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Deuxième séance du mardi 17 juillet 2012

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (nos 71, 79, 78, 77).

Première Partie

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des articles de la première partie du projet, s’arrêtant à l’amendement n° 181 portant article additionnel après l’article premier.

Après l’article 1

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n° 181.

Mme Eva Sas. Il s’agit de l’un des quatre amendements que nous proposons pour réaliser des économies sur les niches fiscales anti-écologiques. Ils visent à redresser les finances publiques tout en mettant notre fiscalité en cohérence avec les objectifs environnementaux que nous partageons tous, j’en suis sûre.

L’écotaxe poids lourds est une taxe au kilomètre parcouru, prenant en compte l’impact environnemental du transport routier. Attendue depuis trop longtemps par les écologistes, elle connaît, avant même sa mise en œuvre en 2013, des exonérations sur certains itinéraires, singulièrement dans les zones naturelles montagneuses, particulièrement sensibles à la pollution.

Nous pensons aussi aux habitants qui subiront les nuisances d’une augmentation du trafic routier sur le réseau national de montagne.

Cet amendement s’inscrit dans la droite ligne de la directive européenne de juin 1999, qui préconise d’augmenter les taxes sur le trafic routier en moyenne montagne afin de protéger ces zones naturelles.

Nous proposons ainsi de mettre fin à une aberration écologique et de contribuer, en restaurant le rendement de l’écotaxe, à l’amélioration des finances publiques en 2013.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. L’écotaxe poids lourds, instituée par la loi de finances pour 2009, n’est pas encore appliquée. La taxe expérimentale alsacienne, dite TPLA, sera perçue en avril 2013 sur le réseau routier alsacien, qui subit un report de trafic du fait de la mise en œuvre d’une taxe similaire sur le réseau autoroutier en Allemagne. En juillet 2013, l’écotaxe sera perçue sur le réseau routier national et le réseau local susceptible de subir un report de trafic.

Les caractéristiques de cette taxe ont été modifiées à de nombreuses reprises. Il ne paraît pas opportun d’y revenir, sous peine de retarder sa mise en œuvre, que nous espérons, nous aussi, prochaine.

La consistance du réseau routier soumis à la taxe a été fixée par un décret pris en conseil d’État le 27 juillet 2011. Celui-ci prévoit une période d’observation du trafic sur le réseau local d’un an, à compter de l’entrée en vigueur de l’écotaxe. Il conviendrait sans doute d’en attendre la fin avant de modifier le champ d’application de la taxe.

Je vous suggère donc de retirer cet amendement, faute de quoi la commission en demande le rejet.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Cette question est très importante. L’histoire commence en 2006, lorsque le député Yves Bur propose d’instaurer de façon expérimentale une taxe sur les poids lourds en Alsace, à l’instar de ce qui se fait en Allemagne. Comme rien ne se passe, il est décidé d’étendre le champ de cette taxe à l’ensemble du territoire par une loi, votée en 2009. Cette loi, comme les modalités de la taxe et de son instauration, sont modifiées en 2010 puis 2011.

La régularité des procédures qui ont suivi l’adoption de la loi a été contestée devant les juridictions administratives. En première instance, l’appel d’offres qui avait attribué le marché à une entreprise italienne aux dépens d’une entreprise française, la société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France (Sanef), a été annulé. Le Conseil d’État a rétabli en appel la décision.

Il ne m’appartient pas de juger les raisons pour lesquelles la Haute assemblée a désavoué la première instance, mais ceux qui s’intéressent à ce sujet seraient sans doute intrigués par certaines des modalités qui ont présidé à cette conclusion.

Le président de la Sanef, Pierre Chassigneux – un préfet exemplaire – a mal accepté de voir sa société écartée de l’appel d’offres. Il a été remplacé. De façon si discrète, au demeurant, que je mets quiconque au défi de me dire qui a pris la tête de la Sanef en début d’année.

Je vois une certaine perplexité sur le visage des parlementaires… C’est donc avec intérêt qu’ils apprendront qu’il s’agit de M. Alain Minc, dont on ne connaissait pas la passion pour la question autoroutière.

M. Alain Chrétien. Excellent choix !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En revanche, les grands équilibres industriels et financiers l’ont toujours passionné, notamment à titre personnel. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Nous espérons que la taxe poids lourds verra le jour à la mi-2013. L’État en attend près d’1,5 milliard de recettes, qui seront affectés à l’agence de financement des infrastructures de transport de France. Nous avons besoin de ces ressources afin de mettre en œuvre un certain nombre de projets, des lignes à grande vitesse mais aussi des projets routiers.

Je crains que la mise en vigueur de cette taxe ne se trouve retardée par une nouvelle modification de son champ d’application comme vous le proposez. L’opérateur qui a emporté l’appel d’offres en tirera prétexte pour allonger encore les délais et résister à l’État, qui lui enjoint de respecter un cahier des charges avec lequel il a déjà pris des libertés excessives.

De surcroît, il est prévu que la consistance du réseau routier soumis à la taxe sera réexaminée dans un délai d’un an. Votre proposition, madame la députée, pourrait être étudiée dans ce cadre. Il serait raisonnable que vous retiriez cet amendement, le Gouvernement s’engageant à ce que la révision du champ d’application soit examinée dans la plus grande transparence.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Dans la mesure où il est proposé de réévaluer l’impact de cette écotaxe dans le délai d’un an suivant sa mise en œuvre, et notamment sur le trafic routier dans les zones de moyenne montagne, nous acceptons de retirer cet amendement.

Nous nous permettons de suggérer que l’ensemble des niches fiscales anti-écologiques fasse l’objet d’un rapport ou d’une étude plus approfondie. Il y a là des marges de manœuvre qu’il serait dommage de ne pas exploiter, dans l’intérêt de l’environnement et des finances publiques.

(L’amendement n° 181 est retiré.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je précise que M. Minc n’a pas pris la direction de la Sanef, mais la présidence de la société.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Gorges.

M. Jean-Pierre Gorges. Je suis déçu que vous retiriez cet amendement aussi rapidement ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Je suis favorable à ce que vous proposez. Il est regrettable qu’un tel mécanisme soit, dès son instauration, assorti d’exceptions. Nous savons tous qu’elles induiront des comportements et que le trafic s’en trouvera modifié. Il ne faut pas lâcher. Cela fait dix ans que j’entends cette même histoire que vient de raconter M. Cahuzac : Retirez vos amendements, il seront examinés ultérieurement, de façon plus globale.

Mme Geneviève Gaillard. La majorité a changé !

M. Jean-Pierre Gorges. Ce sont les mêmes pratiques. En vérité, on ne reviendra plus sur ces exceptions, elles seront même étendues à d’autres territoires. Madame la députée, vous faites une erreur en retirant cet amendement, mes collègues et moi-même l’aurions sans doute voté. Je le reprends.

(L’amendement n° 181n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir deux amendements, nos 121 et 122, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Nicolas Sansu. L’article 24 du présent collectif budgétaire permettra de rétablir le taux réduit de TVA à 5,5 % dans le secteur du livre. Nous approuvons, bien sûr, cette mesure qui traduit la volonté d’œuvrer à la survie des librairies indépendantes et, plus largement, l’importance du soutien à la diffusion des biens culturels.

En revanche, nous sommes quelque peu surpris que d’autres secteurs culturels soient exclus du bénéfice de cette mesure comme le cinéma et le spectacle vivant dont l’équilibre est tout aussi fragile.

Comme nos collègues sénateurs, qui ont déposé en mai dernier une proposition de loi en ce sens, nous sommes convaincus de la nécessité de protéger le secteur culturel dans son ensemble et dès lors très attachés au rétablissement de la TVA à 5,5 % dans toutes les branches de ce secteur. C’est le sens des amendements nos 121 et 122, le premier proposant de rétablir le taux de TVA à 5,5 % pour le théâtre, les arts du cirque, les concerts et les spectacles de variété, le second visant spécifiquement les droits d’entrée dans les salles de cinéma.

Ce rétablissement serait un geste fort à l’égard de l’ensemble des acteurs du spectacle vivant et je suis sûr que ces deux amendements recueilleront un large consensus au sein de la majorité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’amendement n° 121 pose deux problèmes. D’abord, son champ d’application est un peu trop restreint puisqu’il exclut les concerts donnés dans des établissements où des consommations sont servies facultativement. Je me suis fait expliquer de quoi il s’agissait car je ne fréquente pas trop ce genre d’endroit. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Gorges. Ce n’est pas grave !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il a de toute façon paru assez compliqué d’exclure ce type de spectacle vivant du bénéfice du dispositif envisagé.

Ensuite, vous proposez une application immédiate de votre amendement, ce qui pose également problème car un certain nombre de billets ont déjà été vendus pour des spectacles qui n’ont pas encore eu lieu. Il a donc paru techniquement plus pratique de rédiger un amendement dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier de l’année prochaine : c’est l’amendement n° 216 de M. Muet à l’article 24. Il vous donnera – nous donnera – satisfaction puisqu’il élargit le champ d’application du dispositif mais prévoit une entrée en vigueur le 1er janvier prochain. Je vous suggère par conséquent de retirer cet amendement n° 121 à son profit.

En ce qui concerne l’amendement n° 122, vous souhaitez que le taux de TVA applicable au prix des places de cinéma passe de 7 % à 5,5 %. L’enjeu n’est pas neutre puisqu’il concerne une vingtaine de millions d’euros pour quelque dix centimes de moins par place d’environ 7 euros. Or, sur les douze derniers mois, les entrées en salle ont progressé de 10,3 % par rapport aux douze mois précédents. De plus, il existe un certain nombre d’aides – d’aucuns vont jusqu’à prétendre qu’elles sont trop nombreuses – à tous les maillons de la chaîne, à hauteur de 3 milliards d’euros par an – qu’il s’agisse de subventions, de prêts à taux réduits et surtout d’incitations fiscales par le biais de sociétés connues comme les SOFICA – dont 80 % vont à la production cinématographique.

Il ne paraît par conséquent pas opportun au rapporteur général ni à la commission de retenir l’amendement n° 122. En revanche, j’y insiste, l’amendement n° 121 sera satisfait par l’amendement n° 216 de nos collègues Pierre-Alain Muet et Patrick Bloche entre autres.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement donnera un avis favorable à un amendement qui sera examiné ultérieurement, évoqué par le rapporteur général et qui satisfera votre souhait, monsieur le député. Il élargit le champ de l’application de votre amendement n° 121.

En revanche, pour ce qui est de l’amendement n° 122, le Gouvernement ne peut que rejoindre le rapporteur général dans son opposition à un effort en termes de TVA en faveur d’un secteur qui, d’abord, ne correspond pas à la définition du spectacle vivant et, ensuite, éprouve peut-être moins de difficultés économiques que les spectacles vivants eux-mêmes. Aussi le Gouvernement vous demande-t-il de retirer l’amendement n° 121 au profit d’un amendement qui sera examiné ultérieurement et qui, je le répète, satisfera votre objet. Quant à l’amendement n° 122, si vous ne le retiriez pas, je serais contraint d’en demander le rejet.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Je n’ai pas tout compris sinon que la commission et le Gouvernement seraient plutôt du même avis sur ces deux amendements. Je souhaite savoir quel serait le coût des dispositions ici envisagées.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. D’après les informations en notre possession, le coût serait de 19 millions d’euros pour le spectacle vivant, auxquels il faudrait ajouter 20 millions d’euros pour l’amendement n° 122. Ces estimations sont des maximums.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Si M. Muet en est d’accord, je souhaiterais qu’on ajoute mon nom à la liste des signataires de son amendement puisque notre volonté est commune. Si cela est possible, je retirerai l’amendement n° 121.

Quant à l’amendement n° 122, je veux bien le retirer mais, en attendant l’examen du projet de loi de finances initiale, je vérifierai si des salles de cinéma indépendantes sont susceptibles d’en être affectées.

(Les amendements nos 121 et 122 sont retirés.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Il se couche.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l'amendement n° 118.

M. Nicolas Sansu. Le présent amendement vise à revenir à la TVA à 5,5 % pour les opérations réalisées par les bailleurs sociaux, à savoir tout ce qui touche à la politique sociale du logement. Aujourd’hui plus qu’hier – mais c’était déjà le cas quand la TVA était à 5,5 % –, selon l’union sociale pour l’habitat, les offices comme les SA de HLM sont des contributeurs nets au budget de l’État, ce qui est tout de même un peu fort… Aussi la priorité affichée pour le logement mérite-t-elle que l’on renforce la cohérence de la politique menée en la matière ; c’est l’objet de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La question soulevée est importante mais la commission a estimé que le coût de cette mesure est de l’ordre de 100 à 120 millions d’euros,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Il va donc le retirer !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …ce qui nous semble hors de portée compte tenu de la situation des finances publiques. J’ajoute que nous reprendrons plusieurs amendements concernant le logement social et qui vous donneront satisfaction.

M. Nicolas Sansu. Très partiellement !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Assez partiellement, je vous le concède. Ils constituent en tout cas un geste en faveur du logement social. Quoi qu’il en soit, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 118.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le député, le Gouvernement ne peut pas donner un avis favorable sur votre amendement. Je rappellerai à la représentation nationale que le but, non unique mais premier, du présent texte est de restaurer les finances du pays afin que nous respections notre parole sur le montant du déficit budgétaire annoncé pour la fin de l’année.

On peut ou non adhérer à cet objectif mais il se trouve que la majorité présidentielle qui soutient François Hollande a intégré – du moins je l’espère – cet objectif. Nous ne pouvons nous permettre de dépenser 120 millions d’euros quelle que soit la noblesse de la cause que vous défendez, et que je ne conteste pas. Donc, là encore, si vous ne retiriez pas votre amendement, je serais obligé d’en demander le rejet à l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Laissons le débat se poursuivre pendant quelques mois puisque nous y reviendrons en octobre. Je retire donc mon amendement. Reste qu’à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances, un vote aura lieu, monsieur le ministre.

(L’amendement n° 118 est retiré.)

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est bien, il retire tous ses amendements !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il est vrai que vous ne l’avez jamais fait, vous !

M. Nicolas Sansu. Et rien n’interdit à nos collègues de reprendre l’amendement…

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 119.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement vise à rétablir le taux réduit de TVA sur les travaux d’amélioration, d’aménagement ou encore d’entretien dans les locaux à usage d’habitation. Cette disposition, appliquée en 1999, a été évoquée au cours de la discussion sur l’article 1er par la présidente de la commission des affaires sociales. L’objet de cette mesure est double : il s’agit à la fois de soutenir le pouvoir d’achat des ménages et de soutenir l’activité dans un domaine qui, je le rappelle, n’est pas délocalisable. En outre, le secteur du bâtiment, qui représente 7 % du PIB, emploie plus d’un million d’actifs au sein de quelque 380 000 entreprises. Or, comme l’indique la CAPEB, l’artisanat du bâtiment a enregistré une baisse d’activité de 0,5 % au deuxième trimestre 2012 par rapport à 2011.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il est tellement clair que le champ d’application de cet amendement est encore plus large que le précédent – le coût de cette mesure s’élève à 550 millions d’euros –, que l’argumentation développée auparavant n’en est que plus justifiée ici.

Mme Marie-Christine Dalloz. Retrait !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous avez évoqué la possibilité de revenir sur cette question à la faveur de la discussion du projet de loi de finances. Le Gouvernement y est, semble-t-il, ouvert ; reste que la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable, justifié par le coût de la mesure – 540 millions d’euros. Je demanderai donc à l’Assemblée de bien vouloir rejeter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je ne retirerai pas mon amendement quitte à ce qu’il soit rejeté car il est très important à mes yeux. Nous devrons de toute façon faire des choix en matière d’architecture fiscale : d’autres prélèvements doivent porter sur le capital pour permettre de telles mesures de dépenses publiques.

(L’amendement n° 119 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n° 183.

M. Denis Baupin. Je me réjouis d’avoir entendu il y a quelques instants qu’au moins un amendement recevrait un avis favorable même s’il entraîne un coût supplémentaire. Aussi, j’imagine que celui que je présente, qui permettra au contraire de réaliser des économies, bénéficiera d’un avis d’autant plus favorable.

Vous le savez, l’Organisation mondiale de la santé a estimé il y a quelques semaines que les particules fines liées au diesel étaient cancérigènes. Les scientifiques évaluent à 40 000 par an le nombre de morts en France à cause du diesel. La raison en est que notre parc automobile est le plus « dieselisé » du monde.

Déjà en 2005, M. Philippe Seguin, alors président de la Cour des comptes, avait estimé que les niches fiscales favorisant l’utilisation du diesel en France devraient être supprimées car rien ne justifiait qu’on donne un avantage fiscal aux utilisateurs d’un carburant dangereux pour la santé.

Nous vous proposons de nous attaquer au moins à la plus caricaturale de ces niches fiscales, celle qui concerne les flottes d’entreprise. Aujourd’hui, 96 % des véhicules des flottes d’entreprise roulent au diesel parce que seul le gazole est éligible à la déduction de TVA. Il s’agit donc de supprimer ce dispositif anachronique et d’aligner la fiscalité du gazole sur celle des autres carburants fossiles, et, au contraire, d’apporter un avantage à tous les véhicules hybrides. Je note d’ailleurs que cet état d’esprit a prévalu au cours de l’intervention du Président de la République le 14 juillet dernier.

Pour terminer, un tel amendement permettrait d’économiser 350 millions d’euros chaque année pour le budget de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cher collègue, j’ai bien entendu votre argumentation.

Comme vous l’avez rappelé, la TVA sur l’essence n’est pas déductible actuellement, alors que celle sur le gazole l’est à hauteur de 20 %. Votre amendement propose de supprimer toute déduction pour le gazole et de réserver la déductibilité de la TVA aux seuls carburants utilisés dans les véhicules hybrides.

Or, cette mesure pénaliserait les flottes d’entreprises – comme vous l’avez vous-même reconnu – et notamment l’ensemble du secteur du transport routier. Tout le monde convient, me semble-t-il, qu’il est nécessaire de revoir la fiscalité des carburants, notamment pour rééquilibrer la fiscalité qui pèse sur l’essence et le gazole. Il importe, cependant, d’avoir une vue d’ensemble.

Le Gouvernement a déjà annoncé des mesures concrètes qui seront débattues à l’automne lors de la discussion du projet de loi de finances initial : nous aurons alors, je n’en doute pas, un débat constructif sur ces questions.

Pour l’heure, la commission n’a pas retenu votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le député, la question de la TVA sur les carburants est complexe, je vous l’accorde. Au moment de l’entrée en vigueur de la directive européenne relative au système commun de la TVA, la France s’est vue reconnaître le droit de refuser la déductibilité de l’essence au titre de la TVA : le système prévalant déjà, elle a pu le maintenir. Elle n’a pu, en revanche, s’opposer à la déduction de la TVA sur le gazole. C’est pour avoir essayé de le faire, en 2001, que la France a été condamnée. La jurisprudence est certaine et notre pays a déjà, hélas, connu la voie contentieuse, qui a abouti à un échec.

L’adoption de votre amendement par l’Assemblée – puis, le cas échéant, par le Parlement – entraînerait l’ouverture d’une demande reconventionnelle pour l’ensemble des carburants, ce qui fragiliserait notre système et irait à l’encontre de l’objectif que vous poursuivez.

Au-delà de son coût, dont je ne parle même pas, une telle mesure aurait pour conséquence – ce que certainement vous ne souhaitez pas – l’introduction de la déductibilité de l’essence au titre de la TVA. Je ne crois pas que votre amendement, pour intéressant qu’il soit – ne serait-ce que parce qu’il permet de soulever une question juridique passionnante – irait dans la direction que vous souhaitez.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Gorges.

M. Jean-Pierre Gorges. Monsieur le président, chers collègues, je vais soutenir cet amendement, que je trouve très intéressant. Je suis surpris, du reste, que M. Baupin ne soit pas allé jusqu’au bout de son explication.

Dès aujourd’hui, nous prenons le Gouvernement en faute (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC). M. Ayrault nous a expliqué qu’il fallait nous diriger vers les nouvelles technologies et M. Claeys nous a rappelé, tout à l’heure encore, que la France devait évoluer. D’ailleurs, si l’entreprise Peugeot rencontre aujourd’hui des problèmes, c’est parce qu’elle continue de vendre des voitures qui fonctionnent à l’essence et au gazole. Demain, avec les véhicules hybrides, elle pourra conquérir de nouvelles parts de marché. Or, la fiscalité que vous défendez aujourd’hui empêche un tel dispositif de se mettre en place.

Cela fait des mois que vous nous faites des leçons de morale, mais à la première proposition de l’un de vos alliés écologistes, vous reculez, en avançant des raisons fallacieuses !

Monsieur le ministre, je pense qu’il faut tenter cette opération, car il est indispensable que notre pays réoriente son pôle industriel, notamment l’industrie automobile, vers ce qui, demain, sera le futur : la voiture hybride et peut-être la voiture entièrement électrique. Il faut, en tout cas, rompre avec les carburants du passé.

Cet amendement, qui permettrait de régler un problème sanitaire et d’engager notre pays dans un secteur d’avenir, aurait en outre l’avantage – c’est assez rare – de rapporter 350 millions d’euros.

Je ne comprends pas votre position et je pense que l’Assemblée nationale devrait approfondir ce débat, afin de comprendre si votre argumentation est sincère ou fallacieuse.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je pense que l’amendement de nos collègues écologistes ne pose pas la vraie question, celle du rééquilibrage de la fiscalité qui pèse sur le gazole et sur l’essence. Aujourd’hui, l’écart de taxation entre le fioul et le gazole a pour conséquence une diésélisation excessive de notre parc automobile. Cette situation pose un certain nombre de problèmes, à commencer par la déstabilisation de l’industrie du raffinage : on exporte massivement notre essence et l’on importe une part croissante de notre gazole, pour l’essentiel des États-Unis, ce qui est une aberration, aussi bien en terme d’équilibre économique que du point de vue environnemental.

Comme l’a dit monsieur le rapporteur, il convient de s’attaquer à la cause profonde du problème, à savoir la perte croissante de compétitivité des entreprises routières : presque 40 % d’entre elles sont aujourd’hui déficitaires. Le nombre d’emplois qui, depuis la Libération, avait constamment augmenté dans le secteur routier, est en baisse depuis deux ans.

M. François Sauvadet. Ça, c’est vrai !

M. Charles de Courson. Au niveau international, nous perdons 3 % de part de marché par an depuis maintenant plus de quinze ans. La perte de compétitivité de notre secteur routier pose donc des problèmes multiples, aussi bien énergétiques que sociaux. Je crois qu’il faut repousser cet amendement.

Peut-être le Gouvernement va-t-il reprendre la parole ? J’avais cru comprendre que le Premier ministre avait annoncé une grande réflexion sur la politique énergétique : il est temps d’aborder sérieusement ce problème et de voir de quelle manière on peut en sortir.

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. Le débat qui s’engage à l’occasion de cet amendement me fait songer au débat, attendu, qui devait s’ouvrir au sujet de la transition énergétique. J’ai le souvenir que, durant la campagne électorale, l’actuel Président de la République nous avait présenté une feuille de route pour la première année de son mandat qui prévoyait, pour le mois de juillet, un grand débat sur cette question.

Pourquoi ce débat n’est-il pas programmé ? Qui n’était pas prêt à le tenir ? Les enjeux liés à cette question sont nombreux : ils ne touchent pas seulement à la fiscalité, le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, mais aussi à l’avenir de notre société.

Je souhaite que le Gouvernement nous éclaire : pourquoi ce débat, qui avait été annoncé dans la feuille de route de la première année, n’a pas encore été programmé ? Quand le sera-t-il ? Je suis certain que nous pouvons, sur ces questions, trouver des consensus.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Ce débat a au moins le mérite de faire tomber les masques dans certains groupes qui, pour avoir lancé le Grenelle de l’environnement, se prétendaient à la pointe de la lutte environnementale. Pourtant, dès qu’une mesure est proposée en matière de fiscalité environnementale, elle trouve chez eux des adversaires acharnés !

Ce sujet n’est pas nouveau : vous avez remarqué à juste titre, Monsieur de Courson, que la diésélisation du parc français pose des problèmes, non seulement sanitaires, mais également économiques, que le rapport de Philippe Seguin, lorsqu’il était Premier président de la Cour des comptes, avait déjà pointés en 2005.

Je dois vous dire, monsieur le ministre, que je n’ai pas été pleinement convaincu par votre argumentation – à moins que je ne l’aie pas comprise. Elle donne le sentiment qu’il est désormais impossible de faire évoluer la TVA sur les carburants, au risque de se voir condamné par la juridiction européenne.

Je tiens à rassurer ceux de nos collègues qui regrettaient que nous n’allions pas au fond du débat : nous reviendrons naturellement sur la question du gazole et plus globalement sur celle de la consommation des carburants, car il s’agit d’un problème majeur de santé publique, reconnu par les plus hautes instances médicales.

Comme je n’ai pas encore eu connaissance des engagements que, selon le rapporteur général, le Gouvernement aurait pris en vue du projet de loi de finances initial, je maintiens cet amendement pour le soumettre au vote (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste – Applaudissements de M. Jean-Pierre Gorges).

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je ferai deux remarques, l’une sur le fond, l’autre sur le contexte politique dans lequel nous examinons cet amendement.

Sur le fond, je maintiens, monsieur le député, que si aujourd’hui, la TVA sur l’essence n’est pas déductible, c’est parce que le système préexistait à l’adoption d’une directive communautaire, et qu’adopter cet amendement aujourd’hui reviendrait à provoquer une demande reconventionnelle. La France serait alors probablement contrainte d’accepter, au moins pour certains de ses engins, la déductibilité de la TVA sur l’essence. Il y a là, à mon sens, un risque dont les conséquences iraient à l’encontre des objectifs que vous poursuivez.

M. Gorges, il m’avait échappé que Chartres était une station de montagne. Je constate maintenant que vous êtes intéressé par les biocarburants et je m’en réjouis. Je ne suis naturellement pas surpris par la position de M. Charles de Courson, qui connaît bien la question des biocarburants. Quant au député Jégo, je comprends sa déception de ne pas voir se réaliser, dans le mois qui suit la constitution d’une majorité parlementaire conforme au vœu du Président de la République, toutes les mesures annoncées au cours de la campagne.

M. Bernard Roman. Ils sont impatients !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. D’abord, l’année qui suit ne signifie pas juillet Et au risque d’atteindre votre moral, je vous rappelle que cette mandature est faite, a priori, pour durer cinq ans et que ce projet de loi de finances rectificative n’a certainement pas pour objet d’épuiser l’ensemble des propositions faites par le candidat François Hollande. Chaque chose viendra en son temps : si c’est cela qui vous inquiétait parce que vous en doutiez, je me permets, au nom du Gouvernement, de vous donner toutes les assurances à cet égard.

Je demande le rejet de cet amendement.

Lorsque le vote aura été émis, je vous demanderai, monsieur le président, une suspension de séance de dix minutes.

(L'amendement n° 183 n’est pas adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures dix, est reprise à vingt-deux heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 1 (suite)

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n°210 rectifié, qui fait l'objet d'un sous-amendement n°513 du Gouvernement.

M. Daniel Goldberg. Cet amendement vise à corriger un oubli de la loi de finances rectificative pour 2011 qui a augmenté le taux de TVA de 5,5 % à 7 %, notamment pour le logement social. Des dispositions transitoires ont été mises en place pour ne pas déséquilibrer les opérations qui avaient été engagées avec un taux prévisionnel de 5,5 %, pour toutes les constructions agréées avant le 1er janvier 2012, ainsi que pour les opérations qui bénéficiaient d’un financement PALULOS.

Or, parmi les opérations qui ont été prises en compte, il manque les opérations d’acquisition-amélioration, et les opérations de réhabilitation sont restreintes au cofinancement des ascenseurs et des chaudières collectives.

Cet amendement propose de corriger ces oublis, par un dispositif transitoire, pour les opérations engagées ou agréées avant le 1er janvier 2012.

M. le président. La parole est à monsieur le ministre délégué, pour présenter le sous-amendement n° 513.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement souhaite modifier l’amendement n° 210 rectifiéen supprimant la dernière phrase du premier alinéa.

En effet, l’amendement présenté par MM. Muet et Goldberg, adopté par la commission, ouvre assez largement le champ dérogatoire à l’application de la TVA.

C’est déjà à l’initiative du groupe socialiste, alors qu’il était dans l’opposition, que la dureté de la hausse du taux de TVA de 5,5 % à 7 % fut amortie pour le logement social. Ce fut une bonne chose, et il me semble légitime que le groupe socialiste s’intéresse à nouveau à cette question, d’autant que l’objectif poursuivi est parfaitement compréhensible.

Mais si le Gouvernement présente ce sous-amendement, c’est pour tenter d’en limiter le coût. Tel qu’il a été adopté en commission, cet amendement est difficilement chiffrable et il fait peser le risque d’un surcoût de plusieurs dizaines de millions d’euros, ce que la dureté des temps budgétaires de notre pays n’autorise pas.

Tant que nous n’avons pas une vision plus précise du coût de ces dispositions, dont je comprends parfaitement les raisons, je propose à M. Goldberg de limiter dans un premier temps le champ de son amendement. C’est une avancée qui, je l’espère, pourra être saluée. Puis, dans un second temps, je prends l’engagement au nom du Gouvernement d’étudier beaucoup plus en détail cette question. Une fois le chiffrage précisé et les opérations mieux définies, le Gouvernement pourra travailler avec vous à l’amélioration de cette situation fiscale afin de soulager le logement social de charges qui pèsent sur lui depuis l’adoption du taux réduit de TVA à 7 % sous l’empire de la précédente majorité.

Mme Geneviève Gaillard. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission s’est montrée favorable à l’amendement de nos collègues Pierre-Alain Muet et Daniel Goldberg pour les raisons qu’a évoquées le Gouvernement.

Il s’agit de viser les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement ou d’entretien, et d’étendre la dérogation qui avait été imaginée aux opérations d’acquisition-amélioration financées en PLAI plus ou PLS. En 2011, 24 600 logements ont bénéficié d’un agrément à ce titre. Ce chiffre comprend les opérations d’acquisition de logements avec ou sans travaux. C’est pourquoi le chiffrage n’est pas commode.

La commission est favorable au sous-amendement du Gouvernement et à l’amendement ainsi sous-amendé.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. La position du Gouvernement et de la commission est une première avancée. Nous devrons veiller tous ensemble à ce qu’il n’y ait pas, à l’avenir, de distorsion entre les opérations de constructions neuves de logement social et les opérations d’acquisition-amélioration, qui sont un outil employé par de nombreuses communes, notamment pour trouver un opérateur social, réhabiliter de l’ancien dégradé, et en faire un logement social.

Je prends donc bonne note de l’engagement du Gouvernement d’examiner le chiffrage complet de la mesure que nous proposons.

(Le sous-amendement n° 513 est adopté.)

(L'amendement n° 210 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

Article 2

M. le président. De nombreux orateurs sont inscrits à l’article 2. je demande à chacun de respecter son temps.

La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Puisque le hasard a voulu que je sois le premier orateur, permettez-moi, monsieur le ministre, de faire une remarque liminaire sur les heures supplémentaires. Au moment où notre industrie traverse une crise sans précédent, nous pouvons nous étonner que M. le ministre du redressement productif ne soit pas à vos côtés ce soir. Il aurait été intéressant de connaître son point de vue et qu’il puisse répondre à un certain nombre de questions qui ne vont pas manquer de se poser, concernant notamment la sous-traitance industrielle.

MM. Lionel Tardy et Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, j’ai écouté attentivement vos propos sur l’article 1er. J’ai bien compris que vos arguments tournaient autour de la question du pouvoir d’achat des ménages. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que les deux tiers de la croissance de notre pays sont assurés par la consommation des ménages et que toute action consistant à compromettre la consommation des ménages pouvait remettre en cause la croissance de notre pays.

Au moment où nous abordons la discussion de l’article 2, vous pouvez imaginer sans mal que nous nous soucions des neuf millions de ménages qui, depuis que nous avons pris la décision de défiscaliser les heures supplémentaires, bénéficient d’un pouvoir d’achat accru.

Chers collègues de la majorité, monsieur le ministre, vous êtes déjà au milieu du gué, puisque vous êtes revenus sur cette folie qu’était la rétroactivité au 1er janvier pour la suppression des exonérations sur les heures supplémentaires.

M. Philippe Vigier. En effet.

M. Martial Saddier. Il faut souligner l’engagement de l’ensemble des députés de l’opposition car c’est nous qui vous avons remis sur la bonne voie ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il vous reste encore, monsieur le ministre, mes chers collègues, un petit effort à faire afin de ne pas commettre une autre folie en remettant en cause l’avantage de ces neuf millions de ménages.

Permettez-moi de prendre un exemple personnel. Je suis député d’une grande circonscription industrielle de ce pays. Il en reste : 600 PME de sous-traitance de rang 2, 3 et 4 – décolletage, mécatronique, aéronautique, automobile, ferroviaire, nucléaire, énergie et médical. Revenir sur cette mesure, monsieur le ministre, représenterait, pour un salarié effectuant quatre heures supplémentaires, 3 % de baisse de pouvoir d’achat net. Pour l’entreprise, cela représente 3 % d’augmentation des charges brutes. Cela équivaut à 1 % du résultat net, lequel, pour ces sous-traitants, est d’environ 2 %. Vous allez donc obérer la moitié de la capacité de l’innovation et de la recherche.

M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Martial Saddier. Il ne s’agit pas seulement d’une histoire d’argent. La réactivité et l’adaptation aux « process » sont des nécessités pour les sous-traitants industriels. Les heures supplémentaires permettent aux salariés et aux entreprises de s’adapter aux cycles économiques de plus en plus courts. Désormais, les carnets de commande se remplissent ou se vident dans un délai de cinq jours. Les heures supplémentaires constituent, dans le secteur de la sous-traitance, la souplesse nécessaire pour pouvoir s’adapter aux cycles économiques.

M. le président. Merci.

M. Martial Saddier. Dans la mesure où vous êtes revenu sur la rétroactivité, je vous conjure, monsieur le ministre, de maintenir la défiscalisation que nous avons mise en place et qui conforte le pouvoir d’achat de près de neuf millions de ménages dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. À quelques jours des vacances, nous sommes, au groupe UMP, inquiets pour les salariés de nos circonscriptions,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mieux vaut tard que jamais !

M. Bernard Perrut. …inquiets pour leur pouvoir d’achat et pour leur avenir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ils nous le disent, chers collègues, depuis quelques jours.

M. le président. Écoutez l’orateur.

M. Bernard Perrut. Le dispositif sur les heures supplémentaires a fait ses preuves dans la mesure où il a bénéficié à plus de neuf millions de salariés. Il a permis de pallier la rigidité des 35 heures, il faut bien le dire, et d’améliorer le pouvoir d’achat des Français.

M. Christophe Sirugue. Bla bla bla.

M. Bernard Perrut. L’évolution que vous proposez pénalisera lourdement tant les entreprises que les salariés. Combien d’entreprises préféreront, à l’avenir, renoncer à une commande faute de pouvoir organiser au gré des variations du carnet de commande la mobilisation de leurs salariés au-delà de la durée légale du travail ?

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est faux.

M. Bernard Perrut. Ce dispositif, on le sait, a bénéficié aux plus modestes, qui constateront une perte sur leur fiche de paie assortie d’une augmentation de leurs impôts. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, quelles seront les conséquences pour l’industrie touristique, saisonnière, donc fragile ? Quelles conséquences pour nos collectivités locales ? Faudra-t-il augmenter les impôts ou supprimer les heures supplémentaires ? Quelles conséquences pour les entreprises du bâtiment, les transporteurs, l’industrie, les hôpitaux ? Et qu’en pensent les enseignants ?

Demain, monsieur le ministre, ne remettrez-vous pas en cause d’autres exonérations ? Lors de la conférence sociale, la profession agricole vous a alerté sur ce sujet et a défendu le maintien des mesures d’exonérations concernant les travailleurs occasionnels. J’espère que vous ne toucherez pas à cette mesure.

En conclusion, je citerai l’exemple des transporteurs routiers qui, aujourd’hui, ont alerté tous les députés. On compte 400 000 salariés dans le secteur du transport routier de marchandises. Les heures supplémentaires représentent 10 % de la masse salariale, soit 1,1 milliard d’euros. Pour un conducteur, c’est de 790 euros à 1 000 euros par an, soit moins 4, moins 5 ou moins 6 % sur son salaire net annuel dès que cette mesure sera adoptée.

Vous revenez à une vieille recette, celle du « travailler moins pour gagner moins ». Bref, le contraire de ce que nous souhaitons. Vous déconnectez les entreprises de la réalité économique et sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Monsieur le ministre, l’article 2 comporte deux points noirs.

Premièrement, l’économie française a besoin de souplesse. Hélas, ce collectif budgétaire rigidifie un peu plus une économie qui est déjà la plus rigide de toutes les économies européennes. Bref, le contraire de ce qu’il convient de faire en temps de crise.

Deuxièmement, neuf millions de salariés auront moins de pouvoir d’achat. Les gens les plus modestes seront touchés par cette mesure. Contrairement à ce qu’a affirmé M. Moscovici, la remise en cause de l’exonération sur les heures supplémentaires n’est pas sans conséquence sur le quotidien de nos compatriotes. Cette mesure prise en 2007 a permis à neuf millions de personnes de gagner en moyenne 450 euros de plus par an.

Mme Corinne Erhel. Oh !

M. Jean-Louis Gagnaire. Jamais !

M. Arnaud Robinet. De ce côté de l’hémicycle, nous savons ce que cela représente pour un ménage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Vous êtes gonflé !

M. Arnaud Robinet. Dans nos circonscriptions, nous avons rencontré de nombreux compatriotes…

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous aussi, et ils nous ont choisis !

M. Laurent Wauquiez. Pas pour longtemps !

M. Arnaud Robinet. … que l’annonce de cette mesure inquiète.

M. Moscovici et M. Sapin ont déclaré que les heures supplémentaires n’étaient favorables que pour les hauts salaires et les cadres. Permettez-moi de vous rappeler que les cadres ne sont pas soumis aux heures supplémentaires, mais au forfait-jour.

M. Laurent Wauquiez. Très juste.

M. Arnaud Robinet. Ensuite, j’invite nos collègues de la majorité à cesser de faire valoir l’argument du partage du travail. Les heures supplémentaires n’auraient pas permis ou auraient empêché l’embauche de salariés par nos entreprises. L’idéologie du partage du travail n’a jamais fonctionné. J’en veux pour preuve le dispositif des 35 heures mis en place par Martine Aubry. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Soyons concrets et regardons les chiffres. Je prends l’exemple d’un chauffeur routier, dont la rémunération ne fait pas partie des hauts salaires. Pour un conducteur, la suppression de la loi TEPA aboutira à diminuer en moyenne son salaire net de 66 euros par mois ou 790 euros par an... (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Laurent Wauquiez. Les conducteurs apprécieront, messieurs de la majorité, la considération que vous leur portez !

M. Arnaud Robinet. … et engendrera une augmentation de son assiette nette imposable de 3 000 euros.

Puisque nous parlions de la compétitivité des entreprises à l’article 1er, la conséquence de votre mesure pour les entreprises de transport se traduira par une augmentation de 21 millions d’euros par an en moyenne.

Il est scandaleux, mes chers collègues, de prétendre que l’impact de la fin des exonérations liées aux heures supplémentaires sera nulle. Nos compatriotes, qui ont ainsi réussi à payer leur loyer et à nourrir leur famille, seront assurément ravis d’apprendre que vous avez rejeté avec beaucoup d’arrogance ce qui était essentiel pour eux et leur famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Avec cet article 2, monsieur le ministre, vous découragez l’emploi, voilà est la vérité. Au nom de tous ceux qui ont besoin de travailler plus, je vous demande de le supprimer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. « L’effort juste », avez-vous rappelé monsieur le ministre, doit être la marque du Gouvernement pour les mois à venir. Pourtant, les faits sont là et beaucoup de nos compatriotes déchanteront à la rentrée.

Je déplore l’impréparation d’un certain nombre de mesures, comme le dispositif de rétroactivité sur lequel vous êtes revenu. Franchement, en cette période économique troublée, ne pas arriver avec une stabilité de la norme et dire que la mesure s’appliquera ensuite, c’est la preuve d’une totale impréparation.

M. Christian Jacob. C’est scandaleux.

M. François Sauvadet. Je ne veux pas y revenir, mais chacun appréciera.

L’injustice sera ressentie par ces millions de personnes, je le dis comme je le pense, qui ont bénéficié d’heures supplémentaires défiscalisées. Elles y perdront plusieurs centaines d’euros, cela a été rappelé.

La mesure que vous vous apprêtez à prendre est l’exemple même d’une mesure dogmatique.

M. Bernard Perrut. Tout à fait.

M. François Sauvadet. Elle correspond à l’idée que les heures supplémentaires seraient un frein à l’emploi.

M. Dominique Baert. C’est le cas.

M. François Sauvadet. À mes yeux, c’est une idée fausse. Une telle mesure se retournera contre le pouvoir d’achat de nos compatriotes qui travaillent et qui attendent, en cas de surcroît d’activité, de pouvoir bénéficier d’un peu plus de revenus. Par ailleurs, elle est contreproductive pour l’emploi.

Revenir sur ce dispositif d’exonérations aura des conséquences lourdes tant pour les salariés que pour l’emploi. Lorsque j’entends le ministre chargé des relations avec le Parlement déclarer que cela contribuera à la création de 300 000 emplois, on croit rêver ! Ce n’est pas sérieux !

Il y aura un effet de seuil.

M. Pierre Lellouche. Les 35 heures.

M. François Sauvadet. Les entreprises qui comptent entre dix-huit et vingt salariés y regarderont à deux fois avant d’embaucher un salarié supplémentaire alors qu’elles peuvent continuer à bénéficier du dispositif des heures supplémentaires défiscalisées dans une situation économique fragile.

M. Bernard Perrut. et M. Laurent Wauquiez. Très bien.

M. François Sauvadet. Ne sous-estimons les effets de seuil pour les TPE et PME de notre pays.

Lorsque je vous entends parler de créations d’emplois, là non plus, ce n’est pas sérieux ! Vous savez très bien que l’on ne crée de l’emploi que s’il y a des perspectives d’activité ou lorsqu’on est assuré, dans une forme de flexi-sécurité, de pouvoir faire face en cas de retour de conjoncture. Avec le précédent gouvernement, nous avions du reste imaginé la flexi-sécurité à la française.

Si, de surcroît, vous ajoutez de la rigidité aux mesures que vous entendez prendre sur l’emploi, notamment avec la complexification des procédures pour pouvoir se séparer d’un salarié, croyez-vous qu’une entreprise prendra le risque d’embaucher dans une conjoncture aussi incertaine alors qu’elle aurait pu bénéficier d’heures supplémentaires pour ses salariés ?

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas rester durablement – je m’adresse à la majorité et je comprends bien l’euphorie de l’arrivée aux responsabilités, mais les temps vous invitent à la responsabilité – …

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et vous à un peu d’humilité.

M. François Sauvadet. …vous ne pourrez rester dans la posture qui consiste uniquement à détricoter ce qui a été accompli par le précédent gouvernement. Vous aurez à répondre à la préoccupation des…

M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure.

M. François Sauvadet. Vous ne pourrez pas continuer de taper sur les salariés (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne pourrez pas non plus continuer de taper sur les fonctionnaires (Mêmes mouvements.)

J’ai été ministre de la fonction publique et je peux vous dire que la question des heures supplémentaires se posera dans la fonction publique avec une grande acuité.

M. le président. Nous avons compris.

M. François Sauvadet. J’ai été responsable d’une loi que vous avez du reste votée. Alors ne contestez pas aujourd’hui ce que vous avez voté hier !

Vous créerez probablement une situation de tension sur le marché de l’emploi. C’est pourquoi je souhaite que vous reveniez sur votre décision qui va à l’encontre de l’intérêt de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Décidément, c’est le propre de la majorité de considérer que les orateurs de l’opposition parlent toujours trop longtemps (Sourires)

M. Dominique Baert. C’est vrai ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. …et du rapporteur général de considérer que le président ne préside pas assez bien la séance et qu’il devrait limiter le temps de parole des orateurs. Je voudrais adresser un petit message amical à Christian Eckert s’il m’entend…(Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

Il y a quelques années, cher Christian Eckert, nous avions un débat sur l’assouplissement du régime du temps de travail dans les entreprises. Vous étiez assez actif sur les bancs en haut de la travée qui est derrière vous. Dans le cadre d’un projet de loi sur la représentativité syndicale et le temps de travail, nous avions pris des dispositions visant à donner la possibilité de déroger à la durée hebdomadaire du travail, vous vous en souvenez. Je vois Régis Juanico opiner, M. Gille était également présent ainsi que quelques autres députés qui siégeaient déjà dans cet hémicycle.

À cette époque de crise naissante, nous avions la conviction qu’il n’y avait pas d’autre possibilité pour essayer de donner un peu de force à nos entreprises que d’assouplir le régime de la durée hebdomadaire du temps de travail.

Ce dispositif de l’été 2008 faisait suite au dispositif de la défiscalisation des heures supplémentaires mis en place quelques mois auparavant.

Tous deux s’inscrivaient dans la même logique : apporter de la souplesse aux opérateurs économiques afin de faciliter les ajustements de leurs carnets de commandes en fonction de l’évolution des marchés. Nous les avions mis en place aussi dans le souci de protéger les droits des salariés, qui n’ont pas été remis en cause dans ces deux textes.

Aujourd’hui, je voudrais contester deux aspects du projet de loi que nous examinons.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Les deux minutes sont écoulées, monsieur le président.

M. Jean-Frédéric Poisson. Premier aspect : l’approche systématiquement macro-économique du phénomène. Je dois avouer une forme d’incompréhension car, très franchement, s’il y a un sujet qui doit s’apprécier sur le plan microéconomique autant que sur le plan macroéconomique, c’est bien celui des heures supplémentaires. Il est difficile de prétendre que les activités et missions qui peuvent conduire un chef d’entreprise à recourir aux heures supplémentaires correspondent nécessairement à la création d’un poste à temps plein.

M. Denys Robiliard, rapporteur. Deux minutes trente !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne vois pas dès lors comment l’on peut critiquer l’efficacité de ce dispositif en arguant qu’il n’a pas eu un impact sur l’emploi. Ce n’était du reste pas son premier objectif, qui était très directement ciblé sur le pouvoir d’achat.

C’est le deuxième aspect que je veux contester dans cet article 2 : l’impact de cette suppression sera réel pour le pouvoir d’achat des ménages. Personne ne peut comprendre votre argumentation, et je m’adresse à M. le ministre et à M. le rapporteur en même temps. Le fait qu’une heure supplémentaire qui était hier non fiscalisée sera désormais soumise à l’impôt se traduira par un manque à gagner pour les ménages. Cela tient de l’évidence.

Pour ces deux raisons, j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 2, cosigné avec mes collègues.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Trois minutes et trente-six secondes !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Gorges.

M. Jean-Pierre Gorges. Monsieur le président, chers collègues, je veux ce soir remercier M. le ministre qui a appris à cette assemblée qu’il y avait 9, 4 millions de riches privilégiés en France, je veux parler des Français bénéficiaires d’exonérations sociales et fiscales au titre des heures supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si j’ai bien compris les priorités de votre gouvernement, vous voudriez restaurer la justice fiscale en faisant contribuer davantage les plus aisés. Ces 9,4 millions de Français vont donc perdre en moyenne 450 euros par an.

Mais comme vous avez bien lu le rapport parlementaire que j’ai cosigné avec mon ami Jean Mallot, qui ne doit pas être loin de l’hémicycle, vous savez que ces 9, 4 millions de Français concernés sont d’abord les oubliés des 35 heures. Il faut savoir que depuis la mise en place de cette mesure, 15 millions de salariés français travaillent 35 heures payées 39, ce qui coûte chaque année 12 milliards d’euros aux finances publiques.

M. Pierre Lellouche. Eh oui !

M. Jean-Pierre Gorges. Voici un bon moyen de réduire la dépense publique, facile à mettre en œuvre.

Mme Joëlle Huillier. Pourquoi ne l’avez-vous pas demandé ?

M. Jean-Pierre Gorges. Je l’ai demandé mais en vain (Rires sur les bancs du groupe SRC) : vous obtiendrez peut-être ce que ce que je n’ai pas obtenu de l’UMP avec la permission de Mme Aubry.

Vous choisissez aujourd’hui de pénaliser les millions de Français qui ont continué de travailler 39 heures, dont quatre heures payées en heures supplémentaires. Ce sont ces quatre heures que notre ancienne majorité avait choisi de bonifier. Certes, par un effet d’aubaine, cela a paru étrange, 4, 5 milliards d’un coup ; toutefois, comme le soulignait M. Poisson, cela a profité à 9,5 millions de Français.

Si vous supprimez cette bonification, vous commettrez une immense injustice sociale.

Vous soutenez que l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires n’a pas créé d’heures supplémentaires véritables. C’est l’effet de la crise : notre rapport l’a démontré. Il n’y a pas eu de nouvelles heures supplémentaires, c’est vrai, sauf dans la fonction publique.

Monsieur Eckert, écoutez bien. Vous ne pouvez pas soutenir d’un côté que cette mesure n’a pas permis de créer des heures supplémentaires et, de l’autre, que cette exonération a empêché la création de centaines de milliers d’emplois. S’il n’y a pas eu d’heures supplémentaires, il n’y a pas eu de substitution à des créations d’emploi.

Mme Catherine Vautrin. Très juste !

M. Jean-Pierre Gorges. Il y a là une contradiction évidente qu’il vous faudra assumer tôt ou tard. Car je vous le dis, ce n’est pas en créant une injustice nouvelle que vous créerez des emplois.

Ne nous dites pas que vous allez limiter la casse par un effet de seuil. Ce n’est pas vrai. M. Poisson l’a démontré tout à l’heure, les effets de seuil ne fonctionnent pas.

Vous n’avez pas dit non plus que cette mesure avait permis d’assurer le fonctionnement des hôpitaux. Je préside depuis onze ans le conseil de surveillance d’un établissement hospitalier. Je connais le mal qu’ont fait les 35 heures aux hôpitaux en France.

M. Philippe Vigier. C’est certain !

M. Jean-Pierre Gorges. La fonction publique hospitalière a été complètement désorganisée par l’application brutale, sans négociation, et surtout sans étude d’impact, des 35 heures.

Enfin, cette exonération sociale et fiscale a permis à la fonction publique d’État de s’organiser face au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

M. Dominique Baert. Trois minutes onze !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Gorges. Vous dites que vous allez continuer cette politique salutaire, au moins dans certains ministères.

Vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, j’ai passé beaucoup de temps sur ce rapport. Ce dossier, je peux vous dire que vous le traitez mal. Vous opérez une confusion entre les heures supplémentaires nouvelles créées après 2007 et les heures supplémentaires structurelles générées par la mise en place des 35 heures.

Monsieur le ministre, au nom de la justice sociale et dans l’intérêt de nos services publics – car s’il y a moins de fonctionnaires, ceux qui restent doivent être mieux payés en échange de leurs efforts –, je vous demande de retirer cette mesure. La justice, monsieur le ministre, la justice, comme dirait M. Ayrault. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Avec la suppression des exonérations sociales et fiscales sur les heures supplémentaires, vous portez un triple coup de massue aux classes moyennes salariées et aux entreprises, qui se traduit pas une triple faute politique.

La première est une faute économique majeure qui consiste à considérer que la diminution du volant des heures supplémentaires va permettre de créer davantage d’emplois et d’embauches. C’est complètement méconnaître le monde de l’entreprise tel qu’il est : il existe un écart grandissant entre le monde de la finance et le monde de l’entreprise. Je suis élu d’une circonscription industrielle : la « Plastics Vallée » qui regroupe des entreprises de plasturgie autour d’Oyonnax. Je peux vous dire que si elles recourent aux heures supplémentaires, c’est pour renforcer le pouvoir d’achat des salariés mais aussi apporter de la souplesse et mieux répondre à une demande grandissante.

M. François Sauvadet. Il a raison !

M. Damien Abad. Quels seront les résultats de votre politique ? Tout d’abord, elle aboutira à étaler les vacances des salariés, qui ne pourront plus choisir ; surtout, les commandes qui devront être traitées en urgence seront confiées à des entreprises implantées ailleurs que sur notre territoire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Votre deuxième faute est une faute sociale majeure. Vous l’avez dit, 9,5 millions de salariés seront affectés par cette suppression qui se soldera par 500 euros de moins chaque année pour chacun. Vous allez vous en rendre compte tout au long de ces cinq prochaines années. Je pense aux entreprises, au monde hospitalier mais je pense aussi aux artisans, à la filière bois, que vous prétendez soutenir et que vous cassez par ce dispositif, et à tous les sous-traitants du monde automobile vers lesquels va M. le ministre du redressement – j’allais dire du « renoncement » (Rires sur les bancs du groupe UMP et UDI) – productif.

Votre troisième faute est une vraie faute morale. Nous avons entendu parler de la rétroactivité fiscale mais on ne sait plus qui fait quoi. Entre le dessert et le café, c’est le 1er juillet, après le café c’est le 1er août. Ce retropédalage fiscal permanent montre une indécision totale sur un sujet gravissime.

Je voulais juste vous dire que les Français attendent autre chose que ce malthusianisme exacerbé dont vous faites preuve à l’égard du travail que vous voyez toujours comme dévalorisant et asservissant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Cette mesure de l’article 2 est socialement injuste, économiquement inefficace et fiscalement scandaleuse.

À côté d’un Président de la République qui est en train d’enfiler les perles (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), vous détricotez en faisant de l’antisarkozysme. Nous attendions autre chose de vous au cours de cette session extraordinaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. –Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Monsieur le président, chers collègues, je vais essayer pour ma part de ne pas enfiler les perles.

Nous voici arrivés au deuxième article important de ce projet de loi de finances rectificative. Mes autres collègues se sont exprimés et ont démonté très brillamment et très simplement les erreurs économiques sur lesquelles il repose.

Je voudrais faire l’effort de rentrer dans votre raisonnement, …

M. Jean-Charles Taugourdeau. Bon courage !

M. Laurent Wauquiez. …en reprenant ce que vous avez dit des heures supplémentaires.

Cet article 2 repose sur une série de mensonges, de supercheries et d’escroqueries avec lesquelles vous avez tout simplement berné les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Quelles bêtises !

M. Laurent Wauquiez. Premier mensonge : François Hollande nous a dit que l’effort porterait sur les entreprises et non pas sur les salariés. Quelle n’a pas été notre surprise en examinant votre projet de loi de finances rectificative de découvrir que 90 % de l’effort d’ajustement budgétaire sur les heures supplémentaires portaient sur les salariés.

M. Alain Claeys. C’est faux !

M. Laurent Wauquiez. Deuxième mensonge : vous avez dit que l’effort d’ajustement ne porterait que sur les plus privilégiés. Selon vos propres documents, 2,5 milliards d’euros de cotisations supplémentaires portent, c’est vrai, sur ceux que vous appelez les plus aisés de nos compatriotes. Mais sur qui portera la charge des impôts et des cotisations supplémentaires induits par la suppression de l’exonération des heures supplémentaires, soit 4,5 milliards d’euros au total ? Sur les plus modestes. 2,5 milliards pour les plus aisés, 4, 5 milliards pour les modestes : voilà votre conception de la justice sociale. Là encore, sur ce sujet, vous avez tout simplement menti.

J’en viens au troisième mensonge. Je reviendrai au fur et à mesure de la défense des amendements sur les déclarations faites par M. Hollande lors de la campagne électorale, dans des débats télévisés, dans des émissions de radio, ou inscrites dans les documents de campagne. Il a très clairement dit que la remise en cause des exonérations de cotisations sociales salariales ne porterait pas sur les entreprises de moins de vingt salariés. Or, dans un exposé des motifs qui n’est pas digne de vous, dans lequel vous cherchez à camoufler la supercherie, vous remettez en cause – c’est l’une de vos premières remises en cause – l’exonération de cotisations sociales dont bénéficient les salariés des entreprises de moins de vingt. C’est tout simplement, mes amis, un coup de poignard dans le dos. Un coup de poignard dans le dos parce que cette décision est contraire à tout ce que vous aviez dit. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela se traduit par des pertes de pouvoir d’achat pour de salariés modestes.

M. Christophe Sirugue. Trois minutes et demi !

M. le président. Merci de conclure, monsieur Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Vous voulez nous faire croire que cela n’aura aucune incidence sur le salaire de nos compatriotes.

Plusieurs députés du groupe SRC. Monsieur le président, le temps de parole !

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous en sommes à quatre minutes, monsieur le président !

M. le président. Si vous voulez entendre la conclusion de votre collègue, ayez la gentillesse d’écouter. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Laurent Wauquiez. Mais je peux parfaitement revenir sur ces points par la suite, au cours de la discussion des amendements. Cela ne pose aucun problème, nous avons toute la nuit pour en discuter. Soyez sereins, chers amis !

De ce point de vue, votre conception de la justice est très simple. Nous défendons les classes moyennes et les familles modestes, vous défendez les impôts. Vous commettez une double erreur : votre première erreur, c’est de faire la poche des classes moyennes en priorité pour combler les trous que vous avez vous-mêmes commencé à creuser au début de votre législature ; votre deuxième erreur, ô combien classique de la part de la gauche, c’est de tourner le dos à la France qui travaille. Elle ne l’oubliera pas, nous serons là pour le lui rappeler. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Louis Gagnaire. Ce n’est tout simplement pas possible, monsieur le président !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les allègements sociaux liés aux heures supplémentaires répondaient à deux objectifs.

Ils visaient tout d’abord à permettre aux entreprises d’adapter ou de lisser les pointes d’activité, notamment saisonnières. Le Haut Jura compte ainsi beaucoup d’entreprises de fabrication de jouets dont l’activité n’est pas également répartie sur l’année, et pour lesquelles l’automne représente une période très chargée. Ce système permettait à des salariés de réaliser des heures supplémentaires tout en lissant l’activité saisonnière.

Cette mesure représentait aussi et surtout un revenu complémentaire pour les salariés bénéficiaires, qui, pour la plupart, n’étaient pas des cadres, mais des personnes aux revenus moyens, voire modestes.

Je citerais l’exemple d’une salariée qui est venue me voir dans ma permanence samedi matin ; elle travaille en « trois-huit », en équipe… (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Et oui, je rencontre des salariés ! Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais moi, ils viennent me voir ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Cette personne, qui travaille en « trois-huit », réalise en heures supplémentaires l’équivalent de deux journées de sept heures par mois, soit quatorze heures. Naturellement, cela ne se produit pas tous les mois ; mais lorsqu’elle les réalise, ces heures supplémentaires lui apportent un revenu complémentaire de
180 euros. Elle m’a dit son désespoir à l’idée de les voir supprimer, car cela lui créera des difficultés pour gérer son budget, en particulier pour les loisirs et les vacances de toute la famille, qu’elle finançait de la sorte.

Ce dont vous n’avez pas conscience, c’est que cette baisse de revenus porte un mauvais coup à la croissance. Celle-ci repose aujourd’hui à hauteur de 60% sur la consommation. (« Votre temps est écoulé ! » sur quelques bancs du groupe SRC.)

Non seulement votre mesure mettra un coup de frein à une consommation déjà mal en point, mais elle causera également chez les salariés bénéficiaires une réelle incompréhension, ainsi qu’un sentiment d’injustice que vous aurez du mal à faire oublier.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour un rappel au règlement.

M. Christian Paul. Il n’est pas dans les habitudes du groupe majoritaire que nous formons désormais dans cette assemblée de remettre en cause la présidence et la conduite de nos débats.

M. Jean-François Copé. Ce n’est pas dans vos habitudes, mais cela commence !

M. Christian Paul. J’espère que nous n’aurons pas d’autre occasion au cours de cette soirée de vous signaler qu’à au moins deux reprises, les orateurs de l’opposition sont intervenus pendant plus de quatre minutes.(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Parfaitement ! Si vous n’en convenez pas, monsieur le président, nous nous verrons désormais dans l’obligation de chronométrer la présidence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Copé. Vous n’avez pas à mettre en cause la présidence ! C’est inadmissible !

M. le président. Je préside nos travaux depuis un certain temps. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe SRC.) Vous conviendrez que nous en sommes arrivés à l’article essentiel de la loi, pour lequel un certain nombre de collègues ont souhaité s’inscrire. Je fais respecter le temps de parole le plus intelligemment possible. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Je prie par ailleurs le représentant du président du groupe socialiste, républicain et citoyen de demander à M. Gagnaire de se dispenser d’adresser des gestes déplacés au président. Je souhaite que ceci soit inscrit au procès-verbal. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-François Copé. C’est intolérable !

M. Étienne Blanc. C’est un grossier personnage !

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour un rappel au règlement.

M. François Sauvadet. M. Paul, je trouve vos propos absolument scandaleux !

Il existe ici des règles de fonctionnement, et un lieu pour examiner vos contestations : c’est la Conférence des présidents ! Lorsque j’étais président d’un groupe appartenant à la majorité, nous avons toujours veillé à ce que, en toutes circonstances, la présidence soit épargnée.

Si les échanges entre la majorité et l’opposition sont légitimes dans ce temple de la démocratie, en revanche les mises en cause de son président nuisent au bon fonctionnement de la démocratie. Je vous demande, M. Paul, de ne pas renouveler de tels propos!

Le fait majoritaire suppose également le respect des droits de l’opposition. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il faudra vous faire à cette idée simple, M. Paul : chaque fois que vous prendrez des mesures contraires à l’intérêt du peuple, nous nous y opposerons en toutes circonstances. Il ne suffira pas de dresser un rideau de fumée, ni de mettre en cause la présidence, pour affaiblir notre détermination à combattre de mauvaises mesures. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Jean-François Copé. Exactement !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je souhaiterais faire un rappel au règlement sur la base de l’article 58 alinéa 1…

M. Michel Vergnier. Non, c’est l’alinéa 2 !

M. Christian Jacob. La mise en cause faite par M. Paul, tant à l’égard de la présidence que de l’opposition, est inacceptable !

Peut-être cela vous insupporte-t-il, mais vous devez accepter la réalité : ce débat doit avoir lieu, car nous abordons un article essentiel, et il est normal que l’opposition puisse s’exprimer.

Compte tenu du climat que vous avez fait naître, Monsieur Paul, je demande une suspension de séance d’au moins un quart d’heure.

M. le président. Nous suspendons nos travaux pour dix minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, chacun reprend, j’en suis sûr, avec de bonnes intentions pour que nous puissions continuer à travailler sereinement et efficacement en nous donnant le temps de nous écouter les uns les autres et en respectant le règlement.

Article 2 (suite)

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, inscrite sur l’article.

Mme Arlette Grosskost. Je serai brève, mais redondante, car j’estime que la répétition est un outil de la pédagogie.

M. Christian Paul. Nous ne sommes pas vos élèves !

Mme Arlette Grosskost. Ce qui préoccupe actuellement nos concitoyens, c’est le pouvoir d’achat.

M. Christian Paul. C’est vrai !

Mme Arlette Grosskost. Vous nous l’avez suffisamment expliqué lors de la discussion de l’article 1er. La possibilité de faire des heures supplémentaires, hors charges salariales et impôts, s’inscrit totalement dans cette démarche.

Ces heures supplémentaires ont toujours profité, profitent et profiteront à la France qui travaille, essentiellement aux ouvriers et aux employés. Vous l’aurez compris, revenir sur cet avantage c’est restreindre la possibilité de gagner plus mais aussi de dépenser plus, c’est-à-dire de participer à la consommation. Dans une économie concurrentielle, la productivité et la compétitivité sont des nécessités. Les carnets de commande le prouvent.

Votre raisonnement malthusien de partage du temps de travail est un leurre, et vous le savez. La France en a déjà largement payé le prix en décrochant par rapport à ses voisins.

Pour étayer mon propos, je vous lirai un extrait d’un courriel que je viens de recevoir : « Je suis clerc de notaire. Je viens de regarder le projet de loi de finances rectificative actuellement en discussion à l’Assemblée nationale. Je pense que personne n’a vraiment compris la portée de tout ceci. Je suis aux 39 heures, je gagne 2 688 euros par mois. Cette mesure me fera perdre plus de 15 % de mon revenu. Et en plus, il est prévu, lors de la loi de finances de 2013, que ces heures supplémentaires soient refiscalisées. Où est la justice sociale dans cette réforme pour les classes moyennes ? Avec un peu plus de 11 % en moins, comment faire face à ses engagements : crédits, habitation, loyer, etc. ? » Que répondre à cette personne si ce n’est qu’elle est dans le vrai et qu’il faudra véritablement revoir cette question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le ministre, pour mesurer l’impact de la remise en cause de la défiscalisation des heures supplémentaires, j’ai beaucoup consulté, ces derniers jours, des chefs d’entreprise de ma circonscription, des salariés du privé, ouvriers, employés de l’industrie, du bâtiment, des travaux publics, des transports, agriculteurs, ambulanciers, chauffeurs routiers, mais aussi les titulaires de la fonction publique, enseignants, agents hospitaliers.

M. Christian Paul. Et le temps partiel, vous connaissez ?

Mme Isabelle Le Callennec. La remise en cause du « zéro charge et zéro impôt » sur les heures supplémentaires est un très mauvais coût porté à leur pouvoir d’achat, donc à la consommation et à la croissance.

Je citerai un seul exemple, celui d’un équipementier automobile de ma circonscription, dont 353 salariés ont été amenés à réaliser 9 760 heures supplémentaires en 2011. Pour chaque ouvrier, cela a représenté en moyenne 384 euros supplémentaires. Dans cette entreprise, un ouvrier gagne en moyenne 1 200 euros, multipliés par treize mois, soit 15 600 euros. Les heures supplémentaires ont donc représenté une hausse de pouvoir d’achat de 2,5 % et ont offert à l’entreprise la souplesse nécessaire pour honorer les commandes de ses donneurs d’ordre. Pour vous, c’est peut-être insignifiant, mais pour ces salariés c’est un juste retour du fruit de leur travail.

Le candidat Hollande s’était bien gardé d’avouer que cette décision toucherait aussi les salariés aux revenus modestes. La justice est omniprésente dans les discours du Gouvernement et répétée en boucle par la majorité parlementaire. Les salariés qui vont devoir rendre le pouvoir d’achat sauront en juger et s’en souvenir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Lebreton.

M. Patrick Lebreton. Une nouvelle fois, je suis atterré par le niveau des arguties de l’opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Wauquiez. Quel mépris !

M. Patrick Lebreton. Je rappelle tout d’abord que le projet du Gouvernement faisait partie du programme présidentiel que les Français ont choisi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Par ailleurs, il ne s’agit pas d’interdire le recours aux heures supplémentaires mais tout simplement de ne plus accorder d’exonérations de charges ou d’impôts quand ces heures sont effectuées dans des entreprises de plus de vingt salariés. Cessez donc de mentir aux Français, ils ne vous ont pas cru lors de la campagne présidentielle et ils ne vous croiront pas davantage maintenant.

M. Xavier Bertrand. C’est vous qui leur avez menti !

M. Patrick Lebreton. Cette modification du régime des heures supplémentaires est donc une très bonne nouvelle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Une bonne nouvelle pour l’emploi, car l’excès du recours à ces heures bon marché a empêché de nouvelles embauches. 100 000 Français ont ainsi été privés d’emploi à cause de cette mesure, selon le rapport de votre collègue de l’UMP, Jean-Pierre Gorges.

M. Pierre Lellouche. La dernière fois que vous êtes allé dans une entreprise, c’était quand ?

M. Patrick Lebreton. Dans mon département, à La Réunion, où le taux de chômage dépasse 30 % – il est de 60 % chez les moins de vingt-cinq ans –, nous savons que chaque emploi créé compte.

C’est aussi une bonne nouvelle pour les finances publiques, car cette mesure coûte 4,5 milliards par an pour un effet quasi nul.

Il est donc plus que temps de stopper l’hémorragie. Je salue donc cet article réaliste et équilibré qui met fin à une absurdité économique en même temps qu’une absurdité sociale, tout en préservant un effet pour les petites entreprises souvent de sous-traitance qui sont les premières touchées par le ralentissement économique.

Vous dites que les classes moyennes vont être touchées.

M. Pierre Lellouche. Eh oui !

M. Patrick Lebreton. Ce que j’affirme, c’est qu’un frein à l’emploi va être supprimé et que les classes moyennes victimes de votre politique de l’emploi vont pouvoir en retrouver un grâce à ce dispositif.

M. Philippe Vitel. Il n’a rien compris !

M. Patrick Lebreton. Vous prétendez être pour le pouvoir d’achat de quelques-uns. Nous, nous sommes pour l’emploi pour le plus grand nombre. Voilà la différence entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Ce que nous venons d’entendre est inouï !

À quoi servent les heures supplémentaires ? À donner plus de souplesse en cas de surcroît de travail dans une entreprise. À être réactif pour pouvoir répondre aux commandes. Et répondre aux commandes, cela permet d’aller chercher cette fameuse relance de la croissance chère à votre Président de la République. Dans une entreprise, les heures supplémentaires sont exceptionnelles. En effet, je ne connais pas un chef d’entreprise qui gère sa société pour faire des heures supplémentaires.

Ces heures exceptionnelles permettent de prendre des marchés, et du coup de procéder à des embauches.

Pour notre part, nous avons défiscalisé les heures supplémentaires pour donner un peu plus de compétitivité à l’entreprise, lui permettre un peu plus de réactivité, donner un peu plus de pouvoir d’achat aux salariés. Et n’oublions pas qu’un salarié qui consomme génère des rentrées de TVA.

Vous allez alourdir le coût du travail. Et comme vous n’allez pas alléger le code du travail qui ne gère pas les spécificités des entreprises, l’avenir sera moins rose que vous ne le pensez.

Vous nous dites que ce n’est pas votre faute. C’est vrai. Mais vous oubliez que les cinq dernières années ont été plombées par la crise. Cette crise, seul notre brillant président de la commission des finances en a parlé. Pour votre part, vous ne l’évoquez pas. C’était la crise avant le 6 mai, c’est la crise maintenant et demain. Mais vous ne le reconnaissez que depuis le 17 juin.

La croissance, ce n’est pas que les ménages et leur consommation, c’est aussi le développement des entreprises, c’est le travail qui crée les richesses, qui finance tout notre système social.

Demain, la commission des affaires économiques auditionnera M. Montebourg. Je lui dirai qu’en France nous sommes bien plus forts en matière de redressement fiscal que de redressement productif.

M. le président. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Nous l’avons compris, cet article représente pour nos collègues de l’opposition un cheval de bataille qu’ils n’hésitent pas à enfourcher, proférant des contrevérités manifestes, donc des mensonges, et même des menaces. Nous avons entendu hier le président de la commission des finances faire écho à des menaces de délocalisations si nous supprimions ce dispositif.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce ne sont pas des menaces, c’est une réalité !

Mme Monique Iborra. Comme si certains, qui pratiquent cette politique, avaient besoin d’invoquer des raisons quelconques à leurs décisions !

Nous avons également entendu que nous étions incorrigibles : nous voulions partager le travail. Madame Grosskost, vous pensez à « la France qui travaille ». Nous, nous pensons aussi à ceux qui voudraient travailler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne pensez pas, en effet, au partage du travail, vous dont la philosophie se contente, comme nous l’avons entendu, vécu et subi durant cinq années, de donner plus à ceux qui ont déjà beaucoup.

Nous persistons et nous signons : pas moins de quatre rapports, que vous avez cosignés –, même si vous ne voulez en retenir aujourd’hui que les aspects qui vous arrangent – montrent que la mesure de défiscalisation des heures supplémentaires était à la fois coûteuse économiquement et injuste socialement.

Coûteuse : plus de 4 milliards d’euros, sans effet sur l’emploi, avec des effets d’aubaine manifestes, et alors que le taux de chômage – dont vous ne parlez pas – atteint des sommets.

Socialement injuste : elle profite d’abord aux salariés les plus qualifiés – cela est démontré – et très peu aux ouvriers,…

M. Arnaud Robinet. C’est faux !

Mme Monique Iborra. …avec d’importantes disparités selon la nature de l’entreprise.

Alors, oui, nous voulons réduire sensiblement le coût de cette exonération peu efficace. C’est une priorité dans cette période de crise que nous traversons. Aucun pays, en Europe, n’a mis en place ce type de dispositif, alors que nous avons des taux de chômage exorbitants. Il est vrai que jamais votre préoccupation première n’a été la réduction du chômage. Vous considérez en effet que les licenciements sont la variable d’ajustement souvent nécessaire à la restructuration des entreprises.

M. Éric Straumann. Non ! La variable d’ajustement, ce sont les heures supplémentaires.

Mme Monique Iborra. Cette philosophie n’est pas la nôtre. Nous persistons et nous signons. Nous supprimerons la défiscalisation des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Depuis des années, des millions de salariés – pour la plupart ouvriers ou employés – ont réussi à sortir du carcan des 35 heures grâce aux heures supplémentaires. Ils travaillent durement et c’est ce qui leur permet, à la fin du mois, très concrètement, sur la fiche de paie, de bénéficier d’une augmentation.

Comme beaucoup d’entre nous sur ces bancs, je l’ai mesuré dans ma circonscription. Je pense en particulier aux ouvriers potiers d’une entreprise de Moutiers-en-Puisaye. C’est une PME de trente-huit salariés qui, au cœur d’un territoire rural, perpétue une tradition d’excellence. Elle est capable d’exporter, et ajuste sa production grâce à quoi ? Grâce aux heures supplémentaires.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés de la majorité, vous refusez d’entendre ces chefs d’entreprises qui se sont développées grâce aux heures supplémentaires. Vous refusez d’entendre ces salariés, qui en ont bénéficié. Et vous leur dites, au fond : « C’est fini ».

C’est une attaque sans précédent contre le pouvoir d’achat de familles modestes. C’est une attaque d’autant plus inefficace qu’elle est sous-tendue par une idéologie, qui est la réduction du temps de travail. La vérité, c’est que vous êtes les seuls, les seuls en Europe, à rester fidèles à cette idéologie archaïque.

M. Michel Vergnier. Vous étiez les seuls à défiscaliser les heures supplémentaires !

M. Guillaume Larrivé. C’est un très mauvais signal adressé à notre pays, qui va, hélas, payer très cher votre erreur. Il est encore temps pour vous, monsieur le ministre, de la corriger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Baert. En parlant d’erreurs, nous n’avons pas fini de payer celles que vous avez faites pendant cinq ans !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. La discussion qui s’ouvre autour de l’article 2 de la loi de finances rectificative nous montre combien ce texte s’inscrit en cohérence avec les engagements pris par le Gouvernement : nous réintroduisons de la justice. Nous le faisons de la meilleure des façons dans la période actuelle : au service de l’emploi.

En effet, alors que la défiscalisation des heures supplémentaires a été érigée en totem par Nicolas Sarkozy, elle apparaît aujourd’hui comme un boulet.

Elle a coûté cher à nos finances publiques. Le manque à gagner est estimé à 4,5 milliards d’euros par an, sans pour autant favoriser globalement l’augmentation des heures travaillées.

L’Allemagne a fait le choix, pendant la crise, de consacrer 10 milliards par an au chômage partiel, pour maintenir l’emploi dans l’entreprise. Vous faisiez, vous, un choix inverse.

Dans ma circonscription, une entreprise emploie près de 600 personnes sur une base de trente-neuf, voire quarante heures. Sans passer par les heures supplémentaires, il faudrait soixante emplois supplémentaires pour absorber l’activité et les commandes. C’est peut-être soixante chômeurs qui retrouveront du pouvoir d’achat et, surtout, du travail.

M. François Sauvadet. Jamais !

M. Jean-Louis Bricout. C’est donc la garantie d’une vie sociale mieux structurée. C’est peut-être la garantie de soixante vies de chômeurs qui vont se reconstruire, avec leurs familles.

C’est pourquoi je vous invite à voter cet article 2, pour l’emploi et le pouvoir d’achat dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, dans la vie, il faut toujours se méfier de l’idéologie. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Mennucci. Surtout de la vôtre !

M. Charles de Courson. Alors, soyons un peu concret ! Pourquoi le Gouvernement, officiellement, veut-il supprimer cette mesure ? Il dit qu’elle est économiquement inefficace. Regardons les choses. Est-ce que le nombre d’heures supplémentaires et complémentaires a augmenté durant les années où cette mesure a été appliquée ? Non. Il est, grosso modo, resté stable : 704 millions d’heures en 2010, contre 727 millions en 2008. Et elle concerne, dans le privé, en équivalent temps plein, 440 000 personnes. Donc, première observation : que M. Vidalies arrête de nous expliquer que cette mesure a empêché la création, excusez du peu, « de 200 000 à 300 000 emplois ». Cela ne tient pas debout ! La vérité, elle est beaucoup plus simple, et il faut la chercher à l’époque où la durée légale du travail est passée de 39 à 35 heures. Des millions de salariés sont alors restés à 39 heures : leur entreprise ne pouvait se permettre de les faire passer à 35 heures, parce qu’il y avait du travail. Elle leur a donc payé des heures supplémentaires.

Par contre, la mesure a très bien réussi dans la fonction publique de l’État, où l’on a assisté à une augmentation de 50 % des heures supplémentaires. Actuellement, 21 % des fonctionnaires de l’État en bénéficient, alors qu’ils sont 41 % dans le privé. Mais ce bénéfice est extrêmement concentré dans l’éducation nationale. Mes chers collègues, s’il n’y avait pas eu cette augmentation, vous seriez incapables de faire fonctionner correctement l’éducation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Deuxième question, qui vous gêne beaucoup : cette mesure était-elle juste socialement ?

M. Michel Ménard. Non, à l’évidence !

M. Charles de Courson. Son deuxième objectif était en effet de distribuer du pouvoir d’achat à ceux qui travaillent. Eh bien, mes chers collègues, la réponse est oui. Et d’ailleurs, le rapport de notre rapporteur général le montre bien, puisque, grosso modo, ces avantages fiscaux et sociaux représentent entre 1,1 et 1,2 % du revenu disponible brut, quel que soit le décile. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que ce que vous voulez voter, c’est la baisse de 1,2 % du pouvoir d’achat de l’essentiel des salariés, ceux qui seront frappés par cette mesure étant, en outre, extrêmement concentrés dans les petites et moyennes entreprises.

M. Philippe Vigier. Exactement !

M. Charles de Courson. Pourquoi les petites et moyennes entreprises ? Mais c’est tout simple : si vous êtes une entreprise de deux, trois ou quatre personnes, et que vous avez besoin de travailler davantage, vous ne recruterez pas un salarié supplémentaire, mais aurez recours aux heures supplémentaires.

Par conséquent, mes chers collègues, votre idée selon laquelle il existerait une espèce de substituabilité de la main-d’œuvre est totalement erronée. Cela vous a d’ailleurs conduits à d’énormes erreurs économiques.

M. le président. Merci de conclure, cher collègue.

M. Charles de Courson. Vous allez faire une erreur tout à la fois économique et sociale en abrogeant cette mesure.

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. Monsieur le ministre, nous ne réussirons pas à vous convaincre ce soir. (« En effet ! » sur les bancs du groupe SRC.) Mais permettez-nous simplement de vous donner notre analyse. Ce n’est pas une « leçon ». Vous avez raison, les électeurs se sont prononcés. Or, cette mesure était dans votre programme. Vous l’appliquez.

Il est des mesures qui sont les marqueurs d’un quinquennat. Et ces mesures, en général, sont votées en session extraordinaire au début de la législature.

M. Dominique Baert. Vous en savez quelque chose !

M. Yves Jégo. Nous en savons quelque chose.

Nous savons aussi que, dans une période de cinq années, l’économie peut connaître des évolutions, de sorte que, parfois, les vérités du début de quinquennat ne sont plus exactement celles de la fin de la législature.

Alors, c’est vrai, et Charles-Amédée de Courson vient de le dire, la mesure n’a pas conduit à des créations d’emplois. Elle n’a pas non plus été, comme je l’ai entendu, une « arme de destruction massive d’emplois ». Comme si le fait que des Français, dans un certain nombre d’entreprises, travaillent plus pouvait détruire des emplois ! D’ailleurs, le rapport de nos collègues Gorges et Mallot a démontré qu’il n’y a pas eu plus d’heures supplémentaires. Ce dispositif n’a donc pas menacé des emplois.

Dans la fonction publique, c’est vrai, il y a eu un effet massif sur les heures supplémentaires. Mais, là aussi, la suppression du dispositif ne conduira pas à des créations d’emplois, puisque vous avez pris l’engagement de maintenir équivalents les moyens consacrés à la fonction publique. Je ne vois donc pas où vous créeriez des emplois en supprimant les heures supplémentaires pour les fonctionnaires.

Je voudrais par ailleurs souligner une contradiction : si le dispositif est si mauvais, j’ai du mal à comprendre pourquoi vous le maintenez dans les entreprises de moins de vingt salariés. Si sa suppression est tellement créatrice d’emplois dans les grandes entreprises, ayez alors le courage d’étendre cette suppression à l’ensemble des entreprises, et vous aurez un effet massue !

Monsieur le ministre, je sais que, tout à l’heure, vous nous donnerez des explications. Avec le talent qu’on vous connaît, vous viendrez mettre en cause les cinq années passées. Vous parlerez des « cadeaux aux riches ». Mais qu’allons-nous répondre aux salariés qui vont venir nous voir demain ou après-demain, et à qui il va falloir expliquer qu’ils vont perdre 450 euros par an…

M. Yves Censi. En moyenne !

M. Yves Jégo. …du fait de la mesure que vous allez voter ce soir ? Comment compense-t-on cette perte sèche de pouvoir d’achat ? Voilà la question que la majorité devrait se poser ce soir, plutôt que de mettre en cause les prédécesseurs.

Cet article 2 sera à coup sûr un marqueur de la mandature qui s’ouvre. La mandature précédente a été marquée par l’accusation d’avoir fait des « cadeaux aux riches ». Je ne voudrais pas que celle qui s’ouvre soit marquée par la volonté de faire les poches aux plus modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je suis un peu étonné de la teneur de notre débat. La question n’est pas de savoir s’il faut faire ou pas des heures supplémentaires. Faire des heures supplémentaires, c’est nécessaire. C’est une souplesse dont les entreprises ont besoin. Et d’une certaine façon, le fait que ces heures soient rémunérées 25 % de plus, comme c’est le cas dans tous les pays, c’est à la fois juste pour le salarié – parce que ces heures sont plus pénibles – et pertinent d’un point de vue économique, parce qu’elles sont moins coûteuses pour l’entreprise que l’embauche d’un salarié.

La question, c’est de savoir s’il faut subventionner les heures supplémentaires.

M. Étienne Blanc. Réponse : oui !

M. Pierre-Alain Muet. Et ça, c’est un problème de politique économique. Il y a peut-être des situations qui le justifient. J’ai souvent cité la France des années cinquante, où on aurait pu se poser la question : l’économie était dans une situation de plein emploi et il y avait des pénuries de main-d’œuvre partout. Mais dans une situation de chômage élevé, excusez-moi, mes chers collègues de l’ancienne majorité devenue minorité, c’est une aberration économique.

Et je vais simplement prendre un exemple. Vous avez parlé de la crise. Cette crise, la France l’a abordée, à l’été 2008, avec un taux de chômage de 7,5 %, soit exactement le même taux qu’en Allemagne. La France a continué à dépenser entre 4,5 et 5 milliards d’euros par an pour subventionner des heures supplémentaires, quand l’Allemagne faisait l’inverse.

L’Allemagne, à l’inverse, subventionnait la réduction du temps de travail, de façon négociée comme à son habitude, non par idéologie mais par pragmatisme ; elle subventionnait également le Kurzarbeit, c’est-à-dire le chômage partiel, ce qui fait que l’économie allemande a traversé la crise en maintenant ses salariés dans l’entreprise, car le temps de travail a été profondément réduit.

Cela représentait 5 milliards d’euros en 2009, et aujourd’hui l’Allemagne a un taux de chômage de 5,8 %, quand le nôtre atteint 10 %. Là est le problème. La subvention des heures supplémentaires est absurde en période de chômage massif.

J’ai lu, comme vous, le rapport de nos collègues Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot : pratiquement aucun pays n’a subventionné aussi massivement que nous les heures supplémentaires. Le seul pays à l’avoir fait un peu, dans une tout autre logique que je n’ai pas le temps de développer ici, c’est l’Italie, avant d’arrêter avec la réapparition du chômage.

Dans la situation de chômage que nous connaissons, cette subvention que nous allons supprimer est une arme de destruction massive de l’emploi. Peut-être le terme « massif » est-il excessif mais, selon l’OFCE, une telle mesure en période de chômage supprime 30 000 emplois, et une étude réalisée par un brillant économiste de l’INSEE parle, elle, de 80 000 emplois.

Quoi qu’il en soit, réfléchissez une seconde, mes chers collègues : dépenser 4,5 milliards d’euros pour détruire des emplois, ça ne s’est jamais vu dans aucun pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) En supprimant ce dispositif, c’est-à-dire en réalisant des économies, nous allons créer des emplois !

M. Xavier Bertrand. Combien ?

M. Pierre-Alain Muet. Du moins allons-nous arrêter d’en détruire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà ce qui justifie cet article 2 !

M. Laurent Wauquiez. Vous appauvrissez tous les autres salariés !

M. Pierre-Alain Muet. Quant au pouvoir d’achat dont vous parlez, nous venons de voter la suppression de la TVA dite « sociale ». Ce sont 10,6 milliards d’euros qui ne seront pas prélevés sur les ménages mais qui leur seront, en quelque sorte, rendus. Il y a 28 millions de ménages en France, ce qui signifie que l’article 1er leur restitue en moyenne 380 euros de revenus par an.

M. Xavier Bertrand. Et la CSG ?

M. Pierre-Alain Muet. Alors oui, l’article 1er redonne des revenus aux Français et l’article 2 supprime une arme qui détruit de l’emploi : c’est à mon sens une politique intelligente. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. François Sauvadet. Quels mensonges !

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume.

M. Laurent Grandguillaume. Chers collègues, vous ne faites pas dans la nuance mais plutôt dans la caricature. En effet, vous êtes frappés d’amnésie et oubliez que près de 700 000 emplois industriels ont été détruits. Vous avez été dix ans au pouvoir ; qu’avez-vous fait pendant ces dix ans ? Quels sont les résultats de votre politique : un million de chômeurs en plus !

M. Xavier Bertrand. Et entre 1988 et 1993 ?

M. Laurent Grandguillaume. Prenons un exemple concret : la loi TEPA, dont l’article 1er réintégrait les heures supplémentaires dans le calcul du revenu fiscal de référence. Combien de citoyens ont, du fait de cette mesure injuste, perdu la prime pour l’emploi et du pouvoir d’achat ?

Par ailleurs, selon le rapport de Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, des emplois ont bien été détruits – plus de 100 000 qui auraient pu être créés. Enfin, au moment où vous avez adopté ces mesures, l’Allemagne consacrait 10 milliards d’euros au chômage partiel, dans le but de pérenniser et de sauver des emplois.

Les mesures que nous proposons nous sont des mesures de justice sociale, et qui vont dans le sens de l’efficacité économique. Il faut savoir sortir des dogmes, car vous êtes dogmatiques, personne ne le contestera ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Robinet. C’est l’hôpital qui se f… de la charité !

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. En guise d’intervention, je me contenterai de poser quelques questions à l’ensemble de l’hémicycle et en particulier à nos collègues de l’opposition.

Premièrement, sont-ce les salariés seuls qui décident d’effectuer des heures supplémentaires ? La décision leur appartient-elle ?

M. Dominique Baert. Non !

M. Michel Vergnier. Deuxièmement, ces heures supplémentaires sont-elles fonction de l’activité ou de l’opportunité ?

Troisièmement, si l’activité le nécessitait mais que les heures supplémentaires n’étaient pas défiscalisées, l’entreprise aurait-elle recours à ces heures supplémentaires ou refuserait-elle d’honorer ses commandes ?

M. Yves Censi. Et si ma tante en avait…

M. Michel Vergnier. Ces heures défiscalisées ont-elles diminué le coût du produit fini ou non ? Doit-on ou non contribuer selon ses revenus au paiement de la retraite et à la protection sociale ? Le nombre de demandeurs d’emploi a-t-il considérablement diminué ou augmenté pendant la période où ces heures supplémentaires ont été défiscalisées ?

Dernière question enfin : les 4 milliards que coûtent à l’État ces heures supplémentaires et qui ont été exclusivement financés par l’emprunt auraient-ils pu être utilisés différemment ?

M. Philippe Meunier. C’est moins cher que les 35 heures !

M. Michel Vergnier. C’est parce que nous nous sommes posé ces questions-là que nous avons décidé de prendre cette mesure, que nous avons proposée aux Français avant les élections et qu’ils ont acceptée en votant pour nous.

Mme Catherine Vautrin. Ce n’est pas vrai !

M. Hervé Mariton. Vous ne leur aviez pas tout dit !

M. Michel Vergnier. Il s’est passé quelque chose le 6 mai et le 17 juin, essayez de vous en souvenir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Depuis plus d’une décennie, deux questions essentielles coexistent sur l’agenda économique et social des gouvernements successifs : celle, ancienne, de l’emploi, qui taraude la société française ; celle du pouvoir d’achat, revenue en force en raison de la longue période de stagnation salariale qu’impose aux salariés le capitalisme contemporain.

Depuis plus d’une décennie, nous sommes finalement confrontés au risque de commettre une erreur majeure : opposer ces deux objectifs que sont l’emploi et le pouvoir d’achat, arbitrer de façon inadaptée entre les revenus et l’emploi, et entretenir de ce fait un conflit d’intérêts entre une fraction des couches populaires – celle qui peine à trouver un travail – et une autre fraction de ces mêmes couches – celle qui peine à tirer un revenu de son travail.

Dans le fond, la mesure d’exonération que nous abolissons aujourd’hui a été un exemple typique de cette erreur. L’encouragement aux heures supplémentaires a constitué un frein à l’embauche de salariés nouveaux (« Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), sans avoir par ailleurs un effet très avéré sur le pouvoir d’achat de cette fameuse France qui se lève tôt et qui, si on en juge par le résultat de l’élection présidentielle, n’a pas ressenti cet effet.

Après l’échec cuisant du quinquennat de Nicolas Sarkozy sur le pouvoir d’achat, cette question demeure un enjeu pour la société française. Le nouveau gouvernement, en un mois, a déjà pris des dispositions, et nous aurons à l’automne, dans cette assemblée, une réflexions à mener autour des réformes fiscales. En attendant, il me semble qu’il était raisonnable, rationnel et salutaire, dans la période de crise industrielle que nous traversons, de rapporter une mesure coûteuse pour les finances publiques, peu efficace sur le pouvoir d’achat et contre-productive du point de vue de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Le projet de loi que nous examinons a deux articles importants : l’article 1er, important pour la compétitivité, et l’article 2, important pour le pouvoir d’achat. Sans surprise et avec tristesse, nous vous avons vu abolir la TVA anti-délocalisation. C’est une double erreur. Une erreur de principe, parce que vous avez définitivement abandonné un levier qui aurait été fort utile dans la lutte pour la compétitivité des entreprises, mais aussi une erreur conjoncturelle, car vous aviez sous la main un outil immédiatement utilisable, notamment dans l’affaire PSA.

Nous avons longuement discuté du poids de cette mesure. Vous avez évoqué avec dédain 2 % de la masse salariale. Mais 2 % de la masse salariale de Peugeot, cela doit représenter 80 millions d’euros par an. Et vous vous privez de ce moyen d’action !

Vous avez donc pris le mauvais chemin dans la lutte pour la compétitivité en votant l’article 1er. Je vous propose d’en rester là et de ne pas vous égarer aussi dans la lutte pour le pouvoir d’achat en votant l’article 2. Pour vous en convaincre, je vous citerai un seul chiffre que personne ne contestera ici : le vote de l’article 2 représentera 4,5 milliards d’euros d’économies. Rapporté aux 9 millions de bénéficiaires des heures supplémentaires détaxées, cela représente 500 euros ; le professeur de mathématiques qu’est le rapporteur général vous le confirmera. En votant l’article 2, vous allez donc prendre 500 euros par an dans la poche de 9 millions de travailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bruno Le Roux. Il a bien fait de ne pas enseigner et de devenir député !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. L’exonération de cotisations sociales sur la rémunération des heures supplémentaires, introduite par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat du 21 août 2007, présentait deux objectifs majeurs. D’une part, permettre une plus grande flexibilité pour les entreprises, afin qu’elles puissent ajuster leur quantité de travail à l’évolution de leur carnet de commandes ; d’autre part, garantir une augmentation du pouvoir d’achat des salariés, qui, sur la base du volontariat, font des heures supplémentaires.

Or, sur ces deux points, cette mesure aura été un succès. Ce dispositif a permis la réalisation de près de 700 millions d’heures supplémentaires sur l’année 2011 et a augmenté le revenu annuel moyen de neuf millions de salariés. Il a par ailleurs permis à plusieurs centaines d’entreprises de s’adapter à une conjoncture économique difficile et de faire face à la crise.

Supprimer ce dispositif, c’est freiner la compétitivité de nos entreprises en augmentant le coût du travail, déjà très élevé dans notre pays. C’est aussi pénaliser les classes moyennes et populaires, avec des millions de ménages au pouvoir d’achat bientôt amputé.

S’il est essentiel de redresser les finances publiques, cela ne doit pas se faire au détriment des ouvriers, des salariés du privé et du public qui font des heures supplémentaires et représentent ainsi la vraie valeur travail de notre pays.

Monsieur le ministre, avec l’adoption des 35 heures, vous avez été les seuls à croire que la diminution de la durée du travail entraînerait mécaniquement l’embauche conséquente de salariés. Aujourd’hui, vous commettez la même erreur de raisonnement. Contrairement à ce que prétend le Premier ministre, la diminution des heures supplémentaires n’aura qu’un effet extrêmement limité sur l’emploi. C’est pourquoi, me faisant aujourd’hui le porte-parole de ces nombreux salariés rencontrés sur le terrain, je vous demande d’avoir le bon sens de revenir sur l’article 2 de ce projet de loi de finances rectificative et de maintenir l’exonération des cotisations et contributions sociales salariales sur la rémunération des heures supplémentaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Permettez-moi d’intituler mon propos : « Compétitivité : il est urgent d’attendre un an ». Mes chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir que le concept de compétitivité se banalise et fasse désormais partie du vocabulaire gouvernemental officiel. Nous voilà donc heureusement armés pour saisir le sujet à bras-le-corps, en débattre sans tarder et, plus encore, en tirer en profondeur les conclusions qui s’imposent. Voilà enfin la perspective d’un grand moment d’unité nationale pour une grande cause qui ne l’est pas moins.

Rappelons néanmoins un seul chiffre. Alors que la balance commerciale de la France accuse aujourd’hui un déficit annuel de l’ordre de 75 milliards d’euros, l’Allemagne affiche un excédent d’environ 200 milliards d’euros.

Et ceci, bien sûr, avec la même monnaie et les mêmes contraintes internationales de toutes sortes. Coïncidence troublante, les courbes françaises et allemandes, hier parallèles, se sont infléchies en 2002 au lendemain des 35 heures, bien "made in France" celles-là, puis elles ont divergé après les réformes du chancelier Schröder avec, notamment, le lancement de la TVA sociale, prolongée par Angela Merkel.

Certes, la comparaison avec notre voisin « exemplaire » finirait par être lassante de ce côté-ci du Rhin, mais elle ne devrait pas être vexatoire pour notre nouveau gouvernement, puisque c'est précisément un socialiste qui fut le grand architecte des réformes dont l'Allemagne tire en grande partie les bénéfices aujourd'hui.

Aussi, c'est largement à cette aune frontalière que l’on peut évaluer cinq grandes familles de critères permettant une compétitivité satisfaisante du « made in France ».

Premièrement, le coût du travail, les salaires et les charges sociales afférentes.

Deuxièmement, la créativité, l’innovation, la recherche et le développement.

Troisièmement, la fiscalité de l'entreprise, mais aussi des personnes physiques et des capitaux.

Quatrièmement, le contexte juridico-social.

Cinquièmement, l’environnement européen.

La liste n'est, bien sûr, ni classée ni exhaustive, mais l'essentiel des curseurs majeurs est là. Laissons de côté l'Europe qui, par définition, ne dépend pas que de nous et qui, pour l’instant, a bien d'autres chats à fouetter.

En ce qui concerne l’innovation et la recherche, nous sommes sur la bonne voie. Le dispositif fiscal du crédit impôt recherche porte ses fruits et procure un réel avantage compétitif au même titre que le coût avantageux de notre énergie grâce au nucléaire.

Espérons qu’à l’instar des rebelles du Mali détruisant les trésors culturels, vestiges d’un passé insupportable, la nouvelle majorité ne jettera pas le bébé de nos avantages avec l’eau du bain sarkozyste, dans un contre-pied systématique du mandat précédent ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quant aux signaux donnés en matière de fiscalité, le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’incitent guère les étrangers à venir en France et les entrepreneurs français à y rester.

Restent les deux principaux points noirs en la matière : le coût du travail et le carcan des relations sociales rigidifiées.

En prélude à la grand-messe sociale du début de ce mois, nous avons entendu un Président…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Lionel Tardy. …enfin conscient du dépoussiérage nécessaire, nous parler de souplesse. L’espoir renaissait. Même tardive, la prise de conscience est toujours profitable. Las, deux jours plus tard, un Premier ministre, sans doute pas du même bord que le Président, nous dressait un constat affligeant, très « lutte des classes », prévoyant de rajouter quelques couches de rigidité supplémentaires et quelques impasses de plus à nos dédales… Exit encore la TVA sociale et l’allégement des cotisations familiales pour les entreprises !

M. le président. Merci, monsieur Tardy !

M. Lionel Tardy. Je termine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quant au remède censé être trouvé à notre compétitivité économique, rendez-vous est pris pour un exercice similaire dans un an. Dans le quantitatif administratif, nul doute que notre compétitivité demeure imbattable. Pour le reste, les Français jugeront !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Aujourd’hui, c’est la journée des coups de canif.

Un député du groupe UMP. Des coups de sabre ! de poignard !

M. Philippe Vigier. Coup de canif dans la compétitivité puisque, tout à l’heure, vous avez tourné le dos à une piste que nous avons proposée sans en proposer une autre. Il est urgent d’attendre !

Second coup de canif porté au pouvoir d’achat, et là, en deux actes, mes chers collègues.

On augmente tout d’abord les prélèvements sociaux de 2 %, aussi bien sur l’immobilier que sur les revenus immobiliers. Celui qui possède un petit appartement paiera donc plus cher. Le pouvoir d’achat, chacun l’a bien compris, sera entamé.

Et puis je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit dans le débat sur les heures supplémentaires : 9,4 millions de personnes bénéficiaires, un gain de 400 à 500 euros par an… Cessez donc de stigmatiser celles et ceux qui bénéficient d’heures supplémentaires et d’opposer une catégorie de travailleurs aux autres !

N’oubliez pas non plus que ce sont des ouvriers, des employés, des salariés, des fonctionnaires, des gens des classes moyennes, que vous prétendez défendre ! Ces heures supplémentaires, mes chers collègues, c’est un moyen de donner de la souplesse à l’organisation du travail dans les entreprises et dans nos collectivités territoriales.

C’est aussi une réponse aux problèmex de recrutement. Or personne ne l’a dit. Lorsqu’on a besoin de quinze heures de travail d’un fraiseur suite à une commande, comment peut-on imaginer que l’on va embaucher quelqu’un pour seulement quinze heures ? C’est absolument faux ! La démarche pragmatique au quotidien dans une entreprise, c’est de répondre au carnet de commandes et d’avoir de la souplesse. Vous avez, au contraire, une vision complètement anachronique. Lorsque vous êtes maire d’une commune, que vous avez une saison culturelle et une régie de recettes à faire fonctionner vingt heures par an, que faites-vous ? Vous embauchez quelqu’un pour vingt heures ? Pas du tout ! C’est un salarié de l’équipe municipale à qui vous proposez ces vingt heures. Mais cela, vous l’oubliez ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Écoutons-nous mutuellement, mes chers collègues ! La parole est à M. Vigier et à lui seul.

M. Philippe Vigier. Monsieur Muet, vous avez une vision macroéconomique des choses et vous imaginez que le gâteau d’heures supplémentaires divisé par 35 heures créera des emplois.

Alors, je vous le demande : comment se fait-il qu’à l’occasion du débat présidentiel, vous n’ayez pas proposé, au regard du chômage que nous avons dans notre pays, de diminuer la durée du travail en passant de 35 à 32 heures ? Cela aurait probablement réglé les problèmes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Pour terminer, monsieur le président, comme l’a dit tout à l’heure Laurent Wauquiez, les électeurs du 6 mai n’oublieront pas qu’il y a un reniement. Je veux parler de la proposition 34 du candidat Hollande : l’exonération des charges sociales pour les patrons dans les entreprises de moins de vingt salariés. Quand ils se réveilleront, ils verront que vous les avez trahis !

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je m’inquiétais de voir le président Bartolone assis au banc du Gouvernement. Je me demandais s’il était bien normal que le président de notre assemblée soit assis à ce banc. Mais je vois qu’il quitte cette place…

Cela aurait pu mériter une suspension de séance, monsieur le président !

M. le président. Nous nous en dispenserons, parce que nous avons du travail !

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, mon rappel au règlement porte sur le rappel au règlement du président Jacob.

Nous sommes dans un débat sérieux. Tout a conduit à l’échec depuis maintenant dix ans et nous œuvrons ici au redressement. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce débat n’est pas un débat d’esthètes et nous ne sommes pas ici pour le simple plaisir de débattre dans un hémicycle.

Mme Catherine Vautrin. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Bruno Le Roux. Nous voulons entendre tous les arguments qui s’expriment, avec votre assentiment, monsieur le président, car il est légitime que vous laissiez le débat se dérouler ; mais il ne faut pas le retarder plus souvent que nécessaire.

Il faut que nous passions au débat de fond, et ces manœuvres de retardement, avec des arguments qui ne visent qu’à masquer un échec profond, ne peuvent continuer quelques minutes de plus ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je demande au président Jacob de faire en sorte que nous puissions maintenant passer au fond du débat, c’est-à-dire à l’examen des amendements sur les heures supplémentaires, qui montreront l’échec de la politique menée par le précédent gouvernement. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. Monsieur le président Le Roux, les choses avançaient gentiment et, vous l’avez remarqué, le rappel au règlement du président Jacob n’a pas abouti à une suspension de séance. Je le lui ai d’ailleurs suggéré.

Je le répète, nous avançons gentiment. Nous écoutons les uns et les autres. Ils sont inscrits, et ils ont parfaitement le droit de l’être, sur chaque article.

Article 2 (suite)

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Mes chers collègues de l’opposition, de quoi parlez-vous ce soir ? J’entends une suite d’orateurs de l’opposition…

M. Christian Jacob. Talenteux !

Mme Karine Berger. …qui se contredisent les uns les autres et qui développent des argumentaires qui ne sont plus cohérents au fur et à mesure que la discussion avance. Je voudrais mettre un peu de clarté dans les arguments que vous avez avancés ce soir.

Alors que M. Sauvadet parle de « flexisécurité », c’est-à-dire qu’il considère que c’est aux salariés de s’adapter ou de disparaître du marché du travail,…

M. Philippe Vigier. Il n’a pas du tout dit cela !

Mme Karine Berger. …l’un de ses collègues affirme que le dispositif de défiscalisation protège les salariés contre la dureté des entreprises. Quelle est votre position ? Ce dispositif est-il en faveur ou en défaveur des salariés ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, écoutons-nous les uns les autres ! Notre collègue s’exprime pour la première fois dans cette enceinte. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) On comprend son émotion ! Nous l’avons partagée il y a bien longtemps (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC)…

Nous allons l’écouter gentiment, puis nous passerons aux autres orateurs qui seront écoutés avec la même attention.

Mme Karine Berger. Je vous remercie, monsieur le président. Je vous assure que je ne ressens aucune émotion, mais j’apprécie votre sollicitude ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Lamblin, quant à lui, en est resté au débat sur l’article 1er. Et M. Tardy n’a traité dans son propos ni de l’article 1er ni de l’article 2.

Quant à nos collègues Dalloz et Taugourdeau, ils sont intervenus sans savoir que l’article 2 propose non pas l’interdiction des heures supplémentaires, mais la fin de la défiscalisation et de la désocialisation. Nos collègues peuvent donc voter l’article 2 puisqu’il ne s’agit pas de l’annulation ou de l’interdiction des heures supplémentaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Je garde le meilleur pour la fin. M. de Courson qui, lui, a lu l’article, ose tout. Après avoir supprimé 80 000 postes dans l’éducation nationale, il se réjouit que le corps enseignant ait des heures supplémentaires, tout en niant qu’il y ait substituabilité entre les deux... Allez comprendre !

Monsieur le ministre, nous parlons, nous, de choses très claires dans cet article 2 que nous voterons.

M. Philippe Vigier. Ça fait trois minutes !

Mme Karine Berger. Nous parlons de supprimer la dernière scorie de la campagne électorale de 2007 d’un ex-Président qui a voulu persuader les Français qu’avec lui, ils gagneraient plus grâce à leur travail et qui, au final, n’a pas ajouté une seule heure supplémentaire de travail et une seule heure de pouvoir d’achat à ces mêmes Français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. C’est une première intervention, on peut bien dépasser un peu le temps de parole !

Mme Karine Berger. Monsieur le ministre, nous parlons d’un trou dans nos finances publiques de 4 milliards d’euros puisque cette défiscalisation et cette désocialisation n’ont jamais été financées par l’ancien gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vigier. Ça fait 4 minutes maintenant !

Mme Karine Berger. Monsieur le ministre, nous parlons de redonner sa valeur au travail en le rémunérant de la même manière à la trente-cinquième et à la trente-sixième heure. Car le travail, pour nous, c’est avant tout une question de justice sociale. Le travail, c’est la première pierre du pouvoir d’achat dans ce pays, et le travail…

M. Philippe Vigier. C’est la santé !

Mme Karine Berger. …c’est la première pierre du redressement de ce pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, dont ce n’est pas la première intervention dans cet hémicycle ! (Sourires.)

M. Xavier Bertrand. Je serais tenté de dire à Mme Berger que si le travail est une valeur importante, on ne dévalorise pas le travail et on ne le décourage pas en revenant sur la défiscalisation des heures supplémentaires comme vous le faites. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bruno Le Roux. Ça n’a rien à voir !

M. Xavier Bertrand. Sur les bancs de la majorité, il y a des avis contrastés. Il y a ceux qui, par idéologie, pensent que le partage du travail est une règle qui peut fonctionner et qui sont évidemment vent debout contre cette mesure de défiscalisation. Et puis, il y a les autres, qui sont parfois élus dans des circonscriptions plus populaires et qui savent qu’ils vont avoir du mal à regarder dans les yeux les ouvriers à qui ils vont retirer le bénéfice de la défiscalisation des heures supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il y en a certainement peu parmi vous qui sont allés dire en face, pendant les campagnes présidentielle et législative, que c’en serait fini de l’avantage de la défiscalisation et des charges sociales. Il y en a peu qui sont allés dire aux salariés qu’il y avait un mensonge dans le programme de François Hollande et que tout le monde serait logé à la même enseigne, même ceux des entreprises de moins de vingt salariés, que c’en était fini de la défiscalisation pour tous les salariés de ce pays qui faisaient des heures supplémentaires. Vous avez menti, voilà la réalité !

Sur la question du partage du travail, monsieur Bricout, vous qui êtes dans une circonscription voisine de la mienne, je vous donne rendez-vous pour aller voir l’entreprise que vous évoquiez. Vous leur demanderez pourquoi, au lieu d’utiliser les heures supplémentaires, ils ne recrutent pas soixante salariés de plus. Ils vous diront quelle est la réalité économique, que les heures supplémentaires ne reviennent pas forcément mois après mois et que la réalité économique n’est pas dictée par les députés socialistes, mais tout simplement par les besoins du marché et par les possibilités de main-d’œuvre. Voilà comment marche l’économie !

Dans une entreprise de vingt salariés où quinze salariés font des heures supplémentaires, parfois deux heures par semaine, ce n’est pas en privant ceux-ci de leurs heures supplémentaires que vous pourrez recruter quelqu’un pour trente heures par semaine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà la réalité ! L’économie ne marche pas comme vous le dites ! Écoutez ce que disent les chefs d’entreprise : ils ont bien souvent plus de bon sens que n’en témoigne votre majorité, ce soir encore.

M. Michel Vergnier. C’est pour cela que vous avez été battus !

M. Xavier Bertrand. Pour finir, allez jusqu’au bout de votre logique. Si vous pensez que ceux qui font des heures supplémentaires prennent le travail des autres, supprimez la majoration de 25 %.

M. Pierre-Alain Muet. Absurde !

M. Xavier Bertrand. Allez jusqu’au bout de votre raisonnement et, monsieur Muet, peut-être pour une fois aurez-vous raison, alors que vous avez asséné mensonge sur mensonge, comme pendant les années précédentes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Au final, il faut bien voir, dans ce débat sur le partage du travail, que ce sont des syndicats qui vous ont demandé la tête des heures supplémentaires qui nous permettaient de dépasser les 35 heures. La CGT nous avait demandé, à nous, de revenir sur la défiscalisation. Jamais nous n’avons cédé, mais vous avez cédé à ce diktat pour des raisons idéologiques.

Dans ce débat qui est idéologique pour nombre d’entre vous, il y a une dimension économique que vous ne pouvez pas occulter. Ce que vous êtes en train de faire ce soir, c’est une faute politique, et certains le savent chez vous, c’est une faute économique et une faute sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le président, pourriez-vous nous accorder une brève suspension de séance ?

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à zéro heure quinze, est reprise à zéro heure trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Monsieur le ministre, la vraie question, dans cet article, ce n’est pas du tout celle des heures supplémentaires. L’erreur originelle, ce sont les 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.).

En effet, nous avons fait en sorte que les quotas ne s’appliquent plus comme ils s’appliquaient ; et ce dispositif sur les heures supplémentaires aussi permettait d’inciter au travail, alors que votre logique était celle de la réduction du temps de travail.

Et le vrai problème, ce n’est pas ce que coûtent les heures supplémentaires, c’est ce que coûtent les 35 heures, ces 12 ou 13 milliards d’euros qui aujourd’hui compensent le coût des 35 heures et posent un vrai problème de compétitivité à notre pays.

La disposition consistant à ne pas charger fiscalement les heures supplémentaires, que ce soit pour les salariés ou les employeurs, s’est montrée d’une grande efficacité, qu’on a d’ailleurs pu mesurer durant la crise. En effet, comme l’a souligné le rapporteur général, le nombre d’heures supplémentaires effectuées est globalement resté constant. Or, la crise aurait dû les faire chuter fortement.

M. Michel Vergnier. Pourquoi ?

M. Éric Woerth. Vous avez tort de dire que les heures supplémentaires ont créé du chômage. Vous ne faites que reprendre votre antienne du partage du temps de travail, qui fait du travail un univers fini qu’il faudrait découper en tranches de plus en plus fines. En fait, c’est l’activité qui crée le travail, ce n’est pas le partage du temps de travail. Votre erreur est fondamentale.

En voulant supprimer les allègements de charges pesant sur les heures supplémentaires, vous augmentez le coût du travail pour la deuxième fois dans la même journée, car en revenant sur la TVA sociale à l’article 1er, vous avez déjà, de facto, augmenté les charges sociales qui pèsent sur le travail. Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure façon de défendre la compétitivité de notre pays.

J’en viens au sketch incroyable auquel a donné lieu le choix de la date à laquelle s’appliquera la mesure relative aux heures supplémentaires. Nous sommes montés au créneau quand la date du 1er janvier a été proposée ; vous avez alors reculé. Vous avez eu raison car il était très injuste de remettre en cause les heures supplémentaires déjà effectuées. On ne change pas les règles une fois le match terminé. C’était tout de même une façon incroyable de traiter les personnes concernées. Nous sommes donc passés du 1er janvier 2012 au 1er juillet pour finalement retenir le 1er août. Encore un effort, et vous nous proposerez d’attendre le 1er janvier 2013, ce qui vous permettra de constater la nécessité de maintenir notre dispositif !

Monsieur le rapporteur général, comment la mesure que vous défendez s’appliquera-t-elle à la fonction publique ? Vous n’avez pas vraiment répondu à cette question en commission. S’appliquera-t-elle à partir du 1er janvier 2013, au 1er juillet ou au 1er août 2012 ?

M. le président. Mon cher collègue, je vous remercie de bien vouloir conclure !

M. Éric Woerth. Je vous rappelle que les heures supplémentaires ont été très largement utilisées dans la fonction publique, notamment par l’éducation nationale. Comment cela va-t-il fonctionner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cela fonctionnera bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je veux revenir sur quelques-uns des effets pervers du dispositif d’exonération et de défiscalisation des heures supplémentaires inventé en 2007.

Ce système est unique au monde. D’autres pays s’y sont essayés mais sans jamais faire un choix aussi radical puisque les exonérations ne portaient que sur la part de majoration des heures supplémentaires. Aujourd’hui, ces pays sont d’ailleurs revenus sur ces mesures.

En France, l’ancienne majorité a choisi de désocialiser et de défiscaliser le coût total des heures supplémentaires. En conséquence, alors que l’heure supplémentaire correspond à un surcroît de production lorsque le système tourne à plein, et donc qu’elle est l’heure qui rapporte le plus, elle est subventionnée par l’État en moyenne à hauteur de 6 à 7 euros de l’heure. Il s’agit d’une aberration économique qui coûte plus qu’elle ne rapporte.

Elle coûte en effet 0,23 % de PIB alors qu’elle ne rapporte que 0,15 % de croissance. Autrement dit, vous avez inventé un moteur économique à rendement négatif ; une aide publique à crédit qui produit moins de croissance qu’elle ne produit de dette.

Une telle mesure pourrait, à la limite, avoir du sens dans un pays frappé par une pénurie de main-d’œuvre. Mais, en France, alors que le taux de chômage est de 10 %, il s’agit véritablement d’une folie. Ce dispositif est désincitatif à l’embauche. L’arbitrage d’un chef d’entreprise moyenne se fera bien évidemment en faveur de l’utilisation des heures supplémentaires plutôt que de l’embauche. Quant aux grosses entreprises, elles peuvent faire plus fort encore : elles peuvent utiliser, successivement ou sur des unités de production différentes, à la fois les subventions liées au chômage et à l’activité partielle et le dispositif d’exonération de charges des heures supplémentaires.

Selon le rapport d’information de M. Jean-Pierre Gorges et M. Jean Mallot, travail auquel j’ai participé, « le nombre annuel d’heures supplémentaires n’a pas connu de hausse significative […]. L’application du dispositif est marquée par un fort effet d’aubaine, un certain nombre d’heures supplémentaires effectuées mais non déclarées comme telles avant la réforme ayant bénéficié des allègements fiscaux et sociaux ».

Il y a donc eu effet d’aubaine, régularisation, mais aussi substitution. La substitution concerne évidemment les salaires – c’est votre fameux « travailler plus pour gagner plus » – mais aussi les primes. En défendant la motion de rejet préalable, M. Estrosi a expliqué hier naïvement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) que les heures supplémentaires exonérées avaient remplacé les primes et que si nous votions l’article 2, elles ne pourraient plus être distribuées en fin d’année.

Pour conclure, je ne résiste pas à souligner un paradoxe. Vous avez improvisé le dispositif d’exonération des heures supplémentaires parce que vous avez choisi dogmatiquement de contourner les 35 heures.

M. François Rochebloine. Les 35 heures sont la plus grosse bêtise jamais faite !

M. Jean-Patrick Gille. Mais pour parler d’heures supplémentaires, il a fallu fixer la durée légale, et c’est donc vous qui avez procédé à la généralisation des 35 heures pour les petites entreprises de moins de vingt salariés ! Pour notre part, comme nous sommes des pragmatiques, nous tenons compte de cette situation et nous maintiendrons pour ces entreprises l’exonération forfaitaire d’1,50 euro de l’heure.

Il est temps de mettre fin…

M. François Rochebloine. …aux 35 heures !

M. Jean-Patrick Gille. …à un dispositif coûteux et inefficace qui décourage l’embauche, en particulier celle des jeunes, alors qu’en cinq ans vous avez creusé la dette qu’ils devront rembourser de plus de 20 milliards d’euros. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

M. Christian Jacob. Vous ne pouvez pas croire à ce que vous dites !

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. M. Le Roux nous a expliqué que nous abordions enfin dans le fond du débat ; ce n’est pas très gentil pour tous ceux qui débattent dans cet hémicycle depuis hier soir.

Monsieur Cahuzac, lorsque vous étiez dans l’opposition, nous vous entendions critiquer systématiquement notre politique mais, en termes de propositions, c’était le grand vide. Maintenant que vous êtes dans la majorité, vous restez dans la critique des cinq ans qui viennent de s’écouler.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il y a de quoi faire !

M. Daniel Fasquelle. Vous êtes dans le diagnostic, dans le constat, mais le vide demeure en matière de propositions. Que vous soyez dans l’opposition ou la majorité, vous n’avez pas beaucoup changé.

Vous cherchez à trouver de l’argent car les recettes manquent, dites-vous. Vous pourriez le faire en stimulant l’activité économique, en créant de l’emploi, en faisant des propositions. Mais comme vous n’en avez aucune, tout ce que vous savez faire, c’est remettre en cause ce que nous avons mis en place. Depuis hier, les mauvaises nouvelles s’accumulent. La TVA antidélocalisation est remise en cause, ce qui porte atteinte à la compétitivité des entreprises. Bientôt, vous reviendrez sur les mesures que nous avons prises sur la TVA dans la restauration. Finalement, vous faites les poches des classes moyennes.

Pendant la campagne électorale, vous disiez que vous feriez payer les riches mais, désormais, les Français ont compris qui sont ceux qui paieront : les classes moyennes et ceux qui travaillent. Comme je l’ai fait, je vous invite à rencontrer les fonctionnaires dans les administrations et les salariés dans les entreprises. Je peux vous assurer qu’ils sont très sensibles au débat qui est le nôtre ce soir et qu’ils le suivent de très près. Ils ne manqueront pas de se rappeler la décision que, malheureusement, vous vous obstinez à vouloir prendre.

Vous avez parlé du pouvoir d’achat pendant cinq ans ; aujourd’hui, vous en parlez beaucoup moins. L’une des premières mesures du quinquennat consistera précisément à porter atteinte au pouvoir d’achat des salariés et à la compétitivité de nos entreprises. Certes la crise frappe la France depuis cinq ans mais, si la croissance n’a pas toujours été aussi forte que nous l’aurions souhaité, elle a toujours été là. Avec les mesures que vous prenez dans le cadre de ce collectif, la France ne sera malheureusement plus un territoire de croissance et nous allons entrer en récession.

M. Jean-François Copé. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Nos collègues de la majorité ne doivent pas s’émouvoir de constater que nous sommes aussi nombreux à nous exprimer ; nous avons été à bonne école. Durant les cinq dernières années, vous nous avez montré votre capacité à dire votre opposition au Gouvernement et à la majorité de l’époque. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons bien retenu ces leçons et vos applaudissements en sont une bien jolie preuve qui nous engage à poursuivre dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Sachez que nous avons encore beaucoup de choses à vous dire ! Cher Bruno Le Roux, vous verrez que le métier de président du groupe majoritaire est passionnant. Pour notre part, nous ne serons pas en arrière de la main.

Sur le fond, vous commettez un sacré déni de réalité. Les 35 heures sont une sorte d’OVNI économique et social. Nous sommes les seuls au monde à les pratiquer. Avec la détaxation des heures supplémentaires, nous avions trouvé la formule permettant de donner beaucoup de pouvoir d’achat supplémentaire à celles et à ceux qui avaient la possibilité d’effectuer ces heures. En décidant de manière idéologique, brutale et carrée de supprimer notre dispositif – vous avez même failli aller encore plus loin en instaurant une rétroactivité mais vous avez su revenir en arrière devant notre insistance –, vous allez à contresens de ce qui se pratique dans le reste de l’Europe. Partout, l’on parle d’assainissement des finances publiques…

M. Alain Fauré. C’est le spécialiste du déficit qui parle !

M. Jean-François Copé. …de compétitivité, de réorganisation du travail, de réindustrialisation de l’économie et de pouvoir d’achat supplémentaire pour les salariés.

Il n’y a donc qu’en France que cette mesure sera supprimée ! Il n’y a donc qu’en France, à l’image de la nouvelle politique que vous voulez conduire, que nous serons à rebours des grands engagements pris par tous les grands pays d’Europe !

Je commence à m’inquiéter très sérieusement pour l’avenir de notre pays en voyant jour après jour les options choisies par M. Hollande.

M. Alain Fauré. Vous, c’est 600 milliards d’euros de dette !

M. Jean-François Copé. J’ai été très frappé de constater que M. Hollande a utilisé à de nombreuses reprises le mot « effort ». Il faut selon lui faire des efforts, demander aux Français de faire plus d’efforts. Il appelle cela « l’effort juste ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) L’effort est d’ailleurs tellement juste qu’il ne se fera pas seulement au détriment des plus riches mais de celui de tous, car il n’y aura jamais assez de riches pour payer toutes les dépenses supplémentaires.

En entendant le mot « effort », l’on s’interroge. M. Hollande a-t-il renoué avec le courage politique ? Peut-être ce mot évoque-t-il une incitation à inviter les Français à travailler plus, à travailler mieux ? Peut-être s’agit-il d’opérer, à l’instar de ce qui se fait dans tous les autres pays, une réorganisation complète de notre monde du travail pour tenir compte des contraintes et des défis posés par l’avenir de nos enfants ? Il n’en est rien.

Il faut que les Français le sachent, l’effort, dans le langage de François Hollande, c’est l’impôt, exclusivement l’impôt. En fait, quand M. Hollande et son nouveau gouvernement parlent d’effort, ils ne parlent jamais de travail mais uniquement d’augmentation d’impôts. Or je rappelle que pour pouvoir payer des impôts, il faut avoir acquis suffisamment de pouvoir d’achat par son travail. Sans quoi, on perd du pouvoir d’achat, du pouvoir de consommer, du pouvoir d’investir et d’embaucher. Il est alors porté atteinte à l’avenir de l’économie française. Croyez-moi, tout au long de cette discussion et même tout au long de ce quinquennat, nous saurons vous le rappeler ! Vous le constatez, nous sommes à très bonne école. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure, pour un rappel au règlement.

M. Olivier Faure. Monsieur le président, je souhaite, après l’intervention du président Copé, faire un rappel au règlement sur le fondement de l’article 58,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Quel alinéa ?

M. Olivier Faure. …alinéa 1er.

Au cours de la précédente législature, nous avons pu pratiquer une opposition parfois corrosive, parfois peut-être difficile à supporter.

M. Jean-François Copé. On adorait !

M. Olivier Faure. Mais il y a une grande différence entre ce que vous faisiez alors et ce que nous faisons ce soir. En effet, vous utilisiez souvent l’article 57, qui dispose que, lorsqu’au moins deux orateurs d’avis contraire sont intervenus dans la discussion générale, la discussion d’un article ou les explications de vote, la clôture immédiate de cette phase de la discussion peut être soit décidée par le président, soit proposée par un membre de l’Assemblée.

M. Jean-François Copé. Atteinte à la démocratie !

M. Olivier Faure. Nous pourrions, à notre tour, invoquer cet article, mais nous ne le faisons pas, car nous n’avons aucune crainte. Nous voulons que ce débat ait lieu au grand jour. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

M. François Rochebloine. À une heure du matin ?

M. Olivier Faure. Nous n’avons pas besoin de vos leçons. Les Français seront juges, comme ils l’ont été le 6 mai et le 17 juin.

M. Pierre Lellouche. Merci de votre magnanimité !

Article 2 (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Eh oui, monsieur Woerth, monsieur Copé, revoilà les 35 heures, que vous vous êtes bien gardés de supprimer, sous les gouvernements auxquels vous avez participé ou que vous avez soutenus entre 2002 et 2012 (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC), sans doute pour pouvoir encore les invoquer.

Avec la loi TEPA de 2007, vous souhaitiez promouvoir la réalisation d’heures supplémentaires en diminuant leur coût pour l’employeur. Mais le 6 mai 2012 est passé par là. Il n’est donc pas étonnant que l’article 2 du projet de loi de finances rectificative pour 2012 abroge ces exonérations de cotisations sociales salariales pour tous les salariés, du privé et du public, quelle que soit la taille de l’entreprise, et limite, en outre, aux seules entreprises de moins de vingt salariés l’avantage relatif aux déductions de cotisations patronales. Ces deux modifications devraient permettre de réduire le coût du dispositif de 3,5 milliards d’euros en année pleine à partir de 2013. Vous comprendrez, mes chers collègues, que, dans la période de fort chômage que nous connaissons, nous soyons d’abord soucieux de ceux qui n’ont pas de travail.

Nous comprenons le choix du Gouvernement d’éliminer une mesure dont le manque d’efficience est avéré. Elle n’était pas propice au développement de l’emploi, elle l’a même découragé. Elle était injuste, car, compte tenu de la progressivité de l’exonération fiscale et de la proportionnalité des exonérations sociales, elle bénéficiait le plus à ceux qui gagnent le plus. Elle n’a pas permis d’augmenter réellement le nombre d’heures supplémentaires.

Enfin, il faut arrêter de laisser penser que ce sont les salariés qui choisissent de faire des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. L’article 2 est évidemment le plus important de ce projet de loi de finances rectificative, après l’article 1er.

Monsieur le ministre, la première chose que l’on peut dire, c’est que, s’agissant du travail, le Gouvernement est assez cohérent lorsqu’il envoie un signe aux Français.

M. Yves Censi. Persévérant, même !

M. Étienne Blanc. Ainsi, vous êtes en train d’inciter un certain nombre de nos compatriotes à ne plus effectuer d’heures supplémentaires et cette décision me fait un peu penser à la proposition du ministre de l’éducation nationale qui, à peine nommé, a annoncé qu’il allongeait de deux jours les vacances de la Toussaint.

M. Yves Durand. Cela n’a rien à voir. C’est complètement idiot !

M. Étienne Blanc. C’est un signe fort de votre conception de la valeur travail que vous envoyez ainsi aux Français. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Michel Vergnier. Savez-vous qu’il y a des enfants dans les écoles ?

M. Étienne Blanc. C’est incontestablement la première erreur contenue dans ce texte.

M. Yves Durand. Il n’y connaît rien !

M. le président. Écoutons-nous les uns les autres, mes chers collègues ; il s’agit d’un débat de fond.

M. Étienne Blanc. Deuxième erreur : l’article 2 aura des conséquences sur la capacité des entreprises à s’adapter à la flexibilité nécessaire dans le monde économique actuel. Les commandes étant de plus en plus rapides, la réactivité de la production doit être au rendez-vous. Et vous allez nous proposer, en supprimant la défiscalisation et les exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires, de rigidifier le système. Écoutez-vous nos partenaires européens, qui nous exhortent à assouplir notre code du travail ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cela n’a rien à voir !

M. Étienne Blanc. Tout le monde s’accorde à reconnaître que cette rigidité est une des causes de nos difficultés en matière de croissance. Vous envoyez ainsi un deuxième signe catastrophique, alors que la Commission de Bruxelles vous incite à faire le contraire.

Enfin, vous envoyez un troisième signe invraisemblable aux Françaises et aux Français, en leur ôtant 4,5 milliards de pouvoir d’achat (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),

M. Dominique Baert. Mais non !

M. Étienne Blanc. …alors qu’ils nous expliquent, dans nos permanences, les difficultés quotidiennes qui sont les leurs.

Vous avez fait le choix de l’injustice, en vous en prenant aux Françaises et aux Français qui travaillent, aux classes moyennes. Car, monsieur le ministre – et, là encore, vous êtes cohérents –, tout votre projet de loi de finances rectificatives n’a qu’une seule cible : la classe moyenne. C’est une véritable catastrophe pour elle et pour l’économie de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Mes chers collègues, avec l’article 2, nous pouvons dire que la majorité nous rejoue les 35 heures version 2012 (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP), à un moment où, en pleine période de crise, les entreprises, qui connaissent de très graves difficultés, demandent de la flexibilité et veulent pouvoir rester compétitives. Pour être compétitif, il faut pouvoir s’adapter et, pour pouvoir s’adapter, il faut être flexible : tel est le fondement même de la défiscalisation des heures supplémentaires. Mais, mes chers collègues de la majorité, vous ne tirez aucune leçon de cette situation et vous restez purement dogmatiques. Vous allez ainsi tuer un système qui permettait aux entreprises de fonctionner parce que vous pensez encore que, par une espèce d’automatisme, les heures supplémentaires se convertiront en emplois nouveaux.

M. Philippe Vigier. Très juste !

Mme Catherine Vautrin. Or, nous verrons quel sera le bilan de la suppression de ce dispositif : elle créera, non pas des emplois nouveaux, mais un drame social pour nos concitoyens qui vont perdre ces 500 euros supplémentaires par an. Vous qui parlez de justice à longueur de temps, vous portez un coup dangereux au pouvoir d’achat de nos concitoyens transporteurs, ambulanciers, ouvriers…

C’est grave, car, je le répète, vous ne créerez pas d’emplois supplémentaires. En revanche, vous aurez menti. En effet, François Hollande a répété, pendant toute la campagne électorale, que vous ne toucheriez pas aux entreprises de moins de vingt salariés, mais il suffit d’ouvrir le rapport de M. Eckert à la page 82 pour s’apercevoir que tous les salariés, y compris les agents publics, sont concernés. Le changement dans le mensonge, avec vous, c’est maintenant ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Après avoir suivi le large débat qui s’est déroulé hier, je n’ai pas appris grand-chose ce soir. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Pierre Lellouche. Eh bien, il fallait rester chez vous !

M. Éric Alauzet. Chers collègues de l’opposition, on voit bien quelle est votre stratégie : pilonner sur le sujet grâce auquel vous essayer de vous refaire la cerise et de vous réconcilier avec les classes moyennes qui vous ont largement sanctionnés.

Il est vrai que la mesure que nous allons voter pourrait faire perdre un avantage aux 9 millions de salariés qui bénéficiaient de votre dispositif, mais cet avantage est bien loin de compenser les nombreux prélèvements que vous leur avez infligés, sans parler de leurs parents ou de leurs enfants chômeurs, qu’ils doivent aider et qui leur coûtent bien plus cher que le petit avantage que vous leur avez consenti.

Comment justifier cette mesure ? Elle n’a pas créé d’emplois ni stimulé le travail – le fait que les heures supplémentaires soient payées 25 % de plus suffit à le stimuler – ni favorisé la flexibilité, qui existe autant dans les autres pays qu’en France. Acculés, vous n’avez donc plus qu’un argument : le pouvoir d’achat de ces 9 millions de personnes.

M. François Rochebloine. Et alors ?

M. Yves Censi. Ce n’est pas rien !

M. Éric Alauzet. Le revenu complémentaire que représentent les heures supplémentaires leur permet, dites-vous, de consommer, donc de favoriser la croissance. Vous voilà pris en flagrant délit de keynésianisme ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mais voyez où vous conduisent vos excès, car, s’il s’agit de doper les salaires, la consommation, la croissance, que proposez-vous aux 15 millions de travailleurs qui n’ont pu bénéficier de votre dispositif ? Pourquoi n’auraient-ils pas droit à leur part des 4 milliards que vous avez consentis à 9 millions de personnes ? Vous avez décidément un talent fou pour diviser les Français. Vous faites les poches aux 15 millions de personnes qui n’ont pas accès aux heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.) Pourtant, elles peuvent, elles aussi, contribuer à la relance de la consommation. Alors, trouvons 4 milliards de plus…

M. Arnaud Robinet. C’est lamentable !

M. Éric Alauzet. …et apportons des revenus complémentaires à l’ensemble des Français : nous ne serons pas si loin du SMIC à 1 700 euros proposé par nos amis du groupe GDR ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Nicolas Sansu. Je suis d’accord ! ((Sourires.)

M. Éric Alauzet. Au fond, quel est ce système que vous nous proposez, dans lequel, à partir de la trente-sixième heure travaillée, on ne contribue plus à alimenter la caisse commune, au mépris de nos règles républicaines et de la Constitution ?

M. Philippe Vigier. Ça fait quatre minutes, monsieur le président !

M. le président. Mon cher collègue, il vous faut conclure.

M. Éric Alauzet. Vous êtes les fossoyeurs de toutes les règles, sociales, économiques, républicaines, et même de la Constitution ! (Mêmes mouvements.)

Non seulement les 15 millions de travailleurs qui n’ont pas accès aux heures supplémentaires ne bénéficient pas d’un salaire complémentaire qui leur permettrait de doper la consommation et la croissance…

M. le président. Je vous demande de conclure, mon cher collègue ; je ne voudrais pas me faire morigéner par les responsables du groupe SRC. (Sourires.)

M. Éric Alauzet. …mais ce sont elles qui financent votre dispositif. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. Concluez, s’il vous plaît !

M. Éric Alauzet. Je termine, monsieur le président.

Ce sont elles qui équilibrent les comptes sociaux et qui subissent les effets pervers de votre mesure. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. Je n’ai pas pour habitude d’interrompre les orateurs, mais je dois dire que vous battez des records, mon cher collègue.

M. Éric Alauzet. En réalité, vous aviez en tête le gel des salaires. Et, dans ces conditions, en effet, pour gagner un peu plus d’argent, il faut faire des heures supplémentaires. (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Souffrez, monsieur, qu’un de ceux que vous avez pris en flagrant délit de keynésianisme prenne la parole. (Sourires sur les bancs des groupes UMP et UDI.) J’ai appris tout à l’heure qu’il existait des moteurs à propulsion négative : c’est décidément une soirée très riche en enseignements !

Monsieur le ministre… Mais je vois que vous êtes en train de lire votre journal et je ne veux pas vous déranger. Comme j’ai quelques kilomètres au compteur, j’ai vu Mme Aubry lire des romans en séance publique pendant qu’elle nous infligeait les 35 heures.

Monsieur Cahuzac, la vérité, c’est que vous refaites la loi des 35 heures. (Exclamations sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.) En effet, ce que nous avions tenté de faire, c’est de contourner la durée légale du travail en permettant aux gens de travailler plus pour gagner plus. Dès lors, bien sûr, on peut se demander si nous n’aurions pas mieux fait de la supprimer totalement. C’est une vraie question et je suis prêt à en débattre. (Mêmes mouvements.)

Je suis heureux de vous intéresser enfin et de vous réveiller, mes chers collègues de la majorité ! Ce que vous voulez faire avec cet article 2, donc, c’est revenir strictement aux 35 heures. Tout ce qui dépasse coûtera au patron, à l’entreprise, mais aussi et surtout aux ouvriers !

M. Yves Censi. Très bien !

M. Pierre Lellouche. En dépit de votre grande intelligence, monsieur Cahuzac, vous refaites les mêmes erreurs que Mme Aubry, en invoquant d’ailleurs les mêmes arguments, selon lesquels les heures supplémentaires prennent le travail des autres – ce qui, en termes économiques, constitue une bêtise gravissime ! Partout ailleurs, en Europe et dans le monde, on sait que lorsqu’un système travaille, il crée de la richesse, à l’inverse de ce que vous prétendez ! Vous devriez le savoir ! J’étais ici, en 1997, quand cette aberration a été inventée. Et quinze ans plus tard, on y revient !

Votre deuxième erreur est une erreur politique remontant à cinq ans. En 2007, alors que vous étiez dans l’opposition, vous n’aviez de cesse de critiquer le bouclier fiscal, et aviez finalement réussi – n’est-ce pas, monsieur Le Roux – à nous coller les étiquettes de « Président des riches » et de « gouvernement des riches ». (« Et alors ? C’était vrai ! » sur les bancs du groupe SRC.) Savez-vous ce que vous êtes en train de vous faire à vous-mêmes ? Vous êtes en train de vous coller l’étiquette « majorité qui pique de l’argent aux pauvres » ! Vous êtes devenus le parti des bobos, et ceux que vous voulez taxer ce soir, ce sont les ouvriers et les petits employés ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Moi qui habite rue des Martyrs, je peux vous dire que les bobos qui ont voté pour vous ne sont pas concernés par les heures supplémentaires. En revanche, le commis boucher de la rue des Martyrs, il en a besoin, lui, des 500 euros que vous voulez lui prendre ! Vous avez abandonné les ouvriers pour devenir le parti des bobos, des petits bourgeois ! (Mêmes mouvements.) Je les plains, les cocus de la gauche ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Mais croyez-moi : dans les cinq ans à venir, les Français vont vous faire payer ce que vous êtes devenus ! Ils n’oublieront pas que vous leur avez menti, que vous les avez faits cocus !

Votre troisième erreur, mes chers collègues, c’est que cette monstruosité économique va très fortement pénaliser nos entreprises.

M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue.

M. Pierre Lellouche. On a vu, lors des dix dernières années, à quel point notre pays souffrait, notamment face à l’Allemagne, en raison des handicaps que nous cumulons en termes de coût du travail. Les mesures que vous voulez instaurer en matière de TVA et de suppression des heures supplémentaires vont encore aggraver notre sous-compétitivité.

Plusieurs députés du groupe SRC. Il n’y a pas de suppression des heures supplémentaires !

M. Pierre Lellouche. Vous allez vous rendre responsables de centaines de milliers de chômeurs en plus, et d’une aggravation du déficit du commerce extérieur. Je prends date devant vous, mes chers collègues, et devant vous, monsieur le ministre : n’oubliez pas ce que je vous ai dit ce soir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. J’espère que chacun aura apprécié l’intervention de Pierre Lellouche, qui a constitué un grand moment de vérité. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Michel Vergnier. On ne sait pas ce qu’il a mangé ce soir, mais effectivement, il était très remonté !

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le ministre, moi qui vous connais depuis plusieurs années, je pense que vous êtes là pour une seule chose. Ayez donc l’honnêteté de le reconnaître : si vous êtes là, c’est avant tout pour vous attaquer à la politique mise en œuvre par Nicolas Sarkozy ! (« Oui ! Et alors ? » sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Et vous le faites au détriment des classes moyennes et des petits salariés !

M. Michel Vergnier. Rendez-nous Lellouche !

M. Jean-Pierre Door. Mes chers collègues, j’ai été élu en faisant campagne sur un programme consistant à préserver l’exonération des cotisations sur les heures supplémentaires. Comme beaucoup d’entre nous, je suis allé à la rencontre des chauffeurs routiers, des ambulanciers, des petits commerçants, des petites entreprises du bâtiment, des agriculteurs. Tous sont favorables à la préservation de ce principe, ce qui explique que j’aie été très bien élu – contrairement à d’autres, qui ont été élus plus difficilement parce qu’ils n’avaient pas dit la vérité.

Par idéologie, vous allez léser un grand nombre de ces professionnels qui souhaitent gagner plus, en prétendant que votre mesure peut créer des emplois, alors que vous savez très bien que c’est faux. Je vais vous donner un exemple pour vous le montrer. Je connais une petite entreprise de confiserie-chocolaterie qui emploie 35 salariés et vend sa production en France, mais aussi à l’international, y compris dans des pays lointains. L’activité de cette entreprise est concentrée sur sept ou huit mois, à savoir les périodes de Noël, de Pâques et des communions. Le fait d’effectuer quatre heures supplémentaires par semaine, soit seize par mois, augmente le salaire brut mensuel des salariés concernés de 210 euros, le faisant passer de 1 636 euros à 1 846 euros. Sur la période de sept mois où ils effectuent ces heures supplémentaires, les ouvriers perçoivent donc 1 470 euros supplémentaires, soit l’équivalent d’un treizième mois. L’entrepreneur m’a confié qu’il ne pouvait pas se permettre d’embaucher une personne supplémentaire à temps complet (« Allons ! » sur les bancs du groupe SRC) et que la flexibilité dont il disposait lui était absolument nécessaire s’il voulait maintenir sa productivité. Ce que vous voulez faire, monsieur le ministre, constitue donc une double peine, s’appliquant à la fois à l’employeur et à ses salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Vergnier. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Door. Alors que vous vous cramponnez à l’idéologie du partage du travail, au principe initial des 35 heures, notre but est de défendre les petits salariés. Nous demandons donc la suppression de l’article 2. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Le débat actuel est révélateur des rapports difficiles qu’entretient une partie du Parlement français avec la notion de travail. Ce que veulent les Français, c’est du travail, cela ne fait aucun doute ! Et si, aujourd’hui, ce sujet suscite un débat devant notre assemblée, c’est en raison de décisions que l’actuelle majorité a prises en 1997, à l’initiative de Martine Aubry, visant à réduire la durée hebdomadaire du temps de travail.

Si le gouvernement Fillon a proposé de défiscaliser les heures supplémentaires et de les exonérer de cotisations sociales, c’était bien pour permettre à la France, à ses entreprises et à ses salariés, de sortir de la nasse des 35 heures. Il est tout de même paradoxal de voir que le budget de l’État est grevé par l’allégement des charges lié à la mise en œuvre des 35 heures, d’un montant annuel de 15 à 22 milliards d'euros, et que, parallèlement, il prend en charge la défiscalisation des heures supplémentaires à hauteur de quatre ou cinq milliards d'euros. Comme on le voit, la durée du temps de travail en France pose un vrai problème.

M. Pierre-Alain Muet. En France, on travaille 38 heures par semaine ! C’est-à-dire plus qu’en Allemagne, pour ne rien dire des Pays-Bas.

M. Thierry Benoit. Les 35 heures posent également des problèmes dans leur application, qui est à l’origine de grandes disparités selon que la personne concernée est un agent hospitalier, un fonctionnaire d’État ou territorial, un salarié faisant les trois huit dans une entreprise agro-alimentaire ou un salarié de la grande distribution.

Elles posent problème en termes de rémunération, car on sait que les salaires ont quasiment été gelés depuis 1999, et que même les Français ayant la chance d’avoir un travail à temps plein dans l’industrie ou la grande distribution ne perçoivent que des salaires modestes.

Elles posent enfin problème en termes d’attractivité des métiers.

M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue.

M. Thierry Benoit. Quelqu’un disait tout à l’heure que la suppression de la TVA sociale allait permettre de restituer 10 ou 12 milliards d'euros aux Français. C’est faire abstraction du fait que, d’un autre côté, ces 10 ou 12 milliards leur seront repris sous forme de CSG, laquelle frappe même les retraites les plus modestes.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais de quoi parlez-vous ?

M. Thierry Benoit. Je veux poser une question simple à M. le ministre : le Gouvernement est-il prêt, d’ici à la fin de l’année, à organiser un grand débat associant le Parlement, le Gouvernement et les partenaires sociaux, représentants des salariés et des employeurs, sur le travail et sa durée hebdomadaire en France ? Je souligne que la France est l’un des pays de l’OCDE où l’on travaille le moins…

M. Pierre-Alain Muet. Non, le plus !

M. Thierry Benoit. …en nombre d’heures par habitant : environ 700 heures par habitant.

Monsieur le ministre, êtes-vous disposé à organiser cette conférence sur le travail, la compétitivité des entreprises et la qualité de vie au travail ?

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, mes chers collègues, j’ai l’impression qu’en cette heure tardive, nous avons droit au défilé des acteurs de l’UMP, des acteurs plus ou moins bons, comme si M. Copé était revenu tout exprès parmi nous – c’est dire si l’enjeu est de taille, car on ne le voyait plus tellement à l’Assemblée ces derniers temps – pour organiser une espèce de Copé Comedy Club. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est où, Mamère ?

M. François de Rugy. On voit ainsi défiler les anciens ministres – les meilleurs d’entre eux, bien sûr : M. Woerth, M. Bertrand, M. Lellouche…

M. Xavier Bertrand. Fait personnel !

M. François de Rugy. …qui viennent nous expliquer comment l’économie fonctionne. C’est vrai qu’ils en connaissent un rayon en matière de fonctionnement de l’économie : il n’y a jamais eu autant de faillites d’entreprises en France, jamais autant de délocalisations que lorsqu’ils étaient aux affaires ! Monsieur Lellouche, ministre du commerce extérieur, il n’y a jamais eu plus de déficit que de votre temps ! (Mêmes mouvements.)

Dans tous les concours de stand-up, il y a une blague qui revient sans arrêt : chez vous, c’est la blague des 35 heures, et vous racontez la même depuis dix ans ! Mais les Français ont bien compris que vous avez gouverné pendant dix ans, et que vous avez eu la majorité à l’Assemblée nationale durant la même période, qui vient tout juste de prendre fin – ce dont vous avez, semble-t-il, un peu de mal à prendre conscience. Si les Français avaient souhaité que vous supprimiez définitivement les 35 heures, vous l’auriez fait ! Mais Jacques Chirac s’en est bien gardé lorsqu’il était Président de la République : il ne fallait pas toucher à ce qu’il considérait comme un acquis social !

M. François Rochebloine. Eh oui ! Il a raison !

M. François de Rugy. Nicolas Sarkozy n’y a pas touché non plus, craignant de se rendre impopulaire. Pourquoi vouloir revenir sur cette histoire maintenant que vous êtes passés dans l’opposition ?

Vous semblez redécouvrir ce qu’est un ouvrier, un employé, voire un fonctionnaire. Vous voudriez vous faire les hérauts de la fonction publique, ce qui ne va pas vraiment de soi, pour des membres de l’UMP ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Je pense que M. Woerth et M. Bertrand, lorsqu’ils étaient respectivement trésorier et secrétaire général de l’UMP, étaient beaucoup plus habitués, en tant que membres du premier cercle, à ce qu’on leur parle de l’ISF et du bouclier fiscal que de la défiscalisation des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.) Il est vrai qu’il y a peut-être une exception en ce qui concerne les heures supplémentaires : M. Copé, alors qu’il était à la fois député de Seine-et-Marne, maire de Meaux, président d’une communauté d’agglomération et président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, trouvait encore le moyen de faire quelques heures supplémentaires dans un cabinet d’avocats – des heures supplémentaires fort bien payées, si j’en crois les informations publiées dans la presse. Je comprends que les questions de défiscalisation aient alors revêtu une certaine importance à ses yeux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Estrosi. C’est scandaleux !

M. François de Rugy. Je savais bien que j’allais vous faire réagir, mes chers collègues, c’est d’ailleurs ce que je voulais.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur de Rugy, en tâchant d’éviter les réflexions d’ordre personnel.

M. François de Rugy. La vérité que vous ne voulez pas avouer, c’est que le cadeau fiscal que vous avez fait, vous l’avez fait payer pendant cinq ans aux autres salariés ! Eh bien oui, nous voulons mettre fin à cette politique consistant à opposer les salariés les uns aux autres, en supprimant une mesure particulièrement injuste ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)