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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Séance du mercredi 4 juillet 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Rappels au règlement

M. Christian Jacob

M. Marc Le Fur

Mme Catherine Vautrin

Mme la présidente

2. Débat sur les résultats du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes

3. Rappels au règlement

M. Bernard Accoyer

M. Bruno Le Roux

4. Débat sur les résultats du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 (suite)

Discussion générale

M. Jean-François Copé

M. Henri Plagnol

Mme Barbara Pompili

M. Alain Bocquet

M. Thierry Braillard

M. Christophe Caresche

M. Jean Leonetti

Mme Marietta Karamanli

M. Nicolas Dupont-Aignan

M. Pierre Lellouche

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Madame la présidente, je souhaite, sur la base de l’article 58, alinéa 1, de notre règlement, vous lire ce que disait le 25 juillet 2007 à quinze heures, Jean-Marc Ayrault,…

M. Christophe Castaner. Bonne référence !

M. Christian Jacob. …président du groupe SRC, à l’occasion d’un rappel au règlement : « Il y a quelques semaines, j’ai sollicité le Président de la République, qui a la maîtrise de l’ordre du jour de la session extraordinaire, afin que soit organisée […] une séance [hebdomadaire] de questions au Gouvernement. » Il est en effet anormal, ajoutait-il, que les députés siègent tout en étant privés de l’exercice de leur mission de contrôle.

À la suite de cette intervention, notre Constitution a été modifiée à l’initiative du Président Nicolas Sarkozy. Il est depuis clairement stipulé à l’article 48, alinéa 6, qu’ « Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. »

Ma question est simple, madame la présidente : dans les responsabilités qui sont les vôtres, comment comptez-vous faire appliquer notre Constitution à la fois dans son esprit et dans sa lettre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à le M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Ce sujet est majeur,…

Mme la présidente. Absolument.

M. Marc Le Fur. …car il s’agit de bien commencer cette session. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et ce mandat (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Or, pour bien commencer un mandat, on respecte le règlement !

L’article 133 de ce dernier est très explicite. Il renvoie à un article de la Constitution, ce qui n’est pas neutre, qui résulte lui-même d’une révision constitutionnelle, que certains avaient jugée insuffisante. Qu’ils appliquent au moins ce qui a été adopté en 2008 !

Les choses sont très claires : chaque semaine, y compris lors des sessions extraordinaires, une séance est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. C’est au présent de l’indicatif, ce qui, en droit, veut dire l’impératif. Cela s’apprend en première année de droit.

Mme la présidente. Pardonnez-moi, monsieur Le Fur, (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI)

M. Pierre Lellouche. Laissez-le parler !

M. Marc Le Fur. Si nous sommes très attachés à une telle séance, c’est parce que nous sortons d’une campagne et que nous sommes porteurs de questions très concrètes. Je porte pour ma part celles posées par les salariés d’une entreprise de 3 500 personnes, qui va fermer ses portes, l’entreprise Doux en Bretagne. Les 3 500 salariés sont menacés de chômage.

C’est une question d’actualité, qui pourrait être posée aussi bien par des membres de la majorité que par des membres de l’opposition. Or, nous ne sommes pas en mesure de la poser alors qu’il y a urgence. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Que l’on ne nous réponde pas qu’il y aura une séance de questions la semaine prochaine. Les jours voire même les heures comptent.

Le respect du règlement, cela vaut pour tout le monde ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. Monsieur Le Fur, à partir du moment où vous interveniez sur le même sujet que votre président de groupe, il ne me paraissait pas indispensable que vous preniez longuement la parole. (« Si ! » sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.)

Madame Vautrin, je vous donne la parole pour un rappel au règlement, mais pour trente secondes seulement si c’est sur le même sujet.

M. Pierre Lellouche. Commencez par respecter l’opposition ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Où vous croyez-vous ?

Mme Catherine Vautrin. Madame la présidente, j’ai le regret de vous dire que chaque député dans cet hémicycle peut s’exprimer dès lors qu’il s’agit d’un rappel au règlement. C’est précisément ce qui nous préoccupe et pourquoi j’interviens sur la base de l’article 58-1 de notre règlement en raison du déroulé de notre séance. Nous souhaitons que tous les parlementaires puissent s’exprimer.

Ainsi que l’a très bien rappelé M. Le Fur, l’article 48, alinéa 6, de la Constitution prévoit une séance de questions d’actualité par semaine ? Or, contrairement à ce que M. le président de l’Assemblée nationale a écrit à notre président de groupe, la déclaration de politique générale ne peut en aucun cas s’y substituer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Tel est bien le fond du problème, car nous avons tous sur ces bancs des questions à poser.

M. Jean-Claude Fruteau. Vous avez eu cinq ans !

Mme Catherine Vautrin. On a évoqué les problèmes industriels. À cet égard, on pouvait lire hier, dans le Bulletin quotidien, l’arrivée des commissaires au redressement productif. Je suis l’élue d’une région qui a vu son taux de chômage augmenter en raison des difficultés industrielles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Jusqu’à maintenant, nous avions un commissaire à la réindustrialisation. Quelle est donc la différence entre un commissaire à la réindustrialisation et un commissaire au redressement productif quand c’est la même personne, si ce n’est de l’affichage ? Si le changement, c’est simplement cela, c’est très inquiétant ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. J’ai bien entendu vos rappels au règlement.

Il est exact que, depuis 2008, la Constitution prévoit qu’au moins une séance de questions au Gouvernement par semaine est organisée,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Justement !

Mme la présidente. …y compris durant les sessions extraordinaires.

Mme Catherine Vautrin. C’est bien le problème !

Mme la présidente. Cette disposition est destinée à assurer, en séance, la permanence du contrôle parlementaire lorsque le Parlement siège.

Vous conviendrez,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

Mme la présidente. …peut-être, que la décision du Premier ministre de faire hier devant l’Assemblée une déclaration de politique générale suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 49, alinéa 1, de la Constitution, a amplement satisfait cet objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

De nombreux députés du groupe UMP. Non !

M. Pierre Lellouche. Forfaiture !

Mme la présidente. Par ailleurs, eu égard à l’importance des enjeux européens, le Gouvernement a pris l’initiative d’organiser dès aujourd’hui un débat sur les résultats du Conseil des 28 et 29 juin dernier.

Plusieurs députés du groupe SRC. Il a bien fait !

M. Pierre Lellouche. Respectez la Constitution !

Mme la présidente. La première semaine de la session extraordinaire est donc consacrée à des débats majeurs qui permettent aux députés, notamment ceux de l’opposition, d’interroger le Gouvernement sur des enjeux essentiels. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Lellouche. Respectez la Constitution !

Mme la présidente. Vous n’ignorez pas que le Premier ministre est aujourd’hui retenu au Sénat pour une déclaration suivie d’un débat en application de l’article 50, alinéa 1, de la Constitution.

Il n’aurait pas été opportun de tenir notre première séance de questions au Gouvernement en son absence, je pense que vous en conviendrez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

De nombreux députés du groupe UMP. Non !

M. Pierre Lellouche. C’est une honte !

2

Débat sur les résultats du Conseil européen
des 28 et 29 juin 2012

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur les résultats du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012.

La parole est…

M. Christian Jacob. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

Mme la présidente. …à M. le ministre des affaires étrangères. (Vives protestations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe UMP, dont de nombreux députés se lèvent.)

Mes chers collègues, je vous demande de vous asseoir. ! Ceux qui, comme M. Le Fur, sont vice-présidents de l’Assemblée, savent qu’à partir du moment où la parole a été donnée au Gouvernement, il n’est pas d’usage de la reprendre.

Monsieur le ministre, vous avez la parole. (Vives protestations sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. J’ai demandé la parole pour un rappel au règlement !

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est un président de groupe !

M. Thierry Mariani. Il y a un règlement !

Mme la présidente. La parole est maintenant au ministre et à lui seul. (Vives protestations et claquements de pupitre sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Madame la présidente…

De très nombreux députés du groupe UMP. Non !

M. Marc Le Fur. Rappel au règlement !

M. Laurent Fabius, ministre. ...mesdames, messieurs les députés…

De très nombreux députés du groupe UMP. Non !

M. Laurent Fabius, ministre. …je retrouve avec plaisir le calme de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – De très nombreux députés du groupe UMP se lèvent et se dirigent vers la sortie de l’hémicycle.)

Mme la présidente. Que ceux qui ne souhaitent pas participer au débat sortent, mais rapidement alors.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est scandaleux ! Vous ne respectez pas la Constitution !

M. Pierre Lellouche. Apprenez à respecter le Parlement ! Où vous croyez-vous ?

M. Laurent Fabius, ministre. Avant d’aborder le débat qui nous occupe, Je voudrais dire l’honneur et le plaisir que cela représente pour mon ami Bernard Cazeneuve et pour moi-même de me retrouver devant vous. Nous sommes à la disposition de l’Assemblée nationale, sachez-le. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. Thierry Mariani. Vous violez le règlement, madame la présidente ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur le ministre.

M. Laurent Fabius, ministre. Aujourd’hui, nous allons discuter de l’important sommet européen qui a eu lieu la semaine dernière. Je vais essayer d’abord de vous en décrire les résultats dans les grandes lignes, ensuite de répondre à une question légitime qui a été posée par les commentateurs – qui a gagné, qui a perdu ? – et, enfin, d’en examiner les suites.

Ce sommet, sommet européen traditionnel, qui avait été précédé de dix-sept ou dix-huit sommets censés mettre fin à la crise, ce qui, malheureusement, nous le savons, n’a pas été le cas, a été, comme tous les sommets, l’occasion de discussions extrêmement profondes. Des résultats ont été obtenus, que je veux résumer devant vous.

Le premier, qui a fait les grands titres des journaux, à juste titre, c’est que, pour la première fois depuis des années, a été conclu un pacte de croissance et d’emploi, l’une des revendications, vous le savez, du candidat François Hollande, devenu depuis Président de la République française.

Ce pacte de croissance est composé de plusieurs éléments.

Il comprend d’abord une augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement. C’est une banque assez discrète mais fort importante parce qu’elle permet de réaliser toute une série d’investissements publics dans vos collectivités. Il a été décidé, sur proposition notamment de la France, que cette Banque, qui manquait de fonds propres, pourrait être recapitalisée à hauteur de 10 milliards d’euros ; Cela signifie qu’à partir du moment où ces fonds auront été versés, avant la fin de l’année, elle pourra consentir un certain nombre de prêts. On estime à 60 milliards d’euros les sommes disponibles, lesquelles, par un effet multiplicateur de partenariat, pourront aboutir à engager 180 milliards d’euros de crédits nouveaux, qui, chacun en conviendra, seront bien utiles à l’investissement dans notre pays au moment où tant de difficultés nous assaillent.

Dans le même ordre d’idées, des fonds structurels étaient disponibles, soit 55 milliards d’euros. Il a été décidé que ces fonds, qui n’étaient pas encore engagés, seraient réorientés. Les différents pays d’Europe pourront donc disposer de 55 milliards d’euros pour la croissance.

Le troisième élément n’est pas sans importance malgré son caractère expérimental pour le moment. Il s’agit de ce que les Anglais appellent les project bonds, c’est-à-dire des emprunts pour financer des projets. D’un montant de cinq milliards d’euros, ces fonds peuvent être utilisés pour des choses aussi importantes que les économies d’énergie ou les transports, bref ce qui favorise l’investissement et assure l’amélioration de la vie dans nos régions et dans nos départements.

Ce ne sont pas les seuls éléments décidés en faveur de la croissance.

Dans le même esprit, même si cela semble un sujet différent, une affaire traîne – je peux en témoigner – depuis plus de vingt-cinq ans : la mise en place du brevet unitaire européen, qui butait sur des querelles techniques et politiques, a été résolue. Elle l’a d’ailleurs été dans l’intérêt de la France, car le siège de l’organisation y sera principalement situé et son premier président sera français. Le problème du brevet européen, sous réserve des dispositions que devra prendre le Parlement européen, peut donc être considéré comme réglé.

Enfin, un sujet auquel nous sommes tous sensibles : la fameuse taxe sur les transactions financières, dont on avait tellement parlé et qui avait donné lieu à tant de commentaires. Elle a été décidée dans son principe, non pas pour l’ensemble des pays de l’Union européenne puisque des pays n’en veulent pas, mais sous forme de coopération renforcées dès lors que neuf États – ils y sont déjà disposés – auront pris la décision d’instituer cette taxe, laquelle répondra utilement aux besoins.

Si vous additionnez l’ensemble de ces mesures – 180 milliards d’euros par le biais de la Banque européenne d’investissement, 55 milliards au titre des fonds structurels, 5 milliards pour les project bonds, l’influence de la taxe sur les transactions financières et le brevet européen –, vous parvenez à adopter ce qui est expressément appelé « pacte d’emploi et de croissance » sous la forme d’une décision. Dans le vocable européen, la décision signifie quelque chose ; ce n’est pas la même chose qu’une recommandation ou qu’une résolution.

Cette décision, qui doit se traduire en termes concrets, à condition que le gouvernement français, les régions, les départements et les communes présentent des demandes dans les mois qui viennent, permettra un soutien fort utile à la croissance et à l’emploi dans notre pays.

Voilà pour la première partie qui correspond à une demande, de la France ai-je dit, mais pas seulement. De nombreux pays ont pris le relais de cette demande française, certains d’une manière inattendue. C’est l’un des principaux succès de ce sommet des 28 et 29 juin.

Deuxième résultat fort utile qui va dans le même sens, me semble-t-il : nous avons pu débloquer non pas toute la crise financière, ce serait illusoire de le dire, mais une part importante de celle-ci en prenant des dispositions qui là aussi semblent être techniques, et le sont, mais qui ont une traduction concrète que je vais essayer d’expliquer.

L’une des difficultés rencontrées tenait à ce que certaines banques manquaient de capitaux. Ce sont les entreprises et les particuliers qui subissaient les conséquences du manque dont étaient victimes les banques. Il a été rendu possible de recapitaliser les banques sans passer les États comme c’était le cas auparavant. La mobilisation des États créait un cercle vicieux : l’argent émis par eux pour la recapitalisation donnait lieu à un surcroît de déficit qui avait pour conséquence l’augmentation des taux d’intérêt.

Grâce à cette décision qui demandait de l’audace et était réclamée depuis longtemps, notamment par la France, au lieu de passer par les États le fonds européen de stabilité financière et le mécanisme européen de stabilité pourront demain recapitaliser directement les banques. Cela permettra de faire face aux exigences financières sans augmenter les déficits et de favoriser ainsi une baisse des taux d’intérêt.

Parallèlement, des dispositions ont été prises – nous entrons là dans la technique des techniques – pour corriger une erreur, car à tout le moins une décision prise précédemment était une erreur. En vertu de celle-ci, le mécanisme européen de stabilité était prioritaire pour l’exigibilité des créances. Cette mesure en apparence positive pour ces fonds avait en réalité pour conséquence de dissuader les autres prêteurs – les fonds d’investissement privés – d’accorder des prêts au fonds actuel et, demain, au mécanisme. Ces créanciers privés n’avaient pas l’assurance d’être remboursés en cas de faillite du fait de la garantie de premier rang des États. Il était par conséquent difficile de trouver les fonds nécessaires. Il a donc été décidé de permettre des émissions de créances, directement et sans accorder – c’est le terme technique – de privilège de séniorité.

Dernier élément en matière financière, il a été décidé, c’est important, que le fonds de stabilité financière puis demain le mécanisme européen de stabilité, par l’intermédiaire de la Banque centrale européenne, pourraient plus aisément souscrire directement des obligations, allégeant ainsi les contraintes des États.

Autre perspective importante, il a été décidé dans le même mouvement de mettre en place un système de supervision bancaire. Jusqu’à présent, la surveillance des banques n’a pas été, on peut le dire, très efficace comme en témoignent les difficultés espagnoles notamment. Cette supervision, assurée pour l’essentiel par la banque centrale européenne, permettra de s’assurer que les banques ne se livrent pas à des opérations de cavalerie.

En plus du pacte de croissance, la deuxième série de décisions importantes institue donc en matière financière un régime beaucoup plus sécurisé qu’il ne l’était par le passé.

M. Gilbert Collard. C’est technocratique !

M. Laurent Fabius, ministre. Ce sommet a pris des décisions sur un troisième point fort important lui aussi. Un rapport avait été confié à quatre personnalités : le président de la Commission européenne, le président de l’Eurogroupe, le président de la Banque centrale européenne et le président du Conseil. M. Herman van Rompuy, président du Conseil européen, a ainsi remis des propositions sur ce que pourrait être dans le futur l’architecture européenne. J’indique, pour traduire la vérité, qu’aucun accord n’est intervenu lors du sommet sur ces questions. Plusieurs pays ont fait part de leur point de vue. Il est vrai que les questions posées sont très importantes pour nous tous. Doit-on s’en tenir à l’intégration actuelle qui est assez limitée, ce qui explique les difficultés que l’on connaît ? Nous connaissons les difficultés que pose l’existence d’une monnaie unique sans une politique économique et une politique monétaire harmonisées et sans un contrôle démocratique, car nous en subissons les conséquences.

La proposition de M. Van Rompuy, qu’il appelle de ses vœux, prévoit qu’au fur et à mesure qu’une intégration plus grande sera réalisée, une compétence partagée sera mise en place donnant lieu à une solidarité nouvelle et accompagnée d’un contrôle démocratique plus effectif. On ne peut pas imaginer, nous ne serions pas d’accord avec cette perspective, que des décisions renforçant l’intégration soient prises sans que vous-même ou le Parlement européen y soient associés.

Une discussion a donc eu lieu – il ne s’agit encore que de perspectives et non de décisions concrètes. Un rapport intérimaire, remis en octobre, et un rapport final en décembre doivent proposer une perspective, que nous soutenons, d’intégration solidaire aux uns et aux autres.

Ces résultats, acquis au prix de discussions très difficiles, ont été accompagnés d’avancées qui pour certaines seront des avancées de vocabulaire, mais qui ne sont pas seulement cela. La réciprocité commerciale, qui correspond à une idée chère sur plusieurs bancs de l’Assemblée, a été retenue dans le pacte. Cela comprend l’exigence que les marchés publics, ouverts en Europe, le soient aussi dans d’autres pays, ou encore la prise en compte de critères environnementaux, sociaux et monétaires dans les discussions avec l’Asie ou d’autres continents. Toutes ces questions ont été amorcées, je ne dis pas plus que cela, à travers une série de sujets.

Il a été enfin dit que toutes les dispositions prises, ou toutes les décisions au sens juridique du terme, devaient être destinées à renforcer la croissance, à améliorer l’emploi, des jeunes notamment, et à lancer des projets utiles à la fois à nos nations et à l’ensemble européen – j’ai parlé des transports, des économies d’énergie ; dans nombre d’autres secteurs, nous avons besoin évidemment de croissance supplémentaire.

Au terme de ces heures de réunions et de discussions intenses, avec une série de coups de théâtre qui font partie des traditions bruxelloises, les résultats ont été jugés généralement positifs par les commentateurs. Je sais qu’ils n’ont pas été jugés bons de tous les côtés. C’est là la deuxième question à laquelle je vais essayer de répondre. Nous verrons dans les autres interventions que nous écouterons avec beaucoup d’intérêt, M. Cazeneuve et moi-même. J’ai recensé trois séries de réactions. Je ne veux pas anticiper sur ce qui sera dit dans cet hémicycle mais, d’après ce que j’ai lu, je peux essayer de les caractériser.

Du côté tout à fait à gauche de l’hémicycle, les conclusions du sommet ont été jugées insuffisantes. Des termes extrêmement durs ont été employés. J’ai lu dans un journal qui reflète fidèlement la pensée d’une partie de nos collègues situés de ce même côté – on aura facilement compris mon allusion – qu’il s’agissait d’une capitulation.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Eh oui !

M. Laurent Fabius, ministre. Je crois que le terme ne convient pas du tout à ce qui a été décidé. Il est vrai que le pacte budgétaire, complété ainsi que je viens de le décrire, vous sera finalement soumis. Mais je ne pense pas qu’on puisse utiliser le terme de capitulation. Les mesures en faveur de l’emploi, de la croissance, la taxe sur les transactions financières, le financement que je viens d’évoquer vont dans le bon sens même si on peut regretter des insuffisances.

Du côté droit – actuellement allégé – de l’hémicycle, les réactions ont été diverses. Nous verrons tout à l’heure quelles sont les réactions officielles. Je dis « les » parce qu’il y a certes un porte-parole mais il me semble qu’il y a plusieurs demeures dans la maison du père…(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer. C’est un expert qui s’exprime !

M. Laurent Fabius, ministre. Merci M. le président Accoyer de vous souvenir que vous avez été président de l’Assemblée nationale…

M. Bernard Accoyer. Et le fameux plan B !

M. Laurent Fabius, ministre. Il est vrai qu’à Colombey-les-deux-églises, il y a deux églises mais chez les gaullistes, il y a beaucoup plus que cela (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Du côté droit de l’hémicycle donc, il y a plusieurs réactions. J’ai ainsi entendu que ce qui a été obtenu n’était au fond que la reprise de ce qui était en cheminement depuis des mois et des mois. Peut-être disposez-vous d’informations dont nous sommes dépourvus. Lorsque M. Cazeneuve et moi-même avons repris les dossiers, nous n’avons pas eu le sentiment que les décisions qui ont été prises la semaine dernière étaient déjà, comme on dit vulgairement, dans les tuyaux.

M. Jean-Louis Borloo. Si !

M. Laurent Fabius, ministre. Si M. Borloo qui était un membre du gouvernement nous dit le contraire, je prends en considération ce qu’il nous dit. (Exclamations sur certains bancs du groupe SRC.)

Cependant, cher monsieur Borloo, il est une phrase, de Stendhal je crois, qui dit : « Faites attention : si vous continuez d’être de bonne crois : je risque d’être d’accord avec vous. Faites attention ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Non, les choses n’étaient pas dans les tuyaux.

M. Jean-Louis Borloo. Si !

M. Laurent Fabius, ministre. Si quelques dispositions avaient été étudiées, il y a une certaine différence entre la préparation des décisions et les décisions prises. Je ne sache pas qu’il y ait eu des décisions prises sur la taxe sur les transactions financières, pas plus que sur le pacte sur la croissance et sur l’emploi ou encore sur les dispositions financières. Donc il y a une certaine différence entre parler des choses et décider des choses (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, il y a une troisième réaction qui est majoritaire, à la fois dans l’opinion, chez les commentateurs et dans cette assemblée, qui considère que finalement les résultats sont un acquis positif. Le Président de la République lui-même n’a pas voulu faire de triomphalisme. En réponse à la question : « qui a gagné ? qui a perdu ? », n’a-t-il pas répondu : « c’est l’Europe qui a gagné » ?

Il a eu raison de répondre ainsi. Sans être du tout en désaccord avec lui, je pourrais répondre que je ne sais pas qui a gagné, mais, comme aurait dit Joffre, je sais qui aurait perdu si nous n’avions obtenu ces résultats.

Il y a donc eu, oui, de bons résultats. À quoi sont-ils dus ? L’initiative de la France de soumettre un pacte de croissance a été soutenue y compris hors d’Europe. J’ai été frappé, en accompagnant le Président de la République aux États-Unis dans plusieurs sommets, du G8 et du G20, de voir à quel point cette idée de la croissance nécessaire était soutenue, par Barak Obama et par de nombreux autres. Du même coup, par un effet indirect, cela a pu peser sur certains de nos collègues des autres pays.

En Espagne, en Italie, la même volonté de croissance voit le jour et nous pouvons le comprendre. Dans la situation actuelle, tous les pays sont conduits à des économies budgétaires. S’il se produit uniquement une diminution de la masse monétaire ou financière infusée dans les différentes économies, sans aucune compensation au niveau européen, on ira alors vers la récession. C’est pourquoi nous avons obtenu un soutien extrêmement appuyé de la part de pays comme l’Italie ou l’Espagne.

L’autre élément qui explique ce que je peux considérer comme un succès, c’est que le rapport entre l’Allemagne et la France – la question a été soulevée et elle le mérite – n’a pas été traité de la même manière par ce gouvernement que par ses prédécesseurs. Entendons-nous bien : pour nous, l’amitié, la coopération entre la France et l’Allemagne est un élément absolument central. Il ne peut en être autrement, ne serait-ce que parce que la France et l’Allemagne représentent à elles deux la moitié du produit intérieur brut européen. Mais pour que les choses fonctionnent bien, il faut que cette coopération soit non seulement centrale, mais aussi égale et partenariale.

Pour qu’elle soit égale, il faut, comme dans tout couple équilibré, que les uns et les autres reconnaissent leurs droits mutuellement et essaient de se comprendre. Je fais souvent sourire mes amis allemands en leur disant qu’il faut parfois expliquer aux Français que les Allemands ne sont pas des Français qui parlent allemand ! C’est un peu plus compliqué que cela. Symétriquement, il faut que nos amis allemands – et beaucoup le comprennent – mesurent bien qu’il n’y a pas de santé pérenne possible pour l’Allemagne si l’Europe est durablement déprimée, dans la mesure où nous sommes ses premiers clients et ses premiers fournisseurs. Cette idée commence, me semble-t-il, à se faire jour.

De même, il faut aussi un partenariat. On a besoin du moteur franco-allemand, mais l’Europe ne peut fonctionner dans un système de condominium franco-allemand qui décide pour tous les autres. Nous devons nous tourner aussi vers les autres pays, l’Italie, l’Espagne, la Belgique…, de même que vers les autres institutions : le Parlement européen, le Parlement national de la France, la Commission, le Conseil, la Banque centrale européenne… C’est, je crois, en partie pour avoir oublié cette réalité que ce qui a été obtenu la semaine dernière n’avait pu l’être dans la période précédente. Si un succès a été remporté, ce n’est pas pour la France, l’Italie ou l’Allemagne, mais c’est pour l’ensemble de l’Europe.

S’il faut rester prudent, tous les problèmes n’étant pas réglés au fond, je pense que ce qui a été décidé la semaine dernière a été perçu positivement.

Dernière question : quelle est la prochaine étape ?

M. André Chassaigne. Un référendum !

Plusieurs députés du groupe UDI. Le plan B !

M. Laurent Fabius, ministre. La prochaine étape, comme la précédente, est conforme aux engagements du Président de la République. Vous avez suivi avec suffisamment d’attention la campagne présidentielle pour savoir que, cette question ayant été posée, la position du Président, alors candidat, et entre-temps élu par les Français, a été de dire qu’il faudra que la réponse soit décidée par vous-mêmes, mesdames et messieurs les parlementaires.

M. André Chassaigne. Il faut vérifier que le peuple soit d’accord !

M. Laurent Fabius, ministre. Concrètement, il faut d’abord veiller à ce que toutes les décisions auxquelles je viens de faire allusion soient effectivement mises en pratique. Ce qui demande un travail très précis. Le 9 juillet aura lieu une réunion de l’Eurogroupe, et M. Moscovici, ministre de l’économie et des finances, aura la redoutable tâche de commencer à mettre en pratique les décisions prises au mois de juin. Entre le mois d’octobre et la fin de l’année, il faudra que le Gouvernement soit extrêmement attentif sur toute une série de dispositions, pour que les choses ne se perdent pas dans les sables, comme c’est parfois le cas, et qu’effectivement la taxe sur les transactions financières entre en application, que la Banque européenne d’investissement soit saisie de demandes par vos régions, départements et communes, à travers l’État, afin que les succès obtenus se traduisent véritablement dans les faits.

Cela ne veut pas dire pour autant que les questions seront toutes réglées. Nous avons devant nous des problèmes énormes, par exemple en Grèce. Il y aura bien sûr à discuter des perspectives financières pour 2014-2020 ; cela ne se présente pas facilement. M. Cazeneuve aime à souligner le paradoxe en la matière : d’un côté, on nous demande, au niveau européen, de réaliser des économies dans nos budgets nationaux et, de l’autre, si nous voulons donner un peu de muscle à l’Europe, nous savons que des budgets suffisants sont nécessaires. D’autres contradictions existent encore. De même, il faudra discuter sur toute une série d’autres sujets qui ne sont pas directement financiers.

En outre, il faudra que cette discussion ouverte par le rapport Van Rompuy, nous l’ayons entre nous. C’est une discussion fondamentale. La majorité de cette assemblée est favorable à des avancées européennes, mais pas, comme aurait dit le général de Gaulle, en sautant sur nos chaises. François Hollande a employé l’expression d’« intégration solidaire » : il faut qu’à chaque fois qu’une compétence doit être partagée, il y ait une avancée de l’intégration, de la solidarité et un contrôle démocratique. Ce qui soulève toute une série de problèmes. Est-ce qu’on procède à vingt-sept ? Dans certains cas, c’est possible, dans d’autres non. Est-ce qu’on procède à dix-sept ? Est-ce que, dans d’autres cas, on procède sous forme de coopération renforcée ? Et comment le contrôle s’exerce-t-il ? C’est la réflexion que nous conduirons ensemble au cours des prochains mois.

Il faudra voir – et je réponds ainsi à la question de M. Chassaigne – si nous soumettons tout cela à la population française directement ou bien à ses représentants.

Le Conseil constitutionnel devra être consulté pour la partie relative au pacte budgétaire, puisqu’il s’agit d’un traité international. Il nous dira s’il faut ou non réviser la Constitution. Dès lors qu’il sera possible – c’est notre analyse – de procéder avec un ordre juridique constant, vous serez saisis, mesdames et messieurs les députés, le plus vite possible de l’ensemble de ces dispositions : du pacte budgétaire, bien sûr, mais aussi du pacte de croissance et d’emploi, de la taxe sur les transactions financières, des autres dispositions qui vont dans le sens souhaité par vous-mêmes et beaucoup d’autres.

Quand pourrons-nous le faire ? Cela paraît difficile de le faire au cours de la présente session extraordinaire, mais ce sera le plus tôt possible à la rentrée, pour que nous ayons une direction européenne clairement affirmée.

Dans la campagne législative que nous avons tous menée, comme dans la campagne présidentielle, je suis sûr que vous avez été frappés comme moi par une différence, et même une divergence, voire un fossé, entre, d’un côté, l’adhésion de nos concitoyens à l’idée européenne – les Français sont, d’une façon générale, pour l’idée européenne – et, de l’autre, leur réticence sur les modalités pratiques, sur la traduction de cette idée. Au fond, ils nous disent que l’Europe doit être une solution et non un problème.

Il y a là quelque chose de très menaçant, non seulement d’un point de vue économique mais aussi d’un point de vue démocratique, car il faut que nos concitoyens se retrouvent dans le projet que nous sommes en train de bâtir. Ce qui a été obtenu la semaine dernière est positif dans la mesure où cela permet, à condition que cela soit traduit concrètement, de réduire ce fossé, de montrer à nos compatriotes que l’Europe, corrigée sur de nombreux points, peut être une solution et non un problème supplémentaire.

Je me rappelle l’anecdote qui courait il y a quelques années au sujet d’Henry Kissinger, lequel disait : « L’Europe, très bien, mais quel est le numéro de téléphone ? » Aujourd’hui, il y a un numéro de téléphone, et même plusieurs – ce qui est d’ailleurs un des problèmes –, mais s’il est important d’avoir un numéro, il faut surtout avoir une réponse au téléphone !

Ce qui s’esquisse à travers les décisions prises la semaine dernière, pour lesquelles le Président français a joué un rôle majeur, c’est une réponse aux interrogations européennes de nos concitoyens. Et parce que les résultats du sommet de Bruxelles vont dans le bon sens sur cette réponse, je suis heureux, au nom du Président de la République et du Gouvernement, de vous les avoir présentés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord vous dire l’émotion et la fierté qui sont les miennes en m’adressant à vous pour la première fois en tant que présidente de la commission des affaires étrangères.

M. Jacques Myard. Malheureusement !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Et je salue le retour de nos collègues de l’opposition ! (Sourires.)

Le dernier Conseil européen a démenti les pronostics alarmants et restera certainement comme celui où les dirigeants européens auront réussi à définir, pour la première fois, une réponse équilibrée et cohérente à la crise de la zone euro, et à tracer une perspective globale pour l’avenir de l’Union économique et monétaire.

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est faux !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Depuis deux ans, de Conseil en Conseil – celui-ci était le dix-neuvième –, l’Union n’avait apporté que des réponses tardives et insuffisantes à la crise.

Surtout, ces décisions étaient profondément déséquilibrées. La généralisation des plans d’austérité a compromis la croissance, fait exploser le chômage et la pauvreté, et rendu plus difficile encore la réduction des déficits et de la dette.

M. Jacques Myard. Et ça va continuer !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. L’engrenage de la dégradation économique, sociale et politique a atteint son paroxysme en Grèce.

La situation tragique de ce pays illustre d’ailleurs les effets d’une politique mécanique et brutale qui casse tout dynamisme économique et enclenche un cycle récessif ainsi qu’une détresse sociale insoutenable. En dépit des efforts consentis par le peuple italien, l’Italie aussi est frappée de plein fouet par le coût du refinancement de sa dette. Quant à l’Espagne, elle s’enfonçait sous le poids des difficultés de ses banques.

Comme l’a relevé, il y a peu, Jacques Delors, poursuivre dans cette voie aurait été s’enfoncer dans la stagnation économique et le déclin. Cela fait d’ailleurs des mois que nos partenaires du G8 et du G20 et les opérateurs des marchés financiers placent au premier rang de leurs inquiétudes la stagnation de la croissance. Encore tout récemment, l’OCDE nous a mis en garde contre une sévère récession.

C’est pour toutes ces raisons que, dès son investiture, le Président de la République a placé au premier rang de son agenda européen l’exigence d’un pacte pour la croissance.

Je veux rappeler que le Président, avec la Chancelière dès le 15 mai, c’est-à-dire le jour même de son investiture, et avec les autres dirigeants européens lors du Conseil européen informel du 23 mai, a exposé ses propositions concrètes pour réorienter l’Europe vers la croissance et l’emploi, tout en réaffirmant son exigence de réduction, en France, des déficits pour un retour à l’équilibre en 2017, et la négociation a enfin abouti.

Ce dernier Conseil a adopté une stratégie d’ensemble qui comporte plusieurs volets : des mesures immédiates et concrètes de soutien à la croissance – le ministre vient d’en parler –, une supervision bancaire européenne, des mesures de solidarité pour diminuer le coût des emprunts et aider les États en difficulté à maîtriser leur dette, et enfin des perspectives pour améliorer le fonctionnement de la zone euro par une « intégration solidaire », comme nous l’avions souhaité.

C’est donc un succès incontestable, celui, je dois le souligner, de la nouvelle diplomatie européenne de la France voulue par le Président François Hollande et conduite avec brio par le ministre des affaires étrangères et par le ministre des affaires européennes. (Interruptions sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Le Président de la République a voulu, dès le soir de son investiture, engager le dialogue avec la Chancelière pour construire, au cours de rencontres successives, une relation fondée sur la fermeté et le respect afin que la France et l’Allemagne puissent continuer à entraîner l’Union européenne sans dominer leurs autres partenaires. Le travail commun engagé avec le président de l’Eurogroupe et celui du Conseil italien, et l’attention qui a été portée aux demandes de l’Espagne, montrent que désormais, la diplomatie de notre pays, sans négliger le moteur franco-allemand, est attentive aux besoins et aux propositions d’autres États membres, ainsi qu’à celles, trop longtemps ignorées je dois le dire, des présidents du Conseil, de la Commission et du Parlement européen.

Le ministre des affaires étrangères vient de rappeler le dispositif global, qui comporte plusieurs volets.

S’agissant du pacte de croissance, son chiffre global, 120 milliards d’euros, représente 1 % du produit intérieur de l’Union européenne,…

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est rien !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. …mais il pourra être considérablement accru via l’augmentation du capital de la BEI par des partenariats, évidemment privés-publics, pour financer des investissements, notamment en matière de transports et d’économies d’énergie ; les project bonds ont été décidés à titre expérimental, mais leur montant pourra être augmenté ; enfin, les 55 milliards d’euros de fonds structurels seront consacrés, eux aussi, à des mesures destinées à dynamiser la croissance et à favoriser l’emploi.

Le deuxième grand volet à saluer, concerne les mesures de contrôle des banques pour éviter que ces établissements n’aggravent, par leurs difficultés, celles des États. La supervision bancaire qui a été décidée pourra préfigurer, à terme bien entendu, une union bancaire plus protectrice contre les dérives du système financier. Un tel dispositif permettra également d’aider l’Espagne avec un plan de recapitalisation de ses banques.

Un député du groupe UMP. Bla-bla-bla !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Troisième volet : la solidarité. Le fonds européen de stabilisation financière puis le mécanisme européen de stabilisation seront dotés d’une plus grande flexibilité de leurs conditions d’intervention pour qu’ils puissent prévenir les risques et les crises, accompagner les efforts des États et pas seulement intervenir dans l’urgence au profit de ceux qui sont déjà au bord du gouffre. Il est vrai que le texte manque encore quelque peu de précision là-dessus, mais notons tout de même que le MES pourra sous certaines conditions être autorisé à acheter de la dette d’un État sur le marché…

M. Jacques Myard. Ce sont les contribuables qui paieront !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. …et qu’une conditionnalité plus souple pourra être accordée.

Je tiens par ailleurs à souligner également l’importance de la taxe sur les transactions financières. Certes, elle devra être adoptée sous forme de coopération renforcée, mais elle sera également très utile pour dynamiser l’emploi.

Le dernier volet offre une nouvelle vision de l’Union économique et monétaire. Le ministre a rappelé que le Conseil européen avait approuvé le rapport de M. Van Rompuy, chargé d’élaborer dans les mois qui viennent une feuille de route assortie d’un calendrier précis pour parvenir à une véritable union économique et monétaire.

Dans cette orientation future, trois esquisses vont me semble-t-il dans le bon sens, même si elles restent encore à compléter.

Tout d’abord, au titre de la supervision bancaire européenne, il y a la possibilité de créer un instrument européen de garantie des dépôts.

Deuxième piste importante : une coordination budgétaire accrue qui ouvre la perspective d’une gestion mutualisée des dettes publiques, c’est-à-dire des eurobonds que nous réclamons ; ce serait l’aboutissement d’un processus de coordination des budgets des États membres.

M. Jacques Myard. Et on paiera encore !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. La troisième piste, enfin, concerne la stratégie économique d’ensemble, avec l’orientation vers une croissance durable, créatrice d’emploi et assurant la compétitivité.

Je dois appeler votre attention sur le fait qu’il existe une quatrième piste, mais qu’elle n’est qu’ébauchée : il s’agit de la légitimité démocratique de l’Union. Important sujet, problème ancien mais qui devient évidemment de plus en plus aigu au fur et à mesure que se développent les partages de souveraineté entre l’Union et les États membres.

Voilà ce qu’il en est du dispositif. Sans verser bien sûr dans le triomphalisme (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé. Il n’y aurait pas de quoi !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. …ni dans un optimisme qui serait déplacé, on peut dire que le Conseil européen a réorienté l’Union européenne vers la croissance et la solidarité, impulser une nouvelle dynamique et commencer à dessiner une véritable vision d’avenir. (« C’est faux ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP).

Ces progrès prometteurs, il va falloir évidemment les consolider et les amplifier et, surtout, travailler très vite, comme nous l’a demandé le ministre des affaires étrangères, à la traduction concrète des engagements, notamment pour que nos collectivités territoriales puissent présenter des projets lisibles par le nouveau fond d’investissement.

Par ailleurs, n’oublions pas la nécessité de faire avancer l’harmonisation fiscale et sociale pour mettre fin à la concurrence fiscale et sociale mortifère entre États membres.

M. Jacques Myard. Des mots ! Des mots !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Enfin, chers collègues, je rappelle que notre responsabilité va être d’inventer de nouvelles formes de contrôle démocratique. En effet, s’il y a bien sûr un contrôle des règles communes – c’est bien le moins –, il ne faut en aucun cas qu’il soit bureaucratique : ce contrôle doit être politique et démocratique. À cet égard, nous, parlements nationaux, en lien avec le Parlement européen, devons pouvoir nous prononcer sur toutes les étapes du processus de coordination des politiques budgétaires, financières et économiques. Notre assemblée, nos commissions, chers collègues, celles des affaires étrangères et des affaires européennes, devraient travailler ensemble et avec leurs homologues européens sur des propositions précises pour combler le déficit démocratique de l’Union.

J’en termine sur le sujet de notre débat en rappelant qu’à l’automne, notre assemblée aura à se prononcer sur un ensemble de textes : le traité budgétaire, le pacte de croissance, la taxe sur les transactions financières, la supervision bancaire. C’est un ensemble cohérent, qui réoriente l’Europe comme s’y est engagé le Président de la République, et je souhaite que la majorité soutienne le Gouvernement dans ses efforts.

Pour conclure, permettez-moi d’exprimer deux espoirs.

Le premier est que le martyr du peuple syrien prenne fin. Les limites du tolérable ont été franchies depuis longtemps. Le Conseil européen a exprimé en des termes appropriés son indignation et appelé à des sanctions du Conseil de sécurité. Notre débat de cet après-midi est pour nous l’occasion d’exprimer notre indignation et notre volonté de voir Bachar El Assad quitter le pouvoir.

Mon second espoir est que nous puissions, d’ici à quelques années, réaliser dans le domaine de la politique étrangère et de la défense un saut qualitatif de même nature que celui qui s’annonce dans le domaine de l’union économique et monétaire. Une politique étrangère commune et une défense européenne sont indispensables au rayonnement et à l’influence des pays européens.

J’entends déjà les commentaires sceptiques ou peut-être indignés à ce sujet, mais je fais remarquer aux intéressés que c’étaient les mêmes qui s’élevaient lorsque François Mitterrand et Helmut Kohl, avec Jacques Delors, ont entrepris leur marche commune vers la monnaie unique. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe UMP.) J’espère que nous saurons, à notre tour, être ambitieux et volontaires pour que l’Union européenne s’affirme sur la scène mondiale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires européennes.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, pour mon baptême du feu dans cet hémicycle, avoir à analyser le travail du Conseil européen est plutôt un plaisir. Aussi, à mon tour, je veux saluer les étapes franchies avec succès par ce Conseil, étapes qui vont, nous l’espérons tous, remettre en marche, même peut-être à petits pas, une Europe en panne. Somme toute la semaine dernière, à Bruxelles, le pire a été évité. Ce sommet nous fait donc progresser, n’en doutons pas, dans la direction du meilleur.

M. Jacques Myard. Encore un pas en avant vers le gouffre !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. C’est un premier pas que l’efficacité de l’Europe lorsqu’elle s’unit pour écouter enfin les peuples asphyxiés par les difficultés économiques et leur donner la respiration dont ils ont besoin. La France souhaite insuffler un espoir collectif avec le pacte de croissance, qui montre la voie d’une politique européenne porteuse d’une réelle relance économique pour tous. Le montant des moyens mis sur la table, 120 milliards d’euros, est ainsi un premier pas, modeste peut-être, mais un premier pas tout de même. Surtout, la qualité des instruments utilisés par le Conseil apparaît prometteuse.

Certes, deux d’entre eux sont traditionnels. Cependant leur mobilisation montre combien l’Europe dispose d’outils pour agir dès lors qu’existe la volonté politique de s’en saisir. La réaffectation des fonds structurels vers l’innovation, les PME et l’emploi des jeunes nous rappelle que nous ne sommes pas seuls pour lutter contre les effets de la crise et que la solidarité européenne peut ne pas être un vain mot. Le renforcement des actions de la Banque européenne d’investissement va dans la même direction en identifiant la menace que fait peser une austérité trop brutale sur nos économies et qui assécherait tout investissement.

La réelle innovation découle des obligations de projet, qui préfigurent une politique d’investissement intégrée. De leur rapide concrétisation, de leur affectation aux projets qui engagent l’avenir de nos sociétés – je pense en particulier aux exigences de la transition écologique –, dépendra la capacité de l’Union à apporter des réponses concrètes aux défis de sa prospérité future. Soyez sûrs que votre commission des affaires européennes regardera cela de très près ; elle s’attachera à formuler rapidement des propositions concrètes et ambitieuses pour que cette expérience soit une réussite.

Mais, pour concrétiser ces premières avancées, il faudra trouver très vite des relais sur le grand dossier des moyens donnés à l’Europe, avec la négociation des perspectives financières 2014-2020. En effet, est-il cohérent de promouvoir le rôle de l’Union dans le financement des politiques de croissance tout en rechignant à lui en donner les moyens ? Doit-on figer à 1 % du revenu brut le budget européen…

M. Jacques Myard. C’est déjà trop !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. …lorsque de nouvelles ressources sont possibles ? Celles-ci permettraient à l’Europe de contribuer efficacement à l’effort commun pour le redressement ainsi qu’aux investissements nécessaires pour l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables et les transports collectifs. Bref, ne devons-nous pas nous interroger sur la rigidité de certaines règles européennes et sur leurs effets délétères ?

Par ailleurs, c’est un vrai bonheur pour moi qui étais aux côtés d’Harlem Désir à la manœuvre, il y a plus de dix ans, pour promouvoir la taxe Tobin au sein du Parlement européen – nous avions perdu à l’époque de sept voix seulement ! –, que de voir enfin votée et lancée la taxe sur les transactions financières. Son affectation est une des questions que nous pourrons débattre ici, chers collègues, car elle pourra peser positivement.

Un député du groupe UMP. En quoi ?

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Cette affectation est un sujet important, au lendemain de Rio+20 et des risques que nous encourrons sur les plans du changement climatique, de la biodiversité et des ressources, à commencer par l’eau, questions que nous pourrons retravailler.

Le second pas effectué la semaine dernière est une avancée dans la guerre qui épuise aujourd’hui nos États face à la spéculation. Le sommet de la zone euro a doté les instruments de stabilité – Fonds de stabilité financière et mécanisme européen de stabilité – d’une souplesse mieux à même de répondre au rythme effréné des marchés. En dotant les fonds de secours de la possibilité de recapitaliser les banques et d’assouplir les conditions d’achat de la dette souveraine, les chefs d’État et de gouvernement ont franchi une étape importante. L’Union a ainsi montré que sa vitalité, avec la participation décisive de l’Italie et de l’Espagne, pouvait faire avancer les choses grâce au coin enfoncé par la France.

Là encore, il nous faut concrétiser rapidement ces pistes. Or, les déclarations inquiétantes venues de Finlande ou des Pays-Bas montrent que ce travail exige encore de nombreux efforts. Mais le combat contre la spéculation exclut de tergiverser. Les précisions que vous pourrez apporter sur cette question, messieurs les ministres, nous seront très utiles. Bien que consciente des avancées qu’a obtenues le Président de la République, en particulier de nos partenaires allemands, je ne peux m’empêcher de penser que pour tourner définitivement la page, le rôle de supervision de la Banque centrale européenne doit être clairement et durablement défini, tout comme son contrôle démocratique.

J’en viens, enfin, à la perspective raisonnable, donnée par le Conseil, du long chemin vers l’union politique.

En prenant acte des importantes propositions du président Herman Van Rompuy, le Conseil européen a su se saisir de l’essentiel en engageant les débats sur notre vision de l’avenir de l’Europe.

La constitution avant la fin de l’année d’une union bancaire sera un progrès important. En effet, la tempête financière commencée à l’automne 2008 a montré que les régulateurs ont failli, et je ne suis pas sûre, en tout état de cause, que le niveau national suffise à imposer aux banques l’incontournable moralisation de leurs activités. Cette exigence doit être servie au niveau européen, y compris dans la lutte contre les paradis fiscaux. Il faut se réjouir que les dirigeants en prennent désormais acte.

Lors de ces débats européens, le Président de la République s’est attaché à promouvoir le concept d’intégration solidaire qui veut que chaque pas vers une union plus ambitieuse soit précédé d’un pas en direction d’une solidarité plus étroite. Voilà bien un autre pas à franchir en direction de l’Europe sociale.

Cette marche déterminée suppose de trancher rapidement sur les questions en suspens, notamment les euro-obligations sans lesquelles nos États demeureront enfermés dans le piège de la dette. Mais le chemin vers l’intégration économique, budgétaire, financière et fiscale ne peut se faire avec succès que s’il nous engage sur le terrain trop négligé de la démocratie européenne.

Toutes les pistes explorées exigent autant de progrès en direction d’une Union plus proche de ses peuples, plus solidaire. Certes, en prévoyant la mise en place d’une conférence budgétaire rassemblant parlements nationaux et parlements européens, le traité de stabilité apporte une timide avancée. Nous aurons bien sûr l’occasion d’en débattre ici dès la rentrée, car le vaste chantier de la démocratie européenne doit mobiliser tous nos efforts, ainsi que Mme la présidente de la commission des affaires étrangères l’a souligné.

Face à la crise économique, financière, sociale, écologique et démocratique que nous traversons, nous avons le devoir d’engager des mesures fortes. Si nous en restons aux décisions prises la semaine dernière à Bruxelles, la situation de l’Europe continuera de se dégrader…

M. Jacques Myard. C’est sûr !

Mme Danielle Auroi. …et les avancées qui viennent d’être obtenues ne seront pas suivies d’effet. Soyez certains, messieurs les ministres, que vous trouverez ici, en notre assemblée, une alliée convaincue et exigeante dans cette belle entreprise de court et long terme. L’espoir en l’avenir européen est avec nous, mais il est fragile. Nous avons tous la volonté et le devoir de le faire vivre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

3

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Accoyer. Au titre de l’article 58-1 de notre règlement, je voudrais revenir sur ce qui s’est passé en ce début de session extraordinaire : la méconnaissance, le mépris, tout simplement le viol (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) d’un nouvel article de la Constitution, l’article 48-6, introduit lors de la révision de 2008 et dont l’une des avancées essentielles a été de donner de nouveaux droits au Parlement. Cette disposition est précisée dans notre règlement à l’article 133-1.

Je voudrais revenir un instant – brièvement, madame la présidente – sur la gravité de cet incident parce qu’il témoigne d’une continuité dans l’attitude de la gauche qui refuse à l’opposition la possibilité de questionner le Gouvernement (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Rappelons que les questions orales au Gouvernement ont été instaurées en 1974. Elles étaient à l’époque réparties à égalité entre l’opposition et la majorité. En 1981, lorsque l’un des orateurs qui siégeait sur les bancs de gauche a déclaré que la France était passée de la nuit à la lumière, il a été décidé dans la foulée que les questions orales seraient octroyées en proportion du nombre des membres des différents groupes de l’Assemblée. Ipso facto, on commençait à bafouer les droits de l’opposition.

Mme Catherine Vautrin et M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Bernard Accoyer. C’est donc lors de la révision de 2008 que la majorité de l’époque a souhaité redonner ses droits fondamentaux à l’opposition.

M. Philippe Plisson. M. Accoyer est pour la démocratie, quel bonheur !

M. Bernard Accoyer. Et Dieu sait que dans la période actuelle, nous avions des questions à poser au Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Lemorton. C’est une décision de la Conférence des présidents !

M. Bernard Accoyer. Que je sache, le Gouvernement de M. Ayrault a été nommé depuis maintenant plus de deux mois. Pendant deux mois, il a pris des décisions considérables qui ne sont pas financées et qui ont suscité des rappels à l’ordre particulièrement pressants…

Mme la présidente. Vous débordez du sujet, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer. …de la part du FMI, de l’OCDE et de la Commission de Bruxelles. Dans ces conditions, la moindre des choses aurait été que nous puissions questionner le Gouvernement.

Aussi, madame la présidente, comprenant bien que le nouveau président de l’Assemblée a été soumis à une pression insupportable du Gouvernement, nous vous prions de bien vouloir lui demander qu’il y ait deux séances de questions orales au Gouvernement la semaine prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Merci, monsieur le président Accoyer. En ce qui concerne l’objet de votre rappel au règlement, je crois avoir répondu précédemment à M. le président Jacob et à M. Le Fur sur le fond. Je ne pense pas que nous allons ouvrir aujourd’hui un débat – ce ne serait peut-être pas votre intérêt – sur le respect des droits de l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La parole est à M. Bruno Le Roux, président du groupe socialiste, républicain et citoyen, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. Au titre de l’article 58-1 de notre règlement également, je souhaite dire que je suis particulièrement choqué (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qu’un ancien président de l’Assemblée nationale, après qu’il y a eu une décision de la Conférence des présidents, puisse utiliser les mots qui viennent d’être employés.

Mme Catherine Lemorton. En effet !

M. Bruno Le Roux. Je suis choqué, mais aussi assez indigné qu’en ce moment important pour la France où il s’agit de tirer les leçons d’un sommet européen, vous ne pensiez qu’à provoquer un incident de séance alors même que l’Assemblée nationale enterre l’un des siens (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Au moment où le Gouvernement et de nombreux parlementaires étaient au cœur d’une église en train de pleurer un jeune député qui vient de partir, je trouve cette volonté de créer des incidents absolument indécente. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Sur le fond, nous vivons une semaine de rentrée exceptionnelle : hier, le Premier ministre prononçait son discours de politique générale ; aujourd’hui, le Gouvernement vient nous parler sans attendre d’un sommet sur lequel il est normal que vous puissiez l’interroger car ce Conseil a constitué un tournant au niveau européen, notamment en matière de croissance. Que n’auriez-vous dit s’il n’y avait pas eu aujourd’hui de débat à une heure qui soit la même que celle à laquelle vous les organisiez d’habitude, c’est-à-dire à quinze heures ?

M. Bernard Deflesselles. Il était possible de faire les deux !

M. Bruno Le Roux. Je voudrais vous rappeler, messieurs les députés de l’actuelle opposition, que lorsqu’il s’est agi, le 12 octobre 2011 ou le 29 février 2012, de commenter des sommets qui avait donné beaucoup moins de résultats que celui-ci, vous n’avez pas hésité à supprimer la séance de questions d’actualité du mercredi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Aujourd’hui, nous nous en sommes expliqués en Conférence des présidents, le Premier ministre est au Sénat, pour montrer la considération dans laquelle il tient la Haute chambre et pour débattre du discours de politique générale qui a été prononcé hier par M. Laurent Fabius, au nom du Premier ministre. Il y a eu une décision de la Conférence des présidents et, bien entendu, une séance de questions d’actualité aura lieu dans les prochains jours. Mais, en cette semaine exceptionnelle, alors que les Français nous regardent débattre du discours de politique générale et des résultats du Conseil européen (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), hier comme aujourd’hui, vous n’avez pensé qu’à créer des incidents qui montrent le peu de leçons que vous avez tiré de la séquence qui vient de s’achever. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le président Le Roux, s’il vous plaît.

M. Bruno Le Roux. Je vais conclure, madame la présidente, non sans avoir dit à M. Accoyer que je trouve que les mots qu’il a employés s’agissant des droits de l’opposition ne seraient que risibles si nous n’avions pas la mémoire assez longue pour lui rappeler les graves atteintes commises par l’ancienne majorité dans ce domaine, souvent avec la complicité du président qu’il a été, au cours des cinq dernières années. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Monsieur Accoyer, je ferai évidemment écho à votre demande de deux séances de questions d’actualité la semaine prochaine, lors de la Conférence des présidents.

4

Débat sur les résultats du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 (suite)

Mme la présidente. Nous reprenons notre débat.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-François Copé. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec une gravité toute particulière que je prends la parole cet après-midi en réponse au débat qui vient de s’engager.

À cette heure, c’est en effet la gravité qui domine dans les travées de notre assemblée, car l’Europe est au cœur d’une tourmente et le moindre faux pas pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour le bien-être des Français comme pour l’avenir de notre continent. Pourtant, avec les décisions annoncées hier à cette même tribune dans le discours de politique générale, la France apparaît en totale contradiction avec les efforts engagés partout ailleurs par nos amis et partenaires européens.

Cette crise, que François Hollande a feint d’ignorer le temps de sa campagne électorale, elle est devant lui, devant nous, et elle invite le nouveau pouvoir à une profonde remise en cause.

En vérité, la question est dans bon nombre de nos esprits : et si François Hollande avait été élu sur un gigantesque malentendu ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Dites carrément que les Français sont idiots !

M. Jean-François Copé. Il a fait croire aux Français que les efforts n’étaient plus nécessaires, que la dépense publique pouvait repartir à la hausse, que la croissance se décrétait par traité, que les allocations pouvaient être augmentées à volonté, que l’âge de la retraite pouvait être abaissé, que des dizaines de milliers de fonctionnaires pouvaient être embauchées et qu’il suffisait pour financer tout cela de faire payer les riches. Tout simplement.

M. Philippe Plisson. Caricature !

M. Jean-François Copé. Habilement, il faut le reconnaître, François Hollande a construit un bel édifice de promesses qui sont intenables, un château de sable qui aura tenu le temps d’une campagne électorale. Cependant, les contradictions se multiplient jour après jour, ce qui explique combien nous aurions aimé avoir une séance de questions d’actualité.

Conseil européen, rapport de la Cour des comptes, discours de politique générale, présentation du collectif budgétaire : la gauche française a rendez-vous avec le réel et avec le concret. C’est le rendez-vous du château de sable avec la mer qui monte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous vous êtes fait élire sur un programme que vous n’appliquerez peut-être pas en totalité…

M. Yves Fromion. Espérons-le !

M. Jean-François Copé. …mais comme vous manquez de courage, le projet nécessaire pour le redressement de la France, vous ne l’appliquerez pas non plus. C’est, pour nombre de Français, une source d’inquiétude. Il faut regarder le Conseil européen de la semaine dernière comme un point de départ et non comme un point d’arrivée, monsieur le ministre, et il faut mesurer ses conclusions à l’aune du discours de politique générale que nous avons entendu hier et qui va à l’encontre de tous les engagements pris devant nos partenaires européens. C’est cela que je veux dénoncer cet après-midi.

Il y a eu des éléments positifs dans ce conseil. Je le dis d’autant plus que nous avons vocation, les uns comme les autres, à être dans une opposition qui soit vigilante, mais constructive. (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Je tiens d’autant plus à cette ligne que je la veux en rupture avec l’approche sectaire qui fut la vôtre durant les cinq dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et qui vous a conduit à ne pas voter pour un seul des grands textes que nous avons proposés pour le pays.

La possibilité offerte au mécanisme européen de stabilité de financer la recapitalisation des banques était indispensable compte tenu de la crise que connaissent les banques espagnoles et italiennes. Il fallait avancer. C’est bien.

Le pacte pour la croissance va également dans le bon sens. Certes, il doit davantage à Michel Barnier qu’à François Hollande (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais peu importe. Partageons-en l’augure, c’est déjà un beau geste. Nous nous réjouissons de l’adoption de ce pacte mais, de grâce, ne faisons pas croire aux Français que ces 120 milliards d’euros pour toute l’Europe vont nous tirer d’affaire !

M. Jean-Yves Caullet. Dans l’état où elle était !

M. Jean-François Copé. Il n’y aura pas de nouvelle croissance sans un assainissement vigoureux de finances publiques et la priorité absolue donnée à la compétitivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

J’en viens donc à l’essentiel : l’accord enfin donné par François Hollande…

M. Sébastien Denaja. Par le Président de la République !

M. Jean-François Copé. …au pacte budgétaire. Pour se renier, il a préféré attendre que les Français votent quatre fois : deux tours de présidentielle, deux tours de législatives et, à chaque fois, le même mensonge répété inlassablement.

Je me souviens de François Hollande qui, sur RTL, le 12 décembre 2011, affirmait : « Cet accord n’est pas la bonne réponse, ni à l’urgence (...), ni pour l’avenir de l’Europe ». Et de promettre qu’il ne le ratifierait pas, qu’il le renégocierait !

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est fait !

M. Jean-François Copé. Je me souviens qu’au Cirque d’Hiver, à Paris, le 17 mars dernier, il expliquait que ce traité « crée les conditions d’une crise économique durable, laquelle ne peut faire que ressurgir les déséquilibres financiers qui ont fait naître, justement, la première ».

Je me souviens des amis de François Hollande, tout aussi catégoriques. Pierre Moscovici par exemple, qui fait une magnifique carrière depuis mais qui, n’étant pas encore ministre de l’économie, disait le 1er février du traité qu’il va être en charge d’appliquer : « Ce pacte n’apporte pas de réponse à la crise. Il reste marqué par une obsession de la discipline budgétaire qui aggravera l’austérité et la récession. »

M. Pascal Cherki. C’est vrai !

M. Jean-François Copé. Ça, c’était avant. Mais après tout, le changement, c’est maintenant ! (« Mais oui ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Donc, aujourd’hui, François Hollande accepte le traité en l’état. On peut l’en remercier. Mais je comprends que les Français se sentent un peu floués sur la marchandise.

Ce revirement était prévisible. Nous l’avions annoncé. Pendant des semaines, François Hollande a trompé les Français en faisant du rejet de ce traité la pierre angulaire de sa campagne électorale. Pendant des semaines, il a menacé l’amitié franco-allemande, il a mis en danger le moteur de l’Europe pour des raisons électorales. Pendant des semaines, il a voulu jouer le porte-parole des pays du Sud contre la rigueur budgétaire, alors même que les autres pays européens s’engageaient dans des mesures difficiles et que neuf d’entre eux ratifiaient déjà le traité.

Nous prenons acte de ce changement. François Hollande va donc nous inviter à ratifier le traité qu’il a tant dénoncé.

M. Christian Jacob. Le changement, c’est maintenant !

M. Jean-François Copé. Tant mieux – quand je vous dis que nous sommes constructifs ! Mieux encore, il demande – il est des moments douloureux à vivre – à MM. Fabius et Cazeneuve de nous le présenter, alors qu’ils ont voté non au référendum de 2005. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Je veux bien admettre que pour devenir ministre, il faille avoir suffisamment d’appétit pour manger tous les chapeaux (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP ),…

M. Nicolas Bays.Et vos reniements ?

M. Jean-François Copé. …mais ce traité n’est pas un chiffon de papier. Ce ne sont pas des mots en l’air. Il contient un rendez-vous majeur pour l’ensemble de cet hémicycle : il va falloir accepter – attention, gros mot ! – la règle d’or,…

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Jean-François Copé. …, la règle d’or budgétaire ! Sur ce point, François Hollande reste encore dans l’ambiguïté. Il va falloir en sortir. Car si vous refusez la règle d’or, vous aurez une fois de plus menti à nos partenaires européens. Mais si vous l’acceptez, il faudra le dire clairement et surtout la mettre en pratique – en commençant par écrire un nouveau discours de politique générale car rien dans celui d’hier ne permettra de la mettre en œuvre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Pascal Popelin. Surtout avec la situation que vous nous avez laissée !

M. Jean-François Copé. Parmi les quelques reproches que nous pouvons faire au discours de politique générale que nous avons entendu hier, il en est un qui revient en boucle : c’est de voir combien vous êtes, combien la majorité est déconnectée du monde d’aujourd’hui. (Rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Suivez donc les conclusions du rapport que vous avez vous-mêmes commandé à la Cour des Comptes ! Cet audit qui fut demandé par François Hollande à la Cour, et supposé accabler l’héritage de son prédécesseur. Résultat : quitus est donné pour la bonne gestion du président Sarkozy (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Mieux encore, la Cour des comptes fait injonction au nouveau gouvernement de poursuivre la politique courageuse d’assainissement des finances publiques que nous avions engagée. (Mêmes mouvements.)

Mais le message qui fut adressé hier aux Français est inverse. Il est très clair : l’alpha et l’oméga de votre politique en matière de finances publiques consisteront, plutôt qu’en la baisse des dépenses publiques, en l’augmentation des prélèvements obligatoires.

Or, tous les pays qui ont réussi à assainir leurs finances publiques ont fait porter la majorité de l’effort sur la réduction des dépenses publiques, du Canada à l’Allemagne en passant par la Suède. Dans les exemples étrangers qui ont réussi, l’effort portait à 70 % sur la dépense et seulement à 30 % sur les impôts. Et encore s’agissait-il d’une fiscalité qui ne s’attaquait pas à la compétitivité, c’est-à-dire qui épargnait le travail et l’investissement !

Or, qu’y a-t-il dans le programme qui nous a été présenté hier ? Vous supprimez la révision générale des politiques publiques. Vous alourdissez le coût du travail en taxant les heures supplémentaires et en augmentant les charges. Vous supprimez la fiscalité anti-délocalisations. Vous détruisez la réforme des retraites. Vous multipliez les taxes sur l’investissement.

Je le dis comme je le pense : il est beaucoup plus facile d’augmenter les impôts que de baisser les dépenses. Parce que pour baisser les dépenses publiques, il faut quelque chose qui ressemble à du courage politique. (« Eh oui » ! et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il faut du courage politique, et un consensus.

Lorsque nous avons, durant cinq années, assumé la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, je le reconnais bien volontiers, il n’y avait pas de consensus avec l’opposition d’alors. Mais nous, je vous le dis très simplement, nous avons vocation à être constructifs (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP) et à soutenir les efforts qui s’imposent au pays.

En d’autres termes, si vous veniez à proposer un programme courageux de baisse des dépenses publiques, je le dis solennellement, nous serions à vos côtés, au nom de l’intérêt national. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Pour les dépenses de l’État, l’heure n’est pas au recrutement de fonctionnaires dans l’éducation nationale, mais au maintien du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et à une réflexion courageuse sur le périmètre de la fonction publique.

Pour ce qui est des collectivités locales, il est absurde de supprimer la loi que nous avons fait adopter, qui mène progressivement vers la fusion des services des conseils généraux et régionaux.

Quant aux dépenses sociales,…

M. Malek Boutih. Et le bouclier fiscal ?

M. Jean-François Copé. …nous avons fait la preuve qu’il était possible de tenir nos objectifs en matière d’assurance maladie.

De grâce, ne détruisez pas tout ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est encore temps de changer votre fusil d’épaule.

Mme Fanny Dombre Coste.Hors sujet !

M. Jean-François Copé. Lancez-vous dans le même effort en matière d’indemnisation du chômage pour transformer cette épreuve en période de formation utile.

Une nouvelle fois, je le dis solennellement : si vous vous engagez à baisser la dépense publique pour redresser nos finances et préserver l’avenir de nos enfants,…

M. Malek Boutih.Et des riches !

M. Jean-François Copé. …nous serons au rendez-vous du courage, dans l’intérêt de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Au terme de ce conseil européen, j’ai un dernier message pour la nouvelle majorité et le gouvernement. Un message qui transcende les clivages politiques. (« Oh ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Un message qui, chez nos voisins européens, est porté autant par la droite que par la gauche. Ce message se résume en un mot, qui ne fut presque jamais prononcé hier après-midi par le nouveau Premier ministre : compétitivité.

La compétitivité, c’est la clef du redressement de notre pays. Ce n’est pas un concept abstrait. Derrière les chiffres, les graphiques, les ratios, c’est une réalité humaine. Ce sont des hommes et des femmes qui s’engagent.

Un député du groupe SRC. Et que l’on jette à la rue !

M. Jean-François Copé. La compétitivité, ce n’est pas la concurrence pour la concurrence, la performance pour la performance. C’est la volonté collective de tout un pays de permettre à chacun de s’améliorer, de s’engager pour une réussite individuelle qui fasse le lien avec la réussite collective.

Je suis convaincu depuis bien longtemps que ce mot de compétitivité, qu’on ne veut pas assumer, est essentiel pour redresser l’Europe de demain. Derrière la crise de nos banques et de nos systèmes financiers,…

M. Pascal Cherki.800 milliards de dettes !

M. Jean-François Copé. …il y a trop souvent l’oubli de l’économie réelle – l’oubli de ce qui fait la force d’un continent qui a peu de matières premières, mais qui a comme première richesse l’intelligence des hommes et des femmes qui le composent.

Ce défi-là passe par l’exigence absolue de ne pas multiplier les contraintes d’une économie qui a besoin d’être libérée au service de la solidarité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il n’y a pas de solidarité possible sans compétitivité.

M. Philippe Plisson. Mais vous avez perdu, avec ces théories !

M. Jean-François Copé. Notre modèle social, que nous voulons préserver, ne sera pas tenable s’il n’est pas financé par la création de richesses de tous les Français. Ce point majeur est au cœur de notre débat.

C’est cet objectif de compétitivité que je veux, avec ma famille politique, mettre sur la table. C’est notre nouvelle frontière. Écoutez ce que dit Angela Merkel (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP)

M. Philippe Plisson.Ce n’est pas notre modèle !

M. Jean-François Copé. …lorsqu’elle invite les partenaires européens à plus d’imagination. Derrière ce mot d’imagination, il y a le génie européen, le fait de laisser aux hommes et aux femmes leur chance de réussir leur vie, du point de vue professionnel comme personnel. La réussite individuelle et la réussite collective sont au cœur de la civilisation européenne. À nous de mettre cela sur la table, avec pédagogie et avec courage.

La compétitivité, c’est la créativité, c’est l’innovation, c’est une autre vision de la réussite. La clef de la compétitivité, c’est nos PME. Je n’ai rien entendu hier après-midi sur les PME. Rien. (« Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Pascal Popelin. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-François Copé. Rien de courageux n’a été dit pour alléger leurs charges et leurs contraintes.

Alors que la crise plonge beaucoup de Français dans le doute, voire le désespoir, la France doit se donner les moyens de gagner le pari de la compétitivité et du redressement de nos finances publiques.

Il est pour cela trois idées simples, trois principes qui devraient s’appliquer sans distinction politique. D’abord, on ne doit pas dépenser plus que l’on ne gagne. L’assainissement des finances publiques doit être une priorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Ensuite, on ne créera pas d’emploi sans compétitivité.

Enfin, on n’augmentera pas le pouvoir d’achat des Français si l’on ne travaille pas plus et mieux dans notre pays. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

Tels sont les enjeux qui sont devant nous.

M. Nicolas Bays. L’héritage de Sarkozy !

M. Jean-François Copé. Voilà pourquoi, madame la présidente, mes chers collègues, mesdames et messieurs les ministres, je pense que ce conseil européen ne doit pas être vécu comme un point d’arrivée mais comme un point de départ.

M. Philippe Plisson. C’est un discours du passé !

M. Jean-François Copé. En ce début de quinquennat, je veux dire ici que l’UMP veut prendre date. Le compteur est désormais ouvert. C’est un compte à rebours.

Mme Françoise Imbert. Dix ans !

M. Jean-François Copé. Votre mission est d’appliquer la feuille de route que vous avez tenté de nous décrire hier après-midi. Notre mission à nous est de planter tous les jours un petit marqueur supplémentaire pour alerter les Français sur les choix très dangereux que vous faites pour notre pays. C’est notre mission d’opposants.

Notre détermination est d’autant plus forte que l’intérêt supérieur de notre pays, comme celui de l’Europe, est en jeu. De la Chine lointaine aux États-Unis ou à l’Afrique, ce sont des défis majeurs que le monde doit relever. Je souhaite ardemment, au nom de notre pays, que la France ne reste pas en arrière car ces défis-là exigent que la voix de la France soit forte. Et pour qu’elle soit forte, il faut qu’elle soit au premier rang du respect, du courage et de l’engagement politique. (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et UDI se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol. En ce début de législature, je veux d’abord rappeler combien l’Europe, l’attachement indéfectible à la construction européenne sont pour les membres de l’Union des démocrates et des indépendants des valeurs essentielles. Nous sommes fiers d’être les héritiers des pères fondateurs, Jean Monnet et Robert Schuman, mais aussi de Simone Veil, grande dame européenne, ou de Valéry Giscard d’Estaing, inspirateur de la monnaie unique et de la Constitution de l’Union.

M. Jean Glavany. On s’arrête à Giscard ?

M. Henri Plagnol. Nous n’avons pas hésité dans le passé, à l’époque de l’UDF, à soutenir le président François Mitterrand au moment décisif du référendum sur l’adoption de l’euro.

C’est vous dire que, pour nous, l’union, c’est le choix du cœur. Nous n’hésiterons donc jamais à soutenir le Gouvernement quand il s’agira de dépasser les clivages partisans pour aller plus loin dans la construction européenne. Nous sommes convaincus que, dans les années qui viennent, au cours desquelles des choix difficiles et courageux devront être faits, l’union nationale sera souvent nécessaire. En revanche, nous serons vigilants, et nous serons des opposants résolus chaque fois que vous appuierez sur le frein et retarderez la marche en avant de l’Europe.

S’agissant, messieurs les ministres, du Conseil européen des 27 et ? derniers et de ses résultats, incontestablement, cela a été un bon sommet, pour l’Europe et, surtout, pour la zone euro. Cela ne résulte pas tant du pacte de croissance : malgré tout votre talent, monsieur le ministre des affaires étrangères, personne n’est dupe. Jean-Louis Borloo a eu raison, hier, de dire qu’il s’agissait pour l’essentiel d’un empilement de mesures déjà largement décidées et préparées de longue date, qui représentent d’ailleurs au total 120 milliards d’euros, c’est-à-dire à peu près 1 % du produit intérieur brut de l’Union. Ce n’est pas la manne miraculeuse due à l’élection providentielle de François Hollande ; c’est, en réalité, le paquet cadeau, l’habillage, j’oserai presque dire le cache-sexe, qui va vous permettre de justifier vis-à-vis de l’aile gauche de votre majorité l’adoption du pacte budgétaire,…

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Henri Plagnol. ...reniant tous les discours que vous avez tenus pendant la campagne présidentielle.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Henri Plagnol. Je passe vite sur la très heureuse possibilité offerte aux États qui en sont d’accord de mettre en œuvre dès maintenant la taxe sur les transactions financières, mais il est tout de même juste de rappeler que c’est le Président Nicolas Sarkozy qui est à l’origine de cette taxe.

M. François Rochebloine. Eh oui ! Il faut le dire !

M. Henri Plagnol. En réalité, les vraies bonnes surprises du Conseil sont venues de nos amis espagnols et italiens, qui ont arraché – vous avez eu raison d’y insister – la possibilité désormais accordée aux fonds de secours européens, d’une part, de recapitaliser les banques qui en ont besoin, dans les pays qui font les efforts nécessaires, ce qui est évidemment d’abord le cas de l’Espagne, et, d’autre part, de racheter de la dette souveraine. Et, désormais, comme vous l’avez noté, les fonds de secours ne sont plus créanciers prioritaires.

Tout cela a contribué à apaiser, au moins provisoirement, les marchés, à détendre les taux d’intérêt, bref, à donner une bouffée d’oxygène salutaire aux économies espagnole et italienne qui, je le rappelle, représentent plus de 30 % du PIB de la zone euro. C’est dire combien l’enjeu est vital.

Si ces avancées ont été possibles, c’est d’abord et avant tout, je veux y insister, grâce aux concessions faites par la chancelière d’Allemagne, Mme Merkel, avec une très grande hauteur de vue et en dépit des réticences de l’opinion publique allemande et d’une partie de sa majorité au Bundestag.

M. Pierre Lequiller. Tout à fait !

M. Henri Plagnol. Je veux juste citer une phrase de sa déclaration au Bundestag : « Il s’agit d’un pas important de l’Allemagne, qui montre au monde que nous nous engageons pour l’euro. »

Maintenant que l’Allemagne a fait sa part du chemin, la France, monsieur le ministre des affaires étrangères, doit faire la sienne, et c’est là que le bât blesse ; c’est à ce propos que je vous ai senti un peu hésitant, pour ne pas dire timoré, voire contradictoire. En effet, cette fois-ci, il n’y a pas de plan B.

M. Charles de Courson. Eh non !

M. Henri Plagnol. Il n’y en avait pas plus, d’ailleurs, quand il s’agissait de débattre de la Constitution européenne.

M. Yves Jégo. Exactement !

M. Charles de Courson. Tout à fait !

M. Henri Plagnol. Vous n’avez plus le choix, il vous faut maintenant sortir du jeu médiatique désastreux qui consiste à se demander qui est perdant et qui est vainqueur. Un sommet de la zone euro, ce n’est pas l’Euro 2012, ce n’est pas la chancelière d’Allemagne acculée dans la nuit aux tirs au but, ce n’est pas la défaite de la Mannschaft devant la Squadra, c’est la victoire de l’Europe tout entière, et la France doit désormais être crédible vis-à-vis de ses partenaires. Cela se joue maintenant, avec le débat sur la loi de finances rectificative.

Cette crédibilité repose sur trois rendez-vous très simples.

Le premier, c’est l’adoption d’une feuille de route pour les trois prochaines années en vue du redressement de nos finances publiques, une feuille de route qui soit crédible vis-à-vis de nos partenaires européens. Cela veut dire : avoir le courage de contrôler la dépense publique ; arrêtons, dans ce domaine, de nous payer de mots. Cela veut dire : le choix de la rigueur ; à l’Union des démocrates et des indépendants, nous n’avons pas peur du terme. Si, comme vous l’avez laissé entendre, lors du débat sur la déclaration de politique générale du Gouvernement et encore à l’instant, vous faites ce choix, nous vous soutiendrons, nous serons à vos côtés, car il y va de la crédibilité de la France en Europe.

Cela veut dire aussi, immédiatement, sans atermoiements, sans paquet cadeau pour convaincre l’aile réticente de votre majorité : passer à l’acte en ratifiant enfin le pacte budgétaire et en introduisant dans notre Constitution la règle d’or pour laquelle les centristes se sont toujours battus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Henri Plagnol. Notre collègue Charles de Courson a déposé, au nom de notre groupe, un amendement très simple à la loi de finances rectificative, qui a pour objet l’adoption immédiate, pure et simple, du pacte budgétaire et de la règle d’or. Rendez-vous est donc pris pour la semaine prochaine. Il serait désolant que, pour des raisons strictement politiciennes, nous soyons le seul grand pays de la zone euro à ne pas inscrire la règle d’or dans sa Constitution. Ce serait un signal désastreux, le signe des atermoiements de la France.

M. Charles de Courson. Exactement !

M. Henri Plagnol. J’en viens enfin à l’essentiel. L’Europe n’est pas seulement l’addition de règles financières et budgétaires, si déterminantes soient-elles. Il est temps de cesser de s’abriter derrière le concept fumeux, que vous avez essayé, monsieur le ministre des affaires étrangères, de clarifier avec le talent qui est le vôtre, d’intégration solidaire. Personnellement, je ne sais pas ce que cela veut dire. Ce qui est plus grave, c’est que nos amis européens ne le savent pas non plus.

Nous, membres de l’UDI, sommes partants pour une Europe fédérale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Nous n’avons pas peur des mots. Nous sommes pour l’union budgétaire, financière, économique et politique. Nous ne nous résignons pas à ce que personne en France, personne au Gouvernement n’ait relevé le gant du visionnaire Wolfgang Schauble, ministre des finances allemand, qui a eu l’audace de proposer aux Allemands un référendum pour aller plus loin dans les transferts de souveraineté à l’Union. C’est nous qui, à l’UDI, avec nos amis allemands, allons proposer de travailler ensemble à un texte commun qui pourrait être soumis à tous les peuples du chœur de la zone euro. Oui, il est temps de compléter l’Union économique et monétaire par ce fameux pilier politique. Sans lui, il n’y aura jamais d’issue, et nous irons de crise en crise avec la monnaie unique.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Henri Plagnol. Nous savons bien que, sans les leviers budgétaire, financier, politique, jamais la zone euro ne sera tout à fait crédible.

M. François Rochebloine. C’est vrai !

M. Henri Plagnol. C’est donc nous qui avons raison de vouloir une impulsion politique.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le député.

M. Henri Plagnol. Je conclus, madame la présidente.

Il est tout de même triste de voir que, pour la première fois dans l’histoire de la construction européenne, la France, chers collègues, je le dis avec une certaine émotion, n’est pas à l’avant-garde du débat : elle est à l’arrière-garde, silencieuse sur la construction de l’Europe de demain.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous nous avez donné rendez-vous en fin d’année, en renvoyant à des sommets futurs, mais c’est maintenant que nous attendons que vous soyez au rendez-vous de l’histoire.

Dans quelques jours, dimanche, nous allons célébrer le cinquantième anniversaire du traité de la réconciliation franco-allemande, signé par De Gaulle et Adenauer. Soyez, cette fois-ci, à la hauteur, saisissez la main tendue par l’Allemagne pour bâtir avec elle l’Union de demain. Sans une Union forte, la France n’aura plus le même rayonnement dans le monde. Sans une France crédible dans ses efforts de redressement économique, il n’y aura plus de locomotive pour tirer l’Europe.

Pour nous, la grandeur de la France et la force de l’Union vont ensemble. Tel doit être le message de l’après-sommet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, ce week-end, à Bruxelles, l’Union européenne a sans doute évité le pire, qui eût été le statu quo.

M. Pascal Cherki. Bravo !

Mme Barbara Pompili. Les précédents sommets avaient cru pouvoir régler la question de la dette des États par la seule imposition de règles budgétaires toujours plus contraignantes. Mais celles-ci sont d’autant plus insupportables pour les citoyens qu’outre les conséquences néfastes qu’elles ont sur leur vie quotidienne elles conduisent inexorablement à une baisse de l’activité économique et donc des recettes publiques.

Les précédents sommets avaient cru pouvoir continuer à faire confiance aux capacités autorégulatrices d’un système bancaire qui a pourtant conduit le monde à la crise originelle de 2008, laquelle a entraîné toutes les autres.

Les précédents sommets avaient cru pouvoir ignorer les conséquences pourtant prévisibles de l’abandon des créances grecques, des taux exorbitants imposés par les organismes prêteurs à l’ensemble des États européens, singulièrement aux États les plus fragilisés par leurs déficits ou par leur niveau global d’endettement.

Sur tous ces sujets, reconnaissons-le, il y a aujourd’hui des avancées. L’aide à l’Espagne ne s’accompagnera pas d’une priorité donnée au FESF ou au MES sur les autres créanciers. C’est un élément fort pour desserrer la contrainte de ces taux ahurissants auxquels notre voisin est confronté. La préfiguration d’une véritable union bancaire, qui passe notamment par la supervision d’organismes trop souvent laissés, jusqu’à présent, à leur recherche du seul profit à court terme, est un premier pas. Cette union bancaire, même embryonnaire, nous l’avons trop réclamée pour ne pas la saluer aujourd’hui.

Le desserrement des conditions de l’aide européenne aux pays les plus fragiles, auxquels ne sera plus systématiquement imposée une cure d’austérité automatique et contre-productive, demande à être précisé mais son principe, en soi, est une bonne nouvelle.

Enfin, le déblocage de 120 milliards d’euros dont on nous dit qu’ils seront utilisés pour soutenir l’activité et pour engager des transitions économiques indispensables pour relever les défis de l’avenir mérite également d’être salué.

Cela mérite d’être salué non pas pour des raisons idéologiques, mais parce que le principe de réalité d’Athènes à Madrid en passant par Dublin s’impose à tous. L’austérité plonge les peuples dans le désespoir et la misère. L’austérité ne permet pas le retour à l’équilibre des comptes parce qu’elle étouffe l’activité et donc les recettes. L’austérité ne marche pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Alors, oui, parce que l’Europe a échappé au statu quo, elle a échappé au pire, et nous ne pouvons, nous, écologistes, parce que nous sommes profondément attachés à l’idée européenne, que nous en féliciter. Nous ne sommes jamais, pas plus sur cette question que sur les autres, partisans de la politique du pire, mais nous sommes également des Européens réalistes, et le réalisme impose de dire que tout cela ne suffira pas, que demeurent trop d’interrogations, trop de zones d’ombre pour que l’on puisse s’en satisfaire. Oui, des interrogations fortes demeurent sur le rôle des institutions financières européennes.

Évoquons-en quelques-unes. Quid du rôle d’une BCE qui serait seule chargée de la supervision bancaire, se retrouvant ainsi, d’une certaine manière, juge et partie, en dehors de tout contrôle démocratique, et dont la capacité d’intervention sur les banques de pays qui ne sont pas membres de la zone euro apparaît pour le moins improbable ? Comment peut-on sérieusement croire que, d’ici au mois d’octobre, les différentes étapes institutionnelles – avis de la Cour constitutionnelle allemande et mise en place du vote d’un dispositif de supervision – auront été franchies ? Et surtout, quelle garantie avons-nous que l’aide à l’Espagne, telle qu’elle est envisagée, pourra attendre cette échéance d’octobre 2012 ?

Le mécanisme européen de stabilité était censé être réservé au refinancement des seuls États. Les avancées enregistrées ce week-end semblent indiquer que les banques y recourront directement en cas de besoin, ce qui vient enfin rompre le cercle vicieux entre endettement public et crise bancaire. Mais faut-il alors modifier le MES pour rendre cette évolution possible ? Selon quel calendrier ? Selon quelles modalités ?

Nos interrogations portent également sur le contenu même de ce pacte de croissance. Elles portent sur la réalité de son montant, puisqu’une partie des sommes évoquées correspond en réalité à des redéploiements. Elles portent sur la forme de cette enveloppe financière, qui mise en partie sur des concours privés complémentaires pour mener à bien les grands travaux qu’elle doit contribuer à réaliser, et veut ainsi faire jouer un effet de levier. Mais avec quels partenaires privés, pour quels travaux ?

Nous espérons vraiment que ces questions seront posées, que l’utile sera préféré au grand, et que les PME et les entreprises développant des technologies innovantes seront préférées aux grands groupes habitués à ces contrats d’État. Nous espérons également que ces investissements participeront à la nécessaire transition écologique, particulièrement pour les transports et l’efficacité énergétique. Enfin, nous espérons que l’intensité en emplois des activités financées par ce biais sera un facteur-clé des choix qui seront faits. Ce concours financier ne pèse qu’1 % du PIB européen ! Il ne représente donc en rien une relance massive susceptible d’aboutir rapidement à un retournement favorable de conjoncture.

L’essentiel pour nous est que ce pacte soit réellement productif d’emplois, et qu’il soit utile aux Européennes et aux Européens, non seulement dans les réalisations qu’il contribuera à mener à bien, mais aussi – et surtout – par les emplois qu’il créera ou soutiendra. C’est là une exigence à laquelle il faudra sans doute revenir.

Évoquer cela, c’est évoquer le contrôle politique de ces décisions, prises dans le cadre intergouvernemental, et que nous serons amenés à examiner et à voter à l’automne.

Sur ces textes, nous avons des interrogations. Je viens d’en évoquer quelques-unes ; nous nous déterminerons, le temps venu, en fonction des réponses que nous obtiendrons à ces questions et de la vision européenne dont nous sommes porteurs, selon chaque famille politique, dans cet hémicycle.

Nous pourrions tous et toutes, sur ces bancs, décrire notre Europe financière idéale. Celle des écologistes s’incarne dans quelques principes clairs et connus. La priorité doit être donnée à la transition écologique de l’économie et de nos modes de vie, comme moteur de l’activité et de la création d’emplois, par des règles communes et des investissements partagés.

Surtout, il faut nous fixer des objectifs réalistes. L’absence de réalisme explique bien souvent les difficultés dans lesquelles se débat notre Union européenne. L’Europe est trop souvent victime de son incapacité à respecter des horizons qu’elle s’est elle-même fixés dans l’espoir vain de satisfaire les marchés. Ces objectifs inatteignables deviennent des pièges qui se referment sur elle et renforcent le sentiment d’impuissance renvoyé au monde et à nos opinions publiques.

On le constate encore dans certains points techniques de l’accord européen conclu ce week-end, mais aussi dans le calendrier de retour à l’équilibre des finances publiques des pays de la zone euro, qui ne prend pas assez en compte les effets dévastateurs des politiques d’austérité sur les sociétés européennes comme sur notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste).

Un dernier principe est essentiel pour nous : la capacité de financer les dépenses d’avenir et la solidarité, à la fois par la possibilité de lever des emprunts à des taux d’intérêts contenus, et par des recettes budgétaires assises sur une fiscalité juste. Cela passe indubitablement par une redéfinition en profondeur du rôle de la BCE – qui devrait, à notre sens, pouvoir prêter directement au MES doté d’une gouvernance démocratique – et par une mutualisation, au moins partielle, des dettes souveraines. Oui, nous voudrions voir mis en place ces fameux eurobonds.

Cela passe également par la fin du dogme de la baisse des impôts conçue comme facteur de croissance. C’est d’abord vrai au niveau des États, et de ce point de vue, la solidarité suppose des exigences : il demeure incompréhensible que des pays aidés continuent à exempter d’impôts leurs Églises ou leurs armateurs, ou continuent de pratiquer un dumping fiscal insupportable par un taux d’imposition des sociétés incroyablement bas. (Marques d’approbation sur les bancs du groupe écologiste.)

C’est vrai aussi au niveau de l’Europe elle-même. Tant que l’Union ne disposera pas d’un budget propre, assis sur une fiscalité commune juste, à commencer par celle des grandes entreprises multinationales, elle ne pourra pas mener les politiques publiques, et notamment d’investissements d’avenir, que les citoyens attendent d’elle.

Alors oui, chers collègues, nous pourrions chacun et chacune décrire notre Europe idéale. C’est d’ailleurs en partie ce que nous faisons aujourd’hui : nous avons là l’occasion de mesurer les différences de vues en fonction des familles politiques dans cette Assemblée. Pour peu que chacune et chacun d’entre nous fasse preuve de sincérité, si nous interrogeons nos homologues de nos familles politiques respectives dans les Parlements des autres pays européens, nous mesurons également à quel point la diversité d’approche politique de ces questions économiques et financières se double d’une diversité d’approche quasiment culturelle parmi les Vingt-Sept.

Condamner l’Europe à la voie permanente du compromis intergouvernemental, c’est multiplier ses clivages et ses freins, c’est la condamner à l’impuissance, au retard dans la décision, et en définitive à l’absence de démocratie. Combien de temps serons-nous encore condamnés à aller de sommet de la dernière chance en sommet de la dernière chance ?

Pour les écologistes, s’il est une utilité à ce débat, c’est bien de poser la question qui pour nous est essentielle. Il faut mettre fin au mauvais feuilleton dont je parlais à l’instant, même s’il est parfois ponctué d’épisodes moins mauvais que d’autres. La seule manière d’y mettre fin, c’est de faire preuve d’audace, cette audace dont parlait hier François de Rugy, et que nous attendons de la nouvelle majorité. L’audace de franchir enfin ce saut fédéral qui n’est pas pour l’Europe une option possible, mais bien une condition à la sortie de la crise et à une prise de décision efficace et réactive. Nous y perdrions, entend-on souvent, de la souveraineté. Mais de quelle souveraineté, de quels droits s’agit-il ? En quoi une Assemblée comme la nôtre, condamnée à commenter après coup les réunions de chefs d’État et de gouvernement et dénuée du droit de vote sur les décisions qui y sont prises, est-elle réellement souveraine ? En quoi la dévolution d’une souveraineté formelle au bénéfice de structures opaques et non démocratiques serait-elle préférable à une démocratie européenne contrôlée et orchestrée par le Parlement de l’Union ?

Que ce sommet soit salué pour ses avancées, et qu’il soit également interrogé pour ses insuffisances. Surtout, qu’il soit l’occasion de repenser enfin le fonctionnement de notre Union et d’envisager le saut audacieux indispensable, non seulement pour sauver l’euro, mais surtout pour relancer l’Europe. Voilà le vœu que formulent aujourd’hui par ma voix les députés écologistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Marc Dolez. C’est la voix du peuple qui va s’exprimer !

M. Alain Bocquet. La réunion des vingt-sept chefs d’État et de gouvernement à Bruxelles est la vingtième du genre depuis le début de la crise.

Cette crise a montré l’incapacité de l’Europe à venir en aide à ses peuples : une Europe incapable d’une quelconque solidarité interétatique ; une Europe intervenant trop tard ou trop faiblement, sauf lorsqu’il s’agit de sauver les banques.

Alors que se sont succédé des sommets de la dernière chance pour sauver l’euro, nos concitoyens ont appris à se méfier des discours lénifiants proclamant, sommet après sommet, qu’une sortie de crise est en vue. La sagesse populaire contraste ici avec l’euphorie des marchés succédant aux conclusions de ce sommet. Comment interpréter une telle réaction, lorsqu’on sait que ces mêmes marchés sont les principaux instigateurs et responsables de la crise qui sévit en Europe ?

Si le Président de la République est ressorti satisfait, pour notre part la déception domine. M le Premier ministre a trouvé, dans son discours d’hier, des points sur lesquels les lignes ont bougé. Mais force est de constater que les objectifs annoncés par la France, qui entendait peser en faveur d’une réorientation du rôle de la BCE et de la mise en place d’euro-obligations, n’ont été ni approchés, ni atteints.

Plusieurs députés GDR. C’est vrai !

M. Alain Bocquet. Les décisions gouvernementales s’inscrivent dans la droite ligne du pacte budgétaire européen. Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance est un véritable pacte d’austérité budgétaire dont le président Hollande accepte de fait l’héritage, en s’engageant à enclencher sa procédure de ratification, alors qu’il demeure inchangé par rapport à la version du couple Merkozy !

Au lendemain de ce Conseil européen, l’adjonction d’un plan de relance de 120 milliards d’euros a fait couler beaucoup d’encre. Mais s’il faut en croire, par exemple, les économistes de Natixis, le pacte de croissance mobilisera en vérité bien moins d’argent.

Déduction faite en effet, des 55 milliards d’euros de fonds structurels déjà existants qui seront redéployés, il reste en réalité 10 milliards d’euros de recapitalisation de la Banque Européenne d’Investissement et 5 milliards d’euros pour de grands projets dont on ignore tout.

M. Pierre Lequiller. C’est malheureusement vrai.

M. Alain Bocquet. Ces 15 milliards d’euros représentent à peine 0,13 % du PIB européen, répartis sur plusieurs années et sur l’ensemble de l’Europe. Comme l’écrivait un hebdomadaire, c’est une goutte d’eau dans un océan de rigueur.

Ce pacte consacre les politiques d’austérité élaborées à Bruxelles et mises en œuvre par les divers gouvernements de droite ou sociaux-démocrates. Il conforte une doctrine d’orthodoxie budgétaire, avec le renforcement de la portée juridique de la règle d’or, qui impose le principe du retour à l’équilibre des comptes publics, partout au détriment des peuples. Il complète en les durcissant les dispositions de surveillance et les sanctions prévues par le pacte de stabilité.

Ainsi, les projets de budgets nationaux se trouvent soumis à un contrôle européen au printemps de chaque année avant qu’ils ne soient présentés dans les Parlements nationaux. Autant dire que nous, députés français, nous serions ainsi transformés en euro-potiches.

M. Jean-Jacques Candelier. Exact !

M. Marc Dolez. Hélas !

M. Alain Bocquet. En pratique, des inspecteurs de la Commission pourront être dépêchés dans les États récalcitrants, comme c’est déjà le cas en Grèce, au Portugal ou en Irlande. La crise offre ici une occasion historique à la technocratie bruxelloise de s’imposer à la démocratie et aux peuples souverains.

Le spectre du gouvernement des juges européens se dessine également, puisqu’un contrôle juridictionnel supranational est prévu pour vérifier le respect des engagements des États. La Cour de justice européenne pourra être saisie par un État membre, si celui-ci estime qu’un de ses partenaires n’a pas correctement transposé la règle d’or dans sa Constitution. Elle pourra sanctionner financièrement le contrevenant.

M. Pierre Lequiller. Eh bien, c’est cela l’Europe !

M. Alain Bocquet. Mais il y a pire, car le premier article du texte rappelle que les nouveaux outils pour la gouvernance économique doivent être utilisés à plein. Il s’agit notamment des recommandations adressées par la Commission aux pays européens et qu’ils sont tenus d’appliquer depuis l’adoption du paquet de directives « six-pack ».

Dans sa droite ligne, le règlement « two-pack » doit être adopté rapidement, selon les conclusions du Conseil. Or ce texte permettra à la Commission d’intervenir en plein débat budgétaire au niveau des États, quasiment avec un pouvoir de révision des budgets nationaux, au moyen d’amendements dont on imagine la teneur.

En définitive, ce pacte inique prescrit aux États, et donc aux peuples, le port d’une sorte de corset orthopédique qui a tous les traits d’une punition collective.

C’est pourquoi, faute pour la France d’avoir pu ou voulu renégocier ce pacte d’austérité budgétaire, il serait démocratique, au nom du respect de la souveraineté populaire, de soumettre la ratification du traité à un référendum. Vous disiez tout à l’heure, monsieur le Ministre des Affaires étrangères, qu’une majorité de Françaises et de Français sont d’accord avec ce pacte : cela serait l’occasion de le vérifier !

Plusieurs députés GDR. Très bien !

M. Alain Bocquet. Un débat national s’impose, dans un contexte français et européen où des résistances émergent et où le sentiment de désillusion domine chez tous ceux qui aspirent à la réorientation des choix mis en œuvre.

Il faudrait en effet que les gouvernements des Vingt-Sept, la Commission et le Parlement européen s’engagent à réorienter ces politiques pour faire face aux besoins des 18 millions de pauvres qui vivent de l’aide alimentaire, mais aussi pour répondre aux attentes des 25 millions de demandeurs d’emploi de l’Union européenne. Le nombre de demandeurs d’emploi dans l’Union européenne a augmenté de deux millions un an ; six millions d’entre eux ont moins de 25 ans.

Nous le disons au gouvernement : les moyens existent de bâtir une Europe des peuples. Et pour la construire, il faut prendre appui sans attendre sur le peuple de France, ses salariés et sa jeunesse.

Il faut associer nos concitoyens à une définition alternative des objectifs de l’Union européenne. La France doit être à l’initiative sur ce terrain. Elle peut être le fer de lance d’une refondation de l’Union européenne ébranlée et bouleversée par des décennies de gestion libérale. Il faut rompre avec cette logique de l’argent roi et du déclin.

M. Nicolas Sansu. Très bien !

M. Alain Bocquet. Il faut harmoniser les fiscalités, les législations sociales des Vingt-Sept ; redéfinir le rôle de la BCE et décider qu’elle puisse, enfin, prêter directement aux États membres pour les libérer de l’emprise des marchés ; impulser une politique du crédit favorable à la création d’emplois ; accompagner par des prêts à taux très faible l’investissement public ; déployer une Europe des services publics... On ne construira pas l’Europe en décidant par-dessus la tête de ses peuples, en liquidant les services publics – avec la fermeture des hôpitaux et des écoles –, en délocalisant des entreprises et en sacrifiant des pans entiers de son industrie ;…

M. Nicolas Sansu. Très bien !

M. Alain Bocquet. …en taillant dans les droits sociaux, ni en baissant les salaires des fonctionnaires ou en ouvrant la porte aux privatisations et aux augmentations d’impôts et de TVA.

L’Union européenne doit être au service de l’emploi, du développement social et de la transition écologique, au service de l’intervention citoyenne et de la souveraineté populaire bafouée par des règlements et des traités qui prolongent celui de Lisbonne rejeté en 2005 par les Français.

Nous renouvelons l’exigence que la ratification du traité budgétaire soit soumise à référendum. Le débat n’est pas entre plus ou moins d’Europe, il est entre l’Europe des banques et l’Europe respectueuse des nations et des peuples. Ayez la lucidité d’inviter ces derniers à le trancher ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 15 août 1971, brutalement, sans aucune concertation, Richard Nixon, président des États-Unis d’Amérique, décidait de retirer la clef de voûte de tout l’édifice monétaire et financier mondial : il mettait fin à la convertibilité du dollar en or. On échangeait, à l’époque, une once d’or pour 35 dollars. L’once d’or vaut, aujourd’hui, entre 1 700 et 1 800 dollars. La valeur réelle de la monnaie américaine a été divisée par cinquante alors que la valeur du pétrole, toujours exprimée en dollars, même aujourd’hui, était multipliée par vingt, ce qui est à l’origine de toutes les crises de toutes les économies occidentales. Richard Nixon avait compris. Il avait compris qu’une monnaie n’était pas neutre et qu’une banque d’émission ne pouvait pas être indépendante. Il avait d’ailleurs envoyé, à l’époque, le secrétaire américain au Trésor en tournée européenne pour dire une seule chose, une seule phrase : le dollar est notre monnaie, c’est votre problème. La solution était contenue dans cet énoncé très violent : les Européens devaient marcher vers le fédéralisme. Cela prend du temps, beaucoup de temps, trop de temps. Mais il est clair que le choix amorcé voici une quinzaine de jours lors du sommet européen est un bon choix, ce dont le groupe RRDP se réjouit à la quasi-unanimité – même si, par honnêteté intellectuelle et cohérence partisane, un des membres de notre groupe, progressiste, est plus dubitatif quant aux conclusions de ce sommet. Il est clair que les enjeux du Conseil européen, qui s’est tenu les 28 et 29 juin, dépassaient largement la crise des dettes souveraines de la zone euro dans laquelle l’Europe s’enlise depuis deux ans. En effet, depuis deux ans, en dépit de la multiplication des réunions du Conseil européen, en dépit des efforts et des effets de manche de M. Sarkozy et de Mme Merkel et en dépit de la prétendue efficacité apportée par les modalités d’application du traité de Lisbonne, force est de constater que la construction européenne elle-même est questionnée et que l’institution se trouve fragilisée voire remise en cause.

La crise de la zone euro est une crise financière, certes, mais c’est également une crise de gouvernance économique à laquelle le pacte budgétaire acté en mars dernier n’apportait qu’une réponse partielle et austère.

Le président François Hollande a promis, durant la campagne des élections présidentielles, de renégocier ce pacte d’austérité qui avait pour unique effet d’exporter la vision allemande de la gestion économique dans les pays du sud de l’Europe, avec les conséquences détestables qui sont rapidement apparues. Il fallait donc y ajouter un programme pour la croissance. C’était également un des enjeux de ce conseil européen. Allait-on rééquilibrer l’influence des uns et des autres au sein de ce conseil ? La France ferait-elle de nouveau entendre sa voix, sans donner cette impression d’être systématiquement dans les pas de l’Allemagne ? Que ce soit bien clair : nous sommes persuadés que l’avenir de l’Europe, le rétablissement de la confiance, la stabilité de la zone euro passent par l’axe franco-allemand. Je veux d’ailleurs, à cette tribune, m’exprimant pour la première fois, citer François Mitterrand dans son ouvrage De l’Allemagne, de la France, d’avril 1996 – je pense que cela fera plaisir au ministre – qui écrivait : « Quoi d’étonnant si, aujourd’hui, ce qu’on appelle le couple franco-allemand est devenu comme une sorte de baromètre de l’Europe. On nous épie, on nous ausculte. La moindre de nos brouilles supposées met en alarme rédactions et chancelleries. L’affirmation de notre entente suscite la jalousie et le soupçon. Et pourtant, tous nos partenaires le savent, et s’ils ne le savaient pas, je leur répéterais ce soir : l’entente franco-allemande ne prend tout son sens que parce qu’elle est au service de l’unité européenne. » Il était donc opportun que les représentants des États membres entendent le discours français qui en appelait aux grands principes ayant fondé l’Europe de Jean Monnet et de Maurice Faure : les principes de solidarité, d’unité et de progrès.

Le bilan du Conseil européen est donc positif, même si, sur certains bancs, hier, quelques-uns n’y voyaient qu’un verre à moitié plein ou un verre à moitié vide. Qu’ont décidé les chefs d’État et de gouvernement au cours de ce sommet ? Ils ont, tout d’abord, trouvé un accord pour relancer immédiatement l’économie européenne en adoptant le pacte pour la croissance et pour l’emploi proposé par la France auquel se sont finalement joints nos partenaires allemands, italiens et espagnols. Il s’agit d’un tournant majeur, puisque ce texte s’ajoute au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le fameux TSCG de mars 2012. Ainsi, ce sont 120 milliards d’euros qui seront investis dans l’économie européenne pour favoriser la croissance, grâce au déblocage des sommes non utilisées provenant des fonds structurels et à l’accroissement de la capacité de prêt de la Banque européenne d’investissement ou aux project bonds, qui doivent être mis en place dès cet été pour financer des infrastructures dans les secteurs des transports, de l’énergie et des communications.

Investissement, croissance et emploi, tels sont les premiers mots d’ordre de ce sommet.

Mais la véritable rupture tient cependant à la détermination des chefs de gouvernement italien et espagnol, MM. Monti et Rajoy, rupture soutenue par la France, rupture qui a permis d’adopter des solutions d’urgence, mais aussi de réaliser des avancées de long terme.

Ce Conseil européen est donc parvenu à un véritable compromis politique et a ainsi replacé le politique, la politique, au cœur des enjeux économiques de l’Europe. Une volonté politique existe désormais pour une nouvelle gouvernance européenne axée sur une véritable coordination des politiques économiques européennes.

Le président du conseil italien a obtenu que les fonds de secours européen – le FESF et le MES – puissent racheter directement de la dette d’un État dont les taux seraient soumis à des fortes pressions sur les marchés. C’est ce que l’on appelle le bouclier anti-spread en faveur duquel il plaidait, souvent en vain, depuis plusieurs semaines.

Le président du gouvernement espagnol a, quant à lui, obtenu que ces mêmes fonds de secours puissent recapitaliser directement les établissements financiers. Cela permettra de répondre à la situation très délicate dans laquelle se trouve son pays, qui est confronté à une crise bancaire sans précédent. Il a sollicité une aide européenne. Ses partenaires se sont mis d’accord sur le principe d’un prêt du FESF ou du MES d’un montant maximal de 100 milliards d’euros. D’après les dispositions du traité instituant le MES, cette aide aurait dû être versée directement à l’État espagnol, ce qui aurait contribué à alourdir encore plus sa dette dans un contexte déjà tendu. La recapitalisation directe des banques obtenue par l’Espagne résout cette difficulté. C’est, là encore, un effet positif de ce sommet. En échange, les dirigeants espagnol et italien ont accepté de mener des réformes structurelles d’envergure dans un calendrier strict. En outre, les opérations de marché conduites par le FESF et le MES le seront sous le contrôle de la Banque centrale européenne.

Voilà le constat que l’on peut tirer de ce Conseil européen.

L’étape suivante sera celle d’une union économique et monétaire renforcée avec la mise en place d’une union bancaire telle qu’elle a été esquissée par le président du Conseil, M. Van Rompuy, dans le rapport très clair qu’il a remis aux chefs d’État et de gouvernement quelques jours avant le sommet. Il devra, avec le président de la Commission, celui de la Banque centrale européenne et celui de l’Eurogroupe, remettre, d’ici à la fin de l’année, une feuille de route plus précise pour concrétiser cette nouvelle étape de l’intégration européenne. Celle-ci devra, bien entendu, être établie en concertation avec les États membres, mais aussi, ce qui est essentiel, avec les parlements nationaux.

Un certain nombre de points restent, bien sûr, à préciser dans ce nouveau schéma, comme le rôle de la Banque centrale européenne, et nous devrons veiller, lors de cette négociation, à ce que cet élan européen qui résulte du sommet des 28 et 29 juin ne s’essouffle pas dans des désaccords sur des points très précis, voire parfois quelque peu superflus.

C’est donc une Europe plus forte, une Europe plus solidaire qui ressort de ce sommet. Il est désormais clair pour tous que le fédéralisme politique et budgétaire qu’appellent de leurs vœux depuis bien longtemps les radicaux de gauche n’est plus une option. C’est la seule solution…

M. Alain Tourret. Très bien ! Bravo !

M. Thierry Braillard. …et la seule porte de sortie de la crise européenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, les sommets européens – puisqu’il y en a eu deux : celui de l’Union et celui de la zone euro – qui viennent de se dérouler constituent, sans nul doute, une étape importante et positive sur le chemin de la résolution de la crise. Après bien des atermoiements et dans un contexte d’incertitude sur son avenir même, l’Europe peut se remettre à espérer. Les décisions qui ont été prises permettent, en effet, d’ouvrir de nouvelles perspectives pour sortir du marasme dans lequel se trouve l’Europe depuis plusieurs années. Chacun aura évidemment son appréciation sur les mesures entérinées, certains considérant qu’elles vont trop loin, d’autres pas assez, mais nul ne peut nier qu’une profonde réorientation de la politique européenne est intervenue à l’occasion de ces sommets. Au-delà des résultats tangibles qu’ils ont apportés, l’Europe s’est remise en mouvement. Elle a su dépasser les blocages, non sans vives tensions parfois, comme cela a été souligné par le ministre, qui l’empêchaient d’avancer dans certaines directions.

Ce rééquilibrage de la politique européenne a d’abord été obtenu en plaçant au cœur des enjeux européens la question de la croissance et de l’emploi. C’était, vous le savez, la volonté de la France et de son président. Je dirai même son pari. On ne peut que mesurer le chemin parcouru depuis que François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, s’était engagé dans le scepticisme, voire la condescendance, de ses opposants, à relancer la politique de croissance en Europe. On nous expliquait que c’était irréaliste, on nous disait que jamais l’Allemagne n’accepterait de renégocier quoi que ce soit, on nous prédisait une France isolée incapable de faire prévaloir son point de vue. Aujourd’hui nous disposons d’un pacte européen pour la croissance et l’emploi doté de 120 milliards d’euros, mais dont l’impact sera, en réalité, bien supérieur puisque les financements de la BEI vont générer 180 milliards d’euros. Ce sont donc, au total, 300 milliards d’euros qui seront injectés dans l’économie européenne. Nous disposons également d’un engagement précis pour la création d’une taxe sur les transactions financières, d’ici à la fin 2012, à travers la mise en œuvre d’une coopération renforcée. Ce dossier était en panne, encalminé dans les discussions sans fin entre États, comme nous le confirmera M. Leonetti.

M. Jean Leonetti. Cela m’étonnerait !

M. Christophe Caresche. Il a été relancé en permettant à neuf États de s’associer pour mettre en place cette taxe. L’austérité n’est plus le seul horizon de l’Europe. La France a su faire partager ses préoccupations. Loin d’être isolée, elle a rencontré l’adhésion de ceux qui pensent, au-delà des cénacles européens d’ailleurs, que la menace principale pour l’Europe est la récession et la déflation.

Mais la France a su entendre les préoccupations de ses voisins. L’autre grand acquis de ces sommets réside dans le renforcement de la solidarité financière.

Faisant droit aux préoccupations de l’Italie et de l’Espagne, le Conseil de la zone euro a décidé de permettre aux fonds de secours européens, aujourd’hui le FESF, demain le MES, d’intervenir pour soutenir directement les banques et les pays qui, malgré des efforts importants, sont soumis à des taux d’intérêts prohibitifs.

Cette décision est essentielle, car elle ouvre une perspective de garantie solidaire des dettes et elle permet de casser le lien entre les États et les banques. La France a été, là aussi, un acteur majeur du compromis qui s’est esquissé au sein du sommet de la zone euro puisqu’elle a été à l’origine de la solution retenue.

Certains, dans l’opposition – je l’ai encore entendu tout à l’heure –, ont critiqué la stratégie de la France, considérant qu’elle menaçait l’entente franco-allemande. La prudence aurait voulu qu’avant d’émettre un tel jugement sur le déroulement du Conseil, on attende sa conclusion ! Car, à l’évidence, les résultats obtenus valident l’approche française, au-delà même de ce qui était attendu.

En outre, je serais tenté de retourner la question : que se serait-il passé si la France avait suivi aveuglément l’Allemagne dans son refus d’avancer sur la voie de la croissance et de la solidarité financière ? L’Europe serait probablement en crise, les pays du Sud refusant le « diktat » franco-allemand. La France se serait coupée de ses voisins italiens et espagnols. Elle se serait isolée et n’aurait plus à ce jour aucune marge de manœuvre. Beau résultat qu’auraient obtenu ceux qui prétendent aujourd’hui nous donner des leçons !

Il ne s’agit cependant pas de renoncer à l’entente franco-allemande qui reste structurante pour l’Europe. Mais elle n’est fructueuse que si elle est équilibrée. L’alignement de l’un sur l’autre ne sert pas l’Europe. Malheureusement, c’est ce que nous avons connu avec Nicolas Sarkozy. Ses relations avec l’Allemagne, souvent conflictuelles sur la forme, n’en aboutissaient pas moins paradoxalement à des positions de complaisance sur le fond. Si François Hollande apparaît respectueux sur la forme, il n’en reste pas moins ferme sur le fond.

Ces sommets se sont traduits incontestablement par un nouvel équilibre de la politique européenne. Celle-ci n’est plus seulement axée sur la discipline budgétaire et l’austérité. S’y ajoutent désormais un volet conséquent pour la croissance et un volet pour garantir la stabilité financière de la zone euro.

C’est à l’aune de ce nouvel équilibre que nous aurons à apprécier les textes que nous soumettra prochainement le Gouvernement pour ratifier l’ensemble des décisions qui viennent d’être prises aux fins de compléter le traité budgétaire, à travers, notamment, le pacte pour la croissance et l’emploi.

L’enjeu sera clair : soit nous considérons que cette réorientation est positive et qu’il faut l’accompagner en permettant à la France de continuer à peser sur l’orientation future de l’Europe, soit nous refusons cette étape, avec le risque de bloquer l’Europe et de nous isoler.

Au demeurant, nous n’avons jamais nié que la discipline budgétaire, dont on peut apprécier le rythme et l’ampleur, soit le corollaire de la solidarité financière. Il n’y a aucun reniement. Ce sont les résultats obtenus sur la croissance et sur la stabilité financière qui peuvent justifier aujourd’hui la ratification du traité budgétaire.

On aurait tort, cependant, de croire que ces sommets signent la fin de l’histoire. Beaucoup dépendra de l’application des décisions qui ont été prises et des débats qui naîtront autour des orientations retenues. D’ailleurs, d’ici au 9 juillet, l’Eurogroupe se réunira pour mettre en œuvre les décisions sur la stabilité financière.

La commission des affaires européennes de notre assemblée – que vous avez l’honneur de présider, madame la présidente – peut aussi jouer un rôle dans le suivi de ces décisions et des questions ouvertes par ces conseils. Je voudrais en évoquer trois.

S’agissant du pacte pour la croissance et l’emploi, il faudra veiller à son exécution rapide et à ce que la France bénéficie pleinement des financements qui seront mis en place.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. Christophe Caresche. Cela suppose une capacité de mobilisation autour de projets concrets. Je ne doute pas que le Gouvernement y veillera. Mais au-delà, cette politique de soutien à l’économie européenne devra se prolonger dans le budget européen dont les perspectives financières sont en négociation.

De manière conséquente, la France doit plaider pour un budget européen plus ambitieux, ce qui suppose des ressources propres nouvelles, et notamment une discussion sur l’affectation d’une partie du produit de la taxe sur les transactions financières.

S’agissant de la stabilité financière, les décisions qui ont été prises, à la fois en matière de supervision du système bancaire européen, mais surtout de soutien aux banques et aux États en difficulté via le MES, sont très importantes.

Il faudra veiller à la crédibilité de ce dispositif, c’est-à-dire garantir ses capacités de réponse en cas de sollicitation. Pour cela, il faut poursuivre dans le sens du renforcement du lien entre le MES et la BCE. C’est une nécessité si nous voulons voir naître demain un marché obligataire commun et européen.

Enfin, se pose la question de la gouvernance économique et budgétaire de l’Europe, et plus particulièrement de la zone euro.

Nul ne peut nier que plus d’intégration économique doit se traduire par plus d’intégration politique. Mais l’intégration politique ne doit pas être un préalable au renforcement de la coopération économique. Ne soyons pas dupe des arrière-pensées qui peuvent animer certains.

Sur ce plan, j’ai été surpris de voir relayer en France par des membres de l’opposition en responsabilité il y a peu – par son ancien Premier ministre, entre autres – la proposition d’un big bang institutionnel au niveau européen.

Il me semble me rappeler que, durant ces cinq dernières années, la France n’a pas fait preuve d’une appétence particulière pour les institutions communautaires. Elle a systématiquement privilégié les discussions d’État à État, n’hésitant pas à marginaliser la Commission et le Parlement européen. Les principales réponses élaborées ces dernières années sont de nature intergouvernementale, comme le cadre de négociation qui a été choisi.

Dans ce débat, deux principes doivent nous guider.

Le premier est de considérer que chaque pas supplémentaire dans la solidarité économique doit s’accompagner d’un pas vers l’intégration politique. Je pense que c’est une bonne méthode. Il faut lier les deux aspects si nous voulons progresser, et ce, dans le sens d’une Europe tournée vers la croissance et l’emploi.

Le deuxième principe est de considérer que l’intégration et la légitimité doivent aller de pair. Il n’est pas question de confier des compétences, notamment dans le domaine budgétaire, à des institutions sans que s’exerce sur elles un contrôle démocratique. C’est un point extrêmement important.

C’est malheureusement la voie que nous sommes en train de prendre, avec le contrôle budgétaire exercé par la Commission européenne. Celle-ci est certes placée sous le contrôle des États dans ce domaine, mais elle échappe totalement au contrôle du Parlement européen et des parlements nationaux.

Dans le rapport qu’il vient de présenter sur la gouvernance de l’Union économique et monétaire, qui contient des propositions intéressantes, Herman Van Rompuy propose d’accroître encore la surveillance des budgets nationaux par la Commission. Mais il ne prévoit aucun mécanisme nouveau pour permettre au Parlement européen et aux parlements nationaux d’exercer leurs prérogatives. Ce n’est pas acceptable.

Il faudra, monsieur le ministre, que la France soit très offensive sur cette question. Elle pourrait utilement s’inspirer de certaines propositions : je pense à celles du rapport Arthuis sur l’avenir de la zone euro, qui prévoit la création d’une commission parlementaire de surveillance de la zone euro. Il y a là des pistes sur lesquelles nous devons continuer à travailler. Cela étant, j’ai été rassuré par les propos du ministre qui a clairement indiqué que, sur les propositions présentées par M. Van Rompuy, il n’y avait aucun accord pour le moment.

Pour conclure, ces sommets ont incontestablement fait bouger les lignes. Ils ont surtout permis d’articuler à nouveau les perspectives politiques de long terme avec des réponses concrètes de court terme.

Les décisions qui ont été prises durant ces sommets en appellent d’autres.

C’est un nouveau départ pour l’Europe. J’ajoute que, sur ce plan, je suis d’accord avec M. Copé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Jean Leonetti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un quotidien titrait récemment : « France 1, Allemagne 0 ». Bien entendu, il ne s’agissait pas d’un résultat footballistique, mais de la conclusion un peu sommaire et simpliste du sommet européen…

Nous le savons tous, la construction européenne est un phénomène un peu plus complexe qu’un match de football et ne peut se résumer à désigner les vainqueurs et les vaincus. En même temps, nous savons que ces sommets qui ont été fréquents – presque une vingtaine à ce jour –, en particulier dans la période de crise que nous avons traversée, ont toujours été précédés d’une certaine dramatisation. Qui en effet n’a entendu parler d’un énième sommet « de la dernière chance » ? Et, selon l’endroit où l’on se trouve dans l’hémicycle, ces sommets ont pu être considérés comme ayant accouché d’une souris ou, à l’inverse, comme des étapes définitivement franchies ou d’immenses victoires…

Essayons donc de regarder avec un minimum d’objectivité ce qu’apporte ce sommet et comment il doit être prolongé dans l’avenir.

D’abord, c’est une banalité de dire qu’il survient dans une crise économique et financière importante et que cette conjoncture associe le trouble des marchés financiers et la crise des dettes souveraines, à quoi s’ajoute la difficulté de la gouvernance de la zone euro, dans un contexte où la monnaie unique n’a pas été immédiatement accompagnée d’une gouvernance économique qui aurait pu lui donner plus de force.

Ensuite, ce sommet survient dans un contexte conjoncturel très particulier : deux pays sont en très grande difficulté, l’Italie et surtout l’Espagne, avec un système bancaire défaillant et des taux d’intérêts qui flambent, compte tenu des mesures prises au niveau européen.

Ce sommet intervient aussi dans une crise politique et même polémique. Généralement, la modération, du côté français comme du côté allemand, faisait que le consensus pouvait aboutir malgré les inévitables divergences, sans donner l’impression que l’un avait fait plier l’autre.

Mais l’élection présidentielle en France a été l’occasion pour le candidat socialiste de prendre un certain nombre d’engagements, lesquels ont été ressentis dans l’ensemble de l’Union européenne comme pouvant induire un risque de déstabilisation. Avec peut-être un peu d’inexpérience et un peu trop d’arrogance, le candidat Hollande a déclaré : « Je renégocierai le traité, j’imposerai la croissance et les eurobonds. » Ces éléments étaient de nature à inquiéter, d’autant qu’on voulait opposer discipline budgétaire et croissance, alors qu’à notre avis cette opposition est sans objet, parce qu’il ne peut y avoir de croissance sans un minimum de discipline budgétaire.

Pour ce qui est du traité, il impose un équilibre entre discipline budgétaire et solidarité. Vous dites qu’il ne peut pas y avoir de solidarité s’il n’y a pas une intégration plus forte. Mais il ne peut y avoir de solidarité sans une discipline commune !

Vous dites également que vous ne voulez pas de la règle d’or. Or la règle d’or est incluse dans le traité.

Puis, permettez-moi de rafraîchir la mémoire de certains d’entre vous qui étaient là il y a seulement quelques mois : le mécanisme européen de stabilité, mesdames et messieurs les députés de gauche, vous ne l’avez pas voté. Vous vous y êtes même opposés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Mais vous avez fini par considérer que ce que vous aviez combattu hier, vous pouviez l’utiliser aujourd’hui.

M. Gérald Darmanin. C’est le comble de l’ironie !

M. Jean Leonetti. Oui, le comble de l’ironie : alors que le mécanisme européen de stabilité servait à aider les États dans une situation difficile face aux marchés financiers, vous l’avez utilisé avec plus de souplesse – le terme est élégant – pour financer les banques.

M. Gérald Darmanin. Comme d’habitude !

M. Jean Leonetti. Après avoir dit que son ennemi était la finance, la première mesure que le candidat socialiste accepte au niveau européen, c’est que le mécanisme de solidarité vienne aider les banques ! Qu’aurions-nous entendu si nous avions fait spontanément cette démarche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous l’auriez sans doute critiquée, comme vous l’avez fait lorsque nous avons aidé les banques françaises pour sauver l’épargne des Français ! Voilà pour le premier reniement.

Ensuite, vous avez dit que vous alliez imposer les eurobonds, comme si les eurobonds étaient la solution miracle à la dette souveraine des pays et à la situation financière dans laquelle ils se trouvaient. Eh bien, M. Ayrault, avec raison, avec sagesse, a dit que les eurobonds, ce serait dans plusieurs années. A propos, il me semble que nous disions que c’était un aboutissement, non un préalable…Voilà pour le deuxième reniement.

Mais cela vaut peut-être mieux, finalement : comment auriez-vous expliqué aux contribuables français qu’on allait mutualiser la dette grecque, espagnole, italienne et financer avec les fonds du mécanisme Européen de Stabilité, en grande partie versés directement par les États, une dette sans discipline ?

Et puis il y a le mot magique, «imposer la croissance », non plus dans un traité qui ne sera plus renégocié mais dans un ajout, dans une nouvelle orientation. Permettez-moi de rappeler qu’il n’y a aucune relation juridique entre le traité lui-même, que vous allez adopter après l’avoir combattu, et le pacte de croissance qui est déclaratif, alors que le traité s’impose à l’ensemble des États.

M. Guillaume Chevrollier. Ils sont schizophrènes !

M. Jean Leonetti. Est-ce un reniement ou une imposture ? Ignorez-vous qu’il n’y a pas de lien juridique entre les deux ? Ignorez-vous que l’un est déclaratif et que l’autre est juridiquement imposé aux États ? Je ne le pense pas.

Et puis il y a toute la série des décisions. Ah ! La série est importante ! Et on ne peut imaginer que tout cela ait été imaginé en l’espace de trois semaines. Il suffit en effet de lire le dernier conseil européen de janvier, et de relire le débat tenu à l’Assemblée Nationale et au Sénat, pour voir que la réorientation des fonds européens était déjà décidée. C’est vrai qu’elle était adoptée à hauteur de 85 milliards et que vous l’avez réduite à 55, et qu’elle était orientée vers les PME et vers la formation des jeunes.

M. Jacques Myard. Ce sont des cacahuètes !

M. Jean Leonetti. Il est vrai aussi que les project bonds étaient aussi envisagés à cette époque-là, votés par la Commission et acceptés par le sommet précédent, et que l’augmentation du capital de la Banque Européenne d’Investissement avait déjà été proposée par la France et acceptée par les autres États européens.

Il est vrai également que les douze piliers du marché unique qu’a mis en place Michel Barnier aboutissaient au bout de deux ans à des mesures concrètes qui pouvaient relancer la croissance. Et à propos de la taxe sur les transactions financières, rappelez-vous, dans un instant de modestie et de souvenir, que le président de la République Nicolas Sarkozy avait dit : « On avancera seuls s’il le faut », avant de la faire adopter en France puis de dire qu’il suffirait de neuf pays qui avancent ensemble pour la faire adopter, et d’obtenir enfin l’accord de l’Espagne, de l’Italie et de l’Allemagne sur l’ensemble de ces problèmes.

Ne hochez pas la tête, Monsieur Cazeneuve, je peux vous apporter les preuves de tout ce que j’avance à cette tribune. Voilà donc le troisième reniement. Finalement, le coq a chanté trois fois et vous avez renié tous vos engagements. Monsieur le Ministre, vous avez bien fait ! S’il fallait cela pour vous débarrasser de l’archaïsme de la gauche de la gauche et pour enfin arriver à faire avancer l’Europe, cela valait bien un petit mensonge supplémentaire dans la masse de démagogie que vous avez apporté au cours de cette élection. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mais, malheureusement, vos reniements ont un prix, et d’abord parce qu’ils fracturent le couple franco-allemand, la confiance pouvant rapidement faire place à la méfiance. Imaginez que Madame Merkel convoque aujourd’hui Jean-François Copé et un certain nombre d’élus de l’UMP pour leur demander leur avis.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce serait bien !

M. Jean Leonetti. Eh bien ! C’est ce que l’actuel gouvernement français a fait avec l’opposition allemande. Mais, finalement, vous avez encore bien fait : si vous écoutez les socialistes allemands, vous verrez qu’ils ne parlent pas comme vous. Ils parlent règle d’or, discipline budgétaire et solidarité assortie d’engagements.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ils sont responsables !

M. Jean Leonetti. Si donc vous devenez des sociaux-démocrates allemands, nous, les Européens convaincus, nous ne nous en plaindrons pas. En réalité, si on regarde bien comment les choses se sont passées, au-delà du langage diplomatique de la France et de l’Allemagne qui a cours après ce genre de sommet, vous avez été instrumentalisés par l’Espagne et l’Italie, qui avaient besoin de recapitaliser leurs banques.

Il y avait un pacte de croissance, plus politique que réel et qui n’était que le paquet de ce qui avait été antérieurement décidé. Alors, dans la nuit, comme cela se produit quelquefois, les deux pays ont pris la France en otage en disant : « pas de pacte de croissance sans un mécanisme européen de stabilité pour aider nos banques », et voilà pourquoi l’Allemagne a cédé. Elle a même cédé pour deux raisons. La première, c’est que l’Espagne et l’Italie, contrairement à la France, sont les bons élèves de l’Europe. Ils sont en difficulté mais ils ont mis en place des mesures, des réformes structurelles qui leur permettent de regarder l’avenir avec confiance, ce que vous hésitez, par manque de courage politique, à faire dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et puis, l’Allemagne, c’est l’Allemagne : il fallait à Madame Merkel un large consensus au Bundestag ; avec ce petit pacte de croissance venant s’ajouter gentiment au traité antérieur, on arrivait à imposer la solidarité avec la discipline et avec le petit volet « croissance » qu’on avait accordé, pour ne pas les humilier, aux Français qui avaient fait tant de reniements.

Le vrai problème, c’est que vous n’avez pas compris ce qu’est la croissance ; vous croyez que la croissance, cela se décrète ; qu’on prend un arrêté, un matin, et qu’on dit « demain, la croissance sera de 2 % »... D’ailleurs, l’Allemagne révise aujourd’hui ses taux de croissance à la hausse, et la France révise les siens à la baisse. Ainsi, s’il y avait un modèle à choisir entre la Grèce et l’Allemagne, peut-être la France devrait-elle s’inspirer plutôt de l’Allemagne que de la Grèce, de l’Italie ou de l’Espagne, dont les peuples se retrouvent dans les situations difficiles que nous connaissons.

Vous avez un nouvel allié, c’est M. Monti. J’ai regardé ce que propose M. Monti dans son pays : plus de garantie de l’emploi à vie pour les fonctionnaires, qu’on peut licencier ; assouplissement des règles de licenciement pour l’ensemble des salariés ; dérégulation totale du temps de travail ; augmentation de la durée de cotisation pour la retraite… C’est un exemple qui me paraît plus libéral que solidaire, dans une Europe qui, justement, aurait besoin de se construire sur un équilibre entre discipline et e solidarité.

M. Jacques Myard. Il a flingué Péchiney, il flinguera bien la fonction publique !

M. Jean Leonetti. Là, ce n’est plus du reniement, Monsieur le Ministre, c’est du revirement, car dire que la politique que mène M. Monti est une politique qui correspond à la vôtre, cela veut dire que vous avez fait du libéralisme la base de votre politique européenne, ce qui très sincèrement m’inquiète aussi. L’Espagne, finalement, va gagner à court terme : ses banques sont sauvées. L’Allemagne a gagné à long terme : elle a imposé, comme elle l’avait envisagé, le pacte à 25 et la France, malgré son arrogance et ses rodomontades, va l’adopter aussi. Le traité sera signé.

Mme Marie-Christine Dalloz. Excellent !

M. Jean Leonetti. La France a obtenu une victoire en trompe-l’œil : elle a su, avec beaucoup d’habileté, et je vous en rends grâce, transformer l’humiliation des reniements successifs en un triomphe de petits arrangements accumulés. Et là-dedans, franchement, Monsieur le Ministre, à titre personnel, je vous le dis : à propos du brevet, la négociation n’aurait jamais dû aboutir dans les conditions que vous avez acceptées. La France avait imposé à 25 pays sur 27 que le siège central du brevet soit Paris. C’était un élément sur lequel, à la suite d’une nuit de négociations, nous n’avions pas transigé. Vous l’avez dispersé à Munich, Londres et Paris en échange d’un petit accord : cela montre une fois de plus que vous avez renoncé à défendre l’intérêt de la France. L’habileté, finalement, ça ne suffit pas.

Vous êtes en train de louer ce que vous avez combattu. Comme dans la fable de la Fontaine intitulée Le geai paré des plumes du paon, vous avez ramassé quelques plumes de paon et vous avez dit qu’elles étaient à vous, alors qu’en réalité vous n’aviez que le plumage du geai. Mais il y a pire, et une autre fable, La mouche du coche, me paraît encore plus adaptée à la situation. La mouche pique l’un et l’autre, feint de faire monter le coche jusqu’au sommet, alors que les chevaux sont exténués et que tout le monde essaie de faire arriver le coche européen au sommet de sa constitution et de son organisation. La mouche se satisfait, elle tire à elle toute la gloire alors qu’elle n’a fait que bourdonner. Eh bien, il va falloir passer à autre chose, il va falloir cesser de bourdonner et passer de la mouche à l’abeille pour construire effectivement la maison européenne, comme une maison dans laquelle chacun a des droits et des devoirs et où chacun rencontre l’épreuve de vérité au moment de l’exercice du pouvoir.

Et certes personne ne peut reprocher à ce gouvernement de se trouver devant un certain nombre de difficultés au niveau européen et d’avoir à construire une Europe plus intégrée et, osons le mot, plus fédérale, au niveau de la gestion monétaire et au niveau de la gestion économique.

M. Jacques Myard. On n’est pas d’accord, là ! Du calme, Jean, du calme !

M. Jean Leonetti. Eh bien ! Vous êtes devant l’épreuve de vérité. Essayez de dire, la prochaine fois, la vérité aux Français.

M. Alain Chrétien. Et d’avoir du courage !

M. Jean Leonetti. Ce sera peut-être moins efficace électoralement mais ce sera plus crédible, en tout cas sur le plan européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Le sommet européen qui vient de se tenir, le premier de la présidence de François Hollande, marque à l’évidence une nouvelle étape. Comme toute nouvelle étape, il ferme un cycle de mesures, la plupart nécessaires mais trop tardives, et pour d’autres contestables puisque n’offrant pas vraiment de perspective, notamment de sortie de la crise dans laquelle plusieurs grands pays sont tombés.

Il ouvre une période où notre partenaire allemand a fait des concessions que la presse internationale qualifie d’ « inhabituelles ». Et, au-delà du titre « France 1-Allemagne 0 », on peut aussi citer certains journaux allemands qui ont titré « Une attaque sur les épargnants allemands » ou « La nuit où Merkel a perdu ». Les avancées sont réelles. Nous en connaissons les principes. Je citerai pour mémoire la recapitalisation directe des banques, qui devrait permettre notamment à l’Espagne de ne pas voir son propre endettement grevé par le renflouement de ses banques malades ; le droit pour le MES, sous condition, de racheter des obligations d’État ; le principe d’une supervision européenne des banques ; la taxation des transactions financières ; l’affectation de 120 milliards d’euros à la croissance.

J’articulerai mon propos autour de quatre idées. Tout d’abord, ce sommet a déverrouillé la discussion entre États. Il était très attendu et, comme pour la plupart des sommets depuis trente mois, la pression était grande. Les divisions entre États, gouvernements et partis politiques restent profondes sur la dette et sur les politiques économiques et financières à mettre en œuvre pour en sortir. Ce qui a déverrouillé la situation c’est, à n’en pas douter, l’élection d’un nouveau président en France et donc le vote des Français en faveur d’autres initiatives.

L’équilibre de positions entre les deux plus grands États de l’eurozone, qui a succédé à des messages de velléité puis à un alignement total, a conduit à redonner aux autres pays et gouvernements une marge de revendication et d’influence, guidée non par leurs propres options économiques mais par leurs intérêts objectifs d’États au regard de leurs dettes souveraines.

C’est ce qu’avait annoncé déjà l’économiste et prix Nobel Paul Krugman dans une de ses chroniques. Selon lui, « si la ligne défendue par les conservateurs en Europe n’a plus le soutien indéfectible de la présidence de la République française, comme ce fut le cas ces deux dernières années, cela signifie que l’euro et le projet européen ont désormais de meilleures chances de survie. »

J’en viens à mon deuxième point : les avancées significatives de ce nouveau sommet. Ces avancées, je les ai pointées tout à l’heure et il faut s’en féliciter. Je voudrais revenir sur trois d’entre elles. La supervision des banques, tout d’abord. La question de la régulation des banques se pose avec acuité depuis de nombreux mois. L’enjeu est important. Il s’agit ni plus ni moins que de réguler, superviser et garantir les banques de l’eurozone et leurs dépositaires et épargnants. Les banques sont environ huit mille ! La supervision bancaire vise à contrôler en permanence les risques au sein de chaque établissement, ce qui va bien au-delà du respect de la réglementation. Lors de la précédente législature, nous n’avons jamais eu un bilan précis de ce qu’a fait l’Europe depuis la crise de 2008. Pourtant, toute l’histoire de la crise financière de ces dernières années montre que celle-ci, des États-Unis à l’Europe, de la faillite des caisses d’épargne américaines aux désastres des banques ibériques, a pour origine la déréglementation et l’insuffisance de supervision. Il faudra, il est vrai, un accord sur la notion de responsabilité pour mettre fin aux mauvaises pratiques des banques et garantir les économies des populations des dix-sept États concernés. Cette supervision est nécessaire et doit être faite. Certes il faudra un peu de temps pour mettre en place des règles prudentielles et une surveillance organisée, mais un pas décisif a été fait.

Le rachat possible d’obligations par le MES constitue un autre progrès.

Les pays de l’euro ont autorisé le rachat de titres souverains par les deux fonds de sauvetage de l’euro, le FESF et le MES qui est appelé à lui succéder. Le but est de détendre et de diminuer les taux d’intérêt pour les pays lorsqu’ils recourent aux marchés.

L’accès au mécanisme européen de stabilité est étendu aux pays qui ne sont pas soumis aux programmes d’assistance financière, étape indispensable vers la mutualisation des dettes européennes. Il restera à accorder une licence bancaire au MES pour permettre à la Banque centrale européenne de garantir indirectement les dettes souveraines.

Vendredi dernier, pour la première fois, les taux sur les titres de la dette italienne et espagnole ont sensiblement reculé.

M. Jacques Myard. Ils vont augmenter !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Et sans tarder !

Mme Marietta Karamanli. Le fait que le principe d’une croissance soutenue et aidée ait été retenu est une autre avancée de ce sommet.

Le Conseil européen a désormais intégré la nécessité pour l’Union européenne de mettre en œuvre une stratégie de croissance durable représentant pour l’heure 1 % du budget européen.

Le programme tel qu’il est connu passe par une augmentation de la capacité de prêt de la Banque européenne d’investissement de 60 milliards d’euros, 60 autres milliards venant de la réaffectation de fonds structurels non utilisés. Il faut y ajouter les project bonds, lancés à l’été pour financer des infrastructures de transport et d’énergie, d’un montant de 5 milliards d’euros.

Ce plan, s’il existait depuis quelque temps dans les cartons de la Commission européenne, a reçu pour la première fois le soutien des quatre principales économies de la zone euro à savoir l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne. Cela en fait la nouveauté et constitue un saut qualitatif important.

Je voudrais m’attarder quelques instants sur un autre point : l’ensemble des outils déployés se fait sans nouvelle contrepartie demandée aux États bénéficiaires.

Comme l’a souligné le président français, il est donné la possibilité d’utiliser pleinement l’ensemble de ces nouveaux outils sans exigences supplémentaires à la charge des pays qui y auront recours. Cette orientation est importante car certains ont voulu et continuent de vouloir imposer des changements politiques, en particulier dans les économies des États les plus fragiles, en contrepartie de toute nouvelle avancée thérapeutique visant à éteindre la fièvre de l’endettement public.

Trop souvent les orientations préconisées tendent malheureusement à l’effritement voire au démantèlement de l’État protecteur, toutes choses dont les citoyens ne veulent pas et qui s’avèrent, de surcroît, la plupart du temps, dramatiquement inefficaces. Je pense notamment aux coupes envisagées dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

J’en viens maintenant à un troisième point. Les mesures annoncées le sont dans un contexte persistant d’austérité dans la plupart des pays européens alors même que la crise reste menaçante.

Recapitalisation directe des banques par tranches, conditionnalité éventuelle au renflouement, périmètre exact de la supervision, veto à la réécriture du nouveau régime bancaire : un certain nombre de règles devront être précisées dans les jours et mois à venir. Il s’agit de définir un régime futur avec des partenaires qui se résignent à laisser de côté des positions strictes dont l’idéologie n’est pas absente.

En effet, pour quelques États et gouvernements, les politiques nationales sont les seules responsables et la cause des déséquilibres au Sud : insuffisance de rigueur fiscale et budgétaire due notamment à une économie souterraine ; secteur immobilier aux résultats gonflés, fragile et finalement insolvable. Pour eux, les cures d’austérité seraient les seuls remèdes et les pays du Sud doivent accepter une longue cure d’austérité.

Pour d’autres États et gouvernements, la monnaie unique a gommé provisoirement des déséquilibres existants s’alimentant les uns les autres ; la crise financière les a révélés et gonflés démesurément. Pour ces derniers, la sortie de la crise doit se faire par le haut avec un engagement volontariste et solidaire : les excédents des uns qui ont exagéré les déficits des autres viendraient se compenser.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Mme Merkel appréciera !

Mme Marietta Karamanli. La convergence nécessite la croissance au niveau de l’Union avec des normes réalistes et raisonnables. C’est ce qu’a dit le Président français, et c’est ce que nous, députés socialistes, demandons.

M. Nicolas Dupont-Aignan. L’espoir fait vivre !

Mme Marietta Karamanli. Cette stratégie est la seule possible dans une situation qui reste préoccupante.

M. Jacques Myard. Il va falloir payer !

Mme Marietta Karamanli. En Grèce, le PIB a chuté de près de 16 %, et 21 % de la population active est au chômage. Le salaire minimal a été diminué de 20 % et celui des moins de vingt-cinq ans de 32 %.

En Espagne, la situation est la même. Le chômage atteint 24 % de la population active et le pays est désormais en récession avec une chute du PIB. Le chômage touche plus d’un jeune sur deux, soit 52,1 % des moins de vingt-cinq ans.

En Italie aussi, la récession est là avec un PIB en recul de 1,3 % sur douze mois.

M. Jacques Myard. On peut tout de même se poser des questions : cela montre bien que le système est pourri !

Mme Marietta Karamanli. Au niveau de l’ensemble de la zone euro, selon les dernières estimations de l’office européen de statistiques Eurostat, nous approchons les 18 millions de chômeurs. Il existe, il est vrai, une forte disparité entre les taux de chômage des économies au sein de la zone euro. À ce titre le sommet européen qui a débouché sur un pacte de croissance est un premier pas dont nous nous félicitons.

M. Jacques Myard. Des cacahouètes !

Mme Marietta Karamanli. Du fait de la nécessité de trouver un accord avec des gouvernements qui refusent de traiter le chômage de masse autrement que comme une variable d’ajustement, il s’agit bien d’une avancée significative.

M. Jacques Myard. Un grand pas en avant… vers le gouffre !

Mme Marietta Karamanli. Le président français a fait progresser l’équilibre précédent avec beaucoup de détermination et une connaissance politique des situations critiques. Dans l’optique d’une relance durable, ces progrès devront être non seulement confirmés mais ils devront aussi être amplifiés à chaque fois que l’occasion va se présenter.

J’en viens au quatrième point que je souhaitais présenter. Notre Parlement doit à la fois soutenir les avancées que porte cet accord et être un véritable acteur du changement qu’il initie.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

Mme Marietta Karamanli. On l’a vu, l’orientation visant à concilier la consolidation des finances publiques avec une reprise de la croissance, peu compatible avec des politiques généralisées d’austérité, a aujourd’hui sa chance.

Elle passe par les initiatives de l’exécutif dont nous aurons à connaître, comme s’y est engagé hier le Premier ministre. Elle passe aussi par une vigilance de ses négociateurs pour que la déclinaison des principes défendus soit à la hauteur de nos espoirs. On le sait, en matière de négociations internationales, les victoires sont pour une large part un art d’exécution.

J’en reviens à notre Assemblée. Les progrès qui doivent être accomplis en matière budgétaire, économique et sociale sont liés aux progrès du fonctionnement démocratique de l’Union. C’est parce que les citoyens auront le sentiment que leurs préoccupations quotidiennes sont mieux prises en compte par l’Europe qu’ils accepteront d’aller plus loin.

Dans ce cadre, monsieur le ministre, notre Assemblée doit faire entendre sa voix et être consultée en amont de chaque étape importante de la coordination intergouvernementale des politiques économiques et budgétaires.

Elle doit aussi, me semble-t-il, prendre des initiatives pour que les discussions sur les orientations économiques et budgétaires des États, la mutualisation partielle des dettes et le contrôle des banques ne soient pas le seul apanage des exécutifs et des chefs d’État réunis en conclave.

Concernant l’Europe, eu égard aux enjeux, le pouvoir doit être mieux partagé et l’expression démocratique des choix mieux assurée. Les parlements nationaux ne peuvent et ne doivent pas être dépossédés de leur pouvoir budgétaire. Il convient donc d’inventer un endroit où les députés et les sénateurs français, mais aussi les parlementaires de tous les États qui veulent aller de l’avant, puissent examiner, discuter, proposer et voter de façon contradictoire les orientations européennes.

M. Jacques Myard. Quelle insolence ! Mme Karamanli dit exactement le contraire de ce qu’a dit le Gouvernement !

M. Jérôme Lambert. Et elle a raison !

Mme Marietta Karamanli. Et je n’oublie pas les députés européens de la zone euro.

Quand je dis « contradictoire », je veux dire « publiquement » et sur des bases politiques.

Moi qui suis citoyenne française et européenne, je suis sensible à ce propos selon lequel une personne a besoin pour avancer d’une jambe droite et d’une jambe gauche…

M. Jacques Myard. Nous sommes d’accord ! (Sourires.)

Mme Marietta Karamanli. …c’est-à-dire de priorités différentes examinées et délibérées à plusieurs car, a priori, on est alors plus intelligent. Il faut aussi qu’il en soit rendu compte, ce qui en permet l’appropriation collective.

Pour conclure, nous nous félicitons des progrès en cours et de l’orientation nouvelle qui se profile. Elle nécessite des conditions politiques auxquelles le Président et le Gouvernement ont pris l’engagement, devant les Français et devant nous, de travailler, tout en nous en exposant les tenants et aboutissants.

Je nous engage tous à imaginer une contribution nouvelle de notre assemblée, à soutenir cette opportunité, en relation notamment avec les autres parlements nationaux de la zone euro, et à en discuter l’ensemble des modalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Pas mal ! Vous avez bien conclu !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan. « Camarades, les faits sont têtus ! » disait Lénine.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça commence bien ! (Sourires.)

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je crains, monsieur Cazeneuve, que vous et M. Fabius soyez vite déçus. Connaissant l’intelligence et l’expérience de ce dernier, je doute d’ailleurs qu’il ait pu croire un seul instant au récit qu’il nous a fait du sommet de Bruxelles.

Il faut arrêter de se moquer des Français. Vous connaissez très bien la réalité : 120 milliards d’euros sur trois ans, ce n’est rien à l’échelle du continent. Ce n’est qu’une goutte d’eau, alors que vous avalisez, au même moment, un plan de stabilité qui est, en fait, un plan de récession à grande échelle que les économistes ont chiffré à environ 200 milliards d’euros par an !

Finalement, vous reprenez à l’identique le plan précédent, en l’enrobant du fameux pacte de croissance qui ne permet que de tromper l’opinion pour quelques mois. Vous ne faites que retarder l’échéance de l’explosion de l’euro de quelques mois ou de quelques semaines.

M. Jacques Myard. De quinze jours !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Pourquoi continuez-vous cette politique folle qui consiste à étendre au continent européen ce qui a échoué en Grèce ? Car c’est bien la même politique que celle appliquée dans ce pays que vous voulez mener à une plus grande échelle.

J’ajoute que la politique de croissance que vous revendiquez, et pour laquelle vous avez été élus, exigerait au moins de débloquer 400 à 500 milliards d’euros à l’échelle du continent. Vous le savez d’ailleurs parfaitement, et c’est pourquoi vous prenez vos précautions en engageant un plan d’austérité sans avoir l’air de le faire.

M. Jacques Myard. Mais si !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Plus grave encore, avec le sommet de Bruxelles, vous poursuivez la même politique à l’égard du système financier. Ce que vous refusez au peuple en ayant cédé à Mme Merkel, il faut bien le reconnaître, vous le donnez au système financier et aux banques en acceptant que se poursuive l’aide qui leur est accordée. Car, après les 1 000 milliards d’euros prêtés par la BCE au système bancaire en toute inutilité, vous continuez avec le fameux MES.

Mes chers collègues, lisez les statuts du MES !

M. Christophe Caresche. Nous les avons lus !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Le MES ce ne sont pas des fonds prélevés sur la Banque centrale européenne ; ce n’est pas de la création monétaire. Le MES, c’est l’appel aux contribuables et aux garanties.

M. Jacques Myard. Bien évidemment !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Lors d’une soirée épique dans cet hémicycle, vous avez tous approuvé les statuts extraterritoriaux du MES…

M. Jean-Frédéric Poisson. Pas moi !

M. Jacques Myard. Moi non plus !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Vous avez approuvé la garantie pour un montant de 140 milliards d’euros apportée par le contribuable français et le versement de 16 milliards…

M. Christophe Caresche. Ce n’est pas du tout la réalité !

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est cette réalité que vous voulez dissimuler ! Tandis que vous continuez de mener la politique qui échoue depuis plusieurs années et se traduit par toujours plus de rigueur et de difficultés pour les peuples, vous offrez toujours plus de cadeaux aux banques. Vous ne comprenez pas que si les banques sont en danger, c’est parce que les pays du Sud et la France, asphyxiés par un euro trop cher, perdent leur compétitivité, et sont en outre étranglés par des taux d’intérêt exorbitants. Ces pays doivent alors dégager toujours plus d’argent pour rembourser ce système financier fou.

Il faudrait, bien évidemment, faire tout l’inverse de ce que vous faites : purger le système financier en le contrôlant vraiment, ce que vous ne faites pas ; relancer l’économie par des investissements massifs, ce que vous ne faites pas ; se concentrer sur la compétitivité en France et dans les pays du Sud.

Mais, pour cela, il faudrait s’engager à s’attaquer aux véritables causes de l’hémorragie industrielle. Or ni M. Fabius ni Mme Guigou n’ont parlé une seule fois de l’hémorragie industrielle ou des plans sociaux qui vont s’abattre sur la France encore plus nombreux. Nous avons perdu un million d’emplois industriels en dix ans et nous en perdrons 200 000 à 300 000 dans l’année : comment pouvez-vous croire que les économies budgétaires que vous prétendez faire ne seront pas emportées par les pertes de recettes fiscales et sociales induites par cette hémorragie industrielle ?

M. Jacques Myard. C’est évident !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Seulement, pour s’attaquer à ce phénomène, il faut baisser les charges sur les PME, ce que vous ne faites pas ; il faut revenir à la préférence communautaire et mettre en place un vrai protectionnisme – celui-là même dont M. Montebourg a abondamment parlé avant d’être nommé ministre du redressement productif. Il faut, bien sûr, sortir de l’euro ; il faut démanteler cette monnaie qui a échoué.

Madame Guigou, vous êtes si fière de cette monnaie unique que vous ne voyez pas le résultat de vingt ans d’euro. Vous ne voyez pas que la monnaie trop forte a créé une cohorte de chômeurs dans l’ensemble des États de la zone euro. Vous ne voyez pas qu’aujourd’hui cette monnaie est tout simplement condamnée parce que l’Allemagne refusera d’assurer les transferts financiers nécessaires à la solidarité dont vous parlez tant.

M. Jacques Myard. Elle refusera de payer !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Elle est condamnée parce que les pays du Sud ne supporteront pas indéfiniment le chaos social et politique que vous leur imposez.

Mme la présidente. Monsieur le député, je vous remercie de bien vouloir conclure.

M. Nicolas Dupont-Aignan. D’un côté, les pays du nord, qui ne peuvent pas payer ; de l’autre, les pays du sud, qui souffrent. La monnaie unique est menacée d’explosion. Au reste, la question – et vous le savez très bien, puisque la plupart des ministères et des banques sont en train de réaliser des études sur cette hypothèse – n’est plus celle de savoir si elle va exploser, mais quand et comment elle va exploser.

M. Jacques Myard. Absolument !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Agira-t-on de manière coordonnée, en recréant un système monétaire européen souple, qui permette à chaque pays d’avoir sa monnaie ?

M. Jacques Myard. C’est un problème d’ajustement monétaire !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Si tel est le cas, oui, nous pourrons adapter la monnaie à la compétitivité réelle. Car vous savez parfaitement que ni la Grèce, ni l’Espagne, ni le Portugal, ni d’ailleurs la France ne peuvent avoir la même monnaie que l’Allemagne.

M. Jacques Myard. C’est évident !

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je conclus, madame la présidente.

La vraie question est celle de savoir combien de temps encore notre pays connaîtra ces fausses alternances. Vous avez fait croire aux Français que vous alliez apporter la croissance et M. Sarkozy avait fait la même chose en 2007 : votre défaite sera liée, comme l’a été la sienne,…

M. Jacques Myard. L’euro l’a tué !

Erreur ! Signet non défini.. …à la soumission à cette autorité illégitime qu’est Bruxelles. Il faudra bien prévoir une voie alternative, car, aujourd’hui, vous faites la preuve que le vote des électeurs français n’a d’autre résultat que le maintien de la même politique d’austérité, qui aura des conséquences incalculables au plan social et politique.

Une autre voie est possible !

Mme Marion Maréchal-Le Pen et M. Jacques Myard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au milieu de l’interminable, soporifique et quelque peu scolaire discours de politique générale que le Premier ministre nous a infligé hier ici même, (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) les Français et les Européens ont appris deux grandes nouvelles, dont la principale particularité est qu’elles sont parfaitement contradictoires.

La première nouvelle, destinée à l’électorat de la majorité, est « qu’aucune agence de notation ne notera jamais le rêve français » – c’est beau comme l’antique –, rêve que le candidat Hollande entendait hier « réenchanter ». Autrement dit, vous prétendez que le fameux modèle économique et social français, qui prend l’eau de toutes parts et ne survit que parce que la France emprunte chaque jour 500 millions d’euros – fort heureusement à des taux qui restent encore historiquement bas aujourd’hui –, va perdurer. Le Premier ministre l’a confirmé par une autre belle sentence : il n’y aura pas « de tournant ». Au reste, M. Ayrault n’a pas prononcé le mot « rigueur » et, mieux encore, il « refuse l’austérité ».

M. Alain Chrétien. Quelle hypocrisie !

Erreur ! Signet non défini.. Bien sûr, les impôts vont à nouveau pleuvoir comme à Gravelotte. Mais, dites-vous, seuls les riches et les grandes entreprises seront concernés : les classes moyennes et les PME seront épargnées. Vous promettez de combattre l’endettement qui menace la souveraineté de la France et vous évoquez, sans autre précision, d’éventuelles économies, mais, en attendant, vous dépensez toujours plus.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

M. Pierre Lellouche. Ici 60 000 enseignants supplémentaires, là des milliers d’agents supplémentaires pour Pôle Emploi, sans parler des 150 000 emplois-jeunes ni des 450 millions d’euros engloutis dans l’allocation de rentrée scolaire. Ce sont, au bas mot, 20 milliards d’euros de dépenses supplémentaires qui ont été décidés depuis le 6 mai.

M. Laurent Grandguillaume. La faillite, c’est vous !

M. Pierre Lellouche. Quant à la seconde grande nouvelle, elle n’a rigoureusement rien à voir avec la précédente : elle est même son exact contraire. Et pour cause : elle est destinée à un tout autre public, puisqu’il s’agit de Bruxelles, de l’Allemagne, des Européens et, accessoirement, de ce fameux « ennemi invisible » dénoncé par le candidat Hollande ; je veux parler des marchés. Benoîtement, le professeur Ayrault nous a annoncé, hier, qu’au lendemain du « tournant très positif » qu’a constitué le sommet européen des 28 et 29 juin, il soumettrait au Parlement le traité européen de stabilité financière, dont, hier encore, le candidat Hollande ne voulait pas entendre parler, mais qui – miracle ! – est devenu acceptable depuis que vous l’auriez « renégocié ».

M. Jacques Myard. Le coq a chanté trois fois !

M. Pierre Lellouche. Or, ce traité, monsieur le ministre – vous ne pouvez pas ne pas le savoir – se compose de deux instruments.

Le premier consiste dans un engagement juridique extrêmement contraignant qui oblige les États de la zone euro à présenter des budgets en équilibre – chose que la France n’a pas été capable de faire depuis 1974 – assorti d’un mécanisme, lui aussi très précis, de surveillance mutuelle des budgets nationaux avant leur présentation devant les différents Parlements des États membres,…

M. Jacques Myard. Inadmissible ! Scandaleux !

M. Pierre Lellouche. …des sanctions quasi automatiques étant prévues en cas de dépassement.

Le second permettrait, dans la mesure où toutes ces conditions seraient remplies, l’accès à un deuxième instrument, financier cette fois, un fonds de soutien commun désormais pérennisé, mais à des conditions, là aussi, extrêmement précises et contraignantes.

Tel est le dispositif que la France et l’Allemagne – pour être plus précis, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy – avaient durement et longuement négocié depuis la fin 2010 afin de sauver la zone euro.

M. Jacques Myard. Elle n’est pas sauvable !

M. Pierre Lellouche. En effet, comme vous le savez sans doute, les règles précédentes, celles du traité de Maastricht, qui s’appliquaient au début de la crise grecque, interdisaient expressément aux États membres de la zone euro de venir en aide à un autre État surendetté. Il a donc d’abord fallu contourner cette fameuse règle dite du no bail out, c’est-à-dire du non-renflouement, lors de l’irruption de la crise grecque au printemps 2010, puis la remplacer par un mécanisme transitoire, le fonds européen de stabilité financière – faut-il rappeler, à ce propos, que cette assemblée a voté plusieurs dizaines de milliards d’euros de crédits et de garanties pour aider la Grèce et d’autres pays de la zone euro –,…

M. Jacques Myard. En pure perte. Souvenez-vous des emprunts russes !

M. Pierre Lellouche. …qu’il a fallu ensuite pérenniser, compte tenu des règles constitutionnelles allemandes édictées par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.

Tel est le processus qui a abouti à la rédaction de ce fameux traité et à sa conclusion, au début du mois de mars dernier, peu avant l’élection présidentielle française.

Eh bien, c’est ce traité-là, dont vous ne vouliez pas, précisément parce qu’il repose sur le principe jeffersonien de la règle d’or, et contre lequel vous avez fait campagne au nom du refus de la « fatalité de l’austérité », contraire selon vous à la croissance, que vous vous apprêtez à nous demander de ratifier ! Voilà une belle et bonne nouvelle qui, si elle ne ravit pas M. Bocquet, M. Dupont-Aignan ou M. Myard, enchantera l’Europe…

M. Nicolas Dupont-Aignan. Elle mécontentera les Français !

M. Pierre Lellouche. …et bénéficiera à coup sûr de l’appui d’une grande partie des députés UMP, puisque c’est la majorité précédente qui a négocié ce traité avec l’Allemagne.

Permettez-moi de vous faire remarquer au passage que ce traité modifie les règles de présentation des budgets d’une manière si importante que je ne vois pas comment l’on pourra éviter la réunion du Congrès et une révision constitutionnelle.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Il faut un référendum !

M. Pierre Lellouche. Il sera du reste assez piquant de voir les députés socialistes et les députés UMP voter ensemble ce traité qui révolutionnera nos habitudes budgétaires. Je m’en réjouis d’avance : fini, les déficits à outrance…

M. Jean-Yves Caullet. Que vous avez accumulés !

M. Pierre Lellouche. …et les promesses du type : demain, on rase gratis !

Mais alors, monsieur le ministre, une question naïve me vient à l’esprit : que faut-il croire, au juste ? Le discours de campagne aux Français, réitéré hier, celui du « rêve français » – toujours plus de dépenses publiques, de fonctionnaires, d’impôts et de déficit – qui ne conduira, hélas ! qu’à aggraver notre endettement, la sous-compétitivité de notre économie et l’hémorragie d’emplois…

M. Alexis Bachelay. Apprenez à lire !

M. Pierre Lellouche. …ou celui tenu à Bruxelles, dans lequel vous promettez, en vous gardant bien d’utiliser le mot, la plus grande rigueur dans la gestion des comptes publics, parce qu’il faut que la France reste dans la zone euro et que l’on sauvegarde notre monnaie ?

Ce grand écart, vous ne pouvez pas l’ignorer, est tout simplement intenable à terme et pour la France, et pour la relation franco-allemande, et pour l’avenir de l’Europe, qui repose sur la confiance entre la France et l’Allemagne. Où habitez-vous : dans la rigueur ou dans les déficits ? Telle est la question posée par ce traité.

M. Nicolas Dupont-Aignan. De toute façon, vous aurez et la rigueur et les déficits !

M. Pierre Lellouche. Si je regrette qu’il n’y ait pas eu de questions au Gouvernement, en revanche, je me réjouis que ce débat intervienne au lendemain du discours de politique générale du Premier ministre, tant il révèle le grand écart que fait le Gouvernement entre ce qu’il dit aux Français et ce qu’il dit aux Européens. C’est intenable !

M. Jacques Myard. Il a raison !

M. Pierre Lellouche. Bien sûr, je sais que vous, socialistes – et particulièrement François Hollande, lorsqu’il était à la tête du parti socialiste –, êtes experts en contorsions et arrangements divers lorsqu’il s’agit du dossier européen. Chacun garde en mémoire la campagne du référendum de 2005 sur le fameux traité constitutionnel, qui avait littéralement fait imploser le PS entre, d’un côté, les partisans du oui, dont François Hollande, et, de l’autre, les « nonistes », dont les deux plus illustres représentants sont aujourd’hui, ironie du sort, chargés de la politique étrangère et européenne de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Félicitations !

M. Jacques Myard. Ils avaient raison, tout de même !

M. Pierre Lellouche. Monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique européenne de la France ne se conduit pas comme on gère, dans les couloirs de la rue de Solferino, les petits arrangements entre courants du parti socialiste. Les enjeux sont trop graves pour notre pays et pour l’Europe tout entière !

La noblesse du politique, monsieur Cazeneuve, celle qui fait toute la différence entre l’homme d’État et la petite soupe des politiciens professionnels, c’est de savoir dire la vérité, de choisir un cap et de s’y tenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), plutôt que d’osciller entre deux discours, l’un valable à Paris, l’autre à Bruxelles.

Or, sur l’Europe, vous n’avez cessé de mentir, et c’est grave. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous mentez, tout d’abord, quand vous dites, comme M. Ayrault hier devant cette assemblée, que, « depuis le 6 mai dernier, l’élection du Président de la République française a fait bouger les lignes en Europe ».

M. Alexis Bachelay. C’est vrai !

M. Pierre Lellouche. Mais quelles lignes, monsieur Cazeneuve ? Face à l’Allemagne, qui entend concilier consolidation des comptes publics et croissance – politique qui était également celle de la France sous Nicolas Sarkozy – et qui parvient à augmenter les salaires grâce aux gains de productivité de son industrie, vous avez prétendu relancer la croissance par une énième injection de fonds publics empruntés, non plus par des États déjà surendettés, mais par l’Union européenne cette fois, le tout étant implicitement garanti par l’économie allemande.

D’où tenez-vous que, sous l’influence de M. Hollande, l’Allemagne ait bougé sur ses lignes ? Où sont vos fameux « eurobonds » censés financer vos promesses électorales et nos dettes par la mutualisation des dettes de l’Europe du sud que garantirait naturellement l’Allemagne ?

M. Jacques Myard. C’est un mythe !

M. Pierre Lellouche. Vous mentez, ensuite, quand vous dites que le Conseil européen des 28 et 29 juin a représenté un « tournant » et que vous avez « renégocié » le traité européen.

M. Jacques Myard. Il a raison !

M. Pierre Lellouche. Quel tournant ? Le sommet n’a accouché que de mesures d’urgence au profit des banques espagnoles et italiennes – et, de ce point de vue, c’est un succès pour MM. Rajoy et Monti, et non pour M. Hollande –…

M. Alain Claeys. Ce n’est pas ce qu’a dit Copé !

M. Pierre Lellouche. …ainsi que de mesures limitées de relance sectorielle qui étaient prévues bien avant le 6 mai par la Commission. Je veux parler de la réaffectation d’un certain nombre de fonds structurels non engagés et de la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement : environ 120 milliards d’euros au total, qu’il conviendra de diviser par 27, soit, pour la France, 4 ou 5 milliards d’euros au mieux,…

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est dérisoire !

M. Jacques Myard. Ce n’est pas un plan, c’est de la ficelle !

M. Pierre Lellouche. …c’est-à-dire une fraction du Fonds stratégique d’investissement que nous avions mis en place sous Nicolas Sarkozy pour relancer l’économie française.

Vous mentez, enfin, lorsque vous vous attribuez la paternité de la taxe sur les transactions financières et des dispositions prévues sur la supervision financière, mesures initiées depuis longtemps par notre majorité.

Ces mensonges, ces contorsions vous permettront peut-être de gagner un peu de temps, mais ils ne fournissent en aucun cas un itinéraire de sortie de crise pour la France et pour l’Europe.

L’Europe est aujourd’hui l’homme malade de l’économie mondiale. Face à l’immense défi que représente la mondialisation des échanges, c’est-à-dire l’irrésistible montée en puissance de nouveaux grands pays émergents, face à l’irruption de deux milliards de travailleurs sur le marché de la production, notre vieux continent a le plus grand mal à préserver et son modèle social et sa compétitivité.

M. Jean-Yves Caullet. C’est votre bilan !

M. Pierre Lellouche. Les chiffres de l’OCDE sont éloquents. La prévision de croissance pour 2012 est de moins 0,3 % pour l’Europe, contre 10 % en Asie, 6 à 8 % en Amérique latine et en Afrique, 3 à 4 % en Amérique du Nord. Voilà la réalité des choses !

Sous la pression de cette mondialisation, la zone euro s’est scindée en deux : d’un côté, les pays du nord, qui ont entrepris des réformes et réussissent à rester compétitifs et, de l’autre, les pays du sud, qui s’installent dans la faillite. Entre les deux, la France cherche sa voie. Nous avons commencé à remettre en ordre ses finances publiques,…

M. Alexis Bachelay. Ah bon ?

M. Pierre Lellouche. …mais vous la conduisez dans l’autre direction.

Mes chers collègues, la sortie de crise sera de toute façon difficile ; elle consiste à remettre en ordre nos finances publiques. C’est la raison pour laquelle nous avons commencé à réduire les déficits (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et la Commission comme la Cour des comptes vous demandent de poursuivre dans cette voie.

La sortie de crise consiste également à mobiliser tous nos efforts pour créer en France un véritable choc de compétitivité et réindustrialiser le pays. Il s’agit de favoriser l’innovation – nous avons créé le crédit impôt-recherche –, la recherche – nous avons réformé les universités –, le travail – nous avons réformé l’apprentissage –, le financement des PME – nous avons créé OSEO – et, surtout, la baisse du coût du travail, car là est bien le cœur du problème.

M. Alain Chrétien. Évidemment !

M. Pierre Lellouche. À cette fin, nous avions prévu une TVA anti-délocalisation, que vous voulez supprimer. Or, la différence de coût du travail entre notre pays et l’Allemagne atteint 8 à 25 % selon les secteurs : services, industrie ou agriculture.

Aux antipodes de cette politique, vous avez cherché à fourvoyer les Français, en prétendant qu’il suffirait de brandir les mots magiques de croissance et d’eurobonds, des talismans, pour retrouver le confort d’avant la crise.

De même, vous avez cherché à prendre la tête du syndicat des pays du Sud les plus endettés – j’allais dire les plus fauchés – dans le but d’isoler l’Allemagne et de la contraindre à donner sa carte de crédit et son code secret pour financer les dettes de l’ensemble de l’Europe.

Or, l’Allemagne ne paiera pas ! Elle n’a aucune intention de le faire, elle qui, depuis douze ans et un chancelier socialiste dénommé Gerhard Schröder, a fortement baissé le coût du travail, réformé ses filières industrielles et dopé l’innovation. Le chauffeur de taxi ou l’employé de Stuttgart ou de Hanovre, qu’il vote CDU ou SPD, n’entend pas financer les faux aveugles grecs et n’a pas de tendresse particulière pour nos 35 heures ou les retraites que vous voulez ramener à 60 ans !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est sûr !

M. Pierre Lellouche. C’est d’ailleurs ce qu’a exprimé, on ne peut plus clairement, la chancelière allemande devant le Bundestag au lendemain de l’élection de François Hollande, par la formule suivante : « Une croissance par des réformes structurelles est importante et nécessaire ; une croissance à crédit nous ramènerait au début de la crise. Nous ne le voulons pas et nous ne le ferons pas ». Plus récemment, la même chancelière a qualifié de simpliste et de médiocre le faux débat qui voudrait opposer la croissance et la rigueur budgétaire. On voit sans difficulté à qui elle faisait allusion. Et ce n’est pas en recevant à l’Élysée les chefs du parti socialiste allemand que vous briserez ce consensus outre-Rhin !

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le député.

M. Pierre Lellouche. J’ai pratiquement terminé, madame la présidente.

Bien au contraire, vous prenez le risque inouï, pour qui connaît l’histoire de notre continent, d’isoler l’Allemagne et de rompre le pilier de confiance franco-allemand sur lequel repose tout l’édifice européen. Vous aggravez ce risque en accentuant l’écart de compétitivité entre les deux principales économies européennes par le matraquage fiscal et l’explosion des dépenses publiques supplémentaires que vous envisagez.

Ce n’est pas en diabolisant l’Allemagne, comme l’a fait M. Montebourg lors de la campagne des primaires du PS, qui stigmatisait « les actes d’égoïsme de l’Allemagne en Europe », son « attitude non coopérative, dangereuse pour la France, absurde pour l’Allemagne elle-même et suicidaire pour l’Europe » que vous redresserez l’économie française !

Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo !

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le député.

M. Pierre Lellouche. Il est suicidaire de confier au charlatan de la « démondialisation » et du « protectionnisme européen » la tâche de mener à bien la réindustrialisation de la France ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Jean Launay. Les charlatans ne sont forcément ceux qu’on croit !

M. Pierre Lellouche. Au terme de cette analyse, vous comprendrez, mes chers collègues, qu’un climat d’inquiétude et de gravité règne aujourd’hui sur les bancs de l’opposition, comme chez les millions de Français qui travaillent au sein de petites, moyennes ou grandes entreprises ouvertes à la compétition internationale et qui voient une avalanche d’impôts nouveaux s’abattre sur ces entreprises, aggravant la sous-compétitivité de l’économie française…

M. Jean-Frédéric Poisson. Exact !

M. Pierre Lellouche. …tandis que les divergences sont de plus en plus marquées, au sein du couple franco-allemand, en matière de finances et de monnaie.

Messieurs les ministres, mesdames et messieurs de la majorité, nous vous adjurons de changer le cours de votre politique. Il est encore temps d’éviter le pire (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) en mettant en œuvre une politique intérieure cohérente avec la politique européenne que vous envisagez. Le traité européen vous aidera sans doute à devenir vertueux malgré vous mais, de grâce, soyez cohérents ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je veux tout d’abord remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés lors de ce débat – un débat dont chacun aura noté l’importance, et qui soulève des questions extrêmement sérieuses. Si toutes les contributions au débat sont les bienvenues, j’avoue avoir été quelque peu surpris par certains propos émanant de députés qui étaient ministres il y a encore quelques semaines. Certains sont restés au gouvernement durant dix ans, alors que nous n’y sommes que depuis dix semaines : sans doute est-ce pour cette raison qu’ils se croient autorisés à nous donner des leçons avec autorité, voire avec une certaine arrogance.

M. Jean Leonetti. Pour ce qui est de l’arrogance, je crois que vous n’avez pas besoin de leçons !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ainsi, j’ai sans doute bien plus à apprendre de M. Leonetti que lui de moi, puisqu’il a exercé des fonctions ministérielles durant plusieurs années. À l’heure de conclure ce débat – un débat important et stratégique, comme l’a souligné Pierre Lellouche –, il me semble que nous ferions mieux de chercher ensemble des solutions, au lieu de souligner sans cesse ce qui nous divise, en tenant des propos qui relèvent souvent de l’outrance et de la caricature.

M. Jacques Myard. C’est de la repentance ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Non, monsieur Myard, c’est simplement une forme de lucidité que je vous propose de partager. Encore faut-il que vous trouviez en vous-même des ressources de calme et de sérénité suffisantes pour accéder à cette lucidité – mais on peut être petit et calme, comme vous aurez certainement à cœur de nous le prouver. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. On peut aussi être petit et lucide !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La plupart des orateurs qui se sont succédé à la tribune au cours de ce débat ont exprimé des interrogations appelant des réponses, que je vais m’efforcer de leur apporter.

Commençant par les orateurs de l’opposition, je veux d’abord remercier M. Leonetti pour la subtilité de son discours et l’efficacité de son argumentation. Je vais tâcher de lui dire très franchement ce que je pense et retiens de son intervention, étant précisé que ma réponse s’adressera également à M. Copé qui, en n’étant pas aussi nuancé que M. Leonetti – loin s’en faut –, s’est montré de ce fait moins efficace.

Monsieur Leonetti, vous avez fondé une bonne partie de votre argumentation sur le fait que nous aurions renoncé à certains de nos engagements.

M. Jean Leonetti. Tout à fait !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vais vous apporter, sur ce point, des explications extrêmement précises qui intéresseront également M. Lellouche et M. Copé. Vous avez tous trois insisté sur la nécessité de tenir compte des réalités de l’Union européenne et des économies qui la composent, en matière de compétitivité, de rétablissement des comptes publics et de relation avec l’Allemagne, afin de pouvoir contribuer à la consolidation de l’Europe.

Pour ce qui est de la compétitivité, je rappelle que ce que vous avez fait en ce domaine lors des dix dernières années s’est traduit par la suppression de 700 000 emplois industriels…

M. Nicolas Dupont-Aignan. Et ça va continuer !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …ainsi que par la disparition de pans entiers, en France, de compétences et d’industries.

M. Pierre Lellouche. Pourquoi ? Parlez-nous un peu des 35 heures !

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous sommes le seul pays à avoir les 35 heures !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ainsi, même dans des domaines où nous détenions initialement le leadership, nous avons progressivement perdu des parts de marché. Je pense notamment au secteur de l’industrie nucléaire – une question sur laquelle vous vous estimez sans doute particulièrement légitime pour intervenir –, dont vous avez méthodiquement organisé le démantèlement au cours des cinq dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), faisant ainsi disparaître la branche « Transmission et distribution » de l’entreprise Areva, qui représentait 45 % de son chiffre d’affaires.

Mme Annie Genevard. Ça, c’est un propos nuancé !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez, par ailleurs, créé les conditions permettant la conclusion d’alliances avec des États étrangers – je pense notamment à la convention signée entre EDF et les Chinois, qui a eu pour conséquence de mettre en concurrence l’entité ainsi créée avec nos propres champions industriels français, notamment Areva. Comment pouvez-vous parler de compétitivité, quand le quinquennat qui vient de s’achever se solde par un million de chômeurs en plus ?

Mme Sandrine Mazetier. Un scandale !

Mme Annie Genevard. Et la crise, vous en avez entendu parler ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Comment pouvez-vous parler de rétablissement des comptes publics, quand le même quinquennat se solde par 600 milliards d’euros de dettes supplémentaires et un déficit du commerce extérieur de 75 milliards d’euros, alors que les excédents français étaient de 150 milliards d’euros ? Vous vous exprimez aujourd’hui comme si le bilan que je viens d’évoquer n’avait jamais existé, ou comme si ce bilan, qui est indéniablement le vôtre au terme de dix années au pouvoir, pouvait être imputé aux dix semaines de gouvernement de la nouvelle majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Sur des sujets aussi graves, il conviendrait que vous teniez des propos plus nuancés, qui porteraient la marque d’une certaine honnêteté intellectuelle et politique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Annie Genevard. Et vous, alors ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour ce qui est des renoncements que vous évoquez, Monsieur Leonetti, je veux bien croire que le temps que vous avez passé à exercer des responsabilités ministérielles vous confère, dans les domaines qui nous intéressent, une connaissance bien supérieure à la mienne, qui vous ai succédé il y a tout juste quelques semaines. Vos propos relatifs à de supposés renoncements m’inspirent toutefois quelques remarques.

Premièrement, vous expliquez qu’il existe un décalage entre ce que nous voulions obtenir lors du sommet de la semaine dernière, et ce que nous avons finalement obtenu – un décalage que vous interprétez comme un renoncement. Je vous rappelle que, durant la campagne présidentielle, nous affirmions qu’il était possible de réorienter l’Union européenne sur le chemin de la croissance.

M. Jean Leonetti. Vous vouliez renégocier !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Alors que nous étions dans l’opposition, nous avons soutenu – notamment lors du débat ayant opposé nos candidats respectifs – qu’il était possible de ne pas imposer aux peuples d’Europe une austérité à perte de vue et, à condition d’en avoir la volonté, de faire en sorte, au-delà de la discipline budgétaire – que nous estimons nécessaire, je le précise – de prendre des initiatives en faveur de la croissance.

M. Jean Leonetti. Vous n’avez pas renégocié le traité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous disions qu’il était possible de prendre de telles initiatives à condition de les faire valoir, lors des discussions avec nos partenaires de l’Union européennes, comme des exigences de la part de la France.

M. Jean Leonetti. Vous n’avez rien renégocié !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. De notre point de vue, la France est un grand pays qui doit pouvoir, dans les relations qu’il entretient avec ses partenaires européens, formuler des orientations, indiquer des préférences et, disons-le, essayer de convaincre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est ce que nous avons fait…

M. Jean Leonetti. En tout cas, vous n’avez pas renégocié !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …ce qui nous a permis d’obtenir, au terme du Conseil européen de la semaine dernière, des décisions extrêmement précises sur des sujets essentiels. Quand vous dites que ces décisions étaient dans les tuyaux depuis un certain temps, il est permis de penser qu’elles y étaient fort peu engagées, puisque vous n’avez jamais réussi à les formaliser sous la forme d’un plan suffisamment cohérent pour être approuvé par l’ensemble des pays de l’Union européenne.

Croyez-moi, ce n’est pas sans difficultés que nous avons obtenu, lors du Conseil « Affaires générales » de l’Union européenne qui s’est tenu la semaine dernière, un accord sur le pacte de croissance constituant l’aboutissement de longues discussions. Les dix milliards d’euros de recapitalisation de la Banque européenne d’investissement qui, selon vous, étaient déjà acquis, je peux vous assurer qu’ils ne l’étaient pas du tout lors du Conseil « Affaires générales » de Bruxelles, la semaine dernière : un certain nombre de pays d’inspiration libérale n’en voulaient pas du tout, et trouvaient même cette idée totalement saugrenue.

M. Jacques Myard. C’est lamentable ! Des cacahuètes, voilà ce que vous avez obtenu !

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu ! Vous n’avez pas renégocié le traité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si la Commission avait envisagé cette proposition, la France ne l’avait jamais formulée avec autant que conviction que nous l’avons fait. Et ne venez pas nous dire que c’était dans les tuyaux, alors que personne n’imaginait que notre proposition serait adoptée !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Dix milliards d’euros, ce n’est rien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Selon vous, en acceptant la recapitalisation des banques, nous aurions renoncé aux convictions que nous avions exprimées. Mais vous savez très bien, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, que le principal problème auquel nous avons été confrontés au cours des dernières années, c’est ce lien, criminel pour les économies, qui unissait la dette souveraine et la dette bancaire, formant ainsi un cercle vicieux. Tous les économistes – de droite comme de gauche – vous diront que la meilleure manière d’éviter la poursuite de l’austérité et l’enlisement des économies consiste à rompre ce lien. Pour cela, nous devons être en situation d’assurer la recapitalisation des banques par le mécanisme européen de stabilité. Cela ne doit toutefois pas se faire sans conditions, comme vous l’avez fait quand vous avez accepté de soutenir les banques françaises sans exiger, en contrepartie, d’exercer un contrôle au sein de leurs conseils d’administration, de remettre en cause les rémunérations des traders et les dérives dans les pratiques bancaires.

Pour notre part, lorsque nous avons proposé la recapitalisation directe des banques par le mécanisme européen de stabilité, nous avons assorti cette proposition d’un système de supervision garantissant que les banques ne se laisseront plus aller aux mêmes errements que naguère. Voilà ce que nous avons réussi à obtenir, là où vous avez échoué lorsque vous étiez au pouvoir ! ((Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe RRDP ; exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Deuxièmement, vous affirmez que nous nous serions rangés aux côtés de l’Italie et de l’Espagne pour jouer les porte-parole des États du Sud, face à une Allemagne dont nous aurions divorcé. C’est là une vision à la fois restrictive et fausse des choses…

M. François Loncle. Une vision égoïste !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …tellement éloignée de la réalité que j’ai du mal à croire qu’elle corresponde réellement à ce que vous pensez.

M. Jean Leonetti. Mais si, c’est la réalité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pas du tout, monsieur Leonetti et je vais vous le prouver.

Au cours des quatre dernières semaines, des pays comme l’Espagne et l’Italie nous ont dit que leurs peuples souffraient ; ils sont confrontés à de grandes difficultés. Ces pays ont mis en place des politiques auxquelles, contrairement à ce que vous avez dit, nous n’adhérons pas, parce qu’elles ne sont pas la nôtre.

M. Jacques Myard. Mais si ! Vous faites la même chose !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais nous reconnaissons qu’elles ont représenté pour ces peuples des efforts considérables. Ces politiques, qui se caractérisent par de la rigueur – je dirai même de l’austérité –, ont conduit à la souffrance des peuples.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Vous allez les imposer en France !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Elles se traduisent par des augmentations des taux d’intérêt qui ruinent la possibilité pour ces États d’avoir jamais accès à la croissance.

Eh bien, ces pays nous disent : « Nous voulons que les taux d’intérêt soient maîtrisés. Nous voulons inscrire les spreads dans un cadre grâce auquel les efforts que nous avons imposés à nos peuples nous permettent de connaître enfin la croissance. »

M. Jean Leonetti. Cela n’a rien à voir !

M. Jacques Myard. Des mots, des mots, des mots !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous acceptons cette revendication ; nous nous en faisons même le porte-parole, parce que nous considérons qu’il est bon pour l’Europe que le fonds européen de stabilité financière et le mécanisme européen de stabilité puissent intervenir sur le marché des obligations. Ainsi, les taux baisseront et les pays concernés ne seront pas confrontés à l’austérité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Pour ce faire, nous avons parlé avec l’Espagne et l’Italie, mais aussi avec l’Allemagne. En effet, selon nous, le rôle de la France est d’être un trait d’union entre les pays du Sud, qui demandent à ce que la solidarité s’exerce, et l’Allemagne, avec laquelle nous voulons approfondir notre relation, sans laquelle il n’y a pas d’avenir pour l’Europe.

M. Thierry Braillard. C’est vrai !

M. Jacques Myard. Des mots, toujours des mots !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je puis vous assurer que Mme Merkel, au terme de quatre semaines de discussions approfondies sur ces sujets sérieux avec le président de la République française, a trouvé en lui un interlocuteur stable, avec lequel on peut parler sérieusement de questions qui engagent l’avenir.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Vous avez cédé !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Et, avec cette façon de travailler, nous créons la possibilité de consolider durablement le couple franco-allemand.

Ce que vous appelez un renoncement n’est rien d’autre que la mise en œuvre, méthodique et méticuleuse, des engagements que nous avons pris devant les Français,…

M. Jean Leonetti. Mais avez-vous, oui ou non, révisé le traité ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …en consolidant la relation franco-allemande et en la rééquilibrant, parce qu’il n’y a pas de bon couple franco-allemand qui ne soit équilibré.

M. Jacques Myard. Pipeau !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. De plus, nous avons fait en sorte que cette relation s’ouvre à nos partenaires, car il ne peut y avoir d’Europe à deux : l’Europe se fait à vingt-sept et, dans la zone euro, nous devons parler avec nos seize autres partenaires.

Voilà la réalité de ce que nous avons fait. On est loin de la litanie de contrevérités que nous avons dû subir depuis maintenant trois heures ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. Je profite de cet instant pour vous dire, monsieur Myard, que, si vous vouliez prendre la parole, il fallait vous inscrire dans la discussion. Veuillez, s’il vous plaît, laisser M. le ministre répondre aux orateurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Jacques Myard. Mais il dit tout et son contraire ! Il ne suffit pas d’avoir l’air sérieux pour l’être vraiment.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce qui n’est pas sérieux, c’est de dire qu’il y aurait d’un côté un discours à Paris et de l’autre un discours à Bruxelles.

Le discours que nous tenons à Paris est un discours de rétablissement de la discipline budgétaire, précisément parce que nous voyons la situation qui nous a été laissée, les déficits abyssaux que nous allons devoir surmonter. La dette, comme une gangrène de l’économie française, n’a cessé de progresser au cours des dernières années ; le chômage mine l’espérance dans notre pays. Voilà la situation qui nous a été léguée.

M. Thierry Braillard. Eh oui ! Merci à la droite !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Personne au sein de la majorité, aucun ministre siégeant sur les bancs du Gouvernement n’imagine, ne serait-ce qu’une minute, qu’il serait possible d’engager la France dans le redressement sans un effort de discipline budgétaire qui permette le rétablissement de nos comptes.

M. Jacques Myard. Et les 60 000 fonctionnaires de plus ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. À cet égard, monsieur Leonetti, monsieur Lellouche, vous avez eu d’autant plus raison de dire que les dettes que l’on creuse et la croissance que l’on désire ne sont pas compatibles que vous avez subi les dettes et les déficits que vous avez vous-mêmes aggravés et qui ont miné l’économie française.

M. Jacques Myard. C’est de la malhonnêteté intellectuelle !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Oui, les déficits et les dettes minent la croissance, mais il n’est pas possible non plus de rétablir les comptes sans un retour de la croissance.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Et pourtant vous acceptez le pacte de stabilité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais nous pensons – et c’est la différence avec vous – que le rétablissement des comptes publics doit se faire dans la justice.

M. Jacques Myard. Vous n’en avez pas le monopole !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous pensons qu’il est possible de rétablir les comptes publics sans pour autant accroître les injustices sociales, comme vous l’avez fait, notamment à travers le bouclier fiscal et la réforme de l’impôt sur la fortune, qui ont consisté, en pleine crise, à faire des cadeaux fiscaux à ceux qui n’en avaient nul besoin, contribuant ainsi à creuser les déficits et la dette, alors même que les conditions étaient extrêmement funestes pour l’économie française. Nous rétablirons les comptes publics en même temps que nous créerons en France les conditions de la croissance.

La mise en place d’une banque publique d’investissement est précisément destinée à favoriser l’accès des PME au financement. En même temps, nous souhaitons réformer profondément l’impôt sur les sociétés, de façon à ce que les PME et PMI qui innovent, qui investissent, qui essaient de créer les conditions de la croissance, soient moins taxées qu’elles ne l’étaient jusqu’à présent, au détriment – il est vrai – des grands groupes, que leurs profits parfois démesurés conduisaient à investir dans les marchés financiers, contribuant d’ailleurs ainsi au dérèglement d’une finance démente. Voilà ce que nous allons faire pour la croissance et le rétablissement des comptes publics, dans la justice, en France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Je voudrais dire également quelques mots sur la suite. En effet, il a été dit – même si l’on a vu que cela n’est pas exact – que, lors de ce sommet, on avait engrangé les résultats de décisions qui étaient déjà dans les tuyaux,…

M. Jean Leonetti. C’est pourtant le cas et vous le savez bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et que, maintenant, il n’y aurait plus rien sur le métier. Plus rien ne serait donc possible. Nous vous disons au contraire, chers parlementaires de l’opposition, qu’il y a encore beaucoup de choses à faire.

M. Jean Leonetti. Ça, c’est sûr !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Et ce qui reste à faire se fera en s’engageant sur un chemin extraordinairement escarpé et difficile.

M. Jean Leonetti. Certainement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez parlé, par exemple, de la nécessité de conforter la relation franco-allemande et l’union économique et monétaire. C’est bien le but de la feuille de route sur laquelle travaille M. Van Rompuy, qui doit nous conduire nous-mêmes à faire encore et toujours des propositions, pour continuer à exercer une magistrature dans l’opinion, dans le but de conforter l’Union européenne. Ce travail est devant nous. Nous allons essayer de l’accomplir, mais pas dans l’excès et l’outrance.

M. Jean Leonetti. Nous vous y aiderons !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Non, vous ne nous aiderez pas. En tout cas, cela a mal commencé aujourd’hui, si j’en juge d’après cette séance : alors que ce sujet est si sérieux, vous vous êtes lancés au début dans des polémiques qui n’avaient rien à voir avec l’ordre du jour…

M. Jacques Myard. Il est vrai que vous ne faites que violer la Constitution !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et destinées à organiser une diversion. Que penser également de l’outrance qui a présidé aux propos de quelques-uns des orateurs de l’opposition ?

Nous avancerons, disais-je, sur ce chemin ; nous progresserons en faisant des propositions, avec le souhait – je le dis à Henri Plagnol – de réaliser un processus d’intégration politique qui conforte l’Union européenne.

M. Jean Leonetti. Vous n’en prenez pas le chemin !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. À cet égard, je voudrais répondre en quelques mots à ce qui a été dit tout à l’heure, qui ne me paraît pas correspondre à la réalité de ce que nous avons vécu.

D’un côté, il y aurait le grand saut fédéral, proposé par l’Allemagne, auquel nous aurions renoncé en ne saisissant pas la main que nous tendait Mme Merkel. De l’autre côté – et la meilleure preuve en serait que les deux ministres présents ici aujourd’hui, chargés des affaires étrangères et des affaires européennes, ont voté non à la Constitution européenne –, il y aurait une France souverainiste. Mais on ne peut regarder la réalité de l’Europe d’aujourd’hui dans un rétroviseur.

Mme Annie Genevard. C’est trop facile !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si nous voulons réussir l’Europe, si nous voulons faire en sorte de pouvoir, tout en étant solidaires des peuples qui souffrent, créer les conditions d’un renforcement de l’Europe et d’une plus grande efficience des outils dont elle est dotée…

M. Jacques Myard. Des mots, des mots !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Non, monsieur Myard, ce ne sont pas seulement des mots, précisément parce que nos partenaires européens nous demandent que, en parallèle au renforcement des outils dont nous disposons, il y ait un processus d’intégration supplémentaire.

M. Jean Leonetti. Reconnaissez qu’il a été largement initié avant vous !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous aurions donc tort d’opposer la solidarité à l’intégration. Je dirai même que la solidarité, dès lors qu’elle allège la souffrance des peuples, qu’elle permet aux pays les plus en difficulté de connaître le redressement, peut avoir pour corollaire l’intégration.

Voilà pourquoi nous avons souhaité l’intégration solidaire : lorsque l’on est solidaire de ceux qui souffrent, l’intégration progresse un peu. Un climat de confiance, de solidarité et d’unité permet à l’Union d’aller plus loin. N’opposons donc pas l’intégration à la solidarité ; créons les conditions pour que l’intégration progresse à mesure que la solidarité se renforce.

Tel est le projet que porte le Président de la République. C’est dans cet esprit que nous entendons conforter la feuille de route proposée par M. Van Rompuy, qui doit être préemptée par les États dans les mois qui viennent, au cours de la discussion intergouvernementale et en lien avec les institutions européennes, pour conforter l’ensemble.

Par ailleurs, si tous les orateurs – même ceux qui ont été les plus critiques, auxquels je m’emploie à répondre – ont insisté sur la nécessité de donner à l’ensemble des mesures que nous nous apprêtons à adopter dans les mois qui viennent le maximum de force, certains ont objecté que les mesures adoptées par le Conseil européen n’ont pas la même force que le traité.

C’est vrai. Je vous ferai tout de même remarquer que le président du Parlement européen – au sein duquel sont représentées de nombreuses sensibilités, dont certaines sont proches de vous, comme j’ai pu le constater hier à Strasbourg, où j’ai rencontré l’ensemble des présidents de groupe – a proposé un accord interinstitutionnel sur les dispositions arrêtées lors du Conseil européen, ce qui témoigne de l’importance qu’il leur accorde.

Le Conseil, à cause des conservateurs européens, qui ne nous permettent pas d’aller aussi loin que nous le souhaitons, n’a pas retenu ce principe, que souhaitait le Parlement et que nous avions appuyé parce qu’il nous paraissait intéressant. Toujours est-il que cela témoigne bien du fait que les institutions ont compris l’importance de ce que nous faisions.

Pour conclure, l’intention du Gouvernement, sur ces sujets, est de faire en sorte que le pacte de croissance, qui viendra à côté de la discipline budgétaire, donne une perspective équilibrée, solide et pérenne de renforcement de l’Europe et des solidarités qu’elle porte comme une espérance depuis sa création.

Nous ferons tout, dans les mois qui viennent, pour que ce processus soit consolidé, conforté, approfondi, dans le respect de nos partenaires et tout en renforçant la relation franco-allemande – une relation rééquilibrée et ouverte à d’autres pays.

Nous voulons aussi faire en sorte de porter ensemble, dans cet hémicycle, au moyen d’une relation que nous souhaitons la plus apaisée et la plus constructive possible avec l’ensemble des groupes,…

M. Jean Launay. Pour cela, il faut que l’opposition y mette du sien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …un grand projet européen, qui lui-même porte une ambition pour la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Jacques Myard. Amen !

Mme la présidente. Le débat est clos.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mardi 10 juillet à quinze heures :

Projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011 ;

Débat d’orientation sur les finances publiques.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante.)