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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 20 février 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Hommage au sergent-chef Harold Vormezeele

2. Questions au Gouvernement

Office national des forêts

M. Joël Giraud

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Accord compétitivité-emploi

M. Gaby Charroux

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Prise d’otages au Cameroun

M. André Schneider

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Intervention au Mali

M. Philippe Baumel

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Réforme du mode d’élection des assemblées locales

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Aide au développement du Mali

M. François de Rugy

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement

Politique européenne de la France

M. Jean Leonetti

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Comité interministériel de la jeunesse

M. Pascal Deguilhem

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative

Dotations aux collectivités Locales

M. François Sauvadet

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Dotations aux collectivités locales

M. Jacques Pélissard

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Droit de garde des pères

Mme Sonia Lagarde

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Prévention de la récidive

M. Bernard Gérard

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Banque publique d’investissement

Mme Clotilde Valter

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Utilisation des éthylotests

M. Élie Aboud

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Contrats d’avenir dans l’éducation nationale

Mme Chantal Guittet

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Suspension et reprise de la séance

3. Déclaration du Gouvernement sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 de l’Union européenne et débat sur cette déclaration

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères

Présidence de M. Marc Le Fur

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes

M. Pierre Lequiller

M. Jean-Louis Borloo

M. François de Rugy

M. Paul Giacobbi

M. François Asensi

Suspension et reprise de la séance

M. Christophe Caresche

M. Damien Abad

Mme Estelle Grelier

Mme Marion Maréchal-Le Pen

M. Jacques Myard

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Rappels au règlement

M. Guy Geoffroy

M. François Loncle

M. François de Rugy

4. Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modification du calendrier électoral

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion des articles (suite)

Article 2 (suite)

Amendements nos 527, 847, 32, 496, 497, 849, 639, 166

Rappel au règlement

M. François de Rugy

M. le président

Article 2 (suite)

Amendements nos 38, 168, 848, 38, 168, 848

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Amendement no 493

Rappel au règlement

M. François Sauvadet

Article 2 (suite)

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage au sergent-chef Harold Vormezeele

M. le président. Avant d’ouvrir la séance de questions au Gouvernement, je tiens, au nom de la représentation nationale, à rendre hommage au sergent-chef Harold Vormezeele, deuxième soldat français tué au Mali.

J’adresse, en votre nom à tous, à sa famille et à ses proches toutes nos condoléances. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Office national des forêts

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et a trait à l’Office national des forêts.

Depuis plusieurs années, notamment avec l’application dogmatique de la RGPP, l’ONF a vu le nombre de ses agents diminuer très fortement. Il a perdu plus du tiers de ses effectifs en vingt-cinq ans. Nous avons tous encore en mémoire la vague de suicides de l’été 2011, qui nous a alertés sur la profondeur du malaise social au sein de l’ONF, traversé par de vives inquiétudes quant à son avenir. Ce malaise est alimenté par les différentes annonces contenues dans le plan 2012-2016 signé entre l’État et l’ONF, qui ne tient pas compte des enjeux locaux et de l’importance de la filière bois-énergie et de la filière bois-construction sur nos territoires, ni de la transition énergétique. Un exemple : alors qu’au niveau national, on annonce une diminution des effectifs de 7,5 % sur cinq ans, un département comme les Hautes-Alpes, où les enjeux sont considérables en la matière, est pénalisé deux fois plus que la moyenne, avec une diminution de 15,9 % des effectifs.

D’autre part, les communes forestières qui ont été sommées de co-signer ce contrat sous la menace de la privatisation de l’ONF continuent de verser un pourcentage de leur chiffre d’affaires issu de l’exploitation, ce qui est logique, mais doivent en plus verser une taxe de 2 euros par hectare de forêts, une nouvelle taxe basée sur la superficie et pas sur le rendement. Elle est fortement pénalisante pour les communes dont une grande partie de la forêt n’est ni exploitée ni exploitable, ce qui représente jusqu’à 80 % des forêts de certains massifs.

La nouvelle contrainte budgétaire, loin d’être symbolique, va ralentir les investissements que les communes doivent faire pour soutenir les filières d’avenir que sont le bois-construction et le bois-énergie car les sommes allouées à l’État ne seront plus investies localement. Certaines communes en arrivent même à souhaiter soustraire leurs forêts au régime forestier, alors que celui-ci apporte un statut protecteur aux forêts, qui sont notre bien commun.

Monsieur le ministre, seules de véritables Assises nationales de la forêt peuvent refonder les bases même de l’ONF et lui assurer un mode de financement durable et, par là même, les moyens d’accomplir ses missions d’intérêt général.

Ma question sera double : comptez-vous demander à l’ONF d’adapter plus efficacement ses moyens aux territoires à enjeux ? Trouvez-vous juste que les communes disposant de forêts improductives classées à caractère environnemental ou de protection financent majoritairement le plan de retour à l’équilibre de l’ONF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP, sur de nombreux bancs des groupes écologiste et UDI, et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, vous avez évoqué la situation de l’ONF, et plus globalement celle de la forêt française. Nous avons en superficie la troisième forêt d’Europe, et des difficultés au niveau de l’équilibre économique, s’agissant en particulier de l’ONF qui vit en partie, vous le savez, de la vente du bois. Le marché du bois est aujourd’hui en difficulté.

Tout le travail engagé au travers des Assises de la forêt vise à retrouver des débouchés au bois français, à redresser ainsi ce marché, de sorte que l’ONF, un office ancien, réputé, qu’il faut préserver, puisse trouver des financements lui permettant d’atteindre l’équilibre budgétaire.

Vous avez évoqué la question des taxes payées par les communes, que ce soit sur la forêt productive ou sur la forêt non productive. L’espace forestier est en fait un espace entier, il faut le traiter de manière globale. Le travail engagé aujourd’hui, non seulement avec l’ONF mais aussi avec l’ensemble des acteurs, y compris les communes forestières, doit permettre de déboucher sur cet objectif : faire de notre forêt un enjeu de biodiversité, un enjeu écologique, mais aussi et surtout un enjeu économique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Accord compétitivité-emploi

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Cette question s’adresse à M. le ministre du travail et de l’emploi.

M. Yves Albarello. Et du chômage !

M. Gaby Charroux. L’accord national interprofessionnel dit de sécurisation de l’emploi, devenu sous la pression du MEDEF l’accord pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité, a été signé le 11 janvier 2013 entre les organisations patronales et trois syndicats représentant 38 % des salariés.

Force est de constater que cet accord est bien loin des intentions affichées lors de la conférence sociale du mois de juillet : la lutte contre la précarité semble se résumer à une faible taxation des CDD ; le texte n’octroie aucun droit nouveau et réduit même ceux existants en entérinant une large liberté de licenciement.

Ce texte répond en réalité aux exigences du traité budgétaire européen qui impose une baisse de ce que vous appelez le coût du travail et toujours plus de flexibilité. Le pacte de compétitivité qui sert le premier objectif, la transposition de l’accord, devrait satisfaire le second.

Je veux le dire clairement : ce n’est pas la bonne voie.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Gaby Charroux. Chaque jour, 1 500 nouveaux salariés franchissent les portes de Pôle emploi. Depuis quatre ans, 1 087 sites industriels ont fermé leurs portes. Comment pourrait-on croire que les licenciements d’aujourd’hui feront les emplois de demain ?

Monsieur le ministre, le Gouvernement doit prendre en compte les attentes des salariés en matière de sécurisation des parcours professionnels, de formation ou de droits nouveaux par la représentation des salariés au sein des conseils d’administration des entreprises.

Au moment où il faudrait interdire les licenciements boursiers, envisagez-vous de revoir en profondeur cet accord signé uniquement par des organisations minoritaires représentant à peine plus d’un salarié sur trois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, nous débattrons ici dans quelques semaines non pas d’un accord mais d’un projet de loi que j’aurai le plaisir de défendre devant vous au nom du Gouvernement et d’expliquer point par point.

Loin de répondre à cette sorte d’impératif qui nous serait venu « de l’extérieur » – je ne sais d’où –, que vous décrivez, il répond au problème français et en particulier à celui des salariés de ce pays.

Nous sommes dans une situation qui ne nous satisfait ni vous ni moi. La précarité a explosé au cours des dernières années : le nombre des contrats courts de moins d’un mois a progressé de 120 %. Est-ce satisfaisant ? Non, et c’est pourquoi nous vous proposerons des mesures pour lutter contre cette précarité au travail.

Le droit à la formation auquel vous faisiez allusion existe-t-il aujourd’hui ? Non, et c’est pourquoi nous allons proposer la mise en place d’un contrat personnalisé de formation qui sera attaché au salarié et qui lui permettra de se former à tout moment de sa vie. Je pourrais prendre beaucoup d’autres exemples.

Sur le front des licenciements, la situation actuelle, celle dont nous héritons (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), est-elle favorable ? Non, vous en êtes d’accord avec moi. Nous allons mettre en place des dispositifs qui, au lieu de privilégier les licenciements comme actuellement, proposeront d’autres modalités : chômage partiel ou formation dans l’entreprise par exemple. Êtes-vous en désaccord avec cet objectif ? Non et nous pourrons le poursuivre ensemble.

Même en cas de licenciements, quand les entreprises seront obligées d’y recourir, avec des accords majoritaires et le retour de l’État comme garant des propositions, c’est l’intérêt général des salariés que nous pourrons, je l’espère avec vous, protéger. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Prise d’otages au Cameroun

M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. André Schneider. Monsieur le Premier ministre, hier matin, sept de nos compatriotes d’une même famille, trois adultes et quatre enfants âgés de cinq à douze ans, ont été enlevés près du parc de Waza dans le nord du Cameroun.

Il s’agit là, à double titre, d’une horrible première.

C’est en effet la première fois que des enfants sont pris en otage. L’horreur de cet acte dépasse notre entendement. Il s’agit là, je le répète, d’une première dramatique.

C’est aussi la première fois que l’on enlève des Français au Cameroun. Les preneurs d’otage, au nombre de six, feraient partie du groupe terroriste Ansaru, lié à la secte extrémiste de Boko Haram. Ils ont conduit leurs victimes en territoire nigérian.

Selon les informations qui circulent, les enfants auraient été séparés des adultes. Espérons que cette séparation signifie qu’il s’agit des prémices de leur éventuelle libération, sinon… Les quelque 6 000 ressortissants français vivant dans ce pays ami sont dans un désarroi complet car la famille enlevée est très appréciée par la communauté française.

Monsieur le Premier ministre, cet enlèvement porte à quinze le nombre d’otages français à l’étranger, tous en Afrique. Au moins six d’entre eux sont détenus par AQMI au Sahel. Selon Intel center media list, la France est le pays occidental qui a le plus de ressortissants pris en otage dans le monde, suivi des États-Unis.

Monsieur le Premier ministre, nous ne pouvons pas accepter que des Français servent de monnaie d’échange à des groupes terroristes. Tous les enlèvements sont intolérables, mais enlever des enfants c’est le comble de l’horreur, un acte barbare. Toute la représentation nationale est sous le choc de ce terrible drame. Il en est de même pour tous nos concitoyens.

Aussi, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous éclairer sur l’action que la France mène déjà et entend mener pour sauver nos compatriotes pris en otage ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, UDI, RRDP et de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur Schneider, je pense que l’émotion que vous venez d’exprimer, chacun des membres de la représentation nationale la partage. Je vous remercie d’avoir posé cette question et de la manière dont vous l’avez fait.

Hier, effectivement, sept membres d’une même famille dont quatre enfants, le plus petit ayant cinq ans, ont été enlevés à la frontière entre le Cameroun et le Nigeria. Même s’il faut être prudent et vérifier chaque chose, tout indique qu’ils ont été emmenés vers le Nigeria et que les auteurs de l’enlèvement appartiendraient à la secte à laquelle vous avez fait allusion.

Cette prise d’otage s’ajoutant aux précédentes, la France est malheureusement l’un des pays sinon le pays le plus touché. Que faut-il faire ? Évidemment prendre des dispositions préventives partout, dans tous ces pays d’Afrique. Des consignes ont été données aux entreprises et aux administrations afin d’éviter les risques mais il n’est pas possible de les éliminer totalement.

Nous avons bien sûr pris immédiatement contact avec le Cameroun et le Nigeria et des mesures ont été prises, que je ne détaillerai pas ici pour des raisons évidentes.

Mais la question posée est celle-ci : à l’est, à l’ouest et désormais au centre de l’Afrique, des groupes terroristes, qui sont d’ailleurs souvent liés entre eux, prennent des otages. Que devons-nous faire, nous Français mais aussi l’ensemble de la communauté internationale ? Mesdames et messieurs les députés, il faut faire le maximum pour libérer nos otages mais rien ne serait pire que de céder. Il faut que tous les pays qui, comme nous, croient à la liberté, se réunissent pour lutter contre ces groupes terroristes.

Ce qui se joue au Mali, où nous sommes engagés, est important pour toute l’Afrique parce que c’est là en particulier que nous montrerons que nous ne céderons pas aux groupes terroristes. Quand j’entends votre question, monsieur Schneider, quand je perçois la réaction de tous vos collègues, j’espère et je sais que la représentation nationale française est unie dans la lutte implacable contre les groupes terroristes. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Intervention au Mali

M. le président. La parole est à M. Philippe Baumel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Baumel. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de la défense.

Monsieur le ministre, hier matin, au nord du Mali, dans le massif de l'Adrar des Ifoghas, le légionnaire Harold Vormezeele, sous-officier du deuxième régiment étranger de parachutistes de Calvi, a perdu la vie au cours d'un accrochage particulièrement violent avec des groupes terroristes.

Vous avez, monsieur le président, salué la mémoire de ce soldat tombé au combat.

Je veux aussi saluer, avec vous, l'engagement des 4 000 militaires français qui, aux côtés des forces armées maliennes et des contingents africains, risquent chaque jour leur vie pour éradiquer les dernières poches de terroristes et restaurer l'intégrité territoriale du Mali tout autant que l'état de droit.

Depuis le 11 janvier, 1'opération Serval constitue la réponse attendue face à l'agression terroriste qui menaçait l'ensemble des pays du Sahel et, indirectement, l'Europe. Elle a déjà permis de libérer les principales villes maliennes et les quatre cinquièmes du territoire malien.

Cette intervention fait plus que jamais consensus. En attestent les déclarations, hier, du ministre des affaires étrangères allemand. Je le cite : « L'Allemagne apportera son aide maintenant pour que le succès français se maintienne dans la durée. »

Aujourd'hui, à l'heure où l’opération Panthère dans le Nord Mali est engagée pour arrêter les derniers chefs ou groupes terroristes retranchés dans le massif des Ifoghas, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous informer sur l'opération en cours ?

Par ailleurs, le Président de la République a clairement indiqué que nous entrions dans la dernière phase de l'opération Serval. Pouvez-vous nous préciser dans quel délai les effectifs des forces africaines de la Mission internationale de soutien au Mali, la MISMA, pourront utilement prendre le relais des forces armées françaises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, je veux à mon tour rendre hommage au sergent-chef Vormezeele. Il a été tué hier, lors d’un accrochage violent avec des forces terroristes. Il avait trente-trois ans. C’était un grand professionnel, un grand soldat. Un hommage solennel lui sera rendu lundi. Dans les accrochages qui ont eu lieu, vingt-cinq terroristes ont trouvé la mort.

Vous m’avez interrogé sur l’évolution de la situation. Je veux rappeler à la représentation nationale que les trois objectifs de l’opération Serval restent les mêmes : premièrement, stopper l’offensive djihadiste et lui porter les coups les plus sévères possibles, et c’est ce qui se passe ; deuxièmement, restaurer le Mali dans sa souveraineté et dans son intégrité : troisièmement, établir les conditions pour le déploiement de la force africaine en relais de notre présence.

Grâce au professionnalisme de nos armées, nous avons pu aboutir à la reprise et à la libération de la quasi-totalité du Mali. Reste la partie la plus difficile, celle que vous avez évoquée, l'Adrar des Ifoghas, qui représente un peu plus du quart de la France : cela ne peut donc pas se prendre en trois jours. Il s’agit d’un réduit djihadiste. Nous savions que pour parvenir à la libération complète du territoire, il fallait s’attaquer à ce réduit, à cette portion difficile du territoire malien. Nos forces y sont engagées avec beaucoup de détermination, et nous pourrons aboutir rapidement, je l’espère, à la libération totale du Mali. Je remercie la représentation nationale pour son soutien unanime à nos forces armées, qui font preuve de beaucoup de détermination et de courage (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.).

Réforme du mode d’élection des assemblées locales

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Olivier Marleix. Monsieur le Premier ministre, hier soir s'est produit dans notre assemblée un grave incident de séance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) lors de la discussion sur le projet de loi relatif aux élections locales.

En effet, si le président de la commission des lois n'avait pas fait suspendre la séance, l'Assemblée nationale, faute de députés de la majorité en séance, aurait rejeté à son tour votre conseiller départemental binominal, comme le Sénat l'a fait, dans sa sagesse, au mois de janvier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

De toute évidence, monsieur le Premier ministre, le groupe majoritaire a du mal à se mobiliser sur ce texte, qui crée un malaise jusque dans vos rangs.

M. Bruno Le Roux et M. Philippe Martin. Vous rêvez !

M. Olivier Marleix. Ce texte crée un malaise parce que vous ne savez vous intéresser aux collectivités locales que pour en bidouiller les règles électorales (« Magouilleurs ! » sur les bancs du groupe UMP),...

M. Philippe Martin. Pas vous ! Quel ministre était spécialiste des ciseaux ?

M. Olivier Marleix. …alors que, dans le même temps, vous les plongez dans une situation financière inextricable en réduisant leurs dotations de 4,5 milliards d’euros. Du jamais vu dans notre histoire !

Ce texte crée un malaise car il modifie le calendrier électoral sans aucun motif d'intérêt général, à seule fin de donner au PS une chance de garder la majorité au Sénat.

Ce texte crée un malaise parce qu'il annonce le limogeage de 3 000 conseillers généraux ruraux dans notre pays. Ils doivent le savoir ! Ce sont des élus proches du terrain, dévoués, peu politisés, trop peu, sans doute, à votre goût.

Ce texte crée un malaise car il exprime votre mépris profond de la France des cantons, qui a le malheur de ne pas être assez moderne à vos yeux. Une France d'agriculteurs, d'artisans, d'ouvriers, de chasseurs, qui ne partagent pas vos valeurs sur le travail, la famille, ou l'immigration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Alors, vous voulez les supprimer en tentant de faire croire que vous y êtes obligés. C'est faux. Assumez au moins vos choix !

Un malaise, enfin, monsieur le Premier ministre, car, une fois de plus, ce texte n'a aucun rapport avec les vraies urgences des Français, qui sont le chômage, le prix de l'essence, de l'électricité ou l'explosion des cambriolages, dont le ministre de l'intérieur ferait mieux de s'occuper plutôt que de passer ses nuits à faire cuire sa petite soupe, sur son petit réchaud de la place Beauvau.

Entendez le malaise de…

M. le président. La parole est à M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur Marleix, ne prenez pas vos désirs pour des réalités. La majorité est soudée autour du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) sur un projet de loi qui abroge d’abord le conseiller territorial, qui mettait en cause l’avenir de la région et celui du département. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ce projet de loi permet le report des élections régionales et cantonales en 2015. Il va aussi approfondir la démocratie au niveau de l’intercommunalité. Parce que nous considérions comme inacceptable qu’il puisse y avoir des écarts de 1 à 47, parce que nous considérions comme inacceptable qu’il n’y ait que 13,5 % de femmes dans les conseils généraux (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), nous avons proposé ce scrutin binomial qui permet à la fois la proximité avec les électeurs…

M. Alain Marty. C’est faux !

M. Manuel Valls, ministre. …et l’instauration de la parité. Vous êtes contre la parité. Assumez-le ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La majorité y est favorable et elle la met en œuvre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur Marleix, j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, je n’accepte pas que vous opposiez, comme vous l’avez fait, vous et vos amis, pendant dix ans, les Français entre eux, et maintenant la France des villes et la France des campagnes (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous n’avez pas le droit de marquer cette opposition.

Comment pouvez-vous donner des leçons à notre majorité, à Frédérique Massat, à Carole Delga, à Marie-Lou Marcel ou à Alain Calmette, qui sont des élus de cette ruralité et qui la représentent aussi bien que vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Quand Stéphane Le Foll défend la ruralité, défend les campagnes au niveau européen et montre que la France a un message à porter en la matière, il le fait mieux que vous. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Alors, monsieur Marleix, nous irons jusqu’au bout, avec le soutien de la majorité, pour instaurer un nouveau mode de scrutin, plus démocratique, plus représentatif et qui assure la parité (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aide au développement du Mali

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le président, chers collègues, avant d’interroger le Gouvernement sur le Mali, je souhaite exprimer la profonde solidarité des députés écologistes à la famille des otages enlevés au Cameroun ainsi qu’à la famille du soldat français tombé hier matin dans le massif de l’Adrar.

Ma question s’adresse au ministre chargé du développement.

Monsieur le ministre, depuis six semaines maintenant, les forces armées françaises sont engagées dans une intervention au Mali. Après avoir repris les villes du nord, elles sont entrées dans une seconde phase de ce conflit, moins intense mais tout aussi essentielle pour gagner la paix. Comme nous l’avions expliqué lorsque nous avions apporté notre soutien à l’opération Serval, ce second temps de l’intervention est également celui de la reprise de la coopération et de l’aide au développement. À la suite de l’adoption par les autorités maliennes d’une feuille de route pour la stabilité, qui prévoit notamment la tenue d’élections au mois de juillet prochain, l’Union européenne a annoncé la reprise de sa coopération avec le Mali à hauteur de 250 millions d’euros. Dans ce cadre, vous avez confirmé hier que la France débloquerait une enveloppe de 150 millions d’euros, enveloppe gelée depuis le coup d’état du 22 mars 2012.

Comment comptez-vous garantir une équitable répartition territoriale de cette aide, alors que les difficultés de développement spécifiques au Nord-Mali ont été l’une des causes de l’affaiblissement, pour ne pas dire de l’effondrement, de l’État malien ? Alors que vous revenez d’un déplacement de deux jours au Mali, pourriez-vous nous éclairer, monsieur le ministre, sur les priorités de cette aide au développement et sur les relais sur place pour la reprise de la coopération ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du développement.

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement. Monsieur le député François de Rugy, vous venez de le dire, j’étais au Mali lundi et mardi. Laissez-moi vous donner quelques exemples qui illustrent la situation sur place.

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô ? Allô ?

M. Pascal Canfin, ministre délégué. Un peu de tenue, mesdames et messieurs de l’opposition, et même un peu de retenue ! (Très vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La situation sur place est la suivante. Il y a aujourd’hui trente minutes d’eau et d’électricité par jour à Kidal, trois heures d’électricité à Tombouctou. Les banques où était placée l’épargne des habitants ont été pillées par les groupes terroristes. Tout est donc à refaire.

Dans ce contexte, quelles sont les initiatives prises par la France ?

La première, c’est de relancer l’aide publique au développement qui avait été gelée. Ce sont les 150 millions d’euros dont vous venez de parler.

La deuxième, c’est d’organiser à Bruxelles, avec l’Union européenne, une grande conférence internationale des donateurs pour mobiliser la communauté internationale au service du développement du Mali.

La troisième, c’est de mobiliser l’ensemble des collectivités locales qui ont des partenariats, qui font de la coopération décentralisée avec le Mali. Beaucoup d’entre vous, mesdames et messieurs les députés, sont concernés en tant qu’acteurs en circonscription. Cent villes françaises sont concernées. Avec Laurent Fabius, nous les réunirons le 19 mars prochain, à Lyon.

La quatrième, c’est de travailler avec les diasporas. Il y a plus de 100 000 franco-maliens installés sur notre territoire. Nous voulons qu’ils puissent contribuer, eux aussi, au développement du Mali.

Monsieur le député, la France a été au rendez-vous, Jean-Yves Le Drian le rappelait à l’instant, pour aider le Mali à retrouver l’intégrité de son territoire. Elle sera aussi au rendez-vous du développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Politique européenne de la France

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Leonetti. Puisque M. le ministre vient de nous y inviter, je vais essayer de poser ma question avec tenue, mais j’espère aussi qu’il fera preuve de tenue vis-à-vis de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Dans quelques instants, nous aurons un débat sur le cadre financier européen. Force est de constater que le Gouvernement a accumulé les reniements sur le plan européen.

Le premier, c’est que vous avez signé après l’avoir critiqué le traité européen négocié par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Vous avez signé un texte qui est le même à la virgule près, au mot près, à la phrase près.

Le deuxième, peut-être plus important, porte sur le pacte de croissance que vous annonciez en compensation. À l’époque, nous disions, pour notre part, qu’il faut, en Europe, dépenser moins et mieux, tandis que vous disiez, comme d’habitude, qu’il faut dépenser plus. Eh bien, vous avez accepté un budget en baisse, et donc renoncé à votre pacte de croissance pour la relance.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Jean Leonetti. Le troisième reniement est peut-être le plus grave. Vous avez choisi de séparer la France de l’Allemagne, et vous avez trouvé de nouveaux alliés : l’Italie, l’Espagne.

M. Michel Herbillon. La Grèce ?

M. Jean Leonetti. Vous pensiez isoler ainsi l’Allemagne ; en fait, vous avez isolé la France.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Jean Leonetti. Nous l’avons constaté : Angela Merkel a finalement négocié avec Cameron le budget européen que vous avez finalement accepté.

Par cette politique de reniements et de renoncements successifs, vous avez fait en sorte que la France soit, en Europe, plus isolée que jamais. Vous aviez dit que vous changeriez l’Europe ; en fait, c’est l’Europe qui vous change, c’est l’Europe qui vous met face à la réalité d’une crise économique que vous avez niée encore jusqu’à très récemment.

Un député du groupe UMP. La réalité vous rattrape !

M. Jean Leonetti. Dans ce contexte, la Commission européenne vous dit exactement la même chose que la Cour des comptes en France : la relance se fait par la compétitivité, par l’innovation et pas par l’impôt. Vous aviez dit que vous relanceriez le rêve européen. Eh bien, essayez de faire en sorte que la France garde sa place en Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député Leonetti, je vous remercie pour votre question, qui me permet de faire le point sur les sujets que vous avez abordés.

Tout d’abord, si la relation franco-allemande s’était détériorée, nous n’aurions pas été capables de faire, avec l’Allemagne, à la suite d’une lettre adressée par le ministre Moscovici et son homologue allemand, la taxe sur les transactions financières en coopération renforcée. Vous n’aviez, vous, pas imaginé le faire avec l’Allemagne, puisque vous avez fait voter cette taxe ici, en catimini, en fin de législature, parce que vous pensiez qu’il n’était pas possible de le faire à l’échelle européenne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Si la relation avec l’Allemagne s’était dégradée, nous n’aurions pas été en situation de mettre sur le métier l’union bancaire, qui nous a permis de trouver avec l’Allemagne un excellent compromis sur la supervision bancaire, sur la garantie des dépôts, sur la résolution des crises bancaires, compromis qui, dans un contexte consensuel, a suscité l’élaboration de textes législatifs par l’Union européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

S’il y avait une dégradation de la relation franco-allemande, nous n’aurions pas été en situation d’avoir immédiatement le soutien de l’ensemble de la communauté européenne sur le Mali, (Mêmes mouvements) nous n’aurions pas été en situation d’obtenir le soutien de tous les pays de l’Union européenne pour l’adoption du cadre de légalité internationale, la résolution 2085. Vous, lorsque vous étiez au pouvoir, n’aviez même pas été capables d’obtenir le vote de l’Allemagne sur la résolution qui définissait le cadre international de notre engagement en Libye. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Voilà ce que vous appelez la dégradation de la relation franco-allemande !

Quant au pacte de croissance, monsieur Leonetti, ce sont près de 2,5 milliards d’euros qui sont aujourd’hui mobilisés au titre des fonds structurels que vous avez constamment rabotés en régions, mobilisés pour faire de la transition énergétique, pour faire de la numérisation du territoire, pour développer des transports propres. Le pacte de croissance, c’est 60 milliards d’euros de prêts supplémentaires de la Banque européenne d’investissement que vous n’aviez pas obtenus, et ce sont des project bonds qui permettent, dans de nombreuses régions, de financer des projets utiles.

Voilà le bilan qui est le nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Comité interministériel de la jeunesse

M. le président. La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pascal Deguilhem. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Régis Juanico, s’adresse à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

Demain aura lieu un comité interministériel de la jeunesse, présidé par le Premier ministre. C’est seulement le quatrième en trente ans. La jeunesse est la priorité du Président de la République.

M. Lucien Degauchy. Non, c’est le chômage !

M. Pascal Deguilhem. Il s’est engagé auprès des Français et des jeunes, pour qu’en 2017, les jeunes vivent mieux qu’en 2012. Cela suscite des attentes légitimes, tant la situation des jeunes est difficile, ce qui fragilise l’équilibre de notre société. Dans chaque foyer, dans chaque famille, partout dans notre pays, nos concitoyens partagent ce constat. Il est sans appel.

Après dix ans où aucune politique ambitieuse pour la jeunesse n’a été menée, et où celle-ci a parfois été stigmatisée par la précédente majorité, tous les voyants sont au rouge. Près d’un quart des jeunes actifs sont au chômage, 40 % dans les zones urbaines sensibles, et parfois plus de 50 % dans les outre-mer ; 1,8 million de jeunes de 15 à 29 ans sont sans emploi ni formation ; 140 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification. Quel gâchis !

Plus d’un million de jeunes de 18 à 24 ans vivent ou plutôt survivent sous le seuil de pauvreté. Le parcours vers l’autonomie des jeunes est devenu un véritable parcours d’obstacle. En matière de logement, de santé, d’insertion, la situation faite aux jeunes est la conséquence de dix ans de défiance, de clichés, d’empilement de dispositifs sans cohérence et souvent sans moyens.

Madame la ministre, nous ne redresserons pas notre pays sans la jeunesse. Elle est notre avenir. La jeunesse de notre pays a besoin qu’on lui fasse confiance. Elle a besoin qu’on l’accompagne vers l’âge adulte, en toute responsabilité et dans les meilleures conditions possibles.

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Pascal Deguilhem. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quelle stratégie a été retenue par le Gouvernement en matière de politique de jeunesse ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. Monsieur le député, vous venez de rappeler un triste constat : l’aggravation de la situation de la jeunesse, des jeunesses, de notre pays. Cette situation s’est effectivement aggravée tout au long de ces dernières années. Elle justifie pleinement la priorité fixée par le Président de la République en faveur de la jeunesse, et la mobilisation de l’ensemble du gouvernement de Jean-Marc Ayrault pour cette ambition nationale.

Des mesures ont déjà été prises en urgence en matière d’emploi, vous le savez. Les emplois d’avenir offrent aux jeunes qui n’ont pas de qualification une deuxième chance d’en acquérir une, avec un contrat dans la durée.

M. Lucien Degauchy. C’est faux !

Mme Valérie Fourneyron, ministre. Les contrats de génération, dans le secteur marchand, instaurent une solidarité entre les deux âges de la vie active. La garantie jeunes s’adresse à ceux qui sont le plus éloignés d’une activité professionnelle. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Il s’agit, enfin, de stopper la saignée effectuée par les précédents gouvernements en matière d’éducation nationale.

M. Lucien Degauchy. C’est du bla-bla !

Mme Valérie Fourneyron, ministre. Demain, le Premier ministre présidera le premier comité interministériel de la jeunesse. Il s’agit de mobiliser l’ensemble des membres du Gouvernement au service d’une politique globale, transversale, qui ne traite pas les jeunes par catégories mais soit dirigée vers l’ensemble de la jeunesse. (Exclamations persistantes sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Lucien Degauchy. C’est du bla-bla !

Mme Valérie Fourneyron, ministre. Il s’agit d’arrêter les dispositifs dérogatoires. Les jeunes n’attendent pas une assistance, mais la confiance. Ils attendent tout simplement de construire l’avenir de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Degauchy, je suis sûr que tout le monde a vu votre belle veste. Donc, pas la peine de crier. (Sourires.)

Dotations aux collectivités Locales

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. François Sauvadet. Monsieur le Premier ministre, comme chacun d’entre nous, je vous ai écouté hier avec beaucoup d’attention. Pour la première fois, vous avez reconnu que les perspectives de croissance de la France ne sont pas bonnes, et que depuis quelques mois – et aussi depuis que vous êtes au pouvoir –, elles se sont dégradées, de surcroît.

Vous avez parlé, hier, de deux leviers de croissance. Parmi ces deux leviers, vous avez mentionné l’investissement public des collectivités locales, qui représente à l’heure actuelle 70 % de l’investissement public en France. Franchement, monsieur le Premier ministre, comment pouvez-vous en appeler à l’investissement des collectivités locales, quand vous venez d’annoncer unilatéralement une baisse de 3 milliards d’euros des dotations ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.) C’est un coup de massue, monsieur le Premier ministre !

Mes amis de l’opposition et moi ne sommes pas les seuls à le dire, c’est le président du Comité des finances locales qui a parlé d’une baisse sans précédent dans l’histoire des collectivités locales. Il ajoute même que cela se traduira par une baisse considérable des investissements dès 2014.

Mme Claude Greff. Ils s’en moquent !

M. François Sauvadet. Ce n’est pas tout, monsieur le Premier ministre ! À cette baisse sans précédent des dotations, vous avez ajouté des charges sans précédent. Vous avez chargé la barque comme jamais ! Une augmentation de 10 % du RSA pour les cinq années à venir : qui va payer ? La réforme des rythmes scolaires, que même vos amis contestent : qui va payer ?

Eh bien, moi, monsieur le Premier ministre, j’ai la réponse, et l’ensemble des collectivités l’ont aussi : ce sont elles qui vont payer. Ce sont les conseils généraux, ce sont les intercommunalités, ce sont les mairies. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)

Moins de ressources, plus de dépenses, et tout cela sans la moindre concertation, sans le moindre dialogue ! Monsieur le Premier ministre, comment pourrons-nous, dans les territoires, investir dans les secteurs du numérique, des transports, du logement ? Et pendant ce temps-là, au Parlement, vous parlez mode de scrutin et découpage électoral.

M. Patrice Verchère. Charcutage électoral !

M. François Sauvadet. Monsieur le Premier ministre, il y a un seul mot qui manque, dans tout ce que vous avez dit. C’est le mot « confiance ». Vous ne gagnerez pas la bataille de la croissance sans y associer tous les acteurs des territoires !

M. Jean-François Lamour. Monsieur le Premier ministre s’en va ! (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Il fuit !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. (Tumulte et claquements de pupitres sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. François Sauvadet. Je pose une question au Premier ministre, et il quitte l’hémicycle ! Franchement, c’est une honte !

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues, un peu de calme ! Veuillez vous asseoir ! (Tumulte persistant sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. M. le Premier ministre n’a pas quitté l’Assemblée : il a laissé là ses affaires. Il s’est absenté pour un appel téléphonique urgent. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Tout à l’heure, M. Leonetti nous reprochait de ne pas vous écouter et de dépenser toujours plus au lieu de dépenser mieux. Monsieur Sauvadet, vous êtes en désaccord avec M. Leonetti puisque vous nous reprochez de dépenser mieux !

Les collectivités territoriales dépensent 244 milliards d’euros chaque année, ce qui représente 20 % de la dépense publique totale, si l’on considère le total des administrations et de la sécurité sociale. Nous leur demandons en effet de faire un effort, que vous avez chiffré à 3,5 milliards d’euros. Je vous rappelle, monsieur Sauvadet, que le programme électoral de l’ancienne majorité prévoyait une diminution de 10 milliards d’euros pour les collectivités territoriales. Mme Pécresse ne me démentira pas, elle qui disait qu’il fallait sans doute aller au-delà, notamment pour les intercommunalités.

Nous savons que cet effort est difficile. Mais nous savons aussi qu’il représente 1,25 % des dépenses de nos collectivités territoriales. Dans le même temps, M. le Premier ministre a annoncé un apport de 20 milliards d’euros en emprunts de longue durée. Vous savez, monsieur Sauvadet, que nous n’avions aucune ligne de crédit pour financer ces dossiers d’investissements de longue durée. Apporter 20 milliards d’euros, sur une durée de 25 à 30 ans, à des taux d’intérêts bas, c’est permettre à nos collectivités territoriales de réaliser les investissements les plus lourds.

Dans…

M. le président. Merci, madame la ministre.

Dotations aux collectivités locales

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Pélissard. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

La semaine dernière, lors de la réunion du Comité des finances locales, a été évoquée une nouvelle baisse des dotations aux collectivités locales. Le cumul de ces diminutions, cher François Sauvadet, ne s’élève pas à 3 milliards, mais à 4, 5 milliards d’euros à l’horizon 2015. C’est près de 10 % de l’enveloppe normée de 2013 ! C’est un coup de massue sans précédent sur les finances locales, et ce alors que nos charges augmentent : augmentation du taux des cotisations retraite des agents ; augmentation des taux de TVA qui va impacter la gestion des déchets et des transports ; réforme des rythmes scolaires avec un coût évalué à 600 millions d’euros, alors que le fond d’amorçage n’est que de 250 millions.

Le président du Comité des finances locales a chiffré l’ensemble des coûts nouveaux imposés aux collectivités à 2 milliards par an. Si la diminution des dotations est confirmée, les collectivités seront condamnées à réduire les services à la population, les subventions aux associations et les investissements. Or, et vous le savez, les collectivités territoriales assurent 71 % des investissements du bloc civil et 45 % du chiffre d’affaires du secteur des travaux publics. Moins d’investissements, c’est moins d’activité économique et moins d’emplois sur nos territoires.

Les collectivités ont mutualisé leurs services, stabilisé leurs effectifs depuis 2009, subi le gel de leurs dotations depuis 2011. Elles sont conscientes de la nécessité impérieuse de rétablir les comptes de l’État. Mais faisons-le ensemble et ayons un vrai dialogue sur les dotations et sur les charges induites par les politiques de l’État.

Je vous demande donc de suspendre cette décision non concertée.

M. le président. Merci.

La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Quels sont les faits, monsieur le président Pélissard ? En 2013, vous le savez, les dotations aux collectivités sont soumises à la norme « zéro valeur ». Elles ne diminuent pas et sont stabilisées à l’euro près, alors même que, cette année, l’État consent, pour sa part, un effort de 10 milliards d’euros. Mais il est vrai qu’en loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, le Parlement, à la demande du Gouvernement, a adopté une disposition aux termes de laquelle les collectivités locales doivent consentir un effort de 750 millions d’euros en 2014 et, à nouveau, un effort de 750 millions d’euros en 2015. Il paraît légitime de leur demander cet effort, tant il est vrai que, pour parvenir à l’annulation de notre déficit public, l’État, par ses seuls moyens, n’y parviendra pas. Il pourrait au moins y avoir consensus sur ce constat, si j’en juge par des politiques qui ont pu être menées sous l’autorité de l’ancien Premier ministre François Fillon que je salue.

Il est également vrai que, lors de la réunion du dernier comité des finances locales, le Gouvernement, représenté par Mme Lebranchu, Mme Escoffier et moi-même, a demandé un effort supplémentaire qui double celui que je vous ai indiqué, afin de pouvoir financer le crédit d’impôt compétitivité emploi, tant il est vrai que l’investissement et l’emploi suscités par cette disposition profiteront, aussi, et c’est une évidence, aux territoires et aux collectivités.

Telle est la politique du Gouvernement qui, vous le constaterez, est beaucoup plus prudente à l’égard des collectivités que ce que certains s’apprêtaient à faire. En effet, puis-je vous rappeler, cher président Pélissard, que vous avez soutenu un candidat à l’élection présidentielle qui se proposait, lui, de demander un effort de 10 milliards d’euros aux collectivités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP) sans que je vous ai entendu protester et argumenter, comme vous venez de le faire, à l’encontre des mesures gouvernementales !

J’ajouterai, si vous me le permettez, une dernière remarque. L’opposition a souvent l’habitude de demander au Gouvernement qu’il fasse des économies. Peut-être pourriez-vous, quand nous en faisons, reconnaître qu’elles existent et ne pas, chaque fois, les contester pour en chercher ailleurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Droit de garde des pères

M. le président. La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

Mme Sonia Lagarde. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux

Au cours des dernières semaines, il a souvent été question, dans cet hémicycle, de famille, de pères, de mères et de droits de l’enfant. Si les conséquences de diverse nature qui pourraient affecter des enfants élevés par un couple homosexuel ont été largement débattues, il n’a jamais été question de la souffrance qui frappe les familles hétérosexuelles lorsque, à l’heure d’une séparation, les parents se déchirent pour faire de la garde de leurs enfants un objet d’affrontement.

Les faits sont là pour nous rappeler la dure réalité et l’étendue du désespoir de certains pères, lorsqu’ils se trouvent privés de leurs droits parentaux sur décision judiciaire. Au-delà des remous médiatiques de ces derniers jours, c’est une vraie question qui nous est posée : avec plus d’un mariage sur deux qui s’achève par un divorce, ils seraient aujourd’hui plus d’un million de pères à demander justice. Oui, justice, car ils ont un rôle et une responsabilité à tenir dans l’éducation de leurs enfants quelles que soient les raisons qui ont amené un couple à se séparer. Mais justice aussi pour les enfants eux-mêmes, qui ne sauraient être privés du droit de grandir avec chacun de leurs parents. Justice et égalité, enfin, avec la mise en application effective de la garde alternée.

Dans cet hémicycle, je défends et défendrai toujours les droits des femmes. Cependant, certaines situations de détresse doivent nous interpeller en conscience et appellent à surmonter toute forme de parti pris pour aller à l’essentiel : le respect des droits de chacun.

Madame la garde des sceaux, vous avez reçu, avant-hier, les associations qui portent ce combat. Aussi, ma question est simple : comment la République entend-elle répondre au désespoir de ces pères que l’on prive de leurs droits ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, Sonia Lagarde, effectivement à la demande du Premier ministre, Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, et moi-même avons reçu, il y a deux jours, quatre associations de pères. Le Premier ministre a souhaité que nous réaffirmions la ligne du Gouvernement qui consiste à dire qu’avec les réformes des années soixante et 70, puis des années quatre-vingt-dix et 2000 et jusqu’à 2005, notre droit a progressé afin d’assurer l’égalité au sein du couple et, surtout, pour permettre l’intervention du juge chargé, d’une part, de protéger la ou le plus vulnérable au sein du couple et, d’autre part, de préserver l’intérêt des enfants.

Concernant la garde des enfants jusqu’à deux ans, voire onze ans, la garde est confiée à la maman dans 78, 5 % des cas. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce chiffre est à prendre avec précaution, parce qu’il date de 2003. L’actualisation interviendra en avril 2013, donc prochainement. Je veillerai à vous la communiquer. Il convient, cependant, de noter que, dans 79 % des cas, c’est la maman qui demande la garde des enfants.

En cas de divorce, la garde alternée est prononcée dans 12 % des cas, et dans 16 %, s’il s’agit d’un divorce consensuel. En effet, l’entente entre les parents est l’une des conditions de la garde alternée.

S’agissant de l’exercice consensuel de l’autorité parentale, le juge intervient déjà. Le code civil prévoit, dans son article 373-2-10 que le juge propose une mesure de médiation aux parents de façon à ce qu’ils s’entendent.

Je vous rappelle, enfin, qu’en matière de contentieux familial, une expérimentation est lancée dans deux juridictions : celles d’Arras et de Bordeaux. Nous vous ferons connaître son évaluation en fin d’année. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Prévention de la récidive

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Gérard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Cet après-midi, sont remises les conclusions de la conférence dite de consensus pour prévenir la récidive. Ces conclusions vont à rebours des missions de votre ministère. Là où vous feignez de plaider pour l’autorité de l’État, monsieur le ministre, la ministre de la justice entend détricoter l’arsenal pénal et généraliser les peines alternatives. Là où vous feignez de rompre avec l’angélisme de la gauche en matière pénale, la ministre de la justice veut faire de la prison l’exception.

À l’heure où les atteintes aux personnes ne cessent d’augmenter, où les chiffres montrent que le nombre de cambriolages explose, notamment à Paris, comment accepter un tel laxisme, qui va affaiblir notre chaîne pénale et l’efficacité de la répression ?

La police, qui n’a pas même pas été auditionnée, a fait part de son scepticisme vis-à-vis des pistes avancées par la place Vendôme. « Ce qui dissuade la récidive, c’est la certitude que l’on sera pris, jugé, et que la peine sera appliquée », dit l’un de ses représentants.

La rapidité et l’efficacité de la réponse pénale, c’est le rôle de la justice, comme l’exemplarité de la peine. Dans son prochain texte, la ministre de la justice s’apprête à défaire tout ce qui s’est fait par le passé avec la suppression des peines planchers, la suppression de la rétention de sûreté, la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, mais aussi la fin de la construction de places de prison.

Mme la ministre de la justice veut aussi rendre automatique la libération conditionnelle aux deux tiers de la peine. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ? Cette politique est très inquiétante et ignore les victimes.

M. Patrice Verchère. Priorité aux délinquants !

M. Bernard Gérard. Comment ne pas faire référence ici à l’assassinat dans ma commune, en 2010, de Natacha Mougel par un récidiviste en liberté conditionnelle ?

M. Marcel Rogemont. Qui était ministre ?

M. Bernard Gérard. Arrêté rapidement après les faits, l’auteur du crime n’est toujours pas jugé. C’est un message de laxisme inacceptable vis-à-vis des victimes, vis-à-vis des Français et vis-à-vis des forces de l’ordre, dont les missions ne sont pas respectées. Qu’en pensez-vous, qu’avez-vous à nous dire, monsieur le ministre de l’intérieur ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, j’aurais été portée à croire que vous êtes soucieux de la sécurité des Français…

M. Philippe Goujon. Pas vous en tout cas !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et que vous auriez donc été plus intéressé par des mesures efficaces que par des querelles partisanes.

J’étais portée à le croire pour des raisons objectives, qui sont liées à vos résultats.

M. Philippe Goujon. Parlons des vôtres !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Après deux quinquennats de politique pénale frénétique, de pilotage aux faits divers et de mise en cause des magistrats et des conseillers d’insertion et de probation (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), vous nous avez laissé des prisons en surpopulation carcérale, des établissements vétustes, avec des conditions de détention indignes conduisant régulièrement à la condamnation de la France, des conditions de travail exécrables pour les personnels pénitentiaires et les personnels médicaux.

M. Philippe Goujon. Vous voulez vider les prisons ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a aussi 80 % de sorties sèches, c’est-à-dire une aggravation des risques de récidive, et, surtout, une plus faible indemnisation des victimes.

Qu’avez-vous fait pour les victimes ? Vous avez mis cinq ans à créer cinq bureaux d’aide aux victimes. En cette seule année 2013, nous allons en ouvrir cent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez vécu à crédit sur le dos des associations de victimes. Nous avons dégagé 10 millions d’euros de façon à résorber 40 % des reports de charges que vous aviez pris l’habitude d’effectuer sur leur dos.

Concernant cette conférence de consensus, il vous a manifestement échappé qu’aussi bien le comité d’organisation que le jury comprenaient des personnalités de sensibilités diverses, y compris des maires UMP, des sénateurs UMP, d’anciens députés UMP et d’autres hautes personnalités. Commissaires divisionnaires, colonels de gendarmerie y ont participé. En voulant me discréditer, vous disqualifiez en fait leur travail, comme vous avez passé cinq ans à disqualifier le travail des magistrats. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Banque publique d’investissement

M. le président. La parole est à Mme Clotilde Valter, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Clotilde Valter. Ma question s’adresse au ministre de l’économie et des finances.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et des faillites !

Mme Clotilde Valter. Monsieur le ministre, la Banque publique d’investissement tient son premier conseil d’administration ce jeudi 21 février. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

De nombreux députés du groupe UMP. Ségolène !

Mme Clotilde Valter. La création de la BPI est, je le rappelle le premier des soixante engagements du Président de la République. C’est l’un des symboles forts de la législature, symbole de notre volonté de contribuer au redressement industriel de notre pays, symbole de notre volonté d’orienter les banques vers le financement de l’économie.

La BPI est au cœur du redressement productif, de la bataille pour l’emploi, de nos efforts pour rééquilibrer notre balance commerciale.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ségolène !

Mme Clotilde Valter. Ce projet a suscité une forte attente en cette période où les petites et moyennes entreprises, mais aussi les entreprises de taille intermédiaire, rencontrent des difficultés pour financer leurs projets. Il faut maintenant répondre à leurs besoins. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Ségolène est là !

Mme Clotilde Valter. Dans les débats, nous y avons été attentifs, comme vous, monsieur le ministre. Aujourd’hui, nous entrons dans la phase opérationnelle, qui doit traduire notre volonté politique.

C’est pourquoi il me semble important que vous nous disiez dans quel état d’esprit vous abordez ce premier conseil d’administration. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Avec Ségolène !

Mme Clotilde Valter. Comment entendez-vous voir porter cette ambition au sein du conseil d’administration ? Comment concevez-vous la future doctrine d’intervention de la BPI ? Comment la BPI doit-elle montrer, le plus vite possible, car la situation de notre économie l’exige, sa valeur ajoutée pour les entreprises et pour l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Ségolène !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la députée, la BPI a été créée par cette assemblée à la fin de l’année dernière, et elle est opérationnelle depuis le 1er janvier 2013. Elle tiendra demain son premier conseil d’administration à Dijon, car nous avons voulu que ce soit en région. Arnaud Montebourg et moi-même serons là pour l’ouvrir.

Ce matin, se tenait autour du Président de la République un séminaire consacré à l’investissement, car c’est par l’investissement que nous parviendrons à recréer de la croissance et de l’emploi dans ce pays, et la BPI, comme son nom l’indique, est un instrument au service de cette stratégie économique.

C’est d’abord un instrument tourné vers l’action, vers le crédit, avec 500 millions d’euros pour les petites et moyennes entreprises et leurs trésoreries, 100 millions pour le crédit d’impôt recherche et innovation annoncés par Arnaud Montebourg la semaine dernière, 150 millions d’euros pour les fonds de fonds consacrés à l’exportation.

La BPI sera évidemment un établissement doté de moyens financiers supérieurs. Son directeur général, Nicolas Dufourq, a annoncé son intention…

M. Guy Geoffroy. Il a consulté Ségolène ?

M. Pierre Moscovici, ministre. …de porter la capacité de prêts de 25 à 40 milliards d’euros et déclaré qu’elle serait capable d’investir à hauteur de 600 millions d’euros dans les entreprises.

Ce ne sera pas une banque comme les autres, elle aura vocation à être un investisseur de long terme, patient, qui n’attend pas des taux de rentabilité comparables à ceux qu’attendent d’autres acteurs financiers, un investisseur conscient de sa responsabilité, notamment sociale et environnementale.

M. Michel Herbillon. Et que faisait OSEO ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous avons voulu que la BPI soit en quelque sorte le porte-avions de la compétitivité française, de l’investissement français. Je crois qu’elle est au rendez-vous et qu’elle sera en effet fondamentale pour permettre à notre pays d’inverser la courbe du chômage, de retrouver la croissance et l’emploi, ce qui est l’objectif du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Et OSEO ?

Utilisation des éthylotests

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Élie Aboud. Monsieur le ministre de l’intérieur, la sécurité routière n’est ni de droite ni de gauche. Avec plus de 3 600 morts en 2012, ce véritable fléau doit être combattu sans relâche et avec conviction.

Parmi les mesures préconisées figure l’équipement en éthylotests. Le dernier Comité national à la sécurité routière a d’ailleurs reconnu l’utilité de cette autoévaluation. Depuis le 1er juillet 2012, la présence dans la boîte à gants de nos véhicules de deux éthylotests devait être obligatoire. Pourtant, on a assisté à un premier recul avec l’ajournement de la date d’application. Par la suite, vous avez annoncé, par un tête-à-queue inattendu, le report au 1er mars 2013. L’ensemble de nos concitoyens est d’accord pour lutter contre les accidents. Les organisations viti-vinicoles elles-mêmes travaillent en ce sens. Alors pourquoi cette indécision ?

Au-delà des impératifs de santé publique, il y a également un enjeu économique.

M. Guillaume Bachelay. Ah !

M. Élie Aboud. Nous disposons dans ce domaine du leader mondial de l’éthylotest à usage unique.

M. Pascal Terrasse. Voilà !

M. Élie Aboud. Eh oui, chers collègues, c’est de l’emploi ! Près de 350 familles héraultaises vivent de ce savoir-faire unique qui honore notre pays. De ce fait, j’aurais d’ailleurs pu associer à ma question les députés héraultais de la majorité.

Aujourd’hui, les professionnels de la sécurité, les usagers, les responsables de la santé publique, les salariés sont dans le doute. Pouvez-vous, monsieur le ministre, lever ce doute et nous parler clairement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, il s’agit en effet d’une cause nationale, engagée par Jacques Chirac il y a plus de dix ans…

M. Michel Herbillon. Eh oui !

M. Manuel Valls, ministre. …et qu’il faut poursuivre. Nous avons atteint, grâce à cet engagement, le chiffre, qui reste terrible, de moins de 4 000 morts par an, et nous nous sommes fixés pour la décennie qui vient l’objectif de descendre à 2 000 morts. Cela nécessite un très grand engagement. Il ne faut surtout pas baisser la garde, par exemple quand il s’agit de sanctionner les excès de vitesse.

Nous devons regarder l’ensemble des mesures et considérer si elles sont efficaces ou non. Après de nombreuses concertations et discussions, après avoir rencontré les experts, nous avons considéré que la mesure d’équipement en éthylotests ne l’était pas. Faire payer onze euros, sanctionner, nous ne croyons pas que ce soit efficace. Il faut lutter contre ce fléau qu’est l’alcool au volant, contre le cannabis au volant et contre certains autres comportements, tels que l’utilisation du téléphone portable au volant. L’alcool représente 31 % des morts sur la route. Lutter contre les excès de vitesse et contre ces comportements dans toutes les régions, telle est notre priorité, mais il faut que ce soit avec des instruments efficaces qui soient compris par nos concitoyens et n’apparaissent pas comme des pièges, qui fassent œuvre de pédagogie par une sanction adaptée.

Mon cabinet a reçu l’entreprise que vous avez évoquée. Il faut trouver des solutions. On continuera, dans ce pays, à fabriquer des éthylotests pour les forces de l’ordre, afin qu’elles procèdent aux contrôles, mais pas dans le cadre de cette mesure. La lutte contre l’insécurité routière mérite le rassemblement mais aussi des instruments efficaces. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Contrats d’avenir dans l’éducation nationale

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Chantal Guittet. Monsieur le ministre de l’éducation nationale (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), les emplois d’avenir sont au cœur d’une politique majeure du quinquennat de François Hollande : 150 000 emplois, réservés aux jeunes de notre pays, vont être créés pour lutter contre le chômage et, j’espère, susciter des vocations professionnelles. Sur les bancs de la majorité, nous avons massivement soutenu cette grande initiative pour l’emploi, qui monte progressivement en charge.

Une dimension particulièrement intéressante de cette politique est assumée par votre ministère ; il s’agit des « emplois d’avenir professeur ». Ce dispositif a été présenté la semaine dernière par le Premier ministre et vous-même. Il permettra, je l’espère, de répondre aux difficultés de recrutement auxquelles doit faire face l’éducation nationale et facilitera l’accès des étudiants boursiers aux métiers de l’enseignement.

Des contrats de trois ans en établissement scolaire seront proposés à des étudiants qui, en échange, s’engageront à préparer les concours de l’éducation et à les passer à l’issue de leur contrat. C’est une très bonne nouvelle pour l’éducation nationale. C’est une bonne nouvelle pour la jeunesse, à qui l’on ouvre des perspectives d’emploi. C’est une bonne nouvelle pour l’égalité des chances car ce dispositif bénéficiera à 18 000 boursiers d’ici à 2015.

C’est un acte concret qui permet de remettre en marche l’ascenseur social. Pour nous, c’est clair : les « emplois d’avenir professeur » sont une promesse pour la France, sa jeunesse, ses écoles, et nous soutiendrons votre volontarisme, votre capacité d’initiative et, pour tout dire, votre ambition éducative.

Pouvez-vous me dire quelles mesures envisagent les académies de France pour mettre en œuvre ce projet simple, intelligent et efficace ? Comment ce dispositif s’intègre-t-il dans votre projet de refondation d’une véritable école républicaine ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Madame la députée, au moment où 25 % de nos jeunes sont au chômage et où la France doit recruter dans les cinq années à venir 150 000 enseignants, il était nécessaire de mettre un terme à la crise des recrutements que nous connaissons. Cela suppose d’agir de multiples façons. Il sera procédé à 40 000 recrutements cette année, et j’ai le plaisir d’annoncer à la représentation nationale que, sur le premier concours, nous avons déjà eu 10 % d’étudiants de plus se présentant aux épreuves, et, sur le deuxième concours, 10 % d’inscrits de plus.

Ensuite, il faut remettre en place une entrée progressive dans le métier. À partir de l’année prochaine, ceux qui sont recrutés pourront à la fois recevoir une formation dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, et en même temps avoir un an pour s’adapter à leur métier.

Enfin, nous avons voulu remettre en marche ce qui a tellement bien fonctionné dans notre pays. Des enfants des communes rurales et du monde paysan, des enfants des cités ouvrières et du monde ouvrier, pouvaient accéder, par les écoles normales, au métier de professeur et construire leur carrière en servant le pays. Ils ont partout montré que le mérite pouvait être récompensé. Ces dernières années, nous avons détruit cette filière exemplaire de la République.

Nous avons tenu, avec le Premier ministre, qui connaît bien ces sujets, à relancer cet ascenseur social et cette promesse républicaine. J’ai le plaisir de vous annoncer que, la semaine dernière, nous avons pu constater sur le terrain que les 4 000 postes ouverts à des étudiants boursiers, à partir de la deuxième année, qui veulent servir la France et son avenir, sont d’ores et déjà pourvus. Il y en aura 6 000 de plus à la rentrée. Nous pourrons ainsi à la fois faire face aux besoins de recrutement et montrer à ceux qui veulent servir le pays qu’il y a encore un chemin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Déclaration du Gouvernement sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 de l’Union européenne et débat sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 de l’Union européenne suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, plusieurs d’entre vous ont souhaité ce débat, auquel j’apporte ma contribution avec plaisir.

C’est la première fois dans l’histoire de l’Union européenne que les États membres négocient et concluent à vingt-sept un accord sur le budget pluriannuel – ce qui était loin d’être évident.

Les négociations sur les perspectives financières se tiennent tous les sept ans. À six, à neuf, à douze ou à quinze, elles n’ont jamais été faciles : pouvaient-elles l’être davantage à vingt-sept ?

M. Jacques Myard. Ce n’est pas sûr…

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Pourtant les États membres ont trouvé la voie d’un consensus, certes dans l’effort, mais sans que jamais aucun d’eux ne renonce à ses intérêts essentiels. Telle est la force du projet européen.

Lors de ces intenses négociations, les États forgent les compromis qui font progresser la cause de l’Europe, dans le respect de la volonté politique de chacun. L’exercice était particulièrement difficile, et ce pour l’ensemble des États. Le processus de décision à l’unanimité en effet peut créer des blocages, et l’échec du Conseil de novembre a rappelé s’il en était besoin qu’il demeurait un risque d’échouer à nouveau.

Il est donc nécessaire à certains moments de rechercher des compromis, de tout faire pour éviter les impasses. C’est cette voie qui a su être trouvée.

L’exercice était particulièrement difficile pour notre pays, car le Président de la République a dû emporter la conviction d’un Conseil très largement conservateur – pas comme ici, à l’Assemblée nationale ! Pour orienter l’Union européenne vers des objectifs ambitieux, qui répondent aux engagements pris devant les Français au moment de l’élection présidentielle, il faut se battre. Le Président de la République l’a fait.

Les 7 et 8 février, ce ne sont pas seulement des États qui ont tenté de faire converger leurs intérêts, ce sont également des sensibilités politiques différentes, voire divergentes, qui se sont fait face sur des sujets aussi essentiels que les politiques de croissance et les outils de solidarité.

Pourtant, malgré les difficultés de la recherche du consensus, malgré la force des conservatismes, la France a atteint ses objectifs : nos retours sur la PAC sont maintenus, les régions en transition ont été créées, les dépenses de croissance et d’emploi sont en progression, et la contribution de la France aux fameux chèques et rabais a été limitée.

Étrangement, j’ai entendu dire que nous étions isolés. Chacun a pourtant pu constater que le compromis atteint est essentiellement le fruit d’un rapprochement méthodique entre les positions françaises et allemandes, et qu’il a réuni quasiment tous les États membres…

M. Jean-Christophe Lagarde. Que serait-ce…

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …sans évoquer la coopération plus spécifique nouée par notre pays avec la Pologne, l’Italie et l’Espagne autour de la préservation des politiques communes.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous devons être fiers de ce qui a été fait, même si certains auraient voulu obtenir davantage. La France a joué un rôle majeur, celui de lien entre les contributeurs nets et les bénéficiaires nets. Elle a contribué à la mise au point d’un compromis d’équilibre entre les préoccupations nationales et les ambitions européennes.

Sans vouloir être désagréable avec nos amis de Londres, la France a d’ailleurs bloqué les rêves britanniques de réduction draconienne des crédits d’engagement qui, au final, seront supérieurs d’environ 100 milliards d’euros au budget exécuté pour la période actuelle ; quant à la différence entre les crédits d’engagement et les crédits de paiement, elle est limitée à 5 %, à l’instar de ce qui avait été convenu lors des négociations précédentes. Même s’il peut sembler technique, cet acquis mérite d’être souligné. D’une manière générale, il vaut mieux être précis dans ce débat, plutôt que de lancer des appréciations aléatoires.

À aucun moment, la France n’a renoncé. Nous avons exprimé nos lignes rouges et les thèses extrêmes ne l’ont pas emporté. La solidarité a joué, et même le Royaume-Uni, dont on connaît les positions, a été obligé de renoncer à une part de ses retours – et pourtant, que n’a-t-on dit sur le chèque britannique !

C’est donc un budget à la hauteur de notre ambition pour l’Europe et pour la France que nous avons obtenu les 7 et 8 février derniers. Le président de la République a défendu un budget résolument européen, un budget qui allie le sérieux budgétaire à la croissance, un budget qui assure le financement des politiques de l’Union. C’est vrai, le sérieux et la responsabilité budgétaires s’imposent pour retrouver notre compétitivité et nos marges de manœuvre – ces principes nécessaires n’ont d’ailleurs pas d’autre objectif : ils ne sauraient constituer une fin en soi. Mais nous ne redresserons pas nos comptes en faisant de l’austérité notre seul horizon : contrairement à ce qu’affirment certains, ce n’est pas la politique de la France.

C’est en offrant une véritable perspective de croissance que nous rétablirons l’économie européenne et la confiance des Européens. L’Europe que nous voulons est une Europe dans laquelle le sérieux budgétaire des États se voit conforté par de grandes initiatives pour la croissance et l’investissement. Une Europe qui comprend que la responsabilité nationale et le volontarisme européen ne s’annulent pas mais, au contraire, se nourrissent l’un l’autre. Une Europe qui donne une perspective d’avenir et une justification aux efforts de ses peuples. Refuser ce double mouvement, refuser cette complémentarité, c’est aggraver encore la crise économique, c’est accentuer la souffrance et le découragement, c’est prendre le risque de toutes les aventures.

Le gouvernement précédent voulait défendre la PAC au détriment de la politique de cohésion et des crédits de recherche et d’innovation. Nous avons voulu cesser d’opposer les politiques entre elles, ouvrir le débat sur les ressources propres, et défendre les programmes essentiels pour nos concitoyens en difficulté. Et nous y sommes parvenus ! Nous avons en effet trouvé la voie d’un compromis sur ces bases, un compromis répondant à nos objectifs tant sur le plan des intérêts de la France que de ceux de l’Europe.

Par ailleurs, ce compromis préserve la politique agricole commune. Il va lui permettre de se moderniser, d’être à la fois plus durable et plus équitable. Nous sommes attachés à la PAC parce que nous avons besoin d’une agriculture performante au service de la sécurité alimentaire – l’actualité nous le rappelle – mais aussi d’une industrie agroalimentaire moderne, durable et puissante. Dans ce domaine, la France dispose d’atouts pour défendre ses intérêts. Nous avons obtenu de conserver notre dotation, avec une importance accrue accordée au développement durable et des possibilités de flexibilité entre les deux piliers – nous nous sommes battus pour avancer sur cette dernière question, très importante à nos yeux. À la veille de l’ouverture du salon de l’agriculture, je note que les responsables des syndicats agricoles français ont su mesurer l’action du Président de la République et ses résultats, qu’ils n’ont pas hésité à saluer. Ils ont pesé la difficulté de l’objectif et ont apprécié qu’il soit atteint.

Ce compromis préserve également la politique de cohésion. La France a réclamé et obtenu la création de la catégorie des régions en transition pour les régions dont le PIB est compris entre 75 et 90 % de la moyenne communautaire, ce dont le précédent gouvernement ne voulait pas. Dix régions françaises appartenant à cette catégorie bénéficieront d’une aide par habitant supérieure à celle des régions les plus développées, ainsi que d’un taux de cofinancement majoré. Nous avons, par ailleurs, obtenu l’aide aux régions ultrapériphériques, c’est-à-dire à nos départements d’outre-mer.

La France s’est également mobilisée sur la question de l’emploi des jeunes, conformément à l’engagement du Président de la République de placer la jeunesse au cœur de nos priorités. C’est justement l’une des innovations de ce budget : la création d’un fonds pour l’emploi des jeunes, doté de 6 milliards d’euros, pour les régions dont le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25 % en 2012. Là encore, plusieurs de nos régions en bénéficieront.

Ce compromis a également permis d’augmenter une enveloppe essentielle à l’avenir de l’Europe, celle allouée à la croissance et à l’innovation, qui progressera de près de 40 % par rapport à la période actuelle. Le programme Horizon 2020 pour la recherche et le développement ainsi que le programme Erasmus verront leurs moyens croître fortement. L’Union européenne se dote donc des moyens de financer les grands projets tels que GMES, ITER et Galileo, qui nous sont chers parce qu’ils traduisent une vraie ambition, tant stratégique qu’industrielle.

Un effort particulier a également été accompli en faveur des infrastructures : le mécanisme d’interconnexion pour l’Europe, qui finance les grands projets dans le domaine des transports, de l’énergie et des télécommunications, voit sa dotation plus que doublée avec une enveloppe de 19 milliards d’euros, dont 13 consacrés au volet transports, auquel la France est particulièrement attachée.

Quant au programme européen d’aide aux plus démunis, je veux dire que, contrairement à ce que l’on a pu entendre, il a été sauvé. Les attaques de l’opposition que nous avons subies ces derniers jours ne manquent pas de saveur…

M. Jacques Myard. Elles n’en manquent jamais ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …venant de membres d’un gouvernement qui avait acté la disparition de ce programme. Je ne sais pas si l’ancien ministre de l’agriculture est là…

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Eh non !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …mais je voudrais rappeler à ceux qui l’auraient oubliée la déclaration du Conseil Agriculture de novembre 2011, dans laquelle le précédent gouvernement affirmait que « la France et l’Allemagne jugent que les conditions ne sont pas réunies pour la présentation par la Commission et l’adoption par le Conseil d’une proposition relative à un nouveau programme pour l’après-2013. C’est la raison pour laquelle les deux pays ne pourront pas accepter les propositions de nature juridique et financière que la Commission pourrait formuler à l’avenir concernant un tel programme. » Pour dire les choses clairement, l’ancien gouvernement s’était résigné à abandonner purement et simplement le programme européen d’aide aux plus démunis ! Nous, nous l’avons sauvé – une réussite dont nous pouvons être fiers et que j’espère que la représentation nationale saluera.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous avons donc défendu notre conception de la justice et de l’Europe. La France s’est battue, avec le Président de la République en première ligne, et aussi grâce au travail du Gouvernement. Je veux en particulier saluer le travail constant de Bernard Cazeneuve, accompli en concertation avec ses homologues ministres des affaires étrangères de chacun des gouvernements des Vingt-Sept, avec lesquels il a su établir une relation de franchise, et souvent de confiance.

M. Jean-Patrick Gille. Tout à fait !

M. Jean Glavany. Un très bon ministre des affaires étrangères !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous avons obtenu la reconduction du fonds, qui bénéficiera d’une enveloppe de 2,5 milliards d’euros. Nous avons sauvé ce fonds et l’avons maintenu à un haut niveau, en obtenant qu’il ne fasse pas l’objet de coupes supplémentaires. À l’heure où la crise relègue les plus fragiles aux marges de la société, personne n’aurait compris que l’Union européenne, qui a été construite sur certaines valeurs, ne soit pas capable de prendre elle aussi sa part à l’effort de solidarité que réclame la détresse de nombre de ses citoyens.

Enfin, c’est nous qui avons lancé le débat sur les ressources propres de l’Union européenne, car c’est là qu’est l’avenir. Nous avons voulu asseoir le budget de l’Union dans la durée, sur une base plus solide que les seules contributions des États membres. J’ai la conviction que l’Europe parviendra sur ce point à un compromis, même si l’on n’effacera pas en un jour les chèques et les rabais accordés à certains pays, qui ont fini par les considérer comme des droits acquis. Nous avons d’ores et déjà obtenu une réduction des avantages accordés à certains pays à travers la contribution TVA et les droits de douane, ce qui permet de réduire la charge pesant sur les autres États membres, en particulier la France. D’autre part, le cadre financier invite les États membres, conformément au souhait de la France, à faire de la taxe sur les transactions financières la première ressource propre de l’Union européenne. Cela préfigure une autre conception de l’avenir de l’Europe, des ressources propres qui, demain, si elles sont étendues, permettront à l’Europe d’investir, d’emprunter, d’engager des politiques plus ambitieuses qu’elle ne le fait jusqu’à présent. Telle est, en tout cas, la voie dans laquelle nous nous sommes engagés. Depuis le 6 mai dernier, les choses ont commencé à changer, mais il faut persévérer.

Après le compromis de Bruxelles, il appartient désormais au Parlement européen de se prononcer. Pour la première fois en effet, en application du traité de Lisbonne, l’accord sera soumis à l’approbation du Parlement européen.

M. Jean-Christophe Lagarde. Heureusement !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Tout au long de la négociation, la France a été très attentive à sa position et a œuvré à ce que les points de vue du Parlement européen soient pris en compte. Le Parlement souhaite notamment – et il le confirmera – donner à ce cadre financier plus de flexibilité, entre les politiques certes, mais aussi entre les années elles-mêmes. Nous sommes prêts à l’accompagner dans cette direction, parce que ces flexibilités permettront une utilisation optimale des crédits disponibles. Chacun a pris connaissance des réticences exprimées par les différents groupes politiques du Parlement européen à l’égard de cet accord. Celui-ci devra approuver ce budget à la majorité pour qu’il puisse être adopté. Il devrait arrêter sa position en mars, c’est-à-dire dans quelques jours, ce qui permettra d’ouvrir les négociations avec la présidence irlandaise du Conseil. Telles sont les nouvelles règles du jeu, qui me paraissent positives, en ce qu’elles donnent au Parlement européen, c’est-à-dire aux représentants des citoyens de l’Union européenne, un pouvoir, une légitimité démocratique dont il ne disposait pas jusqu’à présent.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Tout à fait !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Car vous le savez, mesdames et messieurs les députés, la question démocratique est au cœur de l’avenir de l’Europe. Dans ce domaine, l’Europe vient de faire un premier pas, elle devra en faire d’autres.

Nous avons donc défini un cadre budgétaire. Nous devons maintenant progresser dans les négociations législatives qui détermineront les politiques et leur exécution.

Je voudrais appeler votre attention sur ce point, parce qu’il reste de nombreux sujets à traiter, beaucoup de problèmes à régler, des avancées à préserver pour pouvoir être concrétisées. Cela vaut pour chaque pays mais en particulier pour la France, compte tenu de ses attentes.

Pour l’heure, nous devons précisément organiser le verdissement des aides de la PAC et, s’agissant de la politique de cohésion, veiller à concentrer les fonds sur les priorités en matière de croissance et surtout simplifier leur utilisation.

Quant au mécanisme pour l’interconnexion en Europe, auquel nous sommes très attachés, il devra recourir davantage au financement par les project bonds après la phase pilote actuellement en cours, comme le prévoit le pacte européen pour la croissance et l’emploi adopté en juin de l’année dernière. Et surtout, il faudra que ces financements se concrétisent dans des projets ! De nombreux projets pourraient être financés dans ce cadre, qui pourraient, je le dis ici, émaner en particulier des grandes collectivités territoriales. Certains disent que l’effort demandé aux collectivités territoriales pourrait les conduire à ne plus investir. Mais enfin, les crédits qui pourraient être alloués à ces projets par le biais de la Banque européenne d’investissement avoisinent les 7 milliards d’euros ! Il serait tout de même paradoxal qu’au moment du bilan, nous constations que ceux qui ont réclamé un soutien à l’investissement, qui auraient pu s’approprier les project bonds et les développer, n’en ont pas saisi l’opportunité ! Je lance donc un appel à tous pour le lancement de projets qui, même dans le cas où ils seraient privés, pourraient être relayés par les responsables locaux des régions, des départements, des intercommunalités et des villes.

En tout cas, le Gouvernement est prêt à soutenir et à accompagner la préparation et la mise en œuvre de ces projets. J’ai mentionné tout à l’heure à ce sujet les décisions que nous avons prises et que le Président de la République évoquera cet après-midi en Auvergne concernant notamment l’équipement du pays en réseaux à haut débit, qui doivent être présents sur tous les territoires, et en particulier les moins denses, afin que tous les Français puissent bénéficier de ce service qui est un formidable facteur de croissance.

Voilà ce qu’il me paraissait important de dire pour vous rendre compte des conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013. Votre interpellation était parfaitement légitime et je remercie les groupes, en particulier le premier à avoir pris cette initiative, le groupe UDI, d’avoir sollicité le Gouvernement.

En effet, même si l’Assemblée n’est pas tout à fait aussi remplie qu’elle l’était il y a quelques instants au moment des questions au Gouvernement retransmises à la télévision, elle reste le lieu où nous devons faire en sorte de rendre l’Europe et les décisions prises par ses institutions plus populaires et plus proches des Français. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est prêt à venir devant vous autant que nécessaire avant et après ces décisions, comme il le fait déjà au sein des commissions ; à cet égard je vous remercie pour le travail que vous faites, mesdames les présidentes des commissions, car je sais que vous sollicitez régulièrement les ministres. Ces derniers sont d’ailleurs à votre disposition, autant que je le suis moi-même pour la représentation nationale.

La construction de l’Europe est un long chemin mais nous ne devons en aucun cas renoncer. Et nous devons en tout cas être parfaitement déterminés à affronter toutes les frilosités, tous les conservatismes.

On réclamait il y a peu de temps, l’ancien Président de la République par exemple, un budget de déflation. Autrement dit, ajouter de l’austérité à la faible croissance.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est fait !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous ne l’avons pas accepté, et nous nous sommes battus pour que l’orientation soit différente. Certains ne proposaient rien d’autre comme feuille de route – et je peux citer à ceux qui protestent la lettre écrite par l’ancien Président de la République, qui demandait baisse sur baisse : baisse du budget, baisse des crédits d’investissement, baisse des crédits pour l’innovation…

M. Jacques Myard. Vous, vous les baissez !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Cette étape-là appartient au passé. Nous en sommes à la suivante. Nous avons finalement obtenu une avancée dont on aurait bien sûr pu espérer qu’elle fût plus importante – mais nous avons refusé la résignation.

Nous avons fait prévaloir une nouvelle ambition pour l’Europe et pour la France. Je le dis souvent, l’Europe, l’Union, c’est un combat : combat pour l’ambition, combat pour la croissance, combat pour un nouveau modèle de développement. C’est le combat du gouvernement français, et celui des vrais Européens. Merci, mesdames et messieurs les députés de la majorité, pour l’engagement qui est le vôtre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, madame la ministre, mes chers collègues, le 8 février dernier, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne réunis en Conseil européen se sont mis d’accord sur un cadre financier pluriannuel pour les années 2014 à 2020. Après l’échec du précédent Conseil européen consacré à ce sujet, en novembre dernier, il était essentiel d’aboutir.

Contrairement à d’autres États, la France aurait pu se contenter d’un vote annuel sur le budget, sur la base du cadre actuel, et faire obstacle à la conclusion d’un compromis qui par définition ne pouvait pas satisfaire l’ensemble de ses demandes. Mais cela aurait été tout à fait dommageable pour l’Union européenne car la fixation d’un cadre de dépenses confère lisibilité et crédibilité à nos politiques. Et c’est bien l’esprit qui doit nous guider pour la phase de discussions qui s’ouvre avec le Parlement européen.

L’enjeu des négociations résidait pour la France dans sa capacité à résister aux demandes de coupes excessives dans le budget – le Premier ministre vient d’évoquer la lettre de l’ancien Président de la République – à garantir le financement des politiques communes et à maintenir des marges de croissance et des politiques de solidarité.

Qu’il s’agisse des plafonds fixés comme de la ventilation des crédits, compte tenu de la flexibilité et de la clause de révision prévues par les conclusions du Conseil, ainsi que le Premier ministre vient de l’expliquer, la France est parvenue très largement à préserver ses intérêts et, avec les pays de la cohésion, à défendre l’intérêt européen face aux demandes inacceptables de certains de nos partenaires, en particulier le Royaume-Uni.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Très bien !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. La stratégie de communication du Premier ministre britannique David Cameron ne pourra en effet masquer longtemps la réalité : il a échoué à imposer une baisse drastique des crédits d’engagement…

M. Jacques Myard. Vive Cameron !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. …et sa tentative de faire porter la négociation et l’analyse des résultats sur les crédits de paiement n’est qu’un écran de fumée, monsieur Myard.

S’agissant de nos intérêts nationaux, les résultats sont satisfaisants. Concernant la PAC, malgré un budget en baisse, la France est parvenue à maintenir les niveaux de retours prévus dans la proposition de la Commission européenne et la voie est ouverte pour une refonte de cette politique commune. Quant à la politique de cohésion, la France stabilise le niveau de ses retours et bénéficie pleinement du maintien de la catégorie des régions en transition et des enveloppes allouées à ses régions et départements ultramarins.

S’agissant des intérêts européens, que nous étions peu nombreux à défendre, des résultats non négligeables ont été obtenus, notamment en direction de la jeunesse, avec la progression en valeur réelle des crédits du programme Erasmus et la création d’une initiative pour l’emploi des jeunes dotée de 6 milliards d’euros, deux avancées initiées par le Président de la République. De même, l’augmentation des crédits affectés à la compétitivité est importante, notamment pour le financement des infrastructures et le programme Horizon 2020.

Évidemment, nous aurions préféré que le budget pluriannuel soit plus offensif et la vigilance sera de mise pour que le financement des politiques soit assuré malgré des crédits globalement en baisse. Mais ceux qui critiquent ce compromis oublient ce qu’était la position de la France il y a encore quelques mois : elle était en réalité alignée sur celle du Royaume-Uni. Quant à ceux qui pensent que nous aurions pu aller plus loin, je leur demanderai de tenir compte du rapport de forces au sein du Conseil européen et de la pression qui y est exercée en faveur d’une réduction des dépenses.

M. Jacques Myard. Eh oui !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Au demeurant, nous-mêmes, qui faisons du rétablissement de nos comptes publics une priorité, aurions du mal à accepter une augmentation non maîtrisée de notre contribution au budget européen. Nous savons en effet que nous avons un cap à suivre et que le contrôle des budgets nationaux est indispensable pour éviter une mise sous tutelle qui affecterait gravement notre souveraineté et qui nous empêcherait de développer les politiques auxquelles nous tenons.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas ce que disait M. Cazeneuve !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Compte tenu de ces contraintes fortes, le cadre financier pluriannuel établi par le Conseil européen apparaît comme le meilleur des compromis possibles,…

M. Pierre Lequiller. Le moins mauvais !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. …en tout cas en ce début d’année 2013, mais nous avons évidemment les moyens et le devoir de le bonifier. Pour cela, on peut emprunter trois voies La première est de défendre la flexibilité maximale en exécution et l’insertion d’une clause de révision à mi-parcours, qui est d’ailleurs prévue. La deuxième est de compléter le cadre financier par un budget propre de la zone euro, sujet évoqué par le président du Conseil européen ; j’espère que nous avancerons dans cette voie à partir du mois de juin prochain. La troisième est de parvenir dans des délais rapides à rénover et développer les ressources propres de l’Union pour stabiliser ou réduire la contribution directe des États, à travers la taxe sur les transactions financières – elle est engagée, la réforme de la ressource TVA ou encore la mise à plat des rabais – qui a malheureusement été reportée. Et, bien entendu, nous n’abandonnons pas l’idée de l’émission d’une dette commune sous la forme de project bonds

M. Jacques Myard. Ce n’est pas demain la veille !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. …mais aussi, plus tard, d’eurobonds.

Autant dire que le cadre financier pluriannuel est non pas un point d’aboutissement mais une étape dans la marche vers mieux d’Europe, et plus d’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(M. Marc Le Fur remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur
vice-président

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la ministre, mesdames les présidentes, mes chers collègues, l’accord du 8 février est certes en retrait par rapport aux propositions initiales de la Commission européenne.

M. Philippe Vigier. Ah !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il reflète le fait que la crise économique européenne limite les ambitions de certains État membres en faveur d’un approfondissement de l’intégration et de la solidarité européenne. On peut certainement le regretter en première analyse. En effet, par rapport au cadre financier pluriannuel pour la période 2007-2013, les crédits d’engagement baissent en euros constants de 3,5 % et les crédits de paiement de 3,7 %.

Pour autant, cet accord, ce compromis, comporte un certain nombre de sources de satisfaction. Elles ont déjà été évoquées, j’y reviendrai donc rapidement.

Tout d’abord, les dépenses d’avenir, celles dont on pense qu’elles favoriseront la croissance future – l’innovation, la recherche-développement, le programme Erasmus, le mécanisme pour l’interconnexion en Europe – augmentent de 37 % par rapport à la période précédente, référence s’il en est. Elles se montent à 125 milliards, contre 90 pour la période 2007-2013.

En outre, les dépenses en faveur des plus démunis et des chômeurs sont préservées alors que plusieurs pays souhaitaient les supprimer.

Au final, la baisse des dépenses est très inférieure à celle qui était défendue depuis plusieurs mois par le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui se trouvaient en contradiction totale avec le pacte de croissance défendue par la France depuis juin 2012.

Ce compromis reflète en effet les tensions auxquelles sont confrontés les États membres, écartelés entre rigueur budgétaire et politique de croissance. Une analyse plus fine des conséquences du compromis du 8 février me conduit également à atténuer fortement certaines critiques entendues ici ou là.

D’une part, les dépenses programmées sont supérieures aux sommes réellement dépensées au cours de la période précédente de plus de 100 milliards d’euros. Par conséquent, si la France et ses partenaires mettent en place les outils permettant de consommer l’ensemble des crédits disponibles, ce compromis se traduira par une progression de 10 % des moyens consacrés à l’intégration, la croissance et la solidarité européenne par rapport à la période précédente.

D’autre part, l’impact sur la France de la réduction globale du budget de l’Union européenne pourrait être très limité. Cela a été dit à propos de la PAC : les crédits sont globalement stabilisés à travers le renforcement de l’importance accordée au développement rural. Quant aux politiques de cohésion, les aménagements prévus pour les régions en transition et le bonus en faveur des régions ultrapériphériques, c’est-à-dire essentiellement nos départements d’outre-mer, permettent à la France de conserver son enveloppe actuelle.

J’en veux pour preuve le fait que, selon les estimations, les régions françaises garderaient leurs 14 milliards d’euros pour les sept prochaines années, soit environ 20 euros par an et par habitant pour les plus riches, 30 euros pour les régions en transition et environ 160 euros par habitant pour les quatre départements d’outre-mer.

Le maintien du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation permettra de faire face aux conséquences des restructurations industrielles. En outre – cela a été rappelé – la création d’une initiative pour l’emploi des jeunes dotée de 6 milliards d’euros, en vue de soutenir les régions dans lesquelles le taux de chômage est supérieur à 25 %, devrait également profiter à la France, à hauteur d’environ 10 % des crédits.

Enfin, sur le plan strictement budgétaire, je rappelle que le prélèvement sur recettes (PSR) en faveur de l’Union européenne est inclus dans la norme zéro valeur, de sorte que toute augmentation du budget de l’Union européenne se traduit par une baisse à due concurrence soit des crédits des missions du budget général de la France, soit du PSR en faveur des collectivités territoriales. Un seul exemple : en loi de finances rectificative pour 2012, la réévaluation du PSR de l’Union européenne a représenté, en fin d’année, 800 millions d’euros. Par conséquent, d’une certaine manière, cette modération de la participation de la France au budget européen permettra de conserver des marges de manœuvre en interne pour financer les autres priorités nationales du Gouvernement.

Pour conclure, je souhaite rappeler, de la même façon que l’oratrice précédente, d’abord mon soutien au Gouvernement,…

M. Jacques Myard. Vous avez failli oublier de le dire !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …lequel a su influer sur les principaux partenaires européens.

Je souhaite aussi et surtout former avec vous le souhait que le Parlement européen réussisse à imposer une clause de rendez-vous à mi-parcours ; cela nous paraît important pour éventuellement relever le niveau des crédits, au moins les crédits d’engagements, lorsque l’Union européenne sera sortie de la crise, comme chacun l’espère. J’approuve également la démarche du Gouvernement et de la Commission qui cherchent à dépasser l’opposition stérile entre contributeurs nets et bénéficiaires nets et à trouver de nouveaux fonds pour financer les projets ambitieux pour l’Europe.

J’approuve donc le travail qui est fait au sein de l’Union concernant des ressources propres, notamment – on l’a dit – la taxe sur les transactions financières, la TVA ou la fiscalité environnementale ; cela nous permettrait de dégager des ressources et de susciter une union autour de certains projets – tout cela bien entendu, j’y insiste, en préservant les ressources du budget de l’État qui sont assises sur la même assiette. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Christophe Cambadélis. C’est ce qui s’appelle de l’analyse !

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après le sommet des 7 et 8 février, de nombreuses voix se sont élevées pour souligner le triomphe des égoïsmes nationaux. M. le Premier ministre a eu à cœur de battre en brèche cette redoutable affirmation. Il n’en demeure pas moins que la baisse de 3 % du budget, et cela pour la première fois de l’histoire de l’Union européenne, a forcément marqué les esprits. Le Parlement européen est vent debout contre ce budget.

Une enveloppe de 960 milliards d’euros pour sept ans, un an avant des élections au Parlement européen ! Voilà le résultat auquel a abouti le dernier Conseil européen. C’est l’austérité, encore l’austérité et toujours l’austérité. L’Union européenne ne sera pas pour autant sauvée – le FMI remet d’ailleurs en cause le tout-austérité.

Avec un tel budget, le peuple grec, que le président Hollande a rencontré hier en pleine grève générale, va-t-il retrouver dignité et espoir ou bien continuer à se laisser pervertir par les dangereux messages d’Aube dorée ? Nous connaissons tous les effets délétères que provoque la perte de confiance des peuples dans l’Union.

M. Jacques Myard. Trop tard !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Rassurez-nous, messieurs les ministres, et donnez-nous des raisons d’espérer.

L’Europe mérite mieux que ce compromis, même s’il comporte quelques points positifs sur lesquels nous pouvons nous appuyer. Souvenons-nous toutefois que cet accord n’était pas acquis d’avance.

Comme l’a très bien dit Daniel Cohn-Bendit…

M. Jacques Myard. Oh non, pas lui !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. …lors de notre table ronde de mercredi dernier, chaque pays a fait la queue devant le guichet du Conseil, tenu par le président Van Rompuy, pour obtenir qui sa dotation spécifique, qui son rabais. On rit jaune à ce spectacle.

Nous sommes bien loin de ce que devrait être l’objet des négociations sur le cadre financier pluriannuel, à savoir fixer ensemble les objectifs de l’Union et les moyens de les mettre en œuvre. À cet égard, ce budget se situe très en deçà – de près de 100 milliards ! – de la volonté exprimée par notre commission des affaires européennes de doter l’Europe d’un budget ambitieux, reflet d’une Europe solidaire qui puisse faire face à ses missions et aux enjeux à venir.

M. Philippe Vigier. Eh oui !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. C’est la raison pour laquelle notre commission soutient fermement les projets de nouvelles ressources propres, en particulier la taxe sur les transactions financières. Sans doute faudra-t-il approfondir demain la piste d’une taxe carbone aux frontières de l’Union. Il faudra toutefois, comme l’a dit ce matin Jean-Claude Trichet, que j’ai eu la chance de recevoir, que ces premières formes de budget européen indépendant jouent un rôle de stabilisation de la zone euro.

Mais revenons-en aux avancées obtenues. L’initiative pour l’emploi des jeunes, dotée de 6 milliards d’euros, soutiendra les mesures inscrites dans le paquet proposé par la Commission européenne en décembre dernier, notamment la garantie pour la jeunesse, que nous aimerions voir progresser dans les meilleurs délais et pour tous les États.

Le gouvernement français a montré qu’il prenait cette question cruciale de l’emploi des jeunes à bras-le-corps. Il est heureux de voir que l’Union s’engage aussi sur ce sujet, aiguillonnée en cela par la présidence irlandaise.

Autre point positif : Erasmus a été sauvé. Il faut également souligner 1’augmentation des crédits prévus pour la politique de la recherche et le développement des réseaux transeuropéens de transports, d’énergie et de communication. Encore faut-il que ces crédits servent plutôt à l’Europe du ferroviaire et du numérique qu’aux autoroutes.

Le maintien des dotations de la politique agricole commune pour la France a également été salué. Mais pour quelle PAC ? Il y a lieu, me semble-t-il, d’avoir une pointe de regret quand on constate que, du côté du développement rural, le cofinancement est de plus en plus privilégié, ce qui ressemble bien à une renationalisation rampante d’une de nos rares politiques intégrées.

Permettez-moi aussi de m’interroger sur d’autres choix.

Alors que la pauvreté en Europe s’accroît sous l’effet de l’austérité, l’aide aux plus démunis est certes sauvée, mais diminue, comme nous l’avons d’ailleurs dénoncé récemment dans cette enceinte. Cela reste pour nous inacceptable.

L’Europe sociale, l’Europe des énergies renouvelables : voilà l’Europe de l’avenir. Encore faut-il s’en donner les moyens plutôt que de continuer à subventionner telle ou telle politique – je pense, par exemple, à ITER.

Peut-on espérer, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, qu’avance la proposition du Parlement européen d’un réexamen à mi-parcours de ce budget, de même qu’une flexibilité accrue dans son exécution ? Ce serait une façon de pallier, quoique pas totalement, l’insuffisance globale des dotations actuelles. Même le président Van Rompuy semble, depuis ses déclarations d’hier, entendre cet argument.

Ce budget de l’Union, qui est concentré à plus de 90 % dans l’investissement, est en effet un outil pertinent et nécessaire pour permettre à l’Europe de sortir des crises économique, sociale et écologique qu’elle affronte. Il ne peut avoir de sens que si le projet européen est enfin requalifié pour être à nouveau partagé.

Après ce compromis budgétaire, la façon dont avanceront, ou non, les propositions à présent sur la table – en ce qui concerne les ressources propres, le rendez-vous budgétaire à mi-parcours, la flexibilité, la taxe sur les transactions financières ou encore la mutualisation des dettes – sera, dans les prochains mois, un indicateur de la volonté commune de faire progresser l’Union.

La commission des affaires européennes sera, comme vous le savez, très attentive à l’évolution et aux choix du Conseil, sur lesquels vous nous éclairerez de nouveau.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, je voudrais d’abord me féliciter de la tenue dans l’hémicycle de ce débat sur le Conseil européen des 7 et 8 février derniers, demandé à juste titre par Jean-Louis Borloo. Disons-le clairement – Mme Auroi en a d’ailleurs parlé – le budget arrêté pour les sept années qui viennent a suscité des réactions très défavorables de la part de nombreux commentateurs et acteurs.

Les quatre principaux groupes – PPE, socialistes, libéraux et verts – du Parlement européen, qui doit à présent, selon le traité de Lisbonne, approuver le budget, ont exprimé leur désapprobation.

M. Jacques Myard. Tout le monde s’en moque !

M. Pierre Lequiller. Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen, que nous avons entendu lors de votre audition, monsieur le ministre, devant les commissions des affaires européennes et des affaires étrangères, a exprimé ses fortes réserves. Jusque dans les rangs de vos alliés : Daniel Cohn-Bendit, coprésident du groupe les Verts-Alliance libre européenne, a qualifié lors de son audition ce budget de « mauvais ».

La commission des affaires européennes de l’Assemblée avait voté le soutien à la proposition budgétaire de la Commission européenne. Sa présidente, lors de votre audition, s’est montrée troublée ; elle a même fait des déclarations encore plus fortes aujourd’hui, disant que l’Europe mérite mieux que ce budget.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas sûr…

M. Pierre Lequiller. Mme Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères, a plaidé avec raison pour plus d’audace au niveau européen en demandant un budget plus offensif, notamment en matière d’investissements.

Quant à Martin Schultz, président socialiste du Parlement européen, il a déclaré : « Les politiques européennes en faveur de la recherche, de l’enseignement, de la formation continue, […] de la politique du développement sont précisément celles qui créent une véritable valeur ajoutée européenne. Économiser dans ces secteurs, c’est faire fausse route. En effet, ces politiques d’avenir sont autant d’investissements dans notre capacité d’innovation à long terme et dans notre compétitivité ».

Bref, même si je me réjouis que nous ayons obtenu gain de cause sur un certain nombre de revendications de la France, cette négociation a malheureusement consisté, finalement, à donner acte à chacun des États de ce qu’il réclamait, sans aucune vision à l’échelle européenne. De ce point de vue, ce budget manque de souffle.

Vous-même, monsieur le ministre, lors de votre audition, vous n’avez pas fait preuve d’un enthousiasme extraordinaire. Vous avez précisé que le résultat était le moins mauvais des compromis possibles, comme l’a d’ailleurs dit le Président de la République lui-même. Il est vrai que vous aviez affirmé dans cet hémicycle, avant l’accord, en réponse à une question posée par notre collègue Nicole Ameline le 6 février 2013, que vous ne vouliez pas une négociation qui se réduise à des coupes et des rabais et que vous étiez convaincu de parvenir « à un bon accord pour la croissance et pour l’Europe » Je comprends bien entendu votre déception, car tel n’a pas été, loin s’en faut, le résultat obtenu.

Pour la première fois de l’histoire de l’Europe, le budget pour les sept prochaines années est en baisse. C’est d’autant plus sensible qu’en 2013 nous allons passer d’une Europe à vingt-sept à une Europe à vingt-huit, avec l’entrée de la Croatie. Surtout – et c’est le plus grave – un certain nombre de projets d’avenir sont sacrifiés.

Nous sommes bien sûr satisfaits que les crédits alloués à la France au titre de la PAC soient préservés – si c’est effectivement le cas ! En effet, le budget total de cette politique diminue de 11 %, ce qui signifie que d’autres pays vont perdre bien davantage. On peut donc craindre qu’au Parlement européen, au sein de la commission de l’agriculture, une majorité ne se forme pour remettre en cause la décision du Conseil européen.

Quoi qu’il en soit, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner les montants exacts pour notre pays, au titre du premier et du second pilier, pour la période 2014-2020 par rapport à 2007-2013 ?

Nous convenons de l’opportunité de créer un fonds destiné à aider les régions ou les pays où le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25 %. Mais, là aussi, il ne nous étonnerait pas que le Parlement européen soit tenté d’en faire bénéficier une catégorie intermédiaire de pays, où le taux de chômage des jeunes n’atteint pas 25 %, mais 18 % ou 19 %.

Vous n’avez pas obtenu de réforme d’ensemble des mécanismes de correction ; le Danemark a même obtenu un rabais. Vous n’avez pas non plus progressé – Mme Auroi vient d’en parler excellemment – sur les recettes propres, notamment pour l’intégration de la taxe sur les transactions financières. Vous n’avez pas davantage avancé sur l’idée de la fiscalité écologique ou sur la taxe carbone aux frontières de l’Europe.

Quelques questions sur le fond, avant d’aborder la forme : sera-t-il possible d’obtenir la fameuse clause de révision du budget dans deux ou trois ans, qui n’a pas pu être actée ?

Par ailleurs, les politiques européennes et intérieures étant fortement liées, la nouvelle annoncée par le Premier ministre selon laquelle la France ne baissera pas son déficit sous les 3 % cette année a suscité des réactions négatives, notamment de la part de la Banque centrale européenne.

M. Asmussen a indiqué qu’il faudrait voir « si la situation économique ne s’est pas détériorée de manière surprenante ». L’annonce du Premier ministre est évidemment un très mauvais signal envoyé à nos partenaires et affaiblit encore la position de la France en Europe. Comment allez-vous concilier cette annonce avec nos engagements à l’égard de l’Union ?

Par ailleurs, sur la forme, on peut regretter que le vainqueur de la négociation des 7 et 8 février soit David Cameron, appuyé par l’Allemagne. Le fruit d’un axe nouveau Londres-Berlin.

M. Jean-Christophe Lagarde. Hélas !

M. Pierre Lequiller. Comme l’a souligné Mario Monti, il est quelque peu paradoxal qu’un pays, la Grande-Bretagne, dont on ne sait même pas s’il sera encore membre de l’Union européenne dans deux ans, puisse obtenir gain de cause.

M. Jacques Myard. Si l’Europe existe encore !

M. Pierre Lequiller. Pourtant, au moment de l’annonce du référendum britannique, le Président de la République avait déclaré : « Il n’est pas possible de négocier l’Europe et d’utiliser une telle consultation pour la rabaisser ».

Quelques jours après, sur cette décision majeure du budget européen, la France a plié car elle ne s’était pas assuré le soutien de l’Allemagne.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est clair.

M. Pierre Lequiller. Tout cela provient d’une erreur de stratégie : à force de vouloir contourner l’Allemagne…

M. Jean-Christophe Lagarde. Eh oui !

M. Pierre Lequiller. …en recherchant des alliances avec d’autres partenaires, la France a perdu le soutien d’Angela Merkel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Clotilde Valter. Parce qu’elle l’avait auparavant ? Il ne faut pas exagérer !

M. Pierre Lequiller. Énorme erreur, qui a valu au Président de la République plusieurs renoncements face à la détermination allemande.

Le candidat François Hollande avait promis aux Français que jamais il ne ratifierait le traité négocié entre les vingt-cinq – à l’exclusion de la Grande Bretagne et de la République tchèque. Personne n’est dupe : il s’y opposait parce que le traité avait été négocié à l’initiative de Nicolas Sarkozy et d’Angela Merkel. Rattrapé par la réalité, il vous l’a soumis à ratification, chers collègues de la majorité, au prétexte d’un pacte de croissance – pacte de croissance fictif puisqu’il recyclait des fonds structurels déjà existants.

Dans ses promesses de campagne figurait également la création d’eurobonds, auxquels l’Allemagne était fermement opposée. Aujourd’hui, monsieur le ministre, on n’en entend plus parler. Y avez-vous renoncé ? Et s’agissant du budget européen, François Hollande essuie une défaite évidente car il avait fait de la croissance son cheval de bataille.

Nous ne pouvons que nous inquiéter de l’isolement de la France en Europe. Le couple franco-allemand a toujours joué un rôle majeur pour préparer et impulser les grandes décisions européennes. C’est grâce à cet axe franco-allemand que Nicolas Sarkozy a obtenu que l’Europe réagisse vigoureusement à la crise bancaire, crée le mécanisme européen de stabilité, signe le traité, intervienne d’une seule voix en Géorgie,…

M. Jean-Christophe Cambadélis. Et en Libye ?

M. Pierre Lequiller. …et que soit créé le G20.

Que ce soit avec de Gaulle et Adenauer, Pompidou et Brandt, Giscard et Schmidt, Mitterrand et Kohl, Chirac et Schröder, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, de part et d’autre du Rhin, au-delà des clivages politiques, l’axe Paris-Berlin a toujours été privilégié. C’est la première fois que, sur une décision aussi importante que le budget pluriannuel, cet axe franco-allemand a été défectueux.

Je dis bien au-delà des clivages politiques, parce qu’une formule, à mon avis dangereuse et nocive, revient souvent. Le Premier ministre en a usé tout à l’heure et vous-même, monsieur le ministre, l’avez prononcée lors de votre audition : si vous n’êtes pas parvenus à obtenir gain de cause, expliquez-vous, c’est la faute des gouvernements conservateurs.

M. Jean-Christophe Cambadélis. C’est évident !

M. Pierre Lequiller. Ce sont des boucs émissaires faciles ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Estelle Grelier. Ils sont majoritaires !

M. Pierre Lequiller. Cette vision politicienne des choses a toujours été transcendée par vos prédécesseurs, parce que l’intérêt de l’Europe était pour Pompidou de trouver un terrain d’entente avec Brandt, pour Giscard avec Schmidt, Mitterrand avec Kohl, Chirac avec Schröder, malgré leurs différences politiques.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Les temps sont différents !

M. Pierre Lequiller. Opposer les gouvernements conservateurs aux autres est une faute qui aurait dans le passé empêché la création du Parlement européen, du système monétaire européen ou de l’euro. Heureusement que l’Europe ne fonctionne pas ainsi !

M. Dominique Dord. Très bien !

M. Pierre Lequiller. Pour prendre un exemple qui devrait vous être cher, le fait que, sur les dix pays présents en Europe en 1984, sept aient été dirigés par ce que vous appelez des « conservateurs » n’a pas empêché François Mitterrand, avec la complicité d’Helmut Kohl, d’obtenir, malgré la redoutable Mme Thatcher, le traité sur l’espace unique européen et le doublement des fonds structurels !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Merkel n’est pas Kohl !

M. Pierre Lequiller. La vérité, c’est que la relation franco-allemande ne doit pas être une affaire de partis. La France et l’Allemagne sont deux grandes nations, liées aujourd’hui par un destin partagé : servir une vision européenne commune.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Allez le dire à Angela Merkel !

M. Pierre Lequiller. Alors travaillez à construire cette vision ambitieuse pour l’Europe, avec des projets à la hauteur ! C’est l’intérêt de l’Europe, et c’est aussi celui de la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous remercier d’avoir répondu favorablement à la demande du groupe UDI. Il était utile que nous débattions dans cet hémicycle d’un projet de budget européen qui engage l’Europe, la France, les Français pour sept ans – le premier budget en baisse, le premier budget d’austérité de l’histoire européenne.

Monsieur le ministre, ce projet de budget devait préparer la sortie de la plus grave crise en quarante ans ; il devait relever les défis de la croissance, de l’amélioration de la compétitivité, de la nécessaire solidarité, des nouvelles compétences territoriales données à l’Union par le traité de Lisbonne et de la mise en œuvre d’une gouvernance mieux intégrée.

Bref, vous nous aviez promis la croissance en France et en Europe ; nous avons l’austérité en France et en Europe.

M. Jacques Myard. Il faut se demander pourquoi !

M. Jean-Louis Borloo. Il fallait radicalement changer la conception même des logiques antérieures pour cette maquette 2014-2020, l’adapter aux nouvelles réalités et à la sortie de crise.

La Commission, après un large tour d’horizon et un accord implicite des États membres, avait proposé 1 048 milliards d’euros, soit une augmentation de 5 %. Au final, la baisse est de 3 % et le seul volet croissance et compétitivité perd 40 milliards par rapport à la proposition de la Commission, elle-même extrêmement mesurée compte tenu de l’accroissement des compétences de l’Europe.

Pour les Européens convaincus que nous sommes, ce budget s’inscrit dans une séquence extrêmement préoccupante. L’isolement de la France en Europe est un virage capital que vous avez pris, ou laissé prendre.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Lors du sommet du 30 janvier 2012, les Européens sont parvenus, difficilement, à préciser les contours et le contenu du mécanisme européen de stabilité. Puis, au terme d’une course contre la montre, le 2 mars 2012, les chefs d’État et de gouvernement de tous les États membres de l’Union Européenne à l’exception du Royaume-Uni et de la République Tchèque ont signé le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.

Vous le savez, il n’y a plus de crise de liquidités en Europe aujourd’hui et la France a beaucoup contribué à ce succès. Mais le candidat Hollande n’a eu de cesse de dénoncer le traité et de s’engager formellement, devant tous les Français, à le renégocier, créant la stupeur parmi tous les autres chefs d’État et de gouvernement de l’Union.

Le traité étant engagé, et en cours de ratification, un revirement était inévitable, malgré la promesse électorale tant de fois répétée. Pour maquiller ce revirement, vous avez inventé un nouveau pacte de croissance de 120 milliards, pacte qui n’existe pas, comme tout le monde en convient aujourd’hui.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Jean-Louis Borloo. Ce faux pacte de croissance permettait de faire avaler la pilule de la ratification d’un traité que vous qualifiiez peu de temps avant de « carcan budgétaire » et que vous aviez voué aux gémonies pendant des mois

M. Jean-Christophe Lagarde. Encore vrai !

M. Jean-Louis Borloo. Un traité qui avait été un argument de campagne dans votre opposition radicale et caricaturale à l’ancien président de la République.

Pas un euro de plus dans la maquette financière de l’Europe n’était bien évidemment prévu ; seule une présentation différente des fonds disponibles et des fonds de cohésion a été faite en France, et seulement en France, enveloppée du silence gêné de nos partenaires européens.

Vous avez renoncé à renégocier le traité, et c’est tant mieux. Vous l’avez fait adopter par le Parlement. Et quelques semaines plus tard, alors que la chancelière allemande proposait à la France de mener une réflexion sur une meilleure politique d’intégration européenne, et en tous les cas de la zone euro…

M. Jean-Christophe Cambadélis. C’était du bluff !

M. Jean-Louis Borloo. …silence total de la France !

M. Jean-Christophe Lagarde. Eh oui !

M. Jean-Louis Borloo. Alors, quand vient le sommet européen pour le cadre financier 2014-2020, pour lequel vous n’avez cessé de répéter que, grâce à vous, un nouveau souffle existait en Europe, la France est seule, toute seule.

Plusieurs députés du groupe UDI. Hélas !

Mme Clotilde Valter. Vous allez nous faire pleurer.

M. Jean-Louis Borloo. Le Premier ministre n’avait-il pas indiqué lors de sa conférence de presse du 19 septembre que François Hollande serait l’homme qui réorienterait l’Europe dans le sens de la croissance ? Le Président l’aurait même expliqué à Barack Obama, à l’occasion de sa réélection !

Comme l’a dit Pierre Lequiller, l’axe franco-allemand, si décrié, que vous traitiez à l’époque de « Merkozy »…

M. Jean-Christophe Cambadélis. Parfaitement, il était conspué dans toute l’Europe !

M. Jean-Louis Borloo. …est devenu aujourd’hui un axe Londres-Berlin, un axe Cameron-Merkel.

Mme Clotilde Valter. Ce n’est pas sérieux !

M. Jean-Louis Borloo. Il est vrai que toutes les négociations européennes sont difficiles, mais rarement la France n’a été si faible, si isolée dans un combat comme celui-là.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce sont des vérités qui font mal.

M. Daniel Vaillant. Mais enfin, ce n’est pas crédible !

M. Jean-Louis Borloo. On attend de la France fondatrice de l’Europe un sursaut, une perspective, des propositions, une augmentation des ressources propres grâce à l’instauration de la taxe carbone aux frontières, à l’amplification de la taxe sur les transactions financières ou sur les fiouls des cargos – bref tout un dispositif de financement innovant. On attend de la France des propositions en matière européenne. Mais il n’y a plus rien. La supervision bancaire avait été lancée avant votre arrivée, ainsi que la taxe sur les transactions financières. Notre capacité d’initiative et de leadership est amoindrie, affaiblie. Et je le redis : l’axe Berlin-Londres a malheureusement remplacé – provisoirement, espérons-le – l’axe Paris-Berlin.

Mme Clotilde Valter. Oh !

M. Jean-Louis Borloo. Je le redis : vous aviez promis la croissance en Europe et en France, nous avons l’austérité en Europe et en France. Il faut reprendre l’initiative. Rien ne se fera en Europe sans l’axe franco-allemand. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Non parce que ce sont les deux premières économies, mais parce que, de fait, la France et l’Allemagne sont les deux représentants des principales cultures, latine et saxonne, et que lorsqu’elles s’accordent, l’Europe avance.

Nous vous demandons de mettre en place un groupe de réflexion franco-allemand, ou germano-français, de façon à reprendre la main, à recréer un climat de confiance avec nos partenaires allemands, en respectant les autres pays européens bien entendu, et à remettre à plat une vision, un cap et un avenir pour l’Europe.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Bien sûr, ils n’auront qu’à suivre !

M. Jean-Christophe Lagarde. Pour l’instant c’est nous qui suivons !

M. Jean-Louis Borloo. Enfin, je ne peux conclure sans revenir sur ce qui fait le fondement même de l’Europe, en lien avec ce qu’il se passe actuellement en Afrique.

Nous vous soutenons au Mali, mais l’évidence est qu’il s’agit d’un problème panafricain, qui touche de nombreux pays sur ce vaste continent.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très juste !

M. Jean-Louis Borloo. Monsieur le ministre, l’Europe est d’abord une aventure politique, le plus grand projet politique de paix, de liberté et de démocratie. Nous devons être fiers de ce modèle unique au monde et de ce qu’il a accompli en si peu de temps. L’attribution du prix Nobel de la paix à l’Union européenne fut un succès de plus pour l’Europe de Schumann, de Monnet et de Veil, un message d’espoir. L’Europe s’est construite sur la lutte contre les tyrannies et leurs cohortes de drames universels.

Mais pour porter ce projet de paix, de démocratie et de liberté, on ne peut se contenter d’observer, de constater et de commenter ce qui se passe dans toute cette zone sahélienne et subsahélienne. Il faut que le Président de la République prenne l’initiative politique en Europe. Il faut rappeler à chaque chef d’État ou de gouvernement européen que c’est sur ces valeurs qu’a été construite l’Europe, ces valeurs fondamentales que nous avons évoquées au Bundestag lors de l’anniversaire du traité franco-allemand et sur lesquelles nous devons porter collectivement notre effort.

Monsieur le ministre, vous devez mobiliser l’Europe, car en Afrique se joue peut-être la vérité sur nos valeurs, car la sécurité en Europe passe par la sécurité en Afrique. Oui, vous comprenez pourquoi nous, Européens convaincus, sommes préoccupés et voulons rallumer la flamme européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Christophe Léonard. Convaincu, mais pas convaincant !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, chers collègues, nous ne sommes pas nombreux mais cela ne doit pas nous empêcher de débattre de ce sujet grave qu’est le budget européen.

M. Christophe Léonard. La qualité est là !

M. François de Rugy. La négociation sur les prévisions budgétaires européennes s’annonçait, reconnaissons-le, sous les pires auspices. En décembre 2010, un courrier, signé notamment par Mme Merkel et MM. Sarkozy et Cameron, avait fixé un cap aussi clair que désespérant : en contenant les crédits d’engagement futurs à leur niveau de 2013 corrigé d’un taux inférieur à l’inflation, les chefs d’État et de gouvernement d’alors fixaient à l’Europe des objectifs budgétaires dont pour la plupart d’entre eux, au premier rang desquels le chef de l’État français d’alors, ils s’exonéraient dans leurs choix domestiques. Le moins qu’on puisse dire de cet objectif est qu’il ne pouvait pas conduire à l’adoption d’une feuille de route budgétaire à la hauteur des enjeux de l’Union européenne.

M. Jacques Myard. Des mots, des mots, des mots…

M. François de Rugy. Quels sont ces enjeux ? Les économies européennes ne sont pas sorties de la crise de 2008. Les politiques de contraction budgétaire mises en œuvre pour réduire les déficits et engager le désendettement, quelle qu’en soit la légitimité, produisent des effets dévastateurs sur l’activité économique.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Tout à fait !

M. François de Rugy. Dans un tel contexte, c’est bien de l’Europe – j’allais dire de l’Europe seule – que pouvaient venir des mesures contracycliques fortes, susceptibles de redonner de l’oxygène à un moteur économique en voie d’étouffement.

Oui, l’Europe avait des marges de manœuvre, puisque le budget de l’Union ne pèse que 1 % du PIB. Oui, l’Europe avait des moyens d’agir, puisque l’Union n’est pas frappée de l’endettement qui caractérise les États. Oui, l’Europe avait l’occasion d’engager des investissements stratégiques, destinés à accompagner les mutations industrielles et à répondre tout à la fois à la crise environnementale et aux défis technologiques qui feront la compétitivité de demain.

Mais en fixant des objectifs comptables, en refusant que l’Union soit dotée, à court ou moyen terme, de ressources propres qui lui éviteraient d’avoir à marchander en permanence les contributions des États membres, les chefs d’État et de gouvernement avaient indiqué dès 2010 un cap qui ressemblait fort à une impasse.

En entrant dans les négociations, M. Van Rompuy se voyait donc fixer un cadre inadapté, presque une gageure, tant les positions des uns et des autres paraissaient éloignées. Il fallait, pour en sortir, des talents de négociateur hors pair. Et précisément – reconnaissons-lui cela : négocier, c’est tout ce que M. Van Rompuy sait faire ! Au terme d’un numéro de bonneteau où il a agi en bilatéral et pratiqué une série de trocs successifs avec chacun des vingt-sept pays de l’Union, M. Van Rompuy a, au final, produit une proposition qui constitue la base du compromis adopté il y a quelques jours par les chefs d’État et de gouvernement.

Il y aurait de quoi, nous dit-on, en être soulagé, ce compromis étant le « meilleur possible ». Les parlementaires n’étant pas partie prenante – c’est la logique des institutions, et je ne le dis pas pour m’en plaindre – des discussions et des négociations, je ne peux vous dire, et personne ici ne peut en juger réellement, si un autre compromis, dans de telles conditions d’élaboration, était possible. Mais il est à nos yeux une certitude, partagée et exprimée par les quatre grands groupes du Parlement européen – à gauche, à droite, au centre et chez les écologistes : ce compromis est mauvais, car il n’est que la somme de tous les égoïsmes nationaux, au premier rang desquels il faut citer l’intransigeance britannique. J’ai d’ailleurs, au passage, entendu que ce matin Jean-François Copé a salué le « diagnostic implacable sur les forces et les faiblesses européennes » dressé par M. Cameron…

M. Jean-Christophe Cambadélis. Incroyable !

M. François de Rugy. Lorsqu’on voit les effets des exigences anglaises sur la programmation budgétaire pluriannuelle de l’Union, je rêverais plutôt qu’un acteur européen ait le courage de se lever et de dire : « David, l’Europe, tu l’aimes ou tu la quittes ! »

M. Jacques Myard. Ils ont raison ! C’est vous qui avez tort !

M. François de Rugy. Car, je vous le dis au nom de l’ensemble de mes collègues écologistes : si soulagement il devait y avoir devant ces perspectives budgétaires pluriannuelles, ce serait un lâche soulagement.

Si nous déplorons – et le mot est faible – le niveau de ce budget, ce n’est pas parce que nous serions des aficionados d’une dépense publique transférée au plan européen.

M. Jacques Myard. Mais si !

M. François de Rugy. Nous constatons en effet avec consternation que, malgré toutes les déclarations en appelant à la raison budgétaire, cette proposition conduit à s’installer dans une perspective de budget qui mènera – c’est un comble – à un déficit structurel.

Après avoir longtemps alimenté la dette par les déficits – ce fut notamment le cas en France de 2002 à 2012 – les dirigeants européens de 2010 avaient prétendu faire le choix de l’austérité pour éviter la dette. La conséquence de cette politique de Gribouille, c’est que les citoyens européens risquent de devoir assumer et l’austérité et la dette !

À nos yeux, cet accord pèche en ce qu’il ne prévoit aucune modification du mode d’élaboration des futurs budgets européens ; il pèche aussi par la structure des investissements projetés – cette question est liée à la précédente – et par l’absence de souplesse, alors même qu’une vision pluriannuelle aurait dû permettre cette souplesse et ce pragmatisme.

Nous n’avons que peu de temps pour nous exprimer et, sur des sujets aussi ardus et aussi complexes, il est impossible de passer en revue l’ensemble des politiques européennes, de leurs financements et des choix opérés. La présidente Danielle Auroi l’a en partie fait avant moi, je me contenterai donc de retenir un seul chiffre, qui illustre, pour les écologistes, les erreurs stratégiques et politiques contenues dans cette proposition. Ce chiffre, c’est 2,7 milliards, montant du financement retenu pour le projet ITER, projet que nous combattons depuis longtemps et qui a déjà englouti des sommes folles selon une logique de dérapage financier qui, pour tout autre projet, soulèverait immédiatement une légitime indignation – projet enfin dont les retombées concrètes en termes de développement économique sont tout sauf avérées.

Ces 2,7 milliards, mettons-les en perspective. Le soutien à la compétitivité de l’industrie et aux PME est, nous dit-on, l’une des priorités de la stratégie Europe 2020. C’est en effet un enjeu-clé, dans la mesure où les PME représentent plus de 67 % des emplois du secteur privé et plus de 58 % du chiffre d’affaires total de l’Union. C’est là que réside la source principale d’activité et d’emploi pour les années à venir. C’est là aussi que la crise frappe le plus durement, et que les recherches de financement ou d’aide à l’innovation sont les plus compliquées pour les acteurs économiques. Dans la proposition de budget pluriannuel, il est prévu que le budget européen soit abondé à hauteur de 2,2 milliards d’euros, au titre du programme pour la compétitivité et les PME, contre 1,3 milliard actuellement. Certes, c’est un effort, mais rapportez ces 2,2 milliards d’euros pour les entreprises qui concentrent les deux tiers des emplois privés en Europe aux 2,7 milliards prévus dans le même temps pour ITER, et cherchez l’erreur…

Autre chiffre, et ce sera le dernier : celui de l’aide aux plus défavorisés, le fameux programme européen dont bénéficient les restos du cœur et les banques alimentaires. Promis à l’extinction par un accord entre gouvernements signé il y a quelques années, celui-ci est sauvé, mais raboté au passage de quelque 500 millions d’euros et soumis à des conditions d’attribution, notamment en matière d’accompagnement et d’insertion des bénéficiaires, que les organismes auront énormément de mal à remplir. Certes, 2,5 milliards d’euros, c’est mieux que rien mais 2,5 milliards d’euros pour les plus démunis en Europe, à l’heure d’une progression galopante de la pauvreté, contre 2,7 milliards d’euros pour ITER, encore une fois cherchez l’erreur…

Je pourrais multiplier les exemples. Je pourrais vous parler de la PAC, sauvée au prix d’une renationalisation rampante, par le biais de la règle des cofinancements, et dont les conditions d’attribution demeurent trop favorables aux grosses exploitations ; la PAC dont les objectifs, notamment en termes de santé publique et environnementale, mais aussi de développement des circuits courts dont chacun perçoit aujourd’hui l’intérêt, demeurent trop souvent ignorés.

Cet accord budgétaire n’est pas seulement médiocre dans son contenu, il est aussi absurde dans son fonctionnement. Seule la flexibilité entre les années et entre les catégories de dépenses permettrait d’utiliser au mieux les ressources financières, en anticipant ou en reportant les sommes identifiées pour répondre de la manière la plus efficace aux évolutions économiques qui se font de plus en plus brutales. Le projet ne le prévoit pas.

À cela devrait s’ajouter une clause de révision obligatoire, avec vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil, pour éviter tout blocage ou tout chantage de la part d’un État. Cela permettrait de réviser le cadre financier dans deux ou trois ans, pour tenir compte, encore une fois, des évolutions.

Or ce budget, conçu sur sept ans, nous promet de l’austérité pour sept ans. Les choix opérés sont la conséquence, je l’ai dit, de négociations qui ont porté non seulement sur le niveau des contributions nationales, mais encore sur la poursuite de politiques publiques examinées au travers du prisme des intérêts nationaux. C’était la règle du jeu, dira-t-on, mais c’était aussi l’occasion de proposer une modification de cette règle du jeu pour l’avenir !

Comme l’ont rappelé les présidents des quatre principaux groupes politiques au Parlement européen, cet accord ne prévoit en rien la mise en place de véritables nouvelles ressources propres pour le budget européen, lesquelles pourraient provenir, par exemple, de la taxe carbone aux frontières et pourraient progressivement remplacer le système actuel, fondé sur les contributions nationales.

Les parlementaires européens – c’est une avancée, saluons-la – se saisissent en ce moment même de l’accord. Ils ont dit, déjà, leurs craintes et leurs déceptions. Pour que ce projet soit adopté, le Parlement européen doit le valider. Je vous le dis ici sans détour : si le texte n’est pas amendé, les députés écologistes français comptent sur les parlementaires européens pour dire non et pour contraindre les gouvernements les plus récalcitrants – et, de ce point de vue, nous ne nous adressons pas à vous, monsieur le ministre, car vous avez fait tout ce que vous avez pu, mais je sais que vous avez en tête l’identité de vos homologues européens auxquels je fais allusion – pour les contraindre donc à se dessaisir de ce pouvoir d’élaboration du budget européen, pour engager enfin le saut fédéral. Un saut fédéral sans lequel nous serons condamnés à revivre, dans l’avenir, les mêmes marchandages inadaptés à un fonctionnement à vingt-sept, qui enferment, au final, l’Europe dans les conservatismes et la privent de ses capacités de se projeter dans l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Christophe Léonard. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, il s’agit ici, si je comprends bien, de donner notre avis sur le budget européen. C’est une tâche assez difficile puisque, depuis que les parlements existent, ils n’ont pas pour mission de donner un avis sur un budget mais de consentir l’impôt, c’est-à-dire de décider souverainement.

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Paul Giacobbi. C’est une tâche difficile en second lieu parce que ce budget n’en est pas un et parce qu’enfin, malgré son nom, il témoigne fort mal de son caractère européen et moins encore de l’esprit d’union qui aurait dû y présider.

De la Grande Charte au développement du parlementarisme britannique au xviiie siècle, les parlements sont nés du consentement à l’impôt, c’est-à-dire de leur pouvoir de décider souverainement en matière budgétaire. Dès lors, donc, qu’ils n’ont pas ce pouvoir, il n’y a pas de parlement.

Ni cette assemblée ni même le « Parlement » européen ne décident vraiment – et c’est ce qui met si mal à l’aise les élus nationaux ou européens – face à une mécanique budgétaire qui est contraire à ce que l’Europe a mis tant de temps à inventer et à mettre au point : la démocratie parlementaire.

Alors on nous dit que, désormais, par la grâce de l’ultime avatar des traités européens, le Parlement de l’Europe aurait – quel honneur ! – une manière de participation au processus de décision. On appelle cette procédure confuse, qui consiste pour les gouvernements, réunis en conseil, à partager le pouvoir budgétaire avec une assemblée élue, la « codécision ».

Il y a dans ce vocabulaire, dans ces procédures contraires à tous les principes, dans cette approche rétrograde de la démocratie parlementaire…

M. François Sauvadet. Oh là là !

M. Paul Giacobbi. …je ne sais quel relent de Constitution Louis-Philipparde, de ces temps intermédiaires entre le pouvoir royal et la démocratie contemporaine dont on pensait à tort qu’ils appartenaient au passé.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Modernisez votre pensée !

M. Paul Giacobbi. Il faudrait justement que le Parlement européen, et plus largement l’Union européenne, modernisent leur pensée et leurs procédures, car elles remontent à Louis-Philippe dans l’esprit et dans la forme !

Alors nous verrons bien, puisqu’après tout la nature des Parlements est d’accroître leurs pouvoirs dès lors que l’on consent à leur en déléguer une parcelle, si cette première expérience de « codécision budgétaire » fera ou non émerger une sorte de coutume parlementaire européenne par laquelle le peuple, le peuple d’Europe, pourrait enfin faire entendre un peu de sa voix à travers celle de ses représentants. J’en doute, mais sait-on jamais.

Ce n’est pas non plus un budget qui est soumis à votre avis, mais plutôt ce que l’on appelle un cadre financier pluriannuel.

Cet objet non identifié des finances publiques est supposé régir les dépenses de l’Union pendant sept exercices, c’est-à-dire une éternité à une époque où nos économies vivent au mois le mois, pour ne pas dire au jour le jour. C’est une absurdité confondante !

On nous dit d’ailleurs que le Parlement européen essaierait peut-être d’obtenir le droit de réexaminer chaque année ledit budget. Le baron Louis avait appelé cela l’annualité, vous voyez que nous n’y sommes pas encore ! Ce serait effectivement la moindre des choses, la logique même, mais rien ne nous dit que cela se passera ainsi.

Enfin, où est l’Europe dans tout cela ? Et où est l’union ? Car le principe fondamental qui semble avoir prévalu dans cette affaire, ce n’est certainement pas le bien de l’Europe et encore moins l’union de ses peuples et de ses gouvernements. Bien au contraire ! Ce qui semble avoir triomphé pour chacun des acteurs gouvernementaux de cette sinistre comédie, c’est ce principe comptable d’égoïsme national, en son temps immortalisé par une formule définitive de Mme Thatcher : « I want my money back ».

M. Jacques Myard. Et moi je veux mon pognon !

M. Paul Giacobbi. C’est une traduction libre, mais c’est à peu près cela.

Contentons-nous donc d’examiner les faits à l’aune de cette comptabilité et sur la base de ce principe. On peut considérer, pour la situation française, que la bouteille est à moitié pleine ou à moitié vide.

Commençons par la bouteille à moitié pleine : le gouvernement français, et je m’en réjouis, a tout de même réussi à atteindre l’objectif qu’il s’était fixé de sauver l’enveloppe globale de la politique agricole commune, qui atteindrait ainsi les 56 milliards d’euros pour la période considérée.

Ne manquons pas de saluer ce succès dans le contexte actuel, même si l’on peut s’interroger sur l’intérêt réel que représente la PAC pour notre territoire, voire pour notre agriculture.

Nous pourrions aussi regretter que la politique régionale, en particulier à destination des régions intermédiaires, ait été sacrifiée sur l’autel de la PAC. Les choses évolueront peut-être, mais j’en doute.

On peut aussi se faire plaisir en remarquant qu’après tout, une diminution des dépenses réelles de l’Europe ne serait pas vraiment à redouter, pas à redouter du tout même puisque, si les crédits de paiement inscrits diminuent, leur montant pour la période 2014-2020 reste supérieur de près de 50 milliards environ à la dépense effective de la période précédente.

Nous avons tous ici une certaine expérience des budgets : cet argument, s’il est cohérent, est loin de nous convenir.

Si je me souviens bien, nous entendions parler, il n’y a pas si longtemps encore, d’un fameux plan de relance de l’Europe. Il ne fallait cependant pas être grand clerc pour en dégonfler la baudruche : 120 milliards…

M. Jacques Myard. 125 !

M. Paul Giacobbi. …qui se décomposaient en réalité – et le mot convient bien – en 60 milliards de fonds non utilisés que l’on se proposait de mobiliser enfin, sans rien faire d’un point de vue pratique pour y parvenir, et 60 autres milliards qui provenaient des prêts que pouvait théoriquement consentir la Banque européenne d’investissement sur la base d’une augmentation de ses fonds propres, lesquels représentaient environ un dixième de cette manne dont on attend toujours la miraculeuse apparition.

M. Jacques Myard. Détendez-vous, monsieur le ministre !

M. Paul Giacobbi. Toujours est-il qu’à ce jour, l’addition de ces carottes hypothétiques et de ces navets putatifs n’a pas permis de mettre une salade comestible au menu d’une relance européenne qui n’est déjà plus disponible à la table de notre Union.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Paul Giacobbi. Reste que les images comptent, dans la vie diplomatique. Le contraste est grand entre une Grande-Bretagne implorant ses partenaires, il y a quelques semaines encore, de bien vouloir lui permettre de demeurer dans l’Union européenne alors même qu’elle ne pouvait accepter de monter dans ce fameux train de l’intégration rapide, et le retour triomphant de David Cameron à Londres, qui non seulement a obtenu ce qu’il voulait – un budget en baisse et la garantie d’un juste retour pour son pays – mais a remporté de surcroît un beau succès diplomatique grâce auquel il a, provisoirement j’espère, fait mine de réunir un front sur la base d’une alliance germano-britannique, brisant, pour le moment du moins, le fameux couple franco-allemand supposé être le moteur de la construction européenne.

Le retour de David Cameron n’est peut-être pas aussi triomphal que celui de son illustre prédécesseur Benjamin Disraeli à la suite du congrès de Berlin de 1878, mais son succès fera tout de même date dans les annales de l’Union européenne.

On comprend mieux à présent le sens des admonestations goguenardes de Mme Merkel à Berlin qui nous rappelait, à nous le partenaire dépensier du couple, que son pays, voire l’Europe, ne pouvaient plus désormais accepter et encore moins cautionner nos écarts financiers.

L’histoire de ce supposé budget européen est loin d’être écrite. Nous n’en sommes qu’au début. Notre Parlement s’honorerait à en examiner sans concession la signification profonde en termes d’organisation et de fonctionnement de l’Europe plutôt que de se borner à en dresser une comptabilité dérisoire et peut-être trompeuse pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. Pas mal !

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Monsieur le ministre, vous allez entendre une autre musique, celle des députés communistes et du front de gauche.

M. Marc Dolez. Cela nous fera du bien !

M. François Asensi. Les situations budgétaires de la France et de l’Europe sont indissociables. Partout sur le continent, les politiques d’austérité échouent. La France ne fait pas exception : croissance atone, emploi en berne, aggravation des inégalités, baisse de la dépense publique et des dotations aux collectivités territoriales.

La réévaluation de la croissance du PIB français autour de 0,2 %, au lieu des 0,8 % qui avaient été annoncés, prouve que l’austérité renforce la crise. Elle prive les États des moyens budgétaires indispensables pour redresser leur économie et pour relancer la croissance, par la consommation et grâce à une politique industrielle volontariste.

Le budget de la nation est amputé de 10 milliards d’euros, mais 20 milliards de crédit d’impôt sont offerts aux entreprises ! Comment accepter que l’on sacrifie des dépenses utiles pour faire des cadeaux aux entreprises, essentiellement les plus grandes, sans aucune garantie sur la relance de l’économie ou les efforts qu’elles pourraient consentir dans la recherche ou l’investissement ?

En lançant un audit sur un périmètre de 55 milliards d’aide aux entreprises, le Gouvernement reconnaît d’ailleurs l’inefficacité de ces mesures et leur manque de contrôle. Ces aides sont d’autant plus injustifiables qu’un nouveau plan de rigueur qui ne dit pas son nom se prépare, avec à la clé 4,4 milliards d’euros de coupes budgétaires pour les collectivités territoriales.

Ces choix économiques contestables se retrouvent au niveau européen.

Je regrette que Gouvernement n’ait pas pu infléchir les orientations libérales européennes promues par Londres et Berlin. Le budget pluriannuel 2014-2020 de l’Union européenne est en effet marqué du même sceau de l’austérité.

Cet acte politique majeur ne parvient pas à donner une orientation ambitieuse pour l’Europe en matière de politiques économiques, d’investissements publics et de politiques de solidarité.

Pourtant, ce débat prend une dimension particulière au regard du contexte. La précarité, le chômage, la pauvreté et les inégalités ne cessent en effet de progresser : 120 millions de personnes sont menacées par la pauvreté ou l’exclusion sociale en Europe.

Malgré l’urgence, la Commission européenne et le Conseil européen sont restés sourds aux besoins des peuples. Sans projet ni vision d’avenir, l’Europe comptable a prévalu, symbolisée par l’objectif de réduction du déficit à 3 %, qui est désormais inatteignable.

Les négociations ont certes débouché sur un compromis mais c’est en réalité une victoire pour les États les plus libéraux, au premier rang desquels le Royaume-Uni et l’Allemagne. L’accord conclu lors du Conseil européen du 8 février dernier se traduit en effet par une diminution du budget de 36 milliards d’euros, soit une baisse de 5 % par rapport à la période 2007-2013.

Ce budget est le résultat de renoncements successifs. Sous la pression du Premier ministre britannique, qui souhaite, je ne crains pas de le dire ici, l’échec de la construction européenne, le budget a été réduit de plusieurs dizaines de milliards d’euros lors des négociations. C’est bien en deçà de la proposition de budget élaborée par la Commission européenne, déjà peu ambitieuse.

Pour la première fois de son histoire, le budget de l’Union européenne va diminuer. Cette décision est historique car elle signifie l’abandon de toute ambition d’une Europe politique, exprimant ainsi un manque de confiance dans la construction européenne.

Le seul point d’accord fut la poursuite d’une politique d’austérité. Les chefs d’État et de gouvernement ont confirmé leur obsession de la rigueur budgétaire, une obsession qui l’a de nouveau emporté sur la relance de la croissance, la solidarité et la justice sociale.

Un tel cadre budgétaire pluriannuel nous condamne à un budget d’austérité pour sept ans ! Pis, il condamne l’Europe à la récession économique et à la régression sociale. Le modèle allemand lui-même n’en sortira pas indemne. C’est une telle absurdité économique que les principales formations politiques du Parlement européen ont exprimé conjointement leur opposition.

La relance des économies européennes par l’investissement aurait dû guider les chefs d’État et de gouvernement. La relance ne peut résulter que d’une stratégie européenne de croissance fondée sur quelques axes fondamentaux : l’investissement massif dans des projets d’infrastructure, dans la réindustrialisation de nos territoires, les énergies renouvelables et les technologies de pointe.

Au plus fort de la crise financière, les États européens ont su recapitaliser les banques à hauteur de 3 000 milliards d’euros…

Ce budget s’inscrit dans la lignée du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance conçu par Mme Merkel et M. Sarkozy, dont nous avions raison de dire qu’il serait synonyme d’austérité pour les peuples. En dépit des déclarations du Président de la République qui prétendait vouloir réorienter l’Europe vers la croissance, l’Union européenne n’a pas dévié de son credo libéral de réduction des dépenses et des déficits.

Cette politique est une impasse. Comment peut-on espérer réduire la dette sans restaurer la croissance ?

La stratégie Europe 2020 avait fixé, en mars 2010, un certain nombre d’objectifs : taux d’emploi à 75 % pour les femmes et les hommes, réduction de 20 % des émissions de gaz à effets de serre, investissement public dans la recherche à hauteur de 3 % du PIB européen. Aussi limités soient-ils, ils ne pourront être atteints dans le cadre de ce budget d’austérité.

Le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne impose un certain nombre de coupes budgétaires qui sont inacceptables pour nous, partisans d’une Europe moderne et sociale.

Nous avons défendu aux côtés d’associations comme les Restos du cœur, la Croix-Rouge ou le Secours populaire, le maintien du programme alimentaire européen des plus démunis, dont dépendent 18 millions d’Européens dans le besoin. Cette revendication, portée par l’ensemble des tendances politiques, a permis de maintenir in extremis le dispositif, mais je regrette la forte baisse de ses crédits : l’enveloppe passe de 3,5 à 2,5 milliards d’euros, alors que l’aide alimentaire, qui ne concerne que 17 pays aujourd’hui, sera étendue aux 25 pays de l’Union européenne.

L’Europe ne doit pas, et encore moins en période de crise, oublier les citoyens dans la précarité, menacés de sombrer dans la pauvreté.

Par ailleurs, la diminution drastique des fonds de cohésion et de solidarité illustre le triomphe des égoïsmes nationaux.

Ce budget a été amputé de près de 30 milliards d’euros par rapport à celui de 2007-2013, ce qui est inacceptable car l’objectif essentiel de réduction des disparités régionales en Europe s’en trouve menacé. Nous refusons que l’Europe se construise sur la concurrence entre les peuples et les territoires.

Le budget de la politique agricole commune a été également réduit de 47 milliards d’euros sous la pression d’États comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne. Si une réforme de ce dispositif est nécessaire, il n’en reste pas moins que la réduction des crédits est une source d’inquiétude pour le monde agricole.

Enfin, le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, censé amortir le choc des plans sociaux que nous connaissons actuellement, diminue de 70 %. Ce sont 350 millions d’euros en moins pour les salariés victimes du libéralisme effréné et de la course à la rentabilité.

Globalement, les partisans d’une Europe ultralibérale repliée sur l’intérêt national ont triomphé à l’issue des négociations. La réorientation de l’Europe en faveur de la croissance et de l’investissement n’a pas eu lieu. Je regrette de dire que le Gouvernement et le Président de la République ont été impuissants face à la toute-puissance des libéraux que sont les gouvernements allemand et britannique.

Les députés du Front de gauche appellent de leurs vœux un profond changement des orientations européennes. Il est urgent de renouer avec de grands projets industriels mobilisant les compétences et la contribution de l’ensemble des États membres, tel Airbus.

Le démantèlement de la sidérurgie européenne, secteur au fondement de la révolution industrielle européenne, appelle des réponses énergiques pour refaire de l’Europe un acteur majeur de la politique industrielle.

Concernant les investissements d’avenir, nous appelons à un effort particulier en faveur de la recherche et de l’innovation, notamment dans le domaine de la transition écologique et énergétique. C’est une source majeure de croissance et d’emplois.

Par ailleurs, face à la défiance toujours plus grande des citoyens envers l’Europe, il convient de mettre en œuvre les moyens nécessaires au renforcement de l’identité européenne, au soutien à la jeunesse et aux associations.

Ainsi, nous rappelons notre attachement à une augmentation des crédits pour le nouveau programme en matière d’éducation, de formation, de jeunesse et de sport, intitulé « Erasmus pour tous », de manière à permettre à ce programme, qui contribue à forger la conscience européenne et à préparer l’avenir, d’être pleinement efficace.

Comme je me suis attaché à le démontrer, ainsi que les députés communistes du Front de gauche, le budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020, marqué du sceau de l’austérité, ne permettra pas à l’Europe de sortir de la crise. Il ne permettra pas à l’Europe de redevenir un espace de progrès et de solidarité entre les peuples.

Le Parlement européen aura bientôt à se prononcer sur ce budget. Les députés communistes et du Front de gauche souhaitent que les parlementaires européens maintiennent leur opposition constructive pour qu’un budget plus ambitieux voie le jour. Nous appelons dès maintenant le Gouvernement à s’engager dans cette bataille vitale pour préserver le rêve européen.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. Merci. Nous suspendons nos travaux pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite à mon tour qu’un débat ait été organisé sur cette question. Puisqu’il n’y a plus de débat sur le prélèvement européen en commission des finances, il doit pouvoir avoir lieu dans cet hémicycle.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Christophe Caresche. Le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour la période 2014-2020 a fait l’objet d’un accord des chefs d’État et de gouvernement au sein du Conseil européen du 8 février dernier.

Cet accord, obtenu à vingt-sept selon la règle de l’unanimité, est certainement le moins mauvais des compromis qui pouvait être trouvé compte tenu du contexte politique. Le Président de la République n’a pas nié qu’il aurait souhaité un compromis plus positif pour l’Europe.

M. Pierre Lequiller. Le meilleur, ce serait mieux !

M. Christophe Caresche. Mais c’est vrai, monsieur Lequiller, les conservateurs sont majoritaires en Europe ! Et ce sont vos amis, mesdames et messieurs de l’opposition ! Il y a une forme d’ironie, voire de schizophrénie, à voir la droite dénoncer ici l’insuffisance du budget européen, alors que ce sont ses amis qui ont pesé en faveur d’un budget européen à la baisse.

Le Président de la République s’en est d’ailleurs amusé lorsqu’il est allé à Strasbourg devant le Parlement européen. Il a été unanimement salué et il a été interpellé par la droite européenne qui lui a demandé de peser de tout son poids pour essayer d’améliorer le budget européen. Il n’a pas manqué de souligner que l’on demandait « à un socialiste d’empêcher que les conservateurs ne fassent un mauvais budget »…

Telle était la réalité à la veille du sommet européen : des conservateurs demandant au Président français, socialiste, de ne pas accepter les réductions de crédits demandées par les chefs d’État ou de gouvernement conservateurs !

Eh bien, c’est dans ce sens que la France a agi.

Elle a négocié pied à pied une réorientation à la hausse de ce budget, en préservant les politiques communes, dans des conditions économiques difficiles. Il est vrai que le Président de la République s’est effectivement et heureusement désolidarisé des pays du « club des radins » dont la France faisait partie jusqu’à présent. Car en 2010, lorsque Nicolas Sarkozy a débuté la négociation sur le budget européen, il avait la même position que M. Cameron : il voulait une réduction du budget européen de 200 milliards d’euros.

M. Jacques Myard. Et alors ?

M. Christophe Caresche. Si cette position avait été maintenue, M. Cameron aurait eu raison sur toute la ligne, ce qui n’a pas été le cas. Car, contrairement à ce qui a été dit, M. Cameron n’a pas obtenu la baisse des crédits qu’il souhaitait.

M. Damien Abad. Si !

M. Christophe Caresche. Non, monsieur Abad, ce qu’il a obtenu n’est pas conforme aux objectifs qu’il s’était fixés…

M. Damien Abad. Vous non plus !

M. Christophe Caresche. …et la démonstration, extrêmement convaincante, en a été faite par le ministre. Il la refera peut-être.

Au total, le Président de la République a permis à l’Europe de sortir de la surenchère à la baisse des crédits du budget européen, tout en préservant les intérêts de la France : je pense à la politique agricole commune. En tout cas, je vois que sur ce plan, il y a unanimité pour considérer que le Président de la République a réussi à préserver cette politique à laquelle nous sommes si attachés.

Ce cadre budgétaire est, et doit être considéré à mon sens, comme un budget de transition. Un budget de transition, car on ne pourra pas longtemps faire l’économie d’une révision et d’une réorientation de la structure de certaines dépenses. Un budget de transition, car il n’est simplement plus possible de laisser perdurer en l’état la structure des recettes du budget de l’Union, composées essentiellement de contributions nationales.

C’est une incitation, pour chaque État, à ne se préoccuper que de ses propres retours et de son solde net, en lieu et place de l’intérêt général européen. C’est vrai, ce système favorise les égoïsmes nationaux.

En outre, la règle de l’unanimité conduit à laisser l’élaboration du budget européen à la merci des pays les plus antieuropéens.

Il y a quand même un paradoxe insupportable, comme l’a souligné Mario Monti – M. Lequiller l’a rappelé – à voir un pays qui ne sera peut-être plus membre de l’Union européenne en 2017 peser à ce point sur la négociation de son cadre financier.

M. Jacques Myard. Monti ne sera peut-être plus là non plus !

M. Christophe Caresche. Dans ce contexte difficile, nous soutenons les perspectives tracées par le Président de la République, en particulier la possibilité d’adapter les délais et la composition de ce budget.

Nous souhaitons tout d’abord l’adoption d’une clause de révision. Ainsi, ce budget de transition, qui doit accompagner la sortie de crise, pourrait être revu à la hausse : dans un contexte de reprise de la croissance en Europe, que nous espérons tous, il devrait être possible d’augmenter le budget européen. En outre le cycle budgétaire devrait correspondre au cycle électoral, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il n’est pas satisfaisant que la décision sur le cadre budgétaire européen des sept prochaines années soit prise à la fin des mandats de la Commission et du Parlement européen.

Nous soutenons les efforts de celui-ci visant à obtenir ces avancées comme nous soutiendrons les efforts visant à fixer des objectifs de flexibilité et de fongibilité permettant de passer facilement d’un chapitre à l’autre. Le Président de la République a obtenu sur ce point des avancées incontestables. La flexibilité est l’assurance que les crédits prévus seront effectivement dépensés. Si elle utilise l’ensemble des crédits prévus dans ce cadre financier, l’Union dépensera 50 milliards de plus que les crédits effectivement dépensés au cours de la période précédente.

La France n’a pas été isolée. Elle a été un acteur majeur du compromis conclu. Certes, celui-ci s’inscrit dans un contexte économique européen difficile. Dans quelques jours, la Commission européenne actualisera ses perspectives de croissance. Nous savons d’ores et déjà qu’elles seront révisées à la baisse pour un certain nombre de pays européens, et pas seulement le nôtre.

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. Christophe Caresche. Je n’y vois pas matière à se réjouir, monsieur Myard !

M. Jacques Myard. Je ne m’en réjouis pas, je hurle ma colère !

M. Christophe Caresche. Votre colère, monsieur Jacques Myard, est aussi la nôtre au vu de l’état dans lequel vous avez laissé la France !

M. Jacques Myard. Non monsieur ! Consultez les statistiques macroéconomiques européennes !

M. Christophe Caresche. Quand on voit l’incapacité de la France, pendant des années,…

M. le président. Il ne s’agit pas d’un dialogue avec M. Myard, monsieur Caresche. Veuillez vous adresser à l’Assemblée tout entière.

M. Christophe Caresche. Nous sommes ici dans un débat, monsieur le président.

M. le président. Certes, mais pas avec le seul Jacques Myard.

M. Christophe Caresche. Disons que nous ne sommes pas dans une assemblée désincarnée. (Sourires)

L’incapacité de la France, au cours des dix dernières années, à régler ses problèmes budgétaires et mener une politique qui nous permettrait aujourd’hui de disposer des marges de manœuvre pour faire face à la crise, la droite en est responsable et nous héritiers ! Il me semble que nous faisons face avec courage et sérieux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Exactement !

M. Jacques Myard. Et la compétitivité, quand allez-vous en parler ?

M. Christophe Caresche. Le Premier Ministre a raison de dire que, dans ce contexte difficile, il faut maintenir le cap de notre engagement d’un retour à l’équilibre budgétaire en 2017. Mais nous attendons également de nos partenaires de l’Union européenne un engagement clair en faveur de la croissance, sans laquelle l’ajustement budgétaire des pays européens ne sera pas viable. Il faut une réponse européenne à la crise, et pas seulement en termes de stabilité financière. Certes, de grands progrès ont été réalisés sur ce point, en particulier à l’initiative de la France qui, aidée de l’Italie et de l’Espagne, a mis en place en juin dernier les éléments d’une union budgétaire. Mais il faut également que les choses bougent en termes de croissance. C’est ce que le Président de la République a proposé sous la forme du pacte de croissance lors du sommet du mois de juin. C’est aussi le sens des propositions visant à une meilleure coordination des politiques économiques.

Les efforts nationaux et européens pour sortir de la crise doivent se conjuguer afin de mettre en place une véritable politique économique commune. Cela implique que les États bénéficiant d’excédents commerciaux relancent leur demande intérieure et que les États en difficulté procèdent aux nécessaires ajustements. La bonne coordination des politiques économiques, c’est offrir aux uns les débouchés nécessaires à leur économie et aux autres la possibilité de se mettre à niveau. Chacun doit faire son travail. C’est la condition du redressement auquel chacun a intérêt.

C’est dans cet esprit que nous devons concevoir la relation franco-allemande, qui n’est pas menacée, comme certains le déplorent ou peut-être l’espèrent, pour la simple raison que nos destins sont liés et qu’il n’y a pas, en Europe, de solution alternative à la relation franco-allemande. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy avait en son temps essayé de nouer une relation avec l’Angleterre, mais il est vite revenu à une relation privilégiée avec l’Allemagne. Cela ne signifie pas pour autant que la France doit s’aligner inconditionnellement sur les politiques allemandes, comme l’a fait Nicolas Sarkozy à la fin de son mandat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nos intérêts et nos approches sont parfois différents, c’est d’ailleurs ce qui fait toute la valeur des compromis franco-allemands. En l’occurrence, ce qui nous rapproche est beaucoup plus important que ce qui nous divise, comme le montre l’agenda commun franco-allemand dressé à l’occasion du cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, que vous ne semblez pas avoir lu, mesdames et messieurs de l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Plaît-il ?

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je voudrais tout d’abord remercier nos collègues du groupe UDI qui ont voulu ce débat. Sans eux, il n’aurait certainement pas eu lieu aujourd’hui.

Mme Estelle Grelier. Encore faudrait-il qu’ils l’écoutent !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ils ne sont pas là ! Ils ne doivent pas être très intéressés !

M. Damien Abad. « De cet accord, l’Union sort moins solidaire, moins puissante et finalement moins européenne. Dépourvue de toute marge de manœuvre budgétaire pour sept ans, elle sera condamnée à agir par toujours plus de réglementation et de sanction, au lieu d’inciter et d’encourager davantage. La croissance et l’emploi en seront les premières victimes ». Ces propos marqués au coin du bon sens sont dus au président de la commission des finances du Parlement européen, M. Alain Lamassoure.

On comprend mieux pourquoi il a fallu autant de temps au Gouvernement pour accepter un débat sur les perspectives financières de l’Union, qui engagent pourtant notre pays pour sept ans. C’est sans doute pour masquer un « mauvais compromis », comme l’a déclaré lui-même Daniel Cohn-Bendit qui juge ce budget « rétrograde, sans vision de l’Europe ». Le président de l’Assemblée nationale lui-même a confié son espoir que le Parlement européen conteste ce mauvais compromis.

Mme Estelle Grelier. Vous n’allez pas convoquer tous les opposants !

M. Damien Abad. Ainsi, avec ce compromis, le Président de la République, le Premier ministre et le ministre en charge des affaires européennes tournent le dos à l’Europe et renient leurs engagements devant les Français.

Vous tournez le dos à l’Europe et vous reniez vos engagements devant les Français car vous avez mis à mal la crédibilité de la France en prétendant vouloir renégocier un traité adopté par tous nos partenaires européens.

Vous tournez le dos à l’Europe et vous reniez vos engagements devant les Français en pensant assumer le leadership d’une Europe à 27 comme on assume, par petits arrangements entre amis, la gestion des courants au PS. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Estelle Grelier. Détendez-vous !

Mme Julie Sommaruga. Prenez donc de la hauteur !

M. Damien Abad. Vous tournez le dos à l’Europe et vous reniez vos engagements devant les Français en prétendant avoir négocié un pacte de croissance de 120 milliards d’euros dont tout le monde cherche aujourd’hui la trace.

Vous tournez le dos à l’Europe et vous reniez vos engagements devant les Français en affirmant refuser une politique européenne du « tout austérité » alors que vous venez de signer un accord sur un budget d’austérité, le premier à diminuer en valeur absolue depuis trente ans. Vous avez même réussi l’exploit de transformer votre promesse de 120 milliards d’euros supplémentaires en une baisse de 35 milliards d’euros !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. On ne l’a pas fait tout seuls !

M. Damien Abad. Oui, on entend beaucoup incriminer les conservateurs en Europe, mais c’est reconnaître implicitement la faible influence de notre Président de la République sur ses homologues européens et oublier que l’Europe s’est toujours construite sur une alliance entre le centre-droit et la social-démocratie.

Vous tournez aussi le dos à l’Europe et vous reniez vos engagements devant les Français en affirmant vouloir un budget européen au service de grands projets tout en signant un accord sur un budget dans lequel les dépenses d’avenir et de recherche ainsi que les projets de grandes infrastructures sont rognés, ce qui compromet l’avenir de programmes comme ITER ou GMES, contrairement à ce que vient de déclarer ici M. le Premier Ministre.

Mme Julie Sommaruga. Ce n’est pas vrai !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Ce n’est pas nous qui tournons le dos à l’Europe !

M. Damien Abad. Vous tournez le dos à l’Europe et vous reniez vos engagements devant les Français en clamant partout haut et fort que la PAC a été préservée alors que les agriculteurs perdront 12 % des crédits qui leur sont affectés.

Vous tournez le dos à l’Europe et vous reniez vos engagements devant les Français en affirmant vouloir protéger les plus démunis tout en signant un accord prévoyant de diviser par trois le fonds d’ajustement à la mondialisation qui aide les salariés dont l’usine ferme.

Mme Julie Sommaruga. Vous êtes mal placés pour en parler !

M. Damien Abad. Quant au programme d’aide aux plus démunis, avec le compromis voté, il se montera à cinq centimes par jour pour chacun des 18 millions de bénéficiaires. Vous voudrez bien m’expliquer, mes chers collègues, comment vous comptez faire l’Europe sociale avec le budget européen de M. Cameron !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Qui est votre ami et non le nôtre !

M. Damien Abad. Vous tournez le dos à l’Europe et vous reniez vos engagements devant les Français en affirmant vouloir réduire notre déficit public tout en révisant vos objectifs à la baisse, en particulier celui de 3 % du PIB, parce que nous sommes devenus le pays de la croissance nulle.

Vous tournez le dos à l’Europe et vous reniez vos engagements devant les Français en appelant de vos vœux un axe franco-allemand fort tout en menant une politique économique et sociale confiscatoire pour les classes moyennes qui nous éloigne chaque jour un peu plus de notre voisin d’outre-Rhin.

Enfin, vous tournez le dos à l’Europe et vous reniez vos engagements devant les Français en appelant de vos vœux une Europe qui parle d’une seule voix sur la scène internationale tout en engageant seuls nos forces armées au Mali sans entraîner nos partenaires européens.

Mme Estelle Grelier. Ce n’est pas vrai !

M. Damien Abad. Ainsi, ce compromis budgétaire qui nous engage sur sept ans est le symbole de la perte d’influence de la France en Europe. C’est le fruit d’un axe franco-allemand qui a dévissé et qui s’est désaxé au profit d’un nouveau couple germano-britannique. C’est surtout la preuve de l’incapacité de la gauche française à avoir une vision partagée de l’Europe ainsi que de l’isolement de cette même gauche française qui, contrairement aux autres gauches européennes qui ont fait la mue vers la social-démocratie, continue à faire le choix des 35 heures, de l’impôt confiscatoire et de la décroissance durable.

Mme Estelle Grelier. Occupez-vous de votre parti !

M. Damien Abad. Ce rendez-vous budgétaire était un test de la volonté européenne de François Hollande. Eh bien ! Force est de constater que c’est devenu un rendez-vous manqué avec l’Histoire.

Mme Estelle Grelier. Rien que ça !

M. Damien Abad. Pour obtenir ce prétendu compromis budgétaire, vous êtes allés de reniements en renoncements. Vous avez préféré les constats aux résultats, la parole aux actes, les reniements aux convictions, les faux-semblants à la vérité, les volte-face à la cohérence, les effets de manche à l’action concrète et efficace. Bref, le reniement permanent, c’est maintenant et le changement, ce n’est pas demain la veille !

Si je déplore ce compromis avec force, monsieur le ministre, ce n’est pas pour vous accabler en pure logique politicienne mais pour vous dire à quel point nous, Européens convaincus – c’est l’ancien député européen qui vous parle – sommes affligés de vous voir condamner l’Europe à l’impuissance et au délitement.

En effet, au-delà des seuls enjeux budgétaires, c’est bien une vision de l’Europe et une conception de l’Union européenne que l’on était en droit d’attendre. De M. Hollande, qui se dit fils spirituel de Jacques Delors et de François Mitterrand, on était en droit d’attendre un chef d’orchestre fédéraliste. Il s’est révélé pâle soliste mais grand joueur de pipeau ! Quel contraste saisissant avec la présidence française de l’Union européenne exercée par Nicolas Sarkozy en 2008 !

M. Guy Geoffroy. Ça, c’est vrai !

M. Damien Abad. Il est grand temps de retrouver le souffle européen qui fait tant défaut à la France et aux Français aujourd’hui. À cette fin, nous devons jeter les bases d’une Europe politique intégrée, resserrée sur quelques pays mus par la volonté de faire avancer ensemble des enjeux clés comme l’énergie, la régulation financière ou la défense.

Nous devons aussi créer les conditions d’une convergence budgétaire, fiscale et sociale avec l’Allemagne et donner à l’Europe les moyens de ses ambitions en dotant l’Union européenne d’un véritable budget européen fédéral doté de véritables ressources propres, telles la taxe sur les transactions financières.

Mme Estelle Grelier. C’est bien la première fois que vous la vantez !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Oui, c’est l’UMP branche fédéraliste !

M. Damien Abad. Cette taxe, vous le savez comme moi, a été votée au Parlement européen bien avant que vous n’arriviez au pouvoir. Ce n’est donc pas M. le Premier Ministre qui a lancé le débat sur les ressources propres.

Enfin, nous devons privilégier l’Europe de la protection sur celle de la réglementation, l’Europe de la politique industrielle sur celle de la concurrence à tout va, l’Europe des producteurs sur celle des farines animales, l’Europe des volontés sur celle des renoncements, l’Europe des citoyens sur celle des technocrates.

Mes chers collègues, l’Europe n’est pas une option, mais une nécessité qui nous engage toutes et tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. Une nécessité d’hier ! Je t’aime bien, Damien, mais je ne suis pas d’accord avec toi… (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Estelle Grelier.

Mme Estelle Grelier. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier M. le Premier ministre d’avoir précisé la position de la France dans les négociations sur le cadre financier pluriannuel et féliciter M. le ministre chargé des affaires européennes pour ses explications, qui traduisent toujours son sens de la pédagogie et sa détermination.

Que retenir, sinon la mauvaise foi de la droite – que vient d’illustrer à l’instant notre collègue Abad ?

M. Patrice Verchère. Et les mensonges de la gauche !

Mme Estelle Grelier. « Y’a qu’à, faut qu’on ! » Mais, chers collègues de l’opposition, faut-il vous rappeler que dix-neuf des vingt-sept États de l’Union européenne sont dirigés par des conservateurs, que le parti populaire européen – sur le blog duquel vous revendiquez vous-mêmes le fait d’être conservateurs – compte des vice-présidents particulièrement connus : M. Barroso, M. Barnier – que vous citez souvent, monsieur Abad –, M. Daul ? Ainsi la droite dénonce un compromis dont elle a été l’artisan, puisqu’il a été proposé par une Commission de droite et que l’avis conforme du Parlement européen, dont le groupe politique le plus important est de droite, est nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Voilà ce qu’il faut retenir !

Par ailleurs, je suis un peu déçue par la ligne que vous défendez : nous avons discuté du cadre financier pluriannuel en commission des affaires européennes…

M. Damien Abad. Nous sommes en séance publique !

Mme Estelle Grelier. Mais nous en discutons aussi ailleurs, mon cher collègue.

J’ai d’ailleurs rédigé un rapport sur ce sujet avec M. Laffineur. Or, sur quoi nous opposions-nous ? M. Laffineur souhaitait que le budget européen, le cadre financier pluriannuel, baisse – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle M. Myard en était si content – et que l’on applique la macro-conditionnalité économique aux fonds structurels, c’est-à-dire que ceux-ci soient versés aux États ayant atteint leurs objectifs. Ne faites donc pas semblant de découvrir ce que vous pensez, parce que se tiennent un Conseil européen et un débat médiatisé en séance publique à l’Assemblée ! Vous êtes de mauvaise foi ; on ne comprend pas votre ligne.

M. Damien Abad. Et la vôtre ?

Mme Estelle Grelier. Vous avez voulu la baisse du budget européen : vous l’avez votée au mois de décembre en commission des affaires européennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur Lequiller, ne faites pas mine de vous inquiéter de ce que la gauche fera des bases légales ! Vous les tenez, au Parlement européen : pour avoir été, comme Damien Abad, députée européenne, je sais que vous êtes majoritaires au sein de la commission agriculture. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Écoutons l’oratrice, mes chers collègues. Il est inutile de nous interpeller mutuellement.

Mme Estelle Grelier. Que retenir, sinon l’essoufflement de la méthode intergouvernementale – qui est plutôt un mal pour un bien – et l’usure d’une procédure qui requiert l’unanimité pour la définition du cadre financier pluriannuel, dont je rappelle qu’il n’est pas un budget mais le plafond que doivent respecter les budgets annuels ? À ce propos, j’indique à ceux qui auraient besoin d’être rassurés que, dans la période précédente, ces derniers étaient inférieurs au plafond fixé par le cadre financier.

François Hollande a obtenu le moins mauvais compromis dans un contexte où les conservateurs font de la baisse du budget un dogme, où les intérêts électoraux, dans des pays voisins, notamment l’Allemagne – et je ne parle pas des Britanniques –, ont beaucoup pesé et où les budgets nationaux sont en tension. Le contexte n’était pas propice à l’approfondissement de la construction européenne.

M. Damien Abad. Il fallait le dire pendant la campagne !

Mme Estelle Grelier. On parle de saut fédéral, mais vous ne l’avez jamais voulu jusqu’à présent.

François Hollande, je le répète, a donc obtenu le moins mauvais compromis possible.

S’agissant de la politique agricole commune, je rappelle qu’il fut un temps où la droite jugeait que la négociation avait été satisfaisante ou non en fonction du niveau du taux de retour. En l’espèce, elle aurait mérité mieux que ce que vous en avez dit.

C’est maintenant au tour du Parlement européen d’émettre un avis sur le cadre financier pluriannuel. Mais nous savons qu’il sera voté en 2013 puisque, s’il ne l’est pas, un système dérogatoire fera tomber les rabais. Que pouvons-nous obtenir ? Nous pouvons soutenir l’application de la clause de révision, qui interviendra vraisemblablement en 2015, afin de remettre un peu de démocratie dans tout cela et de faire coïncider le temps budgétaire avec le temps politique et la révision des bases légales. Nous pouvons espérer que s’exprime une alternative politique lors des échéances électorales de 2014.

Nous pouvons également soutenir la taxation sur les flux financiers,…

M. Damien Abad. Je l’ai toujours soutenue !

Mme Estelle Grelier. …qui a été validée par le Parlement européen après trois ans de lutte contre les conservateurs et qui est aujourd’hui soutenue par l’Assemblée nationale. Notre rôle, qui n’est pas, hélas ! celui du Bundestag, consistera à encourager une refonte totale du volet recettes. Nous soutiendrons donc le Gouvernement, notamment le ministre chargé des affaires européennes, dans les démarches qu’il entreprend pour que cette taxation aboutisse dans les prochaines semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. C’est bien d’y croire !

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, présenté comme un texte d’austérité, le compromis budgétaire du 8 février nous rappelle surtout le jeu d’équilibriste auquel s’adonne l’Union européenne depuis des années, celui d’une Union mal faite, mal pensée, qui tente désespérément de vendre aux peuples récalcitrants l’utopie d’une union sans nations, où l’ensemble des intérêts nationaux, tous domaines confondus, peuvent se fondre dans une politique commune.

L’argument de la paix est sans cesse brandi pour justifier les intrusions de plus en plus douloureuses de la technocratie bruxelloise dans le quotidien des Français, jusque dans les plus petites parcelles de la société. Qui pourrait ne pas vouloir la paix ? Ceux qui refusent cette marche forcée vers le fédéralisme européen – devrais-je dire « intégration solidaire » ? – ne peuvent donc être que des gens belliqueux et mauvais, d’abjects conservateurs faisant primer la défense de leurs compatriotes sur ceux de leurs voisins, quelle drôle d’idée !

Seulement voilà, quand viennent les questions d’argent, le rêve devient vite moins doux, l’abnégation moins agréable, la solidarité moins évidente. Nous nous félicitons, d’une certaine manière, que les nations aient encore conscience de leurs intérêts, donc de leur existence : tout n’est pas perdu !

S’agissant des ressources, chaque État membre exige de bénéficier d’une ristourne sur sa contribution. Quant au volet dépenses, tous tentent d’obtenir un bénéfice supplémentaire sur telle ou telle enveloppe. Ce scénario est le même depuis le premier paquet Delors et s’accompagne toujours d’une dramatisation de l’enjeu. À vingt-sept, les négociations sont plus difficiles encore, et il n’y aura bientôt qu’un pas à franchir pour qu’on y trouve matière à justifier un impôt européen, si souvent réclamé par les élites européistes.

Le Parlement français devrait ainsi partager l’une de ses prérogatives essentielles. Alors que 80 % de notre législation nouvelle est déjà issue de textes européens, ni l’impôt ni la loi ne seront plus décidés exclusivement au Parlement. À part éviter de jeter 577 personnes de plus au chômage, plus rien ne justifierait même son existence. Mais pour ceux qui, à droite et à gauche, ont signé le traité budgétaire à l’automne dernier, cela n’est sûrement pas gênant...

Pour l’heure, l’issue est toujours identique : le Royaume-Uni a sauvé son chèque ; l’Allemagne a gardé un taux de contribution sur la TVA inférieur ; l’Autriche, la Suède, la Finlande et les Pays-Bas ont également leur ristourne ; le Danemark, qui n’en avait pas encore et devait s’estimer en reste, en a obtenu une ; Mme Merkel a sauvé les fonds de cohésion pour les länder de l’est et a même gagné 200 millions d’euros pour la ville où elle a fait ses études ; les pays de l’est ont conservé leurs fonds de cohésion ; enfin, le Portugal, l’Irlande, la Grèce et l’Espagne bénéficient d’un abaissement du seuil de cofinancement pour les fonds structurels.

La France, quant à elle, se félicite d’avoir négocié un vague maintien global des dépenses de la PAC en sa faveur, dont la légère baisse sera compensée par une hausse des fonds consacrés à l’aménagement rural. Les agriculteurs français vont pouvoir continuer de survivre sous perfusion européenne : tout va bien ! On se doit néanmoins d’attendre la réforme d’ensemble de la PAC pour savoir qui seront les vrais gagnants. Trop aimable lorsque l’on sait que la France, deuxième contributeur au budget de l’Union, est surtout contributeur net depuis toujours. Nous donnons plus que nous ne recevons, et le solde négatif s’est accru depuis les années 2000, pour atteindre environ 7 milliards par an.

Pour le Président de la République, l’accord qui a été trouvé est un semi échec, puisqu’il ne garde la face, au regard de ses engagements, qu’au prix d’un subtil distinguo entre crédits d’engagement et crédits de paiement. D’après le projet, pour la période 2014-2020, les crédits d’engagement sont réduits à 960 milliards d’euros et les crédits de paiements portés à 908,4 milliards. Le ministre des affaires européennes a rappelé que, sur les 942 milliards d’euros de crédits de paiement inscrits dans le précédent budget pluriannuel, seuls 855 milliards avaient effectivement été dépensés. En d’autres termes, selon cette présentation, les chiffres du nouveau compromis ne seraient pas un recul.

C’est habile, mais, en réalité, la sous-utilisation des crédits découle surtout d’une mauvaise programmation annuelle et des difficultés de gestion de certains États, notamment les nouveaux membres, comme la Roumanie, qui peinent à acquérir la capacité administrative de gérer ces programmes. S’y ajoute la complexité des procédures, dénoncée depuis plus de vingt ans, qui permettent de rentrer dans les clous des fonds structurels, où le cofinancement est la règle. On se souvient notamment du cas du Nord-Pas-de-Calais, qui a peiné des années durant pour dépenser les fonds de cohésion pour le Hainaut. En revanche, les projets s’inscrivant souvent dans le long terme, on attend un pic de dépenses pour 2015-2016 en reliquat de l’actuel cadre financier pluriannuel, ce qui rendra la présentation du Gouvernement évidemment moins valable.

Le front national ne se réjouit pas de l’austérité, mais il ne peut que saluer le symbole d’une certaine modération du budget de l’UE, dont les politiques n’ont jamais été à la hauteur des objectifs affichés. Il faut en effet dénoncer l’inflation permanente des budgets. Comme si le budget octroyé à la croissance allait faire des miracles, quand le véritable problème est le modèle économique européen lui-même.

N’en déplaise à la gauche, dans un pays où le rapport dépenses publiques-PIB atteint cette année encore des records, il va falloir s’accoutumer à ce que les budgets des collectivités ou des administrations ne progressent pas éternellement plus vite que la croissance, mais, au contraire, diminuent en valeur, voire en volume.

Enfin, comment ne pas évoquer le coût de l’administration européenne, qui atteindra bientôt 10 milliards d’euros annuels, contre 7 milliards il y a six ans ? Pour mémoire, l’UE, c’est 55 000 fonctionnaires et assimilés, nantis d’avantages parfois contestables, qui nous expliquent comment nous devons penser, légiférer, appliquer. Le secteur agricole en a fait les frais et le projet de verdissement des aides risque d’étouffer encore un peu plus un secteur agricole déjà suffoquant, avec un système de plus en plus pesant et de plus en plus complexe. Autant refaire les fenêtres d’une maison sans toiture !

La subsidiarité a depuis longtemps été oubliée au profit d’une Europe qui se mêle de tout et qui le fait le plus souvent moins bien que les États, au lieu de se contenter de ce qui mériterait une véritable politique commune, comme la recherche et les projets Erasmus ou Galileo.

Le Parlement européen, qui doit désormais approuver à la majorité ce budget, a d’ores et déjà émis de solides réserves, les principales formations promettant de ne pas voter le texte en l’état. Cela montre combien la question du cadre financier pluriannuel de l’Union doit nous conduire à mener une réflexion d’ensemble sur la nature de l’Union européenne, son orientation, l’opportunité de ses politiques ultralibérales, son déficit démocratique, ainsi que sur la place écrasante du droit communautaire dans les pays membres.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Pierre Lequiller. Applaudissons-le avant qu’il ne prenne la parole ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. Monsieur le président, mes chers collègues, puisque je parle le dernier, je peux avoir l’illusion que j’aurai le dernier mot. Mais je sais bien que le combat continuera encore quelques mois, voire quelques années.

Monsieur le ministre, je vous présente mes condoléances attristées, car, en tant que ministre des affaires européennes, vous allez désormais accompagner la lente agonie d’une Europe à bout de souffle dont le système épuisé va vous épuiser.

Sur le budget, tout a été dit. Toutefois, on peut rappeler que, dans l’Europe originelle, il n’était pas une nécessité. Les États prenaient en effet un certain nombre de décisions à Bruxelles, mais c’étaient eux qui les mettaient en œuvre. Il ne faut donc pas croire que le budget est incontournable, madame Grelier.

Monsieur le ministre, je n’aurai pas l’insolence de vous rappeler que vous nous avez dit un jour, devant la commission des affaires européennes, que le budget devait augmenter, selon une théorie néo-keynésienne de relance. Eh bien, pour vous, ce budget est une gifle ! Vous avez été pris en étau entre un euro-réaliste qui n’a pas toujours tort, M. David Cameron – et je ne le cite pas par nostalgie des faits d’armes de la légion étrangère (Sourires) – et Angela Merkel, qui tient, certes, de beaux discours européens, mais dont le pragmatisme tout saxon est bien loin des utopies des « euro-béats ». À cet égard, je souhaiterais savoir où en est l’affaire du veto allemand sur la livraison des essieux à la France, essieux qui devaient équiper des chars vendus à l’Arabie Saoudite. Le couple franco-allemand a excellé dans cette affaire : les Allemands ont bloqué des exportations françaises, prouvant une nouvelle fois que les États n’ont pas d’amis et que l’« euro-béatitude » a des limites.

En réalité, les péripéties de l’élaboration de ce cadre financier pluriannuel – qui sont loin d’être terminées, puisque le processus de co-décision nous promet de belles empoignades – illustrent la crise du système européen et de l’Europe. Il est impossible de gouverner cette véritable usine à gaz, composée de vingt-sept États aujourd’hui, de trente États demain, qui se mêle de tout ; une étude allemande nous apprend ainsi que 85 % de nos lois viennent de Bruxelles. Dès lors, l’Europe, devenue obèse, a atteint le seuil de l’impotence et de la paralysie – il va de soi que la subsidiarité est un mot vide de sens, un véhicule ignoré et foulé aux pieds – et s’aliène les peuples d’Europe. C’est extrêmement grave, car, même si je suis très critique vis-à-vis de ce qui se passe en Europe, je crois que nous avons besoin par ailleurs d’une construction européenne et que le danger qui nous guette est celui du rejet complet d’une Europe qui s’éloigne de la réalité.

Au-delà de son impotence asphyxiante, l’Europe souffre d’un mal encore plus grand : l’idéologie utopique, coupée des réalités.

La politique monétaire en est l’illustration la plus parfaite. Souvenez-vous, mes chers collègues – ce n’est pas si vieux, cela date de dix ans : avec l’euro, on allait raser gratis, la croissance était assurée, on allait connaître une ère triomphante pour l’Europe… Les résultats catastrophiques sont à la hauteur de la bévue structurelle de la monnaie unique. Il en est toujours ainsi quand l’idéologie l’emporte sur les réalités. La crise de la zone euro est structurelle, monsieur le ministre, car c’est celle d’un instrument intégriste, inadapté à des économies divergentes et qui s’éloignent les unes des autres.

Face à une telle situation, les idéologues refusent de regarder en face cette loi d’airain et pratiquent l’acharnement thérapeutique avec l’austérité généralisée, confondant les conséquences et les causes. Les déficits budgétaires ne sont pas à l’origine de la crise de la zone euro : la cause, c’est la perte de compétitivité des économies. Bruxelles impose l’austérité et la dévaluation interne, c’est-à-dire qu’on taxe ici et qu’on sabre là. Cette politique est suicidaire, monsieur le ministre, car les effets multiplicateurs de ces baisses forcées de dépenses entraînent la récession. L’étude récente d’Olivier Jean Blanchard, du FMI, montre combien elle l’a accélérée dans tous les pays d’Europe puisque les effets multiplicateurs que l’on croyait de 0,5 sont à 1,5 et même davantage : la récession économique s’aggrave moitié plus que l’augmentation des coupures forcées dans les dépenses.

On voit donc bien que ce ne sont pas les 20 milliards que vous nous proposez, à travers d’ailleurs le plan Gallois que vous avez repris à votre compte, qui permettront de retrouver de la compétitivité en France. Une récente étude de Goldman Sachs recommande, pour y parvenir, que la France baisse de 30 % ses salaires, ses prestations sociales et ses retraites ! Laval n’aurait pas fait mieux ! On est en pleine politique déflationniste d’avant-guerre, celle qui nous a menés dans le mur. Voilà où conduit le carcan d’un instrument inadapté et qui va véritablement provoquer un choc : la révolte des peuples. Cela est grave car, je l’ai dit, nous avons besoin de l’Europe, nous avons besoin de coopération. Mais voilà où conduit l’aveuglement idéologique.

Il est temps de remettre tout à plat car les peuples grondent et, croyez-moi, il est plus tard que vous ne le pensez.

M. Hervé Gaymard. Applaudissements nourris ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. Vous êtes tous des clones ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, au préalable, je vous remercie très sincèrement pour ce long moment que nous avons passé ensemble sur les questions touchant à l’Europe, au budget européen, et je sais gré à Jean-Louis Borloo d’avoir pris l’initiative de ce débat. Celui-ci a été l’occasion d’aborder non seulement la question du budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020, mais également beaucoup d’autres sujets qui concernent les politiques communautaires, les relations entre les pays de l’Union européenne et l’évolution des institutions.

Je mesure d’abord à quel point ce débat mobilise peu votre assemblée. Vous venez, monsieur Borloo, de revenir sur ces bancs, incarnant à vous tout seul la présence de la totalité de votre groupe qui l’avait pourtant demandé avec beaucoup d’ardeur tant il était inquiet de l’évolution de l’avenir de l’Union. Je vois d’ailleurs peu de présence sur la plupart des autres bancs. Si l’on devait mesurer l’intensité de l’angoisse que suscite le budget européen à l’aune de la présence des députés dans cet hémicycle, je serais légitime à considérer qu’il doit y avoir peu d’inquiétude sur le compromis qui a été trouvé… Je regrette cet état de fait de même que la non-tenue du débat en lieu et place des questions au Gouvernement. J’en profite pour rappeler au député Damien Abad que non seulement le Gouvernement ne redoutait pas ce débat mais qu’il l’avait souhaité à quinze heures, une heure de grande écoute, et que c’est en Conférence des présidents que le groupe UMP, dont il est membre, s’y est opposé. Par conséquent, il faudrait que nous essayions de nous dire des choses justes lorsque nous débattons ensemble, à commencer au sujet des questions de procédure.

Je profite aussi du fait que ce débat sur l’Europe se tienne dans l’hémicycle pour faire une mise au point après la déclaration du président du groupe UMP ici même, retransmise en direct à la télévision à une heure de grande d’écoute. Il m’a accusé d’avoir menti devant la représentation nationale quand j’ai dit que le précédent gouvernement avait abandonné le programme d’aide aux plus démunis – le PEAD. Mais j’ai sous les yeux le contenu de l’accord scellé entre les gouvernements français et allemand à l’occasion du « Conseil agri » de novembre 2011 : « Cependant, compte tenu du débat au sein du Conseil, la France et l’Allemagne jugent que les conditions ne sont pas réunies pour la présentation par la Commission et l’adoption par le Conseil d’une proposition relative à un nouveau programme pour l’après 2013. C’est la raison pour laquelle les deux pays ne pourront pas accepter les propositions de nature juridique et financière que la Commission pourrait formuler à l’avenir concernant un tel programme. » La vérité est désormais établie devant la représentation nationale, même s’il y a moins d’auditeurs pour entendre ma réponse qu’il n’y en a eu pour entendre l’interpellation mensongère de Christian Jacob. Cela me conduit à vous dire, monsieur Abad, que si je partage votre regret que nous n’ayons obtenu que 2,5 milliards d’euros pour le PEAD au regard des ambitions qui étaient en effet les nôtres, je constate que c’est tout de même 2,5 milliards de plus que ce que nous aurions obtenu si vous, vos collègues et votre gouvernement étiez restés au pouvoir puisque, en vertu de l’accord susmentionné, il n’y aurait plus eu de programme. Je viens d’en donner lecture, cela figurera au compte rendu des débats, et je pense que par souci d’honnêteté, ce dont je ne doute pas une minute, vous diffuserez largement le résultat de l’accord que le gouvernement d’alors avait lui-même signé avec nos partenaires allemands. Puisque vous êtes à ce point assoiffé de vérité, je suis convaincu que vous ne ferez pas de tri entre les bonnes et les mauvaises nouvelles…

Ensuite, je voudrais revenir sur le fond parce que beaucoup de ce qui a été dit par les orateurs de la majorité ou de l’opposition mérite que l’on prenne le temps d’aller au bout de la discussion et de la réflexion.

Le premier point sur lequel je veux insister, répondant en cela à Pierre Lequiller, c’est qu’il n’est en effet pas nécessaire, s’agissant des questions européennes, de faire revivre de vieux clivages. Vous avez comme Jean-Louis Borloo, monsieur Lequiller, beaucoup insisté sur ce point, d’autant plus qu’il y a eu de nombreux débats sur l’Europe au cours des dernières années,…

M. Jacques Myard. Ça, c’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et vous avez eu tout à fait raison de le dire et de le souhaiter, mais je regrette que vous n’ayez pas suffisamment de volonté pour éviter de les ressusciter sur de faux sujets. Je vais reprendre la plupart de vos critiques et essayer, m’inspirant du souci qui est le vôtre de dépasser les clivages pour ne penser qu’à l’Europe, de vous apporter des réponses les plus précises possibles.

M. Pierre Lequiller. Et aimables !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Tout d’abord, vous dites, comme M. Borloo, qu’il y aurait une dégradation de la relation franco-allemande. C’est la première critique, elle est récurrente, litanique, elle vient systématiquement lorsque l’on traite des questions européennes. Vous ajoutez, comme M. Borloo, qu’à la faveur du débat budgétaire qui vient de s’achever, un axe germano-britannique se substituerait à l’axe franco-allemand.

Vous êtes tous deux trop informés des questions européennes pour ne pas savoir que la relation franco-allemande ne correspond pas du tout, quand on regarde le temps long, c’est-à-dire depuis le début de l’Union européenne, à un âge d’or sans rupture qui conduirait tous les chefs d’État et de gouvernement à s’entendre spontanément sur toutes les questions, à l’exception de notre période, qui serait la seule à sacrifier la relation franco-allemande.

Vous n’ignorez tout de même pas qu’y compris la veille de la signature du traité de l’Élysée, le général de Gaulle s’interrogeait sur l’opportunité de le signer en raison des divergences entre lui et Konrad Adenauer sur l’Europe de la défense, notamment au regard du lien transatlantique, et vous savez qu’une excellente contribution de Pierre Lellouche, publiée dans Politique Internationale, le relate. Il rappelle que la relation entre le général de Gaulle et Konrad Adenauer fut, pour des raisons qui tenaient à leur vision de l’Europe, tumultueuse.

Quant à Valéry Giscard d’Estaing, dont vous avez été l’un des disciples, Pierre Lequiller, il fut un grand Européen.

M. Jacques Myard. Il n’est pas mort !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Lorsque je lui ai rendu visite, après ma nomination au ministère des affaires européennes, pour l’interroger sur ce qu’était l’âge d’or de la relation franco-allemande, c’est-à-dire lors des rapports entre Helmut Schmidt et lui-même, il m’a répondu la chose suivante : « Avec Helmut Schmidt, nous n’étions pas d’accord sur tout. Les questions sur lesquelles nous étions d’accord étaient même assez marginales par rapport à celles sur lesquelles nous étions en désaccord. Mais nous avions décidé de ne parler ensemble que dès lors que nous étions d’accord. Moyennant quoi, les gens avaient le sentiment que nous étions d’accord sur tout. » Ils se sont, sur bien des sujets, opposés l’un à l’autre.

M. Pierre Lequiller. Mais c’était une belle amitié !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En effet, mais les amitiés sincères et profondes ne naissent pas en neuf mois alors qu’elles peuvent se détériorer en quelques semaines. Je me souviens de ce que fut la relation entre le précédent Président de la République et Mme Merkel au moment où celui-ci a décidé de façon unilatérale, et oubliant d’en parler à la Chancelière, de refonder l’Union pour la Méditerranée. J’ai lu d’ailleurs dans l’excellent livre de Bruno Le Maire qu’il avait eu quelques propos qui avaient pu la blesser. Le fait que ce livre ait été écrit par mon prédécesseur témoigne qu’il y a des choses à dire sur ce qui s’est passé au cours du précédent quinquennat si l’on considère que la relation franco-allemande doit être entretenue dans la délicatesse des relations entre chefs d’État et de gouvernement.

Par conséquent, cette idée d’un âge d’or de la relation franco-allemande auquel nous aurions dérogé parce que le Président de la République est socialiste et que la Chancelière ne l’est pas, repose sur une vision un peu courte de la relation entre nos deux pays. Mais pour vous rassurer car je ne voudrais pas que vous quittiez cet hémicycle avec l’angoisse qu’elle est à tout jamais remise en cause, je vais vous faire la liste rapide des sujets sur lesquels nous sommes tombés d’accord bien que, à l’origine, nous n’ayons pas nécessairement parlé du même point de vue.

Tout d’abord, j’entendais tout à l’heure que la supervision bancaire aurait été faite avant que nous ne soyons au pouvoir. Mais je constate simplement que l’union et la supervision bancaires ont été évoquées dans leurs fondements et leurs orientations pour la première fois à l’occasion du Conseil européen du mois de juin dernier,…

M. Christophe Caresche. Eh oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et que c’est lors du Conseil européen du mois d’octobre que nous sommes tombés d’accord avec l’Allemagne sur les modalités de la supervision bancaire et que nous avons trouvé un compromis. J’ajoute que c’est à l’occasion du Conseil européen du mois de décembre que nous avons défini le calendrier de l’élaboration des textes législatifs qui, par-delà la mise en place de la supervision, permettront de mettre en œuvre l’union bancaire et la garantie des dépôts.

Monsieur Abad, vous m’avez déjà dit que la Commission a fait un excellent travail sous l’égide de M. Barnier, et comme je ne fais pas preuve du sectarisme qui a présidé à votre intervention et que je ne considère pas qu’il y a d’un côté les bons et de l’autre les méchants, je reconnais volontiers le travail qu’a accompli M. Barnier et je lui rends hommage devant la représentation nationale. Mais je considère, comme vous, qu’il ne suffit pas d’avoir de bonnes idées pour l’Union européenne pour faire de bons compromis. Il arrive que d’excellentes idées n’aboutissent pas à de bons compromis. Pour que cela soit possible, il faut qu’il y ait, à un moment donné, autour de la table du Conseil européen, des chefs d’État et de gouvernement avec suffisamment de volonté pour que ces compromis deviennent possibles. Je reconnais à Michel Barnier d’avoir eu d’excellentes idées, et c’est la raison pour laquelle vous devriez avoir l’honnêteté de reconnaître qu’il faut imputer à François Hollande la réussite du compromis sur la supervision bancaire et sur l’union bancaire avec Mme Merkel. Aussi souvent que nous aurons des approches aussi équilibrées que celle que je vous propose, nous ferons progresser l’Europe, nous ferons reculer le sectarisme et aussi la méfiance considérable que les Français peuvent éprouver à l’égard du sentiment européen.

Deuxièmement, quand vous et certains de vos collègues dites qu’un axe germano-britannique s’est substitué à l’axe franco-allemand, que la France est isolée et que M. Cameron a gagné au Conseil européen, je voudrais rappeler quelques éléments.

Lorsque David Cameron s’est prononcé pour la première fois sur le contenu du budget européen, la Commission proposait de chiffrer celui-ci à 1 047 milliards d’euros. Lui voulait 200 milliards d’euros de moins en crédits d’engagement. S’il avait gagné, nous aurions un budget de quelque 840 milliards d’euros en crédit d’engagement, alors que nous finissons avec un budget de 960 milliards d’euros. David Cameron, il y a quelques semaines, souhaitait que le niveau des crédits de paiement de l’Union européenne soit de 885 milliards d’euros… Nous terminons à 910 milliards. David Cameron refusait un certain nombre de politiques de l’Union européenne. Ainsi, il ne voulait pas du programme d’aide aux plus démunis, à l’instar de Mme Merkel, mais pas non plus du fonds d’adaptation à la mondialisation, il était absolument hostile à la politique agricole commune, considérait que les fonds de cohésion n’étaient pas utilisés comme ils devraient ; surtout, c’était d’ailleurs un engagement très fort de sa part devant la Chambre des communes, il voulait que les crédits alloués aux administrations de l’Union, qui relèvent de la rubrique 5 du budget, soient drastiquement diminués. Qu’a-t-il obtenu ? Deux milliards de coupes sur les 65 milliards de budget au titre de la rubrique 5 : belle victoire ! Quant au PEAD, j’ai dit ce qu’il en était aux termes du dernier accord franco-allemand : il est maintenu. Le fonds d’adaptation à la mondialisation, qu’il voulait ramener à 500 millions d’euros, une somme symbolique, atteint 1,5 milliard.

Il voulait être garanti de son chèque et ne voulait pas que l’on remette en cause le dispositif de ressources propres de l’Union européenne.

M. Pascal Terrasse. Le plus important !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Avec quelle décision sort-on ? Pour la première fois depuis que les budgets de l’Union européenne existent, notre contribution au rabais des autres, aux chèques des autres, va radicalement diminuer.

M. Pascal Terrasse. Bravo !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour la première fois depuis que le budget de l’Union existe, par un dispositif qui consiste à remettre en cause, d’une part, les droits de perception adossés aux droits de douane, d’autre part, les dispositifs de rétrocessions de la TVA allouée au budget de l’Union européenne, nous diminuons notre contribution aux chèques des autres.

M. Christophe Caresche. C’est une démonstration éclatante, monsieur Abad !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Quant à M. Cameron qui, paraît-il, remporte une grande victoire, non seulement il n’obtient pas le niveau de coupe qu’il souhaitait mais, par ailleurs, mes chers collègues de l’opposition, je vous rappelle que le solde net de son pays se dégrade de façon considérable : de 12 points.

M. Damien Abad. La presse a mal lu les chiffres alors ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous qui avez été parlementaire européen, vous devriez pouvoir les lire ! L’honnêteté intellectuelle dans un débat comme celui qui nous occupe aujourd’hui, cela ne consiste pas à partir de l’endroit d’où l’on parle, de l’opération de démolition à laquelle l’on veut se livrer, de la volonté d’atteindre tel ou tel acteur politique qui exerce une responsabilité et que l’on ne soutient pas parce que l’on est dans l’opposition. L’honnêteté intellectuelle, lorsque l’on est résolument européen, de surcroît lorsque l’on a été parlementaire européen comme vous, monsieur Abad, cela consiste à partir des chiffres pour en tirer ensuite des analyses justes.

Mme Estelle Grelier. Exactement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cela ne consiste pas à s’éloigner des chiffres pour se livrer, devant la représentation nationale qui mérite mieux que cela, à des improvisations hasardeuses construites sur des données frelatées et aboutissant aux conclusions auxquelles l’on veut aboutir avant même d’avoir commencé la démonstration.

M. Damien Abad. Nos chiffres ne sont pas les vôtres !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Les chiffres que je vous donne sont incontestables. Vous ne trouverez personne à la Commission, pas même le président Lamassoure, pour les remettre en cause. Voilà la réalité de la victoire britannique.

Venons-en à l’échec français. J’ai relu les débats sur les budgets européens précédents et j’ai par conséquent relevé les déclarations des précédents ministres de l’agriculture ou des affaires européennes lorsqu’ils venaient devant le Parlement pour défendre leur budget. Ils mesuraient leur succès pendant la négociation exclusivement à leur capacité à défendre les intérêts français.

Comment avons-nous défendu les intérêts français ? Les agriculteurs vont voir le budget de la politique agricole commune et leurs revenus diminuer de 12 %, dites-vous. Vous avez raison, monsieur Abad, mais en France ils vont voir l’intégralité de leurs retours maintenue. Les retours s’élevaient à 57 milliards d’euros en début de négociation, soit le montant dont bénéficiaient les agriculteurs dans le précédent budget. Nous aurons exactement le même niveau de retours pour la politique agricole commune.

Quant aux régions en transition, leurs dotations sont désormais acquises. Les dotations des régions ultra-périphériques sont intégralement maintenues ; celles qui seront allouées aux régions en transition permettront de conduire des politiques significatives. Alors que le budget de la politique de cohésion diminue, la part allouée à la France s’élèvera à 14 milliards d’euros, soit le même montant que dans le précédent budget.

Enfin, notre contribution aux rabais des autres diminue significativement, au point que nous pouvons présenter un solde net qui n’est pas négatif.

Enfin, je voudrais terminer sur l’Europe.

M. Guy Geoffroy. Il serait temps !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Après tout, défendre convenablement les intérêts français en atteignant tous les objectifs fixés au début de la négociation ne suffit pas si l’Europe est sacrifiée. Un budget européen se mesure à l’aune de sa capacité à défendre les intérêts de l’Europe.

Depuis des jours et des semaines, vous tenez un discours dont j’ai du mal à comprendre la cohérence. Pendant des mois, y compris durant la période où nous étions dans l’opposition et où nous vous interrogions sur ces matières dans cet hémicycle, vous avez expliqué qu’il fallait inventer un nouveau concept pour le budget européen, le better spending, que nous pouvions dépenser moins en dépensant mieux et que nous pouvions faire de la croissance avec beaucoup moins d’argent.

M. Pierre Lequiller. Ce n’est pas complètement idiot.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. À ce moment-là, nous appartenions au club des contributeurs nets, également appelé club des like-minded, également appelé club des radins, et nous figurions parmi les plus pingres des radins avec les Britanniques et autres Finlandais.

M. Christophe Caresche. Rendez-nous l’argent !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous étions de ceux qui voulaient, comme M. Cameron, procéder à des coupes absolument drastiques dans le budget.

M. François de Rugy. Eh oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. D’ailleurs, dans le précédent budget, le véritable premier budget en diminution de l’Union européenne, vous avez à ce point raboté les crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l’Union que vous n’avez dépensé que 850 milliards d’euros alors qu’il y avait 986 milliards d’euros de crédits d’engagement et 942 milliards d’euros de crédits de paiement.

Vous avez usé du rabot au point d’asphyxier le budget de l’Union européenne, comme l’ont reconnu M. Lamassoure, auquel vous faites souvent référence, et M. Schulz, le président du Parlement européen. Soumis à cette politique délibérée de rabotage des crédits de paiement, le budget de l’Union européenne affichait un déficit de 15 milliards d’euros, à tel point que, dans le cadre du budget rectificatif n° 5 de l’Union, nous ayons dû débloquer en urgence 6 milliards d’euros au mois de décembre, afin de corriger les effets de la non-allocation des crédits de paiement au budget de l’Union qui remettait en cause le programme Erasmus, notamment.

M. Damien Abad. Vous l’avez fait sous la pression du Parlement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Voilà la politique que vous avez menée. Si nous mobilisons, par la flexibilité, la clause de révision à mi-parcours, tous les crédits de paiement dont l’Union a besoin, nous mobiliserons 50 milliards d’euros de plus que dans le précédent budget. Les crédits de croissance du budget que nous avons adopté augmentent de 40 %, le programme Connecting Europe de 140 %.

M. William Dumas. La vérité des chiffres !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même si je reconnais devant vous, de façon parfaitement transparente et honnête, que ce budget n’est pas celui dont nous rêvions (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP)... Je le dis d’autant plus facilement qu’autour de la table, et c’est le reproche que vous nous faites, nous devons composer avec vingt-six pays de l’Union européenne qui n’ont pas notre sensibilité.

M. Damien Abad. Vous ne l’avez pas dit pendant la campagne !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais nous l’avons dit ! C’est la raison pour laquelle nous considérons que l’Europe est un combat. Si je comprends bien, vous reprochez aux socialistes de ne pas être assez nombreux dans l’Union européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Fanfaron !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ne vous inquiétez pas, dans les années qui viennent, nous ferons en sorte qu’il y ait adéquation entre votre vision de l’Europe – plus de socialistes autour de la table – et celle que nous en avons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. le président. Veuillez écouter le ministre, mes chers collègues.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous ne pouvez pas nous reprocher de voir appliquer les politiques que vous avez contribué à mettre en œuvre, sauf à faire preuve d’une forme de malhonnêteté intellectuelle à laquelle je ne souhaite en aucun cas adhérer.

Pour terminer, je voudrais revenir sur des propos tenus à plusieurs reprises par M. Borloo qui est au téléphone, ce que je regrette. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)

M. Philippe Vigier. Et le Premier ministre, il n’est pas là !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Peut-être est-il en liaison avec la Commission qui est en train de lui expliquer où est le plan de 120 milliards d’euros ?

M. Pascal Terrasse. Il cherche le bouton !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. À plusieurs reprises dans cet hémicycle, M. Borloo a dit qu’il ne savait pas où était le plan de 120 milliards d’euros, cela a été repris par d’autres orateurs.

M. Damien Abad. On le cherche !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce plan, je vais vous le dire très précisément, se décompose en trois enveloppes. La première contient 55 milliards d’euros de fonds structurels. Ils ont été votés donc déjà actés, dites-vous. Certes, mais par le rabotage des crédits de paiement dont je viens de décrire le mécanisme, vous aviez décidé de ne pas les affecter.

M. Pascal Terrasse. Ce sont les régions qui ont géré !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour notre part, nous avons décidé de mobiliser ces sommes gelées. Sur ces 55 milliards d’euros, le retour pour la France s’élève à 2,5 milliards d’euros.

M. Philippe Vigier et M. Charles de Courson. Deux milliards !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Attendez la suite !

La deuxième enveloppe contient les 10 milliards d’euros de recapitalisation de la Banque européenne d’investissement, ce qui permet de faire 60 milliards d’euros de prêts. Pour la France, le retour est de 8 milliards d’euros, ce qui en porte déjà le total à 10 milliards d’euros. Si j’y intègre les premiers project bonds, nous devrions atteindre environ 12 à 13 milliards d’euros, c’est-à-dire un peu plus du tiers de l’effort budgétaire demandé aux Français. Si vous voulez la déclinaison région par région des projets qui seront financés à la fois par les fonds structurels, les project bonds et les prêts de la BEI, nous sommes en situation de la donner. Cela vous permettra, monsieur Borloo, d’avoir la traçabilité totale du plan de 120 milliards d’euros. Cela ne pose aucun problème.

M. Charles de Courson. Combien de milliards par an pour la France ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais je viens de répondre à cette question, monsieur de Courson : 12 milliards d’euros pour la France, ce qui n’est pas négligeable dans le contexte de crise auquel nous sommes confrontés.

M. Damien Abad. Ce n’est pas ce que vous avez dit aux Français !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. À l’occasion de ce débat, vous vouliez établir la traçabilité du plan de 120 milliards, c’est chose faite.

Voilà les réponses concrètes que je voulais apporter aux questions formulées par les députés de l’opposition. Je les remercie d’avoir organisé ce débat et d’avoir permis, une fois de plus, de mesurer le décalage qui existe entre certains propos et la réalité d’une politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et Écologiste.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour un rappel au règlement.

M. Guy Geoffroy. Mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.

M. le ministre, dans son intervention, vient à très juste titre de formuler le regret que nous ne soyons pas très nombreux. C’est toujours pareil, monsieur le ministre, on formule ce regret devant les présents, ceux qui ne sont pas les mieux placés pour le recevoir…

À cette occasion, je voulais faire une observation que me semble importante s’agissant d’un sujet qui ne l’est pas moins. Pratiquement depuis le début de la séance, la présidente de la commission des affaires étrangères a quitté l’hémicycle (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.),…

M. François Loncle. C’est incroyable !

M. Guy Geoffroy. …et, assez longtemps avant la fin de la séance, la présidente de la commission des affaires européennes a fait de même.

Je trouve regrettable qu’à l’occasion d’un débat de cette importance, les deux présidentes des deux commissions, qui représentent les lieux de réflexion privilégiés de nos collègues parlementaires sur ces sujets, n’aient pas jugé bon d’être présentes jusqu’à la fin de nos travaux.

M. le président. La parole est à M. François Loncle, pour un rappel au règlement.

M. François Loncle. Monsieur Geoffroy, ce type de remarque est d’une mesquinerie totale et ne correspond pas à la réalité du travail de la présidente de la commission des affaires étrangères.

Plusieurs collègues ici présents peuvent témoigner qu’en même temps que cette séance se tenait une réunion de la commission des affaires étrangères à laquelle participaient le ministre Pascal Canfin et le chercheur Serge Michailof.

Après avoir assisté au début de cette séance, Mme la présidente a rejoint sa commission pour accueillir le ministre et le chercheur. Il n’y avait donc aucune raison de faire cette remarque désobligeante qui m’étonne de vous.

M. le président. Mme la présidente avait convoqué elle-même cette réunion de commission, à cette heure, mon cher collègue…

La parole est à M. François de Rugy, pour un rappel au règlement.

M. François de Rugy. À ce stade, monsieur le président, je ne ferai pas de commentaires sur les réponses apportées – je ne suis pas sûr d’ailleurs que le ministre ait répondu à tous les groupes – mais sur ce type de séance. Franchement, j’espère que les leçons en seront tirées par les présidents de groupes et la Conférence des présidents.

Le président Borloo a demandé à corps et à cris cette séance de débat. Certains députés du groupe UDI étaient présents pour vous écouter, mon cher collègue. Ensuite, ils sont partis.

Nous avons dû être au grand maximum vingt députés présents dans l’hémicycle pour ce débat. C’est ridicule. Si l’on veut dévaloriser encore un peu plus les débats européens, il faut continuer comme cela.

Pour ma part, je souhaite qu’il n’y ait plus jamais de débat de ce type : il n’y a pas d’enjeu, pas de vote, pas de texte. Cela ne sert strictement à rien. Je fais le pari qu’il y aura beaucoup plus de monde tout à l’heure pour défendre les cantonales et les modes de scrutin pour les cantonales que pour discuter du budget européen, ce qui n’est quand même pas très glorieux.

M. le président. Le débat est terminé. Je vous remercie, monsieur le ministre.

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Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modification du calendrier électoral

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, rejeté par le Sénat, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux, des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (nos 631, 701).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée nationale a poursuivi l’examen des articles s’arrêtant à l’amendement n° 527 à l’article 2.

Article 2 (suite)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements pouvant être soumis à une discussion commune. Plusieurs de ces amendements sont identiques.

La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n° 527.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Cet amendement a pour objectif d’appliquer le mode de scrutin proportionnel des élections régionales, avec une prime majoritaire de 25 % pour la liste arrivée en tête aux élections cantonales.

Il me semble qu’il aurait été de bon sens démocratique, avant de s’attaquer à la bonne représentation des sexes, de se préoccuper de celle des idées, c’est-à-dire des partis.

Les dernières élections cantonales, en 2011, montrent que nous sommes loin du compte. Quelques chiffres parlent d’eux-mêmes : avec 16,97 % des voix au premier tour, l’UMP a obtenu 369 sièges ; avec 15,04 % des voix, le Front national en a obtenu un. Cela est d’autant plus regrettable que mon mouvement sait parfaitement respecter la parité, qu’il est présidé par une femme et qu’il est le premier mouvement de France par le nombre de jeunes adhérents.

Je vous rappelle que 130 candidats de moins de trente ans se sont présentés aux élections législatives. Je vous propose donc avec cet amendement de faire d’une pierre deux coups : non seulement vous renforcez la démocratie locale mais vous favorisez l’élection de jeunes et de femmes.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 847.

M. Philippe Vigier. Par cet amendement, nous proposons que les conseillers départementaux soient élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours. Vous avez fait de la parité un élément majeur de cette réforme. Nous pouvons le comprendre mais alors, allons au bout de cette logique. Pour les scrutins régionaux, les listes baptisées « chabada » sur lesquelles figurent alternativement un homme et une femme, permettent l’émergence des femmes au sein des conseils régionaux. C’est vrai également pour les scrutins dans les villes de plus de 3 500 habitants.

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas appliquer aux conseillers départementaux la règle qui vaut pour d’autres scrutins ? Nous savons que demain, pour les élections législatives, quelques députés devraient être élus au scrutin de liste. Il n’y a pas de raison que les conseillers départementaux, hommes et femmes, ne puissent pas bénéficier d’un tel mode de scrutin qui règle facilement le problème de la parité et permet, en outre, une vraie représentation de tout l’éventail politique. C’est le sens de l’amendement que nous proposons.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 32.

M. François de Rugy. Nous défendons un amendement similaire pour une raison simple : dès lors qu’on décide de maintenir chacun des échelons territoriaux – nous aurions été favorables à une réforme territoriale plus importante aboutissant à un regroupement entre les régions et les départements –, la modification du mode de scrutin, pour être intéressante, doit permettre à ce dernier d’être à la fois plus simple, plus lisible, plus paritaire et plus fidèle au vote des Français, en un mot, plus démocratique.

Le mode de scrutin que nous proposons est ni plus ni moins que le mode de scrutin qui fonctionne, celui que les Français connaissent et apprécient, celui des élections régionales mais aussi des élections municipales, avec néanmoins cette différence que la prime majoritaire est plus forte aux municipales.

Nous en proposons une variante qui permet un ancrage des élus dans les différentes parties d’un territoire départemental, en créant des sections à l’intérieur d’un département sur le modèle des sections départementales qui existent dans le mode de scrutin régional. Cela permet aux électeurs de savoir de quelle partie du territoire les candidats sont issus.

Les Français ne sont pas tellement amateurs du mode de scrutin cantonal, qu’il soit majoritaire uninominal aujourd’hui ou binominal demain. Le taux de participation est l’un des plus faibles de toutes les élections. La visibilité des élus cantonaux dans les secteurs urbains est extrêmement faible. Ce mode de scrutin est très peu démocratique comme le montre la distorsion entre le vote des Français et le nombre d’élus dans les assemblées pour chaque parti. Voilà pourquoi nous vous proposons d’adopter cet amendement.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 496 et 497, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune. La parole est à M. Marc Dolez, pour les soutenir.

M. Marc Dolez. Notre groupe est opposé au scrutin binominal que nous propose le Gouvernement. Nous proposons, à travers ces deux amendements, des solutions alternatives qui permettent de mieux conjuguer la parité et le pluralisme.

L’amendement n °496 propose un scrutin de liste à l’échelle départementale à la proportionnelle intégrale, qui permettrait de conjuguer parfaitement la représentation de chacun et la parité. Nous sommes évidemment ouverts à des sous-amendements qui pourraient s’inspirer des modes de scrutin de la région et de la commune prévoyant une prime majoritaire dont nous pourrions fixer le montant.

Par l’amendement de repli n° 497, nous proposons un scrutin mixte qui combine une représentation directe, avec l’élection d’un conseiller départemental dans chaque canton, et l’élection sur une liste à la proportionnelle de conseillers au niveau du département. Les élus sur cette liste représenteraient 30 % des conseillers. C’est un mode de scrutin qui s’inspire de la future proposition du Gouvernement pour les élections législatives.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 849.

M. Philippe Vigier. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Dominique Le Mèner, pour présenter l’amendement n° 639.

M. Dominique Le Mèner. Dans le projet du Gouvernement, chaque canton élit au conseil départemental deux membres de sexe différent.

Notre amendement propose de conserver cette disposition pour la première élection des conseillers départementaux afin de faciliter l’émergence de candidatures féminines. Mais cette disposition serait supprimée à partir du renouvellement suivant afin de revenir au système d’élection actuel. Nous aurions ainsi permis l’émergence de femmes dans les conseils généraux et nous reviendrions ensuite à un système beaucoup plus simple et compréhensible pour nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Rémi Delatte, pour soutenir l’amendement n° 166.

M. Rémi Delatte. Cet amendement répond – mieux que votre système de binôme plutôt alambiqué, vous me l’accorderez monsieur le ministre – à deux objectifs : le premier objectif est de préserver une représentation raisonnable, réaliste et justifiée des territoires ruraux. Ces territoires ont besoin d’être représentés dans leur spécificité et leurs identités afin d’éviter leur marginalisation et être un véritable oubli de la ruralité. Il s’agit aussi d’empêcher une surreprésentation des zones urbaines ;

Le deuxième objectif maintient l’ambition d’une meilleure représentation des femmes dans les fonctions d’élu départemental.

La solution est simple : le scrutin uninominal à deux tours demeure pour tous les cantons ruraux, avec un titulaire et un suppléant de sexe différent ; dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, on instaure la proportionnelle. Le lien de proximité et de confiance et de sincérité entre les citoyens et leurs élus serait ainsi maintenu.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour un rappel au règlement.

M. François de Rugy. Monsieur le président, je dois vous dire mon incompréhension devant la manière dont ont été regroupés et mis en discussion commune ces amendements alors qu’ils ne proposent absolument pas la même chose.

Je le dis pour la clarté de nos débats, alors que trois groupes ont défendu des amendements, similaires sans être identiques, qui proposent pour les élections départementales un scrutin de liste départemental à la proportionnelle avec des listes paritaires et une prime majoritaire, nous examinons également des amendements, parfaitement respectables par ailleurs, qui n’ont absolument rien à voir puisqu’ils proposent des modes de scrutin majoritaires, binominaux d’abord, uninominaux ensuite – c’est d’ailleurs assez complexe.

Le Gouvernement et la commission doivent répondre aux différents groupes qui ont défendu des amendements sur le scrutin de liste. Il faut débattre à part du scrutin de liste sauf à noyer le débat dans des considérations sans rapport entre elles.

M. le président. C’est une solution constamment appliquée : l’ensemble des propositions alternatives sur un même article sont présentées en même temps. Si nous débattions d’une seule proposition et que nous la votions, les autres éléments de l’alternative n’auraient pas été présentés.

Il s’agit d’une règle constante dans notre organisation des débats. Dès lors qu’il s’agit du même article, des solutions alternatives et opposées doivent être présentées en même temps afin de permettre un débat et un vote. C’est la règle du jeu. Il se trouve qu’il y a de nombreux amendements, cela rend les choses plus compliquées. Mais, sans cette méthode, comment pourrait-on, pour débattre et voter, choisir l’un des termes de l’alternative et s’interdire de présenter l’autre. Ce serait incompréhensible.

Article 2 (suite)

M. le président. Dans la discussion commune, je suis saisi de trois amendements identiques, nos 38, 168 et 848.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 38.

M. Jean-Pierre Decool. Nous sommes nombreux à refuser le scrutin binominal paritaire. Cet amendement a pour objectif de différencier le secteur urbain des secteurs ruraux. Il propose de maintenir le dispositif existant dans les territoires ruraux, tout en favorisant la parité grâce à la proportionnelle dans les territoires urbains.

M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour soutenir l’amendement n° 168.

Mme Marianne Dubois. L’objectif du présent amendement vise à différencier le secteur urbain des secteurs ruraux grâce à un scrutin mixte. Ainsi, les cantons hors agglomération conserveraient le scrutin uninominal à deux tours, garantissant une représentation effective des cantons ruraux. Concernant les agglomérations, l’idée est d’instaurer des cantons d’agglomération, avec une élection au scrutin proportionnel afin d’assurer la parité. Ce mode d’élection permettra aussi une meilleure représentativité des composantes du paysage politique.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 848.

M. Philippe Vigier. Nous essayons, le ministre peut en témoigner, de trouver une solution qui favorise la parité. On ne pourra pas nous reprocher d’être arc-boutés sur le refus de l’émergence des femmes dans les conseils généraux. On vous a proposé, précédemment, un mode de scrutin qui ne semble pas avoir remporté le succès que nous escomptions. Nous proposons un autre système reposant sur un scrutin mixte qui associe un scrutin proportionnel de liste dans les agglomérations – je ne suis pas persuadé, à l’instar de M. de Rugy, que les conseillers généraux soient parfaitement identifiés ; selon qu’ils appartiennent à un côté de la rue ou à l’autre, ils représentent des cantons différents – et un scrutin uninominal majoritaire dans les territoires ruraux. L’intérêt de ce scrutin dans ces territoires est précisément d’avoir un conseiller général de proximité. Or, les grands cantons que vous créez feront 50 à 60 kilomètres de long avec 20 000 habitants.

Le système que nous proposons offre la représentation de l’arc-en-ciel politique que nous réclamons, l’assurance de la parité que vous souhaitez, l’identification et la représentation dans les territoires. Le conseiller général sera connu comme tel dans les territoires ruraux. Ce mode de scrutin se rapproche un peu de ce que nous connaissons pour les élections sénatoriales.

Je vous demande, monsieur le ministre, que, dans le cadre de cette discussion commune, les propositions que nous faisons fassent l’objet d’un débat argumenté afin de trouver une solution plus représentative que celle que vous nous proposez.

Je termine mon propos par un exemple : actuellement, certains départements comptent 600 000 habitants et 62 conseillers généraux, donc un conseiller pour 10 000 habitants. D’autres départements, avec le même nombre d’habitants, comptent 30 conseillers généraux. Demain, l’inégalité que nous connaissons aujourd’hui perdurera puisqu’un homme et une femme représenteront chaque canton et que le nombre de cantons restera inchangé.

M. le président. La parole est à M. le rapporteurde la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements soumis à discussion commune ?

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Lors de la discussion générale et de l’examen des amendements de suppression de l’article 2, nous avons eu un débat long et approfondi sur la question du mode de scrutin.

Je donne acte aux groupes qui portent de manière constante la revendication d’un mode de scrutin à dominante proportionnelle pour tous les types d’élection.

Je suis, en revanche, un peu plus surpris que de tels amendements émanent des bancs de ceux qui ont fait de la défense des territoires leur principal argument contre ce texte. Chacun est libre d’apporter au débat toutes les contradictions qu’il souhaite…

Quant aux autres propositions, je trouve un peu spécieux l’argument selon lequel 10 % d’élus à la proportionnelle permettraient d’atteindre l’objectif de parité. En outre, je ne vois pas bien l’intérêt du scrutin binominal à titre expérimental ; lorsque je l’ai dit hier, je me suis attiré des remarques selon lesquelles je faisais un procès d’intention, puisqu’on voulait bien avancer un petit peu sur la parité, mais à reculons, ou pour reculer plus tard.

J’en viens à la distinction entre cantons d’agglomération et cantons hors agglomération. Au-delà des immenses difficultés que nous éprouverions à opérer cette distinction et à fixer une règle valable pour l’ensemble du territoire national, avec toutes ses disparités, je répète également que cette solution ne permet pas d’atteindre l’objectif de parité que s’est assigné la majorité.

Pour ces raisons, la commission a repoussé l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Je répondrai très brièvement, monsieur le président, car nous avons déjà eu un débat approfondi sur ces sujets. Je comprends que l’on fasse des propositions et que l’on recherche des solutions, mais je propose le rejet de ces amendements pour deux raisons simples, qui se rejoignent et que j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer cet après-midi, en répondant à la question, toute en nuances (Sourires sur les bancs du groupe SRC), de M. Olivier Marleix.

La première est qu’il est important de maintenir un lien entre les conseillers départementaux et les électeurs. C’est pourquoi nous proposons un scrutin majoritaire, dans le cadre d’un canton redécoupé, qui tienne compte à la fois de la population et des territoires. C’était l’objet de l’amendement que nous avons adopté hier, et cela sera la matière d’autres discussions, notamment lors de l’examen de l’article 23 mais aussi, sans doute, auparavant. Il s’agit de préserver un certain nombre de territoires ou, en tout cas, leur représentation.

La deuxième est que nous sommes très attachés à la parité intégrale. Un mode de scrutin proportionnel répondrait à cette exigence mais c’est le scrutin binominal qui permet à la fois de maintenir le lien direct avec les territoires et d’établir la parité absolue.

Telle est, monsieur le président, la position du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je crains que, dans leurs explications, M. le rapporteur et M. le ministre ne s’enferrent à soutenir contre vents et marées leur binôme, dont nous avons quand même réussi à faire comprendre, hier, que cela ne marcherait pas, que cela présentait énormément d’inconvénients.

Étant cosignataire de l’amendement n° 28, je veux revenir sur l’intérêt qu’il y a à l’adopter.

Monsieur le ministre, vous avez été maire d’une ville qui n’est pas si éloignée que cela de la mienne, donc nous parlons à peu près de la même chose. En plus, il s’agit d’une grande ville nouvelle, alors, vraiment, nous parlons de la même chose.

Les habitants des villes, en raison du scrutin municipal, qui est un scrutin de liste, ont pris l’habitude de scrutins de liste, notamment de scrutins de liste qui permettent la parité, qu’il s’agisse de scrutins de liste avec ou sans proportionnelle – on pourrait gloser éternellement sur les formes municipale et régionale du scrutin de liste. Ils ne seront donc pas surpris, ils ne seront pas choqués, et nous pourrons avoir une représentation équilibrée, qui permettra l’émergence d’une meilleure parité.

En revanche, dans les secteurs ruraux, vous distendez le lien territorial auquel vous vous dites attachés. Vous allez créer de si grands cantons ruraux que plus personne ne s’y retrouvera et que cela sera le parcours du combattant pour tout le monde. En plus, vous allez, dans le secteur périurbain, créer des cantons qui seront du charcutage, où les villes seront majoritaires en termes de population, pour que vous puissiez affaiblir encore plus la ruralité.

Vous voulez affaiblir la ruralité dans sa représentation territoriale. Nous proposons, nous, que les territoires de la ruralité soient bien représentés, dans la proximité, avec un scrutin majoritaire, et, puisqu’il faut que nous avancions sur le chemin de la parité et que votre binôme ne le permettra pas, que nous ayons, là où les habitants ont pris l’habitude du scrutin de liste et le reconnaissent comme légitime, ce mode de scrutin. Il n’est pas baroque, au contraire du vôtre. Il tient la route. C’est pourquoi nous tenons à son adoption.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Pour être très honnête, j’ai l’impression que M. le ministre n’est pas extrêmement offensif et je me demande s’il est très motivé. Pour notre part, nous sommes très motivés et très offensifs sur notre proposition, et ce pour plusieurs raisons.

Nous le sommes d’abord pour une raison de clarté. Un élément a échappé à un certain nombre de gens, qui le découvriront plus tard : des circonscriptions législatives vont « enjamber » des cantons, des cantons vont être eux-mêmes partagés entre plusieurs circonscriptions législatives. Nous avons quand même déjà beaucoup de niveaux, c’est donc très difficilement lisible.

Deuxièmement, notre proposition de liste départementale, avec des sections locales, permet d’avoir enfin un débat départemental. Nous ne sommes pas, nous, des départementalistes forcenés, mais, si l’on croit à l’avenir du département comme échelon territorial, on doit, naturellement, souhaiter un débat départemental et non pas une myriade de débats « cantonalisés », comme c’est le cas actuellement, puisqu’on ne parle que d’une partie du territoire départemental.

M. Olivier Marleix. C’est faux !

M. François de Rugy. D’ailleurs, on oppose souvent une partie du territoire départemental à une autre, souvent la partie rurale à la partie urbaine.

Notre proposition garantit la parité. Elle garantit la représentation de toutes les sensibilités politiques, ce qui est quand même le b-a ba de la démocratie, sans tomber dans l’instabilité, puisque c’est la crainte que suscite la proportionnelle. Les régions et les municipalités sont gérées de façon tout à fait stable. En tout cas, le mode de scrutin retenu pour les élections régionales, depuis son entrée en vigueur en 2004, permet une grande stabilité, en même temps qu’une représentation et des débats qui correspondent à la volonté des électrices et des électeurs. Tout devrait donc nous conduire à l’adoption de ce mode de scrutin qui serait sans aucun doute le plus consensuel, d’autant que nous sommes plusieurs groupes, de l’opposition et de la majorité, à le souhaiter.

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Bulteau.

Mme Sylviane Bulteau. On connaît les chiffres. En 2011, l’abstention a atteint aux élections cantonales, puisqu’elles s’appelaient encore ainsi, le taux de 55 %. Cela prouve peut-être aussi que l’offre politique, si je puis dire, ne correspond pas aux souhaits des électeurs. À l’heure où seuls 13,5 % des conseillers généraux sont des femmes, j’espère que proposer plus de femmes candidates mobilisera l’électorat.

Pour moi, le mode de scrutin qui nous est proposé a au moins trois vertus. La première est l’ancrage territorial, auquel nous sommes nombreux à être attachés. Nous connaissons nos anciens cantons, mais nous connaissons aussi nos futurs cantons, plus vastes, car nous connaissons tous parfaitement nos départements. La deuxième est, bien sûr, le fait que la parité est consacrée. La troisième est que le mode de scrutin est clair et compréhensible des électeurs : un territoire, un couple.

Ensuite, que cela plaise ou non, je crois que les femmes sont souvent cantonnées à des questions qui relèvent tout à fait des compétences du conseil général. Je pense à la petite enfance, à la protection de l’enfance, au vieillissement.

Mme Annie Genevard. Et voilà ! La spécialisation !

Mme Sylviane Bulteau. Les femmes ont une certaine expérience de ces sujets, ne serait-ce que dans la vie quotidienne. Je crois donc, messieurs, que cela vous apportera beaucoup.

Peut-être pourrons-nous aussi, avec ce mode de scrutin, donner envie à d’autres femmes de s’engager en politique, leur montrer que c’est possible.

Cela créera aussi une dynamique dans les campagnes électorales et dans les assemblées départementales…

M. le président. Merci !

La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Je souscris aux propos qu’a tenus tout à l’heure par notre collègue de Rugy sur l’organisation des débats, bien que vous ayez, monsieur le président, tout loisir de les organiser à travers les articles…

M. le président. Ce n’est pas un loisir ! Les organiser de cette façon est une obligation, mon cher collègue.

M. Pascal Terrasse. Vous pouvez ou non, c’est votre choix,…

M. le président. Non, non, ce n’est pas mon choix, c’est l’obligation que je dois respecter !

M. Pascal Terrasse. Un certain nombre d’amendements peuvent être mis en débat et, ensuite, on peut s’exprimer.

Cela dit, ça m’arrange. Quand je considère l’ensemble des amendements soumis à notre examen, je constate que c’est un peu le concours Lépine qui est ouvert. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Chacun d’entre nous, à l’aune de son territoire, pense que tel ou tel dispositif est plus approprié.

D’ailleurs, trois amendements totalement différents émanent de parlementaires du groupe UMP, dont je ne donnerai pas les noms, même si on peut toujours dire que MM. Geoffroy, Zumkeller et Delatte en font partie.

M. Olivier Marleix. Les membres de la majorité aussi ont déposé des amendements totalement différents !

M. Manuel Valls, ministre. La majorité est riche de sa diversité ! (Sourires.)

M. Pascal Terrasse. Il serait sans doute bon que l’UMP, à un an et demi des prochaines échéances départementales, sache ce qu’elle veut en matière d’organisation de ces élections.

Un député du groupe UMP. Vous pouvez nous écrire nos amendements, si vous le souhaitez !

M. Pascal Terrasse. Je constate en tout cas qu’un certain nombre d’entre vous souhaitez la proportionnelle intégrale. Soit, mais quid, alors, de la ruralité ? Dans plus d’un tiers des départements, la population est concentrée autour des villes-centres et des agglomérations. Est-ce la mort de la ruralité que vous voulez, mes chers collègues de l’UMP et de l’UDI ? (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Aujourd’hui, c’est précisément ce juste équilibre que nous propose le ministre. Nous sommes à peu près tous d’accord pour dire qu’il faut plus de femmes dans nos assemblées départementales, qu’il faut de la parité. Le texte répond à ce souhait. Par ailleurs, tous les présidents de conseil général avaient dit, dans le cadre des travaux de la commission Balladur, qu’il fallait que les conseillers généraux soient liés à un territoire. Cette exigence est satisfaite par ce projet de loi.

Je ne comprends pas…

M. le président. Merci !

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Tout d’abord, j’aurais aimé, monsieur le président, que nous puissions débattre des amendements corpus par corpus, si vous me passez l’expression. Ce n’est pas la même chose d’avoir une proportionnelle intégrale que d’avoir 10 % de proportionnelle. Nous aurions pu avoir un débat plus serein, de nature à éclairer l’opinion.

M. le président. Je me permets de vous interrompre.

Si nous avions opté pour cette formule, nous aurions débattu de l’un des termes de l’alternative, pour éventuellement l’adopter alors même que l’autre n’aurait pas pu être présenté. On ne procède pas comme ça. On débat de l’ensemble des possibilités et, ensuite, on choisit. Cela s’est toujours passé comme ça.

M. François Sauvadet. Permettez au jeune parlementaire que je suis encore, monsieur le président, de vous rappeler une petite chose. Quand l’amendement serait adopté, cela ferait tomber un certain nombre d’autres amendements qui viennent ensuite… Voilà quelle est la pratique parlementaire !

M. le président. Au contraire…

M. François Sauvadet. Non, non, attendez, vous ne pouvez pas faire passer une vessie pour une lanterne ! Vous êtes en train de me dire que l’on ne peut pas procéder de la sorte car, dans ce cas, nous ne pourrions pas présenter nos amendements. Chaque amendement est présenté par corpus, il y a une discussion, qui est consolidée, sur l’amendement. Il est soumis au vote et, s’il est adopté, ce dont je serai le plus heureux, naturellement, il fait tomber tous les amendements subalternes par rapport à celui qui vient d’être adopté.

M. le président. Ils ne sont pas subalternes, ils sont alternatifs.

M. François Sauvadet. Oui, mais, enfin…

M. le président. Parlez du fond des choses, parce que je suis sûr de moi en termes d’organisation du débat !

M. François Sauvadet. Je suis désolé mais, si je veux bien, parce que quelques obligations ne m’ont pas permis d’être présent tout à fait au début de cette discussion, accepter, au nom de mon groupe, cette formule pour ce cas présent, cela ne vaudra en aucun cas pour la suite de nos débats. Sinon, je serai obligé de redemander que l’on réunisse la conférence des présidents. Je souhaite que chaque proposition puisse être examinée.

On nous a fait un procès dans cet hémicycle, monsieur le président, j’appelle votre attention sur ce point, sur le fait qu’il n’y avait aucune proposition alternative que nous pourrions faire, aucune alternative à un mode de scrutin qui s’imposerait, cette espèce d’hybride né d’imaginations débridées. Je sais M. Valls éclairé, il ne s’y serait pas livré seul, son environnement a dû contribuer à trouver la formule magique, idéale. On allait régler le problème de l’avenir de la France et des conseils généraux avec un hybride : un homme et une femme élus ensemble, exerçant séparément leur mandat. Naturellement, ça allait bien marcher.

Vous allez, mes chers collègues, organiser le désordre territorial. Voilà un premier point.

M. le président. Vos deux minutes sont écoulées, cher collègue.

M. François Sauvadet. Attendez, soit vous consolidez et vous me laissez un peu de temps pour le débat…

M. le président. Je vous demande de conclure, c’est tout.

M. François Sauvadet. Non, je ne conclurai pas tout de suite, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Vous avez épuisé vos deux minutes. Ce temps de parole vaut pour tous.

M. François Sauvadet. Attendez, si on ne peut pas expliquer les amendements et le corpus…

M. le président. Il n’y a pas un règlement spécifique pour M. Sauvadet, il y a un règlement pour tout le monde.

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. François Sauvadet. Je vous demande précisément d’appliquer le règlement de notre assemblée ! Je ne vois pas en vertu de quoi, monsieur le président, vous allez nous faire une discussion de deux minutes sur une série d’amendements qui ne sont pas de même nature.

M. le président. La discussion dure bien plus de deux minutes. C’est la présentation d’un amendement qui dure deux minutes.

M. François Sauvadet. Ah, mais je croyais qu’on répondait au ministre et que la discussion s’engageait !

M. le président. Merci !

La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Nous débattons de modes de scrutin virtuel, que des amendements émanant de parlementaires siégeant sur tous les bancs – des collègues du groupe UMP, des collègues du groupe UDI, des collègues du groupe écologiste, des collègues du groupe communiste – ont pour objet d’instaurer.

Pourquoi cette diversité ? Pourquoi tant de contre-propositions ? Parce que le mode de scrutin binominal proposé par le Gouvernement suscite une grande insatisfaction. Il ne fait manifestement pas l’unanimité, y compris dans les rangs de la majorité.

M. Christophe Borgel. Habile, mais peu efficace !

M. Guillaume Larrivé. En effet, comme nous l’avons démontré hier, le mode de scrutin binominal constitue une attaque contre la ruralité. Vous avez poursuivi et amplifié cette attaque ce matin même, en présentant au Conseil des ministres un projet de loi relatif au Sénat. Ce projet constitue, en effet, une autre attaque contre la ruralité. Nous avons commencé à prendre connaissance de ce texte et de son étude d’impact, qui sont disponibles sur le site internet du Sénat. Ce texte est extraordinaire. Il aura pour conséquence de multiplier le nombre de militants du parti socialiste…

M. Manuel Valls, ministre. Oh !

M. Guillaume Larrivé. …choisis comme délégués par des conseils municipaux de départements très urbains, comme les Bouches-du-Rhône, la Seine-Saint-Denis ou les Hauts-de-Seine.

M. Eduardo Rihan Cypel. Vous avez de l’imagination !

M. Guillaume Larrivé. En réalité, vous tentez de consolider votre très fragile majorité au Sénat. Le Gouvernement a décidé de passer une sorte de lame de rasoir sur le Sénat : voilà qui est vraiment scandaleux !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, je ne vous ai pas encore entendu critiquer le mode de scrutin par liste que nous proposons d’appliquer aux conseillers généraux. Ce mode de scrutin est également appliqué aux élections régionales, et vous n’envisagez pas le modifier. De fait, il permet la parité et la représentation des territoires puisque, au moment de la constitution des listes régionales, on fait attention à la répartition des hommes et des femmes qu’on souhaite voir émerger. Je le sais bien : c’est un élu régional qui vous parle. La parité n’est pas respectée dans les régions : certes, vous n’avez pas choisi beaucoup de présidentes de conseil régional ! Cela ne m’avait pas échappé.

Je n’arrive donc pas à comprendre pourquoi, lorsqu’on vous propose d’étendre aux départements ce mode de scrutin, qui fonctionne pour les régions, vous répondez : « circulez, il n’y a rien à voir » ! Vous n’avancez aucun argument contre cette proposition. De plus, comme l’a très bien dit François de Rugy, ce mode de scrutin permet l’expression de la pluralité politique. Votre majorité est quand même un peu divisée sur ces questions.

M. François de Rugy. Voilà un point de convergence !

M. Régis Juanico. C’est bien le seul !

M. Philippe Vigier. Absolument, un point de convergence important, et ancien. Il y a longtemps, alors que des bidouillages électoraux devaient permettre aux deux plus grands partis de récupérer l’ensemble des sièges, nous signâmes un manifeste commun.

Monsieur le ministre, expliquez-nous pourquoi un mode de scrutin qui marche pour les élections régionales ne fonctionnerait pas pour les élections départementales.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, une variété d’amendements de natures différentes ont été présentés. Afin de trouver une solution permettant le plus large rassemblement possible, je souhaite que nous les examinions selon trois critères : la parité, bien sûr ; le respect des territoires, c’est-à-dire la proximité ; le respect du pluralisme politique. À l’évidence, le projet du Gouvernement respecte la parité, mais pas le pluralisme. Il ne permet pas non plus, du fait de l’agrandissement des cantons, la proximité et le respect des territoires.

M. Guy Geoffroy. Nous sommes d’accord !

M. Marc Dolez. Un certain nombre de propositions permettraient d’atteindre, tant que faire se peut, ces trois objectifs. C’était là l’objet de notre amendement n° 497, qui propose de faire coexister une représentation par cantons et un scrutin de listes départementales à la proportionnelle. L’amendement n° 32, présenté par M. de Rugy et ses collègues du groupe écologiste, répond également à cette préoccupation. Je suis, pour ma part, prêt à m’y rallier, dans la mesure où je crois que, parmi tous les amendements qui nous ont été présentés ce soir, c’est celui qui permet le mieux de concilier ces trois objectifs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes écologiste et UDI.)

M. le président. Sur les amendements n° 847, 32 et 496, je suis saisi par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli. Depuis tout à l’heure, nous discutons de cet article 2, qui porte avant tout sur la création du binôme de candidats. Je me bornerai à évoquer la pléthore d’amendements dont nous venons de débattre.

Je suis conseiller général, élu d’une zone urbaine, et je voudrais dire à certains de nos collègues que ceux qui votent pour moi me connaissent ! Je ne veux pas opposer les territoires les uns aux autres.

M. Manuel Valls, ministre. Très bien !

M. Laurent Marcangeli. Je crois en revanche, comme nous l’avons dit hier au cours de la discussion générale, que le binôme, tel qu’il est proposé, compliquera beaucoup de choses. À mon avis, il portera terriblement atteinte à la ruralité. Nous reviendrons tout à l’heure sur ce point, au moment de la discussion de l’article 3, qui est à mon avis plus concerné par cette question.

Le binôme rendra les choses plus difficiles pour les candidats sans étiquette qui souhaitent se présenter aux élections. Trouver deux femmes et un homme, si l’on est un homme, ou deux hommes et une femme, si l’on est une femme, est beaucoup plus compliqué pour les candidats qui ne bénéficient pas du soutien d’une organisation politique. Surtout, selon moi et un certain nombre de mes collègues, les élections cantonales seront progressivement dénaturées. Dans notre tradition électorale, les élections cantonales se font au scrutin uninominal. Des modifications ont été apportées à ce modèle de base, avec l’ajout de suppléants. Il n’en reste pas moins que l’élection des conseillers généraux symbolise avant tout la rencontre d’un homme et d’un territoire.

Je suis persuadé que cette réforme et la création de ce binôme porteront atteinte à ce mode de scrutin très ancien, mais parfaitement républicain.

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, comme l’a dit Guillaume Larrivé, la concomitance de l’examen de ce projet de loi électorale et de la présentation ce matin en conseil des ministres d’un projet de loi sur les élections sénatoriales est extrêmement grave. J’invite tous mes collègues à prendre connaissance du texte que le Conseil des ministres a adopté ce matin.

Vous proposez – ce n’est pas une nouveauté – d’appliquer l’élection à la représentation proportionnelle dans les départements où sont élus trois sénateurs ou plus. La véritable surprise, c’est que vous nous proposez à nouveau une disposition votée à l’initiative de M. Jospin, qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel : la minoration du poids de la ruralité et la majoration de celui des grandes villes dans le collège électoral sénatorial. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Comment comptez-vous améliorer le mode de scrutin aux élections sénatoriales ? En permettant aux conseils municipaux des grandes villes de désigner un plus grand nombre de délégués. Qui les conseils municipaux choisissent-ils comme délégués ? Chacun le sait : ce sont des militants de partis politiques. Votre réforme sénatoriale vise donc à minorer la représentation de la ruralité au profit de militants de partis politiques ! Ainsi, en rapprochant les dispositions du texte que nous examinons aujourd’hui et celles du texte que vous avez présenté ce matin en conseil des ministres, on se rend compte que ce qui se passe est très grave pour notre démocratie.

Nous avions plutôt envie de vous faire confiance, car vous êtes souvent très sympathique. Mais tout cela révèle que, contrairement aux belles paroles que vous nous avez adressées, ce binôme n’est que le prétexte d’une vaste opération de redécoupage électoral à des fins purement politiciennes. C’est parfaitement inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Pascal Terrasse. Entendre un Marleix dire cela !

M. le président. Nous allons procéder au vote des différents amendements soumis à une discussion commune, certains ayant fait l’objet d’une demande de scrutin public.

Je mets d’abord aux voix l’amendent n° 527.

(L’amendement n° 527 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 847.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 135

Nombre de suffrages exprimés 134

Majorité absolue 68

(L’amendement n° 847 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 32.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 135

Nombre de suffrages exprimés 131

Majorité absolue 66

(L’amendement n° 32 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 496.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 130

Nombre de suffrages exprimés 128

Majorité absolue 65

(L’amendement n° 496 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets maintenant successivement aux voix les autres amendements en discussion commune.

(Les amendements nos 497, 849, 639 et 166, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets à présent aux voix les amendements identiques n° 38, 168 et 848.

(Les amendements identiques nos 38, 168 et 848 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Le Mèner, pour soutenir l’amendement n° 493.

M. Dominique Le Mèner. Notre collègue de Rugy s’inquiétait tout à l’heure du manque de lisibilité du mode de scrutin qui nous est proposé. Malgré notre attachement viscéral au scrutin majoritaire, force est de reconnaître que le scrutin que vous proposez est effectivement illisible, au moins au niveau cantonal.

Au passage, je m’étonne de la rédaction choisie pour l’article 2 de ce projet de loi. Vous parlez de membres « de sexes différents » : vous auriez pu parler d’un homme et d’une femme, cela aurait été plus clair.

Cet amendement a pour objet de montrer que cette obligation de parité restreint en réalité le choix des électeurs. On ne peut imposer aux électeurs le choix d’un binôme !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. J’observe que la « clarification » envisagée par les auteurs de cet amendement consiste à supprimer le caractère paritaire du binôme. Permettez-moi, à mon tour, d’apporter une clarification : l’avis de la commission est défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Le Gouvernement a le même avis que la commission sur cet amendement.

Permettez-moi d’utiliser cette occasion pour répondre également à MM. Marleix et Larrivé. Il faut éclairer le débat, pas en déformer les termes ! Contrairement à ce que vous nous avez dit, le projet de loi adopté ce matin par le Conseil des ministres respecte parfaitement les principes énoncés par le Conseil constitutionnel dans sa décision de juillet 2000. Je m’en souviens bien : il y a quelques raisons à cela. Le passage du seuil d’application du scrutin proportionnel de quatre à trois sièges de sénateurs par département a été jugé, à l’époque, conforme à la Constitution. Nous pouvons continuer à débattre de ce passage à la question de la proportionnelle, qui permet aussi de renforcer la parité. Sans prétendre être un expert des élections sénatoriales, permettez-moi de vous dire au passage que ce n’est pas la proportionnelle qui a permis la victoire d’une majorité de gauche au Sénat lors des dernières élections, en septembre 2011 !

Deuxièmement, c’est la création de délégués supplémentaires par tranche de 300 habitants qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Or nous proposons de créer des délégués supplémentaires par tranche de 800 habitants, contre 1 000 en l’état actuel de la loi. Ainsi, nous respectons totalement l’exigence d’une large majorité d’élus dans le collège électoral : les délégués des conseils municipaux n’y seront pas majoritaires.

La décision du Conseil constitutionnel est donc respectée. La tranche n’a, évidemment, rien à voir avec ce qui a été proposé voici treize ans. Cela concerne, enfin, naturellement, comme vous le savez, les villes de plus de 30 000 habitants. Considérons, par conséquent, que cela ne met en aucun cas en cause la ruralité que beaucoup ont défendue et continueront à défendre sur ces rangs.

Je tenais à apporter cette précision après les propos qui ont été tenus sur l’inconstitutionnalité du texte présenté, lequel sera, bien entendu, débattu d’abord au Sénat et sera l’objet, je n’en doute pas, d’une saisine du Conseil constitutionnel. Mais nous avons encore un petit peu de temps, car nous devons, avant tout, terminer l’examen du présent projet !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Le projet de loi a été présenté, ce matin, au conseil des ministres. Il y aura, naturellement, un débat juridique le moment venu. Mais il est clair, aujourd’hui, que vous assumez totalement l’objectif politique, puisque expressis verbis, il est indiqué dans l’exposé des motifs du projet de loi et dans l’étude d’impact – je le précise pour l’information de tous nos collègues qui ne n’en ont pas encore pris connaissance sur le site du Sénat – que vous vous inscrivez, et tel est votre choix, dans la lignée du rapport Jospin dans lequel est affichée la volonté de diminuer la représentation des communes rurales dans le collège des grands électeurs sénatoriaux. C’est tellement vrai qu’il est précisé dans votre texte que le nombre de délégués, lesquels ne sont pas conseillers municipaux, mais sont désignés par les conseillers municipaux, donc, en réalité, nous le savons bien, par les fédérations locales du parti socialiste, en ce qui vous concerne, passera de 32 à 38 % dans les Bouches-du-Rhône et de 25 à 30 % en Seine-Saint-Denis. Vos intentions sont claires et exprimées de manière extrêmement directe, chiffrée et transparente ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Le problème est toujours le même. Il faut trouver un équilibre entre la représentation de la population et celle des territoires. Nous nous heurtons toujours à cette même contradiction qu’il s’agisse du mode de scrutin pour les conseillers départementaux ou pour les sénateurs. La nécessité d’apporter des modifications, y compris pour l’élection des conseillers départementaux, peut paraître légitime. En effet, dans mon département, entre le canton le plus peuplé et le moins peuplé, il doit y avoir un écart d’un à vingt-cinq. Pour autant, opter pour une stricte parité démographique, comme vous souhaitez nous l’imposer, est inacceptable. Le cadre mis en avant pour les élections sénatoriales laisse entrevoir la même chose. Il nous paraît fondamental et démocratique qu’un certain équilibre puisse être conservé pour que la ruralité soit représentée et que les territoires le soient également au Sénat. Nous devrons nous pencher sur ce point essentiel.

M. Jean Lassalle. Très bien !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour un rappel au règlement.

M. François Sauvadet. Monsieur le président, j’ai demandé à m’exprimer à deux reprises. J’ai donc prêté attention à l’ordre dans lequel vous avez donné la parole aux orateurs.

M. le président. Depuis bien longtemps, mais c’est une affaire interne à votre groupe !

M. François Sauvadet. J’ai souhaité, monsieur le président, expliquer mon vote avant même que vous ne mettiez les amendements aux voix et avant même que vous ne prononciez la célèbre phrase : « Le scrutin est ouvert. ». Vous ne m’avez pas donné la parole. Si les débats se poursuivent ainsi, nous serons contraints de demander une suspension de séance pour examiner, avec la présidence, les conditions dans lesquelles nous pouvons avoir un débat serein permettant d’éclairer nos positions.

De plus, je le répète, pourquoi présenter conjointement et dans une discussion globale des amendements qui ne sont pas de même nature – même si vous les avez présentés, pour votre part, l’un après l’autre, monsieur le président – en ne nous laissant, ensuite, que deux minutes pour répondre au Gouvernement et au rapporteur, et pour présenter l’ensemble de nos arguments ? De deux choses l’une : soit il faut présenter les éléments les uns après les autres ou il faut organiser un débat. Je ne mets pas en cause la présidence, mais je demande simplement à ce que tous les groupes soient respectés, y compris les groupes minoritaires de l’opposition, monsieur le président ! Donc, je le dis avec fermeté et solennité : il ne doit pas y avoir de discrimination lorsque vous donnez la parole aux orateurs ! À défaut, je me verrais naturellement contraint de demander une suspension de séance, laquelle est de droit !

Article 2 (suite)

M. François Sauvadet. Ce rappel au règlement étant fait, je répondrai, maintenant, si vous me le permettez…

M. le président. Vous étiez inscrit !

M. François Sauvadet. …à M. le ministre.

Ce qui se passe au Sénat et à l’Assemblée sera de nature à éclairer tous ceux qui doutaient de vos intentions et qui auraient pu comprendre et entendre l’argument que vous avez opposé, à savoir une volonté d’asseoir la parité et de procéder, pour des motifs légitimes, à un redécoupage.

Une dose de proportionnelle, laquelle aurait pu permettre d’avoir une juste parité, ne trouve pas grâce à vos yeux, ici, mais présente subitement un intérêt lorsqu’il s’agit de l’élection des sénateurs ! En effet, les départements dans lesquels sont élus trois sénateurs éliront ces derniers au scrutin proportionnel. Vous vous permettez, de surcroît, d’augmenter le nombre de délégués pour les communes de plus de 30 000 habitants. La manipulation est un peu grosse ! Il s’agit effectivement, comme nous l’avons dit, d’un tripatouillage électoral organisé…

M. Guillaume Larrivé. Très bien !

M. François Sauvadet. …visant à reporter les élections de 2014 à 2015, donc à stabiliser le corps électoral qui vous est plutôt favorable. Pendant que nous débattons, ici, vous introduisez, au Sénat, la proportionnelle à laquelle vous trouvez subitement tous les mérites ! Je sais que votre obsession est de conserver la majorité au Sénat. Le mot de « majorité » est d’ailleurs sujet à caution et à discussion, considérant le succès que vous y avez remporté à l’occasion de la discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux… En effet, ce conseiller départemental – ce binôme – qui a toutes les vertus a été balayé d’un revers de main par les représentants des collectivités ! Donc, monsieur le ministre, la ficelle est un peu grosse et vous ne tromperez personne ! Les manœuvres auxquelles vous vous livrez, aujourd’hui, sont des manœuvres électoralistes qui n’ont qu’une fin : modifier un système pour asseoir le parti socialiste dans ses responsabilités ! Je trouve que la période est mal choisie et que la méthode est scandaleuse ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. Comme chacun le sait, il n’y a d’explication de vote qu’au terme d’un débat, même si, parfois, on peut les imaginer au terme de la discussion d’un article, mais en aucun cas à la fin de la discussion d’amendements.

(L’amendement n° 493 n’est pas adopté.)

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, et du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)