des nouveaux outils mis au service du logement.

Je souhaiterais cependant faire part au Gouvernement de deux interrogations.

La première porte d’abord sur les ordonnances qui pourront être prises pour déroger aux plans locaux d’urbanisme. Ces documents sont le fruit d’un long travail réalisé par des élus après une longue concertation. Ils font l’objet d’une enquête publique et prennent en compte des problématiques de développement économique, d’urbanisme ou écologiques. J’insiste donc sur la nécessité de distribuer avec parcimonie les dérogations, qui risquent de nier le travail de concertation mené, même si, vous l’avez répété en commission, madame la ministre, la délivrance du permis de construire par le maire constitue une garantie. Ce travail, avez-vous dit, exige de faire preuve de subtilité. Je comprends cette nécessité et je confirme que ces dérogations n’ont rien à voir avec le texte majorant de 30 % les droits à construire voté par l’ancienne majorité et qualifié par l’Association des maires de France de loi trop systématique, inflationniste et source de contentieux.

La seconde de mes interrogations porte sur les mesures qui pourraient être prises pour déroger aux obligations en matière de stationnement. Dans la petite couronne parisienne, la satisfaction de ces obligations représente 13 % du coût du bien immobilier. Offrir des dérogations permettra de faire baisser le coût des biens mais posera plusieurs autres questions. Où se gareront les voitures des habitants des logements exonérés ? Prenons garde à ne pas transférer aux collectivités locales la responsabilité de la construction des places de parking, ou à prendre le risque de voir les places et jardins se transformer de fait en parkings sauvages.

Enfin, madame la ministre, alors que vous préparez la prochaine loi-cadre sur le logement, je souhaiterais me faire la porte-parole des zones rurales et de montagne, qui sont parfois les oubliées des politiques relatives au logement.

Dans ces zones, de nombreuses contraintes peuvent limiter la construction de logement ; je pense aux zones Natura 2000, aux dispositifs de prévention des risques. Peut-être pourrions-nous y réfléchir afin de pouvoir construire plus vite et mieux dans ces zones, parfois elles aussi très tendues.

La problématique des logements vacants est aussi une illustration de cette insuffisante prise en compte des zones moins denses par les politiques publiques. Nous avons voté, lors de l’examen de la loi de finances pour 2013, l’abaissement de 200 000 à 50 000 habitants du seuil au-delà duquel une commune est concernée par la taxe sur les logements vacants. Le dernier décret publié qui fixe le champ d’application territorial de la taxe annuelle sur les logements vacants ne compte que vingt-huit agglomérations regroupant 1 151 communes sur les 36 000 que compte notre pays. Je pense donc qu’il faudra travailler encore sur ce seuil, afin de puiser encore davantage dans le gisement des deux millions de logements vacances.

Enfin, parce que ce texte constitue une nouvelle réponse à l’urgence sociale et économique que constitue la crise actuelle du logement, vous pourrez compter madame la ministre sur mon soutien et celui des députés socialistes. Nous voterons ce texte et nous vous accompagnerons dans le travail d’élaboration de la prochaine loi, qui nous sera présentée dans les semaines à venir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Ce n’est jamais le cœur léger, madame la ministre, que le Parlement se dessaisit de son pouvoir législatif pour le confier au Gouvernement dans le cadre d’une loi d’habilitation.

Tous ceux qui connaissent le secteur du logement savent la contradiction qu’il y a entre la lourdeur des mécanismes en jeu et l’urgence sociale de la crise, une crise ancienne et profonde qui a installé le mal-logement au cœur de la société française. À cette urgence sociale est venue s’ajouter l’urgence économique née de l’extinction de la croissance puis de l’entrée de la France en récession.

La machine du logement est une lourde machine. On peut même parler de machinerie, une machinerie qui a aussi la caractéristique d’être bavarde : l’industrie du colloque sur la crise du logement est, depuis le début des années 2000, florissante. De la crise du logement, on parle beaucoup, mais on agit peu. Le président de la République nous propose une méthode : on fait ce qu’on dit. Les ordonnances traduiront en actes le discours que le Président de la République a prononcé dans mon département, à Alfortville, le 21 mars dernier. Elles seront l’occasion de reprendre plusieurs idées qui sont sur la table depuis des années, et de les mettre enfin en œuvre.

Enfin, pour être fidèle aux sentiments contrastés que m’inspire cette loi d’habilitation, je retiendrai deux questions : les recours et le logement intermédiaire.

Les pouvoirs publics se saisissent enfin de la question des recours. Le droit français est extrêmement protecteur du droit des propriétaires ; c’est vrai en matière foncière comme en matière contentieuse. Le droit au recours le traduit, et a ouvert le champ à bien des abus.

Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de contester ce droit, mais simplement de responsabiliser les acteurs et de favoriser la culture de projet. Dans les colloques sur la crise du logement, il est convenu de taper sur les maires malthusiens et de considérer les maires bâtisseurs comme une légende urbaine. Un maire, quelle que soit son inclination, est d’abord un élu confronté à une coalition hétéroclite d’opposants à tout, de nihilistes et d’opportunistes. Comment les affaiblir sans désarmer les associations de riverains, qui défendent la qualité de ville et qui font en sorte que la ville comme le village soient des créations communes ?

Le projet de loi d’habilitation propose deux pistes : le temps et l’argent. Le facteur temps est fondamental. La justice française est lente, très lente, capable de mobiliser des moyens lourds pour juger des matchs de handball louches ou de financement de campagnes électorales perdues au siècle dernier. La justice du quotidien quant à elle est bien négligée…

Ce temps, ces délais, certains réussissent à les monnayer dans le cadre de procédures juridiquement impeccables mais très dommageables du point de vue l’intérêt général. Madame la ministre, c’est sur ce point fondamental que vous êtes attendue par les bâtisseurs, maires, professionnels, citoyens qui se désespèrent de ce qu’on appelle pudiquement le temps des projets.

S’agissant ensuite du logement intermédiaire, je serai rapide, car nous aurons l’occasion d’y revenir, particulièrement lors de l’examen de l’article 1er.

Bien sûr, le Président a parlé du logement intermédiaire. Bien sûr, le Président a fait des annonces. Bien sûr, tous les observateurs ont identifié le logement intermédiaire comme le chaînon manquant de la chaîne du logement.

Malheureusement, la création d’un nouveau produit dans ces conditions est loin d’être idéale, à plus forte raison à quelques semaines de l’adoption par le conseil des ministres du projet de loi sur logement, qui marquera la législature. Les interrogations sont nombreuses et la discussion commencée en commission n’a pas permis d’y répondre pour le moment ; je dis bien « pour le moment ». Je compte donc sur le débat en séance pour éclairer le législateur, pour éclairer notre Assemblée et le Sénat, au moment où ils s’apprêtent, madame la ministre, à vous confier les clefs du camion.

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a souhaité soumettre au Parlement un projet de loi l’autorisant à légiférer par ordonnance afin de permettre de réduire les délais de réalisation des projets de construction de logements.

Un certain nombre des dispositions proposées me paraissent pertinentes.

Ainsi, les conditions dans lesquelles les droits de recours s’exercent aujourd’hui, ouvrant parfois la voie à des dérives qui peuvent confiner au chantage aux permis de construire, voire à l’extorsion de fonds, nécessitent une action déterminée, et les mesures tendant à accélérer les traitements des recours et à imposer des sanctions sévères en cas de recours manifestement abusif vont manifestement dans le bon sens.

De même, l’augmentation du taux maximal de garantie d’emprunt que les collectivités pourront consentir est une bonne mesure. Néanmoins, le relèvement de ce taux doit s’accompagner d’une augmentation du taux de réservation dans le cas de la construction de logements sociaux.

La création d’un statut spécifique visant à favoriser le développement de logements intermédiaires dans un cadre conventionnel pouvant être intégré au PLH des communes est une voie intéressante dans le parcours résidentiel que les Français ont à emprunter. À cet égard, il serait souhaitable d’y agréger l’accession sociale à la propriété.

Par ailleurs, favoriser le développement d’un urbanisme de projet me semble aller dans le bon sens dès lors que cette ambition respecte la vision et l’autorité des maires en matière d’urbanisme.

En ce qui concerne le stationnement, il n’est ni raisonnable, ni acceptable de transférer sur les communes, autrement dit sur le contribuable, la charge de réaliser les stationnements nécessaires aux habitants de logements nouvellement créés, dont les aménageurs et autres promoteurs auront été exonérés.

En revanche, ce projet de loi ne m’apparaît pas satisfaisant pour trois raisons.

Pour commencer, vous invoquez une urgence, qui, si elle est réelle, se révèle incongrue sans réflexion plus approfondie sur la politique du logement en général. Or cette discussion n’aura lieu au Parlement qu’au mois de juillet au plus tôt. À sept semaines près, n’aurait-il pas été plus cohérent et plus pertinent de légiférer sur les modalités opérationnelles d’une accélération des projets de construction à la lumière d’une vision stratégique pour le logement ?

Ensuite, vous prétendez procéder à une accélération des projets de construction de logements tout en excluant une partie des villes des bénéfices de votre projet de loi au motif qu’elles seraient dites carencées au titre de la loi SRU.

Je suis opposé à votre vision du tout logement social et à votre volonté d’imposer uniformément un taux de 25 % de logement social à toutes les communes, au détriment d’un parcours résidentiel conduisant à l’accession à la propriété.

Il en va de même de votre politique de « critérisation », qui est discriminante et contraire aux règles d’équité consubstantielles à toute loi de la République. Elle est en outre absurde, puisqu’elle conduit à favoriser la construction de logements sociaux ou intermédiaires dans les villes qui en possèdent déjà beaucoup, et à empêcher la réalisation de programmes locaux de l’habitat dans les villes considérées, selon la loi, comme déficitaires en logements sociaux.

Il est tout aussi inepte de vouloir financer toujours plus de logements sociaux dans des villes où le taux de logements sociaux dépasse parfois les 60 %, que d’empêcher leur financement dans les villes où ce taux est de moins de 25 %. Il est regrettable que vous ayez cru nécessaire de réaffirmer cette « critérisation » punitive et inique pour une partie des villes, et donc pour une partie des Français.

Enfin, votre projet de loi est guidé par l’idée de densifier toujours plus les départements et les villes dont la densité est déjà bien supérieure à la moyenne nationale. C’est notamment le cas des départements de la petite couronne parisienne. Il semblerait que vous n’ayez rien retenu des erreurs des années soixante, quand la décision de densifier à tout va, prise dans l’urgence, a conduit à un urbanisme torturé et inadapté dont les grandes métropoles et leurs habitants souffrent chaque jour.

En affichant votre volonté de densifier les zones que vous considérez déjà comme des zones urbaines à forte densification, vous renoncez à rechercher une harmonie entre le développement urbain et l’espace géographique dans lequel il s’inscrit. Vous acceptez aussi la concentration d’emplois dans certaines zones et la concentration de logements dans d’autres, sans souci de rééquilibrage. Vous renoncez à une politique de transport audacieuse, qui serait source de développement économique et d’aménagement du territoire.

Mener une politique d’urbanisme, ce n’est pas empiler des logements au détriment de la qualité de vie, sans souci de l’histoire, de la géographie, de l’environnement économique et social des territoires. Je suis opposé à votre volonté de densifier aveuglément par voie d’ordonnances. C’est pourquoi je voterai contre ce projet de loi.

M. Daniel Boisserie. C’est dommage !

M. Jean-Luc Laurent. Ce n’est pas le Gouvernement, mais vous qui êtes aveugles !

M. le président. La parole est à M. Mathieu Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mes chers collègues, le laisser-faire qui a prévalu ces dernières années en matière de logement a eu des conséquences catastrophiques : spéculation, hausse des prix – qui ne sont plus en adéquation avec les revenus des ménages –, renforcement de la ghettoïsation, crise du secteur de la construction. Surtout, des millions de personnes sont mal logées dans notre pays.

En Seine-Saint-Denis, 50 000 ménages attendent un logement social. Le délai moyen d’attente est de plus de cinq ans. En Île-de-France, près d’un logement sur cinq est en état de sur-occupation. 200 000 logements sont potentiellement indignes. À Saint-Denis, dans ma commune, 38 % de l’habitat privé du centre-ville se trouve dans une situation proche de l’insalubrité. Vous le savez bien, mes chers collègues : les politiques du logement s’inscrivent nécessairement dans un temps long. Pourtant, comme je viens de l’évoquer, l’urgence à agir n’est plus à démontrer.

C’est parce que la situation est exceptionnelle que le recours aux ordonnances est ici parfaitement justifié. L’objectif de construire 2,5 millions de logements d’ici à la fin de la législature n’a pas été fixé au hasard. Il correspond au rattrapage du retard pris ces dernières années. C’est la preuve du volontarisme de la majorité en la matière. Tout doit être fait pour faire du droit de tous nos concitoyens à un logement décent une réalité.

Pour mettre fin à la crise du logement, il faut passer par une approche globale du sujet. C’est l’objectif que s’est fixé notre majorité. Nous avons commencé avec le renforcement des obligations des communes en matière de construction de logements sociaux, et avec la mise à disposition du foncier public. Nous continuons aujourd’hui avec ce projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances qui visent à stimuler le secteur de la construction. Nous poursuivrons demain en adoptant une loi-cadre qui permettra de remettre à plat les règles encadrant les relations entre propriétaires et locataires, de renforcer la lutte contre le logement insalubre, et de rendre plus lisibles les procédures d’attribution de logements.

Madame la ministre, vous nous avez présenté les grands principes de cette loi d’habilitation : ils vont clairement dans le bon sens. Ils répondent à une urgence sociale : la situation de tous ceux qui ne sont pas ou qui sont mal logés. Ils répondent à une urgence économique : préserver un secteur dont les emplois ne sont pas délocalisables, et qui doit faire face à une crise d’ampleur. Dans la continuité de la loi du 18 janvier 2013, ils renforcent les obligations des communes en matière de construction de logements sociaux.

La lutte contre les recours abusifs est un des aspects essentiels du projet. Le nécessaire droit des citoyens de contester un projet ne doit pas être détourné. Ceux qui ne démontrent pas leur intérêt pour agir ne doivent plus pouvoir retarder des projets de construction de logements. Encadrer ce droit est donc la meilleure manière de le garantir aux citoyens de bonne foi, tout en faisant en sorte que les projets de construction remplissant une mission d’intérêt général soient réalisés dans les meilleurs délais. De la même manière, la simplification des procédures favorisera l’accélération des constructions prévues et permettra également de réduire les coûts.

Les ordonnances qui seront prises en vertu de ce projet de loi devront veiller à garantir certains principes. En effet, il ne s’agit pas seulement de construire vite, mais aussi de construire bien. Construire bien, cela veut dire que l’offre de logement doit être en adéquation avec les besoins et les revenus des ménages. La surreprésentation des petites surfaces, dans certaines villes, au détriment de logements adaptés aux familles, crée des situations insoutenables. Les programmes de construction doivent respecter le principe de mixité sociale. La densification des zones urbaines doit permettre d’introduire du logement social là où il n’y en a pas, et du logement intermédiaire dans des quartiers composés essentiellement de logements sociaux.

Enfin, construire bien, c’est penser la ville dans sa dimension globale. La construction de logements doit s’accompagner de services et d’équipements publics, d’espaces pour les commerces, pour les loisirs, de dessertes de transport : bref, tout ce qui fait la ville où l’on vit, et pas seulement la ville où l’on dort. Il faut rompre avec la logique qui avait prévalu jusqu’alors. Il ne doit plus être question de construire immeuble après immeuble pour en arriver à des quartiers enclavés, dépourvus de tout ce qui constitue le lien social. Il faut intégrer à tout programme de construction de nouveaux logements une réflexion sur le quartier, sur la ville, et sur la qualité de vie des habitants.

Cette mixité sociale et fonctionnelle est indispensable à une politique du logement juste et efficace. C’est ce à quoi nous œuvrons en prenant toutes ces mesures en faveur du logement. C’est comme cela que nous écrirons la ville durable de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre.

Mme Marie-Hélène Fabre. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, on bâtit bien en France, mais on bâtit peu. Pour remédier à cela, le Président de la République s’est engagé le 21 mars dernier, à Alfortville, à prendre vingt mesures pour faciliter la construction de 500 000 nouveaux logements chaque année.

Je ne reviendrai pas sur le contexte général. Chacun sait combien le logement, qui est devenu le premier poste de dépenses des ménages, affecte le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Depuis dix ans, des mesures mal pensées et motivées par une croyance idéologique aveugle, d’une force inouïe, en la capacité du marché à s’auto-réguler nous ont plongés dans une crise d’une ampleur sans précédent, préoccupante pour le maintien des emplois du secteur. Comme on dit, le bâti ne ment pas.

Pour faire face à cette réelle urgence économique et sociale, dont j’ai pu constater la réalité dans ma circonscription, vous proposez au Parlement d’adopter des mesures de nature législative pour faciliter les projets de construction. Je ne m’attarderai pas sur la procédure employée, celle des ordonnances, qui trouble toujours notre sensibilité de parlementaires. Il faut agir, et vite. Vous avez préféré ne pas risquer une aggravation de la situation sur ce front stratégique. Dans le contexte actuel, qui oserait vous en blâmer ?

Sur le fond, les préconisations avancées pour faciliter les projets de construction nous semblent à la fois pertinentes et sensées. En effet, les dispositions urbanistiques qui entravent parfois l’action des agents économiques sont aussi celles qui permettent à la collectivité de conserver un droit de regard sur les modalités de construction. Ce projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances ne jette pas le bébé avec l’eau du bain : il rappelle l’utilité du dispositif existant. On ne peut que s’en réjouir. Les différentes normes et les interventions des différents acteurs, notamment des élus locaux, sont en effet préservées.

Plus encore, madame la ministre, vous avez su, dans un périmètre limité, prendre en compte un grand nombre des requêtes de la profession pour parvenir à un équilibre inespéré. La concertation et l’écoute des acteurs de la construction se sont traduites en faits, alors que l’on nous avait habitués, en la matière, à des discours purement incantatoires. Pour ne prendre qu’un exemple, tous les professionnels s’accordaient sur la nécessité d’améliorer l’accès aux documents d’urbanisme. Un trop grand nombre d’acteurs assurent la diffusion de ceux-ci. Il fallait donc mettre en place un guichet centralisé et dématérialisé, faisant gagner un temps considérable à la source. Cela sera fait progressivement : c’est un premier pas.

Plus fondamentalement, les délais des procédures administratives sont assez unanimement pointés du doigt comme étant les obstacles les plus notables à la réalisation de projets de construction. D’où l’importance de l’encadrement des recours abusifs, qui, à terme, simplifiera et accélérera considérablement les mises en chantier. C’est une bonne chose, sur laquelle je ne m’attarderai pas : mon collègue Thierry Mandon y reviendra tout à l’heure.

La procédure intégrée envisagée dans le projet est tout aussi essentielle. Elle semble être l’instrument le plus approprié pour atteindre l’objectif de diviser par trois les délais. La création de cette procédure sur le modèle de la déclaration de projet est une avancée majeure. Elle vient régler un problème très coûteux en temps : celui de la compatibilité des différents règlements d’urbanisme entre eux. En mettant en place cette procédure, vous proposez de libérer les bonnes volontés d’un carcan administratif qui pouvait, involontairement, les étouffer.

Permettez-moi d’y insister encore une fois : ces avancées seront réalisées sans renoncer à encadrer le secteur du bâtiment. Simplement, le contrôle sera plus resserré. En réduisant les navettes, en menant parallèlement les procédures au lieu de les enchaîner, le Gouvernement ne sacrifie en rien les multiples exigences de la puissance publique, mais en raccourcissant ces procédures, il en réduit l’impact sur la trésorerie des acteurs du bâtiment.

Madame la ministre, je me réjouis de voir que vous avez pris la mesure de l’importance stratégique de ce secteur. Il est temps, après toutes ces années d’oubli, de redonner enfin au bâtiment les moyens de participer au redressement productif du pays. Ce projet de loi va dans le bon sens. C’est pourquoi, comme mes collègues du groupe SRC, je voterai pour ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mes chers collègues, le projet de loi dont nous discutons cherche incontestablement à répondre à une urgence : la situation du logement dans notre pays. L’objectif est louable, nous pouvons le saluer : construire mieux, plus et plus vite. Tout cela est bien évidemment intéressant.

Pourtant la réalité est loin de cet objectif : la situation du secteur du bâtiment est dramatique. Le nombre de logements mis en construction s’effondre, notamment dans le secteur privé. En 2012, seuls 340 000 logements neufs ont été mis en chantier, soit 100 000 de moins qu’en 2011. Cette chute devrait continuer en 2013 : sans compter les mesures prises en matière de TVA, elle constitue une vraie menace pour l’emploi dans le secteur du bâtiment.

Le Président de la République avait promis la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Le compte n’y est pas, madame la ministre ! Les promesses sont loin d’être tenues : cela rappelle terriblement les années 2000. Une fois encore, on ne peut que souligner l’incohérence totale de votre politique en matière de logement et ses nombreux cafouillages, tant procéduraux que législatifs.

M. Daniel Boisserie. Il faut oser !

Mme Catherine Vautrin. Les chiffres sont disponibles, vous pouvez les consulter, cher collègue !

Mme Annick Lepetit, rapporteure. Je ne vous le fais pas dire : les chiffres sont là, en effet !

Mme Catherine Vautrin. Votre majorité choisit aujourd’hui de recourir aux ordonnances pour légiférer en matière de logement. La situation du logement en France mérite, en effet, une prise de conscience globale et une intervention rapide. Pour autant, le recours aux ordonnances doit rester exceptionnel.

M. Daniel Boisserie et Mme Audrey Linkenheld. Vous aussi, vous y avez recouru !

Mme Catherine Vautrin. Je pense que tous les parlementaires présents dans cet hémicycle sont d’accord sur ce point. D’autres, d’ailleurs, l’ont précisé bien avant moi à cette tribune. Permettez-moi de citer l’un des orateurs ayant défendu ce point de vue : « recourir à la procédure des ordonnances, c’est-à-dire au dessaisissement du Parlement, c’est renoncer à la confrontation démocratique et au débat serein. Mais votre propre majorité devrait s’insurger contre une telle façon de faire ! » J’ai cité François Hollande, en 2005. Cette procédure participe à flouer les droits du Parlement. Je pourrais également citer Jean-Marc Ayrault : « en légiférant par ordonnances, le Gouvernement veut décider tout seul ».

M. Henri Jibrayel. Cela aurait tout aussi bien pu être Nicolas Sarkozy ou François Fillon !

Mme Catherine Vautrin. Voilà, madame la ministre, l’opinion de la majorité à laquelle vous appartenez sur votre politique du logement : elle est décidée par le Gouvernement seul !

Venons-en maintenant au fond. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Le 2 mai 2013, deux projets de loi ont été adoptés en conseil des ministres : le projet de loi relatif à la consommation, et celui que nous examinons aujourd’hui. Ces deux textes contiennent des dispositions parallèles – pour ne pas dire concurrentes – en matière de délais de paiement. Le 8° de l’article 1er du texte que vous nous présentez, madame la ministre, vise à faciliter la gestion de la trésorerie des entreprises du bâtiment. Nous avons tous entendu parler des problèmes qu’elles rencontrent : nous savons qu’il s’agit d’un sujet important.

Cet article prévoit de modifier les règles relatives aux délais de paiement applicables aux marchés de travaux privés afin de faciliter la gestion de la trésorerie des professionnels du secteur. Il s’agit de prévoir que le délai d’intervention du maître d’œuvre ou d’un autre prestataire dont l’intervention conditionne le paiement des sommes dues est désormais inclus dans le délai de paiement pour les acomptes mensuels. Et il convient de s’assurer que les maîtres d’ouvrage payent, chaque mois, les travaux exécutés par les professionnels du secteur, sur la base des demandes de paiement mensuel qu’ils présentent.

Toutefois, l’article 61 du projet de loi sur la consommation, examiné également par la commission des affaires économiques, nous interpelle. Ce texte modifie les règles sur les délais de paiement en les réduisant à quarante-cinq jours à compter de la date d’émission d’une facture périodique qui concerne, notamment, les achats de matériaux par les PME et les artisans. Donc d’un côté, on cherche à améliorer la situation des entreprises de la construction et du bâtiment dans leurs relations avec leurs clients et, d’un autre côté, on réduit les délais de paiement à quarante-cinq jours pour les factures périodiques. Ce que les entreprises vont gagner en trésorerie d’un côté, elles risquent de le perdre de l’autre. On constate, en outre, que l’article 61 du projet de loi sur la consommation prévoit d’augmenter significativement le montant des amendes pour non-respect des délais de paiement. Par conséquent, les professionnels – comme les parlementaires, je dois le dire – ont du mal à comprendre, madame la ministre, la cohérence de la politique voulue par le Gouvernement. Ne faudrait-il pas qu’un seul véhicule législatif traite la question des délais de paiement, ce qui permettrait d’avoir une meilleure lisibilité ? La question vous a été posée lors de l’examen du texte en commission. Sans réponse à ce jour, madame la ministre, je me permets de vous demander de donner des éléments permettant d’éclaircir ce point.

Enfin, le périmètre visé par le 8° soulève également une autre interrogation. Il ne couvrirait pas l’ensemble des marchés de travaux privés puisque seraient exclus les professionnels des travaux publics qui réalisent, en moyenne, 30 % de leurs activités en marchés de travaux privés. Pouvez-vous, madame la ministre, garantir sur ce point que l’ensemble des entreprises titulaires de marchés de travaux privés pourront, effectivement, bénéficier des mesures relatives à l’amélioration des délais de paiement ? Car, dans la rédaction actuelle du dispositif, cela ne semble pas assuré.

Je profite de ce débat, madame le ministre, et ce sera ma conclusion, pour vous interroger plus globalement sur la politique du logement et de l’urbanisme. En effet, comme plusieurs de mes collègues, j’ai été sollicitée sur l’application de cahiers des charges de lotissement et de règlements de copropriété. En clair, le règlement d’une copropriété située dans une ZUP dissoute est-il encore opposable aux propriétaires actuels et futurs ? Le cahier des charges continue-t-il à s’imposer ?

Dans un autre domaine, le cahier des charges d’un lotissement, adopté il y a plus de dix ans, quant à lui, devient-il effectivement caduc au titre de l’article L. 442-9 du code de l’urbanisme et ses dispositions restent-elles opposables aux colotis ? Là encore, c’est de la possibilité de faire des travaux qu’il s’agit, et donc d’emplois. C’est la raison de mon interrogation.

Eu égard au trouble que me cause ce 8°, je m’abstiendrai sur ce texte.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mandon.

M. Thierry Mandon. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je concentrerai mon propos, qui sera très bref, sur les dispositifs prévus par l’alinéa 12 de l’article 1er, c’est-à-dire ceux qui concernent la gestion des contentieux. J’interprète cet alinéa comme étant votre contribution à ce que le Président de la République a appelé le « choc de simplification ». Il convient finalement de trouver l’équilibre difficile entre conserver le droit pour les usagers d’introduire des recours, ce qui est le cas dans les intentions que vous affichez, et essayer de trouver des règles permettant d’accélérer considérablement le délai de gestion des contentieux, qui, en matière de construction de logements, mais aussi d’urbanisme d’entreprise, pose des problèmes considérables. Je me tourne vers vous, madame de La Raudière, parce que je suis quelque peu en désaccord avec ce que vous avez dit tout à l’heure.

Mme Laure de La Raudière. Évidemment !

M. Thierry Mandon. Si les dispositions contenues dans cet alinéa 12 sont mises en œuvre conformément aux travaux qui les ont inspirées – je pense au rapport Labetoulle –, alors ce sera très probablement une avancée considérable. La durée des contentieux sera divisée par deux, voire trois, ce qui est un résultat très important. Nous partageons donc l’état d’esprit de cet alinéa – qui conserve les droits et les possibilités de recours qu’ont les citoyens, sans y apporter aucune correction – et les propositions que vous formulez. Celles-ci, toutefois, et c’est une première réserve, s’appliquent plus souvent à la construction de logements qu’à l’urbanisme d’entreprise. Ce problème méritera d’être soulevé lors de la rédaction définitive des ordonnances.

Je ferai quatre remarques sur quatre propositions de décisions telles que nous les avons comprises dans votre intervention liminaire, madame la ministre.

Première remarque, la définition plus précise de l’intérêt à agir. Dans son rapport, M. Labetoulle ne cache pas les difficultés qu’il y a à préciser plus nettement la notion de l’intérêt à agir. Il propose deux orientations. La première concerne les conditions de recevabilité des recours pour excès de pouvoir et, notamment, le fait que le pétitionnaire, qu’il soit particulier ou entité collective, hors association, doit avoir un intérêt à agir lié aux dommages éventuels ou, en tout cas, aux conséquences sur ses biens propres du projet qu’il attaque. La seconde concerne la date à laquelle s’apprécie cet intérêt, en l’occurrence, la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

J’insisterai simplement sur le fait que le régime spécial prévu pour les associations peut vider cet article d’une grande partie de son intérêt. Il suffirait, en effet, que quelqu’un crée une association pour ne pas être soumis à ces règles nouvelles de l’intérêt à agir, donc pour échapper à cet encadrement plus strict.

Ma deuxième remarque concerne la cristallisation des moyens. Pour qu’une procédure ne dure pas des mois, une personne qui attaque un permis de construire devrait, dans un délai que fixerait le juge, détailler ses moyens. Il s’agit d’éviter que le requérant puisse alimenter régulièrement son recours pour jouer la montre. Deux solutions sont évoquées dans le rapport Labetoulle. La première solution que vous avez exposée, madame la ministre, et qui me semble avoir aujourd’hui le vent en poupe, est que le juge fixerait lui-même le délai dans lequel les moyens doivent être transmis. La seconde solution, qui avait ma préférence quand j’ai travaillé sur ces sujets, serait de fixer un délai précis – qui pourrait même être long : six mois, voire un an –, afin que le juge ne soit pas surchargé. Ainsi, on gagnerait du temps. Je me permets de suggérer une réflexion complémentaire sur ce point.

Mme Laure de La Raudière. C’est la preuve qu’il faut légiférer dans l’hémicycle sur ce point !

M. Thierry Mandon. La troisième remarque a trait à la saisine directe de la cour d’appel pour un certain nombre de projets –constructions d’une surface de 1 500 mètres carrés – dans des communes visées par l’article 23 du code général des impôts, c’est-à-dire celles où il existe un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements. Je me demande si l’on n’aurait pas, là aussi, intérêt à réfléchir à un dispositif qui pourrait également s’appliquer à l’immobilier d’entreprise. Je prendrai un exemple tout bête. Dans le Jura, une usine de construction de jouets en bois, qui aurait été créatrice de 100 emplois – un investissement majeur, très important pour cette région – a été attaquée selon les procédures classiques, ce qui a dissuadé l’investisseur. Il est clair qu’en matière d’immobilier d’entreprise, on gagnerait aussi à saisir directement la cour d’appel pour certains projets d’envergure.

Pour finir, je n’ai pas entendu, dans votre intervention, ce que je regrette, que vous aviez retenu la proposition numéro 3 du rapport Labetoulle, qui vise à organiser une sorte d’annulation différée du permis de construire quand tous les moyens ont été écartés par le juge, sauf, bien souvent, un moyen de procédure. Cela amène, bien souvent, à annuler des permis de construire pour des raisons toutes bêtes : par exemple, la personne ayant signé le permis n’était pas explicitement mandatée par le conseil municipal. Il convient probablement de reprendre cette idée d’annulation différée et de laisser au juge le soin de fixer un délai pour la régularisation du permis par un permis modificatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le constat sur la politique du logement en France est alarmant. Ainsi, 3,6 millions de Français sont aujourd’hui mal logés et 3,8 millions de ménages vivent en situation de précarité énergétique. Il y a urgence à relancer la construction ! Pour pallier l’inadéquation de l’offre et de la demande de logements et permettre aux Français de se loger dignement, le Président de la République, dans la continuité de son action en faveur du logement menée depuis un an, a présenté un plan en faveur de l’investissement pour le logement, le 21 mars, à Alfortville. Ce plan, composé de vingt mesures pour lever les freins à la construction, mobiliser les acteurs, libérer du foncier et investir dans la rénovation énergétique de l’habitat, propose, notamment, l’habilitation donnée par le Parlement au Gouvernement pour légiférer par ordonnance sur huit mesures. Ces huit mesures visent à réduire les délais de réalisation des projets de construction de logements, les délais de traitement des recours contentieux dans le domaine de l’urbanisme, la densification des projets et le développement d’une offre nouvelle. Ce projet de loi, habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer le projet de construction qui nous réunit aujourd’hui, concrétise donc cette grande réforme sur le logement voulue par François Hollande. Il sera suivi du projet de loi sur l’urbanisme et le logement qui sera présenté cet été.

Je souhaite plus particulièrement m’attarder sur l’une des huit mesures de ce projet de loi : le développement du logement intermédiaire. Depuis de nombreuses années, un double constat, partagé par tous, s’impose, en particulier dans les zones tendues, notamment en Île-de-France. Le déséquilibre entre l’offre et la demande de logements est à l’origine d’une forte augmentation des prix et d’une insuffisance de logements, dans le parc locatif privé comme social. Autre constat : on note une augmentation importante de l’écart moyen entre le prix au mètre carré dans le privé et dans le social. Selon l’étude d’impact, cet écart était, en 2006, de 55 % dans l’agglomération parisienne et de 36 % sur le territoire national. De fait, une partie importante de la population, que l’on appelle « classe moyenne », se trouve alors exclue du parc privé et du parc social, avec pour conséquence un manque de souplesse dans la sortie du parc social et, plus généralement, un blocage dans le parcours résidentiel et la mobilité. Cette situation s’explique, notamment, par une insuffisance de logements dans le parc locatif social, à l’origine d’une augmentation des prix dans le locatif privé, qui fait l’objet d’un manque réel de régulation.

On constate également l’absence de réels dispositifs spécifiques au logement intermédiaire, et des outils fonciers inadaptés. Sur certains territoires, le dispositif du prêt locatif intermédiaire reste insuffisant et peu mobilisé. Il s’agit donc de définir un statut du logement locatif intermédiaire, qui s’appuierait sur un conventionnement et pourrait faire l’objet de prescriptions dans les documents d’urbanisme. L’objectif à court terme est de réaliser 10 000 logements intermédiaires. Ainsi, dans un délai de huit mois à compter de la publication de cette loi, l’ordonnance pourra définir un régime du logement intermédiaire, créer un contrat de bail de longue durée réservé à la production de logements, prévoir la faculté pour les organismes de logement social de créer des filiales ayant pour activité exclusive la construction et la gestion de logements intermédiaires.

Les amendements de la rapporteure, Annick Lepetit, adoptés en commission mercredi dernier, précisent et clarifient les ordonnances. Ainsi, cette nouvelle offre de logements intermédiaires ne pourra être soutenue par le dispositif proposé que dans les zones géographiquement les plus tendues, afin d’éviter tout effet d’aubaine. Par ailleurs, cette possibilité ne sera ouverte qu’aux communes qui ne font pas l’objet d’un constat de carence au titre de la loi SRU, donc aux communes qui respectent leur obligation de production de logement social ou qui ont engagé un programme de rattrapage en vue de remplir leurs obligations dans ce domaine.

Enfin, la création de filiales doit respecter le principe d’étanchéité des fonds relevant du logement social, afin d’empêcher que les fonds du secteur HLM n’en sortent définitivement. Il s’agit aussi d’assurer que cette activité reste bien subsidiaire par rapport à la construction de logements locatifs sociaux.

Pour conclure, madame la ministre, le Parlement doit jouer son rôle de contrôle dans la rédaction des ordonnances, qui devront tenir compte des amendements adoptés pour que les enjeux sociaux, environnementaux et économiques soient respectés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, s’il était besoin d’en faire la preuve, vos interventions montrent bien qu’à l’occasion d’un projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances, il peut y avoir – c’est le choix que nous avons fait – un véritable débat. Je répondrai globalement à ceux qui s’interrogent sur la nécessité de ce projet de loi d’habilitation, alors même que nous allons nous retrouver, dans quelques semaines, pour examiner un projet de loi plus complet.

Ces dispositions présentent une double caractéristique. D’abord, elles ont maturé en lien avec l’ensemble des acteurs, et certaines d’entre elles sont d’ailleurs attendues depuis longtemps par les acteurs et les élus. Ensuite, leur adoption dans ce cadre permettra de les mettre en œuvre plus rapidement, peut-être un an plus tôt, que si elles avaient été adoptées dans le cadre du futur projet de loi, qui, lui, porte effectivement sur des questions nécessitant un débat parlementaire, que j’imagine riche, fourni, intéressant et passionnant, et que j’aurai plaisir à partager avec vous.

Je vais essayer de répondre de façon plus précise à un certain nombre des points qui ont été soulevés lors de cette discussion générale, mais, lorsque nous travaillons, il faut toujours savoir quel est le but. Développer l’offre de logement, c’est penser aux générations futures, et vous me permettrez de faire un clin d’œil à Antoine et Manon, les enfants de notre président de séance mais aussi d’une très inventive et intelligente vice-présidente de la région Île-de-France chargée du logement. C’est donc pour Antoine, Manon et tous les autres que nous travaillons ensemble aujourd’hui. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. Jean-Luc Laurent. Belle élégance !

Mme Cécile Duflot, ministre. Madame la rapporteure, vous avez évoqué le géo-portail, et M. Krabal est revenu sur cette question. D’abord, il revient à notre pays d’appliquer ces dispositions avant la fin de l’année 2015 dans le cadre d’une directive européenne, mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce dispositif sera beaucoup moins coûteux pour les collectivités locales que la situation actuelle.

Actuellement, les collectivités sont tenues de fournir les documents sous format papier à un certain nombre d’interlocuteurs, et la reprographie d’un PLU adressé à au moins une quinzaine de personnes publiques qui y sont associées coûte environ 1 500 euros. Le coût de la numérisation d’un PLU au bon format est estimé à un montant de 500 à 750 euros au plus, hors les servitudes relevant très normalement du travail des services de l’État. Vous voyez bien que la mise à disposition sous format numérique sera moins coûteuse pour les collectivités locales.

Puisqu’il est nécessaire de le préciser, c’est bien l’État qui prendra en charge le coût de la création du géo-portail, qui sera donc alimenté au fur et à mesure des révisions de PLU. En attendant, et dans le cadre notamment de l’évolution des missions d’ADS, l’État apporte un soutien financier actif à la numérisation.

Monsieur Chassaigne, nous avons eu ici de vrais débats et je regrette, que, sur un certain nombre de points, vous ayez présenté des arguments qui, s’ils nourrissent votre position générale sur le texte, ne me paraissent pas totalement fondés. J’en veux pour preuve, par exemple, la question de la construction des parkings. Une place de parking souterrain, c’est entre 20 000 et 25 000 euros. Il existe en Île-de-France des résidences pour étudiants ou des résidences sociales accueillant des personnes en situation d’insertion dans lesquelles il est obligatoire de réaliser une, voire parfois une place et demie de parking par logement, ce qui représente 2,5 millions d’euros pour une résidence sociale de 100 logements. Le coût n’est donc pas marginal, il est très élevé et la gestion est plus complexe. Pour les gestionnaires, en effet, et je pense en particulier aux gestionnaires de résidences sociales, devoir gérer des parkings souterrains qui sont par essence vides, puisque leurs habitants ne disposent pas de véhicules, c’est un risque.

Cette disposition, grâce à laquelle les élus pourront déroger au PLU pour la délivrance de permis de construire, ce qui ne leur est pas possible aujourd’hui, à moins de réviser leur PLU, permettra de s’adapter à la réalité des situations. Tel est bien l’esprit de ces ordonnances, éviter toute automaticité, contrairement à la disposition sur les 30 % que vous avez abrogée, et je remercie Mme la rapporteure d’avoir repris mon terme de dentelle, l’objectif étant d’aider les élus locaux à favoriser les projets de construction.

M. André Chassaigne. Je prends acte !

M. Michel Piron. On sentait qu’il avait besoin d’être rassuré !

Mme Cécile Duflot, ministre. Je pourrai vous rassurer sur de nombreuses questions, notamment la réquisition. Lors de l’examen du prochain projet de loi, nous pourrons faire le bilan de la procédure que nous avons lancée, qui a été extrêmement extensive. Cela a pu être contrariant pour ceux qui ont pensé que c’était une solution magistrale. Elle ne l’est pas et j’ai toujours dit que c’était une disposition complémentaire. Néanmoins, elle est utile puisque 75 % des logements ayant fait l’objet d’une procédure de réquisition par les services de l’État ont retrouvé des locataires dans un délai très bref, quelques jours parfois après l’envoi du courrier, les destinataires ayant parfaitement compris le sens de la procédure.

L’objectif du Gouvernement, je le rappelle, n’est pas de réquisitionner ou de ne pas réquisitionner, de construire des parkings ou de ne pas en construire, c’est de s’attaquer par tous les moyens nécessaires à la crise du logement et de faire en sorte que nos compatriotes puissent se loger pour des loyers d’un montant compatible avec leurs revenus. Cela peut évidemment passer par la réquisition. M. Krabal a cité Jean de la Fontaine. Il est l’auteur d’une phrase que j’aime beaucoup : « Quand l’eau courbe un bâton, ma raison le redresse ».

Je vous remercie donc de bien vouloir prendre l’intégralité de ces dispositions pour ce qu’elles sont, des dispositions pour l’essentiel techniques, qui, pour une grande part d’entre elles, sont attendues. Au-delà de tout débat idéologique, les appliquer plus rapidement grâce aux ordonnances nous permettra d’être plus efficaces au service du combat qui, je le sais, nous est commun.

Monsieur Jibrayel, vous avez à dessein insisté sur l’urgence, et je vous en remercie. C’est évidemment un rendez-vous supplémentaire que le Parlement consacre à la question du logement, mais c’est nécessaire. Ce travail, qui occupe essentiellement les passionnés de ce sujet, que j’apprécie de retrouver régulièrement, permettra de répondre beaucoup plus rapidement aux problèmes.

Monsieur Tetart, votre intervention était nourrie elle aussi de quelques inexactitudes.

J’ai effectivement dit en commission que les chiffres du logement n’étaient pas bons. Ce n’est pas un secret. Par ailleurs, c’est souvent un indicateur qui amplifie la crise. C’est une crise économique profonde, durable, ayant un impact direct, accentué notamment par l’attentisme des particuliers, qui, dans une situation d’inquiétude, ont tendance à ne pas concrétiser des projets d’acquisition.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire devant vous, et je pense que nous nous retrouverons dans quelques mois ou quelques années, avoir en charge la politique du logement rend immensément modeste. Ce que nous vivons aujourd’hui, ce sont les résultats de la politique qui a été menée précédemment, légèrement infléchis depuis un an, et nous verrons dans deux ou trois ans ceux de la politique qui est menée aujourd’hui. Entre le moment où l’on décide d’infléchir la politique et celui où l’on remet des clés à des locataires ou à des propriétaires, il ne peut évidemment pas y avoir seulement quelques semaines, l’objectivité la plus élémentaire oblige à le reconnaître.

Le signe de la reprise, c’est l’augmentation de 5 % du nombre de permis de construire déposés entre le premier trimestre 2012 et le premier trimestre 2013. Cela n’efface pas la baisse de 18 % de l’activité en un an, mais c’est le signal qu’un certain nombre de nos mesures peuvent porter leurs fruits et que nous pouvons sortir de cette crise, ce dont, j’en suis absolument convaincue, nous serons tous satisfaits.

Vous avez parlé de la question des 30 %. Les 36 000 communes de France étaient obligées de délibérer avant une date butoir. Sinon, cette disposition s’appliquait de droit, sans possibilité pour les élus de s’y opposer. Du côté droit de l’hémicycle, on revendique souvent des libertés pour les élus locaux. C’était le contraire. Si ce projet de loi est adopté, les collectivités auront, après la promulgation des ordonnances, des facultés dont elles ne disposent pas aujourd’hui.

Vous avez évoqué la TVA sur le logement social. Le Président de la République a lui-même annoncé le 21 mars que le taux serait ramené à 5 % pour l’ensemble des opérations livrées à partir du 1er janvier 2014, y compris donc les opérations en cours, ce qui permettra aux opérateurs, notamment les opérateurs HLM, de disposer de davantage de fonds propres pour lancer de nouvelles opérations.

Vous avez évoqué les treize mois de délai. Je suis dans l’obligation de vous corriger. Les ordonnances sont applicables à compter de leur promulgation et non de leur ratification. Vous pourrez les examiner avant leur promulgation, je m’y suis engagée en commission, pour être certains qu’elles traduisent précisément le souhait de l’Assemblée.

Monsieur Piron, vous avez évoqué Martin Nadaud, dont on reprend souvent la formule sur le bâtiment. Je voudrais, si vous me le permettez, rendre hommage à celui qui a été un grand parlementaire. C’était un ouvrier maçon, qui a commencé à travailler à treize ans et qui s’est beaucoup préoccupé de la sécurité sur les chantiers de construction. Une place porte son nom dans la circonscription qui m’a fait l’honneur de m’élire il y a un an. Je suis donc heureuse de rappeler sa mémoire. En la matière, il faut toujours savoir que nous inscrivons nos pas dans les pas de ceux qui nous ont précédés.

Vous avez évoqué les fameux 150 articles du projet de loi. Nous n’avons pas de volonté maximaliste sur ce texte, mais nous avons fait le choix de répondre à un certain nombre de préoccupations, notamment à celles qui ont été évoquées dans des débats parlementaires précédents. Je pense par exemple aux questions relatives aux établissements publics fonciers ou, ce qui sera, je pense, un moment de grande discussion avec vous, au plan local d’urbanisme intercommunal.

Nous avons aussi pour objectif de nous attaquer à des dispositions législatives sur lesquelles des évolutions sont attendues, celles qui concernent par exemple les copropriétés ou l’exercice de la profession de syndic. Si elles ne sont pas changées, cela n’empêchera personne de vivre mais chacun reconnaît qu’elles mériteraient de l’être, pour certaines depuis vingt ans.

Nous passerons peut-être de longues heures ensemble mais je vous promets que nous aurons la satisfaction de ne pas faire une nouvelle loi mais de revisiter la loi actuelle, de la moderniser. Certaines dispositions législatives, vous avez raison, devraient avoir une valeur réglementaire.

Mon prédécesseur, madame de La Raudière, s’était engagé devant vous à adopter un décret relatif à la limitation des recours contentieux avant la fin du mois de mars de l’année 2012. Il est évidemment impossible de régler cette question par décret. Nous y travaillons dans le cadre de ce projet de loi.

Monsieur Lambert, vous avez parlé de la méthode de travail et je voudrais vous dire à quel point je partage votre satisfaction. Ceux qui portent ce dossier et moi-même en particulier avons souhaité que ce projet de loi sur l’urbanisme soit élaboré dans une très large concertation avec l’ensemble des acteurs, des associations de locataires et de propriétaires, avec les associations de collectivités locales, de tous niveaux. Il n’y aura bien sûr pas de consensus sur l’ensemble des sujets mais c’est aussi grâce à cette méthode, qui est en place depuis le milieu du mois de décembre, que nous aboutissons aujourd’hui à des propositions matures, partagées, qui ne heurteront personne et qui pourront plus facilement être mises en œuvre rapidement. Je remercie donc beaucoup celles et ceux qui se sont impliqués dans ce travail de concertation avant l’élaboration de la loi, qui nous permet d’avoir un travail législatif solide.

Madame Linkenheld, vous m’avez interrogée sur la mise en œuvre des trois tiers bâtis. Une première version du rapport me sera présentée mi-juin, le travail avance donc. La création du statut du logement intermédiaire prévue par ce projet de loi d’habilitation permettra de mixer dans un même immeuble les différents types de logements, le logement intermédiaire étant du logement d’accession sociale à un niveau de prix inférieur à celui du marché et du logement locatif à un niveau de loyer intermédiaire entre le logement locatif social et le logement de marché.

Monsieur Laurent, vous avez souhaité me confier les clés du camion, ce qui est une attention très particulière. Je ne m’interrogerai pas à ce stade sur le carburant qui est utilisé pour le camion. (Sourires.)

M. Jean-Luc Laurent. Je vous laisse le choix ! (Sourires.)

Mme Cécile Duflot, ministre. Je ne doute pas de votre engagement. Je sais à quel point, pour certains d’entre vous, légiférer par ordonnances ne correspond pas à la culture politique qui est la vôtre, mais vous partagez l’objectif et nous pensons ensemble à la fin et pas uniquement aux moyens. Une telle méthode sera un moyen utile pour atteindre la fin, c’est-à-dire résoudre plus rapidement la crise du logement.

Monsieur Berrios, vous avez évoqué la densification aveugle et les années soixante. Il serait très intéressant d’avoir une approche réelle de la densification, c’est-à-dire de calculer simplement le nombre d’habitants au kilomètre carré. Les grands ensembles des années soixante ne présentent aucun caractère de densité. La vraie densité, c’est là où il y a des logements mixtes, de petite hauteur, bien plus et bien mieux insérés, de manière bien calculée. Il ne faut pas croire que c’est la hauteur qui fait la densité, au contraire.

M. Michel Piron. Absolument !

Mme Cécile Duflot, ministre. En revanche, c’est bien la densité qui permet de lutter efficacement contre l’étalement urbain et d’assurer la qualité de vie en ville. Avoir à proximité de son lieu d’habitation le lieu de scolarité de ses enfants et des commerces, cela donne une qualité de vie bien plus appréciable que si l’on a besoin d’un véhicule pour se rendre à la boulangerie.

Nous aurons ce débat dans le cadre du projet de loi, c’est un débat intéressant, mais je souhaite que l’on soit très au clair sur ce que signifie la densité. Le terme n’est peut-être pas très adéquat. Ce ne sont pas forcément les méthodes au sein de l’Assemblée nationale mais je serais assez tentée de vous montrer des illustrations de ce qui est dense et de ce qui ne l’est pas, pour sortir de cet a priori qui est à la source, je crois, d’un certain nombre d’erreurs urbanistiques en France.

Monsieur Hanotin, vous avez parlé de la mixité sociale et fonctionnelle des quartiers, et elle est en effet absolument indispensable. C’est dans cet état d’esprit que nous allons travailler, et que nous présentons des dispositions permettant, comme je l’ai dit, de faire de la dentelle. En matière de densification, il s’agit de réparer les « dents creuses » – c’est le terme urbanistique consacré –, de permettre le rehaussement de certains bâtiments de manière fine, et non pas uniforme, quelles que soient les caractéristiques du territoire, et surtout de donner aux élus la possibilité de le faire.

Je ne sais plus qui a dit que j’étais une écologiste qui se moquait de l’isolation des bâtiments…

M. Daniel Boisserie. Qui a osé ? (Sourires.)

Mme Cécile Duflot, ministre. C’est peut-être M. de Mazières, mais il n’est plus là. Je voudrais répondre, pour ne pas être hypocrite. Dès lors que nous assumons le rehaussement des bâtiments, nous intégrons les problématiques spécifiques de ceux-ci, qui ne peuvent évidemment pas intégrer les normes s’appliquant aujourd’hui à la construction de bâtiments neufs. Il faut donc être pragmatique ; c’est comme cela que nous abordons la question, et non de manière idéologique. Les nouvelles normes s’appliquent dans les bâtiments neufs, c’est normal. Nous travaillons avec les constructeurs, les fabricants de matériaux, pour améliorer la qualité des bâtiments existants – vous connaissez évidemment le chantier de la rénovation thermique –, mais nous ferons en sorte que les possibilités que nous octroyons aux collectivités locales soient techniquement faisables.

M. de Mazière a également fait, je crois, une remarque sur les PPRI. Il est évident que nous n’ouvrirons pas de dérogations autres que pour les PPRI où ne peuvent se produire que des crues à cinétique lente, c’est-à-dire ne présentant aucun risque de submersion brutale des habitants de ces zones.

Madame Vautrin, vous avez évoqué l’articulation avec l’article 61 du projet de loi sur la consommation. Ce dernier a un objectif : faire baisser les délais de paiement dans l’ensemble des secteurs. C’est dans cet état d’esprit qu’il est rédigé. Par ailleurs, le Gouvernement mène des consultations avec l’ensemble des professions, pour des mesures spécifiques, secteur par secteur. Le projet de loi sur la consommation en est au stade du principe : il est évident qu’il s’adaptera, en cohérence avec le travail que nous menons sur le secteur de la construction.

M. Mandon a évoqué une disposition particulière du rapport Labetoulle qui n’est pas spécifiquement reprise. À la demande de Mme la rapporteure, nous avons intégré la question des dommages et intérêts. La disposition sur l’annulation partielle permettant un nouveau dépôt partiel et non un nouveau dépôt complet sera également intégrée ; c’est prévu.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

Mme Cécile Duflot, ministre. Par contre, s’agissant du délai, monsieur Mandon, je crois bien plus opportun de laisser au juge la latitude de fixer un délai. Dans certains cas, celui-ci doit être très court, dans d’autres il peut être plus long. Ce n’est pas un acte juridictionnel, mais cela peut être pris très rapidement, et il sera beaucoup plus utile de laisser cette latitude au juge que de prévoir un délai fixe.

Madame Maquet, vous avez abordé le débat sur la question du logement intermédiaire et des filiales d’organismes HLM. Je sais qu’il existe quelques inquiétudes sur le sujet,…

M. Jean-Luc Laurent. Si peu !

Mme Cécile Duflot, ministre. …mais il ne doit y avoir aucun doute quant à la volonté du Gouvernement : l’argent du logement social, et de ses locataires, doit servir à construire du logement social. Le gouvernement qui a fait voter la loi permettant de construire 25 % de logements locatifs sociaux dans l’ensemble des communes de plus de 3 500 habitants n’est pas schizophrène : notre objectif est toujours le même. Nous trouverons les moyens, au cours de ce débat, de lever toutes les inquiétudes.

M. Jean-Luc Laurent. Écrivons-le !

Mme Cécile Duflot, ministre. Très bien, monsieur Laurent, nous l’écrirons. Je sais que vous êtes un auteur d’amendements idéal.

M. Michel Piron. Un virtuose !

Mme Cécile Duflot, ministre. Je ne doute donc pas un instant que nous lèverons les inquiétudes qui pourraient exister, car il n’est pas dans l’intention du Gouvernement d’en laisser subsister sur cette question.

Monsieur Goldberg, vous avez évoqué les coûts de construction. La question des parkings participe de ce sujet. Vous avez également évoqué la question des normes. Nous avons décidé de lancer un chantier sur ce sujet, à l’automne. Beaucoup de choses sont dites, sur les délais, sur la main-d’œuvre, sur les normes françaises, qui seraient différentes des normes européennes, sans que les éléments du débat soient toujours bien objectivés. Je souhaite donc que nous objectivions le sujet…

M. Michel Piron. Très bien !

Mme Cécile Duflot, ministre. …pour pouvoir identifier les éléments qui justifieraient, ou pas, l’idée qu’il y aurait des différences de coûts de construction entre la France et d’autres pays européens, afin de pouvoir les lever. Nous avons d’ores et déjà identifié le coût du foncier, mais nous travaillerons au fond, point par point, dès cet automne, pour sortir des a priori sur la réalité des difficultés, qui sont manifestes dans certains territoires, et pour apporter des réponses précises. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Merci, madame la ministre, y compris de la part de Manon, Antoine et leur maman. (Sourires.)

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Annick Lepetit, rapporteure. Je souhaite apporter quelques éléments en complément de ce qu’a dit Mme la ministre.

J’ai moi aussi noté que plusieurs d’entre vous, comme Henri Jibrayel ou Michel Piron, sont intervenus sur la question de l’urgence. Vous avez raison : il y a urgence pour construire des logements là où c’est nécessaire et pour ceux qui en ont besoin. Nous l’avons dit pendant plusieurs années, ce n’est pas aujourd’hui que nous allons trouver qu’il n’y a plus urgence ! Je constate que cette idée est largement partagée, ce qui n’a pas toujours été le cas dans cet hémicycle.

M. Michel Piron. Mais si, voyons !

Mme Annick Lepetit, rapporteure. Ça l’est aujourd’hui. Nous nous retrouvons sur ce point. Même ceux, peu nombreux, qui regrettent que nous devions habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances, comme M. Tetard, M. Bompard ou encore M. de Mazières, invoquent davantage des raisons de principe que des raisons de fond, relatives aux mesures que nous prenons.

M. Michel Piron. Ce sont des angoisses théologiques !

Mme Annick Lepetit, rapporteure. A contrario, c’est le fond, le bien-fondé de ces mesures, qui permet aux parlementaires que nous sommes – Daniel Goldberg l’a rappelé – d’accepter volontiers d’habiliter le Gouvernement.

Madame de La Raudière, en ce qui concerne les délais, à l’article 2, dans lesquels le Gouvernement doit prendre les ordonnances, trop les restreindre risquerait de faire tomber les ordonnances purement et simplement. C’est pourquoi nous avons de tels délais, qui ne sont d’ailleurs pas les mêmes selon les mesures inscrites à l’article 1er.

Ce projet de loi, je le rappelle à ceux qui demandent pourquoi de telles ordonnances, s’inscrit dans le cadre d’une politique cohérente. C’est une politique du logement cohérente que nous menons depuis un an, une politique qui propose notamment des outils différents pour construire davantage de logements. Je remercie Audrey Linkenheld d’avoir souligné cette cohérence et montré qu’il fallait de nouveaux leviers pour construire davantage.

Jean-Luc Laurent disait : « Enfin ! ». Oui, enfin nous pouvons mettre en œuvre des mesures que de nombreux élus, députés mais aussi élus locaux, attendent depuis longtemps. Nous n’allons donc pas nous plaindre de cette urgence-là.

Je conclurai d’un mot sur le logement intermédiaire, en réponse à M. Laurent, M. Chassaigne, Mme Bonneton. Aujourd’hui, il existe deux sortes de logements : le logement social et le logement privé.

M. Michel Piron. Qui peut être social !

Mme Annick Lepetit, rapporteure. Avec ce texte, nous aurons, outre de nouveaux logements, un nouveau statut de logement, appelé logement intermédiaire, qui permettra à des ménages de pouvoir se loger alors que leurs revenus ne leur permettaient jusqu’à présent d’accéder ni au logement social ni au logement privé. Cela concerne bien sûr particulièrement les zones tendues – je veux rassurer M. Chassaigne. Je pense que c’est une nécessité, et je l’ai entendu dans toutes les auditions que j’ai réalisées : ce type de logement est attendu.

Madame Bonneton, vous avez raison, les organismes HLM remplissent la mission essentielle de construire du logement social. Je comprends votre inquiétude, d’ailleurs partagée par d’autres parlementaires. C’est pourquoi j’ai proposé en commission un amendement, qui a été adopté, pour garantir l’étanchéité des fonds relevant du logement social. Il m’avait semblé vous avoir rassurée, mais, puisque vous avez déposé de nouveau un amendement, après avoir retiré celui que vous aviez présenté en commission, nous aurons l’occasion d’y revenir. Ce sera également l’occasion pour Mme la ministre de nous éclairer sur les conditions de la construction de ces logements intermédiaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)