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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du dimanche 3 février 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Discussion des articles (suite)

Rappel au règlement

M. Philippe Gosselin

Avant l’article 1er bis (suite)

Amendements nos 2708, 4233, 4686, 4927, 5119

Rappels au règlement

M. Christian Jacob

M. Jean-Christophe Fromantin

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

M. François Rochebloine

M. Hervé Mariton

Mme Marie-George Buffet

M. Sergio Coronado

M. Bruno Le Roux

Avant l'article 1er bis (suite)

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Suspension et reprise de la séance

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

M. Marc Le Fur

Mme Sophie Dessus

Amendements nos 2168, 1919, 3053, 3550, 3788, 4246, 4958, 3053, 3550, 3788, 4246, 4958, 1894

Suspension et reprise de la séance

Avant l’article 1 bis (suite)

Amendements nos 1894, 2088, 2336, 2945, 3530, 4964

Rappel au règlement

M. Bernard Roman

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 1896, 5374 (sous-amendement), 2087, 2337, 2947, 3047, 3793, 4963, 1900, 2950, 5377 (sous-amendement), 3048, 4227

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales

Amendements nos 1907, 2339, 2956, 3050, 3538, 3791, 4237, 4962

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 1912, 5380 (sous-amendement), 2341, 2964, 3789, 4240, 1914, 5372 (sous-amendement), 5376 (sous-amendement), 5379 (sous-amendement), 2966, 3052, 3377

Rappels au règlement

M. Christian Jacob

M. Jean-Christophe Fromantin

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 71, 127, 350, 384, 465, 396, 524, 601, 702, 964, 1200, 1247, 1418, 1479, 1674, 1741, 2041, 2201

Faits personnels

M. Nicolas Dhuicq

M. Erwann Binet

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. (nos 344, 628, 581)

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 2708 portant article additionnel avant l’article 1er bis.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Gosselin. Mon intervention se fonde sur l’article 58, relatif au déroulement de nos travaux.

Ma remarque s’adresse tout particulièrement à Mme la ministre de la famille…

Plusieurs députés UMP. Où est-elle ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Calmez-vous, elle va arriver ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, du calme, le Gouvernement est représenté.

M. Philippe Gosselin. …qui n’est pas là, mais peut-être va-t-elle nous rejoindre.

Madame Lemorton, sachez que je ne lui fais aucun mauvais procès. Il est 15 heures 02, la séance commence à peine, d’ailleurs la voilà qui arrive. Mon propos n’était nullement agressif.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous êtes un perfide !

M. le président. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé.

M. Philippe Gosselin. Exactement mais Mme Lemorton est tellement sur les nerfs qu’il suffit qu’un membre de l’opposition prenne la parole pour qu’aussitôt elle se sente en difficulté. Nous pouvons être corrects. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Venons-en au fait.

M. Philippe Gosselin. Ah, je suis heureux de voir que Mme Lemorton a le sourire à présent.

Reprenons : je parlais donc du bon déroulement de nos travaux, Mme la ministre chargée de la famille devrait nous expliquer certains points. J’ai bien noté que M. le Premier ministre ne souhaitait pas que la PMA soit inscrite dans le projet de loi avant que le Comité national d’éthique ait rendu sa décision. La ministre de la famille a des positions différentes. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe SRC.) Nous ne sommes pas loin du couac si tant est que nous ne soyons déjà dedans. Cette cacophonie nuit au bon déroulement de nos débats.

Pourriez-vous, oui ou non, nous donner clairement la position du Gouvernement ? Je veux bien croire le Premier ministre, mais il ne pourra pas s’en expliquer aujourd’hui puisqu’il est à l’étranger. Mme la ministre de la famille est-elle autorisée à nous donner une réponse ferme et précise ? Depuis ce matin, on louvoie dans tous les sens. Nos collègues Verts nous parlaient tout à l’heure d’un accord secret avec le parti socialiste. Va-t-on enfin expliquer à la représentation nationale ce que le Gouvernement a en tête…

M. Philippe Meunier. Rien !

M. Philippe Gosselin. …et compte proposer aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Avant l’article 1er bis (suite)

M. le président. Nous allons à présent reprendre nos travaux. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Je respecte profondément nos institutions. Nous aurons une séance de questions d’actualité mardi et je suis certain, compte tenu de votre sagacité, que vous aurez l’occasion de poser la question au Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.).

M. Philippe Gosselin. La question se pose dans ce débat !

M. le président. La PMA ne figure pas dans ce texte, sur lequel nous allons travailler tout l’après-midi, ce soir et une partie de la nuit. Nous aurons le temps d’aborder cette question.

M. Philippe Gosselin. Cela veut bien dire que le Gouvernement refuse de s’expliquer.

M. Philippe Meunier. Nous sommes dans le flou le plus total.

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 2708.

M. Marc Le Fur. Un autre point reste sans réponse, celui de l’organisation des états généraux.

Plusieurs députés UMP. Eh oui.

M. Marc Le Fur. Quand auront-ils lieu ? Comment seront-ils organisés ? Quel en sera le sujet ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

J’en viens à un sujet qui, objectivement, divise, y compris au sein de chacune de nos familles politiques : le droit de connaître ses origines.

Je voudrais, à cet égard, prendre date pour les débats à venir.

M. Philip Cordery. Ce n’est pas dans le texte !

M. Marc Le Fur. Il n’est illégitime pour personne de connaître ses origines, quelle que soit la façon dont il est venu au monde, dès lors qu’un cadre est posé, et dans la mesure du possible.

On nous dira que nous sommes dans le tout-génétique. Pas du tout. Le droit aux origines est aussi culturel. J’en appelle au grand rabbin Bernheim, dont les écrits sur l’homoparentalité sont remarquables : le père et la mère indiquent à l’enfant sa généalogie, bien au-delà du père et de la mère. L’enfant a besoin d’une généalogie claire et cohérente pour se positionner en tant qu’individu. Ce qui fait l’humain depuis toujours et pour toujours, c’est une parole dans un corps sexué et dans une généalogie. Depuis des millénaires, le système sur lequel est fondé notre société est une généalogie, plus précisément une double généalogie, celle du père et celle de la mère, création et symbole de l’alliance. Pour cette raison ce débat sur les origines est-il fondamental. Je sais que nous l’aurons. Nous sommes un certain nombre à prendre date, peut-être à nous singulariser, y compris au sein de notre propre famille politique, mais nous devons poser le problème.

Je regrette que nous n’ayons pas, comme lors du précédent mandat, des instances, telle la commission d’éthique, qui nous auraient permis d’aborder plus sereinement ce type de sujet.

M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n° 4233.

M. Paul Salen. Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit avoir auditionné beaucoup de personnes. Nous aussi, et nous avons en particulier entendu le professeur Maurice Berger, chef de service en psychiatrie de l’enfant au CHU de Saint-Étienne.

Il nous a dit que ces enfants qui vivront avec des parents de même sexe seront privés non seulement de leurs parents biologiques, mais aussi d’une filiation crédible de substitution. Ces enfants, selon lui, vont se retrouver dans une nouvelle situation, celle de SDF, sans domicile filiatif.

M. Guy Delcourt. Alors ça !

M. Paul Salen. Il nous prédit de surcroît que, dans vingt ans, des procès seront intentés à la puissance publique par de jeunes adultes en grande difficulté qui demanderont réparation pour n’avoir pas été confiés, de manière délibérée, à un père et à une mère.

Ces procès seront légitimes et ils mériteront, au nom de l’égalité, qu’une compensation soit accordée.

Plusieurs députés UMP. Très bien !

M. Paul Salen. Monsieur le rapporteur, madame la garde des sceaux, c’est vous qui en porterez la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 4686.

M. Nicolas Dhuicq. Deux conceptions de l’humain et de l’humanité s’affrontent. Rappelons qu’il n’y a pas une vision purement sociale contre une autre qui serait purement génétique, les deux sont importantes. Marc Le Fur l’a très bien souligné : la génétique, c’est aussi la généalogie, la filiation, l’inscription dans une histoire plus que familiale, l’inscription dans une histoire qui a été déniée, par certains, au XXsiècle, à des frères humains parce qu’ils avaient le défaut d’appartenir à un peuple qui devait être exterminé. C’est un défaut majeur que de vouloir ôter à ces enfants la capacité de s’inscrire dans une histoire.

Les digues lâcheront à un moment car, automatiquement, dans un monde ouvert sur l’extérieur, la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui, iront de soi, inéluctablement, et vous ne pourrez pas, au seul niveau national, construire des lignes Maginot qui seraient infranchissables. À cet égard, la position de nos camarades écologistes a le mérite d’être claire, honnête et transparente, ce qui n’est pas le cas de celle de la majorité socialiste.

Dernière réflexion : 200 000 enfants sont nés suite à une PMA. La probabilité statistique ne sera pas nulle qu’un jour, un frère rencontre sa sœur. Elle ne sera pas égale à zéro. Les médecins et les patients doivent pouvoir connaître le nom du donateur.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 4927.

M. Julien Aubert. J’ai beaucoup hésité….

Plusieurs députés SRC. Tant mieux !

M. Julien Aubert. Le doute fait partie de l’intelligence. Mais j’en vois beaucoup parmi vous qui ne doutent pas beaucoup. Je me ferais, à votre place, violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

J’ai beaucoup hésité avant de signer cet amendement parce que j’ai toujours été hostile, en matière d’adoption, à ce que l’enfant puisse connaître ses parents biologiques. Dès lors que l’on se projette sur une nouvelle forme de couple, cette objection doit-elle être maintenue ? Il me semble que non, parce que l’on ne peut pas imposer à un enfant adopté le choix de ses parents adoptifs, de leur mode de vie, et l’on peut comprendre qu’un enfant qui n’a pas eu de mère veuille connaître sa véritable mère. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé cet amendement, mais je peux comprendre que ce soit un sujet d’âme et de conscience, comme pour beaucoup d’autres ici.

Par ailleurs, l’argument que la majorité développe depuis le début de ce débat, selon lequel nous aurions d’un côté la position du bien, de l’autre celle du mal, est idéologique, manichéen, et ne facilite pas nos échanges. Nous ne devons pas introduire dans un débat purement juridique, mais dont les répercussions sociales seront très fortes, une échelle de valeurs morales. Ce sont des sujets complexes qui méritent qu’on les aborde avec pragmatisme.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 5119.

M. Philippe Gosselin. Je sais que les positions qui sont défendues ici sur ce sujet peuvent être très différentes d’un groupe à l’autre, et surtout d’un parlementaire à l’autre. Il s’agit là d’approches plus intimes, mais il nous semble important de pouvoir permettre l’accès à des données non identifiantes.

Au-delà, nous cherchons à rouvrir ce débat qui n’est pas clos et qui reviendra avec l’extension de l’accès à la PMA. L’anonymat des donneurs est un vrai sujet sur lequel nous aurions tort de faire l’impasse.

M. le président. Tous les députés ayant proposé des amendements à ce sujet ont eu la parole.

Avant de demander l’avis de la commission et du Gouvernement, je vais donner la parole est à M. le président Jacob pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Mon intervention concerne le bon déroulement de nos travaux.

Mme la ministre chargée de la famille, Mme Bertinotti, a affirmé ce matin – le compte rendu en fait foi – que la PMA serait abordée dans le prochain texte sur la famille.

M. Gérald Darmanin. C’est vrai ! Elle l’a dit !

M. Christian Jacob. Elle vient d’être, depuis l’étranger, ce qui est extrêmement rare, sévèrement recadrée par le Premier ministre, qui a dit que cette question ne serait pas nécessairement abordée dans le texte sur la famille.

Je voudrais obtenir un éclaircissement. Cela veut-il dire qu’à la lumière de nos débats, depuis l’étranger, le Premier ministre a pris conscience des répercussions qu’il pourrait y avoir à ouvrir ainsi la PMA ? Aurait-il décidé de faire marche arrière sur ce sujet ? Ou bien y a-t-il, au sein du Gouvernement, des tensions telles que, selon les ministres, les positions sont radicalement différentes ?

Je rappelle que, depuis cinq jours, la garde des sceaux refuse de s’exprimer sur ce sujet, que la ministre de la santé, qui a pris une position favorable, lorsqu’elle arrive ici et qu’on l’interroge, s’enfuit immédiatement et quitte l’hémicycle, que Mme Bertinotti est intervenue favorablement mais que, je le répète, elle a été – fait rarissime – sévèrement recadrée depuis l’étranger par le Premier ministre.

Monsieur le président, je souhaite que nous ayons une explication claire de la part du Gouvernement. J’imagine que le contact a été établi directement entre le Premier ministre et la ministre de la famille. Je ne peux pas penser que le Premier ministre s’exprime uniquement par la voix de l’AFP pour recadrer ses ministres et qu’il n’ait pas eu avec Mme Bertinotti une conversation au téléphone. Nous devons savoir où nous en sommes pour continuer sereinement nos travaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, le groupe UDI demande également que soient clarifiés les délais, les programmes et les articulations entre ce texte sur le mariage, celui à venir sur la famille et celui qui pourrait venir sur la PMA. Nous sommes dans un flou qui entrave de plus en plus la tenue objective de nos débats. C’est pourquoi nous demandons un éclaircissement rapide sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, il faut recadrer vos troupes !

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Mesdames, messieurs les députés, je vais essayer de répondre le plus précisément possible à la question du calendrier telle qu’elle a été évoquée ce matin et telle que vous essayez de l’interpréter à partir des précisions données par le Premier ministre. Je vais faire en sorte que les choses soient claires et que nous puissions reprendre le débat sur le texte soumis à l’Assemblée nationale.

Ce matin, nous avons dit clairement que le périmètre de la loi à venir sur la famille, qui a été annoncée par le Premier ministre, comporterait la question de la PMA. Nous avons aussi indiqué que, pour traiter de cette question, nous devrions prendre en compte la saisine et l’avis du Comité national d’éthique, ainsi que les conclusions des états généraux, dont je rappelle que l’organisation est à son initiative, et qu’en l’état de la loi telle que vous l’avez votée, il n’y a pas de délai précis. C’est cette institution qui fixe les délais.

Je vous donne une précision que vous n’avez pas eue dans le débat : le président du Comité national d’éthique a lui-même rédigé une dépêche précisant qu’à partir de l’auto-saisine il sera en mesure de donner son avis au mois d’octobre.

Nous avons indiqué ce matin que, dans ce cadre – c’est la précision qu’a donnée la ministre chargée de la famille –, nous pourrions examiner le texte dans sa globalité avant la fin de l’année, le tout à ce stade de la démonstration étant évidemment compatible avec le calendrier que le Comité national d’éthique a lui-même précisé.

Reste une question qui n’est pas tranchée. Je vais répondre ce qui vous paraît être une contradiction, alors qu’il s’agit d’une situation tout à fait normale. Nous avions envisagé à l’origine une loi famille portant sur d’autres dispositions. Cette loi famille devait être examinée le 27 mars.

M. Hervé Mariton. Elle est donc reportée ! Bravo !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le problème qui reste à régler et qui fait que les déclarations du Premier ministre ne sont pas contradictoires avec ce que nous avons dit ce matin (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI)…

M. Hervé Mariton. C’est du rétropédalage !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …c’est de savoir si l’ensemble de la loi famille sera examiné à la fin de l’année avec la PMA, ou si l’on différencie les deux. 

M. Philippe Gosselin. Vous naviguez à vue !

M. le président. S’il vous plaît, écoutez le ministre !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Si j’ai bien compris votre état d’esprit, dès qu’on parle d’un sujet, la seule chose qui vous intéresse, c’est le sujet suivant. Alors, autant l’aborder dans sa globalité ! Le Premier ministre lui-même va préciser cette démarche de manière que vous ne puissiez pas, en vous appuyant sur ces précisions qui ne sont pas contradictoires,…

Un député du groupe UMP. Vous ne savez plus où vous en êtes !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …nourrir votre seule activité depuis cinq jours, qui consiste vous demander comment faire, en l’absence de vos grands chefs – laquelle a été remarquée par tout le monde –…

M. Philippe Gosselin. Christian Jacob est là !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …pour échapper à la seule question qui vous est posée : pourquoi vous opposez-vous au mariage pour tous et au mariage entre les personnes de même sexe ? C’est d’abord sur cette question que nous attendons votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, écologiste et GDR. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, il faut que nous fixions une règle. Vous souhaitez que le Gouvernement s’exprime je souhaite pour ma part que, lorsqu’il le fait, il puisse aller jusqu’au bout. Ensuite, s’il y a des éléments à éclaircir, comme cela semble être le cas…

M. Hervé Mariton. C’est vrai !

M. le président. …puisque tous les groupes ont demandé la parole pour un rappel au règlement, nous en aurons une série, un par groupe, afin que l’Assemblée puisse s’exprimer après la déclaration du ministre chargé des relations avec le Parlement.

La parole est à M. François Rochebloine, pour un rappel au règlement.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, je voudrais encore une fois vous féliciter de la manière dont vous dirigez les débats car, sur un tel sujet, ce n’est pas évident. Malgré tout, il me semble qu’il y a un manque de communication entre Matignon et le ministre chargé des relations avec le Parlement. (« Eh oui ! sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Pourtant, celui-ci connaît parfaitement notre assemblée et, connaissant son honnêteté, je suis quelque peu surpris, ainsi que mes collègues, de sa déclaration.

Je vais me contenter, monsieur le président, de lire une dépêche de l’AFP, car il faut que nous soyons tous informés.

Cette dépêche est datée d’aujourd’hui, 3 février : « La question de l’ouverture aux couples d’homosexuelles » – surtout pour les Verts, comme cela a été dit – « de la procréation médicalement assistée ne sera pas forcément traitée dans la loi sur la famille annoncée pour mars…

Plusieurs députés du groupe SRC. Pas forcément !

M. François Rochebloine. …« a indiqué dimanche Matignon, précisant vouloir attendre l’avis du Comité consultatif national d’éthique sur cette réforme. » (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Attendez la suite !

« D’ici à mars, ça sera trop court. [le Comité national d’éthique] « n’aura pas le temps de rendre un avis et la question de la PMA peut être traitée toute seule », pas forcément dans la loi sur la famille, dont le Gouvernement a promis la présentation dès la fin mars.

Il y a bien un problème de cohérence entre ce que dit Matignon et ce que dit le ministre chargé des relations avec le Parlement. C’est l’occasion pour moi de souligner qu’on peut ne pas être d’accord avec la garde des sceaux, mais qu’elle a eu le mérite et l’honnêteté de répondre à toutes les questions qui lui ont été posées. Je crains qu’il n’en soit pas de même pour la ministre chargée de la famille – ou des familles, comme elle le veut. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Le ministre chargé des relations avec le Parlement s’interroge sur nos grands chefs. Je me permets de lui faire observer que Jean-François Copé et François Fillon, si c’est à eux qu’il faisait allusion tout à l’heure, sont intervenus à plusieurs reprises dans nos travaux. En tout cas, au sein de cette assemblée, nous n’avons, pour ce qui concerne nos travaux, contrairement à vous peut-être, ni Dieu ni maître ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, même si Mme Taubira, avec Léon-Gontran Damas, pense qu’il peut y avoir plusieurs français en termes de langue, en tout cas, celle que vous avez parlée, nous ne l’avons pas comprise ! Je crois que le président lui-même a considéré que cela méritait quelques explications et quelques précisions. Si quelqu’un dans cette assemblée, après vous avoir entendus, sait où nous allons,…

M. Jacques Myard. Dans le mur !

M. Hervé Mariton. …il mérite d’infinies félicitations.

Cependant, ce que nous avons compris, et avouez que, pour nous, dans l’opposition, c’est une vraie satisfaction, c’est qu’il y a un recul du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Jusqu’où, jusqu’à quand, de combien ? Nous ne le savons pas, mais quand on est dans l’opposition, un recul du Gouvernement, ça se prend et ça s’applaudit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

J’ajoute, monsieur le ministre, que c’est important pour nous, pour le million de manifestants du 13 janvier…

M. Alain Fauré. Plutôt 300 000 !

M. Hervé Mariton. …et pour toutes les Françaises et les Français qui ne considèrent pas que, du seul fait que nous sommes minoritaires dans cette assemblée, nous avons tort, que la loi serait inéluctable, et que les enchaînements et les dérapages qu’elle entraînerait sont écrits d’avance.

Monsieur le ministre, nous avons compris que vous reculiez et, franchement, nous vous en remercions.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Hervé Mariton. Je félicite le Gouvernement, monsieur le président !

M. le président. Certes, mais cela compte tout de même dans votre temps de parole !

M. Hervé Mariton. Nous aimerions savoir, monsieur le ministre, s’il est possible, dans une langue que chacun puisse comprendre ici, de savoir où vous allez. Je vous pose juste une question : puisque le Comité national d’éthique est saisi et qu’il s’exprimera librement,…

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Hervé Mariton. …S’il exprime un avis défavorable à la PMA, le Gouvernement s’engage-t-il à respecter cet avis…

M. Jacques Myard. Oui, que ferez-vous ?

M. Hervé Mariton. …et à chercher le consensus sur ces sujets dans notre pays plutôt que les clivages que, hélas, il impose ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour un rappel au règlement.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, nous avons vécu, depuis quelques jours, de très beaux moments. Nous avons voté avec enthousiasme l’article 1er de cette loi (« Pas nous ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI)… Je ne vous parle pas à vous, je parle au Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, un peu de calme !

Mme Marie-George Buffet. Nous avons voté avec enthousiasme l’article 1er de cette loi qui permet à toutes et à tous d’accéder au mariage et à l’adoption. Cela a soulevé beaucoup d’espoir dans notre pays parmi les hommes et les femmes qui ont de l’humanité et qui ont confiance dans l’avenir et dans le progrès.

Mesdames et messieurs du Gouvernement, ne gâchez pas cela ! Gagnez en clarté,…

M. Hervé Mariton. Il y a de la marge !

Mme Marie-George Buffet. …mettez-vous d’accord entre vous, faites en sorte que la gauche puisse marcher du même pas, faire avancer cette loi, et qu’elle ait confiance dans la future loi sur la famille. C’est tout ce que je vous demande ! Je vous fais confiance, mais j’en ai assez de ces retournements successifs ! (Applaudissements ironiques sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour un rappel au règlement.

M. Sergio Coronado. Monsieur le président, nous avions évoqué ce matin, lors de l’examen de nos amendements, la question de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, et le Gouvernement nous avait apporté des réponses.

M. Hervé Mariton. Vous avez raison de dire « avait apporté ». C’est bien du passé !

M. Sergio Coronado. Avec mon collègue Noël Mamère, nous avons dit notre crainte de voir l’ouverture de la PMA enterrée dans le futur texte du Gouvernement annoncé pour le mois de mars.

Mme la ministre Bertinotti nous a répondu en disant que la loi annoncée en mars était désormais prévue pour la fin de l’année, mais que la PMA figurerait dans ce texte.

Le temps d’aller déjeuner et de revenir dans l’hémicycle, nous apprenons que, depuis le Cambodge, M. le Premier ministre, qui a tout de même autorité, si j’en crois les institutions de la VRépublique, sur le Gouvernement, a déclaré qu’il n’était pas acquis à ce jour(Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. le président. S’il vous plaît !

M. Sergio Coronado. Laissez-moi finir, chers collègues !

Nous avons donné ce matin l’image d’un Parlement apaisé, capable de discuter de sujets difficiles, et les Français peuvent s’en féliciter. Laissez-moi terminer mon intervention, vous pourrez ensuite demander à nouveau.

Mesdames les ministres, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, c’est de clarté qu’a besoin la représentation nationale, cela dit sans esprit polémique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Sur ce point, nous avons besoin de savoir si les engagements annoncés par Mme Bertinotti ce matin seront ou non tenus et si la saisine du Comité national d’éthique est ou non une manœuvre dilatoire. En effet, pour obtenir une réponse négative, l’interlocuteur est étrangement bien choisi : le Comité national d’éthique a déjà rendu en 2005 un avis négatif sur l’ouverture de la PMA aux couples de femmes. À ma crainte s’ajoute désormais le trouble. J’aimerais qu’il soit levé par des explications du Gouvernement. (Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. On intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1. Je souhaite faire constater qu’il ne s’agit pas d’une séance de questions au Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. Si !

M. Bruno Le Roux. Il convient d’en rester au texte portant sur le mariage et l’adoption pour tous. Quant au débat qui nous occupe, je retire des déclarations précédentes une première certitude : il y aura une loi sur la PMA qui viendra en discussion au sein de notre assemblée dans des délais brefs ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Jean-Marc Ayrault dit le contraire !

M. Bruno Le Roux. La deuxième, c’est ce que nous a dit le ministre ce matin : les délais du Gouvernement seront compatibles avec l’autosaisine du Comité national d’éthique. Très bien ! Le groupe socialiste s’en tient depuis toujours à l’engagement du Premier ministre de faire figurer la PMA dans la loi sur la famille. Si celle-ci devait arriver demain dépourvue de dispositions concernant la PMA, notre groupe prendrait ses responsabilités pour qu’elle puisse être discutée ici.

Nous ne sommes pas opposés au débat : il doit avoir lieu, chacun prenant ses responsabilités. Nous élaborons la loi ici et quand nous discuterons de la famille, le moment venu, notre position sur la PMA sera défendue dans cet hémicycle. On ne peut être plus clair ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Avant l'article 1er bis (suite)

M. le président. Mes chers collègues, je vois un certain nombre d’entre vous brandir le règlement ; permettez-moi de vous donner mon interprétation.

Tous ces rappels au règlement n’ont évidemment rien à voir avec le règlement. Au contraire, ils mettent en cause la prérogative constitutionnelle du Gouvernement d’exercer comme il l’entend son droit d’initiative en matière législative.

Ils ne relèvent pas davantage du déroulement de nos travaux, mais de textes à venir, c’est le moins que l’on puisse dire. De nombreuses conférences des présidents auront lieu pour déterminer le déroulement de ces travaux à venir, distincts des travaux actuels.

Je vous demande donc de reprendre maintenant nos travaux tels qu’ils étaient prévus et je vais demander l’avis de la commission sur ces amendements.

Mme Barbara Pompili. Je demande une suspension de séance, monsieur le président ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. C’est tout à fait choquant !

M. le président. Chaque groupe a eu un orateur, c’est assez. Mes chers collègues, vous avez pu constater que j’exerce la présidence de cette assemblée, nonobstant les cris des uns et des autres. Je vais maintenant donner la parole au rapporteur, puis au Gouvernement et je suspendrai la séance ensuite afin que chaque groupe puisse faire le point.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois. Il me semble que nous avons perdu de vue l’objet de ces amendements, qui est de permettre à l’enfant conçu par assistance médicale à la procréation et devenu majeur d’accéder à des données identifiant le donneur des gamètes.

M. Philippe Gosselin. Cette majorité est une pétaudière ! Elle prend l’eau de toutes parts !

M. Erwann Binet, rapporteur. C’est un vrai problème, soulevé lors de nos auditions par de nombreuses femmes en couple, soucieuses de raconter à leur enfant son histoire personnelle. C’est aussi la préoccupation exprimée par les pédopsychiatres, qui nous ont dit la nécessité pour les parents de raconter l’histoire personnelle de l’enfant, quelle que soit d’ailleurs la famille qui accueille cet enfant, hétérosexuelle ou homosexuelle. Je crois pouvoir dire que rares sont aujourd’hui les parents qui font appel à l’IAD, l’insémination artificielle avec donneur, et cachent la vérité à leurs enfants. Un psychiatre nous a même dit que tous ces enfants finissent tôt ou tard par apprendre leur histoire personnelle, du moins la manière dont ils ont été conçus, et que plus tard ils l’apprennent, plus la situation est vécue dramatiquement.

C’est vrai, notre droit prévoit aujourd’hui un secret absolu et total sur la façon dont les enfants sont conçus par assistance médicale à la procréation. Cette question a souvent été soulevée, notamment par les couples de femmes qui vont en Belgique ou aux Pays-Bas et qui choisissent la plupart du temps un semi anonymat. C’est donc une vraie question, qui appelle une très large réflexion dont je ne pense pas qu’elle passe par un amendement hors sujet. Ce n’est pas la meilleure manière d’aborder ce problème extrêmement vaste et qui, je le répète, concernera les couples homosexuels quand l’AMP leur sera ouverte, comme les couples hétérosexuels. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce débat devra avoir lieu. La question que vous posez est fondée, mais les motifs que vous donnez, notamment « préserver dès à présent l’enfant des évolutions qui découleront inévitablement de l’adoption du texte présenté par le Gouvernement », je ne les partage pas. Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé tous ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la levée de l’anonymat du donneur de gamètes est un sujet totalement bioéthique qui ne peut entrer dans notre texte ni par la porte ni par la fenêtre. Elle est totalement hors sujet. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avec l’accord du Premier ministre (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP),

M. Xavier Bertrand. Tout de suite, ça fait sérieux !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …je vous précise qu’il y aura une seule loi sur l’ensemble des questions portant sur la famille, et que cette loi comprendra la proposition du Gouvernement sur la PMA. Le débat n’interviendra qu’une fois que nous aurons eu connaissance de l’avis du Comité national d’éthique, mais avant la fin de l’année. On ne saurait être plus clair et plus précis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, pour notre part, nous nous intéressons au fond des choses – en l’occurrence, les origines de notre amendement. Si j’ai bien compris que la question que nous soulevons ne serait pas traitée dans le cadre de cette loi, je m’interroge sur le moment où elle le sera. (« Le ministre vient de le dire ! » sur les bancs du groupe SRC.) Logiquement, ce devrait être dans le cadre de la loi sur la famille, monsieur le ministre, mais c’est incertain, puisque ce qui était vrai il y a cinq minutes vient d’être remis en cause.

Nous avons vécu en direct une véritable crise de majorité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) marquée par l’incertitude, le trouble et l’interrogation. Or, chacun sait – a fortiori ceux qui ont l’expérience de la vie publique – que les incertitudes de procédure sont révélatrices de difficultés de fond : ce qui vient de se passer nous en apporte une nouvelle démonstration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ce qui nous intéresse, je le répète, c’est le fond des choses, à savoir les familles, des familles aujourd’hui troublées. Ces familles, descendues en masse dans la rue le 13 janvier dernier, ne se sont pas déplacées pour rien, car bien des choses ont changé depuis l’annonce de l’examen de ce projet de loi : la PMA, qui devait se trouver dans le texte à la demande des députés socialistes, n’y sera pas ; elle devait ensuite se trouver dans une loi examinée au printemps, mais ce sera finalement en hiver, après l’avis du Comité national d’éthique – et j’espère que cet avis sera négatif, ce qui aura pour effet d’interrompre la funeste entreprise de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dessus.

Mme Sophie Dessus. Mes chers collègues, dans cette enceinte où cris et chuchotements se succèdent,…

Un député du groupe UMP. En ce moment, ce serait plutôt Scènes de la vie conjugale ! (Sourires.)

Mme Sophie Dessus. …où les mêmes mots sont dits et redits inlassablement, je ne dérogerai pas aux usages.

Vous nous parlez d’accès aux origines, de PMA, de GPA, d’anonymat, de liberté de conscience, qui sont de vrais sujets, qui concernent des enfants élevés au sein de familles homosexuelles comme hétérosexuelles. Cependant, ces sujets ne sont pas ceux de la loi dont nous débattons, relative au mariage et à l’adoption.

M. Jean-Frédéric Poisson. Et les implications ?

Mme Sophie Dessus. Mardi, j’ai entendu Mme la garde des sceaux, j’ai écouté ses mots ciselés comme des diamants, tranchants comme la justice, et chargés d’émotion (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et je les ai compris.

J’ai également écouté les inquiétudes de l’opposition, son mal-être, son angoisse de voir bouleverser tous ses repères judéo-chrétiens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Si j’entends les propos de nos collègues de droite, je ne peux les comprendre, parce qu’ils oublient une partie de notre histoire – l’histoire des plus faibles, ceux qui, sans la loi, n’auraient aucun droit.

N’oubliez pas qu’il a fallu un général de Gaulle pour que le deuxième sexe soit autorisé à mettre un bulletin dans l’urne. (« Laissez le général de Gaulle tranquille ! » sur les bancs du groupe UMP.) N’oubliez pas qu’il a fallu une Simone Veil pour que les femmes puissent aimer sans enfanter. N’oubliez pas qu’il a fallu un Robert Badinter pour que l’on démonte la guillotine. Aujourd’hui, il y a une Christiane Taubira pour que les homosexuels deviennent des personnes ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres, ni plus ni moins, tout simplement parce que le mariage du xxie siècle ne peut être celui des siècles précédents.

Le mariage a autrefois constitué une protection patriarcale de l’épouse, qui avait le devoir de s’occuper de son foyer. Il a également permis une reconnaissance de l’enfant naturel au détriment de l’enfant adultérin – vous nous expliquerez quelle était, alors, la définition de l’intérêt de l’enfant. Aujourd’hui, s’il veut avoir un avenir, le mariage doit s’adapter aux réalités de notre temps, notamment au fait que, de nos jours, être homosexuel n’est plus un crime ni une maladie : c’est normal. (« Cela fait déjà un moment ! sur les bancs du groupe UMP.) L’anormal, c’est notre regard quand il se permet de juger les orientations sexuelles d’autrui. Seule la loi permettra d’ouvrir les yeux de ceux qui ne veulent pas voir, seule la loi protégera les enfants, tous les enfants, quelle que soit la famille dans laquelle ils sont élevés.

M. le président. Il faut conclure, madame Dessus.

Mme Sophie Dessus. Merci, madame Taubira, pour la femme que vous êtes et pour la loi sur le mariage, à laquelle nous disons oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Les amendements identiques nos 2708, 4233, 4686, 4927 et 5119 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n° 2168.

Mme Véronique Massonneau. L’article 312 du code civil énonce que l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari, établissant une filiation légitime. La présomption de paternité s’est souvent opposée à la recherche absolue de la vérité biologique car, contrairement à ce que ne cessent d’affirmer certains de nos camarades de l’opposition, le mariage n’est pas la reconnaissance de la biologie ou de la nature dans la filiation. D’une manière générale, la présomption de paternité est une question complexe, qu’il faudra examiner dans la future loi sur la famille.

Cet amendement propose de prendre acte de la nouvelle possibilité pour deux femmes de se marier. Il y a lieu d’instaurer une présomption de parenté dans un couple de femmes, pour un enfant qui résulterait d’un projet parental commun et n’aurait pas de filiation paternelle connue.

La notion de projet parental commun provient d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris. Elle permet de distinguer le deuxième parent, qui n’est pas qu’un simple beau-parent, dans la mesure où il a été investi à part entière du projet parental. L’objectif poursuivi est que les droits et les obligations des deux mères sur l’enfant soient bien reconnus. Cela concernerait notamment le cas des enfants nés dans le couple, dont ceux issus d’une PMA faite à l’étranger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Lorsque l’assistance médicale à la procréation sera ouverte aux couples de femmes, il faudra envisager deux dispositifs : l’un, figurant dans le code de la santé publique, permettant l’accès aux techniques de PMA ; l’autre, figurant dans le code civil, établissant un lien de filiation.

Votre amendement, qui vise à établir un lien de filiation via la présomption de parenté, n’a plus lieu d’être, puisque nous n’avons pas adopté les amendements ouvrant la PMA aux couples de femmes. Je suis donc au regret de vous faire part de l’avis défavorable de la commission, la disposition que vous proposez ayant plutôt vocation à être examinée dans le cadre de la loi sur la famille.

M. le président. Sur l’amendement n° 2168, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n°2168 ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’amendement n° 2168 a en substance le même objet que ceux défendus par Mme Buffet et M. Coronado en fin de matinée. Je rappelle donc ce que j’ai dit au sujet de ces amendements, à savoir que la présomption est une affirmation juridique résultant d’un fait. Ainsi, la présomption de paternité résulte d’un fait biologique probable, ce qui signifie qu’une contestation de paternité est envisageable. On ne peut instaurer un dispositif parallèle dépourvu du fondement qui permettrait la contestation.

Dans la mesure où, depuis ce matin, vous avez reçu des éléments d’information plus précis, le Gouvernement vous invite à retirer l’amendement n° 2168, les questions auxquelles il se rapporte ayant vocation à être prises en compte et retravaillées dans un autre cadre. Dans l’hypothèse où vous ne souhaiteriez pas retirer cet amendement, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, le rapporteur est disposé à envisager une fiction, une aberration – avec tout le respect dû à l’ensemble des couples, dans leur diversité –, à savoir la présomption de parenté dans un couple de parents de même sexe. Mais, une fois cette présomption de parenté introduite, c’est la présomption de paternité dans les couples hétérosexuels qui s’effondre.

Telles sont les conséquences potentielles du texte à l’égard de tous les couples, c’est-à-dire pour des dizaines de millions de Français. Sans présomption de paternité, c’est un pan considérable de l’institution du mariage qui tombe pour les couples hétérosexuels. Et ce n’est en rien insulter les couples homosexuels que de rappeler une réalité de fait, à savoir que la volonté d’introduire une présomption de paternité n’a pas beaucoup de sens.

Par ailleurs, le Gouvernement nous explique qu’il n’y aura pas de texte sur la PMA avant l’avis du Comité national d’éthique, tout en affirmant que le projet de loi sera présenté avant la fin de l’année. Il faudrait savoir ce que vous dites, monsieur le ministre : dans la mesure où le Comité d’éthique rend ses avis en fin d’année, je ne vois pas comment vous allez pouvoir présenter votre projet de loi avant la fin de l’année, comme vous le promettez à vos amis

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ce n’est pas très clair, tout ça !

M. Hervé Mariton. C’est très clair, au contraire, monsieur le ministre : il y a là un problème majeur en termes de constitutionnalité. (« Deux minutes ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Un projet de loi doit avoir sa cohérence, être intelligible. Or la glissade des enchaînements et l’extrême confusion dont le Gouvernement nous donne le spectacle cet après-midi démontrent, d’une façon évidente, que ce projet de loi est totalement incohérent et inintelligible, ce qui constitue un problème majeur… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. C’est terminé, monsieur Mariton.

La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Monsieur le président, j’ai bien entendu l’avis exprimé par Mme la garde des sceaux. Comme cela a été dit en commission, la filiation s’établit dans le cadre du mariage à la fois par la présomption de paternité et par le fait que le nom de la mère figure dans l’acte de naissance.

Dans le cadre de la réforme, plusieurs options étaient envisageables. La première était d’obéir au principe d’égalité invoqué par vous-mêmes, madame la garde des sceaux et monsieur le rapporteur, et d’appliquer le parallélisme des formes. C’est le choix que nous avons fait avec l’amendement n° 2168, qui vise à instaurer une présomption de parenté, comme le Québec a décidé de le faire.

La deuxième – qui va, je le crains, affoler M. Mariton – était de proposer la suppression de la présomption de paternité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), dont on peut penser qu’elle n’est plus nécessaire aux familles, puisqu’il suffit d’effectuer une déclaration anténatale ou postnatale.

Nous avons choisi la première option, à savoir le principe d’égalité et le parallélisme des formes. Cela étant, nous prenons acte de votre engagement, madame la garde des sceaux, de prendre en compte notre préoccupation dans le cadre de la future loi sur la famille – même si son contenu, son périmètre et son calendrier restent quelque peu incertains – et, pour marquer notre bonne volonté, nous retirons l’amendement n° 2168, notre intention étant de continuer à réfléchir et à débattre avec vous.

(L’amendement n° 2168 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements, nos 1919, 3053, 3550, 3788, 4246 et 4958, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 3053, 3550, 3788, 4246 et 4958 sont identiques.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1919.

M. Hervé Mariton. L’amendement n° 1919 est inspiré par notre volonté de nous montrer conséquents : dès lors que nous ne voulons pas qu’un enfant soit conçu par GPA ou par PMA hors du cadre légal, il est important de sanctionner ceux qui faciliteraient de telles pratiques. Je propose donc que les sites internet ayant vocation à faciliter ces pratiques soient sanctionnés.

On ne peut pas, d’un côté, dire qu’on ne veut pas de la GPA et, de l’autre, accepter sans rien faire que des sites Internet promeuvent cette pratique. À vrai dire, on pourrait aussi, contrairement à ce que disait le rapporteur ce matin, proposer de prévoir une sanction judiciaire contre les personnes qui ont recours à la GPA. Vous vous appuyez sur le fait que la GPA est pratiquée hors du territoire français, alors que dans le domaine de la lutte contre la corruption ou contre d’autres activités illicites opérées à l’étranger et gravement blâmables sur le plan moral et éthique, le droit de la République prévoit des sanctions. Il n’y a donc aucune raison pour qu’il reste inerte et inactif à l’égard de personnes qui transgressent gravement les principes de l’éthique et de la morale.

M. le président. Nous en venons, dans la discussion commune, aux amendements identiques.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour défendre l’amendement n° 3053.

M. Patrick Hetzel. Nous sommes dans le droit fil de ce que vient d’indiquer M. Hervé Mariton.

Pour la clarté des débats, je souhaite revenir sur un sujet essentiel. Depuis le Cambodge, le Premier ministre vient de recadrer les ministres présents sur le banc. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous venez de faire une démonstration extrêmement importante – la déclaration que le ministre chargé des relations avec le Parlement a faite cet après-midi le montre également – sur le lien qui existe entre les questions relatives à la famille et le texte en discussion.

Depuis le début, nous vous disons que votre méthode n’est pas la bonne. Vous avez vous-mêmes dû être recadrés par le Premier ministre, qui indique clairement que les questions relatives à la famille seront étudiées selon un nouveau calendrier. On voit bien que le débat national que nous appelons de nos vœux depuis longtemps devrait pouvoir se dérouler en amont de la discussion de ce texte. Une nouvelle fois, je me permets de poser la question : comment comptez-vous procéder pour que nous voyions clair dans le calendrier que vous proposez ? Nous avons entendu des affirmations contradictoires : M. Le Roux a donné tout à l’heure au nom du groupe socialiste une version différente de celle de M. Vidalies. Nous n’y comprenons plus rien ! Nous avons besoin d’être éclairés avant de poursuivre la discussion.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3550.

M. Xavier Breton. Cet amendement a pour objet de prévoir une sanction contre la promotion et la facilitation, par l’usage d’un moyen de communication, de la conception d’un enfant par un couple dans l’intention préméditée de faire grandir celui-ci auprès de personnes différentes de ses parents biologiques.

Cet amendement est premièrement l’occasion pour moi de rappeler notre vision du pilier biologique, corporel. Si celui-ci n’est pas le seul à devoir être considéré, s’il est second par rapport à la dimension affective et éducative, nous estimons qu’il ne peut pas être mis de côté ou négligé. Il ne s’agit donc pas de tout faire reposer sur le pilier biologique, contrairement à ce que laissait croire hier Mme la garde des sceaux en faisant un peu d’ironie sur les lois de Mendel. Il s’agit simplement de dire qu’il y a deux piliers, un pilier affectif et un pilier biologique, et que le schéma préférable, celui que nous devons promouvoir, c’est celui qui permet une éducation fondée sur ces deux piliers.

Deuxièmement, ouvrir des droits à la filiation artificielle présente des risques de marchandisation de la procréation, une dérive que l’on constate à l’étranger par l’intermédiaire de l’assistance médicale à la procréation ou la gestation pour autrui, mais vers laquelle tendent déjà, dans notre pays, certains moyens d’information, notamment des sites Internet. Il faut prendre le mal à la racine. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3788.

M. Philippe Gosselin. Je vais tenter de démontrer que nous sommes cohérents – je devrais y arriver –, ce qui sera un bon contrepoint au caractère incompréhensible de la position du Gouvernement. Mme Buffet n’y comprenait rien, M. Coronado non plus, et Mme Pompili a dû faire quelques exercices en bas des marches pour essayer de se faire remarquer et entendre, ce qui est évidemment difficile, et je vous présente, madame, dans cette circonstance douloureuse, mes très sincères condoléances ; je sais que vous y êtes sensible. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Cela étant, j’ai cru comprendre que tous, sur ces bancs, nous voulions lutter contre le dumping éthique représenté par certaines législations étrangères et par l’action d’un certain nombre d’associations ou de sites puisque, apparemment, nous sommes tous, dans cet hémicycle, contre la GPA.

Nous souhaitons donc mettre cette affirmation en musique, si j’ose dire, et permettre au travers de cet amendement de punir ceux qui faciliteraient la promotion de la gestation pour autrui, afin de donner un signal clair contre la marchandisation des corps. Puisque tout le monde, semble-t-il, est contre la GPA sur ces bancs, nous devrions être unanimes sur cet amendement et donner corps à cette belle affirmation du refus de la marchandisation des corps.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4246.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas tout d’affirmer des positions de principe et de se prononcer contre un certain nombre de choses, il faut le traduire dans le droit. Je vous invite, les uns et les autres, à aller voir ce qui est proposé sur le net, non seulement sur les sites étrangers, mais aussi sur les sites français, car c’est terriblement inquiétant.

On nous propose des enfants en solde : le coût normal est de 12 000 euros mais la promotion fait baisser le prix à 9 900 euros. On nous propose des enfants pour lesquels sont prévus un coût de gestation et un coût d’avortement, dans l’hypothèse où le projet parental serait interrompu ; voilà ce qui figure sur le net ! On nous propose sur le net la possibilité d’exiger un donneur aux yeux clairs et aux cheveux blonds.

Mme Claude Greff. Et sans maladie !

M. Marc Le Fur. On nous propose sur le net des options singulières, en particulier que la personne soit de religion islamique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Claude Greff. Et voilà !

M. Marc Le Fur. Des critères qui ne figurent plus dans les fichiers de police sont présents aujourd’hui sur le net ! Voilà ce que vous tolérez et que nous avons trop toléré.

J’attends du Gouvernement qu’il prenne des sanctions et qu’il engage une politique pour éradiquer de telles dérives. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 4958.

M. Julien Aubert. Nous avons déposé cet amendement car nous considérons que le mariage, l’adoption et la PMA constituent un bloc, puisque, dès lors qu’il y a égalité des individus et égalité des couples, tous les couples mariés auront les mêmes droits. C’est la conséquence logique.

Le débat qui nous agite voit donc se confronter dans cet hémicycle trois types de positions. Une première catégorie de personnes se satisfait du système tel qu’il fonctionne aujourd’hui et ne souhaite pas modifier la définition du couple. Face à elles, d’autres personnes sont pour l’extension de cette définition et, logiquement, souhaitent aller jusqu’au bout. Et il y a la position médiane, celle du parti socialiste, qui est évidemment inconfortable. Chers collègues, vous vous croyez progressistes, mais dès que cette loi sera votée, vous serez dépassés !

M. Philippe Gosselin. Ils le sont déjà !

M. Julien Aubert. Vous serez réactionnaires, parce que certains d’entre vous sont hostiles à la PMA, alors que celle-ci est très logiquement et nécessairement attachée au mariage et à l’adoption.

Vous vous trouvez donc maintenant, majorité et Gouvernement, face à un choix très simple : soit la GPA sera autorisée à la fin de l’année, et dans ce cas-là vous piétinerez ; soit la GPA est déjà décidée – le rapporteur parlait tout à l’heure au futur – et dans ce cas-là vous serez amenés à piétiner l’avis du Comité national ; soit la GPA ne sera pas autorisée, et vous piétinerez alors vos alliés électoraux.

Vous serez de toute façon, à un moment donné, mis face à vos responsabilités : vous avez déjà mis en casernement la majorité socialiste, désormais nous avons un ministre qui est la grande muette ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Vos amendements ont pour objet de réprimer la provocation à l’abandon d’enfant et la fraude à l’adoption qui, à vous entendre, sont des « pratiques indignes » ou « monstrueuses ».

Mme Claude Greff. Elles existent !

M. Erwann Binet, rapporteur. Et vous ne punissez ces pratiques que de 5 000 euros d’amende ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) M. Poisson a même proposé une contravention de cinquième classe ; mais ce n’est pas du niveau ! (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes SRC, écologistes, GDR et RRDP.)

Vous prévoyez d’inscrire dans le code civil, dont ce n’est ni la philosophie ni l’esprit, des contraventions contre des infractions qui sont prévues à l’article 227-12 du code pénal : la provocation à l’abandon d’enfant est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende ; l’entremise lucrative entre une personne désireuse d’adopter un enfant et un parent désireux d’abandonner son enfant est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

M. Claude Goasguen. Vous le rejetez parce qu’il ne prévoit pas des sanctions assez fortes !

M. Erwann Binet, rapporteur. Voilà qui est sensiblement plus proche du niveau de vos peurs. La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En fait, depuis quatre jours, à force de nous parler de tout, vous avez totalement oublié que nous sommes sur le code civil pour un projet de loi qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe.

Après avoir passé des heures à nous expliquer qu’il fallait modifier le code de la santé publique, et non le code civil, sur lequel nous travaillons, vous entamez une séquence qui durera probablement plusieurs heures pour nous expliquer à présent qu’il faut modifier le code pénal. Qui plus est, vous souhaitez introduire, comme vient de le rappeler le rapporteur, une contravention de cinquième classe…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est l’amendement suivant !

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas assez pour vous ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …alors que vous soutenez que l’affaire est grave, qu’il y a péril en la demeure, que l’humanité est menacée, que l’apocalypse est à notre porte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR écologiste et RRDP.) Vous proposez de punir ceux qui contribuent à de tels actes de 5 000 euros d’amende ?

M. Claude Goasguen. Mme Taubira trouve que ce n’est pas assez cher payé !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a là la confusion que vous provoquez vous-mêmes à traiter de tout sauf du texte qui vise à modifier le code civil pour ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Vous faites diversion depuis des jours sur le code de la santé publique et sur le code pénal ; avec un peu d’imagination, vous trouverez sans doute matière à aborder d’autres codes.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Sur l’amendement n° 1919 et les amendements identiques nos 3053, 3550, 3788, 4246 et 4958, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre Lequiller pour répondre au Gouvernement.

M. Pierre Lequiller. Nous avons proposé ces amendements parce que c’est la seule possibilité que nous avons. Je trouve toutefois scandaleux, incroyable que vous refusiez ces amendements sous prétexte qu’ils ne vont pas assez loin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez tout à fait le droit de déposer un sous-amendement pour prévoir les contraventions que vous souhaitez ! Pour ma part, je suis d’accord avec vous : il faut aller beaucoup plus loin ! Faites-le, dans ce cas !

M. Claude Goasguen. Ne te fatigue pas !

M. Pierre Lequiller. Par ailleurs, madame la ministre, lorsqu’on vous a interrogée sur la circulaire, vous avez répondu sur les enfants. Je n’ai jamais entendu une condamnation du père qui a procédé à ces GPA à l’étranger.

M. Claude Goasguen. Absolument !

Mme Claude Greff. Très bien !

M. Pierre Lequiller. Nous devrions donc réfléchir ensemble à une sanction à l’encontre de ces pères qui violent la loi française, qui la contournent pour aller exploiter des femmes en grande difficulté qui prêtent leur ventre contre leur gré à la naissance d’un enfant. Il faudrait alourdir les sanctions contre ces pères qui ont violé la morale en exploitant des femmes à l’étranger.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Vous êtes encore hors sujet dans le seul but, comme toujours, de faire peur aux Français. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Non seulement vous choquez tous les enfants conçus par assistance médicale à la procréation et tous les enfants adoptés en parlant depuis des heures de « vrais parents » au lieu de parler de géniteurs, mais en plus vous parlez là encore d’un sujet qui n’est en rien spécifique aux couples homosexuels. C’est donc un moyen pour éviter de parler du fond du problème : votre incapacité à reconnaître l’égalité pour les couples homosexuels.

Cessez de faire croire que la construction de la loi n’est qu’une partie de dominos. La sagesse du législateur est requise en permanence, sur chaque texte. Force est de constater, malheureusement, que depuis le début de nos travaux, la sagesse n’est pas votre préoccupation première. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1919.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 280

Nombre de suffrages exprimés 280

Majorité absolue 141

(L’amendement n° 1919 n’est pas adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 3053, 3550, 3788, 4246 et 4958.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 260

Nombre de suffrages exprimés 260

Majorité absolue 131

(Les amendements identiques nos 3053, 3550, 3788, 4246 et 4958 ne sont pas adoptés.)

M. Patrick Ollier. Nos boîtiers n’ont pas fonctionné !

M. Marc Le Fur. Rappel au règlement !

M. le président. Non, monsieur Le Fur. Il y a eu un dévoiement des rappels au règlement, je ne les accepte plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Chers collègues de l’opposition, pour vous permettre de faire entendre votre voix sur les points les plus importants de notre discussion, le moins que l’on puisse dire est que j’ai été large. Vous avez fait 37 rappels au règlement dans la discussion générale et 99 dans la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Nous en venons à une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1894.

M. Hervé Mariton. Je défendrai cet amendement, car le fond prime. Mais le refus a priori et systématique de nos demandes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)… Puis-je poursuivre, monsieur le président ?

M. le président. Vous avez déjà utilisé 28 secondes de votre temps de parole.

M. Hervé Mariton. Dois-je me taire, alors ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC)

M. le président. Depuis le début de nos travaux, vous avez fait en tout 136 rappels au règlement. Désormais, nous observerons un rythme de travail plus normal. Je propose une suspension de séance, pendant laquelle je ferai le point avec les présidents de groupes et leur indiquerai la durée de la séance de ce soir.

Monsieur Mariton, vous aurez ensuite la parole pour défendre votre amendement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Avant l’article 1 bis (suite)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1894.

M. Hervé Mariton. Cet amendement propose d’appliquer le principe de précaution. L’évolution de la filiation adoptive que le projet du Gouvernement entend autoriser pour les couples de même sexe aura nécessairement des conséquences et pose un certain nombre de questions.

Nous avons l’honnêteté de reconnaître que les experts auditionnés, soit par la commission des lois, soit par le groupe de travail du groupe UMP, n’ont pas tous dit qu’on percevait un malaise chez les enfants adoptés dans un tel contexte, ni qu’ils vivaient mal.

Nous avons entendu des opinions nuancées et souvent contradictoires. Manifestement, le sujet n’est pas parfaitement maîtrisé. Certains nous disent qu’il n’y a pas plus de problèmes que cela ; d’autres au contraire que cela pose, pour l’épanouissement de ces enfants et leur future vie d’adulte, des problèmes considérables. Il ne faut donc être systématique ni dans un sens ni dans l’autre, position qui justifie précisément l’application du principe de précaution. Le doute subsistant, il faut prendre des précautions face au risque d’un danger irréversible et hors de proportion avec ce que l’on doit faire subir à des enfants.

S’il vous plaît, acceptez donc l’application du principe de précaution, et faisons en sorte que les pouvoirs publics renoncent à des décisions d’adoption tant que, en l’état actuel des connaissances, subsiste un risque.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 2088.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je m’adresse à Mmes les ministres. J’ai entendu Mme la garde des sceaux nous dire tout à l’heure que l’opposition faisait diversion. Non, nous ne faisons pas diversion ; nous avons de légitimes questions, qui attendent de légitimes réponses.

J’ai bien noté par ailleurs les propos tenus en fin de matinée par Mme Bertinotti, qui nous a parlé de nouvelles formes de filiation et de parentalité, et a annoncé que la PMA serait ouverte aux couples de même sexe, dans le cadre d’une loi sur la famille, avant la fin mars 2013. C’était ce matin ; cet après-midi, les choses ont évolué et, au bout du compte, d’annonces en reniements, nous sommes complètement perdus ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je vous demande donc instamment, mesdames les ministres – et c’est une femme députée qui vous parle –, de respecter le principe de précaution pour ces enfants. Pour assurer aux enfants adoptés un développement harmonieux, je vous demande que le principe de précaution puisse s’appliquer et qu’il ne soit pas en France une exception réservée aux espèces animales, que les enfants des hommes y aient également droit ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 2336.

M. Nicolas Dhuicq. Que d’exégètes pour interpréter la pensée du groupe majoritaire et du Gouvernement, qui en émane, sur un sujet qui intéresse de nombreux Français !

Lorsque nous évoquons les questions de filiation, nous parlons des secrets de famille, et il serait utile à ce titre que la représentation nationale lise, pour se distraire, les ouvrages de Serge Tisseron, en particulier Tintin chez le psychanalyste, à propos des « cryptes », ces secrets de famille décrits par Nicolas Abraham.

La position de la majorité est tellement prométhéenne, sa vision de l’être humain est tellement plastique, qu’elle en vient en réalité à nier l’inconscient. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vous ne nous parlez que du biologique, mais il n’y a pas que le biologique : il y a aussi l’inconscient.

Or, je le répète, une adoption n’est réussie que lorsque l’enfant adopte ses parents, et non quand les parents adoptent l’enfant ; mais vous ne vous placez qu’au plan des adultes et des parents. Il serait pourtant sage de ne pas écarter cet amendement, qui est un appel à la raison et à la prudence, et propose une vision équilibrée de l’humain. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2945.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je regrette de n’avoir pu tout à l’heure défendre l’un de mes amendements, passé à la trappe avec fleurs et couronne, mais nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler ultérieurement.

Mon amendement entend insister sur le fait que, quoi qu’il arrive, la responsabilité des parents est totale à l’égard de leurs enfants. Ils ont la possibilité de déterminer, avant la majorité des enfants, les modalités selon lesquelles ces derniers seront accueillis, s’ils disparaissaient prématurément. Cette responsabilité va dans l’intérêt des enfants, et cette faculté ouverte aux parents doit donc être consignée dans nos codes. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3530.

M. Xavier Breton. En invoquant le principe de précaution, nous voulons montrer que l’aveuglement idéologique de nos collègues de gauche conduit à mettre en place une mécanique implacable, sans que les impacts en aient été mesurés.

Or le principe de précaution consiste à prendre le temps, avant une décision grave et irrémédiable, de mesurer ses impacts. Certaines études prétendent qu’on ne constate aucun effet chez les enfants élevés par des couples de même sexe, mais ces études, souvent des études militantes, sont contestées, notamment à cause des méthodes qu’elles emploient. D’autres, comme celle de Regnerus, parue récemment, montrent qu’il y a peut-être des effets…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Elle est contestée !

M. Xavier Breton. Nous ne pouvons donc en tirer aucune conclusion, d’autant que ces études s’intéressent à des enfants élevés par des couples de même sexe, mais sans évaluer l’impact qu’à sur eux l’absence de père ou de mère. C’est bien ici, au-delà des aspects affectifs et éducatifs, la notion même de parenté qui est un cause. Quelles conséquences a pour un enfant le fait de ne pas avoir de père ou de mère ? Personne ne le sait, et cela ne peut être fait impunément. Nous en appelons donc à une écologie humaine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 4964.

M. Julien Aubert. Je voulais tout d’abord vous remercier, monsieur le président, pour la manière impartiale et mesurée dont vous présidez nos débats.

M. le président. Arrêtez, monsieur Aubert, ou je vais avoir des problèmes avec la majorité ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert. Je soutiens cet amendement, car il ne faut pas tomber dans la caricature ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Mes chers collègues, vous avez des boutons dans le dos et, chaque fois que l’on appuie dessus, vous bondissez : on dirait une publicité pour Danette !

Je ne crois pas que deux hommes ou deux femmes qui veulent élever un enfant aient systématiquement sur lui une influence négative. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je crois que l’amour et le désir d’avoir un enfant font que leur projet éducatif et leur projet de vie sont respectables.

Cela étant, la plupart des études, y compris les plus scientifiques, portent forcément sur des périodes très courtes puisque, même dans les pays les plus avancés, nous n’avons qu’une dizaine ou une quinzaine d’années de recul, et donc pas de série longues. Or il faut parfois vingt, trente ou quarante ans pour mesurer certains effets.

À titre d’exemple, j’étais favorable il y a quinze ans à la suppression du service militaire ; lorsque j’ai vu cependant des jeunes gens agiter des drapeaux étrangers sur la place de la Bastille, le soir de l’élection de François Hollande, je me suis dit que j’avais eu tort.

M. Alain Fauré. N’importe quoi !

M. Julien Aubert. Vous mettez en avant le principe de précaution pour les ondes électromagnétiques, les OGM ou d’autres éléments touchant au vivant. Honnêtement, compte tenu du fait que nous n’avons aucune certitude sur l’impact à long terme, et que nous utilisons et mettons parfois ce principe à toutes les sauces, je crois que mettre en place ce principe pour un sujet aussi important que l’équilibre de l’enfant relève tout simplement de la prudence, ne vous en déplaise.

M. Jacques Myard. Bravo !

M. le président. Sur les amendement identiques n° 1894, 2088, 2336, 2945, 3530 et 4964, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. J’avoue mon malaise devant l’emploi, dans les mêmes phrases et les mêmes arguments, des mots « principe de précaution », « mariage », « homosexualité » et « espèce animale ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Et alors ? Nous sommes des mammifères !

M. Erwann Binet, rapporteur. Les amalgames sous-entendus par l’emploi de ces termes me semblent dangereux et extrêmement décevants.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est une image !

M. Jacques Myard. On se reproduit comme des mammifères !

M. Erwann Binet, rapporteur. J’espère que vous avez songé à ces enfants qui, vivant dans des familles homoparentales, ont pu entendre ces mots de « principe de précaution ».

Vous vous inquiétez de la situation des enfants élevés dans des familles homoparentales, et vous avez raison : nous nous sommes longuement posé cette question lors des auditions.

Nous avons beaucoup travaillé sur les études auxquelles vous faites référence. L’étude Regnerus fait l’objet d’un résumé dans le tome II du rapport, ainsi que d’autres études évoquées notamment à l’occasion de l’audition des représentants de l’Académie de médecine. Nous avons donc beaucoup travaillé sur ces questions.

Il aurait été préférable d’assister le 20 décembre aux auditions de ces familles ; or, monsieur Breton, vous n’êtes resté ce jour-là que cinq minutes, tout comme M. Mariton !

M. Xavier Breton. Nous ne sommes pas restés parce que vous avez auditionné des militants !

M. Patrick Ollier. Vous avez auditionné des militants socialistes !

M. Bernard Accoyer. Ces auditions étaient partiales !

M. le président. S’il vous plaît ! Monsieur le rapporteur, veuillez poursuivre votre réponse.

M. Erwann Binet , rapporteur. L’avis de la commission est défavorable, vous l’aurez compris.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je souhaiterais rétablir un peu de sérénité.

Tentons de savoir de quoi l’on parle lorsqu’on évoque l’adoption plénière. Mme Taubira a déjà eu l’occasion de rappeler que le sérieux de la procédure d’adoption ne peut, en aucune façon, souffrir le moindre doute.

Vous le savez d’autant mieux que vous avez certainement eu l’occasion, dans le cadre de vos diverses fonctions, de voir de quelle façon cette procédure d’adoption se déroule, et de constater qu’un agrément n’est jamais accordé à la légère. Je souhaite donc rendre hommage à tous ceux qui participent à ces procédures d’agrément. Pour mémoire, je rappelle qu’en 2011, 5 887 agréments ont été accordés, 770 refusés et 881 retirés.

Par ailleurs, et M. le rapporteur l’a souligné, nous assistons à une dérive du vocabulaire : nous avons entendu parler ce matin d’ « enfant-Playmobil », et cet après-midi d’espèces animales. Jusqu’où ce débat va-t-il sombrer ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je préfère vous relire les propos d’Elisabeth Badinter : « Ce n’est pas parce que l’on devient mère ou père que l’on est bon parent. (…) Ce n’est pas parce qu’on a porté (…) un enfant que l’on est doté des hormones du maternage. (…) Combien de pères fouettards, lointains, voire carrément absents, se sont-ils succédé depuis l’origine des temps ? (…) La parentalité hétérosexuelle n’est pas la panacée universelle. Pourtant, nul ne songe à demander des comptes aux futurs parents hétérosexuels. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Respectez enfin les familles homoparentales !

Mme Claude Greff. Et c’est la ministre de la famille qui dit cela !

M. le président. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Au fond, je crois que tous les Français s’interrogent sur ce devoir de précaution, car il s’agit d’un changement radical. En effet, permettre à des couples homosexuels d’adopter un enfant, leur reconnaître ce droit dans un texte de loi, constitue un changement fondamental. Le souci de précaution est donc légitime.

Ce qui nous choque tous, c’est cette impression que le Gouvernement navigue à vue. Tout à l’heure, Bruno Le Roux nous a indiqué que la question du calendrier devrait être posée lors d’une séance de questions d’actualité.

Permettez-moi donc de vous rappeler que ce sujet a fait l’objet d’une question d’actualité posée au Premier ministre mardi par le président du groupe UMP, puis a de nouveau été posée mercredi par le président de l’UMP, le parti le plus important de l’opposition. Or, le Premier ministre n’a pas apporté la moindre réponse !

Par ailleurs, nous avons entendu, en provenance de l’étranger, une information qui vient contredire le calendrier qui nous a été exposé. Elle illustre de plus la contradiction régnant entre les membres du Gouvernement car, vous le savez, madame la ministre de la famille, vous n’êtes pas sur la même ligne que Mme la garde des sceaux.

Vous nous avez dit que l’adoption avait d’ores et déjà créé la possibilité d’avoir des enfants et que finalement, pour des couples hétérosexuels, ce sera la même chose qu’aujourd’hui. Or, ce n’est pas la même chose : Mme Taubira était beaucoup plus sur la ligne qui avait été définie. Alors où est la clarté ? De même, votre rapporteur s’est montré extrêmement flou sur ces questions.

Ainsi, le premier principe de précaution, que l’État devrait s’appliquer, c’est de définir clairement sa stratégie vis-à-vis de la nation française. Tous les Français qui ont participé à l’immense manifestation du 13 janvier l’ont appelé à indiquer quelle était réellement sa position. Voilà aussi un principe de précaution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je suis scandalisée par cet amendement, qui fait une analogie entre les couples de même sexe et les animaux afin d’interdire l’adoption aux couples homosexuels. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ceux-ci seraient-ils si dangereux qu’il faudrait leur interdire l’adoption ? Les humains qui nous regardent apprécieront. Mais comme je préfère me consacrer au règne de la démocratie plutôt qu’au règne animal, revenons-en à l’adoption.

M. Patrick Ollier. C’est médiocre, madame !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Adopter restera toujours un processus long, codé, épuisant parfois pour les demandeurs, parce que décider d’entamer une procédure d’adoption, c’est d’abord vérifier que l’on en a la possibilité, confronter la solidité de son projet parental à la réalité.

Ceux qui aujourd’hui agitent un drapeau rouge imaginaire méprisent l’exigence des professionnels de l’adoption. En effet, l’adoption est contrôlée par les services de l’aide sociale à l’enfance des conseils généraux : ce qu’ils font aujourd’hui avec talent et brio pour les couples hétérosexuels, ils le feront également pour les couples homosexuels.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous le savons aussi bien que vous, chère collègue !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Arrêtez donc d’agiter le chiffon rouge de la précaution !

Il n’est ni moral ni légitime d’exclure un couple en raison de son orientation sexuelle. Il est donc temps de mettre fin à cette situation discriminatoire.

De plus, nous avons évoqué le Conseil supérieur de l’adoption. Je veux vous lire une phrase extraite d’un de ses comptes rendus : « le Conseil supérieur de l’adoption a examiné les incidences du projet, sans faire aucun lien entre les capacités éducatives et affectives et l’orientation sexuelle des candidats à l’adoption. » Ce document a été transmis aux présidents des deux assemblées.

M. Jean-Frédéric Poisson. Et si vous parliez des enfants, chère collègue ?

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Oui, il est possible d’être homosexuel et de bien élever ses enfants. On peut aussi mal les élever, comme pour les couples hétérosexuels.

Vous nous parlez de la défense des enfants ; mais qui a supprimé le Défenseur des enfants ? Ce n’est pas la gauche : c’est vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je souhaite ramener un peu de sérénité dans ce débat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs d’entre nous ont rappelé à ce micro que l’amour que peuvent se porter deux hommes ou deux femmes est tout aussi respectable que l’amour que peuvent se porter un homme et une femme : ce sujet ne fait même pas débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est une évidence, et je l’ai déjà dit à cette tribune il y a au moins deux mois.

M. Marcel Rogemont. Le problème, c’est qu’après il y a toujours un « mais » !

M. Christian Jacob. Ensuite, concernant les capacités d’éducation, il est évident que deux personnes du même sexe peuvent parfaitement éduquer un enfant et lui porter tout l’amour nécessaire. Ces sujets ne font évidemment pas débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En revanche, concernant l’adoption, des questions ont été très clairement posées, non par un groupe politique ou des députés UMP, même si nous nous en faisons le relais, mais par le Conseil supérieur de l’adoption, dont je vous ai lu hier quelques citations.

Il soulève des interrogations extrêmement graves, et souligne notamment l’absence d’étude d’impact suffisante. L’ensemble des risques potentiels n’ont pas été mesurés. De plus, le Défenseur des droits pose les mêmes questions sur ce sujet. Il est donc normal que nous nous fassions l’écho tant du Défenseur des droits que du Conseil supérieur de l’adoption.

Sur un sujet aussi important, on ne peut pas accepter les propos du rapporteur, qui fait des amalgames faciles. Je vous le dirai sans doute un peu durement et un peu méchamment, mais ce n’est pas parce que vous avez parfois, sur ces sujets, dépassé votre seuil de compétence que vous devez tomber dans l’insulte, monsieur le rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Roman. Je dirai simplement à M. Jacob qu’on peut ne pas être d’accord avec les idées défendues par les autres ; on peut ne pas être d’accord avec des arguments ou des amendements ; on peut mettre en cause le fond des amendements, comme nous le faisons sur des idées qui nous semblent néfastes pour la société française – je vous le dis tel que nous le pensons.

Mais mettre en cause, individuellement, sur ses compétences – que vous êtes le seul à ne pas voir ! – le formidable rapporteur de ce texte, est indigne d’un parlementaire, et indigne d’un président de groupe de l’opposition !

Je demande une suspension de séance de deux minutes pour que M. Jacob se rende compte que nous ne sommes pas ici pour nous invectiver, ni pour remettre en cause les compétences d’un collègue qui siège sur ces bancs.

M. Bernard Accoyer. Il faut une heure de suspension !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. Notre Assemblée ayant retrouvé sa sérénité légendaire, la séance est reprise.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces amendements révèlent une défiance extraordinaire à la fois envers les collectivités, puisque ce sont les conseils généraux qui délivrent les agréments, et envers nos institutions, puisque c’est un magistrat qui prononce l’autorisation d’adoption.

Il y a dans ces amendements une défiance extraordinaire, mais surtout étonnamment récente, envers nos collectivités et nos institutions, sur la rigueur avec laquelle elles examinent chaque situation qui leur est présentée et sur le sérieux avec lequel elles prononcent leurs décisions.

Nous témoignons – mais nous ne sommes pas les seuls puisque c’est aussi ce que disent les intéressés – que ce travail est fait avec la plus grande rigueur.

Madame Dalloz, vous nous avez interpellées en nous disant : c’est une femme députée qui vous parle, à vous mesdames les ministres, et qui vous demande de faire en sorte que ce principe de précaution soit appliqué. En vous écoutant, je me suis dit que vous n’aviez peut-être pas fait attention à l’exposé sommaire de votre amendement et en tout état de cause je n’ai pas imaginé une seconde que vous iriez jusqu’à le citer. C’est pourtant ce que vous avez fait. Je cite la première phrase de l’exposé sommaire de votre amendement : « Le principe de précaution ne peut s’appliquer uniquement aux espèces animales alors qu’il ne s’appliquerait pas aux enfants des hommes ».

Madame la députée, lorsque vous nous dites que c’est une femme députée qui nous interpelle, nous les femmes ministres, de deux choses l’une : ou bien vous n’avez pas mesuré ce qu’il y a de terrible dans cette phrase, ou bien vous le savez. Si vous ne l’avez pas mesuré, alors ce sont les femmes ministres qui vous interpellent, vous femme députée de l’UMP, pour vous demander au moins de la vigilance sur le vocabulaire (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR), pour vous demander de faire en sorte que les députés ne parlent pas d’« enfants-Playmobil », de faire en sorte que les horreurs que l’on entend depuis plusieurs jours ne soient plus prononcées car elles le sont aussi en votre nom. Dans le cas contraire, cela illustre de façon irréfutable qu’il n’y a entre nous de commun que ce que la nature nous a donné, c’est-à-dire juste être femme, et que nous divergeons sur tout le reste. Nous divergeons sur les valeurs, nous divergeons sur les principes, nous divergeons sur les idéaux, nous divergeons sur le respect dû aux personnes, nous divergeons sur la protection des enfants, nous divergeons sur la conception de la citoyenneté, nous divergeons sur la liberté, nous divergeons sur l’égalité. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, écologiste et GDR se lèvent et applaudissent vivement.)

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, rappel au règlement…

M. le président. Non !

Je vais mettre aux voix…

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, M. Breton a demandé la parole pour répondre au Gouvernement.

M. le président. C’est M. de Mazières qui a répondu au Gouvernement.

Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1894, 2088, 2336, 2945, 3530 et 4964.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 252

Nombre de suffrages exprimés 250

Majorité absolue 126

(Les amendements identiques nos°1894, 2088, 2336, 2945, 3530 et 4964 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements pouvant être soumis à une discussion commune dont certains sont identiques.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1896, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 5374.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je crois que ce qui nous réunit ici, c’est l’amour de la France (« Oh ! »sur les bancs du groupe SRC), l’amour de la République et la recherche de l’intérêt général.

Comme la définition de l’intérêt général est un enjeu de la démocratie, nous débattons, nous confrontons nos points de vue, et nous votons.

Madame la garde des sceaux, j’ai beaucoup de respect pour vous. Vous m’autoriserez à vous dire qu’il n’est pas bien de dénoncer tel collègue ou tel groupe de collègues (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) pour dire que la seule chose qui vous paraît semblable à vous dans le regard d’un député serait d’être femme, s’agissant d’une femme, quand la chose qui raisonnablement doit nous réunir au-delà de nos différences c’est un certain sens de la mission – législateur, exécutif – dans l’intérêt de la France.

Plusieurs députés du groupe SRC. Parlez-nous de votre amendement !

M. Hervé Mariton. Nous ne contestons pas la légitimité du Gouvernement, nous ne contestons pas la légitimité de nos collègues de la majorité. Admettez que nous assumions notre mission.

Mon amendement vise à permettre à des parents de dire qu’ils souhaitent préciser les conditions dans lesquelles ils veulent, s’ils venaient à décéder, que leurs enfants soient adoptés. C’est un prolongement de la responsabilité parentale qui paraît aller de soi et ne devrait pas faire l’objet de polémiques, et si…

M. le président. Merci, monsieur Mariton.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir le sous-amendement n° 5374.

M. Bernard Accoyer. Il s’agit d’un sous-amendement de précision, l’objet central de nos préoccupations étant l’enfant.

Hier, Mme la ministre déléguée chargée de la famille nous a dit que le texte ne changerait rien pour les enfants. Or nous constatons, article après article, à mesure que nous progressons dans nos débats, que c’est tout le contraire. Dès lors que le mariage de personnes de même sexe donne les mêmes droits que le mariage de deux personnes de sexe différent, l’adoption deviendra possible. Puis ce sera le tour de la PMA et enfin, parce que les couples d’hommes l’exigeront avec une QPC, ce sera la gestation pour autrui qui deviendra possible.

Il est donc nécessaire de souligner que nos discussions et nos votes aboutiront à changer totalement la situation des enfants, tout simplement parce que ce texte privilégie le droit à l’enfant alors que nous devrions être totalement et uniquement centrés sur les droits des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 2087.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la garde des sceaux, effectivement nous avons une divergence de points de vue et je la revendique.

Avec tout le respect que je vous dois, je suis heureuse d’avoir une vision de la société différente de la vôtre.

Mes chers collègues de l’actuelle majorité, je veux vous alerter sur le risque de dérive évident en raison du fait majoritaire. On le voit bien à travers vos invectives, votre sentiment d’être surpuissants, de pouvoir voter des textes sans tenir compte de rien.

Laissez-moi vous citer l’exemple de la Slovénie. En 2011, sur la proposition du gouvernement slovène de l’époque, le Parlement a adopté une loi sur la famille visant à mettre en application un nouveau code de la famille qui autorisait les couples homosexuels à se marier et à adopter. Or cette loi n’a jamais pu être mise en application. Des citoyens ont en effet lancé une initiative citoyenne intitulée « Pour le droit de la famille et le droit des enfants » réunissant les 40 000 signatures nécessaires à l’organisation d’une consultation populaire. Le 25 mars 2012, en dépit des sondages indiquant tous un succès pour ce texte, la loi est invalidée par voie référendaire à plus de 56 % des suffrages.

C’est une bonne leçon. Vous devriez aussi écouter la rue, nous écouter et avoir un minimum de respect pour les parlementaires de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 2337.

M. Nicolas Dhuicq. Je voudrais profiter de cette intervention pour rappeler à l’ensemble de mes collègues, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, qu’il n’y aura jamais aucune étude scientifiquement valable visant à comparer les différents couples, tout simplement parce que toute expérience humaine, tout être humain est unique. S’il fallait constituer des échantillons représentatifs des populations témoins dans ce type d’expérience, nous contreviendrions aux lois éthiques les plus élémentaires.

M. Marcel Rogemont. Cela vaut aussi pour les couples hétérosexuels !

M. Nicolas Dhuicq. Je constate que nos collègues de l’actuelle majorité se rendent compte petit à petit des dérives qu’ils ont rendues possibles et que cette loi posera plus d’interrogations qu’elle n’apportera de réponses. Au lieu de réunir les Françaises et les Français, au lieu de permettre à nos compatriotes, quelles que soient leurs orientations sexuelles, de vivre en paix dignement, vous recréez des tensions et vous compliquez à nouveau la vie des enfants, même si certains enfants auront toujours la capacité d’affronter les difficultés quelles qu’elles soient. Vous compliquez inutilement la vie des enfants et vous propagez des mensonges : un enfant n’aura jamais deux pères ni deux mères. Il y aura toujours, à la source de chaque vie humaine, un homme et une femme, que vous le vouliez ou non.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2947.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais rappeler que c’est à Mme Badinter que nous devons l’expression d’« élevage d’enfant » plutôt que d’« éducation d’enfant » et celle plutôt curieuse de « bilan familial ». Au fond, je peux comprendre que nos collègues de la majorité soient choqués que l’on assimile les enfants à des animaux, ce que personne ne fait ici (« Si ! sur les bancs du groupe SRC), et je les appelle à être un peu plus attentifs à la réalité des propos qui sont tenus à droite de l’hémicycle.

Monsieur le président, cet amendement est dans la ligne de ceux qui ont été défendus tout à l’heure. Il réaffirme que la filiation biologique est importante et que, de notre point de vue, elle reste le modèle préférable de la filiation même si, c’est une évidence, elle n’est pas le seul. À ce titre, il est important que cette situation puisse être préservée autant que possible. Que ceux qui doivent décider du sort des enfants le fassent également en se référant à l’intérêt de l’enfant. À cet égard, le sous-amendement de M. Accoyer complète utilement mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3047.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le president, je voudrais profiter de cet amendement pour revenir sur ce qu’a dit Mme Bertinotti tout à l’heure. Elle est intervenue en nous apostrophant et en nous demandant : « Jusqu’où le débat va-t-il sombrer ? » Je voudrais dire à Mme la ministre que ce n’est pas à elle de juger le Parlement. Je crois qu’il est assez grave que le Gouvernement aille sur ce terrain. Nous avons besoin de sérénité, nous l’avons dit à plusieurs reprises : alors, je vous en prie, n’allez pas sur ce terrain. D’autant plus que, si je reprends ce qui s’est passé aujourd’hui, nous n’avons vraiment pas de leçons à recevoir : encore une fois ce matin, ici, vous avez dit quelque chose, et cet après-midi ce que avez déclaré, madame la ministre, n’était déjà plus vrai, parce que vous avez reçu un contrordre venant du Cambodge, de la part du Premier ministre. Pour nous, les choses sont claires : nous avons besoin de savoir qui nous devons écouter au banc du Gouvernement. Lorsqu’un ministre s’exprime, est-ce que ce qu’il dit est véritablement exact ? C’est vraiment important pour le débat.

Je terminerai en revenant sur l’amendement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ce que nous défendons, c’est évidemment le droit de l’enfant. C’est la raison pour laquelle cet amendement nous semble principiel dans le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur l’amendement n° 1896 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3793.

M. Philippe Gosselin. Nous examinons un sujet délicat : le décès des parents, des enfants qui se retrouvent orphelins, parfois sans famille immédiate susceptible de les accueillir, des grands-parents, des oncles ou des tantes… L’adoption peut être une solution.

Bien sûr, on doit faire confiance au conseil de famille, et à l’ensemble des services qui entoureront à ce moment-là les enfants, mais il paraît essentiel que, dans un tel cas, les parents aient pu auparavant faire état d’un certain nombre de préférences.

Quand on naît avec certaines valeurs, un certain type d’éducation, dans tel ou tel secteur géographique – chacun verra ce qu’il a de plus cher et ce qu’il souhaite transmettre à ses enfants –, tout cela peut amener à fixer les conditions dans lesquelles les enfants pourraient être adoptés.

Bien évidemment, l’ultima ratio est aux mains de l’État, puisque c’est l’État – au sens large – qui prendra la décision finale, en veillant à ce que ces conditions soient compatibles avec l’intérêt de l’enfant. Il y a bien une raison ultime d’intérêt général, mais au moins le souhait des parents dans ce document testamentaire pourrait être pris en compte.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 4963.

M. Julien Aubert. Merci, monsieur le président. En introduction, je voudrais comme mes collègues apostropher Mme la garde des sceaux sur la manière dont elle a répondu. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

Je trouve cela extrêmement choquant : il ne suffit pas de grossir les yeux et de grossir la voix. La dernière fois qu’on m’a parlé sur ce ton, c’était au CE2 ! Il serait bon maintenant que nous ayons un dialogue adulte. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je vois que la chorale du Parti socialiste s’est remise en route, il n’y a que moi qui vous réveille !

Ce principe de liberté de conscience, je crois qu’il est extrêmement important ; j’ai déjà dit dans cet hémicycle que je ne comprenais pas pourquoi je devais argumenter pour la liberté, mais quand je me rends compte qu’on ne laisse même pas aux députés socialistes leur liberté de conscience, j’imagine qu’il est difficile de l’octroyer aux autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. On a le droit d’être d’accord avec son groupe !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Tout d’abord, monsieur le président, je vous demande, au titre de l’article 58, alinéa 4, de me donner la parole en fin de séance pour un fait personnel.

M. le président. Elle vous sera accordée à la fin de la séance.

M. Erwann Binet, rapporteur. Sur la désignation d’un tuteur par voie testamentaire par le dernier vivant, elle est possible et s’impose au conseil de famille, sauf si le conseil de famille estime que ce n’est pas l’intérêt de l’enfant, et sachant que le tuteur désigné n’est lui-même pas tenu d’accepter.

Il n’est donc pas acceptable de vouloir interdire a priori que tout enfant privé de famille puisse être accueilli par un couple de même sexe.

Quant au sous-amendement de M. Mariton, il est superflu puisque la convention internationale des droits de l’enfant s’impose à notre droit de manière globale. Il est inutile de le préciser, la France ayant ratifié cette convention. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les explications du rapporteur étant extrêmement claires, le Gouvernement les approuve et émet un avis défavorable. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Merci, monsieur le président. Je ne sais pas si mes collègues de l’opposition se rendent compte qu’ils ouvrent la boîte de Pandore.

M. Philippe Gosselin. C’est la meilleure !

Mme Marie-George Buffet. Ils sont tellement obsédés par le désir d’interdire à un couple homosexuel d’accueillir et d’éduquer un enfant qu’en posant des conditions et en donnant un pouvoir aux parents par rapport à l’avenir de l’enfant, ils ouvrent la voie à des critères qui pourraient aussi bien être un jour racistes… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous rendez-vous compte de ce que vous faites à travers ces amendements ? Vous ne voyez même pas cela, tellement vous êtes obnubilés par les homosexuels : vous ne voyez même pas le danger que vous faites courir aux enfants et à notre société par vos amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Je crois que cet amendement souligne la cohérence de nos positions. Ce que nous disons depuis le départ, c’est que la priorité pour nous c’est le droit de l’enfant. La priorité, pour un enfant qui va être adopté, c’est d’avoir un père et une mère, parce qu’autrement on choisit pour lui et on va à l’encontre du principe d’égalité. Or, tout votre raisonnement repose sur un principe d’égalité. Pardonnez-nous, nous considérons que ce principe d’égalité, vous le touchez à la racine même, à la naissance de l’enfant.

M. Marcel Rogemont. Tout le monde n’est pas né à Versailles !

M. François de Mazières. Nous sommes donc parfaitement cohérents.

Le deuxième élément, c’est que nous considérons qu’il faut intégrer l’enfant dans une histoire familiale. Il est tout à fait normal, il est tout à fait logique, que nous défendions un tel amendement.

Cette cohérence, vous nous imposez de l’avoir, parce qu’il y a tellement de flou dans tout ce que vous nous avez proposé, que ce soit dans le calendrier de la réflexion, que ce soit entre vous sur la PMA et la GPA, qu’il est nécessaire que nous revenions sans cesse avec nos amendements pour essayer de mettre un peu de cohérence dans ce raisonnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Julien Aubert. M. le rapporteur a dit que ce texte était en conformité avec la convention internationale des droits de l’enfant. Permettez-moi de vous en faire la lecture et vous jugerez s’il vous semble que ce texte l’est. Article 21 : « Les États parties qui admettent et/ou autorisent l’adoption […] veillent à ce que l’adoption d’un enfant ne soit autorisée que par les autorités compétentes, qui vérifient, conformément à la loi et aux procédures applicables et sur la base de tous les renseignements fiables relatifs au cas considéré, que l’adoption peut avoir lieu eu égard à la situation de l’enfant par rapport à ses père et mère… »

Il est dit, à l’article 7, que « l’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux ». Et la définition qui est donnée du mot « parents » est « père et mère ».

Donc, je suis désolé, mais par rapport à cette convention de 1989 qui a force contraignante en droit français et qui donne une définition de la famille, comme étant un père et un mère… (Rires sur les bancs du groupe SRC.) À force de mélanger les genres ! Par rapport à ce texte qui permet à un enfant de connaître son père et sa mère, votre texte est dans l’illégalité et vous ne vous êtes à aucun moment expliqués sur la manière dont vous alliez faire fonctionner la hiérarchie des normes. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

Nous ne sommes peut-être pas dans le même modèle. Vous, vous aimez peut-être passer trois semaines à voter une loi qui ne sera pas appliquée. Vous avez beaucoup parlé de l’effectivité du droit : mais j’aimerais que le droit soit applicable et qu’il soit effectif, ou bien tout cela ne sert à rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj. Monsieur le président, moi je fais partie de ces députés qui depuis six jours assistent à ces débats et je ne reviendrai pas sur la manière dont ils ont été dévoyés, galvaudés, phagocytés, embolisés par d’autres sujets. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

Mais puisque, au gré de cette série d’amendements, vous voulez enfin vous livrer à l’exercice d’écriture du droit, je voudrais vous inviter collectivement à répondre à une double exigence. D’abord, je vous invite à le faire avec un minimum de purisme juridique. Dans cet amendement et dans l’exposé des motifs, vous faites référence à ces enfants qui seraient des « pupilles de la nation ». Mes chers collègues, les pupilles de la nation sont les enfants des victimes de la guerre de 1914 et de la guerre de 1939-1945 ! Je vous invite donc à réviser un tout petit peu le code civil et le code de l’aide sociale et de la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Manifestement, les enfants dont vous voulez parler sont les pupilles de l’État. S’il vous plaît, référez-vous à l’article L 224-4 du code civil qui parle des pupilles de l’État et non pas des pupilles de la nation.

Deuxième exigence et peut-être la plus importante : c’est de prendre la mesure de ce que vous faites. Votre obsession pathologique de limiter les possibilités d’adoption pour les homosexuels vous conduit à renverser l’équilibre, certes perfectible, de l’ensemble du droit de l’adoption. En invitant aujourd’hui à la mise en place de directives anticipées pour les parents d’éventuels orphelins, vous introduisez quelque chose d’absolument abject : une préférence, c’est le terme de M. Gosselin, des directives anticipées qui seraient faites à raison de l’orientation sexuelle, à raison pourquoi pas de la culture, à raison pourquoi pas de la religion… Vous êtes donc en train de pervertir l’équilibre de l’adoption, le travail des conseils généraux et celui des conseils de famille. Faites attention, mes chers collègues. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

(Le sous-amendement n° 5374 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1896, 2087, 2337, 2947, 3047 et 3793.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 277

Nombre de suffrages exprimés 277

Majorité absolue 139

(Les amendements identiques nos 1896, 2087, 2337, 2947, 3047 et 3793 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n° 4963 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 1900, 2950, 3048 et 4227, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 2950, 3048 et 4227 sont identiques.

L’amendement n2950 fait l’objet d’un sous-amendement no 5377.

La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n1900.

M. Hervé Mariton. Manifestement, nous sommes en désaccord avec notre collègue Guedj et c’est en effet un débat de fond. Il ne nous paraît pas illégitime que des parents anticipent un certain nombre de conditions dans lesquelles leur enfant peut être adopté.

Les questions d’histoire, les questions d’identité ne sont pas illégitimes. Et que des parents, dans l’hypothèse de leur décès, disent qu’ils souhaitent – sauf si c’est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, et le juge en sera garant – telle adoption plutôt que telle autre, cela me paraît pleinement légitime.

J’ajoute que, participant récemment à une rencontre dans votre département, monsieur le président, j’ai perçu quelles pouvaient être les conséquences du projet du Gouvernement et de la majorité dans l’affaiblissement du mariage civil et dans l’affaiblissement, dès lors, des possibilités d’intégration et d’assimilation. Lorsque vous dévalorisez le mariage civil, avec le risque de disjonction entre mariage civil et mariage religieux que nous avons évoqué hier, c’est alors une chance d’assimilation, en particulier dans les mariages mixtes, que vous perdez.

M. Jean-Pierre Blazy. Quelle confusion !

M. Hervé Mariton. Et le processus que vous engagez, parce qu’il va inévitablement valoriser le mariage religieux et modifier la perception du mariage civil, aura des conséquences graves. Car le mariage mixte, comme élément d’intégration, ne fonctionnera plus demain comme aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2950.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes toujours dans la même logique, qui vise à ce que les parents puissent manifester une volonté quant à l’adoption éventuelle de leur enfant.

Je ne partage pas l’avis exprimé tout à l’heure par notre collègue Buffet. Nous avons déjà récusé l’idée selon laquelle nous serions mus par je ne sais quelle volonté d’instrumentalisation. Nous le répéterons, mais la question n’est pas là. Vous nous dites, au fond, qu’à partir du moment où nous essayons d’introduire certaines préférences, elles se transforment en critères de sélection, ce qui ouvre la porte à d’autres critères, que nous n’avons pas spécifiés par écrit mais qui pourraient comporter un risque. Je crois avoir bien compris votre pensée, ma chère collègue.

Mais cet amendement ne porte pas sur n’importe quel type de situation. Notre seule volonté, ici, c’est de redire que les parents ont le droit, en raison de l’autorité que leur confère le fait d’être parents, de manifester des préférences quant à l’adoption éventuelle de leur enfant au cas où ils viendraient à disparaître.

C’est d’ailleurs ce que font, dans leurs actes éducatifs quotidiens, tous les parents – tous, sans exception – par rapport aux enfants dont ils ont la charge. Et l’on ne voit pas très bien pourquoi cette volonté ne pourrait pas continuer à s’exprimer post mortem, d’une certaine façon. Il s’agit de faire en sorte que chacun puisse spécifier, de manière précise, et sans aucune espèce de discrimination, des éléments qui concernent la destinée de son enfant.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir le sous-amendement n° 5377 à l’amendement n° 2950.

M. Bernard Accoyer. Il s’agit d’un sous-amendement de précision, qui apporte également à M. Guedj des éléments pour sa réflexion. Car on voit bien que ce texte doit être centré autour de l’attention et de la prudence que nous devons manifester quant à l’avenir et aux droits des enfants.

L’autre jour, à la tribune, j’ai rappelé qu’il n’existait aucune étude scientifique sérieuse, validée, sur les conséquences psychologiques que pouvait avoir, pour un enfant, le fait d’avoir été élevé par un couple de même sexe. Aucune.

M. Bernard Roman. Il y en a beaucoup, au contraire !

M. Bernard Accoyer. Ce sont des études militantes qui ont été publiées.

Il se trouve qu’après avoir tenu ces propos, j’ai reçu de plusieurs internautes toute une série de références qui m’ont permis de consulter des études qui ont effectivement été menées aux États-Unis, sur des enfants qui avaient été éduqués par des couples de même sexe. Je ne vais pas vous dire les conclusions qu’elles comportaient, parce qu’elles ne sont pas scientifiquement validées. J’estime – et tout le monde devrait faire de même – que, quand des études ne sont pas scientifiquement validées, on ne peut pas en faire état. Et telle est la réalité, aujourd’hui, pour les enfants élevés par des parents de même sexe. On ne sait même pas si, au bout d’une, deux ou trois générations, n’apparaîtront pas des troubles psychologiques, voire, selon certains, des troubles plus sérieux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je voudrais terminer, monsieur le président,…

M. le président. Chers collègues, seul M. Accoyer a la parole.

M. Bernard Accoyer. …en disant que la disposition proposée par ce sous-amendement est une mesure de simple prudence, qui s’impose et qui devrait s’imposer à nous tous.

Monsieur Roman, pourquoi invectivez-vous toujours tout le monde, avec des gestes menaçants ? Nous avons aussi le droit de parler. Vous n’avez pas raison simplement parce que vous êtes majoritaires. On connaît la musique, à gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3048.

M. Patrick Hetzel. Oui, nous constatons depuis plusieurs jours que M. Roman a manifestement du mal à accepter (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. le président. Monsieur Hetzel, défendez votre amendement, s’il vous plaît.

M. Patrick Hetzel. Toucher au mariage, c’est évidemment toucher au droit de la famille. Or je suis désolé d’avoir à répéter que la méthode n’est pas la bonne. Nous voyons bien que nous avons besoin d’états généraux sur la famille. C’est de ces états généraux qu’il faudrait pouvoir déduire un certain nombre de choses. Le texte que nous examinons aujourd’hui devrait succéder à ces états généraux. Cela étant dit, je vais me concentrer sur mon amendement, puisque, hélas, le Gouvernement reste sourd à nos demandes.

Le présent amendement focalise sur l’intérêt de l’enfant tel qu’il est manifesté par ses parents. Il nous semble essentiel d’inscrire dans la loi que les parents peuvent indiquer dans quel type de cellule familiale leur enfant pourrait s’épanouir par la suite, s’ils venaient à décéder.

Mme Marie-George Buffet. Mais dans cet amendement, vous ne parlez pas de « cellule familiale ». Vous parlez des « origines ».

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4227.

M. Marc Le Fur. Moi, je ne doute pas de la bonne foi de notre collègue Guedj. Mais je voudrais qu’il m’accorde quelques moments d’attention. Je ne doute pas qu’il le fera.

Un enfant, ce n’est pas une page blanche, lorsqu’il naît. Et encore moins lorsque ses parents disparaissent. Je ne voudrais pas que mon propos revête une connotation exagérément personnelle, mais chacun vient ici avec son expérience. Prenons l’hypothèse d’un père ou d’une mère qui vit seul, qui est veuf ou veuve, et a de jeunes enfants. Son angoisse, c’est le devenir de ses enfants s’il venait à disparaître. Il peut être organisé, et procéder par testament, de manière écrite, comme le prévoyait l’amendement précédent. Mais il peut l’être un peu moins. Il a donné à ses enfants une éducation, certains principes et certaines valeurs. Il souhaite bien évidemment que, dans tout la mesure du possible – et on sait que c’est compliqué –, l’éducation de ses enfants puisse se poursuivre de la même façon, ou en tout cas que la rupture ne soit pas excessive. C’est cela, le but de notre amendement. Et je vous prie, mes chers collègues, de veiller à ce que cette évidence soit prise en compte. Pardonnez-moi.

M. le président. Sur l’amendement n° 1900 d’une part, et sur les amendements identiques nos 2950, 3048 et 4227 d’autre part, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire de demandes de scrutin public.

Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces quatre amendements et sur le sous-amendement n° 5377 ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Pour qu’un enfant mineur puisse être adopté en la forme plénière – hormis les cas où ses deux parents décèdent –, il faut qu’il ait été abandonné. L’abandon, c’est une rupture irrévocable du lien de filiation.

Dès lors, il est aberrant d’imaginer que l’on puisse tenir compte des volontés, réelles ou supposées, des parents dont l’enfant a vu ses liens de filiation irrévocablement rompus. Ce n’est pas logique. C’est aberrant. La commission a donc émis un avis défavorable à ces amendements, de même, évidemment, qu’au sous-amendement de M. Accoyer.

Je voudrais vous lire une phrase de quelqu’un à qui vous vous référez souvent, puisqu’il s’agit de Pierre Lévy-Soussan. Dans l’un de ses articles, il écrit : « Considérer l’origine biologique comme la seule origine valable de l’enfant fait partie des facteurs les plus déstabilisants pour les enfants adoptés. » Ce que vous proposez ici, chers collègues de l’opposition, va à rebours de ce que Pierre Lévy-Soussan – que nous avons auditionné, et vous étiez d’ailleurs présent, monsieur Breton – préconise. Et l’on connaît son expertise sur les cas d’enfants abandonnés.

M. Marc Le Fur. Il ne s’agit pas d’abandon. Nous avons évoqué le cas d’un décès !

M. Hervé Mariton. On vous parle de décès !

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales, saisie pour avis ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. On entend beaucoup parler de l’intérêt de l’enfant. Vous n’avez cessé de le faire, chers collègues. Mais je ne vois pas pourquoi, en cas de décès des parents, l’on distinguerait l’intérêt des enfants selon que leurs parents étaient hétérosexuels ou homosexuels.

M. Hervé Mariton. Mais ce n’est pas du tout le sujet !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. S’agissant de l’intérêt de l’enfant, ce qui prévaut, c’est la procédure d’agrément, qui en est la garantie. Et les conditions d’adoption restent les mêmes pour tous les couples mariés, si bien qu’il n’est question, ni de privilégier le fait d’avoir un père et une mère – ce qui n’est pas, en soi, une garantie de bonheur –,…

M. Hervé Mariton. Hors sujet !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. …ni de privilégier les adoptants de même sexe, qui doivent passer à travers les mêmes critères de sélection. En définitive, la seule chose qui importe, ce sont les conditions affectives, éducatives, matérielles, d’accueil de l’enfant.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas le sujet ! Vous ne lisez pas la bonne fiche.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais si, c’est le sujet !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il faut parler clair. Tous ces amendements n’ont qu’un seul but : permettre de refuser l’adoption par un couple homosexuel. Il faut appeler un chat un chat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela n’a plus rien à voir avec l’intérêt de l’enfant. Et je tiens à souligner qu’une telle clause discriminatoire, dans un testament, serait nulle.

Mais ce que je trouve encore plus grave, c’est que les auteurs de ces amendements supposent que telle serait l’intention de parents « en raison de leurs origines, de leur culture ou de leurs croyances religieuses ». Cela revient à institutionnaliser des préjugés.

M. Philippe Gosselin. Des croyances philosophiques, ce sont des préjugés ? Une religion, c’est un préjugé ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je partage tout à fait l’avis de Mme Taubira : effectivement, nous n’avons pas du tous les mêmes valeurs. Les nôtres sont les valeurs républicaines. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces amendements visent à modifier le régime de l’adoption. Or ce n’est pas l’objet du texte qui ouvre le mariage et l’adoption à droit constant aux couples de personnes de même sexe. Par ailleurs, vous qui, depuis plusieurs jours, nous demandez de consulter des autorités indépendantes, des institutions consultatives sur des matières qui n’ont strictement rien à voir avec l’objet du texte – ainsi nous reprochiez-vous de ne pas avoir consulté le Conseil consultatif national d’éthique au sujet de la PMA qui, j’y insiste, ne figure pas dans le projet de loi –,…

M. Christian Jacob. Nous l’avons demandé pour le mariage !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …vous voulez faire adopter un amendement sans vous être souciés de consulter le Conseil supérieur de l’adoption.

M. Hervé Mariton. Nous ne sommes pas le Gouvernement, faites votre boulot !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais le Gouvernement ne saurait le consulter puisque le texte ne traite pas de cette question !

M. Hervé Mariton. Faites-le pendant la navette !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est que nous sommes soucieux de cohérence et de rationalité quand nous élaborons un texte.

Au moins le sous-amendement du président Accoyer a-t-il le mérite de la clarté puisqu’il précise : « La perspective de l’adoption par un couple marié de personnes de même sexe peut être écartée. » C’est cela que vous essayez de faire et comment le faites-vous ? Avec les arguments les plus contestables.

M. Claude Goasguen. Lesquels ?

M. Patrick Balkany. Et les vôtres, d’arguments ?

M. le président. Monsieur Balkany, je vous en prie.

M. Patrick Balkany. Tout est contestable, monsieur le président, même la parole de la garde des sceaux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous évoquez « la volonté réelle ou présumée » des parents biologiques. La volonté présumée sur le partage de l’héritage, peut-être, mais, sur le sort des enfants, qui est assez savant pour savoir quelle est la volonté présumée des parents ?

Vous estimez qu’il faut tenir compte des origines, de la culture et des croyances religieuses des parents biologiques.

M. Bernard Roman. Ah bravo, chers collègues de l’opposition !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Qu’est-ce que cela signifie clairement ? Vous évoquez des risques de troubles psychologiques.

Cet amendement vient après celui invoquant le principe de précaution, principe dont je rappelle qu’il n’est pas un concept creux, qu’il figure dans la Constitution,…

M. Bernard Accoyer. Il ne s’applique pas qu’à l’environnement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et qu’il a été bâti sur l’histoire organisée de la lutte contre les pollutions.

Ce matin, je citais René Char selon lequel « les mots savent de nous des choses que nous ignorons d’eux ». L’utilisation des concepts n’est pas neutre.

Poussez votre logique jusqu’au bout et mettez donc un terme à l’adoption internationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

MM. Claude Goasguen et Bernard Accoyer. C’est vous qui allez l’interrompre !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vos amendements illustrent en tout cas, une fois encore, nos divergences sur notre conception de la société, sur notre vision du monde et de la personne. Nous, nous avons conscience – et nous y tenons – d’être dans une société laïque qui organise l’éducation publique et l’accès égal de tous les enfants de ce pays à l’éducation, c’est-à-dire aux connaissances, au savoir, à l’esprit critique.

M. André Schneider. Qu’est-ce que c’est que cette démonstration ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cette éducation fabrique des citoyens, elle les arrache par le savoir, par la connaissance et par l’esprit critique aux déterminismes des origines, au déterminisme de la religion, au déterminisme de la condition sociale et économique. Donc, oui, nous avons des divergences de fond sur la conception de la société et de l’individu et, plus encore, sur la destinée de chaque enfant de ce pays. (Très vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – De nombreux députés de ces groupes se lèvent.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Les parents auraient le droit d’exprimer des volontés testamentaires concernant leurs biens, et ils ne pourraient prendre des dispositions quant à l’avenir éducatif et familial de ce qui constitue d’ordinaire leur bien le plus précieux : leurs enfants ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ils doivent pouvoir le faire pour des raisons morales, philosophiques, religieuses qui leur appartiennent. (Brouhaha.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.

M. André Schneider. Oui, nous avons aussi le droit d’avoir des convictions !

Mme Annie Genevard. Qui plus est, la transmission n’est pas seulement juridique, elle est aussi symbolique. On sait combien, dans ces affaires profondément humaines, le poids du symbolique est important. Le relais donné par des parents biologiques à des parents adoptifs est de nature à aider un enfant dans son travail de deuil à l’occasion de l’expérience probablement la plus traumatisante qu’il peut connaître : celle de perdre ses parents. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Blazy. Quel prêchi-prêcha !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Mme Bertinotti disait tout à l’heure que le point de vue défendu par l’opposition, par le biais de ses amendements, c’était le refus d’ouvrir l’adoption aux couples de personnes de même sexe. C’est un point important mais pas le seul. Je me suis demandé pourquoi notre collègue Mme Maréchal-Le Pen n’était pas présente pour défendre ses amendements.

M. Erwann Binet, rapporteur. Elle fait bien.

M. Sergio Coronado. Elle n’en a nul besoin car, sur le fond, ce que vous proposez, c’est l’application de la préférence nationale au droit de l’adoption. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Mais vous êtes malade !

M. Sergio Coronado. À aucun moment on ne perçoit le souci de l’accueil de l’enfant dans une cellule familiale, ainsi que l’a relevé notre collègue Buffet, mais on trouve bien la volonté d’appliquer de façon stricte et précise ce principe que nous condamnons. C’est pourquoi nous voterons contre ces amendements en étant fiers de refuser encore et toujours la préférence nationale. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Je reprendrai les propos de Mme Buffet : la boîte de Pandore est ouverte, c’est vrai.

M. Jacques Myard. Qui l’a ouverte ?

M. Claude Goasguen. Le Gouvernement l’a ouverte et j’aimerais qu’il l’assume. Tout à l’heure, M. Guedj a déclaré que nous étions contre l’adoption. Je vous ferai remarquer que la proposition que vous êtes en train de voter va à l’encontre de toutes les conventions internationales : certains pays n’accepteront pas l’adoption dans le cadre de mariages homosexuels, alors qu’ils l’acceptent selon le droit en vigueur. Vérifiez donc : c’est le cas de la plupart des pays. Nous devrons donc renégocier toutes les conventions internationales, non sans difficultés.

Quant à Mme Taubira, elle nous explique avec beaucoup de lyrisme – mais est-ce bien nécessaire ? – que nous n’avons pas la même morale. Non, en effet, madame Taubira, nous n’avons pas la même morale que vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Et nous en sommes fiers !

M. Claude Goasguen. Rassurez-vous et ne vous fatiguez pas à le répéter, je vais vous expliquer pourquoi. Madame Taubira, vous resterez dans l’histoire comme le garde des sceaux à l’origine d’une circulaire publiée il y a deux jours qui préconise la pratique d’un nouveau tourisme sexuel (Protestations sur les bancs des groupes SRC et écologiste),…

M. André Schneider. Eh oui !

M. Claude Goasguen. …celui de la procréation médicalement assistée et de la gestation pour autrui.

Madame Taubira… (Bruit.)

M. Jean-Christophe Cambadélis. Vos propos sont honteux !

M. le président. S’il vous plaît !

M. Claude Goasguen. Laissez-moi donc parler : j’évoque des questions juridiques. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. Mes chers collègues de la majorité, laissez l’orateur s’exprimer.

M. Bernard Roman. Scandaleux !

M. Claude Goasguen. Monsieur Roman, vous qui vous prétendez juriste, savez-vous qu’il existe un droit pénal international ? Savez-vous que le droit pénal international permet à la France de poursuivre des délits et des crimes qui ne sont pas commis sur le territoire français ? Savez-vous, monsieur Roman, que nous avons voté, à l’occasion de la réforme du code pénal, l’internationalisation des crimes relatifs au tourisme sexuel ? Savez-vous, monsieur Roman, que le garde des sceaux a la possibilité de poursuivre… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Ça suffit !

M. Claude Goasguen. Monsieur Roman, vous avez été président de la commission des lois, écoutez mes arguments juridiques : le garde des sceaux a la possibilité, demain, de prendre une circulaire à l’attention des procureurs généraux pour leur demander de poursuivre ceux qui se sont mis en infraction par rapport à la gestation pour autrui.

Mme Claude Greff. Ça, c’est du bon !

M. Bernard Roman. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait quand vous étiez au pouvoir ?

M. Claude Goasguen. Cela sera un corollaire de cette circulaire ignoble récemment signée par le garde des sceaux. (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

Madame Taubira, rassurez-vous, vous resterez dans l’histoire mais votre morale n’est pas la nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – « Minable ! », « Scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. L’amendement que vous nous présentez a au moins le mérite d’être en cohérence avec les précédents. Je pense à tous ceux qui portaient sur le principe de précaution. À travers cet amendement, si je vous ai bien lus, car, à vous écouter, on se rend compte que vous ne dites pas toujours la même chose (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Benoist Apparu. Vous non plus !

Mme Annick Lepetit. …vous introduisez une suspicion vis-à-vis de certaines familles.

M. Jacques Myard. On ne veut pas de l’adoption pour les couples d’homosexuels, c’est tout !

Mme Annick Lepetit. Allons plus loin. Le texte que nous examinons depuis six jours porte sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe. Or vous trouvez qu’il s’agit du bon véhicule législatif pour introduire des amendements portant sur l’adoption…

M. Philippe Gosselin. Bien sûr !

Mme Annick Lepetit. …et qui jettent la suspicion sur certaines familles. Certains d’entre vous se contentent d’être suspicieux, d’autres se font plus catégoriques, tel notre collègue Accoyer.

Vous avez passé beaucoup de temps à citer des personnalités dont certaines ne sont pas parlementaires, je pense à Pierre Bergé, Sylviane Agacinski. Pour ma part je vais citer…

M. Georges Fenech. René Char ?

Mme Annick Lepetit. …un député qui, sur certaines dispositions, sur certaines familles, sur l’éducation, se montre très affirmatif. Il s’agit de Nicolas Dhuicq qui, il y a quelques semaines, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme disait : « Vous me permettrez de considérer que, souvent, le terroriste a un défaut : il n’a jamais rencontré l’autorité paternelle. Le plus souvent, il n’a jamais eu de rapport avec les limites et avec le cadre parental. »

M. Bernard Accoyer. C’est vrai !

Mme Annick Lepetit. « Il n’a jamais eu cette possibilité de savoir ce qui est faisable ou non faisable, ce qui est bien ou mal. N’y a-t-il pas une certaine contradiction – poursuivait M. Dhuicq, interrogeant les ministres alors au banc du Gouvernement – à soutenir un projet de loi qui va jusqu’à rayer le mot de "père" du code civil ? » Pourtant, le Gouvernement a passé du temps à expliquer que ce ne serait pas le cas.

M. le président. Il faudrait conclure.

Mme Annick Lepetit. Je poursuis ma citation : « Vous provoquerez – dit-il en s’adressant au Gouvernement et à la majorité – dans les années à venir la confusion des genres, le déni de la différence des sexes et la psychose. »

M. Jacques Myard. Eh oui !

Mme Annick Lepetit. Ne s’agit-il pas d’emblée une affirmation sur les familles homoparentales ?

M. Patrick Ollier. Mais qu’est-ce que M. Dhuicq aurait dit de mal ? Ce qu’il affirme est vrai !

Mme Annick Lepetit. Vous avez comparé d’emblée, du haut de la tribune de l’Assemblée, des enfants qui deviendraient des terroristes avec des enfants élevés par des couples homosexuels. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Goldberg. C’est chez eux une obsession !

Mme Annick Lepetit. Je veux bien que vous teniez des propos très violents à notre encontre, chers collègues de l’opposition, mais il serait intéressant que vous balayiez devant votre porte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. Nicolas Dhuicq. Je demande la parole !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1900.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, M. Dhuicq a demandé la parole !

M. le président. Monsieur Accoyer, vous savez bien que je ne peux pas interrompre un scrutin public une fois lancé. Du reste, les faits personnels sont évoqués en fin de séance.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 292

Nombre de suffrages exprimés 292

Majorité absolue 147

(L’amendement n° 1900 n’est pas adopté.)

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

(Le sous-amendement n° 5377 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2950, 3048 et 4227.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 280

Nombre de suffrages exprimés 280

Majorité absolue 141

(Les amendements identiques nos 2950, 3048 et 4227 ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 1907.

M. Hervé Mariton. Cet amendement est assez simple : il dit que dans les décisions d’adoption plénière ou simple d’un enfant, c’est d’abord l’intérêt de l’enfant qui doit être pris en compte, pour réparer le fait qu’il ne peut grandir en relation avec ses parents.

Il s’agit, au fond, de réaffirmer le droit de l’enfant et de le faire passer avant le désir des adoptants : ce dernier ne doit être pris en compte que lorsqu’il est compatible avec l’intérêt de l’enfant.

Je voudrais également revenir un instant sur l’amendement précédent, qui a bien illustré les deux visions différentes qui s’affrontent ici…

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est hors sujet ! Il a été voté !

M. le président. S’il vous plaît !

M. Hervé Mariton. Nos concitoyens, quoi qu’ils pensent de ce projet de loi, seront effarés de ce qui s’est dit : des députés ne comprennent pas que des parents choisissent, dans l’hypothèse où ils décéderaient, d’indiquer eux-mêmes des orientations quant aux conditions dans lesquelles ils souhaiteraient que leurs enfants soient adoptés !

Nous pensons que ce ne devrait pas être une affaire d’État. Cela vous paraît absolument extraordinaire ? Eh bien, je suis désolé, les enfants sont les enfants de leurs parents, avant d’être les enfants de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Et peut-être qu’au-delà de vos discussions politiciennes, il faudrait simplement songer au vœu des parents.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le président. Nous en venons à des amendements identiques.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 2339. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Dhuicq. Je voudrais profiter de cette intervention pour revenir sur les amalgames réducteurs odieux que propagent certains de mes collègues, qui passent leur temps à tweeter, au lieu d’écouter et d’essayer de comprendre ce qui se dit sur ces bancs, et par exemple ce que Jacques Lacan appelait les « Noms-du-Père ».

M. Alexis Bachelay et M. Philip Cordery. L’amendement ! L’amendement !

M. Nicolas Dhuicq. Quand on considère le parcours de certains garçons, on peut s’interroger et essayer de comprendre pourquoi ils n’ont pas eu la chance, lorsqu’ils étaient enfants, de voir leurs parents s’occuper d’eux, comme la majorité de vos enfants, mesdames et messieurs, mes chers collègues.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais pour qui se prend-il ?

M. Nicolas Dhuicq. Vous faites preuve d’intolérance vis-à-vis des collègues qui s’expriment à la tribune et qui ont le droit de réfléchir et de s’interroger sur ce qui pousse des enfants de ce pays à le rejeter et à commettre le meurtre et l’assassinat.

Les « Noms-du-Père » ! Si seulement vous aviez un minimum de connaissance en matière de psychiatrie et de psychologie, vous comprendriez ce à quoi je fais référence. Mais non, vous êtes tellement dans la toute-puissance ! Vous êtes tellement persuadés d’avoir le droit pour vous, à tout moment et en tout lieu de ce pays, que vous devenez totalement intolérants !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Mais où est-on ? C’est insupportable !

M. Nicolas Dhuicq. Nous ne devons pas oublier, pendant que nous débattons, qu’aucune étude ne pourra jamais suffire à répondre aux questions que vous vous posez, car chaque expérience est unique ! Chaque homme a droit au respect, y compris ceux qui ne sont pas d’accord avec vous.

M. Nicolas Bays. Ça fait deux minutes !

M. Nicolas Dhuicq. Je veux également rappeler que ces propos ont été prononcés dans un tout autre cadre. Jamais, au grand jamais, je ne laisserai quiconque me faire la leçon !

Pendant que je vous parle, je me souviens de mon premier patient, mon premier patient mort du sida, que j’étais le seul à toucher, le seul à respecter… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

M. Olivier Dussopt. C’est incroyable !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis Quelle horreur !

M. le président. S’il vous plaît !

M. Nicolas Dhuicq. …et j’ai reçu des remerciements de la part de sa famille…

M. le président. Merci.

M. Nicolas Dhuicq. Je n’ai pas fini !

M. le président. Vous avez eu deux minutes pour vous exprimer. S’agissant du fait personnel, je vous donnerai la parole en fin de séance, comme pour le rapporteur.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2956.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis tout de même étonné de ce que j’entends. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si cela ne vous plaît pas, mes chers collègues, allez prendre l’air ! (Mêmes mouvements – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ça suffit, maintenant ! Allez prendre l’air !

M. Marcel Rogemont. On ne va pas vous laisser tous seuls !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous avez le temps : il y a quelques amendements…

M. Nicolas Bays. Parlez de l’amendement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur Bays, prenez connaissance de son contenu, avant de me rappeler à l’amendement ! Allez faire un tour pour vous détendre, vous en avez besoin !

M. le président. Soyez sages, dans ce secteur !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça suffit, maintenant. Monsieur le président, si vous vouliez bien inviter nos collègues à un peu plus de calme…

M. le président. Je viens de le faire. Monsieur Poisson, vous êtes le seul à avoir la parole.

M. Jean-Frédéric Poisson. Maintenant, ça suffit ! Je regrette, madame Lepetit…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. L’amendement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous aussi, madame Lemorton, vous pouvez aller vous détendre dehors. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Poisson, s’il vous plaît ! Et vous, cessez d’interrompre l’orateur : je suis obligé de lui accorder plus de temps de parole.

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, monsieur le président. Je vais faire court et je m’expliquerai avec Mme Lepetit à la buvette tout à l’heure.

M. Marcel Rogemont. L’amendement !

M. le président. Monsieur Rogemont, s’il vous plaît.

M. Jean-Pierre Dufau. Il ne sait plus où il en est. On a noyé le Poisson !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je vais y arriver.

M. le président. On se calme, et M. Poisson a la parole.

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, monsieur le président. Je regrette beaucoup ce qu’a dit tout à l’heure Mme Lepetit au sujet de notre collègue Dhuicq, parce qu’il mérite davantage de considération… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, calmez-vous ou je suspends la séance !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis habituellement assez prudent face aux propos qui sont rapportés par les spécialistes en psychiatrie. Je n’ai pas de connaissances particulières en la matière, mais les propos de M. Dhuicq me semblent être suffisamment étayés et nourris par son expérience personnelle pour qu’on les prenne un peu au sérieux.

Quant à M. Coronado, qui nous entend sûrement de là où il est, l’amalgame qu’il a fait tout à l’heure avec des positions qui ne sont pas les nôtres est pour le moins simpliste. Cela me surprend de la part de notre collègue, qui est pourtant un homme fin et intelligent, et il est regrettable qu’il se soit exprimé ainsi.

M. Nicolas Bays et M. Gérard Sebaoun. Et l’amendement ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Je dis ce que je veux, mes chers collègues, et si cela ne vous plaît pas, sortez, un point c’est tout. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ça suffit, à la fin.

M. le président. Monsieur Bays !

M. Jean-Frédéric Poisson. Il en faut plus que ça pour m’intimider, mes amis, rassurez-vous. Je fais ce que je veux.

M. Gwendal Rouillard. Il n’a rien à dire !

M. Guillaume Bachelay. Que c’est laborieux !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je termine, monsieur le président, en essayant d’être bref, si toutefois il est permis d’exprimer des propos libres.

J’ai également été surpris par les propos qu’a tenus tout à l’heure madame la garde des sceaux sur le sens de l’éducation, propos qui m’ont rappelé ceux du ministre de l’éducation nationale. C’est aussi l’occasion de rappeler que, de notre point de vue, les premiers éducateurs, ce sont les parents ; ce ne sont ni l’État, ni l’école, ni les services sociaux, ni qui que ce soit d’autre. Si l’on est d’accord avec cette hypothèse, c’est la volonté des parents qui prime dans toutes les décisions qui concernent les enfants.

M. le président. Il faut conclure…

M. Jean-Frédéric Poisson. Oui, monsieur le président, je vous promets que je le fais. Je ne comprends pas ce que vous entendez par « arracher les enfants à leurs déterminismes et à leurs préjugés ».

M. Bernard Roman. C’est bien le problème !

M. Jean-Frédéric Poisson. Très franchement, si c’est cela, la conception qui nous est proposée…

M. le président. Merci. Vous avez pu parler pendant plus de trois minutes !

M. Nicolas Bays. Nous perdons notre temps.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3050.

M. Patrick Hetzel. Tout à l’heure, Mme la garde des sceaux a exposé son système de valeurs. Ce qui est très frappant, dans le texte qui nous est proposé, et je crois effectivement que c’est un point de divergence entre nous, c’est que le Gouvernement est animé d’une tentation démiurgique. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ce qui nous sépare de vous, madame, c’est que nous pensons que cela est extrêmement dangereux. Je parle de tentation démiurgique, car votre circulaire récente reviendra à légaliser la GPA.

Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le dire : l’association « Osez le féminisme », dont vous vous réclamez souvent, ou que du moins vous citez souvent, vient de publier un communiqué de presse, dans lequel elle indique clairement que tout cela est extrêmement dangereux. Mesdames et messieurs de la majorité, ce qui est en train de se passer est extrêmement grave : vous donnez l’impression de prendre cela à la légère et vous ne devriez pas. Ce n’est pas parce que vous êtes politiquement majoritaires que vous avez juridiquement et socialement raison. Les questions qui se posent sont des questions de société : il faut les traiter de manière apaisée, or ce n’est pas le cas.

Par cet amendement, je demande qu’il soit clairement indiqué que l’intérêt de l’enfant prime sur celui des adoptants.

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Patrick Hetzel. Je ne vois d’ailleurs pas ce qui, là-dedans, peut vous poser un problème, à moins que vous ne considériez que les libertés collectives sont plus importantes que les libertés individuelles. Ce serait une autre différence entre nous, dont je serais extrêmement fier.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 3791

M. Philippe Gosselin. Évidemment, le fait de ne pas avoir d’enfant est une situation douloureuse. Le désir d’enfant est tout à fait légitime et chacun peut le comprendre. Nos situations sont diverses et il convient, quand on aborde ces questions, de prendre des précautions.

Aussi grande que puisse être cette douleur, et aussi complexes que puissent être les histoires personnelles de chacun, il faut rappeler avec force que c’est d’abord des parents que l’on donne à un enfant, et non l’inverse. Il est important de placer l’enfant au cœur du dispositif et de ne pas se tromper, en inversant les rôles. Je ne parle pas ici d’enfant-objet, ni de marchandisation : ce n’est pas du tout l’objet de cet amendement. Je veux seulement rappeler que celui qui justifie nos interventions et notre attention, c’est l’enfant, à qui l’on donne de nouveaux parents qui vont l’aimer, et pas l’inverse.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3538.

M. Xavier Breton. Je voudrais revenir sur les débats que nous avons eus lors de la discussion des amendements précédents. Je vais peut-être le dire avec moins de lyrisme que vous, madame la garde des sceaux, mais je crois effectivement que nous n’avons pas la même morale.

Pour nous, l’humanité ne se réduit pas à l’État ou à la République. Pour nous, ce qu’un homme vit dans son corps, dans sa famille…

M. Bernard Roman. Toujours le droit naturel !

M. Xavier Breton. …dans sa commune, dans les associations auxquelles il appartient ou dans son métier, ce ne sont pas des déterminismes dont il doit se libérer : c’est ce qui fait l’unité de sa personne. Et nous la respectons complètement. Un adage que j’aime beaucoup dit que « l’homme est plus vieux que l’État ». Pour vous, l’État, c’est l’alpha et l’oméga ; nous ne partageons pas ce point de vue. La famille est plus vieille que l’État.

Je voudrais maintenant revenir à mon amendement, qui entend affirmer que le désir des adoptants ne doit être pris en compte que lorsqu’il est compatible avec l’intérêt de l’enfant. Par là, nous cherchons à repousser le droit à l’enfant, que vous voulez imposer.

Vous confondez le désir et le droit – nous l’avons constaté en entendant Mme la ministre hier. Lors de son audition, le rabbin Korsia a dit que « pour qu’une société perdure, les citoyens doivent accepter de contenir leurs désirs ; c’est à la loi de poser des limites à ce que chacun veut. » C’est ce que nous voulons traduire, au travers de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4237.

M. Marc Le Fur. Madame la garde des sceaux, je dois vous avouer que les propos que vous avez tenus tout à l’heure m’ont beaucoup choqué. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Ménard. Ce sont vos amendements qui nous choquent !

M. Marc Le Fur. Quels étaient ces propos et quelles en sont les conséquences ?

Prenons l’exemple très concret d’un enfant qui a perdu son père et sa mère ; vous voulez lui faire subir un autre traumatisme, en l’éloignant au maximum de son milieu le sien, de la religion qui avait bercé son enfant, du cadre régional et local qui était le sien ? Au nom de quoi ? Au nom de quoi allez-vous ajouter un traumatisme ? Au nom de quoi allez-vous étatiser ou nationaliser l’enfant ? Vous n’êtes plus en mesure de nationaliser des biens, et vous nationalisez des enfants ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) Il faut au contraire les protéger !

M. Jérôme Guedj. Une nationalisation d’enfants ?

M. Marc Le Fur. Vous niez la famille. Vous ne voulez pas entendre l’avis des parents défunts, mais aujourd’hui, dans le cadre du conseil de famille, ce sont les cousins et les parents un peu plus éloignés qui sont entendus. Alors, eux non plus, vous n’allez pas les entendre, puisqu’ils sont l’émanation de ce milieu !

Vous faites erreur, vous faites fausse route ! L’État ne peut pas tout, sa volonté doit être bornée, en particulier par la défense du rôle des familles.

M. Jérôme Guedj. Monsieur le Fur, vous ne croyez pas ce que vous dites ? Ce n’est pas possible !

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour défendre l’amendement n° 4962

M. Julien Aubert. Cet amendement s’inspire de cette belle phrase de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Vous êtes obsédés par l’égalité, or l’enfant est un humain comme les autres, il faut donc équilibrer les droits que vous souhaitez donner au couple avec le sien. Cet amendement permettra de respecter les droits de l’enfant.

S’agissant toujours du respect des droits, vos méthodes d’intimidation, les amalgames particulièrement douteux auxquels vous vous livrez et votre propension, lorsque vous engagez des réformes, à vous concerter avec tout le monde, sauf avec l’opposition, qui représente la moitié du pays, tout cela ne me semble pas propice à la sérénité de nos débats.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. L’opposition est minoritaire ! C’est sa définition…

M. Julien Aubert. Je sais que vous voulez des états généraux, mais ne nous traitez pas comme le tiers état !

Je ne sais pas si nous avons les mêmes valeurs ou si nous avons la même morale, mais que vous le vouliez ou non, nous nous battons pour la liberté, le respect des droits, la sérénité des débats, et nous n’oublierons jamais que le premier mot que nous ayons prononcé, c’est : « papa » ou « maman ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Chers collègues, aucun élément dans la rédaction de votre amendement précédent ne laissait supposer que vous réserviez la prise en compte de la volonté des parents, réelle ou supposée, aux cas de décès. Il s’appliquait donc à tous les enfants adoptés, et c’est pourquoi il était aberrant. Rédigez mieux vos amendements.

Vous placez l’intérêt de l’enfant au-dessus de tout. Mais c’est déjà le droit existant ! Toute la procédure d’adoption et tout notre droit de l’adoption sont tournés vers l’intérêt de l’enfant. C’est le cas pour la procédure d’agrément, c’est le cas de l’apparentement, c’est-à-dire lorsque l’on unit une famille et un enfant, c’est aussi le cas pour le jugement. Tout notre droit est tourné vers l’intérêt de l’enfant.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Erwann Binet, rapporteur. Le préciser, ce serait l’amoindrir.

La commission a donc rendu un avis défavorable sur cette série d’amendements.

M. le président. Sur l’amendement n° 1907, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Sur les amendements identiques n° 2339 et suivants, je suis également saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Sur ces amendements, quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, dans le droit actuel, en cas de décès des parents, le conseil de famille est saisi et donne un avis, et éventuellement un accord, sur une demande d’adoption. Bien entendu, le droit exige que le conseil de famille le fasse conformément à l’intérêt de l’enfant.

Par conséquent, cet amendement contient une disposition totalement superfétatoire. Non seulement le droit rappelle qu’il faut tenir compte de l’intérêt de l’enfant, mais de plus, le conseil de famille est peut-être le mieux placé pour savoir où placer l’enfant car il connaît l’enfant, son milieu, sa personnalité et son tempérament, ainsi que son besoin de résilience, qui sont autant d’éléments d’appréciation du milieu qui lui serait le plus propice pour grandir.

À l’occasion de la défense des amendements, plusieurs députés m’ont interpellée sur l’amendement précédent pour le défendre à nouveau, bien qu’il ait été rejeté. M. Poisson demande ce que j’entends par l’expression : « arracher les enfants aux déterminismes ». Je ne parle pas de les arracher à leurs origines, à leur milieu social ou à leurs conditions économiques, mais aux déterminismes induit par ces paramètres. Il est étonnant que vous vouliez inscrire dans la loi qu’un enfant, en cas d’adoption, doit être adopté dans un milieu conforme à ses origines. Vous avez parlé jusqu’à plus soif d’une communauté homosexuelle dont personne ici ne connaît l’existence…

M. Hervé Mariton. Nous ne parlons pas de communauté !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous non plus, et nous n’avons pas cessé de le rappeler. Mais vous voulez inscrire dans la loi que l’enfant doit rester dans le milieu qui correspond à ses origines. C’est ainsi que l’on contribue au communautarisme.

Monsieur Goasguen, je ne sais pas si nous avons la même morale, pour ma part, je me réclame d’une éthique, pas de morale.

M. Claude Goasguen. Quelle est la différence ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a plusieurs définitions de l’éthique, je vous parlerai de la mienne à l’occasion, mais je doute que cela puisse vous intéresser.

M. Claude Goasguen. Si, si, ça me passionne !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je suis persuadé que vous avez une éthique personnelle, comme j’en ai une, c’est-à-dire que nous construisons notre vie, nos comportements, nos agissements et nos décisions sur la base de valeurs générales, ainsi que sur la façon dont nous avons donné consistance à ces valeurs générales.

Vous avez une éthique personnelle, et moi aussi, mais il n’est pas question de cela ici. Concernant notre texte, et s’agissant d’éthique, je rappelle la définition de Paul Ricœur : c’est le souci de la vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes. C’est ce que nous prétendons faire, et ce que nous sommes en train de faire.

M. Claude Goasguen. Mais nous aussi !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Durant la première nuit de nos débats, vous avez affirmé que la circulaire qui demande aux greffiers…

M. Claude Goasguen. Aux procureurs !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, monsieur Goasguen, bien entendu. En qualité de garde des sceaux, je m’adresse au parquet, donc au ministère public. Dans le respect de la hiérarchie, la circulaire s’adresse aux parquets généraux pour attribution, aux parquets pour information, et aux greffiers pour exécution. Nous sommes d’accord ?

Je faisais donc référence aux greffiers car ce sont eux qui accomplissent ces actes, mais la circulaire s’adresse aux procureurs généraux. Cette circulaire demande que les greffiers délivrent les certificats de nationalité française à des enfants dont l’acte d’état civil est probant.

M. Claude Goasguen. C’est très bien.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet acte d’état civil atteste de leur filiation et donc de leur nationalité française.

M. Claude Goasguen. Très bien.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes d’accord qu’il ne s’agit que d’enfants français ?

M. Claude Goasguen. Oui.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous dites donc qu’il est ignoble que des enfants qui ont la nationalité française… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez dit que la circulaire était ignoble !

MM. Claude Goasguen et Pierre Lequiller. Il faut poursuivre les pères !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’y viens, j’y viens.

La circulaire que vous dite ignoble prévoit très précisément qu’il faut délivrer ce document administratif, qui n’octroie pas la nationalité mais atteste simplement d’une nationalité existante.

M. Claude Goasguen. Ça ne pose pas de problèmes !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà la circulaire ignoble concernant des enfants français.

M. Claude Goasguen. Et le père ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Concernant ces cas, je rappelle que sous le précédent quinquennat…

M. Claude Goasguen. Mais oui, nous savons tout cela !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si vous savez tout cela, pourquoi tenez-vous de tels propos ? Vous ne nous avez pas habitués à une telle impatience, monsieur Goasguen.

M. Claude Goasguen. Mais répondez-moi !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’essaie de m’adresser à vous, cela paraît difficile.

M. Claude Goasguen. Moi je vous réponds !

M. le président. Monsieur Goasguen, s’il vous plaît.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je rappelle donc que lors de l’ancien quinquennat, entre 2008 et 2011, il y eut quarante-quatre cas signalés par les consulats susceptibles de relever de gestation pour autrui.

M. Claude Goasguen. C’est vrai.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces cas ont été soumis au procureur, qui a confirmé que dans trente-huit dossiers, il était probable qu’il y ait une gestation pour autrui.

M. Claude Goasguen. Et alors ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les décisions confirment que cela ne fait pas obstacle au droit de ces enfants, qui sont français.

M. Claude Goasguen. Nous sommes d’accord.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est ce que prévoit la circulaire.

Je ne dis pas, moi, que les propos que je vais citer sont ignobles. Je dis simplement que les dispositions de la circulaire, que vous qualifiez d’ignoble, sont exactement conformes à ce que disait M. le ministre Xavier Bertrand en février 2011…

M. Claude Goasguen. Il n’était pas garde des sceaux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.… à l’occasion de la discussion d’un amendement sur la GPA. Il déclarait alors : « D’autre part, la validité des actes d’état civil étranger et le lien de filiation qui en résulte ne sont pas contestés. L’acte de naissance étranger peut être valablement produit en France, aucun texte n’imposant qu’il ait été transcrit sur les registres du service central de l’état civil. »

M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. le ministre Bertrand avait parfaitement raison avant même la décision de la Cour de cassation, puisqu’il prononçait ces paroles en février 2011 et que les trois arrêts de la Cour de cassation ont confirmé ses propos en avril 2011.

M. Claude Goasguen. Et la responsabilité des pères ? Et les poursuites pénales ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sous ce quinquennat, sur ces quarante-quatre dossiers, vous nous expliquerez pourquoi le gouvernement que vous souteniez n’a pas poursuivi pénalement.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas mon problème !

M. le président. Monsieur Goasguen, s’il vous plaît.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous allez nous expliquer pourquoi vous n’avez pas demandé au précédent garde des sceaux de poursuivre.

M. Claude Goasguen. C’est votre problème à présent !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous finirez peut-être par nous le dire.

M. Claude Goasguen. Mais je vous le dis !

M. le président. Monsieur Goasguen, s’il vous plaît, laissez la garde des sceaux s’exprimer.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Moi, j’ose vous dire que le gouvernement précédent a eu parfaitement raison de ne pas poursuivre.

Ces enfants sont de nationalité française, cette nationalité produit des droits sur le territoire. Ces enfants sont parfois confrontés, pour une dizaine d’entre eux par an, à des difficultés pour disposer d’un certificat de nationalité française.

Si le gouvernement précédent avait poursuivi, comme vous le demandez avec acharnement dorénavant, il aurait pris le risque de fabriquer des apatrides. Or l’article 25 du Code civil postule clairement que dans les cas de déchéance de nationalité, on doit éviter de créer des apatrides.

M. Pierre Lequiller. Donc vous ne poursuivez pas le père ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Évidemment, vous pouvez poursuivre et continuer à refuser d’entendre ces explications. Il m’a paru extrêmement important de les renouveler. Je dis bien renouveler, car j’ai déjà eu l’occasion de les donner trois fois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Il faut poursuivre les pères !

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Beaucoup de nos opposants font état d’un ordre naturel. On peut comprendre que cet ordre naturel paraisse perturbé par l’irruption d’un mariage « contre naturel. »

M. Jacques Myard. C’est un oxymore !

M. Dominique Raimbourg. C’est un oxymore, justement.

Je voudrais faire un rappel historique relativement court…

M. Nicolas Dhuicq. Adam et Ève !

M. Dominique Raimbourg. Non, pas Adam et Ève.

En 1978 est née en Angleterre une petite fille appelée Louise Brown. C’est le premier « bébé-éprouvette ». Cela a ému dans le monde entier, jusqu’à des dignitaires religieux.

Je voulais vous lire la réaction d’un dignitaire religieux qui s’appelait M. Albino Luciani. Il a déclaré : « À l’instar de Dieu, qui désire et aime la vie humaine, moi aussi j’envoie mes meilleurs vœux au bébé. Quant aux parents, je n’ai aucun droit de les juger. Subjectivement, s’ils ont agi avec de bonnes intentions et de bonne foi, ils peuvent même avoir un grand mérite devant Dieu pour ce qu’ils ont décidé, et demandé aux médecins de faire. »

M. Jacques Myard. Ça n’a rien à voir !

M. Dominique Raimbourg. Albino Luciani est peu connu sous ce nom-là. Il était plus connu sous le nom de Jean-Paul Ier. Je crois qu’il y a là l’exemple d’une ouverture aux autres, d’une compassion, et que cette ouverture et cette compassion sont le sens même de l’éthique.

Je ne partage pas les convictions de Jean-Paul Ier, mais quand on invoque un ordre naturel ou un ordre divin, je crois que l’on trouve dans ces lignes le vrai sens de l’ouverture à l’autre et de l’ouverture aux changements du monde, et que c’est de cette expérience que nos opposants devraient s’inspirer, ainsi que tous ceux qui ont peur, car il n’y a aucune raison d’avoir peur. Dans six mois, ce changement sera fait, il sera accepté, et notre société sera d’autant plus apaisée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Je voudrais répondre à la garde des sceaux qui, hier soir, a fait état de propos que j’aurais tenu dans cet hémicycle en février 2011. Ils sont en effet authentiques. Mais, madame la garde des sceaux, si vous me citez, faites-le intégralement. Dites bien qu’il s’agissait de la discussion d’un amendement du regretté M. Blisko qui n’a pu se représenter, évincé par la gauche parisienne.

Il avait déposé à l’époque un amendement qui avait trois fondements, mais qui visait aussi à permettre la reconnaissance de la GPA en France.

J’ai sous les yeux le texte de mon intervention en réponse à l’amendement de M. Blisko dans le cadre de la loi bioéthique dont vous parliez tout à l’heure. Il eût fallu que vous soyez exhaustive, en précisant que j’y rappelais que la GPA était prohibée en France et qu’il ne convenait en aucune façon de la permettre, d’une façon ou d’une autre, sous prétexte d’une sécurisation juridique pour les familles.

Plusieurs députés du groupe SRC. Et alors ?

M. Xavier Bertrand. De plus, la jurisprudence était incertaine à l’époque, et la Cour de cassation devait se prononcer. Pour ma part, je ne voulais pas d’une sanctuarisation de la GPA, ni par la loi, ni par un texte réglementaire. Je n’aurais pas signé une circulaire comme la vôtre, madame la garde des sceaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

D’autre part, vous auriez dû aller jusqu’au bout de mon intervention – elle figure au compte rendu de la séance du 10 février 2011 – et préciser qu’à mes yeux, il fallait aussi s’assurer que rien n’était incompatible avec l’ordre public français.

M. Claude Goasguen. Voilà !

M. Xavier Bertrand. Or, pour moi, cette proposition est incompatible avec l’ordre public français. Et si vous voulez me citer, lisez bien les derniers mots de mon intervention en réponse à M. Blisko : « En définitive, s’il était adopté, votre amendement serait de nature à vider complètement de sa substance la prohibition de la GPA en France. Autant de raisons qui justifient que je n’y sois pas favorable. »

M. Alexis Bachelay. Monsieur Bertrand, il fallait être garde des sceaux !

M. Xavier Bertrand. Je n’y étais pas favorable en tant que ministre, je n’y suis pas favorable non plus en tant que parlementaire. Voilà aussi pourquoi je suis opposé à votre texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. Bertrand vient de dire avec vigueur qu’il avait affirmé son opposition à la GPA. Quant à moi, j’ai le plaisir de vous informer que lors de la séance de la commission des lois du 16 janvier – séance au cours de laquelle j’ai annoncé l’imminence de la publication de cette circulaire –, j’ai commencé mon propos en affirmant formellement, solennellement et impérieusement que j’étais hostile à la GPA.

M. Claude Goasguen. En France !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Bertrand, vous dites que vous n’auriez pas écrit cette circulaire. Vous avez eu raison de prolonger la lecture de votre discours de 2011 – j’aurais pu le lire, mais il est long ; j’aurais même pu commencer quelques paragraphes plus haut…

M. Xavier Bertrand. C’eût été bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai fait exactement la même chose que vous : je me suis déclarée opposée à la GPA,…

M. Claude Goasguen. En France !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et justement à l’occasion de l’examen d’un amendement. Nous sommes donc dans la même situation.

M. Hervé Mariton. Mais vous n’en tirez pas les mêmes conséquences !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tout en développant exactement les mêmes arguments et en tenant les mêmes positions que moi, vous dites que vous n’auriez pas signé la circulaire. Moi, je suis simplement…

M. Hervé Mariton. Incohérente !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, rationnelle !

M. Hervé Mariton. Oh !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui ! Nous avons exactement les mêmes positions, nous réaffirmons de la même façon le principe d’interdiction,…

M. Hervé Mariton. Mais les conséquences que vous en tirez ne sont pas les mêmes !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …nous rejetons le même amendement et, pour le reste, nous soutenons exactement les mêmes arguments. Mais vous choisissez de fermer les yeux, alors que j’ai le courage politique de dire qu’il faut protéger les enfants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Il faut poursuivre ! Il y a un parquet dans notre pays !

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement dont nous discutons dispose que « les décisions prononçant adoption plénière ou simple d’un enfant sont prises dans l’intérêt de l’enfant » et que « le désir des adoptants n’est pris en compte que lorsqu’il est compatible avec l’intérêt de l’enfant ». À la lecture de cet amendement, on se demande à quoi il sert !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est vrai !

Mme Marie-George Buffet. Aujourd’hui, tous les acteurs qui interviennent dans le processus de l’adoption ont comme fil rouge l’intérêt de l’enfant.

M. Hervé Mariton. Votez-le, alors !

Mme Marie-George Buffet. Qu’apporte cet amendement ? Il faut peut-être chercher sa signification dans l’adjectif « compatible ». Qu’est-ce qui peut rendre compatibles ou incompatibles le désir des adoptants et l’intérêt des enfants ? Peut-être faut-il chercher la réponse dans l’amendement précédent, qui évoquait les questions d’origine, de religion ou de culture. Ou peut-être faut-il chercher cette incompatibilité dans le fait que les couples adoptants soient hétérosexuels ou homosexuels !

Mme Annick Lepetit. Eh bien voilà !

Mme Marie-George Buffet. Parlez clairement, au lieu de déposer des amendements qui réaffirment simplement que l’intérêt de l’enfant doit être pris en compte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion.

Mme Sophie Dion. Je soutiens cet amendement qui traite – il faut le rappeler – de l’adoption. Comme nous nous y attendions, nous avons vu resurgir depuis plusieurs jours, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi sur le mariage et l’adoption, la question de la procréation médicalement assistée, car très peu d’enfants sont adoptables, en France ou à l’étranger. Nous avons assisté tout à l’heure à un énorme cafouillage de la part du Gouvernement. Comme le dit l’adage, vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ! Au Cambodge, ce ne serait pas comme à Paris ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Cet amendement est très simple. Il évoque l’intérêt de l’enfant. Comme on l’a souvent rappelé dans cet hémicycle depuis de nombreuses heures, l’intérêt de l’enfant figure dans un grand nombre d’articles du code civil, mais il est aussi un principe cardinal du droit européen et du droit international. Surtout – cela n’a peut-être pas suffisamment été dit –, il est visé dans le préambule de la Constitution de 1946.

Le désir ou le souhait des adoptants est sans doute très important. Mais face à ce désir, il faut proclamer l’intérêt de l’enfant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Il est très important de le dire et de le redire. En effet, dans notre droit actuel de l’adoption, il existe…

M. le président. Merci, ma chère collègue.

Mme Sophie Dion. Pardon, monsieur le président, mais il est très important de le rappeler. Cinq secondes me suffiront largement. (« 5… 4… 3… » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues…

Mme Sophie Dion. Depuis toujours, l’adoption n’a pas pour objet de donner un enfant à des parents, mais de donner des parents à un enfant. Ce principe mérite d’être rappelé et proclamé ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1907.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 280

Nombre de suffrages exprimés 280

Majorité absolue 141

(L’amendement n° 1907 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2339, 2956, 3050, 3538, 3791, 4237 et 4962.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 279

Nombre de suffrages exprimés 278

Majorité absolue 140

(L’amendement n° 2339 et les amendements identiques nos 2956, 3050, 3538, 3791, 4237 et 4962 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de dix minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n°1912.

M. Hervé Mariton. L’amendement rappelle que l’intérêt supérieur de l’enfant commande que celui-ci, lorsqu’il est adopté par un couple et qu’il a moins de six ans, ait une mère adoptive.

Cette rédaction s’inspire du Préambule de la Constitution de 1946, qui consacre le rôle de la mère. Dans un texte qui traite de l’adoption, il est important de préciser ce point. Il est préférable, en particulier pour de jeunes enfants, qu’il y ait une mère adoptive. C’est, mes chers collègues, le préambule de la Constitution de 1946 !

M. Bernard Roman. Vous vous êtes trompé d’amendement, mon cher collègue. Vous avez défendu l’amendement n° 1914 !

M. le président. En effet, monsieur Mariton. Mais poursuivez, je vous en prie.

M. Hervé Mariton. Merci de votre obligeance, monsieur le président. Je vous prie de m’excuser.

Les enfants adoptés par un couple doivent l’être en priorité par un couple de personnes de sexe différent. Nous pensons en effet que l’altérité est bonne pour l’enfant. Les circonstances de la vie d’un couple peuvent conduire à ce que l’enfant vive avec deux personnes de même sexe. Il convient alors de trouver les bonnes réponses. Cela peut être le partage ou la délégation de l’autorité parentale, ou encore l’adoption testamentaire.

M. Bernard Roman. Ou le mariage !

M. Hervé Mariton. Les solutions existent ; elles peuvent être améliorées et nous ferons des propositions. Mais j’appelle l’attention sur le fait que l’automatisme voulu dans votre projet pose le problème suivant : si cela ne marche pas aujourd’hui, c’est parce que le juge considère qu’il y a des obstacles. Or, si le juge considère qu’il y a un obstacle à la délégation ou au partage de l’autorité parentale, il y a peut-être de bonnes raisons à cela. Mépriser ces raisons n’est pas une bonne chose pour l’enfant.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin pour soutenir le sous-amendement n° 5380.

M. Gérald Darmanin. Vous noterez, chers collègues, que ce sous-amendement est d’une importance capitale. Comme il se justifie par son texte même, j’en profite pour répondre à M. Guedj, qui n’est pas parmi nous – mais je suppose que, là où il se trouve, il nous écoute… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je souhaite rectifier les propos qu’il a tenus sur les pupilles de la Nation. Il a voulu nous donner une leçon de droit avec la suffisance qui peut le caractériser parfois. (Protestations sur les bancs du groupe SRC) Il se trouve, chers collègues, que M. Guedj a dit des bêtises. Les pupilles de la Nation ne sont pas seulement les enfants des morts de la guerre de 1914 et de celle de 1940. Ce sont aussi les enfants de magistrats, de fonctionnaires de police, de membres de la gendarmerie nationale, de l’administration pénitentiaire, des personnels de santé blessés ou tués dans leurs missions de service public. Cela concerne beaucoup de monde.

M. André Schneider. Tout à fait !

M. Gérald Darmanin. M. Guedj nous a fait croire qu’il suivait avec assiduité nos travaux, alors qu’il n’a guère été présent. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si tel avait été le cas, il aurait su que nous avions créé une nouvelle catégorie de pupilles de la Nation, les enfants de victimes du terrorisme sur le territoire français ou étranger. M. Guedj aurait donc mieux fait de se taire, comme il l’a fait depuis le début de nos travaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) pour défendre l’amendement n° 2341.

M. Nicolas Dhuicq. Le courage d’aujourd’hui consiste à envoyer des tweets depuis les tribunes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je l’ai dit et je le répète, nous ne disposerons jamais d’aucune étude sérieuse sur la qualité – ou non – d’un couple en fonction de son orientation sexuelle. Il faut souvent plusieurs générations avant que n’apparaissent les difficultés liées à un traumatisme. Or, l’adoption est liée à un traumatisme, qu’il s’agisse de la mort des parents ou de l’abandon de l’enfant par ses parents.

Votre projet de loi conduit à une nouvelle humanité ou à une nouvelle conception de l’humain. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Par rapport aux perspectives nouvelles que le texte autorisera inéluctablement, quelles que soient les barrières que vous pensez pouvoir maintenir, il est tout à fait logique que nous prenions en considération l’ensemble du bagage d’origine que l’enfant porte en lui.

Lorsqu’un enfant est adopté, il n’est pas sans passé. Il a derrière lui une lignée qu’il faut prendre en considération, et qui comporte une culture et des croyances spécifiques. Tel est le sens de nos amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 2964.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le sous-amendement de Gérald Darmanin a l’intérêt de focaliser l’attention sur le texte de nos amendements, alors que nous avons parfois l’impression que la lecture qui en est faite ne correspond pas à leur contenu. Le rapporteur a toutefois eu raison de rappeler hier que la coquille initiale n’avait pas été corrigée, et c’est à porter à son crédit.

Nous souhaitons qu’une priorité soit établie, car nous considérons que le maintien de l’altérité sexuelle est le fondement de la famille et la référence prioritaire de la filiation. Cette position, nous l’assumons pleinement, contrairement à ce que nos collègues de l’opposition feignent de croire, et le regard de M. Roman semble montrer qu’il en est désolé. C’est toutefois la position que nous défendons très calmement, très clairement, et de façon constante depuis le début de ce débat. Je la rappelle car cela dissipera les doutes de certains d’entre vous, s’ils en avaient encore.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 3789.

M. Philippe Gosselin. Nous retrouvons les difficultés liées à l’adoption que nous avons commencé d’évoquer tout à l’heure. Il n’est pas question ici de contester l’amour que des individus pourraient donner, quel que soit leur sexe. Il s’agit de rappeler que nous accordons une place centrale à l’intérêt de l’enfant. Beaucoup de psychologues cliniciens insistent sur un point : l’enfant doit être au clair sur sa filiation afin de pouvoir « s’originer » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – je sais, c’est un affreux néologisme – dans une histoire crédible qui ne peut qu’être la rencontre entre un homme et une femme, même s’il y a dans l’adoption, par principe, substitution d’une filiation à une autre, nul ne le conteste.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 4240.

M. Marc Le Fur. L’altérité sexuelle des parents est une nécessité pour les enfants, c’est ce que nous réaffirmons à travers ces amendements. Nous ne sommes pas les seuls à le dire, les psychanalystes l’affirment également. Une fois de plus, je suis surpris que la gauche, si marquée par le mouvement psychanalytique, oublie totalement les règles élémentaires qu’il a contribué à établir.

Je voudrais citer une dame qui a consacré sa vie à l’enfance en travaillant à l’Aide sociale à l’enfance. Elle évoque « le petit garçon qui, autour de trois ans, tombe éperdument amoureux de sa mère et qui aspire à maintenir à bonne distance son père. Il lui faut bien constater qu’il ne saurait évincer ce rival. Il va alors tenter de ressembler à cet homme, de s’approprier son savoir, ses goûts, ses compétences, son comportement. Ce faisant, il va développer ses connaissances, les plus diverses, s’approprier son identité sexuée et sexuelle : être comme papa pour approcher maman. Voilà qu’au travers de l’épopée libidinale œdipienne sont jetées les bases de l’être de l’enfant et du futur adulte ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Revenez donc à ces théories qui furent vos fondamentaux il y a encore quelques années, ne les oubliez pas. Ce texte devrait vous permettre de vous les rappeler.

M. Bernard Roman. Allongez-vous donc !

M. le président. Sur les amendements identiques nos 1912, 2341, 2964, 3789 et 4240, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements et le sous-amendement ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Je me pose la question de savoir sur quels fondements juridiques et sociaux l’UMP s’appuie pour affirmer avec tant de certitude que les couples de même sexe donneraient une moins bonne éducation à leurs enfants que les couples de sexe différent.

Vous avez fait allusion à un service social, je pourrais vous donner l’exemple des quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires. Nous avons mené des études : la plupart de ces mineurs ont été élevés par des couples hétérosexuels. C’est une certitude. On a pu aussi constater que certains mineurs criminels avaient plutôt reçu une bonne éducation.

Par ailleurs, dans les pays où l’adoption est ouverte aux couples de même sexe – la Belgique depuis 2001, les Pays-Bas depuis 2003 ou encore l’Allemagne –, aucune étude ne démontre ce que vous affirmez.

Vos amendements me paraissent particulièrement discriminatoires. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Heureusement que l’opposition s’est montrée aussi insistante : nous pouvons maintenant aborder les sujets de fond que le Gouvernement et la majorité voulaient éviter. Ces amendements renvoient à la nécessité évidente de l’altérité.

Madame la garde des sceaux, je voudrais revenir à la circulaire que vous venez de publier en plein milieu de nos débats : elle constitue un encouragement pour les pères à continuer de commettre ces actes inqualifiables que constitue le recours à la GPA, à l’étranger comme en France. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Malgré les interventions de Christian Jacob, de Claude Goasguen et les miennes, vous vous en tenez à la situation des enfants sans évoquer la responsabilité des pères. Maintenant que le mal est fait, maintenant que vous encouragez ces pratiques, faites donc une circulaire aux procureurs pour leur demander de poursuivre les pères qui se prêtent à cette marchandisation des corps. (« Bravo ! »sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Sur M6, j’ai vu un reportage sur une jeune femme russe de pauvre condition : elle déclarait détester l’enfant qu’elle portait dans son ventre, lequel lui était immédiatement retiré après la naissance.

Ces pratiques soulèvent une question de morale. Il est absolument nécessaire que vous agissiez pour produire une nouvelle circulaire. Je comprends tout à fait votre souci de régler les problèmes qui se posent aux enfants mais je crois qu’il faut insister sur la responsabilité des pères qui se prêtent à cette marchandisation. Pouvez-vous répondre à cette question précise ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’intervention de mon collègue ne porte absolument pas sur l’amendement en discussion, comme tout le monde le constatera à la lecture de son texte – « Les enfants adoptés par un couple doivent l’être en priorité par un couple de personnes de sexes différents » – et de son exposé sommaire – « Lorsqu’un enfant est adopté par un couple, et ne peut donc plus grandir auprès d’aucun de ses parents biologiques, il est dans son intérêt de pouvoir identifier ses parents adoptifs aux parents dont il est né ».

Amendement après amendement, vous voulez tout simplement nier le droit à l’adoption des parents homosexuels.

M. Jacques Myard. Oui !

Mme Marie-George Buffet. Mais, renversons la logique de votre amendement : qu’en est-il lorsque les parents décédés sont homosexuels ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

(Le sous-amendement n° 5380 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 254

Nombre de suffrages exprimés 253

Majorité absolue 127

(Les amendements identiques nos 1912, 2341, 2964, 3789 et 4240 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n°1914, qui fait l’objet des sous-amendements, nos 5372, 5376 et 5379.

M. Hervé Mariton. Je crois l’avoir déjà défendu. Je ne voudrais aucunement ralentir les travaux de notre assemblée : le rôle de la mère est important, spécialement pour les enfants de moins de six ans.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir les sous-amendements, nos 5372, 5376 et 5379.

M. Marc Le Fur. Les sous-amendements ont cet avantage qu’ils permettent de préciser la pensée des uns et des autres.

Sur l’amendement de mon collègue Mariton, je suis pour l’essentiel d’accord, mais je souhaite aller un peu plus loin.

Dans le sous-amendement n° 5372, j’indique que la présence de la mère s’impose jusqu’à au moins treize ans, âge auquel on atteint un certain niveau de maturité : c’est l’âge du discernement.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Toute la vie, pendant que vous y êtes !

M. Marc Le Fur. Quant au sous-amendement n° 5376, je le retirerai dès lors que le sous-amendement n° 5372 aura été adopté, ce qui ne fait aucun doute. Il fixe la limite à onze ans, âge auquel l’enfant entre au collège : auparavant, la présence de la mère est nécessaire. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) La nature peut la lui retirer, mais la nécessité sociale l’exige.

Si d’aventure vous ne votiez pas ce sous-amendement, ce que personne ne comprendrait, tout au moins en dehors des arrondissements du centre de Paris (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),...

Mme Julie Sommaruga. Quelle démagogie !

M. Marc Le Fur. …vous pourrez au moins adopter celui qui porte le numéro 5379, et aux termes duquel la présence de la mère est exigée jusqu’à l’âge de sept ans. Je pense que nous pourrions nous entendre là-dessus.

Pour l’essentiel, je le rappelle, je suis d’accord avec l’amendement de mon collègue Mariton. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Luc Belot. Ridicule !

Mme Marie-George Buffet. Quel machisme !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2966.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est un sujet que nous avons eu plusieurs fois l’occasion d’étudier : je ne vais pas prolonger inutilement cette démonstration. Je me contenterai de dire que j’apporte mon complet soutien aux sous-amendements extrêmement pertinents de Marc Le Fur, qui méritent une attention toute particulière de la part de notre assemblée.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 3052.

M. Patrick Hetzel. On va encore nous dire que nous énonçons des évidences : eh bien, oui, ce sont les femmes qui donnent naissance aux enfants ! Il y a bien une primauté de la relation mère-enfant. Et parce qu’il existe une telle primauté, nous souhaitons qu’elle puisse être inscrite dans le texte de la loi.

Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour vous faire part de l’information suivante.

À 18 heures 40, le président du groupe socialiste, M. Le Roux, qui a manifestement une vision très totalitaire des choses, a écrit un tweet – montrant par là même qu’il accorde plus d’importance aux réseaux qu’à sa présence dans l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On y lit que la PMA pour les couples de femmes sera votée car telle est la position du parti socialiste depuis des années ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous le disions depuis longtemps, mais les choses sont enfin claires et les masques tombent !

Alors que nous souhaitons débattre dans la sérénité, que fait M. Le Roux ? Loin d’apaiser les tensions, il rajoute de l’huile sur le feu. C’est incroyable, scandaleux, indigne d’un président de groupe qui, plutôt que de siéger dans l’hémicycle, préfère twitter et aggraver les clivages…

M. Luc Belot. Hors sujet !

M. Patrick Hetzel. …à un moment où nous aurions justement besoin de concorde et d’harmonie. Nos concitoyens apprécieront ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 3377.

M. Bernard Accoyer. La situation est de plus en plus surréaliste. Le président du groupe majoritaire est absent, mais il a pris le temps d’expliquer ce matin que l’extension de la PMA, ce serait pour plus tard, après l’avoir voulue pour tout de suite il n’y a pas si longtemps ! Et pas plus tard que cet après-midi, il affirme sur un réseau social qu’elle serait bel et bien votée !

Quand déposera-t-il donc un amendement ? Que feront les Verts qui font partie de la majorité et voudraient tout de suite voter la GPA ?

M. Luc Belot. Hors sujet !

M. Bernard Accoyer. La confusion devient préoccupante, mais il y a pire. Nous venons de passer un dimanche surréaliste à débattre de questions certes graves, mais portant sur un sujet qui ne fait par partie des priorités des Français, car ce qui les préoccupe aujourd’hui, ce n’est pas le mariage de deux personnes de même sexe, non plus que l’adoption : c’est le chômage, le pouvoir d’achat,...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et si vous nous parliez de l’amendement ?

M. Bernard Accoyer. …la sécurité, la dette de la France, Florange, Renault. Les voilà, leurs priorités ! Et nous, nous nous réunissons un dimanche, alors que cela ne nous arrive jamais, pour débattre d’une question qui ne les intéresse même pas ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. La faute à qui ?

M. le président. Du calme, voyons ! À 19 heures 15, il devrait être encore possible de poursuivre dans de bonnes conditions.

Avant de donner la parole à la commission, je vous informe que, sur le vote des amendements identiques nos 1914 et suivants, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. À lire les amendements d’un certain nombre d’orateurs, j’ai le sentiment d’être transportée très longtemps en arrière,…

M. Claude Goasguen. Pour ça, c’est vrai !

Mme Marie-George Buffet. …à une époque où l’on considérait que la place de la femme était au foyer et celle des hommes dans la cité.

M. Claude Goasguen. Quel rapport ?

Mme Marie-George Buffet. La femme avait en charge le travail domestique et les enfants, surtout les petits.

M. Jacques Myard. Elle avait en charge de les faire !

Mme Marie-George Buffet. Bien sûr, lorsqu’ils étaient plus grands, l’homme prenait la relève, car il s’agissait alors de leur donner une bonne éducation, notamment sur le plan scolaire. La maman, elle, était là pour les materner, jusqu’à leurs treize ans du moins car, après, elle n’en aurait plus été vraiment capable, n’est-ce pas ?

Je me rappelle les débats qui se tinrent au Sénat entre 1925 et 1935. À chaque fois qu’une loi était déposée pour accorder le droit de vote aux femmes, le clan conservateur s’écriait que les femmes allaient devenir stériles si elles commençaient à se mêler de politique (Rires sur les bancs du groupe SRC), qu’elles allaient apporter de la déraison… (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Quel est le rapport ?

Mme Marie-George Buffet. Allez donc lire les comptes rendus si vous ne me croyez pas ! Les femmes allaient apporter de la déraison à la politique ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mais quelle vision avez-vous donc du rapport de la femme à l’enfant ? La femme d’aujourd’hui travaille et l’enfant va à l’école maternelle ! La femme est l’égale de l’homme et nous n’avons pas à faire une telle distinction dans l’éducation des enfants ! (« Bravo ! »sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Et les mères porteuses, c’est quoi ?

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt.

M. Olivier Dussopt. J’ai cru un instant, en lisant les amendements de nos collègues de l’opposition, qu’ils avaient fait des progrès en laissant ouverte la possibilité pour deux femmes d’élever un enfant. En effet, s’il faut au moins une femme pour assurer l’éducation d’un enfant, pourquoi pas deux ? (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Nous arrivons au terme d’une longue série d’amendements dont le seul objectif était d’empêcher les couples homosexuels de fonder une famille. Des mots parfois violents ont été prononcés, pour ne pas dire injurieux, ou ressentis comme tels – je pense en particulier à la référence au principe de précaution.

Bien évidemment nous ne voterons pas ces amendements mais je pense aux familles homoparentales et à ceux qui voudraient en fonder une : les échanges de cet après-midi ont pu les blesser.

Madame la garde des sceaux, vous avez eu plaisir à nous citer à plusieurs reprises René Char. Il disait aussi « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. C’est bon pour les jeux télévisés, tout ça !

(Les sous-amendements nos 5372, 5376 et 5379, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 1914, 2966, 3052 et 3377.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 238

Nombre de suffrages exprimés 238

Majorité absolue 120

(Les amendements identiques nos 1914, 2966, 3052 et 3377 ne sont pas adoptés.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Je profite de ce rappel au règlement pour signaler au service de la séance que je viens de me tromper lors du scrutin public : j’ai voté contre alors que je voulais voter pour ! Mais ce sera corrigé ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Que voulez-vous, c’est la fatigue ! Le travail du dimanche !

Plus sérieusement, je voudrais revenir sur l’intervention de M. Patrick Hetzel. Nous sommes en pleine cacophonie gouvernementale et majoritaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Delcourt. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Christian Jacob. Si, car c’est directement lié au bon déroulement de notre séance. En l’espace d’un après-midi, nous venons d’assister, sur la PMA, au refus par la garde des sceaux de répondre à nos questions, à l’annonce par la ministre de la famille qu’elle ferait l’objet d’un prochain texte sur la famille, à son sévère rappel à l’ordre par le Premier ministre depuis Phnom Penh, et, à l’instant, à un tweet du président du groupe socialiste qui, défiant le Premier ministre, affirme que l’extension de la PMA sera, de toutes façons, dans le texte déposé par le Gouvernement, quel que soit l’avis du Comité national d’éthique ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Que faire face à un tel imbroglio, face à une crise politique aussi grave entre les membres de la majorité, mais surtout entre le président du groupe socialiste et le Premier ministre ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Incroyable !

M. Christian Jacob. Nous ne pouvons pas continuer à débattre sereinement avec une majorité qui avance comme un canard sans tête ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

On ne sait plus aujourd’hui quelle est la position de la majorité, celle du Premier ministre, celle du Gouvernement. Les ministres affichent des positions différentes les uns après les autres, le Premier ministre communique depuis l’Asie parce qu’il n’a personne, ici, pour porter correctement sa parole, et le président du groupe socialiste le défie en permanence sur les plateaux et dans la presse. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Il devient indispensable que Mme la garde des sceaux ou M. le ministre chargé des relations avec le Parlement nous explique la position du Gouvernement.

Je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance afin que le Gouvernement puisse se mettre enfin d’accord avec son groupe. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin pour un rappel au règlement.

M. Jean-Christophe Fromantin. Le Gouvernement et le président du groupe socialiste pourraient, d’une manière très simple, calmer le débat : en nous disant si, oui ou non, ils tiendront compte de l’avis du Comité national d’éthique ! S’agit-il seulement d’une fantaisie pour occulter le débat, ou tiendront-ils compte de son avis ? Dès lors, comme nous faisons confiance au Comité national d’éthique, nous serions beaucoup plus sereins sur l’issue de nos travaux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec pour un rappel au règlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes dans cet hémicycle depuis mardi et, aux membres de l’opposition qui contestent, qui critiquent, qui débattent…

M. Patrick Ollier. C’est notre rôle !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …qui, parfois, font de l’obstruction, en toute légitimité d’ailleurs – nous l’avons nous-mêmes souvent fait –,…

M. André Schneider. Ça, oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …nous disons que cela s’appelle la démocratie parlementaire. À la fin, c’est la majorité qui emporte le scrutin, et cela s’appelle aussi la démocratie parlementaire.

Par ailleurs, nous sommes ici, et nous serons ici tout le temps que ce sera nécessaire, pour soutenir le Gouvernement qui nous propose d’adopter un texte sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux personnes de même sexe.

M. Claude Goasguen. Mais il ne sait pas ce qu’il veut, le Gouvernement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je puis vous assurer que la majorité est déterminée à faire adopter ce texte, quitte à faire preuve de toute la patience nécessaire pour que se tienne un débat parlementaire digne de ce nom. Oui, je vous affirme qu’au terme de ce débat le texte sera adopté car nous l’aurons voté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Jacob, je comprends votre sollicitude à l’égard du Gouvernement, mais j’ai l’impression qu’il est assez rassemblé. Je vous accorde donc une minute de suspension. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures vingt-sept.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’une série de cent neuf amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 71.

M. Marc Le Fur. Nous sommes, là encore, au cœur du sujet. Chacun le sait, le nombre d’enfants susceptibles d’être adoptés diminue, qu’il s’agisse de pupilles de l’État, de pupilles de la nation, qui existent toujours, comme l’a rappelé M. Darmanin, ou qu’il s’agisse d’adoption internationale puisqu’un certain nombre de pays s’y ferment aujourd’hui.

Beaucoup de couples hétérosexuels craignent aujourd’hui que des enfants soient confiés à des couples homosexuels et que leur attente, qui dure depuis des mois ou des années, ne soit pas satisfaite. C’est cela, le sujet qui nous oppose.

Cette crainte est d’autant plus manifeste que les agréments seront gérés par les conseils généraux. Sans mettre en cause les élus locaux, il est à craindre qu’un petit nombre de conseillers généraux fassent preuve de militantisme et accordent systématiquement les agréments à des familles homosexuelles.

M. Claude Goasguen. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Dufau. Quelle étrange conception !

M. Marc Le Fur. Nous voulons éviter les dérives et faire en sorte que les couples hétérosexuels candidats à l’adoption puissent accueillir des enfants.

Enfin, nous considérons que c’est la meilleure chance que l’on puisse donner à un petit garçon, à une petite fille, quelle que soit son origine, quel que soit le pays qui est le sien, d’avoir une enfance et une adolescence dans un cadre satisfaisant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n° 127.

M. Patrice Martin-Lalande. Comme mes cent huit autres collègues, je propose que tout quota visant à favoriser l’égal accès des couples de même sexe et des couples de sexe différent à l’adoption soit prohibé.

Cet amendement, en effet, prévoit expressément qu’aucun quota ne pourra être mis en place pour favoriser les adoptions par des couples de même sexe, même si l’on constatait un faible nombre, voire une absence d’adoption par les couples de même sexe.

L’adoption, comme cela a été rappelé maintes fois au cours de cette séance, a pour objet de donner des parents à un enfant et non l’inverse. Seul compte – nous en sommes tous convaincus, je l’espère – l’intérêt de l’enfant, que le juge, et lui seul, est chargé de définir.

M. Marc Le Fur. J’ai un sous-amendement, monsieur le président !

M. le président. Oui, monsieur Le Fur, mais il faut d’abord défendre tous les amendements.

La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 350.

M. Christian Jacob. Cet excellent amendement, déposé par notre collègue Decool et que j’ai signé moi aussi, vise à prévoir expressément qu’aucun quota ne pourra être mis en place pour favoriser les adoptions par des couples de même sexe, même si l’on constatait un faible nombre, voire une absence d’adoption par les couples de même sexe.

La démonstration a déjà été faite par plusieurs de nos collègues et va être relayée par beaucoup d’autres. Nous comptons beaucoup sur notre assemblée, car si l’on pouvait, au détour de cet amendement, trouver un point d’accord général, ce serait une très bonne chose.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 384.

M. Hervé Mariton. Il faut éviter toute logique de quota et toute logique communautaire. Je pense que nous pouvons être d’accord sur ce point.

Que les couples soient hétérosexuels ou homosexuels, l’adoption à l’international va se tarir. Il y a peu d’enfants à adopter en France et, dans ce contexte, ce sera particulièrement difficile pour les couples homosexuels qui, privés d’adoption à l’étranger, vont être très regardants vis-à-vis des adoptions possibles en France même. Nous le savons, les auditions l’ont démontré.

Pour satisfaire les demandes, la tentation sera grande d’instaurer des quotas. Nous avons sans doute, les uns et les autres, discuté avec des personnes qui ont à traiter des dossiers d’adoption dans les services sociaux et dans les conseils généraux et ce risque semble évident à la plupart d’entre eux.

Alors, comment faire ?

Il est important de préserver la responsabilité de personnels très compétents sur ces questions, et qui mesurent que l’adoption par des couples de même sexe – si le texte est adopté – rendra leur décision extrêmement difficile. Au nom de quoi priver un enfant d’avoir un père et une mère ? Reste que l’on doit à tout prix éviter une pratique de quotas dans cette politique.

M. le président. La parole est à M. François de Mazières pour soutenir l’amendement n° 465.

M. François de Mazières. On sait qu’il y a aujourd’hui 30 000 demandes d’adoption non satisfaites. Or, si votre loi malheureuse est adoptée, nous allons encore réduire le nombre de possibilités d’adoption. C’est simplement une question de logique : vous ne pourrez faire autrement que d’établir un quota pour les couples homosexuels si vous n’acceptez pas la PMA et la GPA.

Vous nous dites aujourd’hui que ce sera pour plus tard. Mais comprenez que, pour les Français, c’est maintenant que la vraie question se pose. Elle se pose aujourd’hui, au moment où nous examinons cette loi. Tout à l’heure, Patrick Hetzel a parlé d’un tweet qu’il avait lu, et j’ai vu, monsieur le rapporteur, que vous marquiez votre approbation. Il y a là un problème fondamental. Permettez-moi de vous dire que votre attitude m’a vraiment choqué ! Vous devez tenir la position que Mme la garde des sceaux essaie de tenir avec constance, même si, intellectuellement, on sent qu’elle ne tient pas la route. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Vous, vous êtes en plein dérapage depuis cinq jours !

M. François de Mazières. L’amendement que nous proposons insiste sur la nécessité de prendre des précautions, dès lors que votre position n’est pas claire. Pour un gouvernement qui fait une loi aussi importante, avec tant de conséquences sur la société, partir sur des bases aussi peu claires, faire de tels allers-retours, vraiment, ce n’est pas sérieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Sauveur Gandolfi-Scheit, pour soutenir l’amendement n° 396.

M. Sauveur Gandolfi-Scheit. Cet amendement vise à prévoir expressément dans la loi qu’aucun quota ne pourra être mis en place pour favoriser les adoptions par des couples de même sexe, même si l’on constatait un faible nombre, voire une absence d’adoption par les couples de même sexe.

Pour ma part, j’ajouterai que l’intégrité psychologique de l’enfant ne pourra être assurée que par l’adoption par un couple hétérosexuel.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier pour soutenir l’amendement n° 524.

M. Patrick Ollier. Nous ne pouvons pas accepter votre conception de l’égalité.

Madame la garde des sceaux, tout à l’heure, j’ai été meurtri dans mes valeurs par votre raisonnement. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez beaucoup de talent, c’est incontestable, mais le talent ne permet pas de changer la société comme vous voulez le faire, avec des arguments qui ne sont ni des explications ni des démonstrations.

Vous êtes obsédée par l’égalité, on peut le comprendre. Nous aussi, nous souhaitons l’égalité. Mais pour vous, l’égalité, c’est l’égalité par l’effacement de la différence des sexes, c’est la déconstruction de la parenté fondée sur l’engendrement. Pour vous, la filiation, c’est l’envie, l’intention, le projet parental ; cela peut se concevoir. Cela s’apparente à la théorie du genre. Et l’on voit la théorie du genre apparaître au fur et à mesure des débats : vous voulez faire évoluer la société vers une société asexuée où l’altérité n’incarne pas la majorité des cas. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Seuls 25 % des cas que vous évoquez existent dans la société. Aujourd’hui, 75 % des enfants vivent dans l’altérité.

Madame la garde des sceaux, je m’étonne de ce débat qui nous conduit, via une démonstration juridique, non seulement vers une modification du code civil, mais aussi beaucoup plus loin, comme vous l’avez dit, vers un changement de civilisation. C’est pour cette raison que nous demandons un référendum, car de tels changements ne peuvent pas se faire sans le peuple. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 601.

M. Philippe Gosselin. D’une certaine façon, on peut se réjouir qu’il y ait de moins en moins d’enfants à adopter, car cela signifie qu’il y a moins de situations y conduisant. Je vois que Mme la ministre a compris ce que je voulais dire, et qui est très clair et sans aucune ambiguïté.

Mais, si le nombre d’enfants adoptables diminue, c’est aussi à cause des procédures, parfois à cause de blocages juridiques ou administratifs, parfois à cause de difficultés soulevées par les travailleurs sociaux pour des raisons internes. Sur le plan international, par ailleurs, le nombre d’adoptions va diminuant, pour des raisons internes à ces pays. Il y a davantage de familles de la classe moyenne qui veulent adopter des enfants dans leur propre pays. Il y en a donc moins à adopter à l’extérieur.

Puis, il y a les risques liés à votre texte qui, s’il était adopté – sans jeu de mots –, pourrait mettre un frein à la possibilité d’adopter des enfants venant de l’étranger.

Enfin – je ne dis pas que ce soit le cas aujourd’hui, mais mieux vaut prévenir que guérir, et donner un cadre clair et ferme –, la tentation pourrait être, à terme, de fixer un quota, compte tenu du nombre très important d’agréments – il y en a en effet plusieurs dizaines de milliers en France pour les couples hétérosexuels. J’avoue ne pas aimer ce terme de « quota » s’appliquant à des enfants. Il nous faut prévenir ce risque de dérapage, qui est peut-être inenvisageable pour certains aujourd’hui, mais qui n’en est pas moins réel.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n°702.

M. Frédéric Reiss. L’ouverture du mariage aux couples de même sexe apporte de la confusion dans la symbolique sociale en mettant à mal la structuration de la famille.

Pour satisfaire M. Roman, je répète que nous sommes contre ce projet de loi qui conduira inévitablement à priver légalement certains enfants d’un père ou d’une mère.

Le mariage pour tous n’est finalement qu’un leurre et les débats sont éclairants à ce sujet, car la question principale est celle de la filiation. Avec l’adoption et le recours aux techniques d’assistance médicale à la procréation, nous sommes dans le vif du sujet, et l’on a bien senti depuis ce matin que la majorité était embarrassée et fébrile dès que l’on évoquait la PMA et la GPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Concernant mon amendement, je rappelle que, début décembre 2012, la Fédération nationale des associations départementales d’entraide des pupilles et anciens pupilles de l’État, qui représente les usagers au sein des conseils de famille des pupilles de l’État, a informé Mme la ministre chargée de la famille qu’elle se retirait de tous les groupes de travail que le Conseil supérieur de l’adoption avait constitués sur ce projet de loi, considérant que le débat était largement manipulé par des lobbies défendant leurs intérêts propres plus que ceux des enfants issus de l’abandon, du délaissement et de la maltraitance parentale active. C’est très grave. C’est pourquoi cet amendement, qui prévoit qu’aucun quota ne pourra favoriser les adoptions par les couples de même sexe, prend tout son sens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel pour soutenir l’amendement n°964.

M. Philippe Vitel. Mes chers collègues, si cette loi est adoptée, vous aurez fait naître un espoir que, malheureusement, vous ne pourrez pas satisfaire.

L’ancienne présidente d’Enfance et familles d’adoption disait : « Si l’on doit autoriser l’adoption par des couples homosexuels, soyons honnêtes jusqu’au bout, il faut les prévenir qu’ils n’auront que très peu de chances de voir leur dossier aboutir. » Aujourd’hui déjà, en France, 700 enfants sont adoptables pour 25 000 candidats. La source va se tarir automatiquement puisque la plupart des pays étrangers n’autoriseront pas l’adoption par les couples homosexuels.

La question du choix va se poser et je voudrais savoir sur quel argument, si ce n’est sur la mise en place d’un quota – que je dénonce – on pourra décemment se fonder, dans le cadre d’une commission qui aura deux enfants à attribuer à deux familles. Comment choisir entre une famille hétérosexuelle et une famille homosexuelle ? À laquelle va-t-on donner tel ou tel autre enfant ? Comment va-t-on faire ? À pile ou face ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Aujourd’hui, le choix de l’attribution est un choix majeur et nous devons y réfléchir longuement.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion, pour soutenir l’amendement n° 1200.

Mme Sophie Dion. Pour une fois, nous devrions être tous d’accord, car nous avons entendu proclamer à maintes et maintes reprises la notion d’égalité. Cet amendement devrait donc rassembler tous les membres de notre assemblée puisque le contraire de l’égalité, c’est la discrimination et cet amendement vise à ce que le peu d’enfants adoptables ne soient pas réservés à certaines catégories de personnes. Peu importe d’ailleurs leur différenciation.

J’ai bien compris que l’égalité doit être complète. Je regrette que Mme Buffet nous ait quittés, car elle a parlé tout à l’heure de la marchandisation du corps de la femme. Je ne doute pas qu’elle ait eu beaucoup de talent pour défendre le droit des femmes, mais c’est justement vous qui serez responsable de la marchandisation du corps de la femme. Pourquoi ? Parce qu’on sait très bien qu’une fois acquise la procréation médicalement assistée, il faudra autoriser les mères porteuses par souci d’égalité entre hommes et femmes !

M. Bernard Roman. Pourquoi n’est-ce pas le cas ailleurs ?

M. Patrick Ollier. Parce qu’ailleurs il n’y a pas de QPC !

M. Claude Goasguen. La situation hollandaise n’est pas la meilleure !

Mme Sophie Dion. Vous le savez bien. Voilà les conséquences de l’égalité absolue. En tout cas, je suis certaine que les farouches partisans de l’égalité que vous êtes vont naturellement approuver notre amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Philip Cordery. Extraordinaire !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door pour soutenir l’amendement n° 1247.

M. Jean-Pierre Door. Merci, monsieur le président. Nous connaissons tous des couples qui ont à cœur d’adopter des enfants, et nous avons même tous de touchantes histoires personnelles qui n’ont pas à être dites ici. Nous connaissons les difficultés à adopter qu’ont certaines familles dans notre pays. Je voudrais d’ailleurs rappeler la Convention internationale des droits de l’enfant, dont l’article 21 stipule que « les États qui admettent et/ou autorisent l’adoption s’assurent que l’intérêt supérieur de l’enfant est la considération primordiale en la matière ». Ce qui compte, c’est l’évolution et la construction psychique de l’enfant.

Les pédopsychiatres ont de nombreux avis contradictoires, nous les avons entendus. Les collectifs d’homosexuels, hommes et femmes, prennent également des positions. La Coordination lesbienne de France, issue du Collectif national pour les droits de la femme, se pose la question de l’adoption. Un psychanalyste disait récemment que l’enfant se pose en permanence la question sans trouver de réponse, ce qui lui crée de graves difficultés lorsqu’il veut fonder sa propre famille une fois adulte. Tous les bricolages généalogiques sont sources de perturbations. L’enfant devra démêler une question difficile. Comment arrivera-t-il à définir lui-même qui il est ? C’est pourquoi l’adoption par des couples hétérosexuels doit selon nous rester privilégiée et prioritaire. C’est le sens de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1418.

M. Nicolas Dhuicq. Merci, monsieur le président. Cet amendement est profondément républicain. Vous parlez sans cesse d’égalité ; il s’agit ici de respecter l’égalité et d’éviter toute dérive. Nous ne jugeons ni ne rejetons personne, nous prenons simplement en considération le principe de réalité. Celui-ci dit que quatre enfants adoptés sur cinq dans notre pays viennent de l’étranger. Un grand pays allié, qui fête ce soir le soixante-dixième anniversaire d’une grande victoire pour la liberté, ne partage pas certaines de nos vues et demandera inéluctablement à revoir toutes les conventions qui le lient avec la République française.

Automatiquement, la loi engendrera donc des difficultés supplémentaires pour l’adoption d’enfants venus de l’étranger. D’où les inquiétudes de certains de mes collègues, consécutives à des propos que nous entendons ici ou là, aux « gazouillis » - pour parler en français correct – de personnes dans les tribunes, ou de collègues qui ne sont plus là, qui font des raccourcis et interprètent les propos de tel ou tel parlementaire aujourd’hui dans l’opposition. Cet amendement est un amendement profondément républicain, c’est pourquoi je crois que tous les patriotes sauront l’adopter.

M. Jean-Pierre Dufau. Çà, c’est de l’argumentation !

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau pour soutenir l’amendement n° 1479.

M. Christophe Guilloteau. Merci, monsieur le président. Je ne parlerai pas du fond, déjà abordé, mais de la forme, si vous le voulez bien. Ce débat dure depuis mardi et je le trouve assez surréaliste.

Plusieurs députés du groupe SRC. Et nous donc !

M. Christophe Guilloteau. Je suis plus ancien que d’autres dans cet hémicycle.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Trop !

M. Christophe Guilloteau. Je trouve assez surprenante l’attitude de nos jeunes collègues socialistes fraîchement arrivés. L’attitude des membres du Gouvernement, qui passent le plus clair de leur temps au téléphone dans les couloirs, est également surprenante. Certains vont chercher leurs ordres dans un télégramme du Premier ministre envoyé du Cambodge. Et voir, comme hier, certains collègues en arriver à faire des doigts d’honneur est assez surprenant aussi ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Quel est votre amendement ?

M. Christophe Guilloteau. Je pensais que nous étions ici pour légiférer sur quelque chose qui est au fondement de la société ; je me trompais. Si nous pouvions, chers collègues, garder un peu de sérénité dans un débat aussi important, ce serait une bonne chose. Mais il n’y a pas ici d’un côté ceux qui savent et de l’autre ceux qui ne savent pas, ceux qui détiennent la vérité et ceux qui ne la détiennent pas ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP,.)

M. Bernard Roman. Et sur le fond ? Quel est votre amendement ?

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie pour soutenir l’amendement n° 1674.

Mme Véronique Louwagie. Merci, monsieur le président. Je voudrais évoquer deux aspects de cet amendement. Le premier, c’est le long et difficile parcours pour aboutir à l’adoption. Il s’agit en effet d’un véritable parcours du combattant. Il me semble impératif de respecter les personnes qui décident de recourir à l’adoption. Nous devons aussi retenir des principes que vous avez largement convoqués depuis le début de ce débat, en particulier l’égalité de tous les citoyens devant la loi et l’absence de discrimination devant les procédures. Pour ces raisons, il me semble impératif de donner une assurance à tous les Français qui décident d’adopter ou viendraient à le décider. Il me semble très important que l’étude des demandes d’adoption reste impartiale.

Le second, c’est la nécessité de faire prévaloir, en matière d’adoption, le droit de l’enfant sur le droit à l’enfant qui, s’il devait être retenu, serait alors un droit de l’adulte. C’est une manière de rappeler l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est la raison pour laquelle je vous propose cet amendement qui prévoit qu’aucun quota ne puisse être retenu. Voter cet amendement aurait finalement trois avantages : valider le principe que l’adoption consiste fondamentalement à donner des parents à des enfants qui en sont dépourvus et non l’inverse, valider le fait que la famille se doit d’être constituée dans l’intérêt et au service de l’enfant, et enfin maintenir le cap de l’intérêt général, quel que soit le vent des revendications particulières et minoritaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier pour soutenir l’amendement n° 1741.

M. Guillaume Chevrollier. Merci, monsieur le président. Cet amendement vise à prévoir expressément dans la loi l’absence de quota favorisant les adoptions par les couples de même sexe, même si l’on constatait peu ou pas d’adoptions de leur part. Pourquoi être obligé de prévoir pareil amendement, dont le terme « quota » n’est certes pas très heureux ? Tout simplement parce que le nombre d’enfants adoptables ne cesse de décroître, alors que les couples mariés en attente restent beaucoup plus nombreux. C’est ainsi qu’en 2013, il est probable qu’à peine 2 000 enfants pourront être adoptés, alors que 25 000 couples mariés ont obtenu l’agrément.

Cette situation va s’aggraver, car la plupart des pays qui confient des enfants à l’adoption sont extrêmement sensibles aux législations sur le mariage et se font plus exigeants en cas de légalisation du mariage entre personnes de même sexe. Il est donc évident que fort peu de couples homosexuels pourront adopter. Ce projet de loi conduira donc à rendre la réalité de l’adoption plus difficile pour les couples hétérosexuels, bien piètre résultat d’un projet de loi qui se veut progressiste, comme vous le dites si souvent !

C’est pourquoi ce texte est également hypocrite, car il ne peut que vous conduire à demander la PMA pour les homosexuelles femmes et la GPA pour les homosexuels hommes.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est reparti !

M. Guillaume Chevrollier. Pour revenir à l’adoption par les couples homosexuels, je la considère discutable par principe. Elle répond en effet à un droit à l’enfant, c’est-à-dire aux désirs et aux égoïsmes des adultes, négligeant l’intérêt de l’enfant.

M. Thomas Thévenoud. Le disque est rayé !

M. Guillaume Bachelay. Ça radote !

M. Guillaume Chevrollier. Or l’enfant adopté a, plus qu’un autre, besoin d’un père et d’une mère. L’enfant abandonné cherche ses repères et aspire à retrouver ce qu’il a perdu. Plus qu’un autre, il a besoin d’une filiation biologique évidente et expliquée. Ce texte va à l’encontre de ses besoins. Il méconnaît donc les membres les plus vulnérables de notre société, que l’on doit au contraire protéger.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller pour soutenir l’amendement n° 2041.

M. Pierre Lequiller. Merci, monsieur le président. Afin de ne pas me faire traiter d’homophobe par M. Baupin, comme cela vient de m’arriver, je vais à nouveau lire un texte de Mme Agacinski (« Ah ! » sur plusieurs bancs) – dans le silence, j’espère.

M. Nicolas Bays. Merci d’être abonné au Monde !

M. Pierre Lequiller. « Un enfant est rattaché à un parent au moins, généralement la mère qui l’a mis au monde, et si possible à deux, père et mère. Y compris dans l’adoption, la filiation légale reproduit analogiquement le couple procréateur, asymétrique et hétérogène. Elle en garde la structure, ou le schéma, à savoir celui de l’engendrement biologique bisexué. » L’auteur cite ensuite Claude Lévi-Strauss selon qui « les liens biologiques sont le modèle sur lequel sont conçues les relations de parenté ».

Quant à l’adoption, comme l’a dit notre collègue Nicolin qui connaît bien ces problèmes, l’ouvrir aux couples de même sexe créera une nouvelle catégorie d’orphelins, ceux que votre loi va priver, sans qu’ils puissent y consentir, de ce qu’il y a de plus beau au monde et qu’ils attendaient au fin fond de leur orphelinat, c’est-à-dire un père et une mère. Je soutiens tout à fait cet amendement qui consiste évidemment à éviter tout quota dans l’attribution de famille aux enfants à adopter.

M. le président. La parole est à M. André Schneider pour soutenir l’amendement n° 2201.

M. André Schneider. Merci, monsieur le président. Mes chers collègues, voilà trois jours que nous discutons ici d’un problème extrêmement sérieux. Nous devrions donc nous respecter les uns les autres.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et réciproquement !

M. André Schneider. Bien sûr ! J’ai bien dit que nous devrions nous respecter les uns les autres. Eh bien ! Cela n’a pas vraiment été le cas pendant ces trois jours ! Nous devrions, sous l’autorité du président, poursuivre nos débats dans la sérénité afin de nous respecter mutuellement et de donner une bonne image de notre assemblée.

M. Nicolas Bays. Et sur le fond ?

M. André Schneider. Mes convictions personnelles font de moi un opposant à la loi que vous proposez. Nous vous avons suggéré une alliance civile, sur laquelle nous aurions certainement pu trouver des terrains d’entente ; vous l’avez rejetée.

M. Nicolas Bays. C’était il y a deux jours !

M. André Schneider. C’est votre droit, le nôtre est de nous opposer. Nous sommes bien sûr défavorables à l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels, mais comme vous avez la majorité, vous êtes évidemment les décideurs.

Si tant est que la loi soit adoptée prochainement, ainsi que l’adoption qui en est le corollaire, permettez que dans cet amendement nous vous proposions une non-discrimination. Voilà ce dont il s’agit. Pas de quota, cela veut dire que tous les couples candidats à l’adoption seront traités à égalité. C’est pourquoi je pense que vous pouvez approuver cet amendement et je vous en remercie d’avance.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Faits personnels

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour fait personnel.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, il y a quelques semaines, je me suis interrogé sur le rapport à l’autorité que pose le terrorisme, en ayant en mémoire le parcours de terroristes d’origine française et de nationalité française. J’avais, en particulier, constaté la distance affective et géographique majeure qui avait séparé un jeune, qui avait tué, et son père. À mon sens, il y a trois endroits où l’autorité doit s’exercer et être respectée : la prison, sujet que je connais bien, sur lequel le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, m’a répondu ; la famille, sur laquelle je vais revenir ; enfin, l’école – je pense notamment à l’enseignement de l’histoire.

Pour ce qui est de la famille, quand j’ai évoqué l’absence de cadre parental, de repères identificatoires, de limites transmises à l’enfant afin qu’il sache ce qui est bien, ce qui est mal, ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, certains de nos collègues de la majorité se sont un peu énervés, n’entendant sans doute pas ce que je voulais leur faire comprendre. Mon propos visait à les avertir du fait qu’ils allaient créer de la confusion : quand le ministre de l’intérieur fait son travail en demandant une loi coercitive – par essence, le terrorisme pousse la démocratie à prendre des lois antidémocratiques –, il y a forcément une contradiction, sur le plan intellectuel, avec un projet de loi visant à supprimer les mots de « père » et « mère » de certains textes. Sachant le rôle symbolique que peuvent jouer les parents, en particulier le père, il y avait de quoi s’interroger sur la cohérence globale du projet politique de la majorité. Ce que je disais n’avait donc rien à voir avec le rejet de qui que ce soit, et ne constituait absolument pas un jugement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Nicolas Dhuicq. Je terminerai en évoquant l’un de mes patients, auquel je pense beaucoup depuis qu’il est mort du sida, il y a quelques semaines. Sa famille m’a remercié sincèrement d’avoir été le seul à le saluer, à le toucher, à l’embrasser avant qu’il ne parte. Comme vous le voyez, je n’ai de leçons à recevoir de personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Bays. L’homosexualité, ce n’est pas le sida !

M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, pour fait personnel.

M. Erwann Binet. Monsieur le président, je tiens à dire qu’aucun d’entre nous ne doit sa présence ici à ses capacités. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes tous ici par la volonté du peuple, à égale légitimité les uns et les autres.

À titre personnel, je veux vous dire, monsieur Jacob, que je n’ai jamais cherché à jauger, à deviner, à évaluer les compétences et les capacités de quoi que ce soit. J’estime que les propos que vous avez tenus sont insultants pour la représentation nationale et pour le travail de la commission sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Par ailleurs, je tiens à remercier les membres de votre groupe qui ont tenu à me soutenir.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)