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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Séance du mardi 10 juillet 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011

Présentation

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Rappel au règlement

M. Philippe Martin

Motion de renvoi en commission

M. Jérôme Chartier

Présidence de Mme Laurence Dumont

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué, M. Christian Eckert, rapporteur général, M. Pierre-Alain Muet, M. Hervé Mariton, M. Philippe Vigier, M. Jacques Krabal, M. François de Rugy

Discussion générale

Mme Karine Berger

M. Hervé Mariton

M. Philippe Vigier

M. Éric Alauzet

M. Jacques Krabal

M. Nicolas Sansu

M. Thomas Thévenoud

Mme Valérie Pecresse

M. Pierre-Alain Muet

M. Jean-François Mancel

M. Laurent Grandguillaume

Discussion des articles

Article 1er

M. Régis Juanico

M. Alain Rodet

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Article 2

Article 3

M. Charles de Courson

Articles 4 et 5

Article 6

Amendement no 1

Article 7

Article 8

Amendement no 2

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

2. Débat d’orientation des finances publiques pour 2013

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

M. Christian Eckert, rapporteur général des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Charles de Courson

Mme Eva Sas

M. Jacques Krabal

M. Gaby Charroux

M. Pierre-Alain Muet

M. Hervé Mariton

M. Yves Jégo

M. Pascal Terrasse

M. Jacques Myard

M. Yannick Moreau

M. Jean-François Mancel

M. Pierre Moscovici, ministre

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Règlement des comptes et rapport
de gestion pour l’année 2011

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011 (n°s 3, 75).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs, le projet de loi de règlement est un instantané de nos finances publiques, qui apure une gestion, celle qui a été conduite par la majorité précédente, et permet au Gouvernement de prendre acte de la situation budgétaire en ce début de quinquennat. Nous allons vous le présenter à deux voix. Jérôme Cahuzac reviendra plus longuement, plus précisément, dans quelques instants, sur le contenu du texte qui est soumis à votre examen.

La légende veut qu’à une époque où la gestion du Trésor manquait quelque peu de précision, Philippe le Bel, sur son lit de mort, ait donné pour unique conseil à son fils, le futur Louis X : connaissez au plus tôt l’état du royaume. Pour la petite histoire, le trésorier de Philippe le Bel, Enguerrand de Marigny, fut ensuite pendu, mais cette maxime n’a pas pour autant perdu de sa pertinence.

Quel est le panorama de nos finances publiques à l’heure où je m’exprime devant vous ?

Le projet de loi de règlement dresse malheureusement un tableau plutôt sombre de notre situation économique et budgétaire. Cette assemblée offre un vaste espace de discussion sur les causes et responsabilités de la situation, et chacun pourra s’emparer du débat. Je souhaite pour ma part m’en tenir dans cette brève intervention aux faits, c’est-à-dire à une présentation, à une mise en perspective chronologique, géographique, de nos principaux indicateurs financiers.

L’arrêté des comptes est un point de départ, un instantané, et je me contenterai, pour éclairer les choses, de trois constats.

Premier constat, nous héritons d’un stock de dettes considérable. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Eh oui ! L’an dernier, la dette publique a poursuivi sa progression pour s’établir à plus de 1 700 milliards d’euros, soit 86 % du PIB. On m’opposera que c’est le résultat d’une longue dérive, et c’est vrai, de l’accumulation de déséquilibres anciens, et c’est exact. Peut-être, dirai-je plutôt, mais, sur les dernières années, la dette aura augmenté de 800 milliards d’euros (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), de 600 milliards sur la période 2007-2011. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cette augmentation considérable ne rend pas la dette plus acceptable, au contraire. La dette, c’est un impôt décalé dans le temps. Elle fait peser sur les générations futures les risques et les errances des gestions publiques. Elle pèse aussi sur nos marges de manœuvre : 50 milliards d’euros par an de dette à servir, c’est autant de capacités en moins pour financer notre modèle social, nos politiques de relance de la croissance, et les économistes nous ont appris que le potentiel de croissance était réduit d’un point lorsque la dette publique dépassait 90 % du PIB. Nous y sommes presque, et nous avons la responsabilité de maîtriser la progression de l’endettement de ce pays. Le Gouvernement précisera comment dans le débat d’orientation de cet après-midi.

Deuxième constat, le déficit public s’élève encore à 100 milliards d’euros en 2011 et, sans corrections de notre part, ce que nous faisons à travers le projet de loi de finances rectificative, il aurait dérivé vers des montants qui représenteraient encore 5 % du PIB en 2012.

On peut avoir une longue discussion, je ne suis pas sûr d’ailleurs qu’elle serait très fructueuse, à propos de l’appréciation à porter sur ces évolutions. Certes, le déficit public a été réduit de 1,9 point l’an dernier (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), mais la moitié de cette réduction était liée à des phénomènes exceptionnels ou à des effets conjoncturels, en clair à des facteurs spécifiques à 2010 et 2011, d’une ampleur inhabituelle et dont il ne faut pas escompter la répétition. La meilleure preuve en est que les 5,2 % du PIB auxquels on aboutit à l’issue de 2011 se seraient transformés sans corrections de notre part en 5 % en 2012, c’est-à-dire que l’effet structurel est extraordinairement faible.

M. Lionel Tardy. Les solutions ?

M. Pierre Moscovici, ministre. L’amélioration, 5,2 % en 2011, est forte vu le niveau exceptionnellement élevé du déficit en 2009, où il avait atteint 7,5 %, mais ce niveau reste deux fois supérieur à celui qui permettrait de stabiliser la dette. Il est inférieur à ce que prévoyait la loi de programmation des finances publiques de décembre 2010, mais il reste dans l’absolu très élevé, trop élevé. Bien sûr, la diminution de 1,9 point de PIB en 2011 est comparable à l’effort qu’a accompli l’Union européenne sur la même période, mais pas supérieure, et notre déficit reste très largement supérieur à celui de notre grand partenaire, l’Allemagne, qui a su ramener le sien à 1 % du PIB avec la même monnaie et la même crise.

Conclusion de ce constat : après une dette excessive, nous avons un déficit trop élevé. C’est ce dont nous héritons de la gestion précédente. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C’est ce défi qu’il nous faudra relever et que nous relèverons ensemble avec une politique sérieuse et de croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La crise n’explique pas tout, en effet. Le taux d’endettement résulte d’abord de l’accumulation de déficits structurels élevés avant 2007, qui se sont creusés sous le dernier quinquennat, tout particulièrement en 2008 et 2009.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et la crise ?

M. Pierre Moscovici, ministre. En d’autres termes, vous avez bien apporté votre touche à la dégradation de la dette française, touche toute personnelle, dirais-je presque, toute particulière (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et quelle que soit l’interprétation que l’on puisse faire de ces évolutions, ramener le déficit à un niveau soutenable, donc inférieur à son niveau actuel, est une nécessité. (« Très bien ! » sur divers bancs.)

Troisième et dernier constat, nous héritons d’une situation beaucoup plus dégradée qu’annoncé. Au vu de la situation financière en 2011, il aurait fallu, pour être en mesure de respecter nos engagements européens à la fin de l’année, procéder à des ajustements marqués dès le premier semestre, autrement dit les prévoir en loi de finances initiale. Vous ne l’avez pas fait, et c’est la raison pour laquelle nous devons compter en 2012 avec une surévaluation des recettes à hauteur de 7,1 milliards d’euros, avec des risques sur la dépense de l’État de l’ordre de 2 milliards d’euros. C’est ce que nous devons maintenant assumer, sans renoncer à nos objectifs en matière de trajectoire budgétaire, ni à notre programme réformiste.

Nous évoquerons cet après-midi les principes qui guideront notre approche des finances publiques jusqu’à la fin du quinquennat : le sérieux, et son corollaire en matière de méthode, la sincérité des comptes, la sincérité des prévisions financières. C’est le premier pilier, et je souhaite que ce sérieux permette à l’avenir de limiter les écarts, toujours embarrassants, rarement justifiés, entre un schéma initial annoncé et une exécution effective. Les politiques publiques y gagneront en lisibilité et en crédibilité.

Voilà, mesdames, messieurs, un aperçu, qui est loin d’être exhaustif, de la loi de règlement et du contexte financier dont nous héritons. Il peut, il doit y avoir un débat sur les responsabilités dans cette situation, mais il ne doit pas occulter le véritable enjeu budgétaire, le seul qui compte aujourd’hui, dirais-je presque, celui du rythme mais aussi des moyens pour redresser demain nos finances publiques en permettant également de redresser le pays. Ce sera l’objet du débat d’orientation de cet après-midi, où j’expliquerai avec Jérôme Cahuzac comment nous travaillerons avec votre assemblée à restaurer notre crédibilité budgétaire mais aussi les capacités de production de la France, à mettre en œuvre cette politique de gauche et sérieuse que les Français ont choisie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs, le ministre de l’économie et des finances a commencé son propos en citant Philippe le Bel donnant à son aîné quelques recommandations de bon aloi, Philippe le Bel qui eut trois fils pour lui succéder, mais dont aucun n’eut de descendant mâle, respectant en cela la malédiction de Jacques de Molay, le grand maître des Templiers, condamné par le roi de France pour quelques sujets accessoires et principalement parce que les Templiers ne devaient pas, selon lui, renoncer à la dette contractée auprès d’eux par le royaume de France.

J’ignorais, monsieur le ministre, que vous commenceriez votre propos de la sorte, mais il est vrai qu’après Louis X, Philippe V et Charles IV, il y eut le saut dynastique des Capétiens aux Valois, et je suis certain que l’ensemble des députés, sur quelques bancs qu’ils siègent, reconnaîtront au moins que, dès lors qu’elle a pour fondement des impasses financières, une malédiction a quelque chance de se réaliser. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je devine par les exclamations qui viennent de la partie droite de l’hémicycle que vous craignez peut-être qu’à votre tour, mes chers collègues, une forme de malédiction vous frappe, tant la situation des finances publiques que vous nous laissez est inquiétante (Mêmes mouvements), nous pouvons tous en convenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. –Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Elle est incontestablement inquiétante, comme en témoigne la loi de règlement, dernière étape budgétaire de l’année 2011, une étape que personne ne songe à contester tant elle est la photographie exacte de ce qui s’est passé. Cette photographie fait apparaître ce qu’aura été le déficit budgétaire de l’État l’année dernière, un peu plus de 90 milliards d’euros : 90 milliards d’euros, c’est certes une réduction par rapport à l’année précédente, une réduction considérable (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP), de 59 milliards d’euros. Mais ces 59 milliards d’euros, avant qu’ils ne déclenchent des exclamations d’enthousiasme et de satisfaction, doivent être expliqués, afin de ramener ces exclamations à un peu plus d’objectivité.

La Cour des comptes, dont nous admettons entre nous que les dires sont difficilement contestables, reconnaît elle-même que l’essentiel de ces 59 milliards d’euros d’amélioration du déficit budgétaire entre 2010 et 2011 provient de l’arrêt du plan de relance. Une fois la fin de cette dépense supplémentaire prise en compte, l’amélioration n’est plus que de 14 milliards d’euros. Il faut naturellement les relativiser eux aussi.

M. Philippe Vitel. On verra dans un an !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. D’autant qu’au moins 4 de ces 14 milliards d’euros proviennent du remboursement des sommes perçues par le secteur automobile – qu’il fallait évidemment aider – remboursement qui n’a rien de structurel mais tout de conjoncturel. L’amélioration, en réalité, n’est que de 10 milliards d’euros, c’est-à-dire l’équivalent de la croissance spontanée des recettes de l’État l’année dernière. Voilà qui relativise les affirmations d’amélioration du solde budgétaire de l’État pour l’année dernière.

Si l’on raisonne en déficit public, c’est-à-dire en agrégeant l’ensemble des déficits ou des excédents des administrations publiques, l’amélioration est incontestable là encore : 1,9 point de PIB, cela fait beaucoup mais, là encore, il importe de relativiser.

M. Lucien Degauchy. On en parlera dans six mois…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Toujours selon la Cour des comptes, sur ce 1,9 % de PIB, seul 0,8 % est d’origine structurelle et exclusivement le fait de recettes supplémentaires. Selon la Cour, la maîtrise de la dépense publique l’année dernière aura contribué négativement à la réduction du déficit pour - 0,2 % de PIB. Le reste, soit 0,8 %, est conjoncturel : sur ce pourcentage, 0,4 est dû à l’arrêt du plan de relance, 0,2 à l’arrêt des équipements militaires et 0,2 à la fin de la réforme de la taxe professionnelle, toutes choses qui ne pourront naturellement se reproduire en 2012.

Si l’on peut se satisfaire de cette amélioration du solde budgétaire et du déficit public, il faut néanmoins relativiser celle-ci et se souvenir de ce que le rapporteur général lors de la précédente mandature disait lui-même : l’année 2011 était spectaculaire mais relativement aisée à réaliser, alors que 2012 et 2013 seraient en réalité les années les plus délicates pour nos finances publiques.

J’en termine en rappelant certains faits. Nous aurons des débats que je devine animés et convaincus des deux côtés (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP). Puisque cet après-midi qui nous rassemble est la première occasion d’échanger sur ce qu’aura été le bilan des années précédentes, je voudrais rappeler un certain nombre de paramètres à ceux qui souhaiteraient les oublier.

Je voudrais notamment rappeler ce qu’a été le pourcentage de la dépense publique par rapport au PIB en 2002, 2007 et 2012. En 2002, il était de 52 % ce qui était déjà beaucoup et que nombre d’entre vous condamnent alors. En 2007, c’était davantage, 52,6 % ! En 2012, c’était bien davantage encore, 56 % ! La dépense publique en pourcentage du PIB a explosé ces dernières années !

Je voudrais rappeler ce qu’ont été les taux de prélèvements obligatoires. Les impôts ont continûment augmenté entre 2002 et 2007, quoique modérément. Ils ont augmenté bien davantage entre 2007 et 2012. Là encore, je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes. Le taux de prélèvements obligatoires frôle les 45 % alors qu’en 2007 – lorsque la majorité précédente a légitimement conquis le pouvoir dans les urnes – ce taux n’était que de 43,7 % du PIB.

M. Claude Goasguen. Il faut le faire baisser ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quant au commerce extérieur, il était excédentaire en 2002 de 3 milliards d’euros, déficitaire en 2005 de 50 milliards d’euros et déficitaire l’année dernière de 70 milliards d’euros. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Convenez, mes chers collègues, que pour une majorité qui avait fait de la compétitivité des entreprises l’alpha et l’oméga de sa politique pendant les dix dernières années,...

M. Bernard Accoyer. Les 35 heures !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …passer d’une excédent commercial de 3 milliards d’euros à un déficit de 70 milliards n’est pas le témoignage le plus abouti que les politiques menées furent couronnées de succès. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

On pourrait multiplier les indicateurs de cette nature. Au cas où certains d’entre vous pourraient reprocher à l’actuelle majorité je ne sais quel aspect de sa politique, vous pouvez, je l’espère, compter sur les membres de cette majorité comme du Gouvernement pour rappeler ce qu’aura été en définitive le bilan de la majorité défaite dans les urnes il y a quelques semaines,…

M. Philippe Vitel. De peu !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …au printemps 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, j’entends parfaitement l’argument qui veut que la crise ait secoué – c’est le moins que l’on puisse dire (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) –notre société et nos finances publiques. C’est parce que la crise est passée par là qu’il faut nous efforcer d’avoir un indicateur tenant bien compte de ce que fut la part de la crise dans le déficit budgétaire et de nos finances publiques. Cet indicateur existe, il s’appelle le déficit structurel. C’est un indicateur qui neutralise les effets de la crise et envisage ce qu’aurait été le déficit sans elle et si notre pays avait connu la croissance économique qu’il pouvait connaître et qui s’appelle la croissance potentielle.

Si l’on prend cet indicateur – on peut l’utiliser pour la France comme pour l’Allemagne –, on constate qu’en 2007 le déficit structurel était, selon la Cour des comptes, de 3,5 %. Toujours selon la Cour, ce déficit serait de 3,9 % en 2012.

Selon elle, durant ces cinq dernières années, structurellement et indépendamment de la crise, notre pays a continué à s’endetter, à dépenser plus qu’il ne percevait, bref à mener une politique de finances publiques que Jacques de Molay, brûlé pour cela, réprouvait, et que le roi de France, qui l’a condamné, avait précisément menée à l’époque. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

On peut prendre un autre indicateur, celui du service du Trésor. Les chiffres ne sont pas les mêmes mais l’aggravation du déficit structurel est exactement la même.

Mes chers collègues, la conclusion est, je le crains, sans appel pour ceux qui ont eu à présider aux destinées du pays ces cinq dernières années. Ils ont laissé le pays s’enfoncer dans la dette et c’est désormais à une nouvelle majorité et à un nouveau gouvernement de l’en sortir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous examinons le premier projet de loi de règlement de la législature et ce sera ensuite le premier débat d’orientation des finances publiques qui nous réunira.

Cela nous permet de faire le bilan de l’exécution du budget 2011, à partir des comptes que nous soumet le Gouvernement ainsi que de l’analyse et de l’expertise de la Cour des comptes. Je souligne une curiosité : le Gouvernement nous propose de prendre acte des comptes de 2011, un exercice qu’il n’a pas lui-même conduit, et nous en reparlerons certainement.

De façon très classique, je souhaiterais d’abord commenter l’évolution des recettes en 2011. De cette évolution, je tire trois enseignements.

Le premier, c’est que les principales réformes fiscales adoptées sous la précédente législature ont amputé les recettes de plus de 22 milliards d’euros en 2011. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dans l’ordre chronologique, la loi TEPA…

M. Bernard Accoyer. Et la défiscalisation des heures supplémentaires ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. …a pesé pour 11,6 milliards d’euros. (Huées sur les bancs du groupe SRC.)

La réduction de la TVA dans la restauration a coûté, en 2011, 3,1 milliards d’euros. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Philippe Vitel et M. Philippe Meunier. Et les créations d’emplois ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La suppression de la taxe professionnelle, avec les incertitudes que souligne aussi la Cour des comptes, a coûté près de 7 milliards d’euros. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) La réforme de l’ISF, décidée alors que la crise de la zone euro avait déjà commencé, représente un nouveau manque à gagner de 0,5 milliard d’euros. Vous avez fait le total : plus de 22 milliards d’euros de recettes manquent dans le budget 2011 !

Deuxième enseignement : ces pertes de recettes décidées par la précédente majorité expliquent en grande partie le fait que les recettes fiscales nettes n’ont pas retrouvé en 2011 leur niveau d’avant la crise.

En 2011, les recettes se sont élevées à 266,5 milliards d’euros. Elles étaient de 281,3 milliards en 2008. Il s’agit donc d’une baisse de 14,8 milliards d’euros de 2008 à 2011 que vous aurez tous comparée aux 22 milliards d’euros que j’évoquais à l’instant.

Troisième enseignement : l’impôt sur les sociétés pâtit d’une très grande faiblesse. Il a enregistré seulement 1,4 % de croissance spontanée en 2011, soit à peine 500 millions d’euros. Cette faiblesse est d’ailleurs confirmée par la Cour des comptes qui estime, pour 2012, le manque de recettes entre 1,5 et 3,5 milliards d’euros. Cela nous oblige à agir sur l’impôt sur les sociétés.

M. Jean-François Lamour. C’est sûr !

M. Christian Eckert, rapporteur général. De premières mesures sont donc prévues légitimement par le Gouvernement dans le projet de loi de finances rectificative qui nous sera soumis la semaine prochaine.

M. Régis Juanico. De très bonnes mesures !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Après les recettes, passons aux dépenses. Les dépenses de l’État à l’intérieur du périmètre « zéro volume » ont diminué de 0,6 % en volume, grâce tout d’abord à un sursaut d’inflation en 2011. En 2011, l’inflation s’est élevée à 2,1 %, alors que la prévision du gouvernement n’était que de 1,5 %. Mécaniquement, le gouvernement a donc bénéficié d’une marge de manœuvre de 2,1 milliards d’euros pour tenir cette norme « zéro volume ». Le dérapage de la charge de la dette de près de 1 milliard d’euros en 2011 a ainsi pu être absorbé.

La norme de dépenses dite « zéro valeur » a pu être respectée, certes, mais pourquoi ? Grâce d’abord à la chute conjoncturelle du FCTVA, le Fonds de compensation de la TVA, qui a diminué de 653 millions d’euros. C’est donc l’investissement local qui a diminué et entraîné une baisse des dépenses au titre de ce que vous connaissez tous dans vos collectivités locales, le FCTVA. Si tel n’avait pas été le cas, les dépenses de l’État auraient donc dérapé de 400 millions d’euros.

Enfin, je voudrais m’attarder un moment sur les objectifs fixés en loi de programmation par le précédent Gouvernement qui n’ont pas été tenus.

Examinons un peu la prétendue stabilisation des dépenses de personnel, hors pensions bien entendu. La masse salariale de l’État a en effet, contrairement à ce qui est dit, dépassé le montant prévu en loi de finances initiale. Ce dépassement a été de 300 millions d’euros.

M. Pascal Deguilhem. Une paille !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Deux facteurs expliquent ce dérapage : malgré des départs en retraite plus nombreux que prévu, la mise en œuvre du funeste « 1 sur 2 » n’a produit qu’une économie nette de 373 millions d’euros. En effet, le retour catégoriel représente 60 % des économies brutes réalisées en 2011. Vous trouverez dans mon rapport aux pages 18 et 19 un tableau qui montre les disparités ministère par ministère, qu’on a parfois du mal à expliquer.

Il faut donc noter que si les départs en retraite avaient été conformes à la prévision, le poids des mesures catégorielles en 2011 aurait représenté 69 % de l’économie brute, soit un ratio légèrement supérieur à celui constaté en 2010.

Deuxième exemple : le coût des heures supplémentaires, en particulier pour la mission « Enseignement scolaire », s’élève à 1,3 milliard d’euros en 2011. Supprimer des postes d’enseignants vous a obligés à relever le niveau et le volume des heures supplémentaires qui atteint aujourd’hui 1,3 milliard d’euros. Cette somme, mes chers collègues, représente le triple de l’économie brute réalisée grâce aux suppressions de postes au ministère de l’éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, la réduction de 5 % des dépenses de fonctionnement que vous aviez prévue pour 2011 n’a pas été atteinte ; ces dépenses n’ont en effet baissé que de 3 %. Les dépenses d’intervention ont quant à elles continué à déraper, compte tenu d’un certain nombre de sous-budgétisations : je veux parler des OPEX, ce qui est plutôt courant, mais aussi des bourses de l’enseignement supérieur, des dépenses pour l’hébergement d’urgence, de l’allocation temporaire d’attente, de l’aide médicale d’État, de l’allocation aux adultes handicapés. Autant de postes que vous aviez sous-budgétisés, mes chers collègues ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Claude Goasguen. Vous rigolez ou quoi ?

M. le président. Mes chers collègues, laissez terminer le rapporteur général !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Enfin, le précédent gouvernement a multiplié les dépenses dites exceptionnelles, qui n’ont pas été intégrées aux normes de dépenses en volume et en valeur. Or certaines ont très fortement augmenté. C’est le cas des dépenses en faveur du soutien aux États membres de la zone euro : près de 7 milliards d’euros ont ainsi été versés à la Grèce en 2011. C’est également le cas des dépenses liées à la réforme de la fiscalité locale – nous n’avons pas fini d’en parler – : les mesures de compensation s’élèvent à 4 milliards d’euros, alors que vos prévisions étaient de 2,9 milliards.

M. Michel Vergnier. Voilà !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est enfin le cas de certaines dépenses comptabilisées sur les comptes spéciaux, la plus emblématique étant sans doute le dérapage des dépenses du bonus-malus, qui ont présenté un déficit de près de 200 millions d’euros en 2011 ; il est vrai qu’en 2010 le déficit était de 516 millions.

On peut en revanche regretter la faiblesse des décaissements au titre des investissements d’avenir. Vous n’avez décaissé que 1,38 milliard d’euros, contre une prévision de 4 milliards.

J’en viens au déficit, déjà évoqué par M. le ministre. Par rapport à 2010, le déficit de l’État passe de 148,8 à 90,7 milliards. Comme cela a été dit, c’est dû à la disparition d’éléments exceptionnels, tels que les investissements d’avenir, le plan de relance ou le surcoût temporaire de la réforme de la taxe professionnelle. Bref, la Cour des comptes estime que cette amélioration est limitée à 5,5 milliards d’euros. Le déficit de l’État est donc en réduction de 4,6 milliards, soit 1,7 milliard dû à des éléments exceptionnels – des décalages de versement dans le programme d’aide à la Grèce – et 1,9 milliard de reports de charges, notamment, et nous en reparlerons, de celles dues à l’affaire du précompte mobilier, qui nous laissera un triste héritage de plusieurs milliards d’euros.

M. Philippe Briand. Ah, l’héritage !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Une analyse du déficit public, M. le ministre délégué l’a dit, montre que celui-ci est passé à 5,2 % du PIB.

Mais retenez bien ces chiffres, mes chers collègues, vous qui voulez donner des leçons sur l’augmentation des recettes et la diminution des dépenses : en 2011, vos décisions ont permis un gain de 0,8 % du PIB qui se décompose de la façon suivante : 0,7 % de hausse d’impôts et 0,1 % d’économies sur la dépense ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Bernard Roman. Bien sûr ! Voilà la réalité !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ainsi, 87 % de la réduction du déficit en 2011 a été due à des hausses d’impôts !

Un mot sur la dette pour terminer, monsieur le président. La charge de la dette a considérablement progressé : en dix ans, la dette publique a doublé. Il faudra évidemment tenir la ligne de crête entre l’augmentation des recettes et la nécessité de contenir les dépenses,…

M. Jean-François Lamour. De les réduire !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …pour pouvoir, dans la justice, tenir nos équilibres.

En conclusion, mes chers collègues (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI),…

M. Michel Vergnier. Ça vous ennuie, d’entendre des vérités ?...

M. Christian Eckert, rapporteur général. …je vous invite à vous remémorer ce que nous disions au début : plus de 22 milliards de manque à gagner pour les recettes de l’État. Je pense qu’avec 22 milliards de recettes supplémentaires par an dans le budget, nous ne serions pas dans cette situation, que nous allons devoir gérer dans la justice. Et nous y arriverons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je n’ai pas le temps de vous entretenir de Jacques de Molay ni d’Enguerrand de Marigny ; je ne veux vous parler que d’une chose : la remarquable gestion du gouvernement Fillon pendant toute l’année 2011. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cette gestion remarquable fait l’objet d’appréciations élogieuses de la part de la Cour des comptes (Mêmes mouvements), et il y a de quoi : la France, en 2011, a été le seul pays, en Europe, capable de réduire, par rapport à la loi de finances initiale, de 1 milliard d’euros le déficit du budget de l’État. (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Claude Pérez. Regardez-nous : soyez courageux !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La France a été le seul pays en Europe, avec l’Allemagne, à faire mieux que le programme de stabilité, puisque, je le rappelle, nous avions prévu six points de PIB de déficit… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Jean Launay. Regardez-nous !

M. le président. Mes chers collègues, retrouvez votre calme ! Il a été décidé de confier la présidence de la commission des finances à un membre de l’opposition, ne soyez donc pas surpris ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Seul M. Carrez a la parole.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La France avait communiqué, fin 2010, un objectif de déficit, dans le cadre du programme de stabilité, de six points de PIB.

Plusieurs députés du groupe SRC. Regardez-nous !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous avons diminué le déficit pour le porter à 5,2 points de PIB ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) C’est nous qui, en Europe, avons réalisé la meilleure prestation.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la réduction du solde structurel. Pour la première fois, nous avons, en 2011, réduit de près d’un point le déficit structurel. Même au temps de la cagnotte, en 1999-2000, cela n’était jamais arrivé ! (Applaudissements sur les mêmes bancs. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Encore plus fort, mes chers collègues ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP, dont plusieurs députés se lèvent pour protester.)

M. le président. S’il vous plaît, rasseyez-vous et laissez s’exprimer le président de la commission des finances !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mes chers collègues, je ne demande qu’à m’adresser à vous, mais vous couvrez mes propos ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

C’est à vous, chers collègues de la majorité, que je réserve la performance suivante : en soixante ans d’histoire budgétaire, il n’était jamais arrivé, dans notre pays, que les dépenses de l’État diminuent par rapport au précédent exercice. Eh bien, en 2011, les dépenses de l’État ont diminué de 200 millions d’euros par rapport à 2010. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Du jamais vu depuis soixante ans ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Jean-Claude Perez. Grotesque !

M. le président. Mes chers collègues, du calme ! Vous le savez tous, depuis la décision prise par la précédente majorité (« Ah ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI)… Attendez, vous n’allez pas applaudir une vérité !

Depuis la décision, disais-je, de confier à un membre de l’opposition la présidence de la commission des finances, vous ne pouvez pas être surpris de la présente intervention ! Qu’on laisse donc le président de la commission poursuivre.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Grâce à cette performance remarquable, notre pays a respecté la trajectoire de réduction du déficit sur laquelle il s’était engagé, et ce non seulement en 2011 mais aussi, déjà, en 2010.

Messieurs les ministres, nous vous laissons en héritage le bien le plus précieux, et il ne faut pas que vous le dilapidiez. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Ce bien, c’est que la France a conservé la confiance de ses créanciers. Elle emprunte à moyen et long terme à un taux inférieur à 3 %, et, hier, elle a réussi à obtenir, à court terme, un taux négatif. (Mêmes mouvements.) Ces conditions remarquables de crédit, vous les devez à la gestion du précédent gouvernement, et j’espère pour notre pays que vous saurez les conserver.

Au cours de l’année 2011, le Gouvernement a fait preuve de beaucoup de courage et de ténacité. Tout d’abord, face à une conjoncture extrêmement difficile, où la crise frappait de toutes parts, en particulier en Europe, il n’a pas hésité à faire adopter quatre lois de finances rectificatives, dont chacune comportait des mesures de dépenses et de recettes pour réduire le déficit.

Ensuite, et surtout – je voudrais, messieurs les ministres, vous interroger sur ce point –, nous avons eu le courage, au cours des cinq dernières années, de nous doter de règles de bonne gouvernance financière. Qui a introduit la règle de stabilité en volume et en valeur des dépenses de l’État ? C’est nous ! Garderez-vous cette règle ? Qui a eu le courage de limiter l’évolution des dépenses fiscales : plafonnements particuliers, plafonnements généraux ? (« C’est nous ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Poursuivrez-vous dans cette voie ? Qui, monsieur le ministre délégué, a mis en place la préparation par budgets triennaux de chacune des lois de finances ? (« C’est nous ! » sur les mêmes bancs.) Maintiendrez-vous cette procédure ? Qui, contre l’opposition d’alors, a eu le courage de réformer la Constitution pour introduire des lois de programmation pluriannuelle ? (« C’est nous ! ») Conserverez-vous de telles lois ?

M. Patrick Lemasle. Et qui a perdu les élections ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Enfin, qui a eu le courage d’interdire toute mesure fiscale ou financière qui trouverait place dans autre chose qu’une loi de finances ? C’est nous ! Conserverez-vous cette disposition ?

Je voudrais vous interroger sur une dernière règle de bonne gouvernance, à laquelle vous vous êtes opposés avec la dernière énergie : je veux parler de la règle d’or. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.) En 2011, la majorité de l’époque a voté, à l’Assemblée puis au Sénat, une règle d’or consistant à créer une primauté juridique des lois de programmation pluriannuelle sur les lois annuelles de finances et de financement de la sécurité sociale.

M. Régis Juanico. Elle n’a pas été appliquée !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous n’avons pu réunir le Congrès car vous vous êtes opposés à cette règle d’or ! (Huées sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Or le Président de la République vient d’indiquer qu’il allait soumettre à ratification le traité de stabilité budgétaire. Ignorez-vous, messieurs les ministres, que l’article 3 de ce traité prévoit un objectif contraignant d’évolution du solde structurel – une règle à l’allemande – et qu’une réforme constitutionnelle est absolument nécessaire pour cela ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Lorsque vous parlez de loi organique – M. Cahuzac devrait le savoir, puisqu’il a participé aux travaux du groupe Camdessus –,…

M. Jean-François Lamour. Il l’a oublié !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …c’est une échappatoire !

Par conséquent, nous vous demandons de nous donner aujourd’hui une réponse précise à ce sujet car, une fois le traité de stabilité ratifié, notre pays disposera d’un délai maximum d’un an, en vertu de l’article 3 dudit traité, pour réformer sa Constitution et introduire la règle d’or. Après des mois et des mois d’ambiguïté, de rideaux de fumée, nous vous posons une question précise : allez-vous soumettre au Parlement l’adoption de la règle d’or ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pour terminer, je veux évoquer un point plus technique – je n’en avais pas l’intention, mais vous l’avez abordé, monsieur le rapporteur général. Il n’est pas juste de dire que nous n’avons pas traité correctement en comptabilité les contentieux. Je rappelle que nous en avons sans arrêt à subir, qu’il s’agisse du contentieux précompte mobilier ou du contentieux sur la retenue à la source OPCVM.

M. Patrick Lemasle. Merci Sarko !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je rappelle la règle, et elle est simple, monsieur le rapporteur général : il y a, d’une part, la comptabilité générale et, d’autre part, la comptabilité budgétaire d’encaissement et de décaissement. Lorsque notre pays a été condamné, en 2010 (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), à propos du contentieux sur les frégates de Taïwan (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), nous avons immédiatement provisionné en comptabilité générale les 500 millions nécessaires. Mais nous ne les avons inscrits en 2011 au collectif de juin, donc en décaissement, que lorsque la condamnation est devenue définitive. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Il y en avait pour 7 milliards et demi !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il faut bien distinguer les deux comptabilités. Je tiens à souligner, monsieur le ministre de l’économie et des finances, puisque vous avez beaucoup parlé de sérieux, que le gouvernement Fillon a traité cette question avec le plus grand sérieux. Il a provisionné en comptabilité générale pour plus de 6 milliards d’euros et nous avons inscrit en comptabilité budgétaire 900 millions de décaissements – le décaissement sera en réalité un peu supérieur, mais c’est tout à fait normal. Je voudrais que ce débat soit définitivement clos et notre assemblée s’honorerait à avoir la vision la plus objective possible de la gestion des uns et des autres (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) au regard du point majeur que je tiens à souligner : il est de notre devoir absolu de respecter l’objectif d’un déficit de 4,5 % du PIB en 2012.

M. Jean-François Copé. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. On ne pourra l’atteindre que si l’on a le courage de maîtriser les dépenses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Pendant toute l’année 2011, dans chacune des lois de finances rectificatives, nous avons certes pris des mesures de recettes en augmentant les impôts, et nous l’assumons (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais nous avons également pris des mesures de réduction et de régulation des dépenses. Or le collectif que notre assemblée va examiner la semaine prochaine est un collectif unijambiste : il ne comporte que des impôts supplémentaires, aucune mesure de réduction des dépenses ! (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) C’est pourquoi, messieurs les ministres, je vous donne rendez-vous dès la rentrée car, alors que nous avons tenu notre objectif en 2010 et en 2011, je crains beaucoup que vous soyez incapables de tenir l’objectif de 4,5 % en 2012 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vigier. Très bien !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin, pur un rappel au règlement.

M. Philippe Martin. Fondé sur l’article 58 relatif au déroulement de nos travaux, monsieur le président.

M. Gilles Carrez est président de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues…

M. Philippe Martin. À ce titre, il a certains devoirs, notamment, lorsqu’il s’exprime ès qualité, celui de représenter la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Jamais ses prédécesseurs, Didier Migaud et Jérôme Cahuzac, ne se sont exprimés comme lui aujourd’hui, c’est-à-dire comme dans un meeting politique ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Et le rapporteur général ?

M. Philippe Martin. M. Carrez, qui ne s’est adressé qu’à l’opposition pendant toute son intervention, n’est pas ici président des seuls commissaires UMP, mais de la commission des finances tout entière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) La fonction de M. Carrez est éminente, mais il y a plus important encore : être à la hauteur de cette mission. Force est de constater qu’aujourd’hui, il ne l’a pas été ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, ne vous mettez pas dans un tel état. Depuis la réforme dont j’ai déjà parlé, nous en sommes au troisième président de la commission des finances appartenant à l’opposition ; chacun jugera en fonction de son appréciation et de son appartenance politique.

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe UMP une motion de renvoi en commission, déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, cette motion est celle d’un hommage : je rends hommage à Nicolas Sarkozy (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), hommage à son sens du devoir et à son sens de l’État ; je lui rends hommage pour sa conduite des affaires de la France au cœur des désordres économiques et sociaux mondiaux ; je lui rends hommage d’avoir su tenir le cap et, tel un roc, de n’avoir jamais cédé à la facilité là où tant d’autres se seraient illustrés par leur démission.

(Mme Laurence Dumont remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Laurence Dumont,
vice-présidente

M. Jérôme Chartier. Les Français, l’histoire le rappelle sans cesse, aiment à reconnaître les mérites de leurs dirigeants une fois leur temps passé. Gageons qu’ils n’attendront pas longtemps pour reconnaître les mérites de Nicolas Sarkozy, indissociables de ceux de son Premier ministre, le seul de son quinquennat, François Fillon, marque indélébile de la loyauté et de l’engagement fidèle qui ont fait de lui un homme d’État.

M. Patrick Mennucci. Les Français ne s’y sont en effet pas trompés !

M. Jérôme Chartier. Oui, disais-je, les Français n’attendront pas longtemps avant de reconnaître les mérites de Nicolas Sarkozy, de surcroît par comparaison avec ce qu’ils vont voir maintenant. Et, après l’hommage, j’en viens à mon regret : le regret d’une nouvelle majorité…

Plusieurs députés du groupe SRC. Bien sûr !

M. Jérôme Chartier. …qui aurait pu être grande et qui a préféré jouer petit ! Elle aurait pu être grande en saluant l’engagement personnel de Nicolas Sarkozy pendant ces cinq dernières années. Mais le traitement réservé à l’ancien chef de l’État par le nouveau le jour de la passation des pouvoirs restera dans bien des mémoires comme l’occasion manquée de la reconnaissance d’un élu à un autre pour son engagement personnel, sinon – n’allons pas jusque-là – pour les résultats obtenus. Cette image du premier jour a donné le sentiment d’une nouvelle majorité encline à la revanche. Cela aurait pu être une maladresse du nouveau président alors même que l’ancien l’avait tellement respecté le 8 mai lors des cérémonies commémoratives. Or la découverte de ce projet de loi de règlement montre qu’il ne s’agit pas d’une maladresse, mais au contraire d’une stratégie avérée, étudiée, pensée, décidée, sournoise, qui consiste à tirer un trait, et le plus vite possible,…

M. Philippe Plisson. Arrêtez de pleurer ! Le passé est le passé !

M. Jérôme Chartier. …sur tout ce qui a été accompli, pour laisser croire que toutes les réussites ne seront que le résultat des nouveaux arrivants.

Une page, il n’y a dans le projet de loi de règlement qu’une seule page pour résumer toute l’année budgétaire 2011, une seule page pour résumer tant d’évolutions majeures de l’année écoulée, une seule page pour résumer la dernière loi de règlement du quinquennat. Le respect républicain aurait conduit a davantage de considération pour une année qui aura vu au moins trois évolutions majeures, sur lesquelles je ne résiste pas au plaisir de revenir.

Le budget 2011, c’est d’abord l’introduction de la norme zéro valeur, qui vient s’ajouter à la norme zéro volume en vigueur jusqu’alors. Cette nouvelle norme, Gilles Carrez l’a fort bien dit, sonne le glas de la dépense publique supplémentaire justifiée par l’inflation. Pour la première fois, le budget n’augmente plus au rythme de l’inflation, et même mieux, il diminue quel que soit le rythme de la hausse des prix. Pour la première fois, l’essentiel entre dans le périmètre de la norme zéro valeur. Il est vrai que cet effort très substantiel impose une cure de gestion rationnelle comme jamais budget n’en a connu sous la Ve République. Il est le fruit d’une savante analyse coût-efficacité qui illustre autant l’intérêt que l’impact de la revue générale des politiques publiques, décision du début de mandat de Nicolas Sarkozy dont la mise en œuvre, sans discontinuer pendant cinq années, aura permis l’une des révolutions silencieuses les plus efficaces de la Ve République.

M. Philippe Plisson. Stop à la nécrologie !

M. Jérôme Chartier. L’année 2011, disais-je, c’est le zéro valeur, mais c’est aussi le budget d’application du grand emprunt, celui qui a vu les fonds inscrits en 2010 versés aux opérateurs chargés d’en assurer la gestion. En 2011, les opérateurs ont lancé les appels à projets et ont commencé à engager l’argent. Ce grand emprunt, mes chers collègues, est une évolution qui a deux pères, Alain Juppé et Michel Rocard, car Nicolas Sarkozy a voulu qu’il soit dit qu’il s’agissait d’un emprunt d’intérêt général et non d’un emprunt partisan. Récemment, un grand élu socialiste, président de région, m’a confié tout le bénéfice qu’il en avait tiré pour le financement de ses projets d’enseignement supérieur. Il ne le dit pas publiquement bien sûr, parce que socialisme rime souvent avec sectarisme. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Oui, il n’aurait pas été sectaire, à l’occasion de cette présentation de la loi de règlement, d’accorder plus qu’un paragraphe à tout l’apport pour la croissance française que va constituer le grand emprunt. Cette révolution méthodologique qui va mieux structurer la croissance française pèse 35 milliards dans les comptes de l’État. Rien à voir avec les 120 milliards du plan de croissance européen voulu par M. Hollande et que les Vingt-sept vont devoir se partager : 4 milliards par pays, quelle affaire ! Quelle somme ! Et surtout quelle farce ! Car qui ignore que ces 120 milliards existaient déjà ? Qui ignore qu’il s’agit de crédits recyclés dans un plan européen pour satisfaire M. Hollande et fermer ainsi la porte, bien vite, à l’une de ses principales promesses électorales ? Chacun sait que la croissance n’est pas une incantation mais qu’elle relève d’une volonté politique qui met en général cinq à dix ans à produire des effets. Le grand emprunt, c’est notre avenir, c’est l’avenir de la France, celui de la compétitivité française. La loi de règlement aurait pu le dire. Mais elle n’en a rien dit ou presque. L’honnêteté intellectuelle n’a jamais été l’amie du sectarisme : en voilà à nouveau une parfaite illustration.

2011, enfin, c’est l’année – qui pourrait l’oublier ? – du lancement du Mécanisme européen de stabilité. Ce mécanisme doit entrer en vigueur cet été en lieu et place du Fonds européen de stabilité financière. Il a été initié en juillet 2011, sur la base d’un accord entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel entraînant l’adhésion de tous les pays de la zone euro, afin de permettre, entre autres, le sauvetage des pays en difficulté, telle la Grèce, ou le soutien aux établissements financiers en mal de fonds propres.

Voilà, mes chers collègues, ce qu’a été l’année 2011, voilà tout ce qui a été résumé en quelques lignes par la nouvelle majorité. Qui pourrait croire qu’il n’y a pas de sectarisme derrière une telle façon d’agir ? Personne. Et encore, on aurait pu aussi, à l’occasion de cette dernière loi de règlement, rappeler toutes les mesures les plus emblématiques contenues dans le budget de 2011, celles qui ont été au cœur de l’engagement du Président de la République et du Premier ministre pendant cinq ans et que l’on retrouve dans ces comptes. Je pense par exemple au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui a permis pour moitié des économies budgétaires et pour moitié une prime à la performance, nouveauté réelle pour une administration qui s’est transformée et a été tirée vers le haut depuis 2007. Je pense aussi au crédit d’impôt recherche, qui continue aujourd’hui à financer les centres de recherche du secteur privé sur le sol français et qui a permis en cinq ans de faire de la France le deuxième pays au monde en termes d’investissement public pour la recherche.

La défiscalisation des heures supplémentaires, cette mesure sur laquelle vous revenez, a illustré le « travailler plus pour gagner plus » et a permis à neuf millions de Français de gagner en moyenne 500 euros de plus par an. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà l’année 2011.

C’est aussi le lancement, dans un contexte économique particulièrement difficile, d’un objectif qui est pour nous un motif de fierté : le retour à zéro déficit pour 2016. Tel est le défi fixé et assumé par Nicolas Sarkozy et François Fillon : permettre à la France de retrouver, pour la première fois depuis 1974, un équilibre budgétaire. Afin de relever ce défi, alors que la croissance n’était pas au rendez-vous du fait de la crise des dettes souveraines de juillet 2011, le Gouvernement n’a pas hésité à solliciter les Français comme les entreprises pour participer à cet effort de réduction du déficit, dans des conditions n’obérant pas la croissance.

Dès cette année 2011, Gilles Carrez l’a dit tout à l’heure, grâce à cette gestion rigoureuse, nous avons fait mieux que l’objectif, mieux que les prévisions de réduction des déficits, de près de cinq milliards d’euros. Voilà le résultat d’une gestion rigoureuse, d’une volonté politique.

Pour confirmer cette volonté, Nicolas Sarkozy s’est lancé dans l’adoption d’une règle d’or consistant à prévoir, dans le programme pluriannuel du budget, la date et les conditions du retour à l’équilibre, ni plus ni moins. Chacun sait que cette règle réelle n’était pas si contraignante que cela. D’ailleurs, M. Hollande l’a lui-même appliquée dans son projet présidentiel puisqu’il a annoncé le retour à l’équilibre en 2017 et les moyens de l’atteindre.

Cette règle d’or, adoptée par les majorités des deux assemblées, ne demandait rien de plus. Pourtant, mesdames et messieurs les socialistes, vous avez refusé de l’adopter, non pas parce que vous pensiez qu’elle n’était pas utile – même M. Hollande, j’y insiste, l’a appliquée ! – mais parce qu’elle était présentée par Nicolas Sarkozy. Voilà pourquoi socialisme rime plus que jamais avec sectarisme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Launay. Et Chartier rime avec bêtise !

M. Jérôme Chartier. En soutenant le pacte européen – et par conséquent la règle d’or qui y est associée – vous reniez aujourd’hui votre engagement d’hier, illustrant un sectarisme qui entame dès ce jour votre crédibilité aux yeux des Français.

La règle d’or du pacte européen sera nettement plus contraignante que la nôtre, celle que nous proposions d’adopter. Mais, pour notre part, nous voterons pour la règle du pacte européen, parce que le sectarisme appartenait à l’opposition socialiste mais pas à la nôtre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous voterons dans l’intérêt de la France mais sans jamais renier nos valeurs ni nos engagements. C’est parce que nous ne renions ni nos engagements ni nos valeurs que nous voterons pour la règle d’or.

La nouvelle majorité, avec la présentation de cette loi de règlement, reste au diapason de ce qu’elle fut pendant cinq ans : revancharde, de mauvaise foi (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),...

M. Razzy Hammadi. C’est quoi, la motion ?

M. Jérôme Chartier. …sous-estimant le travail que nous avons accompli, dont elle a finalement le devoir, l’envie, voire l’obligation de reprendre l’essentiel, faute d’une alternative budgétaire et financière crédible. Dans le contexte actuel, chacun a maintenant compris qu’aucune alternative ne peut exister, malgré toutes les promesses électorales les plus audacieuses et souvent les plus fantaisistes.

Oui, le nouveau gouvernement va devoir se satisfaire de marges de manœuvre réduites depuis la crise financière et le plan de croissance européen – ou désigné comme tel – de 120 milliards d’euros, constitué de mesures recyclées, en est la parfaite démonstration. Le gouvernement de M. Ayrault n’aura pas d’autre solution que de poursuivre l’œuvre de Nicolas Sarkozy et de François Fillon sur le désendettement public. Il feint de croire qu’il y aura des différences là où il n’y aura en réalité que des ressemblances une fois tombés les habillages de circonstance.

La nouvelle majorité de l’Assemblée nationale va quant à elle devoir goûter aux délices du soulier lourd, que l’on appelle aussi godillot, auquel elle s’est déjà habituée, tandis que je profite de cette première motion de procédure de la législature pour vous rappeler une vérité forte et claire : renier le travail de ses prédécesseurs n’a jamais crédibilisé ni sa propre action ni son propre travail.

Les journaux ont ouvert sur ce fait ce matin : la France emprunte pour la première fois à un taux négatif. Ce n’est pas grâce à vous, c’est grâce à Nicolas Sarkozy, à cinq ans d’efforts, au travail de François Fillon, à l’ancienne majorité qui, sans jamais faillir, a soutenu toutes les mesures destinées à nous engager dans cette voie de la réduction des dépenses publiques et donc des déficits. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous sommes arrivés à la situation de l’Allemagne : les investisseurs mondiaux paient la France pour placer leur argent dans ses bons du Trésor à court terme.

M. Patrick Mennucci. Le changement, c’est maintenant !

M. Jérôme Chartier. Cela ne va pas considérablement réduire l’endettement, convenons-en, mais c’est la marque absolue de la confiance incontestable des marchés envers la stratégie économique et financière française. C’est le fruit d’un travail long et patient de reprise de crédibilité engagé depuis ces quatre dernières années, et marqué par une accélération l’an dernier à l’issue de la crise des dettes souveraines.

Deux décisions ont modifié considérablement la perception de la France : l’annonce du Mécanisme européen de stabilité, initiative franco-allemande du couple Sarkozy-Merkel ; l’annonce du retour à l’équilibre des finances publiques françaises. Par le passé, jamais la France n’avait été considérée comme un État à la gestion budgétaire rigoureuse. Elle avait toujours été classée parmi les États dépensiers, à l’instar d’autres États occidentaux. Voilà cette image rangée dans le placard de l’histoire du fait de la volonté de Nicolas Sarkozy et du gouvernement de François Fillon de conduire à son terme un programme pour une France vertueuse.

Voilà M. Hollande…

M. Éric Jalton et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. le Président de la République ! Un peu de respect !

M. Jérôme Chartier. …qui chausse maintenant les souliers de Nicolas Sarkozy après avoir fustigé sa politique et dénoncé, à grand renfort de soutiens, la perte par la France de l’un de ses trois A en décembre dernier. À l’époque, certains de ses amis – de ses proches, comme on dit –, qui sont désormais au Gouvernement, dénonçaient même l’incurie des finances de l’État.

D’incurie, il n’y a point, et cette loi de règlement le constate. La confiance mondiale salue le travail de Nicolas Sarkozy comme celui de redresseur de l’image française sur le plan économique et budgétaire, au prix de sacrifices consentis par les Français.

C’est justement à tous ces Français que je pense aujourd’hui. Eux qui ont accepté tant de sacrifices, que pensent-ils de la première décision de M. Hollande et de M. Ayrault, du premier cadeau de ce quinquennat, du fait que les premiers bénéficiaires des efforts financiers des Français soient les clandestins, les personnes en situation irrégulière sur le territoire national (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), à qui M. Hollande et M. Ayrault ont rendu les trente euros de franchise médicale pour l’obtention de l’aide médicale d’État ? (Mêmes mouvements.)

M. Razzy Hammadi. Quelle est la motion ?

M. Jérôme Chartier. Voilà le premier message envoyé par la nouvelle majorité : les Français font des sacrifices, les clandestins leur disent merci. Voilà le premier message du quinquennat ; il sera lourd de conséquences. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Launay. Caricature !

M. Jérôme Chartier. Les deux autres messages envoyés, pour financer les cadeaux à venir, sont eux aussi très lourds de conséquences. Ainsi, la décision de supprimer les allégements des charges salariales sur les heures supplémentaires rend la nouvelle majorité auteur d’un adage maléfique qui ne manquera pas de décourager les travailleurs : désormais, ceux qui travaillent plus vont gagner moins. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Ménard. C’est déjà le cas !

M. Jérôme Chartier. Ce sera moins d’argent pour les huit millions de salariés que le Gouvernement sanctionne par cette augmentation fiscale. Oui, vous sanctionnez huit millions de salariés qui font des heures supplémentaires. Ce sera moins d’argent injecté dans la consommation, celle-là même qui a été au centre de vos incantations pendant tant d’années et dont vous nous avez tant vanté les mérites au cœur de la crise comme l’un des éléments de la relance.

C’est le meilleur signal pour dissuader les entreprises de faire travailler davantage leurs salariés, qui n’y auront plus intérêt de toute façon. C’est un signal malheureux qui va accélérer les délocalisations dès lors que le carnet de commandes est suffisamment fourni. Voilà ce que vous faites en prenant cette mesure au détriment de tous les salariés qui font des heures supplémentaires et que vous payerez pendant bien longtemps.

À cette décision qui impacte gravement les ressources des classes moyennes, vous en ajoutez une autre qui détruit l’une des plus grandes avancées de l’après-guerre : la multiplication par deux et demi du forfait social de l’épargne salariale.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce n’est pas le sujet du jour !

M. Jérôme Chartier. En augmentant le coût de l’épargne salariale, le Gouvernement pénalise la répartition du bénéfice que chaque salarié tirait légitimement du résultat de son entreprise. Au titre de l’épargne salariale, chaque salarié percevait le fruit du bénéfice de son entreprise. En décidant cette augmentation, vous sanctionnez la redistribution, celle-là même que vous saluiez au moment de la campagne présidentielle. Avec cette mesure dissuasive, vous allez la pénaliser.

Cette augmentation hallucinante, qui viendra détruire une bonne part des mécanismes d’épargne salariale dans les entreprises, est infondée car toutes les lois sur l’épargne salariale ont été respectées depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, depuis le général de Gaulle et le président Pompidou, par toutes les majorités, au nom de leur intérêt social et sociétal.

Elle est infondée car tous les Français demandent une meilleure répartition des bénéfices de l’entreprise. En ponctionnant davantage l’épargne salariale, vous conduisez les entreprises à réduire leur effort.

Elle est infondée car vous allez entamer gravement le pouvoir d’achat de tous les salariés français bénéficiaires de l’épargne salariale, qui représente près de 3 milliards d’euros par an. Qui peut croire en effet que ce ne sont pas les salariés qui paieront finalement la note ?

Tous les Français savent déjà qu’ils paieront la note des cadeaux de la nouvelle majorité.

M. Jean-Louis Gagnaire. De vos cadeaux !

M. Jérôme Chartier. Vous dites que seuls les riches paieront vos impôts, mais rien que cela est faux. Dans vos comptes, dans votre projet de loi de finances rectificative, vous prenez 2 milliards d’euros aux Français les plus fortunés, mais si l’on ajoute la mesure concernant les heures supplémentaires à celle sur l’épargne salariale, ce sont près de 6 milliards d’euros – soit le triple – que vous allez prendre à tous les travailleurs salariés qui perçoivent ces sommes au titre de leur effort. Vous allez prendre 2 milliards d’euros aux Français les plus fortunés ; vous allez prendre 6 milliards d’euros aux travailleurs qui appartiennent à la classe moyenne. Voilà votre juste répartition de l’effort. Les Français s’en doutaient ; maintenant ils en ont la preuve.

Et que faites-vous ? Rappelons que votre première décision est de donner aux clandestins de l’argent pour l’aide médicale d’État (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est une honte de dire cela !

M. Jérôme Chartier. Ce cadeau était-il vraiment urgent ? Était-ce vraiment la première décision à prendre ? Franchement, la suppression de la franchise médicale de trente euros pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État était-elle une urgence ?

Alors que les conditions de vie des Français ne sont pas faciles, loin s’en faut, la première décision prise par la majorité socialiste est d’aider les personnes en situation irrégulière sur le territoire national, autrement dit les clandestins. Ceux-ci bénéficient d’une protection sociale dont ils n’auraient jamais pu rêver ; elle ne leur coûtait que 30 euros et désormais ne leur coûtera plus rien. C’est un symbole dangereux compte tenu des attentes de tous les Français, notamment en matière d’égalité.

On dirait que vous n’avez rien vu et rien entendu pendant la campagne électorale (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Caullet. On a gagné !

M. Jérôme Chartier. Avec cette mesure, vous revenez à cette vieille gauche pétrie d’un sentimentalisme mondialiste à l’heure où chaque pays se bat pour sa croissance et pour ses emplois. La France, elle, palabre et distribue. Curieuse image que souhaite se donner la nouvelle majorité de la cinquième puissance mondiale dont rien ne garantit qu’à ce rythme elle conservera son rang demain.

À ce rythme, dans moins de quarante ans, en 2050, plus un seul pays européen ne sera membre du G8 et deux seulement pourront figurer dans le G20.

C’est en en prenant conscience que Nicolas Sarkozy s’est attelé dès l’automne 2008, alors que la crise mondiale la plus rude du XXe siècle commençait, à reconstruire une perspective conquérante pour la France, à l’aide d’une dépense publique d’abord maîtrisée, puis réduite, et de mesures destinées à soutenir les principales filières industrielles.

Ainsi, la loi de règlement rappelle que la filière automobile a bénéficié de prêts de plus de 6 milliards, dont 4 milliards remboursés en 2011. Ces prêts avaient été consentis parce que les circonstances l’exigeaient. Ils avaient été consentis parce que, lorsqu’il y a urgence, il faut agir, pas palabrer.

Aujourd’hui le site d’Aulnay du groupe PSA est menacé. Que fait M. Hollande ? Il réunit une conférence sociale pour palabrer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Voilà la nouvelle gouvernance qui se dessine à l’heure où nous allons nous prononcer sur le dernier acte d’un quinquennat qui aura été l’un des plus ambitieux et des plus réformateurs de toute la Ve République (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), qui a rappelé la grandeur de la France du temps du général de Gaulle et de Georges Pompidou.

À la République de l’efficacité voulue par Nicolas Sarkozy succède la République de la parlotte, celle de MM. Hollande et Ayrault, où le plus important ne sera pas de décider mais de discuter ; où le plus important sera que chacun soit satisfait de son propre propos avant de chercher à se satisfaire de ses résultats.

Cette loi de règlement sonne donc le glas pour quelque temps d’une certaine idée de la France, celle où nous décidions de nous retrousser les manches pour aller de l’avant.

Au fond, la France de Nicolas Sarkozy, c’était un rassemblement d’énergies et de volontés. Qui dépassaient parfois les clivages partisans, chacun s’en souvient, car la formation d’un gouvernement, comme d’un cabinet présidentiel, ne peut être le seul fruit d’équilibres et d’apparences partisanes.

À l’heure où les nominations sont purement politiques, je mesure la différence de gouvernance. Avec le gouvernement de M. Ayrault, c’est le retour aux vieilles pratiques des républiques. Un siège par ci, un siège par là, une récompense pour le fidèle… Le recrutement est d’abord une succession de remerciements, parfois touché par la grâce de la compétence.

Bref, une période normale. Alors qu’il faudrait justement mettre les bouchées doubles pour que la France consolide sa place économique au niveau européen et mondial, pour qu’elle consolide le leadership qu’elle partage avec l’Allemagne dans la conduite de la zone euro, pour qu’elle consolide une influence incontestable dans l’Europe des Vingt-sept.

M. Hollande est revenu de Bruxelles la semaine dernière avec le sentiment du devoir accompli : nous n’allions plus voir de solutions imposées comme à l’époque du couple Merkel-Sarkozy. Mais croit-il seulement qu’en réduisant le pouvoir dont il disposait et qu’avait patiemment construit Nicolas Sarkozy, les pays qui le subissaient vont lui en être reconnaissants ? Jamais !

M. Patrick Lemasle. C’est un peu excessif !

M. Jérôme Chartier. Construire cette légitimité, cette influence au niveau européen ne fut facile ni pour la France, ni pour Nicolas Sarkozy. Il fallut convaincre les Allemands du poids du couple franco-allemand, issu à la fois du poids des deux économies et du poids de l’histoire, du fait que la relation franco-allemande fut à l’origine du processus de construction européenne. C’est ce qui permit les plus grandes décisions européennes de ces dernières années.

M. Patrick Lemasle. Vous n’y croyez pas vous-même !

M. Jérôme Chartier. Le retour à la satisfaction d’une décision unanime, comme le manifeste M. Hollande, c’est le retour au traité de Nice, ce traité que nous avons tant combattu, ce traité de l’inefficacité, alors que Nicolas Sarkozy avait réussi à imposer celui de Lisbonne. Quelle joie, un tel traité, lorsqu’on est un petit pays. Mais quelle défaite, lorsqu’on est la France ! Avec un tel processus, jamais le mécanisme européen de stabilité n’aurait vu le jour dans les conditions actuelles. En observant les difficultés de sa mise en place, on comprend que jamais le 21 juillet 2011 Nicolas Sarkozy et Angela Merkel n’auraient pu l’annoncer.

Voilà, mes chers collègues, tout ce que la loi de règlement aurait pu constater (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) en dressant un bref parallèle entre le passé et les quelques semaines de décisions de la nouvelle majorité.

De cela, le gouvernement a fait une page. Quelle ironie ! Quel dédain pour tant d’évolutions accomplies ! Il aurait pourtant été si simple d’être grand.

M. Patrick Lemasle. Pour Sarkozy, c’est difficile !

M. Jérôme Chartier. Oui, il aurait été grand de reconnaître les résultats du passé.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Chartier.

M. Jérôme Chartier. Cette simple page d’explications de la loi de règlement restera dans les mémoires comme l’attitude revancharde d’une nouvelle majorité qui aurait pu agir autrement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Oui, je le disais en introduction, il aurait été grand de saluer l’engagement personnel de Nicolas Sarkozy pendant ces cinq dernières années. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Le traitement qui a été réservé par M. Hollande à M. Sarkozy le jour de la passation de pouvoirs, je ne suis pas près de l’oublier, et les Français non plus.

Mme la présidente. Je vous demande de vraiment conclure, monsieur le député.

M. Jérôme Chartier. Oui, mesdames et messieurs de la nouvelle majorité, vous auriez pu être grands. Vous voilà réduits à cet esprit de revanche qui guide votre sectarisme, qu’il n’est jamais besoin d’encourager. C’est votre choix. Il est regrettable. Vous le regretterez d’ailleurs bien assez tôt, et sans doute bien plus que vous ne l’imaginez.

En attendant, afin de donner tout le relief qu’elle mérite à cette dernière loi de règlement d’un quinquennat réussi (Rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), qui restera dans les mémoires, qui mérite qu’on s’attarde sur tout ce qu’il a accompli, je demande au nom de mon groupe que cette loi soit réellement examinée par la commission des finances, qu’elle fasse ainsi l’objet d’un vrai débat et qu’honneur soit rendu à la dernière année du travail accompli par l’ancienne majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je voudrais d’abord répondre à quelques-unes des questions que le président de la commission des finances a cru devoir poser.

D’abord, la programmation triennale des finances publiques, bien entendu, continuera. Elle n’est ni organique, ni constitutionnelle, comme certains de vos propos, monsieur le président, ont pu le laisser croire – pardon si c’est une mauvaise interprétation de ma part. C’est une pratique que la majorité précédente avait mise en œuvre et que le Gouvernement souhaite poursuivre, ne serait-ce que parce qu’il s’agit d’accords passés avec nos partenaires de l’Union et plus particulièrement de la zone euro. Il s’agit d’une programmation en glissement, qui avance d’année en année, ce qui donne la visibilité dont ils ont besoin à la fois aux parlementaires, qui doivent voter, à tous nos concitoyens, qui doivent savoir ce qu’il en est, et aussi à ceux à qui nous demandons, de plus en plus ces cinq dernières années, de prêter à notre pays afin qu’il puisse continuer à fonctionner. Cette pratique de l’emprunt, nous allons tenter de nous en séparer.

Pour ce qui est des dispositions fiscales et sociales, qui ne devraient se trouver que dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, je réponds également par l’affirmative. La décision en a été prise lors du deuxième conseil des ministres de l’actuel gouvernement, à l’initiative de Pierre Moscovici et à la mienne. Nous ne verrons donc plus une baisse de TVA, sur la restauration par exemple, votée à l’occasion d’une loi portant sur le tourisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Enfin, concernant la règle d’or, il faudrait peut-être commencer par savoir ce dont on parle. S’agit-il de la règle d’or que le candidat Sarkozy, en 2006 et 2007, se proposait de faire adopter par le Parlement ? De la règle d’or que la précédente majorité avait voulu faire prévaloir et que nous avions récusée, mais qui n’avait rien à voir avec la première ? Pour les parlementaires qui ne siégeaient pas à l’époque, ou qui ont perdu le fil, je rappelle qu’il s’agissait de créer une nouvelle catégorie de loi, ni constitutionnelle, ni organique, ni ordinaire, définissant la trajectoire des finances publiques, et que les lois de finances et de financement devaient veiller à respecter.

Et encore cette règle-là, que la majorité précédente qualifiait de règle d’or, n’a-t-elle rien à voir avec celle que les Allemands avaient instaurée dans les années soixante, pas plus qu’avec celle qu’ils ont adoptée en 2009 et 2010. Ni rien à voir avec la règle que le traité européen signé par le précédent Président de la République avait prévu de voir adopter par les différents membres de la zone euro.

Ce petit rappel couvre déjà cinq règles d’or. Je suggère donc à ceux qui évoqueraient le sujet de préciser à laquelle ils font référence : celle du candidat Sarkozy, celle de la majorité précédente, celle de l’Allemagne des années 1960 ou de la dernière décennie, celle du traité constitutionnel européen, et encore n’ai-je pas parlé de celle qui est en vigueur en Grande-Bretagne depuis maintenant une quarantaine d’années…

Quoi qu’il en soit se pose aujourd’hui une question juridique : il faut savoir si, dans l’hypothèse où la France déciderait de ratifier ce traité, il faudrait au préalable une révision constitutionnelle ou si une loi organique suffirait. Le débat aura lieu avec toute la transparence requise et chacun saura à quoi s’en tenir.

Un mot néanmoins sur la volonté de la majorité de l’époque d’instaurer cette prétendue règle d’or budgétaire. Je regrette que l’ancien président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, ne soit pas là pour rappeler les débats qui ont eu lieu à ce sujet. Car il faut se souvenir qu’en 2005 ou 2006, les mêmes de la majorité UMP avaient voté une règle d’or relative aux finances sociales consistant à ne plus transférer de dette à la CADES sans transférer dans le même temps les recettes pour l’amortir, afin de ne pas allonger la durée de vie de la Caisse, autrement dit pour que les générations futures ne paient pas les inconséquences de l’actuelle.

M. Bernard Accoyer. Les 35 heures !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’opposition de l’époque avait très clairement dit que revenir sur cette règle d’or dans les finances sociales pour ensuite, dans les semaines qui suivaient, faire semblant d’instaurer une règle d’or budgétaire manquerait à un point rare de cohérence et de loyauté à l’égard du Parlement et du peuple et qu’elle ne l’accepterait pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La majorité de l’époque a donc décidé de revenir sur une règle d’or qu’elle-même avait instaurée dans la mandature précédente…

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’était pas une règle d’or !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …pour ensuite, dans les jours qui suivaient, adopter une règle d’or qui n’avait rigoureusement rien d’une règle et pas davantage de l’or. Ce n’était qu’un artifice, un « truc » qui n’avait rien à voir avec ce que l’Europe, ou en tout cas certains de ses membres, espéraient voir la France adopter.

Chaque fois donc que l’opposition actuelle rappellera ce que fut l’attitude de l’ancienne opposition à l’égard de cette règle biscornue, le Gouvernement, ainsi je l’espère que les députés de la majorité, lui rappelleront que c’est de ses bancs qu’est venue l’abolition d’une règle d’or qui, elle, avait fait ses preuves et qui consistait à protéger les générations futures de l’inconséquence de l’actuelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Mensonges !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Non, et je vous renvoie aux débats qui ont eu lieu alors.

Pour répondre maintenant à Jérôme Chartier, je dois dire que j’ai eu un peu de mal à comprendre sa position. Cependant, chacun pourra voir, dans le cœur qu’il a mis à défendre le bilan de la majorité précédente ainsi que du président déchu… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le président battu ? L’ancien président ? Comme cela vous conviendra, ces qualificatifs lui étant désormais accolés depuis sa défaite électorale. Mon intention n’était pas de vous offenser, mais on a tout de même le droit de tenir compte du suffrage universel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Je comprends donc le cœur que Jérôme Chartier met à défendre le bilan d’une majorité à laquelle il a appartenu, le bilan d’un président qu’il a soutenu du premier au dernier jour avec une loyauté exemplaire, qui forçait même l’admiration de ses amis de la majorité de l’époque. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.) Il n’est pas dans mon intention de moquer Jérôme Chartier. Il faut n’avoir jamais perdu devant le suffrage universel pour trouver une quelconque satisfaction à moquer les vaincus, et je ne le ferai donc pas.

Mais il est tout de même paradoxal qu’il refuse de s’exprimer maintenant sur la loi de règlement de l’année 2011, c’est-à-dire sur le bilan de la dernière année pleine d’un quinquennat qu’il défend. Après tout, la représentation nationale est informée, et les débats des campagnes électorales présidentielle et législative sont passés par là ; il me semble que chacune et chacun des membres de la représentation nationale est suffisamment informé. Point n’est besoin, je crois, de revenir en commission des finances pour savoir ce qu’il en fut. Le rapport de la Cour des comptes, que nous acceptons tous, est également connu de toutes celles et de tous ceux que cela a pu intéresser. Voter me paraît donc la meilleure des choses.

Vous vous inquiétez, monsieur Chartier, de l’évolution du pouvoir d’achat des salariés. Vous êtes dans votre rôle. J’aurais aimé vous voir vous en inquiéter lorsque vous avez défendu puis voté la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu – cela représentait 1,7 milliard d’euros, au détriment de ceux qui acquittent l’impôt –, lorsque vous avez défendu puis voté la taxe sur les mutuelles – deux milliards d’euros, en année pleine évidemment –, lorsque vous avez défendu puis voté les franchises médicales – 1 milliard d’euros –, lorsque vous avez défendu puis voté l’augmentation de la CSG acquittée par les salariés – 600 millions d’euros –, lorsque vous avez défendu puis voté l’augmentation du taux réduit de TVA – pour un montant de près de 2 milliards d’euros. Bref, je pourrais continuer cette liste, mais je garde quelques exemples pour la suite du débat.

Si j’ai bien compris, monsieur Chartier, vous avez indiqué que les mesures inscrites dans le projet de loi de finances rectificative porteraient sur un montant de trois milliards d’euros. Celles que je viens d’énumérer ont, à elles seules, amputé le pouvoir d’achat de cinq milliards d’euros. Je m’étonne donc, monsieur le député, que vous ayez pu défendre puis voter ces mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je m’étonne, monsieur Chartier, que vous défendiez cette motion dont je ne sais pas très bien si elle était de rejet ou de renvoi en commission. Je m’en étonne pour deux raisons.

Tout d’abord, il s’agit aujourd’hui de prendre acte de l’exercice 2011, exécuté par le gouvernement que vous avez soutenu. Le gouvernement actuel vous présente aujourd’hui des comptes qui ne sont pas les siens. C’est une situation que l’on connaît parfois dans les collectivités territoriales, lorsque des comptes administratifs sont présentés après un changement de majorité. Je ne comprends donc pas très bien votre position.

J’en viens à la deuxième raison, en profitant de l’occasion pour rendre hommage à la fois à mon prédécesseur, Gilles Carrez, qui a toujours fait un travail remarquable et à l’ensemble de son équipe, qu’il m’a laissée en héritage, si j’ose dire, puisqu’il a beaucoup été question d’héritage. Au cours de la semaine écoulée, j’ai pu apprécier les performances, l’engagement et la disponibilité des administrateurs qui ont longtemps travaillé à ses côtés ; j’imagine qu’il n’y est pas pour rien.

Je le dis donc, la commission a travaillé ; nous nous sommes réunis, nous avons même auditionné le Premier président de la Cour des comptes. Il n’y a donc évidemment pas lieu de renvoyer ce texte en commission.

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre-Alain Muet. En voyant Jérôme Chartier monter à la tribune, je pensais qu’il défendrait une motion de rejet préalable, mais il n’en a pas eu le culot. Je le comprends. Qu’est-ce, au fond, que cette loi de règlement ? C’est le constat de votre bilan, le constat de la situation calamiteuse de nos finances publiques. Vous en portez, vous, ancienne majorité, l’essentiel de la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) En dix ans, vous avez doublé la dette de notre pays.

M. Régis Juanico. C’est vrai !

M. Pierre-Alain Muet. Vous vous vantez aujourd’hui d’un déficit ramené à 5,2 % du PIB, mais quel est le déficit de nos voisins allemands, qui ont aussi subi la crise, comme nous, peut-être même plus que nous, car ils sont plus ouverts à l’échange international ? 1 % ! Quel est le déficit de l’ensemble de la zone euro ? 3,8 % ! Pourquoi donc notre déficit est-il de 5,2 % du PIB, quand celui de la zone euro est de 3,8 % et celui de l’Allemagne de 1 % ?

La réponse est simple. Avant la crise, en 2005, l’Allemagne connaissait comme nous, mais encore plus que nous, un déficit excessif, son déficit était de 3,5 % du PIB ; simplement, elle a ramené son déficit à zéro à l’été 2008, avant la crise. Aujourd’hui, elle se retrouve naturellement à 1 %, quand nous sommes à 5,2 %.

Qu’a fait le précédent gouvernement ? Qu’a fait la précédente majorité ? Après une petite discussion, vite expédiée, lors de l’examen de la loi de règlement et du débat d’orientation budgétaire, vous vous êtes empressés de dépenser 15 milliards d’euros sous la forme d’un paquet fiscal, dont le montant est aujourd’hui de 11 milliards dans nos comptes, car vous avez corrigé un certain nombre de mesures.

J’entends le président de la commission des finances nous dire que la règle d’or c’est de réduire le déficit structurel.

M. Patrick Ollier. Votre temps de parole est de deux minutes !

M. Pierre-Alain Muet. Voulez-vous que je vous rappelle le niveau du déficit structurel des cinq années écoulées ? En 2007, 3,3 % ; en 2008, 3,5 % ; en 2009, 4,5 % ; en 2010, 4,8 % ; en 2011, 3,9 %.

Plusieurs députés du groupe UMP. Deux minutes !

M. Pierre-Alain Muet. Jamais vous n’avez ramené le déficit structurel au-dessous de 3 % ! Pas une seule fois !

Mes chers collègues, vous devriez donc faire preuve d’un peu de modestie, car la situation calamiteuse qu’il va falloir redresser, que cette majorité va redresser dans la justice, c’est le fruit d’une politique irresponsable et injuste, que vous avez conduite pendant cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Madame la présidente, mes chers collègues, cette motion de renvoi en commission doit être adoptée. Le ministre délégué chargé du budget nous a posé un certain nombre de questions à propos de la manière dont nous comprenions la notion de règle d’or, mais, qu’il nous autorise à le dire, il est l’exécutif et nous sommes, modestement, l’opposition, et le débat d’aujourd’hui est un débat d’actualité. Je crois donc que, compte tenu de l’importance du sujet, au-delà de la loi de règlement, notre commission doit être renseignée au moins sur un point : quand, et de quel montant, augmenterez-vous la CSG, monsieur le ministre délégué ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de règlement, c’est la photo, c’est le bilan de la politique budgétaire conduite par le Gouvernement. Nous, membres de l’UDI, sommes solidaires de la politique menée en 2011. Nous assumons nos responsabilités, et les résultats obtenus ne sont pas, contrairement à ce que prétend M. Muet, calamiteux. J’aurai d’ailleurs l’occasion de lui répondre tout à l’heure en disant quelques mots des déficits structurels.

Cependant, mes chers collègues, si j’ai écouté très attentivement notre collègue Chartier, je ne suis pas persuadé de l’intérêt qu’il y a à renvoyer en commission un texte qui correspond à la politique que nous avons soutenue et à ce que nous avons voté, un texte qui n’est que la photographie du travail que nous avons accompli pendant une année.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. Philippe Vigier. Je vous ferai économiser un peu de votre temps en vous annonçant que nous ne participerons pas au vote.

En revanche, chers collègues de la majorité actuelle, soyez-en sûrs : nous sommes déterminés et, l’an prochain, nous serons implacables. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Bruno Le Roux. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ne s’associera pas – ce n’est pas une surprise – à cette motion, dans laquelle nous voyons l’aveu des mensonges proférés, une caricature d’analyse plutôt qu’une analyse sérieuse. Je ne m’exprimerai pas plus longtemps ; les Français se sont prononcés le 6 mai dernier pour le changement, et nous faisons confiance au Gouvernement et à la nouvelle majorité pour le mettre en œuvre. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la procédure à laquelle Jérôme Chartier a recouru est quelque peu paradoxale puisque, finalement, il est amené à s’exprimer contre son propre bilan, et il nous invite même à voter contre.

Je précise également à nos collègues nouvellement élus – je me tourne plutôt vers la partie gauche de cet hémicycle – que Jérôme Chartier était, au cours de la précédente législature, un expert non en finances publiques mais plutôt, selon moi, en maniement de la brosse à reluire. Dieu sait s’il s’est activé en la matière, pendant cinq ans, auprès de M. Fillon et des différents ministres des finances ! Il n’a d’ailleurs pas été récompensé de ses efforts, c’est bien dommage.

Il continue aujourd’hui – on peut dire qu’il est persévérant ! – car il a commencé son discours par un hommage à Nicolas Sarkozy. Il est vrai qu’en matière d’équilibre budgétaire et de bonne gestion, il n’y a pas meilleure référence que le président du déficit et le président de l’explosion de la dette, pour ne rien dire du Premier ministre du déficit et du Premier ministre de l’explosion de la dette, M. Fillon. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Chartier a voulu promouvoir l’inscription de la règle d’or dans la Constitution ; du moins est-ce ce que j’ai compris. Il oublie cependant qu’un tripatouillage de plus de la Constitution ne ramènerait pas un euro de plus dans les caisse de l’État,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Tout à fait !

M. François de Rugy. …ces caisses que vous avez consciencieusement vidées pendant cinq ans.

Il est un peu pénible, mes chers collègues, d’entendre successivement sur les ondes, dans notre hémicycle, dans les commissions, M. Woerth, Mme Pecresse, M. Carrez maintenant, nous donner des leçons de bonne gestion.

M. Bernard Accoyer. Qu’est-ce que c’est que ces attaques personnelles ? Qu’on parle du fond !

Mme la présidente. Ce n’est pas une attaque personnelle.

M. François de Rugy. Que ne les avez-vous appliquées pendant cinq ans ? Vous avez été les fossoyeurs de l’équilibre budgétaire, les fossoyeurs de la bonne gestion budgétaire pendant ce quinquennat.

Le bilan, puisqu’on parle du bilan économique et financier, est lourd. Il sera très long à solder. Un débat comme celui-ci n’y suffira pas. C’est pourquoi il faut passer au plus vite au débat d’orientation budgétaire pour entamer le redressement dans la justice.

Nous, députés écologistes, voterons donc naturellement contre cette motion de procédure.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Madame la présidente, mes chers collègues, cette loi de règlement dresse un bilan sans appel de la gestion calamiteuse du précédent gouvernement et de l’héritage qu’il nous laisse.

Plusieurs députés du groupe SRC. Bravo !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Tout en nuances !

Mme Karine Berger. Les propos de M. Carrez n’y changeront rien. Je note d’ailleurs que son approche du budget est nettement plus militante aujourd’hui qu’au cours des cinq dernières années, lorsqu’il réclamait, en tant que rapporteur général, des réductions de dépenses fiscales au précédent gouvernement.

Revenons à la loi de règlement, telle qu’elle nous est présentée, et au bilan qu’elle dresse de la politique du précédent gouvernement. Les chiffres sont catastrophiques, nous l’avons déjà dit.

Je veux revenir sur deux aspects particulièrement problématiques de ce bilan.

Tout d’abord, la question du déficit structurel. Le solde structurel permet de prendre la mesure de la réalité d’une volonté politique de réduction des déficits. Cette volonté politique était absente. Rien n’a été fait au cours des cinq dernières années. Les chiffres sont là pour le prouver puisque le déficit structurel est passé de 3,5 % du PIB au début du quinquennat à 3,9 % du PIB à la fin du quinquennat. Non seulement aucun effort de réduction du déficit structurel n’a été fait mais, en outre, la situation s’est aggravée. Était-ce volontaire ou involontaire, conscient ou inconscient ? Je n’en sais rien.

Ces chiffres s’expliquent de deux manières, en envisageant les deux leviers dont vous disposiez pour rétablir la situation des finances publiques.

Parlons tout d’abord des dépenses publiques. Si vous éprouvez régulièrement le besoin de nous rappeler qu’il faut les réduire, elles n’en ont pas moins très fortement augmenté au cours des cinq dernières années. La loi de règlement n’indique pas quelle part du PIB représentent les dépenses publiques, mais la Cour des comptes a eu l’amabilité de faire le calcul. La part des dépenses publiques dans le PIB a augmenté de plus de trois points. L’effort de gestion rigoureuse n’était clairement pas au rendez-vous.

Quant à la baisse temporaire des recettes au cours du quinquennat précédent, qui a conduit à un déficit structurel très élevé, elle n’a profité qu’à quelques ménages aisés et quelques très grandes entreprises, avant un rattrapage – assez violent, il faut bien le reconnaître – en 2011, avec une montée de la fiscalité pour l’ensemble des ménages français.

J’ajoute, pour corriger quelques remarques du président de la commission des finances, que la France n’a nullement à s’enorgueillir de quelque écart que ce soit entre son déficit structurel et celui de ses partenaires de la zone euro. Le déficit structurel de la France est supérieur à l’ensemble de ceux de la zone euro. Notre déficit structurel est aussi plus élevé que celui de nos partenaires de l’Union européenne en général. La situation que vous nous laissez est donc particulièrement dégradée. Notre responsabilité sera de la corriger.

J’en viens, deuxième point, aux efforts qui n’ont pas été fournis en matière de dépenses publiques, notamment pour ce qui concerne la masse salariale publique. Dans la loi de règlement, nous constatons que cette masse salariale n’a pratiquement pas bougé entre 2010 et 2011, et qu’elle a même plutôt augmenté les années précédentes.

Que s’est-il donc passé, alors que le gouvernement de l’époque prétendait diminuer le nombre de fonctionnaires et leurs salaires, réduire absolument tout ce que l’État peut faire de bien en matière de services publics ? Il ne s’est rien passé pour l’amélioration de la gestion de la dépense et de la gestion publique.

Quel a été le prix payé pour cette non-gestion des dépenses publiques ? C’est très simple : le démantèlement systématique des services publics ! On se demande vraiment à quoi l’argent a pu servir.

Nous n’avons pas de leçons de gestion à recevoir de l’opposition : le bilan est là, qui montre que cette gestion a été particulièrement peu rigoureuse au cours des cinq dernières années, y compris en 2011.

La loi de règlement pour 2011 nous apprend aussi, et ce sera mon dernier point un peu technique, que la prévision des recettes n’était pas le fort du gouvernement précédent. Ainsi, l’impôt sur les sociétés est celui qui bondit le plus dans cette loi de règlement, de plus de 18 %, et ce bond n’est absolument pas lié à une évolution favorable de la situation des entreprises : il est exclusivement lié à des phénomènes exceptionnels.

Le débat d’orientation budgétaire aura lieu plus tard dans la journée, mais je crois qu’il est important de garder en tête cet élément. Il n’y avait aucune raison de prévoir une rentrée de l’impôt sur les sociétés plus favorable, et la loi de règlement pour 2011 nous en donne la démonstration.

Je conclurai en disant que nous voterons cette loi de règlement car nous savions dès le départ que la situation qui nous était laissée était particulièrement défavorable. Nous réparerons dans les années qui viennent les erreurs commises et nous réglerons les factures qu’on nous a léguées.

Je veux laisser l’opposition réfléchir à cette citation dont j’ai oublié l’auteur (Rires sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés du groupe UMP. Quel dommage !

Mme Karine Berger. …mais qui me revient à l’occasion de ce débat : « La vie se passe à désirer ce qu’on n’a pas et à regretter ce qu’on n’a plus. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, la loi de règlement qui nous est soumise dit la qualité de notre gestion. C’est une réalité, ce sont des faits. En même temps, il existe un autre fait politique, que nous assumons : les Français ont décidé l’alternance, ce dont nous prenons acte.

Mais l’alternance ne signifie pas nécessairement tout insulter, et il serait appréciable que, sur les bancs de droite comme de gauche, on souhaite poursuivre la trajectoire d’assainissement des finances publiques engagée lors du mandat précédent…

M. Marcel Rogemont. Et le déficit ?

M. Henri Emmanuelli. Cent milliards de plus !

M. Hervé Mariton. …et qui doit être maintenue. Or la réalité est que les efforts demandés à nos concitoyens, les efforts assumés par les Français…

Plusieurs députés du groupe SRC. Les plus modestes !

M. Hervé Mariton. …au fil de ces dernières années risquent aujourd’hui et demain d’être gaspillés. Gaspillés quand on regarde les perspectives que vous tracez en termes de dépenses publiques – manifestement, la maîtrise des dépenses publiques n’est plus à l’ordre du jour –,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pourquoi ce procès ?

M. Hervé Mariton. …quand on entend aussi l’ambiguïté extrême de vos propos : il n’était que d’écouter les questions du ministre tout à l’heure s’agissant de la règle d’or.

Il est un domaine où vous avalez votre chapeau : celui de la ratification du traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance. Oui, ce traité doit être ratifié ; oui, vous aviez dit que vous ne le feriez pas ; oui, vous allez le ratifier, et nous le ferons avec vous. Mais ce sont bien le Gouvernement et sa majorité qui avalent leur chapeau dans cette affaire.

Si l’on combine tout à la fois le bilan que dresse la loi de règlement, ce qu’en a dit la Cour des comptes, ainsi que les inquiétudes dont je viens de faire état, il est clair que vous allez prendre la pleine responsabilité du tête-à-queue budgétaire qui s’annonce dans les semaines et les mois qui viennent.

Plutôt que de polémiquer, le plus simple est de partir des vos propos prononcés depuis le début de cette discussion aussi bien par les membres du Gouvernement que par le rapporteur général.

Tout d’abord, permettez-moi de souligner que, lorsque j’entame mon intervention en disant que la loi de règlement signe la qualité de notre gestion, je sais qu’au fond tant Pierre Moscovici que le rapporteur général en sont conscients, et sont même reconnaissants de ces réalités positives et élogieuses à notre égard. Oui, le déficit d’exécution en 2011 a été inférieur à celui prévu dans la loi de finances initiale et ses différents ajustements, et même inférieur au déficit constaté en 2010.

La réalité étant ce qu’elle est, dans tout débat portant sur une loi de règlement ou, puisque le rapporteur général faisait aussi la comparaison avec les comptes administratifs, dans tout débat de même nature, le fait qu’un déficit soit en diminution d’une année sur l’autre ne doit pas être analysé en soi comme un mauvais signe de gestion.

Par ailleurs, le rapporteur général a rappelé – ce qui avait le mérite de l’honnêteté, et je l’en remercie – que la norme « zéro volume » avait été respectée dans son périmètre et que la norme « zéro valeur » l’avait été elle aussi. Aussi me paraît-il un peu difficile de dire tant de mal d’une loi de règlement qui démontre la bonne exécution de la loi de finances. Ne sollicitez pas vos talents au-delà de ce qu’ils peuvent !

Cela étant, vos propos contiennent également des points très clairs, qui posent des questions particulièrement inquiétantes pour les Français et suggèrent des intentions tout à fait négatives pour nos concitoyens. Nous les avons entendus ces dernières minutes, et nous en voyons déjà les premières traces dans le collectif budgétaire dont nous allons discuter dans les prochains jours.

Avec beaucoup d’honnêteté intellectuelle et de constance, le rapporteur général a repris la critique systématique que vous faites de la loi TEPA ainsi que des exonérations de charges sociales et fiscales des heures supplémentaires. Nous ne cesserons de répéter, afin que nos concitoyens soient tous alertés, que cela représente une perte potentielle de plus de 4 milliards de pouvoir d’achat pour les Français les plus modestes. Que les Français le sachent, le programme et l’action de la majorité, tels qu’ils nous sont proposés dans ce texte budgétaire, signifient plus de 4 milliards de pouvoir d’achat retirés aux plus modestes !

Le rapporteur général nous rappelle également le coût de la suppression de la taxe professionnelle. Dont acte, monsieur le rapporteur général ! Voilà une réforme que nous avons voulue, que nous avons votée et que nous assumons.

M. Christian Eckert, rapporteur général. On en reparlera !

M. Hervé Mariton. Cette réforme, arrivée au moment opportun dans le déroulement de la crise, a eu un impact positif sur l’investissement des entreprises. Cette réforme que nombre d’entre nous, de droite comme de gauche, appelions de nos vœux et qu’aucune majorité n’avait eu le courage jusqu’ici d’entreprendre, nous l’avons réalisée.

Oui, la suppression de la taxe professionnelle appelle des compensations au profit des collectivités locales. Que n’avons-nous entendu sur ces bancs ! Vous disiez que ces compensations ne se feraient pas, vous mobilisiez les collectivités locales pour soulever l’inquiétude, la crainte et la critique. Vous affirmiez que, certes, la réforme de la taxe professionnelle se ferait, mais que les collectivités locales seraient de la revue et que l’État n’honorerait pas sa parole.

L’État a honoré sa parole, et en effet cela a un coût. En le rappelant, monsieur le rapporteur général, vous vous montrez cohérent, car c’est un compliment que vous nous adressez en réalité.

Et puis, toujours constant, le rapporteur général…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Encore ! C’est trop d’honneur !

M. Hervé Mariton. Encore, oui, car vous nous faites beaucoup de compliments.

Vous êtes très constant, disais-je, pour rappeler le coût des heures supplémentaires dans la fonction publique et le retour de la RGPP au profit des fonctionnaires.

Je suis de ceux qui considèrent que la part consacrée à la réduction des déficits et à la réalisation d’économies nettes dans la RGPP n’a pas été suffisante. Cela étant, la RGPP et les heures supplémentaires, tout particulièrement les heures supplémentaires défiscalisées, ont contribué à améliorer la situation matérielle des fonctionnaires.

La constance avec laquelle les élus socialistes, le rapporteur général et le Gouvernement veulent aujourd’hui s’attaquer à l’exonération des charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires, et même aux heures supplémentaires en tant que telles, a de quoi inquiéter un grand nombre de collaborateurs du service public. Je ne pense pas que ceux, nombreux parmi eux, qui ont voté pour vous, et c’était leur droit comme pour tout citoyen, avaient tout à fait compris que vous entendiez en faire les premières victimes de votre politique de baisse du pouvoir d’achat.

Par ailleurs, vous critiquez, et franchement c’est impressionnant, l’évolution et même l’augmentation du coût, en dépenses de fonctionnement, de l’AME. C’est l’hôpital qui se fout de la charité, si je puis me permettre !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Hervé Mariton. Vous l’avez dit ! Vous nous avez dit que le coût de fonctionnement de l’AME avait augmenté.

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’ai dit qu’il était sous-budgétisé !

M. Hervé Mariton. Je ne suis pas sûr que les mesures que vous avez prévues dans le collectif budgétaire et celles que vous préparez peut-être, qui entraîneront l’ouverture de l’AME et la disparition des rares éléments de régulation qu’elle comporte, soient vraiment de nature à en baisser le coût. Vous vous apprêtez à assumer une explosion du coût de l’AME et faites le constat d’une augmentation de ses dépenses de fonctionnement, mais vous nous reprochez en même temps d’avoir introduit quelques éléments de régulation, probablement trop modestes !

Enfin, votre critique est vraiment remarquable et vous parlez d’or lorsque vous nous dites que, dans la réduction des déficits, l’augmentation des impôts occupe une place trop importante, tandis que la réduction de la dépense est insuffisante ! Je le pensais aussi, et je le disais déjà en toute liberté sous l’ancienne législature.

Vous affirmez que la répartition s’élève à 87 % pour l’augmentation des impôts contre 13 % pour la réduction des dépenses. Je n’ai pas vérifié votre chiffre, mais enfin, chers collègues, soyons conscients que dans le collectif budgétaire qui nous sera présenté ces jours-ci, cette répartition sera de 98 % contre 2 % ! Le collectif budgétaire contient plus de 7 milliards d’euros d’augmentations d’impôts, contre 90 millions concernant des dépenses, non pas économisées mais reventilées.

Alors, je veux bien entendre la critique, et il est exact que l’équilibre entre impôts et économies sur la dépense dans le mandat précédent n’était pas parfait. Mais je constate que ce que vous proposez déjà avec ce collectif budgétaire est infiniment pire, puisque vous affichez une répartition de l’ordre de 98 % contre 2 %. Manifestement le compte n’y est pas !

Je crois, et la loi de règlement le prouve, que nous avons au fil des cinq dernières années engagé une trajectoire à certains égards vertueuse. La réalité, nous le disions alors et devons le répéter aujourd’hui, est que cette trajectoire doit être plus vertueuse encore demain. Malheureusement, ce n’est pas le chemin que prend aujourd’hui la majorité ! Alors, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues de la majorité, s’il est permis d’y croire, je vous le demande : reprenez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de règlement pour 2011 est la dernière loi de finances relative à l’exécution budgétaire dont la précédente majorité est comptable et responsable.

Elle constitue à nos yeux un témoignage fidèle et incontestable des résultats des politiques volontaristes de lutte contre les déficits publics conduites par la majorité précédente, et initiées sous l’impulsion permanente des centristes.

Ce projet de loi de règlement pour 2011 sera également et surtout la référence à laquelle l’exécutif actuel devra désormais se comparer pour rendre des comptes sur sa propre gestion budgétaire. Monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés de la majorité, les Françaises et les Français vous ont conféré une légitimité indiscutable, et votre responsabilité est désormais totalement engagée.

Vos longs réquisitoires contre la politique que nous avons menée ne vous seront dorénavant plus d’aucun secours. Vous serez désormais jugés sur vos actes, et vous devrez répondre de vos choix.

Dans cette perspective, je veux présenter ce qui me semble constituer les principaux enseignements des résultats de la gestion budgétaire pour l’année 2011.

Le premier enseignement est que l’amélioration du solde budgétaire est « réelle » et « incontestable » en 2011. Je le répète : « réelle » et « incontestable ». Notre président de la commission des finances, Gilles Carrez, l’a rappelé. J’entends mes collègues de la majorité pousser des cris d’orfraie et accuser la majorité précédente – comme l’a fait le rapporteur général – de se vautrer dans l’autosatisfaction. Mais je n’ai pas choisi ces mots au hasard, ce sont ceux de Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, dont personne ici ne saurait contester la légitimité, la compétence et l’objectivité.

Cette amélioration est, avant tout, le résultat de la maîtrise des dépenses publiques qui a constitué, en particulier en 2011, la priorité absolue de la précédente majorité. Pour la toute première fois, la norme « zéro volume », qui permet de contenir l’évolution des dépenses au niveau de l’inflation, a été respectée. La norme « zéro valeur » – en dehors des intérêts de la dette et, naturellement, des charges de pensions –, qui constitue une contrainte vertueuse supplémentaire que la majorité précédente s’était elle-même imposée, a également été respectée, monsieur le rapporteur général.

Second enseignement : nous avons tenu nos engagements en matière de réduction des déficits publics. Le déficit du budget de l’État pour 2011 a été ramené à 5,2 % du PIB, ce qui représente une amélioration de 0,5 % par rapport à la prévision retenue au terme des quatre lois de finances rectificatives votées en 2011. Un demi-point de déficit public en moins par rapport aux prévisions, c’est 10 milliards d’euros de dette publique évités ! Ces résultats significatifs ont été obtenus au prix d’efforts importants demandés aux Françaises et aux Français. Vous venez de sacrifier ces efforts sur l’autel de vos promesses électorales puisque le gouvernement a engagé pas moins de 20 milliards de dépenses supplémentaires avant même que l’Assemblée nationale ne commence à siéger !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

M. Philippe Vigier. Alors que le Président de la République louait hier encore, devant les partenaires sociaux, le dialogue et la concertation, vous vous êtes dispensés de respecter cette démarche avec la représentation nationale. Il ne s’agit pas en tout cas d’un signal à l’égard du Parlement, dont vous nous avez pourtant dit à plusieurs reprises que vous entendiez revaloriser le rôle.

M. Alain Fauré. C’est vrai que vos 800 milliards de dette, c’était mieux !

M. Philippe Vigier. Je souhaite également faire remarquer que, pour la première fois depuis des années, la programmation et l’exécution budgétaires ont été caractérisées par la volonté inflexible de respecter la trajectoire de redressement. En dépit d’une succession de crises financières sans précédent, qui auront notamment nécessité une opération de refinancement exceptionnelle de la Banque centrale européenne en décembre et un accroissement des efforts de consolidation budgétaire en Italie et en Espagne, nous n’avons jamais dévié de cette trajectoire.

L’année 2011 aura également été marquée par des décisions justes et courageuses en matière fiscale. C’est la majorité précédente qui a voté l’instauration d’une taxe sur le revenu fiscal de référence pour les très hauts revenus qui restera en vigueur jusqu’à l’extinction du déficit public. Vous ne l’avez pas votée, messieurs de la majorité ! C’est la majorité précédente qui a donné un nouveau coup de rabot de 10 % sur les niches fiscales et qui en a abaissé le plafonnement global. Vous ne l’avez pas voté. C’est enfin la majorité précédente qui a porté la fiscalité pesant sur les revenus du capital de 19 % à 24 %. Vous n’avez pas non plus voté cette mesure. Cela discrédite, une fois de plus, le sempiternel refrain socialiste sur les cadeaux fiscaux accordés aux plus aisés.

La vérité, mes chers collègues, c’est que cet effort de réduction des déficits publics a été réalisé sans porter atteinte au pouvoir d’achat puisque la France – je dis bien la France – est le seul pays où il a progressé de manière constante au cours des cinq dernières années. De ce point de vue, notre pays aura mieux fait que l’Allemagne sur cette période.

La vérité, c’est qu’au plus fort de la crise, nous avons tenu la barre en préservant les recettes et en nous engageant sur une trajectoire de retour à l’équilibre des comptes publics avec le souci permanent, comme l’a rappelé Hervé Mariton, de préserver la compétitivité de nos entreprises. Vous faites aujourd’hui exactement l’inverse en entamant cette législature aveuglés par une idéologie partisane.

Mme Catherine Quéré. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Vigier. Vous déclarez la guerre au pouvoir d’achat des travailleurs en mettant fin à la défiscalisation des heures supplémentaires. C’est une faute économique.

Vous vous attaquez aux allégements de charges qui devaient permettre de résorber le déficit de compétitivité de dix points dont souffre la France face à l’Allemagne.

M. Jean-Frédéric Poisson. Hélas !

M. Alain Fauré. Donnez-nous du temps !

M. Philippe Vigier. Vous le savez, le coût élevé du travail est un obstacle à la compétitivité de nos entreprises. En 2002, Lionel Jospin faisait figurer la réduction du coût du travail en sixième proposition du programme du parti socialiste ! Martine Aubry elle-même avait décidé d’alléger les charges sur les bas salaires après avoir imposé le carcan des 35 heures aux entreprises. Le Président de la République a même déclaré hier que « faire peser sur le seul travail le coût de notre dépense sociale n’est pas un bon moyen de pérenniser le financement » après que Pierre Moscovici, présent tout à l’heure, eut lui-même indiqué, dimanche, qu’il ne « fallait pas davantage alourdir le coût du travail ». Et vous voudriez maintenant tourner le dos à la compétitivité en supprimant la TVA sociale chère à Manuel Valls, le porte-parole du candidat socialiste à l’élection présidentielle ?

Le projet de loi de règlement pour l’année 2011 que vous présentez aujourd’hui démontre que notre bilan résistera à toutes vos tentatives de le travestir et que votre projet est intenable.

L’autre message sur lequel le groupe Union des démocrates et indépendants souhaite insister est le niveau insoutenable atteint par les déficits publics et l’impérieuse nécessité pour la France de retourner à l’équilibre durable de ses comptes. Ce déficit, monsieur Muet, n’est pas, contrairement à ce que vous prétendez, le résultat du seul quinquennat qui s’achève. C’est un héritage dont tous les gouvernements successifs, depuis trente ans, sont responsables. Le laxisme budgétaire a été permanent depuis lors. De plus, la crise qui a ébranlé le monde entier ces trois dernières années a eu, vous le savez, un effet destructeur sur nos finances publiques en réduisant les recettes fiscales. Cette crise a également rendu indispensable la mise en place de plans de relance budgétaire d’une ampleur de 50 milliards d’euros, auprès desquels votre nouveau plan de croissance européen de l20 milliards, dont 60 milliards de fonds « refléchés », semble notoirement insuffisant. Sous l’effet de la vague successive de crises qui a déferlé sur le monde, l’Europe et la France, ce déficit, qui représentait déjà 3,5 % du PIB en 2007, a ainsi atteint le niveau historique d’un peu plus de 140 milliards d’euros en 2009.

Il faut pourtant le dire avec lucidité : la France n’a pas rattrapé son retard par rapport aux autres pays européens qui, eux-mêmes, sont engagés dans la voie de la réduction des déficits. Avec un déficit structurel de 4 % du PIB, elle se situe au-dessus de la moyenne des autres États membres de la zone euro, 3,2 %, et largement au-dessus du déficit structurel de l’Allemagne qui n’est que de 0,8 %. Contrairement à celle de notre principal partenaire et concurrent, notre dette continue aujourd’hui de progresser et devrait ainsi dépasser 90 % du PIB en 2012 avec un niveau de prélèvements obligatoires jamais égalé. L’endettement est devenu un lent poison qui fait désormais peser la menace d’un déchirement de notre tissu social. Je le dis sans détour : ne pas assumer un discours de vérité, ne pas avoir le courage de prendre des décisions difficiles nous contraindra à abandonner notre souveraineté budgétaire dans la douleur et à assumer des choix économiques et sociaux d’une violence inouïe.

Les centristes, par la voix de Charles de Courson, n’ont pas attendu que la crise économique frappe l’économie mondiale pour se saisir de cette question cruciale. En effet, dès le début de la législature précédente, nous avons déposé une proposition de loi constitutionnelle relative au retour à l’équilibre des finances publiques.

Cette exigence doit dépasser les clivages traditionnels. L’inscription dans la Constitution d’une règle d’équilibre budgétaire répond à un impératif moral, économique et démocratique autour duquel nous devrions tous pouvoir nous rassembler. C’est pourquoi je m’étonne de voir la majorité socialiste faire preuve d’une imagination à toute épreuve pour faire évoluer notre Constitution en y inscrivant le principe de laïcité, le droit de vote accordé aux étrangers ou encore la consécration du dialogue social, mais continuer de s’entêter à ne pas y introduire une règle de bonne gestion de laquelle seuls nos gouvernements peuvent aujourd’hui s’exonérer. Au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, je réaffirme solennellement qu’il est impératif que la France se dote d’une « règle d’or » et vous vous honoreriez, mes chers collègues de la majorité, de souscrire à cette exigence absolue.

Vous serez, de toute manière, bientôt contraints d’assumer cette règle d’or avec la prochaine ratification du traité budgétaire européen, qui prévoit son instauration dans un texte de nature constitutionnelle. Il semble que, sur ce point, vous ayez été forcés de revoir vos positions et que vous deviez désormais endosser ce que nous avons mis en place et que vous refusiez quand vous étiez dans l’opposition.

Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Philippe Vigier. J’en termine, madame la présidente.

Cela étant, je souhaite également insister sur le fait qu’une règle, aussi contraignante soit-elle, ne saurait se substituer à une politique courageuse de réduction des déficits.

Mes chers collègues, il est important de ne pas renvoyer à 2017 l’objectif de l’équilibre budgétaire, comme l’a annoncé le Président de la République. Nous voulions initialement l’atteindre en 2016. Repousser cet objectif, c’est laisser progresser la dette et la charge des intérêts pendant une année encore, alors même que le remboursement de la dette est devenu notre premier poste de dépenses budgétaires.

Mme la présidente. Merci, monsieur le député !

M. Philippe Vigier. Seule la révision générale des politiques publiques, pour laquelle vous nous avez tant critiqués mais que vous reprenez à votre compte, permettra de moderniser l’État. Elle doit être amplifiée et accompagnée d’une révision générale des politiques locales.

Le groupe Union des démocrates et indépendants votera ce projet de loi de règlement des comptes et le prochain projet de loi de finances rectificative.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous allez tout voter, alors ?

M. Philippe Vigier. Nous soutiendrons, en effet, tout ce qui ira dans le sens de la modernisation de notre pays et de la lutte contre son désendettement, mais nous combattrons avec vigueur et vigilance tout ce qui le conduira dans l’impasse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. Je vous demande, mes chers collègues, de respecter le temps de parole qui vous est imparti.

La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, si le rapport de gestion pour 2011 nous permet d’évaluer la performance et la sincérité de la gestion de l’exercice passé, la fin de la législature nous invite et même nous oblige à analyser cette gestion sur l’ensemble de la période écoulée.

J’ai le souvenir du début de la législature précédente qui a conduit à une baisse de l’impôt sur le revenu. J’ai vu, cette année-là, mes impôts personnels baisser de 1 000 euros sur un total d’environ 5 000 euros pour un revenu net mensuel de 4 000 euros ; ce chiffre doit d’ailleurs vous rappeler quelque souvenir puisque celui qui allait devenir le candidat de la gauche à l’élection présidentielle, puis notre nouveau Président de la République, l’avait lancé dans le débat. La question était simple : à partir de quel niveau pouvait-on mieux et plus contribuer à la solidarité nationale ? Je m’étais senti personnellement concerné par ce chiffre de 4 000 euros et je m’étais posé la question : « Penses-tu que tu puisses, que tu doives payer plus d’impôts ? » La réponse que je me suis faite alors a été clairement « Oui. Je le peux, je le dois, et peut-être même je le veux, parce que j’ai la conviction que cet effort peut permettre de mobiliser des fonds vers le financement de l’emploi et un travail pour le plus grand nombre : notre priorité absolue. Ce serait, somme toute, un juste retour à l’équilibre après que trente années d’ultralibéralisme ont déplacé dix points de la richesse nationale du travail vers le capital ». En effet, vous le savez, le travail ne bénéficie plus, aujourd’hui, que de 57 % de la richesse nationale contre 67 % au début des années 80.

Alors, pourquoi a-t-on réduit mes impôts ? Je pouvais les payer, mon argent ne serait pas allé en Suisse, même si j’habite Besançon, à quelques dizaines de kilomètres seulement de la frontière. Je n’ai pas compris. Enfin si, plus exactement, j’ai compris que la pensée unique, celle qui fustige l’impôt, a fini par pénétrer toutes les consciences et toutes les réflexions. Cette pensée unique, figure de proue du néolibéralisme, a fini par annihiler tout sens du bien commun. Vous connaissez le discours et les slogans : l’impôt nuit à l’économie, l’impôt tue l’impôt et patati et patata…

Le plus triste, dans cette histoire, est que les plus modestes se sont faits les « complices » à leur insu de cette logique. Évidemment, quand vous avez des difficultés à boucler les fins de mois et que l’on vous propose de payer 100 ou 200 euros d’impôt en moins, vous ne dites pas non. Et vous oubliez, à cet instant, que votre effort de 100 ou 200 euros constitue un levier pour que d’autres, dont moi-même, paient 1 000 euros d’impôt supplémentaire et que d’autres encore contribuent de manière plus forte.

Cette stratégie bien connue consiste, pour briser les tentatives d’instauration d’un impôt et d’une contribution plus progressive et plus juste, à faire croire aux classes moyennes qu’elles vont être touchées. On doit faire le constat que le bourrage de crâne a fonctionné. Ça a marché ; il suffit parfois de consentir quelques menus avantages aux plus modestes pour qu’ils se fassent les alliés des plus fortunés. Même la gauche y a cru ; souvenez-vous, chers amis, combien, dans les années 90, il était difficile d’esquisser la moindre critique du libéralisme. Car il faut bien le dire, ce n’est pas seulement le bilan de la majorité Sarkozy qui doit être accablé, c’est surtout la logique néolibérale des années 80 dont elle a hérité et qu’elle a portée à son paroxysme.

Voilà comment les politiques libérales, en promettant croissance et emplois, conduisent en réalité au résultat inverse. Sciemment, elles détruisent l’emploi public et, par idéologie, elles contribuent à l’effondrement de l’emploi privé. On compte 700 000 chômeurs supplémentaires depuis 2007 et autant de personnes précipitées, comme des grains de sable au fond du sablier, dans la dépendance aux allocations de remplacement, au chômage ou au RSA, ce que certains appellent l’assistanat. Eh bien, si assistanat il y a, mesdames et messieurs de l’opposition, ce sont les tenants du libéralisme et les soutiens de l’UMP qui en sont les responsables.

Il ne faut pas nous laisser enfermer, chers amis de la gauche. Nous devons riposter et montrer où sont les vraies responsabilités ; désigner ceux qui ont fait preuve du plus grand laxisme vis-à-vis d’un système qui concentre les richesses, décriminalise la délinquance financière et abîme autant les hommes que la nature.

Dès lors, les libéraux, acculés, n’ont plus qu’une solution : diviser le pays, dresser les uns contre les autres : ceux qui travaillent et ceux qui cherchent un emploi ; les anciens et les jeunes ; la ville et la campagne ; les Français et les étrangers ; tenter enfin de faire porter à la gauche le poids de l’assistanat.

Il leur faut inventer des dispositifs censés faire croire que c’est l’UMP qui défend la valeur travail. Dorénavant – c’est le message qui nous a été asséné durant le précédent mandat et pendant les récentes campagnes électorales –, celles et ceux qui travailleront plus gagneront plus, grâce aux heures supplémentaires exonérées. Quant à ceux qui ne travaillent pas, puisque c’est leur faute et qu’ils l’ont bien mérité, ils devront des heures de travail à la collectivité en contrepartie de l’assistance qu’on leur accorde : 7 heures de travail en échange du RSA. Tel était le programme de l’UMP durant cette campagne.

C’est indigne au plan humain mais c’est aussi le signe d’une abdication politique totale de la part de celles et ceux qui détruisent l’emploi public – qu’ils associent au train de vie de l’État – et qui, par idéologie, laissent le libéralisme détruire l’emploi privé.

Arrêtons-nous un instant sur ce dispositif censé valoriser le travail : les heures supplémentaires exonérées. Nous ne contestons pas que l’exonération apporte globalement un revenu supplémentaire à un certain nombre de ménages, mais nous devons évaluer le dispositif dans son ensemble. Si le niveau de revenu complémentaire se limite en moyenne à 30 euros par mois, il peut atteindre 8 000 euros par an pour les 1 000 personnes situées dans la tranche supérieure des revenus, soit 10 000 euros par mois.

Chacun ici a bien compris que la majorité UMP avait décidé de faire de cette question l’un de ses chevaux de bataille – il y a là une clientèle électorale, 9 millions de personnes étant paraît-il concernées par les heures supplémentaires –, arguant que la gauche allait, par sa politique de remise en cause des exonérations, porter atteinte au pouvoir d’achat des classes moyennes.

Outre le fait que cette exonération n’a pas créé d’emplois nouveaux, ni même d’activité nouvelle, comme l’attestent les différents rapports, le dispositif d’exonération des heures supplémentaires est très critiquable par divers aspects.

Ainsi, Jean Mallot et Jean-Pierre Gorges ont montré qu’il avait constitué une entrave à la création d’emplois, même si nous avons bien conscience que la réduction des heures supplémentaires ne crée pas instantanément des emplois, notamment dans les petites entreprises. Par ailleurs, il a entraîné une dépense de l’ordre de 4,5 milliards par an, le creusement de la dette – 0,2 point du PIB, ce qui n’est pas négligeable par les temps qui courent – et une perte de recette pour les régimes de protection sociale. Ainsi, les heures supplémentaires dans l’éducation nationale ont coûté davantage que les économies tirées du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

D’autre part, ce système d’exonération porte atteinte au principe de la progressivité de l’impôt. Le slogan est devenu : « gagner plus pour payer moins », ce qui est particulièrement choquant. Ainsi, les 1 000 ménages les plus avantagés améliorent leur revenus de 8 000 euros par an, soit 8 %, alors que le gain moyen est de 250 euros par an, soit 0,3 % des revenus en masse.

Enfin, le système crée des injustices, non seulement entre bénéficiaires mais aussi à l’égard de celles et ceux qui, parce qu’ils sont aux 35 heures, n’ont pas accès aux heures supplémentaires et n’ont donc droit à aucune exonération. Quelle injustice !

J’interpelle les 9 millions de Français qui bénéficient de ces exonérations – à des niveaux très différents, on l’a vu. Sont-ils prêts à cautionner ce système injuste, qui alourdit la dette de l’État et de la sécurité sociale et qui empêche la création d’emplois ?

Bien entendu, la question de la dette imprégnera l’ensemble de nos réflexions. Aussi avons-nous la responsabilité de privilégier les activités qui auront le meilleur contenu en emplois et le plus faible impact sur le milieu naturel.

Je vous livre un exemple précis pour illustrer cette approche. Alors que l’argent public est rare et que des choix devront s’opérer, il convient de s’interroger sur le transfert d’une partie de nos moyens financiers des grands projets d’infrastructures vers le logement. Voilà un beau chantier, au cœur du développement durable, bénéfique à l’emploi local, bénéfique au plan social – il permet de maîtriser les dépenses liées à l’énergie –, et bénéfique à l’environnement. Sur ces trois critères, ce grand chantier – en réalité, une multitude de petits chantiers – apparaît bien plus performant que les grands projets d’infrastructures, dont le coût et l’utilité doivent être évalués, comme nous y invite fortement la Cour des comptes.

Nous devrons être particulièrement attentifs aux choix à opérer. Il est impératif de mieux prendre en compte l’impact du développement sur l’épuisement des ressources naturelles, le changement climatique, la perte de la biodiversité. Tôt ou tard, le bilan économique s’en ressentira. Cela a déjà commencé. Cela peut nous coûter très cher et creuser encore davantage notre dette. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de règlement revêt une importance particulière car il reflète la gestion des comptes publics de la précédente majorité de droite. Même si cela relève de l’évidence, nous devons, pour la clarté des responsabilités, le répéter : la droite est entièrement responsable de la gestion des comptes pour 2011. C’est pourquoi vous me permettrez d’évoquer la gestion de l’ancienne majorité et la politique menée depuis dix ans, plutôt que de présenter nos propositions, ce que je ferai dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques.

Il ne s’agira pas pour moi de m’en tenir à une analyse théorique mais de lire ce bilan à l’aune de ce que vivent les Français. Évoquer le passé permet de mieux préparer l’avenir : il faut connaître les erreurs qui ont été commises pour ne pas les répéter. Il est indispensable de se pencher sur les erreurs de gestion des comptes publics de la droite, vu la situation qui nous est léguée.

Celle-ci est bien plus dégradée que celle dont a hérité, en 2007, la précédente majorité de droite. Nous devons en effet supporter un déficit plus de deux fois supérieur à celui de 2006. Voilà une réalité que personne ne peut contredire !

Vous connaissez tous les chiffres. L’encours de la dette publique a doublé en dix ans, passant de 853 milliards d’euros à 1 717 milliards d’euros. Vous me permettrez de citer ici un célèbre personnage natif de Château-Thierry, le fabuliste Jean de la Fontaine, dont les vers sont plus que jamais d’actualité :

La cigale ayant chanté

Tout l’été

Se trouva fort dépourvue

Quand la bise fut venue :

Pas un seul petit morceau

De mouche ou de vermisseau. 

Oui ! À l’instar de la cigale, vous avez chanté, dix ans durant, et distribué vos nombreux cadeaux fiscaux financés à crédit.

Rappelons quelques chiffres que certains ont en tête, et que d’autres feignent d’ignorer. En 1993, lorsque M. Balladur est devenu Premier ministre, la dette de notre pays était de 44 % du PIB ; elle a été portée en 1997 à plus de 60 % ; la gauche plurielle l’a ramenée à 58,5 % en 2002 ; en 2007, elle est passée à 65,5 % ; elle atteint désormais, comme cela a été dit et répété, près de 90 % !

Non, cette dérive des comptes publics n’est pas uniquement le fait de la conjoncture économique, de la crise que nous n’ignorons pas. Mais la crise à elle seule ne peut tout expliquer et encore moins justifier les erreurs de gestion. Pour exemple, sur les 140 milliards de déficit en 2010, seuls 40 milliards étaient, selon la Cour des comptes, de nature conjoncturelle. Les 100 milliards restants provenaient d’un déficit structurel.

Le dernier quinquennat a été marqué par une volonté politique de faire des cadeaux à une clientèle bien ciblée et à sédentariser des impacts en matière de gestion des comptes publics. Je ne reviendrai pas sur le paquet fiscal de juillet 2007, puisque beaucoup a été dit et que des membres de la majorité d’hier reconnaissent en partie leurs erreurs.

La maîtrise des finances publiques était déjà une nécessité. Le rapport Pébereau de 2005 préconisait de « ne pas diminuer le niveau global des prélèvements obligatoires pendant la période de retour à l’équilibre ». Vous étiez avertis, mais vous avez fait fi de toutes les règles de bonne gestion, et vous nous laissez une situation des plus compliquées !

Qu’avez-vous donc choisi de faire au lieu de maîtriser les comptes publics ? Vous avez préféré réduire les impôts sur les successions et les donations dès 2007. Nous sommes contre cette politique quand elle amalgame toutes les situations sans faire de distinction. Nous, les radicaux de gauche, faisons la différence entre ceux qui héritent d’un patrimoine qui leur donne le privilège d’en être rentier jusqu’à l’indécence et ceux qui héritent d’un bien modeste, fruit du labeur de leurs parents, qui souvent leur coûte plus qu’il ne leur rapporte, mais dont la valeur est d’abord sentimentale parce que rattachée au souvenir des peines qui y sont liées.

Quand nous considérons que l’impôt sur les successions doit jouer un rôle primordial dans la réduction des inégalités, nous avons cela présent à l’esprit. L’objectif de tout État républicain est de réduire les inégalités de naissance, en privilégiant le mérite plutôt qu’une situation héritée. Le mérite doit l’emporter sur la rente, sans quoi toute société est vouée à péricliter, à se désagréger, à ne plus aller de l’avant et à ne plus innover.

Vous avez choisi d’introduire un bouclier fiscal, afin, comme vous nous l’avez vendu, « de ne pas travailler plus d’un jour sur deux pour l’État ». Vous avez reconnu un peu tard votre erreur, mais cette erreur a coûté cher et coûte toujours cher à l’État, donc aux Français.

Du reste, vous saviez pertinemment qu’il était impossible avec les seuls revenus du travail d’atteindre la limite du bouclier fiscal. Votre bouclier avait pour seul objectif de favoriser la rente !

Vous avez ensuite choisi de supprimer ce bouclier, mais avec comme contrepartie un allégement très important de près de 2 milliards d’euros de l’impôt de solidarité sur la fortune. Habile manœuvre politique pour détricoter l’ISF, que vous considérez comme un impôt obsolète.

Ce n’est pas notre vision à gauche et chez les radicaux de gauche. Répétons-le : l’ISF, en tant qu’impôt déclaratif avec des bases révisées annuellement, est un impôt moderne sur lequel nous nous appuierons pour bâtir un système fiscal plus juste et plus progressif, un système qui privilégie le travail au détriment de la rente ! Admettez, chers collègues de droite, que dans une période d’explosion des revenus du patrimoine, alléger l’ISF n’a pas été un choix très judicieux…

Je ne reviendrai pas sur toutes les décisions injustes socialement et inefficaces économiquement que vous avez prises lors de la précédente législature, tout le monde les connaît : allégements de charges sur les heures supplémentaires, TVA à taux réduit dans la restauration, hausse de la TVA…

Le rapporteur général, Christian Eckert, dans son rapport, pointe quatre mesures qui grèvent nos finances, quatre mesures qui prouvent votre difficulté à gérer sereinement un budget, quatre mesures qui ont accru fortement l’endettement public. Rappelons-les : la loi TEPA, votre boulet fiscal, pour un coût de plus de 11 milliards ; le taux réduit de TVA dans la restauration, pour plus de 3 milliards, avec une incidence minime en matière d’emplois ; la réforme de la taxe professionnelle, qui a coûté plus de 8 milliards en 2011 et qui pourrait entraîner une dépense de l’ordre de 7 milliards en régime de croisière.

Je demande à M. Mariton en quoi la réforme de la taxe professionnelle est une réussite. Pour l’investissement ? Je le souhaiterais. Pour l’emploi ? Je le souhaiterais aussi. Mais elle est un exemple de transfert de la fiscalité sur les ménages. Elle a étranglé les finances des collectivités territoriales. Les PME, les artisans et les commerçants se sont vu taxer avec la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Voilà la réalité sur la taxe professionnelle !

Quant à la réforme de l’ISF de 2011, elle ne devrait pas être équilibrée mais financée, une nouvelle fois, par une hausse de l’endettement.

Ainsi vous nous léguez une ardoise de plus de 20 milliards d’euros par an. Avouez-le, mes chers collègues, ce bilan n’est pas reluisant. Nos choix en termes de recettes ne seront pas les vôtres, et nous nous engageons à revenir sur vos mesures les plus injustes et les plus inefficaces.

En matière de dépenses publiques enfin, notre façon de faire ne sera pas non plus la vôtre. Vous avez pratiqué une gestion purement mécanique au détriment de toute vision politique et prospective. Très rarement ont été pris en compte dans vos paramètres de gestion les critères d’égalité devant le service public, d’égalité territoriale ou de cohésion nationale.

Ne vous en déplaise, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, l’héritage que vous nous laissez est en piteux état. Jamais dans l’histoire de la Ve République nos finances publiques n’avaient connu un tel état de délabrement !

Nous, radicaux de gauche, prendrons en compte la dimension humaine et territoriale dans nos choix de gestion des services publics et de la dépense publique. Nous savons en effet que, dans un contexte difficile, marqué par le chômage, la pauvreté, mais aussi par le recul du vivre-ensemble et de la fraternité, la cohésion sociale ne peut être maintenue que grâce à des mesures sociales justes.

Aujourd’hui plus que jamais, il faut donc demander plus à ceux qui ont beaucoup, pour donner plus à ceux qui n’ont pas grand-chose. Nous faisons confiance au nouveau gouvernement pour en finir avec l’héritage du passé, un héritage qui laisse peu de marges de manœuvre budgétaires et qu’aucun gouvernant n’aurait aimé trouver en accédant aux responsabilités. Le Parti radical de gauche et le groupe RRDP soutiennent donc son action avec force. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le texte qui nous intéresse cet après-midi nous permet de revenir sur l’échec de la politique budgétaire du précédent gouvernement et de la précédente majorité, car c’est bien de leur bilan qu’il s’agit. Notre rapporteur général Christian Eckert le rappelle avec plus de douceur, en soulignant que « l’apparente bonne gestion que le précédent gouvernement avait mise en relief doit être fortement relativisée » : c’est un euphémisme !

La réalité est têtue pour nos collègues de l’opposition : record de déficit public, record de dette publique, record de déficit commercial, croissance en panne, chômage en constante progression sont les signes de la véritable faillite d’une politique budgétaire et d’une politique économique et sociale qui ont abîmé la France durant cette dernière décennie. Et les conséquences en sont lourdes, avec un pouvoir d’achat en recul, la multiplication des défaillances d’entreprises et l’accroissement du nombre de nos concitoyens touchés par la pauvreté.

C’est également cette politique économique qui a conduit à la catastrophe de la désindustrialisation, en se fondant sur le mythe d’une économie sans industrie ou, comme le disait un grand patron au début des années 2000, de l’entreprise sans usine. La fameuse course à la compétitivité, doublée d’une soumission de l’économie réelle aux marchés financiers, aura été destructrice pour la production nationale, pour nos concitoyens et pour nos territoires.

Bien entendu, nos collègues de l’opposition ne manquent pas d’invoquer, voire de convoquer la crise comme témoin majeur de la défense. Or la crise, c’est d’abord la crise d’un système financier que les gouvernements européens n’ont cessé d’entretenir. Et puis, comme le souligne la Cour des comptes, la crise ne peut être appelée à expliquer le déficit de nos comptes publics que pour le tiers de la facture ! Les deux autres tiers sont des déficits structurels, avec cinq années où ces déficits auront été compris entre 3,3 % et 5 % du produit intérieur brut. La crise a donc bon dos pour justifier l’explosion de la dette publique de plus de 700 milliards d’euros.

Alors, en s’appuyant sur une situation budgétaire intenable, il est de bon ton de mettre en accusation le niveau des dépenses publiques et sociales de notre pays. Pourtant, le rapport de la Cour des comptes, tout comme le rapport produit en juillet 2010 par le président Carrez – alors rapporteur général – montrent qu’il ne s’agit pas d’un excès de dépenses mais bien d’un déficit de recettes.

Si l’on prend les chiffres de 2007 à 2011 pour les dépenses nettes, l’exécution budgétaire nous indique une progression de 21 milliards d’euros, soit une croissance de 7,7 %, du même niveau que l’inflation mais guère plus. Concernant les recettes nettes en revanche, sur la même période des cinq exercices budgétaires de la précédente législature, on constate une perte de 31 milliards d’euros, soit une diminution en euros constants de plus de 20 %, la loi TEPA étant l’élément emblématique et le plus injuste de cette diminution. Oui, c’est bien une perte de recettes organisée et orchestrée qui est à l’origine du déficit structurel et de la dette.

L’exécution du budget 2011 ne fait donc que confirmer l’échec d’une politique privilégiant les plus aisés et multipliant les niches fiscales et sociales inefficaces pour l’emploi, le développement, le service public, dont je rappelle que le total atteint 172 milliards d’euros !

Comme le disait Roosevelt : « Être gouverné par l’argent organisé est aussi dangereux que par le crime organisé. »

M. André Chassaigne. Excellent !

M. Nicolas Sansu. C’est de cette tyrannie des marchés financiers qu’il va nous falloir sortir, et l’examen de ce projet de loi de règlement pour 2011 nous montre que des chemins audacieux pour desserrer l’étau des marchés financiers n’ont pas été explorés. La majorité de gauche, qui a aujourd’hui tous les pouvoirs dans le pays, devra s’y atteler.

Je pense d’abord à l’épineuse question de l’évasion fiscale, estimée selon les travaux actuels du Sénat entre 30 et 50 milliards d’euros, et face à laquelle le fatalisme ne pourra servir de boussole.

Il est ensuite nécessaire de remettre à plat les mesures dérogatoires déclassées en 2006, le régime des sociétés mères-filles, le régime d’intégration fiscale des groupes et la taxation au taux réduit des plus-values à long terme provenant des cessions de titres de participation. Le poids de ces mesures, selon le Conseil des prélèvements obligatoires, atteint 71 milliards d’euros.

Enfin, il y a le problème de la charge des intérêts financiers de la dette, qui représente plus de 50 milliards d’euros en 2011. Nous avons à réfléchir sur la pertinence de nos outils de financement.

Rappelons-nous que c’est par une loi « Pompidou-Giscard » du 3 janvier 1973, confirmée par une loi du 4 août 1993 – drôle de restauration des privilèges… – que le choix a été fait de mobiliser la force de l’État pour promouvoir le marché financier et soutenir les opérations financières des banques ordinaires. En pratique, cela signifie qu’on interdit à la République française l’accès direct à la création monétaire de la Banque centrale, en l’obligeant à emprunter auprès des banques privées sur les marchés d’obligations, à des taux d’intérêt qui dépendent de la conjoncture.

Cette règle, aujourd’hui européenne, conduit au paradoxe d’une politique budgétaire très restrictive, doublée d’une politique monétaire laxiste… mais laxiste en faveur des banquiers. Il n’y a que les établissements bancaires pour obtenir 1 000 milliards d’euros à un taux d’intérêt de 1 %, alors que l’inflation est à 2,5 % dans la zone euro. C’est ainsi qu’ils reconstituent leurs marges pour redistribuer des bonus aux traders et aux dirigeants. Quelle triste réalité ! Au passage, notons que l’injection de ces 1 000 milliards d’euros, qui représentent 11 % du PIB européen, n’a même pas réussi à faire sortir la tête hors de l’eau à une zone euro qui s’enfonce dans la crise.

Nous aurons l’occasion de revenir à cette question majeure du financement public, et nous saluons évidemment le pas en avant qui a pu être réalisé avec l’annonce d’une Banque publique d’investissement, car il faut sortir des griffes des marchés financiers.

Même si, aujourd’hui, d’aucuns se glorifient d’emprunts à taux négatif à trois ou six mois – donc à très court terme –, n’oublions pas que la volatilité des marchés et leurs critères sont très déstructurants pour notre économie réelle. La une des Échos de ce jour est édifiante : en même temps qu’elle annonce ce record d’emprunt à taux négatif, elle annonce le record du nombre de défaillances de PME. En effet, comme le dit l’adage, nul ne peut servir deux maîtres à la fois. Soit les politiques publiques sont au service des peuples, soit elles sont au service des rentiers. Force est de constater que l’ancien gouvernement et l’ancienne majorité avaient fait le choix de la rente contre l’emploi, le choix de la rente contre la justice, le choix de la rente contre la solidarité !

Si, techniquement, nous ne pouvons que donner quitus sur l’exécution budgétaire 2011, ce sont les choix structurels qu’il faut remettre en cause, et les élus du Front de gauche du groupe de la Gauche démocrate et républicaine seront pleinement mobilisés pour réussir cette transformation aussi radicale que nécessaire.

Nous serons demain, messieurs les ministres, une force de proposition pour une refonte globale de la fiscalité qui la rende plus progressive et qui traite le capital et le travail de manière équivalente, afin que les dépenses publiques et sociales soient préservées au bénéfice d’abord des classes modestes et des classes moyennes. Car si l’argent public est rare, comme je l’ai entendu, l’argent privé, lui, ne l’est pas, et nous démontrerons, lors des débats à venir, que le monde n’a jamais été aussi riche.

Nous serons une force de proposition pour que les collectivités locales, bien malmenées depuis cinq ans, retrouvent le dynamisme qui permet de porter localement le service public et l’investissement public. Le chemin de l’austérité pour les finances locales serait en effet destructeur.

Nous serons une force de proposition pour que la tyrannie des marchés financiers, qui s’opère au détriment des peuples – et on en voit les conséquences chez nos voisins, mais aussi en France –, soit réellement mise à genoux.

L’urgence sociale, l’urgence économique, qui sont plus prégnantes que jamais, exigent que des mesures inédites de relance, de nouveaux modes de financement, de nouvelles règles européennes soient mises en œuvre.

Au nom des députés du Front de gauche du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je peux vous assurer que nous prendrons toute notre part à ce débat public, dans le seul intérêt de notre pays et de nos concitoyens.

Conformément aux votes du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sur la loi de finances initiale et les différentes lois de finances rectificatives de 2011, nous nous prononcerons contre le texte qui nous est présenté, même si nous savons qu’il ne s’agit que d’un document d’exécution. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Thévenoud.

M. Thomas Thévenoud. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi de règlement est l’occasion pour nous d’arrêter les comptes de la nation pour l’année 2011, tout au long de laquelle a sévi la précédente majorité. C’est aussi l’occasion pour la représentation nationale de porter son regard sur la politique fiscale menée depuis cinq ans, avec pour triste résultat ce bilan de l’année 2011, dont nous héritons.

L’ancienne majorité nous laisse en héritage une montagne de dettes et un boulet budgétaire qu’il nous faut tirer derrière nous. En effet, jamais la France n’avait atteint un tel niveau d’endettement public, avec 1 800 milliards d’euros, soit 650 milliards d’euros de plus en cinq ans.

Le responsable de cette politique a un nom : celui de l’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy. Jérôme Chartier a eu raison de lui rendre hommage, car nous avions l’impression, depuis quelque temps, qu’il ne fallait plus prononcer son nom. Celui qui jusqu’au 6 mai dernier a occupé tous les postes, saturé tous les écrans, fait oublier tous ses ministres, semblait bizarrement avoir disparu de notre histoire contemporaine. Or le sarkozysme fiscal et le sarkozysme budgétaire ont bel et bien existé ; ils ont eu pour noms injustice, incohérence et impuissance.

Inutile de revenir longuement sur le caractère injuste de la politique fiscale menée pendant cinq ans. Le bouclier fiscal aura coûté plus de 4 milliards d’euros aux Français depuis 2007, et il a continué de priver l’État de 800 millions d’euros en 2011, année où le fisc a remboursé en moyenne 370 000 euros aux 1 200 foyers les plus fortunés.

Le paquet fiscal, c’est aussi l’allègement des droits de succession et celui de l’ISF. Coût total pour 2011 : 2 milliards d’euros.

C’est enfin la multiplication des niches fiscales qui, malgré les discours, ont atteint le nombre inédit de 504.

Incohérence, c’est le deuxième nom que porte la politique budgétaire de Nicolas Sarkozy. En 2005-2006, la France et l’Allemagne avaient un niveau de déficit équivalent. Le décrochage s’effectue en 2007, avec les premières mesures du paquet fiscal, qui s’effectuent à contretemps de l’activité économique. Résultat : en 2007, le déficit public en France atteint 2,7 % du PIB, tandis qu’il n’est que de 0,2 % en Allemagne.

Cette politique devait créer un choc de croissance : ce fut un flop ! Elle devait contribuer à faire revenir les exilés fiscaux : ils ne sont pas revenus. Elle devait préparer l’avenir : elle a désarmé durablement l’État et l’a privé de recettes qui lui auraient été bien utiles pendant la crise.

Impuissance, c’est le troisième nom que porte la politique budgétaire que la précédente majorité a menée pendant cinq ans. Avec une telle politique, la France a été impuissante à contrecarrer les effets de la crise. Malgré le plan de relance, le chômage a explosé, 750 000 emplois industriels ont été perdus, notre appareil productif est exsangue, notre balance commerciale enregistre un déficit record.

Voyant l’ampleur des déficits, Nicolas Sarkozy a décidé en 2011 – la loi de règlement en témoigne – de faire feu de tout bois pour qu’on le croie vertueux en matière budgétaire. Il a relevé les impôts tous azimuts, amplifié une RGPP toujours aussi inefficace, créé une TVA sociale devenue soudainement indispensable, alors que le même Nicolas Sarkozy expliquait en 2004 devant la commission des finances du Sénat que la TVA sociale pénaliserait la croissance en France si elle était mise en œuvre.

La vérité, c’est qu’à partir de 2011 Nicolas Sarkozy a mené une politique d’augmentation des impôts pour donner le change à des marchés et des agences de notation qui avaient déjà pris la main dans notre pays. En raison de l’explosion de la dette, la politique de Nicolas Sarkozy a réduit notre pays à la défensive, face au pouvoir de la finance.

Au-delà de l’explosion de l’endettement, nous avons assisté pendant cinq ans à une perte de compétitivité, de crédibilité et de souveraineté de notre pays. Voilà l’héritage auquel nous devons faire face ! À nous maintenant de redresser l’économie et les finances de la France dans la justice. Cela nécessite des efforts, mais aussi la mobilisation de tous les acteurs économiques et sociaux dont la conférence sociale, organisée hier et aujourd’hui, est la première étape. Voilà notre ligne de conduite pour en finir avec l’héritage que nous a laissé l’ancienne majorité et que sanctionne durement la loi de règlement pour 2011 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Madame la présidente, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les députés, Pierre Moscovici a dit que la droite n’avait « rien foutu » pour réduire les déficits. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est à croire qu’il n’a pas lu la loi de règlement qui nous est présentée aujourd’hui. Car elle montre qu’en 2011, nous avons réduit le déficit de 148 milliards d’euros à 90 milliards d’euros.

M. Jean Launay. Il était temps, après l’avoir monté au pinacle !

Mme Valérie Pecresse. La loi de règlement dit aussi que nous avons fait beaucoup mieux que nos engagements européens puisque nous nous étions engagés à ramener le déficit à 5,7 % et que nous avons atteint 5,2 %. Messieurs les ministres, connaissez-vous une autre année budgétaire depuis 1945 au cours de laquelle on a réduit le déficit de l’État de 58 milliards d’euros ?

M. Jean Launay. Et depuis Mathusalem ?

Mme Valérie Pecresse. Vous avez raison, monsieur le député, on pourrait peut-être remonter jusqu’à Mathusalem ! (Sourires.)

La loi de règlement montre encore que la double norme de maîtrise des dépenses zéro volume, zéro valeur a été scrupuleusement tenue. En français, cela veut dire qu’en 2011, les dépenses de fonctionnement sont restées stables. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, connaissez-vous une autre année depuis 1945 où les dépenses de l’État ont ainsi été gelées en valeur ?

La loi de règlement constate enfin que le nombre de fonctionnaires a davantage diminué en 2011 qu’en 2010. Connaissez-vous, messieurs les ministres, une autre année depuis 1945 où le nombre de fonctionnaires de l’État a été aussi fortement réduit ?

Vous dites que nous n’avons rien foutu ; pour ma part, je ne connais pas d’année où un gouvernement a fait autant qu’en 2011 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Baert. Autant de dégâts, ça c’est vrai !

Mme Valérie Pecresse. Le gel des dépenses, la baisse du nombre des fonctionnaires, la baisse historique des déficits, c’est aussi mon bilan, et j’en suis fière.

Avec le rapport de la Cour des comptes, vous avez voulu, messieurs les ministres, nous faire le coup de l’héritage. Eh bien, cette manœuvre a fait flop !

M. Dominique Baert. Avant, ça faisait pschitt !

Mme Valérie Pecresse. Car qu’est-ce que l’héritage de l’année 2011 ? Pour 2011, le vrai bilan de Nicolas Sarkozy et de François Fillon, c’est une croissance plus forte en France que dans les autres pays d’Europe – 1,7 % contre 1,6 % –, c’est…

M. Dominique Baert. Une dette explosive !

Mme Valérie Pecresse. …un pouvoir d’achat qui a continué d’augmenter.

M. Dominique Baert. Un plus grand nombre de pauvres !

Mme Valérie Pecresse. Et si, aujourd’hui, nous avons des taux historiquement bas, ce dont le Gouvernement se félicite à juste titre, c’est peut-être parce que la situation financière qui vous a été léguée n’est pas si mauvaise que cela, messieurs les ministres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Baert. Non, c’est parce que nous sommes maintenant aux affaires !

Mme Valérie Pecresse. Enfin, l’économie française est solide et le pacte budgétaire que Nicolas Sarkozy avait négocié avec Mme Merkel rassure les investisseurs.

Voilà la vérité de notre héritage. Il n’y a pas d’ardoise cachée. Il n’y en a pas plus en 2011 qu’en 2012. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Cour des comptes.

La Cour parle de 1,2 à 2 milliards d’euros d’aléa en dépenses : c’est beaucoup moins que les années précédentes. De plus, cet aléa est limité car il est couvert trois fois par la réserve de précaution.

S’agissant du contentieux européen sur les OPCVM, vous savez comme moi, monsieur Cahuzac, que la représentation nationale était parfaitement informée. Encore une fois, ce n’est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes, qui constate qu’une provision de 6,3 milliards d’euros avait été inscrite dans la comptabilité de l’État pour y faire face.

Quant à notre prévision de croissance pour 2012, qui a été mise en cause ici, elle correspondait au consensus des économistes en janvier, et vous aviez la même avant que la situation économique mondiale ne se dégrade.

Il n’y a pas d’ardoise cachée, mesdames et messieurs les députés. En revanche, il y a une facture cachée ! Et cette facture cachée, ce sont les 20 milliards d’euros de dépenses que M. Hollande a engagées depuis qu’il a été élu Président de la République. C’est la facture des promesses électorales de ce gouvernement. En quelques semaines, ces promesses vont se transformer en une longue addition fiscale pour tous les Français, y compris les plus modestes !

Je vous en donne la liste.

Revenir à la retraite à soixante ans pour certains, c’est augmenter pour tous les cotisations retraite qui pèsent sur les salaires.

Supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires, c’est priver 9 millions de Français de 500 euros par an.

M. Guy Geoffroy. Bravo, mesdames et messieurs de la majorité !

Mme Valérie Pecresse. Augmenter de douze points le forfait social sur la participation et l’intéressement, c’est ôter 2,3 milliards d’euros de pouvoir d’achat à près de 10 millions de salariés.

M. Guy Geoffroy. Encore bravo !

Mme Valérie Pecresse. Enfin, renoncer à réduire le nombre de fonctionnaires, c’est dire à tous que leur pouvoir d’achat va baisser dans les cinq années qui viennent.

Alors, 7,2 milliards d’euros, c’est un premier acompte. La vraie facture du Gouvernement arrivera à l’automne. Les Français sont prévenus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je commencerai par dire à Mme Pecresse que, contrairement à ce qu’elle pense, M. Moscovici a eu parfaitement raison de dire que la droite n’avait rien fait pour réduire les déficits, comme le montre d’ailleurs le rapport de la Cour des comptes qui soutient l’analyse de cette loi de règlement. 

Vous nous dites avoir considérablement réduit le déficit en 2011. Certes, le déficit de l’État passe de 148,8 milliards à 90,7 milliards. Mais, dans le déficit de 2010 – nous en avons longuement discuté à l’époque –, il y avait 30 milliards de déficit fictif, c’est-à-dire d’investissements dits « d’avenir » pour lesquels 30 milliards étaient inscrits au budget, alors qu’un seul a été dépensé. Évidemment, sans ces investissements d’avenir, le déficit baisse déjà de 30 milliards.

Ce n’est pas tout. Il y avait un plan de relance, qui a disparu ; il y avait des mesures transitoires qui ont servi à réduire le déficit. Ainsi, lorsque la Cour des comptes joue son rôle, elle conclut qu’il ne s’agit pas d’une réduction de 59 milliards du déficit en 2011, mais seulement d’une réduction de 10 milliards du déficit structurel.

Je citerai un autre chiffre : le déficit des administrations publiques en 2011 s’élève à 5,2 %. Et Mme Pecresse de crier au miracle puisqu’il s’élevait à 7,1 % l’année précédente ! La Cour des comptes fait son travail, décompose ce qui relève de mesures transitoires de ce qui est une véritable réduction du déficit. Que trouve-t-elle ? Il y a seulement une réduction du déficit structurel de 0,8 point. Ce n’est pas un exploit ! C’était simplement nécessaire quand on sait que, pendant cinq ans, le déficit structurel de la France est resté supérieur à 3 %, ce qui ne s’était jamais vu dans l’histoire.

Cette réduction de 0,8 % du déficit structurel, on pourrait se dire, à vous écouter, Mme Pecresse, qu’elle a consisté en des réductions de dépenses ou au moins en une maîtrise des dépenses. Eh bien non ! Elle ne résulte que de la hausse des prélèvements. Car vous tenez de beaux discours, mais vous avez été les champions de la hausse des prélèvements ! Vous avez inventé une trentaine d’impôts et vous aviez prévu d’augmenter encore la TVA – nous allons d’ailleurs abroger cette mesure. Vous avez même failli à une époque taxer les poissons, les crustacés et les mollusques, si l’Europe ne vous en avait pas empêchés ! Ce qui est certain, c’est que, comme le dit la Cour des comptes, la réduction structurelle des dépenses a été nulle en 2011. Voilà la réalité !

Mais prenons un peu de recul et revenons au déficit de 5,2 % en 2011. Certes, il y a eu la crise. Mais tous les pays européens l’ont traversée, comme l’Allemagne, notre premier partenaire. Or le déficit de l’Allemagne est de 1 % en 2011 et celui de la zone euro de 3,8 %. Pourquoi ? Quand on observe les graphiques de la Cour des comptes ou du rapport du rapporteur général, on constate un extraordinaire parallélisme de l’évolution des déficits sur la période 2007-2011. Cela permet de comprendre que si la France est à 5,2 % quand l’Allemagne est à 1 %, c’est parce qu’elle a abordé la crise, à l’été 2008, avec un déficit de ses finances publiques de plus de 3,3 %, alors que l’Allemagne était revenue à 0 %. Et c’est cette dérive que nous retrouvons aujourd’hui.

En 2007, à l’époque où tous les pays européens réduisaient leur déficit et où l’Allemagne ramenait le sien à zéro, que faisait la France ? Elle s’offrait un paquet fiscal de 15 milliards d’euros ! Cela se traduit aujourd’hui encore dans nos comptes par 11 milliards parce que, entre-temps, vous avez – heureusement ! – supprimé un certain nombre de mesures absurdes et injustes qui y figuraient. Cela étant, il en reste encore beaucoup. Et pendant que vous agissiez ainsi, les autres pays européens réduisaient leur déficit.

Si la France est dans cette situation calamiteuse, c’est parce qu’au moment où il fallait réduire les déficits, c’est-à-dire quand la croissance était là, vous les avez laissés dériver. Le résultat est là : quand on observe ce qui se passe chez nous et chez nos partenaires, on constate que la dette continue à exploser en France, où elle a augmenté de 3,7 points en 2011 alors que, dans six États européens, et notamment en Allemagne, elle se réduit.

En 2005, l’Allemagne avait un déficit supérieur à celui de la France, avec 3,5 % du PIB ; elle avait aussi une dette supérieure à celle de notre pays. Aujourd’hui, l’Allemagne, avec un déficit de 1 %, a réduit sa dette, qui est inférieure à la nôtre. Voilà la réalité de nos comptes !

On observe que la France est quasiment le seul pays européen à avoir un solde primaire aussi fortement déficitaire. Vous me direz : « Cela a été pire ! On a réduit ce déficit ! » Oui, cela a été pire ! En 2009, le gouvernement précédent finançait la moitié des dépenses du budget général par l’emprunt, ce qui ne s’était jamais vu dans notre histoire.

M. Dominique Baert. C’est vrai !

M. Pierre-Alain Muet. Aujourd’hui, certes, vous en financez ainsi une moindre partie : tous les intérêts de la dette, toutes les charges d’intérêts, et une fraction des dépenses courantes. Alors, c’est vrai, c’est mieux que cela n’a été ! Cela n’en reste pas moins une situation catastrophique.

Il n’y a pas que les chiffres de la dette et des déficits. S’agissant des mesures fiscales appliquées depuis cinq ans, voire dix, je me reporte à l’excellent rapport de notre rapporteur général, et je vous invite à consulter le rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques à la page 5, qui donne le détail des augmentations et des baisses d’impôts de 2002 à 2011.

Les cotisations sociales ont fortement augmenté – de 0,6 point de PIB ; la CSG et la CRDS ont, quant à elles, augmenté de 0,4 point ; les impôts sur les salariés et la main-d’œuvre de 0,4 point également. En revanche, l’impôt sur les sociétés a baissé de 0,4 point de PIB, ainsi que l’impôt sur le revenu.

Au regard de ces chiffres, qui reflètent l’état actuel de nos impôts, on constate que vous avez continué à multiplier les niches fiscales et sociales, à faire en sorte que l’impôt sur le revenu se réduise comme une peau de chagrin et que l’impôt sur les sociétés soit mité par de nombreuses niches. La conséquence, c’est que l’impôt sur le revenu, aujourd’hui, a « rétréci » – c’est la moitié de la CSG – et qu’il est devenu dégressif pour les très hauts revenus. Au commencement de l’échelle, pour les seuls revenus salariaux, le taux de fiscalité effective augmente. Mais lorsqu’on arrive aux contribuables aisés qui perçoivent beaucoup de revenus du capital, c’est une baisse du taux d’imposition que l’on observe. Le taux effectif d’imposition des mille plus hauts revenus, qui devrait avoisiner 40 % – la tranche marginale étant aujourd’hui à 41 % – n’est que de 25 %. Et quand on monte encore plus haut et qu’on prend les dix plus hauts revenus, c’est moins de 20 %.

Pourquoi ? Parce que notre impôt est mité par une série de niches fiscales qui le rendent profondément injuste. Alors oui, il y aurait besoin d’une réforme radicale ! D’une certaine façon, elle est amorcée par le collectif budgétaire, dont les premières mesures consistent non à inventer des impôts supplémentaires, comme vous l’aviez fait en votant la hausse de la TVA, que nous allons annuler, mais à supprimer les dispositifs injustes et inefficaces que sont les niches.

M. Guy Geoffroy. Comme l’exonération des heures supplémentaires ?

M. Pierre-Alain Muet. C’est la seule façon de réduire le déficit sans peser sur la croissance.

Il en va de même de l’impôt sur les sociétés. On pense couramment que toutes les sociétés, en France, paient 33 % d’impôt sur les sociétés puisque c’est le taux ; oui, c’est le taux théorique, celui qui s’applique aux PME, mais pas du tout celui qui s’applique aux grandes entreprises ; au-delà de 2 000 salariés, le taux effectif n’est que de 12 %, et encore plus haut dans l’échelle, pour les sociétés du CAC 40, ce n’est plus que 8 %. Pourquoi ? Parce que, là aussi, l’impôt est complètement mité par des niches fiscales.

Les premières mesures de justice et de redressement consisteront donc à réduire les injustices en réduisant les niches. Et puisque j’arrive à la fin de mon temps de parole, je me contenterai de dire une seule chose : avec cette loi de règlement, nous tournons la page de la politique injuste, inefficace et irresponsable menée ces dernières années, qui a conduit notre économie dans la situation où elle se trouve. Ce sera le rôle de ce gouvernement et de cette majorité de redresser notre pays dans la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Il y a du boulot !

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas bien parti !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Mancel.

M. Jean-François Mancel. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, la loi de règlement n’est pas généralement une loi qui passionne. Il faut sans doute être en début de législature, avec un changement de majorité, pour qu’elle intéresse réellement. En tout cas, nous, membres de la majorité précédente, elle nous intéresse beaucoup car elle dit des choses essentielles.

La première, c’est qu’il n’y a pas d’ardoise cachée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) M. Moscovici en avait rêvé, M. Cahuzac a essayé de la trouver et ni l’un ni l’autre n’y sont parvenus.

M. Dominique Baert. Il reste les intérêts de la dette !

M. Jean-François Mancel. C’est un point essentiel, car le rapport commandé à la Cour des Comptes avait à l’évidence pour but de vous permettre de dénoncer un héritage extraordinairement négatif. Peine perdue, objectif totalement raté ! Et vos circonvolutions en ce sens n’ont fait que confirmer qu’en l’occurrence vous n’aviez vraiment pas eu de chance et que nous avions bien travaillé.

M. Jean-Paul Bacquet. Il n’y a pas pire !

M. Jean-François Mancel. La deuxième chose que montre cette loi de règlement, c’est que le solde budgétaire pour 2011 s’élève finalement, en exécution, à – 90,7 milliards, c’est-à-dire 4,6 milliards de moins que la dernière rectification apportée à la loi de finances. Nous sommes le seul pays d’Europe dans ce cas en 2011 et c’est la première fois, depuis soixante ans, que la France parvient à baisser ses dépenses publiques. Ce budget 2011 est un moment historique qu’il faudra conserver en mémoire.

M. Dominique Baert. C’est sûr ! Toujours dans la demi-mesure, monsieur Mancel !

M. Jean-François Mancel. Pour mettre tout le monde d’accord sur ce point, il suffit de reprendre une brève citation de la Cour des comptes tirée de ce fameux rapport du 2 juillet : « L’année 2011 amorce une trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques. Les objectifs relatifs aux prélèvements obligatoires et aux dépenses publiques inscrits dans la loi de programmation ont été respectés et le déficit public a été sensiblement réduit. »

M. Guy Geoffroy. Tout est dit !

M. Jean-François Mancel. Je crois qu’en l’occurrence, la Cour des comptes, dont le Premier président est un prédécesseur de M. Cahuzac lorsqu’il présidait la commission des finances, a fait preuve d’une impartialité incontestable et apporté les réponses que nous attendions, nous qui avions conscience d’avoir bien agi.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Jean-François Mancel. Cette loi de règlement montre aussi que, malgré la crise, qui était déjà présente et qui l’est encore aujourd’hui, malgré l’approche d’une campagne électorale que nous savions difficile, nous avons fait preuve, nous majorité, avec notre gouvernement et avec le Président de la République, Nicolas Sarkozy, d’un réel sens de l’intérêt national et que nous avons eu le courage, en cette veille d’élections, d’entamer concrètement le chemin du redressement de nos finances publiques, seul moyen de relancer la croissance et l’emploi.

Nous pouvons hélas craindre, chers collègues de la nouvelle majorité, que vous ignoriez délibérément, au détriment de nos compatriotes, les objectifs que nous nous étions fixés dans ce budget 2011. Nous en discuterons tout à l’heure, lors du débat d’orientation budgétaire pour 2013 ; à l’issue de ce débat sur la loi de règlement, nous pouvons considérer simplement, mes chers collègues de la majorité précédente, nous qui avons été des soldats de cette majorité auprès du Président de la République et du gouvernement…

M. Jean-Paul Bacquet. Des godillots !

M. Jean-François Mancel. Nous pouvons considérer tout simplement que nous avons bien agi pour la France et pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, dernier orateur inscrit.

M. Laurent Grandguillaume. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il faut rappeler d’abord le contexte dans lequel le budget auquel s’applique cette loi de règlement a été exécuté, et notamment le contexte économique de l’année 2011 : une croissance du PIB de 1,7 % au lieu des 2 % prévus, une inflation repartie à la hausse à 2,1 % et une nouvelle baisse du pouvoir d’achat.

À propos de pouvoir d’achat, ceux qui veulent nous donner des leçons sont précisément ceux qui sont à l’origine de cette baisse. Avec vous, en effet, messieurs, les spéculateurs se sont enrichis en dormant pendant que les travailleurs se sont appauvris en travaillant ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Le taux de chômage a fortement augmenté, vous nous avez d’ailleurs laissé une nouvelle facture de gaz – je vous renvoie à l’actualité. Et je crois que cette répétition de crises – crise sociale, crise économique, crise financière, crise écologique – est le signe du mal profond dont souffre notre pays, mais aussi toute l’Europe.

Le contexte budgétaire de l’année 2011 a été bien sûr la crise de la dette souveraine, avec la mise en place de prêts complémentaires à la Grèce et le renforcement des mécanismes de stabilisation. Mais en 2011, nous avons connu quatre lois de finances rectificatives marquées par l’injustice, qui sont venues modifier les prévisions initiales. C’est le signe de l’impréparation budgétaire, de l’improvisation financière, tout comme les artifices budgétaires en matière de dépenses, qui ne nous ont pas trompés.

La situation du budget de l’État reste en effet très dégradée, avec un déficit plus de deux fois supérieur à celui de 2006. Or, une France endettée, c’est une France dépendante du pouvoir financier. Avec la loi de règlement, c’est l’heure des bilans, mais aussi des choix.

Le gouvernement Fillon, c’est une tragédie budgétaire qui s’est jouée en deux actes. Le premier a eu lieu le 21 septembre 2007, quand la dette française était inférieure à 1 200 milliards d’euros. François Fillon déclara alors : « Je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite sur le plan financier. » MM. Raffarin, de Villepin et Sarkozy ont certainement apprécié cette formule accusatrice, car c’était aussi leur bilan.

Le second acte s’est joué en 2011. Comme le montre la loi de règlement, le déficit est resté à un niveau très élevé : 5,2 % du PIB. En 2012, avec 600 milliards d’euros de dette supplémentaires, soit une hausse de près de 90 % du PIB, supérieure à la moyenne de l’Union européenne ou de la zone euro, votre bilan, c’est bien l’abysse budgétaire. La dette publique française atteint désormais plus de 1 700 milliards d’euros, soit 27 523 euros par habitant.

M. Dominique Baert. Eh oui !

M. Laurent Grandguillaume. La France doit verser plus de 50 milliards d’euros à ses créanciers pour honorer les seuls intérêts de sa dette ! C’est le résultat de dérapages incontrôlés en matière fiscale.

Vous avez pris le tournant de l’austérité pour nous mener droit dans le mur de la dette. Vous avez choisi d’augmenter les niches et les exonérations fiscales, qui représentent 70 milliards d’euros et bénéficient aux plus fortunés. C’est le résultat de la politique irresponsable d’aggravation des déficits pendant cinq ans. Vous avez amputé les recettes de 22 milliards d’euros en 2011. Le taux de couverture des dépenses par les recettes est de 69 %, contre 85,9 % en 2007. L’effondrement absolu des recettes budgétaires, notamment des recettes fiscales, ne peut être attribué à la seule crise économique. Il est donc plus que légitime de préserver nos recettes, tout en maîtrisant nos dépenses, et de procéder à une réforme fiscale juste.

En effet, nous voulons le retour de la justice face aux privilèges fiscaux, de la raison face au hasard budgétaire, de la prudence et du sérieux budgétaires face à la gesticulation. Il faut sortir de cette ère de la glaciation.

Le résultat de cette politique d’austérité, c’est un million de chômeurs en plus, plus de 700 000 emplois industriels supprimés, un commerce extérieur déficitaire de 75 milliards d’euros, un taux de croissance en berne, une baisse du pouvoir d’achat et la casse du service public. Et pour 2012, vous avez gonflé les prévisions de croissance, programmé des recettes fictives et prévu des dépenses non financées.

Comme le disait si bien Pierre Mendès France (Exclamations sur les bancs du groupe RRDP), ici dans cette assemblée, « il n’y a pas de remise en ordre valable sans remise au travail, pas d’équilibre concevable sans expansion ». Eh bien, il nous appartient désormais de rétablir l’équilibre des comptes publics.

M. Guy Geoffroy. C’est mal parti !

M. Laurent Grandguillaume. Il nous appartient de restituer à la France sa prospérité, son rang et les moyens d’accomplir sa mission dans l’intérêt de la nation. Pensons à la jeunesse, anxieuse, dont le destin est aujourd’hui le véritable enjeu de nos débats et de nos actions ! Pensons à notre pays, qui est inquiet et qui nous juge ! Avec la nouvelle majorité que nous incarnons, le redressement se fera dans la justice.

M. Dominique Baert. Très bien !

M. Laurent Grandguillaume. La seule règle d’or qui vaille est celle de la justice, de la sauvegarde de notre modèle républicain, de la pérennité de notre système social et du redressement économique pour l’emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.).

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles du projet de loi.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à Monsieur Régis Juanico, inscrit sur l’article.

M. Régis Juanico. Je voulais mettre à profit l’examen de l’article 1er pour répondre à Mme Pecresse, mais elle vient de quitter l’hémicycle…

M. Christian Jacob. On lui transmettra !

M. Régis Juanico. Ce projet de loi de règlement nous montre à quel point la situation des finances publiques est dégradée, ce qui sera un lourd héritage. Mais, contrairement à ce que Mme Pecresse a dit, nous ne cherchons pas d’ardoises cachées car le règlement des comptes de 2011 atteste que les ardoises sont parfaitement visibles.

Celle de la dette, d’abord : 1 700 milliards d’euros fin 2011, l’ardoise a doublé en cinq ans.

L’accumulation de cinq ans de déficits structurels, ensuite, qui porte la charge des intérêts de la dette à plus de 50 milliards d’euros pour l’État, dont c’est aujourd’hui le deuxième poste budgétaire, ce qui réduit considérablement les marges de manœuvre budgétaires, financières et donc politiques du nouveau gouvernement.

L’ardoise, c’est encore la surestimation des prévisions de croissance et de recettes, entre 6 et 10 milliards d’euros pour 2012 d’après le rapport de la Cour des comptes, sans compter les dépenses non financées et les contentieux sous-provisionnés.

Enfin, l’ardoise dont nous héritons, ce sont les recettes manquantes : 22 milliards d’euros pour la seule année 2011, en raison de nombreux cadeaux fiscaux, du paquet fiscal en particulier, qui a coûté 11 milliards d’euros l’an dernier.

Ainsi, les ardoises ne sont pas cachées, mais bien visibles, elles sont devant nous. La tâche du nouveau gouvernement et de la nouvelle majorité va donc être de restaurer des marges de manœuvre financières pour pouvoir financer nos politiques. Ce sera l’objet, tout à l’heure, du débat d’orientation des finances publiques.

M. Guy Geoffroy. En matraquant les classes moyennes !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Rodet.

M. Alain Rodet. L’article 1er de ce projet de loi de règlement nous renvoie à la triste réalité que constituent l’explosion de la dette et le caractère implacable du déficit.

Pour la première fois peut-être, l’examen d’un tel projet nous permet de prendre la mesure de la situation réelle du pays. Nous sommes ainsi pleinement dans la ligne des préconisations de la LOLF, dont l’article 37 recommande de faire de cette discussion législative un moment important du contrôle de l’exécution budgétaire.

Nos collègues de l’UMP se sont félicités de la réduction du déficit de 7 à 5,2 % du PIB, mais Alain Muet a bien expliqué ce qu’il en était vraiment. Il faut aussi préciser que cette évolution n’a pu se faire que grâce à la réduction du solde débiteur des collectivités locales. Ce sont elles, pourtant si souvent mises en cause par la précédente majorité, qui ont consenti l’essentiel de l’effort qui a permis de faire reculer le déficit. À ce sujet, nous ne devons pas oublier que la réduction du solde négatif des collectivités territoriales s’est traduite par une baisse de l’investissement local, ce qui n’est pas sans conséquences sur l’explosion du chômage.

Nos collègues de l’UMP se souviennent-ils de ce que disaient les députés socialistes dans cet hémicycle, il y a cinq ans, à la ministre de l’économie et des finances, Mme Christine Lagarde, lors du débat sur les orientations budgétaires ? Nous lui disions que la crise des crédits hypothécaires américains aurait des conséquences très graves sur l’économie mondiale. À l’époque, elle nous répondait que cette crise – essentiellement américaine, selon elle – n’aurait que très peu d’impact sur l’économie française et européenne. On sait ce qui s’est finalement passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Monsieur Cahuzac, j’aurais dû vous donner la parole à la fin de la discussion générale : j’ai manqué à mes devoirs et je m’en excuse.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Cela ne le mérite pas, madame la présidente, mais je souhaite répondre aux orateurs qui se sont exprimés à cette occasion, comme il est d’usage de le faire.

Je veux d’abord remercier Éric Woerth, qui a rappelé ce que Gilles Carrez et moi-même aurions dû savoir : la programmation triennale relève désormais d’un article de la Constitution modifié en 2008. Voilà donc M. le président de la commission des finances rassuré : il craignait que cette programmation triennale cesse ; elle se poursuivra, évidemment.

Je veux aussi remercier Karine Berger. Sa démonstration relative à la définition du déficit structurel apporte la preuve que, contrairement à ce qui a pu être avancé de façon audacieuse, notre pays ne s’est pas désendetté structurellement durant le quinquennat qui vient de s’écouler. Au contraire, il s’est endetté structurellement. L’essentiel reste donc à faire, au-delà du résultat flatteur et réel obtenu pour l’année 2011.

Je remercie Pierre-Alain Muet. Je connais évidemment ses arguments, mais je lui sais gré de les avoir exposés comme il l’a fait, avec sa sincérité et sa force de conviction.

Merci à Thomas Thevenoud pour les propos qu’il a tenus et à Laurent Grandguillaume, dont l’intervention pleine de souffle et d’enthousiasme a été particulièrement remarquée.

Je remercie encore Nicolas Sansu, Jacques Krabal et Éric Alauzet. Je devine leur vigilance et je ne doute pas que leurs votes se joindront à ceux du groupe socialiste, radical et citoyen.

Je veux dire ma reconnaissance à Philippe Vigier. Au fond, il admet avoir contribué, au sein de la précédente majorité, à l’augmentation des impôts. En effet, ils ont progressé : la comparaison des niveaux de prélèvements obligatoires entre 2007 et 2012 en témoigne. L’augmentation est beaucoup plus marquée entre 2010 et 2011, puisqu’elle s’élève à 1,4 point de PIB, soit une augmentation de près de 30 milliards d’euros d’une année à l’autre. Pour une majorité qui, sous la férule du précédent Président de la République, expliquait ne pas avoir été élue pour augmenter les impôts, convenons que 30 milliards d’euros en un an,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …ce n’est pas rien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est en tout cas, à tout le moins, contrevenir à ce qui a longtemps été la règle. Je me souviens des propos tenus contre toute raison par des responsables de l’ancienne majorité ou du précédent gouvernement expliquant aux députés que les impôts n’augmentaient pas. Les impôts ont bien augmenté en 2011 : de près de 30 milliards d’euros.

Je suis d’accord avec Philippe Vigier lorsqu’il explique que désendetter notre pays équivaut tout simplement à retrouver notre souveraineté nationale. Le Président de la République a lui-même tenu des propos semblables au début de la semaine.

En faisant le choix du désendettement, nous ne cherchons pas à respecter je ne sais quelle orthodoxie libérale ou ultralibérale en matière budgétaire. Il ne s’agit pas de sacrifier à je ne sais quelle vieille lune. Il s’agit véritablement de récupérer une souveraineté nationale aliénée aujourd’hui du fait des marchés et des agences de notation. Le Gouvernement et la majorité qui le soutient se montreront en conséquence particulièrement vigilants dans l’accomplissement de cette mission.

Dans ce contexte, une règle d’or est-elle nécessaire pour aboutir ? Je fais partie de ceux qui pensent que la volonté politique dans la durée vaut finalement toutes les règles d’or. Philippe Vigier a fait référence à la règle d’or proposée par la majorité précédente. Accordons-nous sur le fait qu’elle n’a rigoureusement rien à voir avec celle que contient l’éventuel futur traité européen. Il est donc inutile de reprocher à quiconque la non-adoption de la règle d’or proposée il y a près de deux ans puisque, même si elle avait été votée, il aurait fallu en adopter une autre.

M. Henri Emmanuelli. Cela se serait passé un peu comme pour la CADES !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cette règle d’or n’aurait donc été que de bien peu d’utilité.

Hervé Mariton, Valérie Pecresse, Jean-François Mancel ont tous les trois invoqué l’amélioration du solde budgétaire et du déficit public en 2011. Si l’amélioration par rapport à 2010 est incontestable, et même historique dans l’évolution budgétaire de notre pays, convenons qu’elle fait suite à un déficit qui n’était pas moins historique. Plus le déficit de l’année « n » est historique, plus la réduction du déficit pour l’année « n+1 » a des chances de l’être également.

M. Franck Gilard. Pas du tout !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il serait possible de se vanter d’une réduction historique du déficit en 2011 si, par stricte honnêteté intellectuelle et politique, il était fait mention du caractère également historique du déficit de l’année 2010, l’un étant à la mesure de l’autre.

La réduction du déficit doit aussi être relativisée. Elle s’élève à un peu moins de 60 milliards d’euros, et elle s’explique en très grande partie, selon le rapport de la Cour des comptes, par des mesures exceptionnelles ou conjoncturelles qui, en tout état de cause, ne sont pas reconductibles. Pour la Cour, l’amélioration structurelle n’est que de 14 milliards d’euros au lieu de 60 milliards. Et compte tenu du remboursement par le secteur automobile à l’État des prêts qui lui avaient été concédés, l’amélioration structurelle en 2011 s’élève en fait à seulement 10 milliards d’euros, ce qui équivaut à la croissance spontanée des recettes cette année-là. Sachons voir derrière les chiffres spectaculaires la réalité des politiques qui ont été conduites !

Ceux qui s’intéressent au sujet savent désormais que le Gouvernement proposera une politique de maîtrise des dépenses publiques fondée sur le zéro valeur. L’élaboration du projet de loi de finances pour 2013 est actuellement en cours sur cette base. Nous savons tous que le redressement ne pourra pas se faire si nous faisons appel à la seule fiscalité. Nous ne rééditerons donc pas l’erreur commise en 2011 par ceux qui nous ont précédés puisque, selon le rapport de la Cour des comptes, l’amélioration du déficit public de 1,9 % du PIB en 2011 s’explique par une amélioration structurelle des recettes de 0,8 % de PIB, le reste étant conjoncturel. Selon la Cour, les dépenses ont contribué négativement à l’amélioration du déficit public pour 0,2 point de PIB. Il faudra se souvenir de ces chiffres quand certains voudront donner à d’autres des leçons en matière de maîtrise des dépenses publiques.

Mme Pecresse nie la réalité d’une ardoise cachée. Pourtant, la confusion entre deux contentieux perdus par l’État ne constitue pas une explication satisfaisante pour la représentation nationale. L’actuel gouvernement ne peut en tout cas s’en satisfaire. Je me permets donc de mettre les choses au point.

La France a perdu deux contentieux l’année dernière. Le premier, relatif à un précompte mobilier, a incontestablement été porté à la connaissance de l’Assemblée nationale – il me semble que le président de la commission des finances y a fait allusion en commission et dans l’hémicycle. Même s’il n’est jamais agréable de perdre, le Gouvernement assumera l’échec judiciaire de notre pays devant la Cour européenne de justice ; la France honorera le jugement rendu.

M. Henri Emmanuelli. Avec quel argent ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le second contentieux, relatif au prélèvement à la source à hauteur de 25 % des dividendes payés par des sociétés résidentes à des OPCVM étrangers, n’a pas été porté à la connaissance de l’Assemblée nationale. Puisque Mme Pecresse a parlé de transparence en prétendant s’appuyer sur le rapport de la Cour des comptes, auquel elle s’est contentée de faire allusion, je me permets de citer précisément le passage qui se rapporte à ce sujet. « Aucun remboursement au titre de ce contentieux n’a été intégré dans le programme de stabilité notifié en avril, l’information sur l’importance de ce contentieux et l’imminence de son dénouement n’ayant apparemment pas été portée à la connaissance des services en charge de la préparation de ce programme. » Ni en comptabilité budgétaire ni en comptabilité nationale, il n’a, a aucun moment, été fait état d’un contentieux qui, pour l’État, va se solder par une ardoise supplémentaire d’un peu plus de 5 milliards d’euros. Certes, en comptabilité générale une provision avait été passée – elle ne s’élevait d’ailleurs pas à 5 milliards mais à 3,5 milliards – mais sans qu’à aucun moment il soit possible de deviner qu’elle concernait un autre contentieux que celui relatif au précompte mobilier.

La représentation nationale était informée de l’existence du premier contentieux ; elle ne l’était pas de celle du second, qui n’a à aucun moment été porté à la connaissance des parlementaires et qui ne figure dans aucun des textes qu’ils ont eu à examiner. Il s’agit bien d’une ardoise cachée dont le montant sera au minimum de 5 milliards d’euros, dont 1 milliard d’intérêts dus par la France en raison de son refus d’assumer les conséquences du jugement de la Cour européenne. Ce milliard d’euros aurait pu être économisé si le gouvernement précédent avait eu le courage d’assumer cet échec. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, inscrit sur l’article 3.

M. Charles de Courson. Il est toujours intéressant de discuter en séance publique du bilan de l’État, qui fait l’objet de l’article 3.

Vous vous souvenez des propos du précédent Premier ministre affirmant qu’il était à la tête d’un État en faillite. Cet État en faillite a un passif de 1 762 milliards d’euros,…

M. Henri Emmanuelli. À l’époque où il disait cela, c’était 1 100 milliards !

M. Charles de Courson. …et un actif de 927 milliards.

Mes chers collègues, depuis dix-neuf ans que je siège à la commission des finances, j’ai toujours été de ceux qui disaient que notre République allait vers l’explosion si nous ne redressions pas la barre.

M. Michel Vergnier. C’est pour cela que vous avez voté tous les budgets ?

M. Charles de Courson. Le rapport de la commission des finances relatif au projet de loi de règlement montre que le passif net de l’État est passé de 675 milliards d’euros en 2009 à 764 milliards en 2010 et 834 milliards en 2011. Et cela va continuer !

M. Henri Emmanuelli. Et M. de Courson a tout voté !

M. Michel Vergnier. Avec enthousiasme !

M. Charles de Courson. Ce n’est encore qu’une partie de la dette car les engagements hors bilan, relatifs pour l’essentiel aux retraites versées aux fonctionnaires de l’État, militaires compris, s’élèvent pour 2011 à 1 192 milliards d’euros, soit autant que les 1 339 milliards de dette l’article 3.

Mes chers collègues, dans une telle situation il est clair qu’il faut réduire les dépenses. J’y reviendrai dans le débat d’orientation des finances publiques qui doit suivre.

Avec les collègues de mon groupe, l’UDI, nous voterons bien entendu tous les articles du projet de loi de règlement, puisque nous sommes solidaires de la politique menée en 2011. Cela dit, par-delà nos divergences, je nous invite à méditer sur ce qu’est une République en faillite.

(L’article 3 est adopté.)

Articles 4 et 5

(Les articles 4 et 5 sont successivement adoptés.)

Article 6

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 1.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit de corriger une erreur matérielle. À la quatorzième ligne de la première colonne du tableau de l’alinéa 2, il convient en effet de substituer aux mots : « Recherche appliquée et innovation en agriculture », les mots : « Action des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce ».

Je crois que notre assemblée peut adopter sans problème cette modification extrêmement importante. (Sourires.)

(L’amendement n° 1, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 6, amendé, est adopté.)

Article 7

(L’article 7 est adopté.)

Article 8

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de coordination, qui vise à supprimer la référence à un article du code de la défense qui a été abrogé.

(L’amendement n° 2, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 8, amendé, est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Personne ne demande la parole dans les explications de vote ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

Débat d’orientation des finances publiques pour 2013

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat d’orientation des finances publiques pour 2013.

La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général du budget, mesdames et messieurs les députés, après la discussion du projet de loi de règlement vient le temps du débat d’orientation budgétaire pour les années 2012 à 2017, c’est-à-dire pour le quinquennat qui commence. L’enjeu, pour le Gouvernement comme pour votre assemblée, sera de créer au cours de ces années, par leur action en matière économique et financière, les conditions du changement. Je veux aujourd’hui vous présenter les grandes lignes de notre stratégie pour réussir ce parcours.

Créer les conditions de la réussite du changement exige de concilier – de réconcilier, peut-être – dans un même agenda politique nos leviers français et européens, notre politique de redressement des comptes et de relance de la croissance, dans un contexte économique très fragilisé. La tâche est difficile, nous ne la sous-estimons pas. Nous avons pris la mesure du défi et voulons le relever, avec l’aide du Parlement.

Vous connaissez les contraintes entourant la tâche qui nous attend, la Cour des comptes les ayant détaillées la semaine dernière. Lors du débat sur la loi de règlement, Gilles Carrez, président de la commission des finances, ainsi que Jérôme Chartier, nous ont parfois donné l’impression de se livrer à une mystification visant à nous faire croire à la réussite du quinquennat précédent – un étonnant tour de passe-passe, doublé d’un procès d’intention fait aux nouveaux arrivants, accusés de faire des dépenses excessives et jugés d’emblée irresponsables.

Si nous devons faire face à une situation difficile, je ne tiens pas, pour ma part, à me lancer dans un long exposé sur les responsabilités : vous en débattrez. Tenons-nous en aux faits, c’est-à-dire au triple déficit auquel nous sommes confrontés : déficit de croissance et d’emploi, déficit de crédibilité budgétaire, déficit de confiance.

Notre croissance est atone – 0,3 % en 2012 –, le chômage touche aujourd’hui 10 % de la population active, et nos entreprises, qui n’investissent pas – ou investissent insuffisamment –, perdent des parts de marché à l’étranger ; quant au commerce extérieur, il se dégrade considérablement – 70 milliards d’euros de déficit pour la France, à comparer aux 150 milliards d’euros d’excédent de l’Allemagne. Nous héritons par ailleurs d’un stock de dette important, accru de 600 milliards d’euros au cours du dernier quinquennat, alors que le déficit public est encore très élevé en 2011. Les instruments fiscaux, employés avec peu de discernement, n’ont pas permis d’amortir l’impact d’une crise brutale sur les plus démunis. Telle est la situation dont nous héritons, et en laquelle il est bien difficile de voir une réussite flamboyante à mettre au crédit de Nicolas Sarkozy et de François Fillon ! Pour notre part, nous estimons que la politique imprévisible pratiquée lors du précédent quinquennat a surtout eu pour effet de semer le doute.

Redresser les comptes publics n’est pas une fin en soi, ce n’est pas – je le dis aussi bien à la majorité qu’à l’opposition – un nouvel avatar de la « pensée unique ». C’est une voie indispensable pour conserver notre souveraineté, pour garder la maîtrise de nos politiques publiques : en un mot, c’est une condition essentielle de la réussite du changement. Si nous voulons réduire les déficits, ce n’est pas pour obéir à un quelconque diktat venant de l’extérieur, mais bien parce qu’il s’agit d’un indispensable facteur de croissance. Autrement dit, si nous affichons clairement nos objectifs en matière de finances publiques, si nous nous engageons avec détermination sur ce chemin, c’est parce que nous avons la conviction que le désendettement permet de rétablir notre capacité à agir sur le plan des politiques publiques, de dégager des marges de manœuvre pour l’action politique.

Vous connaissez nos objectifs en matière de déficit : 4,5 % du PIB en 2012, 3 % en 2013, et l’équilibre en fin de mandat, soit en 2017. Nous les assumons pour respecter nos engagements européens, pour restaurer la confiance, aujourd’hui dégradée, pour rester souverains, aussi, face à des marchés financiers qui guettent les moindres signes de vacillement de notre part – le fait que certains taux d’intérêt soient aujourd’hui négatifs ne doit en aucun cas nous conduire à relâcher la discipline en matière de finances publiques –, mais surtout pour faire de notre budget un instrument au service de la croissance et de notre modèle social. Le Premier ministre a rappelé la semaine dernière, dans cet hémicycle, que le service de la dette constituait l’un des premiers postes budgétaires, avec 50 milliards d’euros. Nous pouvons tous, ici, nous retrouver sur cette évidence : la maîtrise des déficits publics et de la dette n’est pas incompatible avec une politique réformiste, elle est même la condition d’une réforme en profondeur du pays.

Je veux, avec Jérôme Cahuzac, tenir devant vous un discours de sincérité : la marche que nous aurons à franchir l’an prochain – passer de 4,5 % à 3 % du PIB, grâce aux ajustements auxquels nous procédons – est haute, nous ne l’avons jamais caché. Nous devrons, pour la franchir, opérer des choix structurels qui ont fait défaut jusqu’à présent. Mais je veux aussi vous dire ceci : autour d’une même cible de déficit, différents chemins peuvent être empruntés. L’objectif est ambitieux ; nous l’atteindrons, puisque nous n’avons pas le choix, mais en suivant notre propre chemin, c’est-à-dire en répartissant les efforts de la façon la plus juste, et en dégageant des capacités financières pour nos priorités. C’est ce que le Président de la République et le Premier ministre ont appelé « le redressement dans la justice ».

Les efforts seront donc équitablement répartis, en 2013 et au-delà, tout au long de notre mandat. Ils seront, d’abord, justement répartis dans le temps, selon un calendrier clairement annoncé. L’effort immédiat portera davantage sur les recettes : à partir de 2014, le taux de prélèvements obligatoires sera globalement stable, la hausse des impôts étant concentrée sur 2012 et 2013. La maîtrise des dépenses se déploiera, elle, sur la totalité du quinquennat.

Mme Marie-Christine Dalloz. On en reparlera !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ces arbitrages, figurant dans le projet de loi de finances rectificative, se justifient au regard de la rigidité de la dépense à court terme et des prévisions de recettes surévaluées par le précédent gouvernement. Ils permettront de préserver la demande publique à court terme, alors que la croissance est vacillante, tout en maîtrisant son évolution dans la durée.

Les efforts seront justement répartis entre recettes et dépenses. En effet, nous ne voulons ni dessécher l’administration, ni faire porter le poids du redressement sur la seule imposition des ménages et des entreprises. Cette politique-là a un nom, l’austérité, et ce fut celle de nos prédécesseurs : nous nous refusons à la suivre. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jacques Myard. Quel culot !

M. Pierre Moscovici, ministre. Alors que l’ex-majorité se vante d’avoir supprimé des emplois publics, nous nous sommes fixé pour objectif de stabiliser le niveau de ces emplois publics. C’est toute la différence entre une politique sérieuse et une politique d’austérité – celle-là même que vous avez voulu imposer et dont vous vous réclamez encore aujourd’hui, monsieur Myard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jacques Myard. Allons !

M. Pierre Moscovici, ministre. La répartition de l’effort entre recettes et dépenses sera ainsi équilibrée à 50-50 sur la période 2012-2017.

M. Guy Geoffroy. Mais dans quelles proportions ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je viens de le dire : 50-50 ! Vous pourriez peut-être écouter au lieu de vociférer, monsieur Geoffroy (Protestations sur les bancs du groupe UMP), cela m’éviterait d’avoir à répéter ce que je viens de dire – mais après tout, la répétition est à la base de toute pédagogie.

Le Gouvernement ne procédera pas aux ajustements par le seul levier de la fiscalité, contrairement à ce que certains ont feint de comprendre.

Par ailleurs, les efforts seront justement répartis au sein du secteur public lui-même.

M. Guy Geoffroy. Ah ! Voilà !

M. Pierre Moscovici, ministre. Les dépenses de l’État hors dette et pensions seront stabilisées en valeur, sur la base d’un projet de refondation et de modernisation de l’action publique. Je le dis, c’en est fini des coupes aveugles de la RGPP ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous lancerons également une procédure d’évaluation des investissements publics, facteurs de croissance et de productivité, pour nous assurer du rendement de l’investissement productif, sans grever les finances publiques.

Au-delà de l’État, toutes les administrations participeront à l’effort de redressement, dans le respect de nos priorités en matière d’emploi, d’éducation, de justice et de sécurité. Les administrations de sécurité sociale connaîtront une hausse maîtrisée de leurs dépenses : Mme la présidente de la commission des affaires sociales, que je salue, peut vous confirmer que la progression de l’ONDAM sera ainsi limitée à 2,7 %. Les concours aux collectivités territoriales seront stabilisés en valeur, et un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et celles-ci.

Enfin, les efforts seront justement répartis entre les entreprises et les ménages. Au sein de ces catégories, nous nous tournerons vers ceux qui disposent des marges les plus amples : d’une part, les ménages les plus aisés, qui disposent d’une capacité d’épargne plus élevée et ont bénéficié de cadeaux fiscaux importants durant le dernier quinquennat, d’autre part, les grandes entreprises, soumises à des taux d’imposition effectifs plus faibles que ceux des PME et PMI. L’efficacité économique rejoindra ainsi l’exigence politique et sociale.

La loi de finances rectificative constitue la première étape de cette politique de redressement des comptes qui préserve l’équité. Nous amplifierons à l’automne ce double mouvement – mouvement de consolidation de notre crédibilité budgétaire d’une part, mouvement de juste recomposition fiscale d’autre part – avec la loi de finances pour 2013.

Mais créer les conditions de la réussite du changement ne consiste pas seulement à redresser les comptes publics.

Pour réussir le changement, il faut aussi – et tout autant – redresser l’appareil productif du pays, de façon à faire renaître la croissance et l’emploi.

Tous, ici, nous pouvons reconnaître que notre économie souffre aujourd’hui d’une demande peu dynamique, fragilisée par l’affaiblissement de certains de nos partenaires européens, mais aussi par la diffusion sur le continent de politiques d’austérité qui n’ont abouti à rien en matière de dynamique économique.

Notre économie souffre également d’une triple faiblesse : faiblesse de l’investissement des entreprises, faiblesse de la consommation des ménages, dont le pouvoir d’achat est en berne – l’INSEE vient de l’établir et, là encore, vous vous glorifiez de résultats dont la réalité se chiffre de façon extrêmement douloureuse –, faiblesse de la demande publique.

La crise, qui n’explique pas tout, a aussi révélé des failles structurelles de notre tissu d’entreprises, en particulier des PME. Cela se manifeste à travers la perte de compétitivité et le recul en matière d’investissement, d’innovation et de recherche. Il faut s’atteler – c’est ce que nous faisons – à redresser cette situation.

Le retour de la croissance passera par une relance du projet européen – j’y reviendrai, car c’est essentiel –, mais aussi par un soutien déterminé au pouvoir d’achat des ménages et à l’investissement.

Vous le savez, le Gouvernement a déjà adopté plusieurs mesures pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages : coup de pouce au SMIC – le plus important depuis de nombreuses années –, hausse de l’allocation de rentrée scolaire, contrats aidés supplémentaires – l’effort en la matière devra être poursuivi –, abrogation de l’augmentation de la TVA dans le projet de loi de finances rectificative qui va venir devant le Parlement.

Nous ferons d’autres gestes pour le pouvoir d’achat au cours des prochains mois. Je me contenterai de les mentionner brièvement ici, pour mémoire, parce qu’il reviendra aux ministres compétents d’en fixer les contours, en temps voulu et après concertation, selon la méthode présentée par le Premier ministre lors de la conférence sociale. L’idée est, notamment, de mieux encadrer l’évolution des dépenses contraintes des ménages, ces dépenses inévitables parce qu’indispensables, avec en premier lieu le logement et la santé, qui pèsent de plus en plus lourd dans les budgets des particuliers.

Il s’agira aussi pour nous d’encourager l’investissement des entreprises, qui est la condition du redressement de l’appareil productif et de la relance de la croissance.

M. Pascal Cherki. Très bien !

M. Pierre Moscovici, ministre. À cet égard, nous mobiliserons deux leviers – la fiscalité et la finance – pour servir un même objectif : réformer le financement de l’économie réelle. Il faut rétablir les canaux d’irrigation entre, d’une part, les capacités de financement – qui restent considérables, mais sont souvent inexploitées – et, d’autre part, un tissu de petites et moyennes entreprises, de PME industrielles et d’entreprises de taille intermédiaire, qui peinent à trouver les moyens de se développer.

La création d’une banque publique d’investissement, la réforme du système bancaire et la réforme de l’épargne réglementée et de la fiscalité de l’épargne constitueront ensemble une réforme du financement permettant de tourner celui-ci vers l’économie réelle, permettant ainsi la relance de l’investissement.

M. Pascal Cherki. C’est un sujet majeur !

M. Pierre Moscovici, ministre. En parallèle, nous favoriserons l’investissement des entreprises, avec une évolution de l’impôt sur les sociétés et du crédit d’impôt recherche. Nous proposerons également plusieurs initiatives, avec Nicole Bricq, pour soutenir le commerce extérieur – d’ailleurs, j’ai déjà lancé ce chantier.

En ce qui concerne la BPI, une mission de préfiguration a été confiée à un inspecteur général des finances, M. Parent, qui consultera largement les parlementaires. Il me remettra un rapport d’ici à la fin du mois de juillet. La BPI verra le jour avant la fin de l’année 2012. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.) C’est un engagement du Président de la République ; c’est une nécessité et ce sera une évolution extrêmement importante.

J’ai aussi demandé à M. Pierre Duquesne, ancien conseiller de Lionel Jospin, de faire un inventaire des besoins de l’épargne réglementée et des orientations à lui donner.

Permettez-moi à présent de vous parler d’Europe, un peu plus longuement peut-être – mais pas trop – que ne le veut traditionnellement cet exercice. Je tiens à vous rassurer : ce n’est pas simplement un tropisme personnel.

M. Jacques Myard. Personne ici n’est rassuré !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous avez vous-même un tropisme en la matière, monsieur Myard !

M. Jacques Myard. Je regarde simplement la réalité en face !

M. Pierre Moscovici, ministre. La différence entre vous et moi est que, en ce qui me concerne, c’est une simple conviction, tandis que, pour vous, c’est un peu obsessionnel !

M. Jacques Myard. C’est vous qui êtes obsessionnel !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je tiens à expliquer clairement devant vous comment nous voulons créer un continuum entre un agenda réformiste national et un agenda européen, et comment ces deux agendas s’entretiennent et se renforcent mutuellement.

Je ne veux pas céder à la facilité qui consiste à opposer la scène nationale et l’arène de l’Union, nos objectifs de croissance et nos engagements budgétaires européens. Ce serait, selon moi, de la paresse intellectuelle, mais aussi une faute politique et une aberration économique.

Je ne dis pas que l’équation se résolve d’elle-même ; je dis qu’il est de notre devoir et de notre responsabilité de réussir à articuler les politiques nationale et européenne, ces différents niveaux et leviers. Il faut lutter contre la propension naturelle des gouvernements à dissocier et à cloisonner. En effet, si l’on dissocie et si l’on cloisonne le niveau national et le niveau européen, on se met en situation d’échec. Il faut, au contraire, chercher les chaînons fédérateurs, qui lient ensemble ces deux composantes. Voilà notre tâche ; voilà ce à quoi se sont beaucoup employés le Président de la République, depuis son élection, et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ces dernières semaines.

Qu’avons-nous accompli lors de cette séquence européenne incroyablement accélérée et dense ? Quelles connexions avons-nous établies avec notre agenda national ? En quelques mots, nous avons adopté une approche financière qui privilégie le sérieux et la sincérité sur le temps long ; nous en discutons aujourd’hui et nous y reviendrons à l’automne.

C’est parce que nous sommes sérieux et crédibles sur le plan budgétaire,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Il ne suffit pas de le dire !

M. Pierre Moscovici, ministre. …c’est parce que nous tenons les engagements du projet présidentiel, c’est parce que nous respectons nos engagements européens, tout en traçant notre voie propre, que nous réussissons à nous faire entendre de nos partenaires européens.

J’ai entendu tout à l’heure l’éloge du sarkozysme européen. Ce que je vis, pour ma part, c’est autre chose : c’est un changement de méthode,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Avec le même traité !

M. Pierre Moscovici, ministre. …qui consiste à faire en sorte qu’il n’y ait plus un tête-à-tête franco-allemand. Certes, notre relation avec l’Allemagne est très forte – c’était encore manifeste dimanche dernier –, mais il y a aussi d’autres partenaires, comme l’Espagne et l’Italie. Nous devons aussi respecter les institutions européennes.

Ce changement de méthode induit un changement de climat, qui lui-même induit un changement en matière de résultats. Nous voulons forger un consensus avec nos voisins autour d’un rééquilibrage des politiques européennes en faveur de la croissance, comme nous l’avons fait au Conseil européen qui s’est tenu à la fin du mois de juin.

Nous voulons, je le redis, réorienter la construction européenne. Des progrès majeurs ont été accomplis dans ce sens, avec l’adoption du pacte de croissance…

Mme Marie-Christine Dalloz. Parlons-en !

M. Pierre Moscovici, ministre. …lors du sommet des 28 et 29 juin, c’est-à-dire il y a un peu plus d’une semaine. Ces succès ont été confirmés lors de la réunion de l’Eurogroupe, à laquelle j’ai participé la nuit dernière à Bruxelles.

Nous voulons réorienter les politiques pour amplifier l’effet de cet agenda réformiste, mais aussi pour créer les conditions d’une adhésion démocratique au principe du contrôle des finances publiques, auquel nous souscrivons. Il s’agit là, selon moi, d’une condition absolue si nous voulons avancer.

Vous nous sommez de ratifier le traité et d’adopter la règle d’or. Je tiens d’ailleurs à dire, au passage, que la règle d’or qui a été adoptée il y a un an et demi est d’ores et déjà obsolète et apparaît peu crédible.

M. Pascal Cherki. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz. Pas du tout ! C’est la même !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous avons eu raison de ne pas la voter. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Incroyable !

M. Pierre Moscovici, ministre. Elle est si peu crédible que vous avez cru devoir y ajouter un traité nouveau qui l’a durcie, ou en tout cas modifiée, quelques mois après !

Selon nous, pour que la responsabilité budgétaire, qui se fait au nom de l’Europe, soit acceptée par les peuples et par la représentation nationale, il fallait lui ajouter des éléments en matière de gouvernance et de croissance.

C’est parce que nous pensons qu’il y a une réorientation forte de la construction européenne que nous reviendrons très vite devant le Parlement avec une démarche beaucoup plus globale que celle de nos prédécesseurs. C’est parce que nous croyons que les conditions de la confiance politique et de l’adhésion démocratique à l’Europe sont de nouveau satisfaites que nous viendrons vous proposer une intégration solidaire. Cette démarche est profondément différente de celle qui prévalait jusqu’à présent.

Je veux, enfin, prendre quelques minutes pour répondre – en partie par anticipation, mais aussi ex post – à certaines interrogations. Je pense, par exemple, à celles qui se sont fait jour en commission des finances, la semaine dernière, lorsque Jérôme Cahuzac et moi-même avons été auditionnés.

Sommes-nous en train de préparer un retour à l’austérité ? Proposons-nous une politique de rigueur ? J’entends ces questions ; il faut, non pas les balayer d’un revers de main, mais y répondre. Même si l’inquiétude n’est pas nécessairement fondée, elle existe.

Qu’est-ce que l’austérité ? C’est une chape de plomb qui écrase dans le même mouvement la consommation, l’emploi et l’investissement.

Qu’est-ce que la rigueur ? Dans son acception historique, c’est un tournant après des promesses inconsidérées.

Mme Marie-Christine Dalloz. On va y arriver !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est un renoncement, un reniement qui débouchent sur un rejet.

La stratégie que nous avons élaborée pour créer les conditions du changement économique et financier n’est ni l’une ni l’autre. Je ne veux pas me contenter, devant vous, de l’affirmer ; je veux dire pourquoi.

L’austérité, au fond, a un horizon politique unique : l’orthodoxie financière, qui est à la fois un moyen et la fin. Ce n’est pas ce que nous vous proposons. Il est exact que nous devrons faire un pas budgétaire conséquent l’an prochain, mais cela n’épuise pas notre programme. C’est la raison pour laquelle je récuse formellement le terme d’austérité.

D’abord, le redressement des comptes auquel nous travaillons s’accompagnera de politiques de relance de la croissance – relance européenne et relance nationale, que j’ai mentionnées aujourd’hui. Notre agenda, je le dis à la majorité, est équilibré ; nous voulons marcher sur deux jambes. C’est aussi un agenda ambitieux.

Ensuite, ce redressement n’imposera pas un effort indiscriminé ; il ciblera au plus juste ceux que la crise a davantage épargnés.

M. Julien Aubert. La crise n’épargne personne !

M. Pierre Moscovici, ministre. Tous les ménages, toutes les entreprises n’ont pas une capacité de contribution égale. L’austérité ne tient pas compte de cette variable ; nous, nous voulons le faire. C’est pourquoi la justice guidera nos pas. Tel est le sens de ce que nous vous proposons pour ce quinquennat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Je n’accepte pas non plus le terme de rigueur au sens où il est habituellement utilisé.

M. Guy Geoffroy. Qu’est-ce que c’est, alors ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Littéralement, il n’est pas inacceptable d’en parler. Nous préférons – et je pense que Jérôme Cahuzac en est d’accord –, dans la gestion des finances publiques, être rigoureux qu’approximatifs, flous ou vagues.

Mais, là encore, je ne veux pas me placer dans un registre purement déclaratoire ; je veux vous dire exactement pourquoi je n’utilise pas le mot « rigueur ».

Ce mot ne correspond pas à ce que nous vous proposons.

M. Guy Geoffroy. C’est ce qui s’appelle tourner autour du pot !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça s’appelle le changement ! C’est une nouvelle terminologie pour la rigueur.

M. Pierre Moscovici, ministre. Rien de ce que je vous ai présenté aujourd’hui n’a dû vous surprendre. Rien n’est abdication, rien n’est mensonge, rien n’est revirement ; tout trouve son origine dans le programme présidentiel : la trajectoire de finances publiques que nous avons adoptée, nos arbitrages fiscaux comme les premières mesures que nous avons adoptées.

M. Bruno Le Roux. C’est la justice !

M. Pierre Moscovici, ministre. En matière de finances publiques, être lisible et prévisible n’est pas un défaut ; c’est une vertu, que nous revendiquons.

Ni austérité, ni rigueur, donc, mais sérieux et cohérence, pour atteindre nos objectifs communs. Tel est le chemin que nous vous proposons aujourd’hui pour les finances publiques pour le quinquennat qui commence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Un mot, enfin, pour clore ce débat – ou plutôt mon intervention dans ce débat –…

M. Julien Aubert et M. Guy Geoffroy. Oui, sinon ce serait un monologue !

M. Pierre Moscovici, ministre. …de l’esprit qui nous anime. C’est d’ailleurs plus qu’un esprit : c’est une méthode.

Nous voulons créer les conditions de la réussite du changement en matière économique et financière. Trois principes guideront nos initiatives : sincérité, concertation et pragmatisme.

La sincérité – je pense ici à la sincérité des comptes et de nos prévisions de croissance – conditionne la remise en ordre des finances publiques. Trop souvent, les prévisions financières se fondent sur des hypothèses exagérément optimistes.

M. Pascal Cherki. Ça, c’est sûr !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous allons rompre – nous avons déjà rompu – avec cette pratique. La République exemplaire, c’est aussi celle qui dit la vérité sur les chiffres. C’est pourquoi nous nous fondons, pour 2012 et 2013, sur le consensus des économistes en matière de croissance ; c’est aussi la raison pour laquelle nous retiendrons, pour la période allant de 2014 à 2017, le bas de la fourchette du taux de croissance attendu pour cette période, soit 2 %. Nous espérons faire mieux, mais soyons sincères et prudents !

La concertation, ensuite, est l’antidote aux initiatives sans lendemain, aux réformes jetables, aux lois mal conçues et donc mal appliquées. Elle nécessite que le redressement soit mis en œuvre en associant les partenaires sociaux – c’est le sens de la grande conférence sociale d’hier et d’aujourd’hui –, sans stigmatiser les dépenses sociales.

Le pragmatisme, enfin, implique de renoncer à la RGPP.

M. Pascal Cherki. Bravo !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous mettrons fin à l’approche mécanique du volume des effectifs de la fonction publique que le gouvernement précédent a privilégiée. Nous voulons, d’une part, financer des priorités – en petit nombre, mais elles traduisent un effort portant sur un grand nombre de fonctionnaires – et, d’autre part, redéployer les moyens là où ils sont nécessaires, pour agir de façon concertée au sein de chaque ministère.

M. Hervé Mariton. Combien de sous-préfectures allez-vous supprimer ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Telles sont les orientations que nous entendons suivre pour l’année 2013, et jusqu’en 2017. Nous entendons, bien sûr, y associer pleinement le Parlement. Nous attendons avec plaisir ce débat, les questions que vous ne manquerez pas de poser, les remarques judicieuses que vous ne manquerez pas de faire – et, pourquoi pas, la poursuite du conte de la réussite du quinquennat précédent –, mais nous avons la conviction que notre démarche est à la fois cohérente, sérieuse et ambitieuse. C’est pourquoi j’espère, parce que je suis un grand optimiste, qu’elle saura faire réfléchir l’opposition, et je voudrais en tout cas qu’elle puisse convaincre la majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs, c’est évidemment l’équité qui présidera à la conduite des finances publiques dans les mois et les années à venir : équité, d’abord, entre dépenses et recettes ; équité, ensuite, entre les différentes institutions, collectivités locales, protection sociale, État ; équité, enfin, entre tous nos concitoyens, car seul le respect de cette triple équité nous permettra non seulement de parvenir au rétablissement de nos finances publiques, mais surtout d’obtenir la confiance sans laquelle ce rétablissement ne se fera pas.

M. Guy Geoffroy. C’est mal parti avec les heures supplémentaires !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Équité entre dépenses et recettes, d’abord. J’entends ici ou là certains membres de l’opposition, dont je peux comprendre qu’elle soit impatiente, demander des précisions sur les économies qui seraient faites. Je leur rappelle, surtout à ceux qui ont participé aux travaux sous la majorité précédente, qu’à aucun moment, dans un débat d’orientation budgétaire, n’ont été donnés d’exemples précis. Ne confondons pas débat d’orientation budgétaire et loi de finances, qu’elle soit initiale ou rectificative.

M. Julien Aubert. Le changement, c’est maintenant !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je comprends votre impatience, monsieur le député, mais, si vous demandez à vos voisins, ils vous confirmeront qu’il en était ainsi lors de la précédente législature.

Le débat d’orientation budgétaire est donc là pour informer la représentation nationale des grands principes qui présideront à la conduite des finances publiques, et cette équité, c’est-à-dire ce partage aussi équilibré que possible entre dépenses et recettes, tombe en vérité sous le sens commun.

Qui, parmi ceux qui siègent aujourd’hui dans cet hémicycle, a pu penser que le rétablissement des finances publiques pourrait ne se faire que par la fiscalité ? Ceux qui l’ont cru se sont trompés et, peut-être de bonne foi, ont abusé ceux à qui ils tentaient de l’expliquer.

Qui a pu croire, inversement que le rétablissement ne se ferait que par des économies ? Ceux qui, parfois, le professent avec vigueur n’en ont pas montré l’exemple dans les années précédentes, et je suis prêt à regarder avec vous ce qu’il en fut des différents plans de rétablissement de nos finances publiques et du partage entre la dépense et la recette.

Bref, je ne mets pas en cause la sincérité de ceux qui croient peut-être encore aujourd’hui que seule l’économie sur la dépense permettra le rétablissement de nos finances publiques, je leur dis simplement qu’ils se trompent, que jamais, à aucun moment, un pays n’est parvenu à l’ajustement de ses déficits budgétaires uniquement par l’économie dans la dépense…

M. Guy Geoffroy. Cela y contribue beaucoup !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …même s’il est exclu, en revanche, qu’épargner la dépense permette de revenir à l’équilibre.

Au demeurant, à quoi avons-nous assisté ces cinq dernières années ?

À ceux qui, déjà, se font les contempteurs d’une politique budgétaire dont ils ne connaissent finalement pas grand-chose mais qui le font, si j’ose dire, dans l’élan de la campagne électorale qu’ils viennent de vivre, et qui se vantent du bilan des cinq années précédentes,…

M. Guy Geoffroy. Qui en sont fiers !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …je dis de regarder plus en détail ce qui s’est passé. Quels exemples d’économies sur la dépense, en effet, ont été donnés l’année dernière ou il y a deux ans, bref lors des cinq ans de la précédente législature ?

Je pourrais interroger le rapporteur spécial pour les infrastructures terrestres de transport, M. Mariton, qui, de la manière la plus consciencieuse, a régulièrement expliqué à la commission des finances que ce que proposait en la matière le gouvernement qu’il soutenait était totalement déraisonnable et excédait de plusieurs dizaines d’années les capacités de l’État, c’est-à-dire du fonds concerné, pour réaliser de tels travaux. S’agissait-il d’économies, s’agissait-il de leurres, s’agissait-il de faire croire que toutes ces lignes TGV seraient réalisées ?

M. Julien Aubert. Arrêtez de parler du passé !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mon cher collègue qui semblez impatient de vous exprimer dans cette enceinte, et qui pourriez peut-être attendre que l’on vous donne la parole, demandez à M. Mariton ce qu’il en est du schéma national des infrastructures terrestres, ce programme imaginé par vos amis que vous soutenez et qui excède, non pas d’un ni de cinq ou de dix milliards, mais de plusieurs dizaines de milliards d’euros les capacités réelles d’investissement. S’agissait-il d’économies programmées que d’envisager une dépense excédant de plusieurs dizaines de milliards d’euros les capacités réelles de l’État ?

M. Hervé Mariton. La dépense n’avait pas été décidée !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Prenons aussi, si vous préférez, l’exemple du fonctionnement. Pendant cinq ans, l’économie sur la dépense publique s’est résumée à une mesure symbolique : ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. À supposer qu’elle ait été légitime, à supposer aussi qu’elle n’ait pas déstructuré, dans un grand nombre de nos administrations, le service public que l’on doit à nos concitoyens, une telle mesure pouvait-elle nous permettre de rétablir l’équilibre de nos finances publiques ?

Je vous renvoie, si vous me le permettez, au rapport de la Cour des comptes, réalisé à la demande de la commission des finances, et qui, lorsqu’il a été présenté, a, je crois, permis de mettre les choses au point. Cette mesure était censée permettre à notre État d’économiser un milliard d’euros par an. Puis ce fut 800 millions, puis 600, puis 500. En réalité, la Cour des comptes a clairement établi que cette mesure n’avait permis d’économiser que 300 millions d’euros par an !

Nous avons 90 % de stock de dette par rapport à notre PIB, notre déficit public se chiffre en dizaines de milliards d’euros et, en faisant des économies de 300 millions d’euros l’an, nous parviendrions à l’équilibre de nos finances publiques toutes choses égales par ailleurs ? La chose n’est évidemment pas raisonnable et, d’ailleurs, revenir sur cette règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux a suscité des critiques qui s’annulent tant elles sont contradictoires. Pour les uns, il s’agit d’une décision catastrophique, qui va précipiter nos finances publiques dans un désastre inéluctable, quand pour d’autres il s’agit d’une mesure dont la dureté permettrait contre toute promesse d’imposer la rigueur et l’austérité aux fonctionnaires. De deux choses l’une : ou bien c’est le laxisme, et nos finances publiques iront mal, ou bien c’est la rigueur et l’austérité, et l’on ne peut pas avancer la première affirmation.

Dans le travail que l’opposition devra faire au cours des cinq ans qui viennent, un peu d’harmonisation dans la critique permettrait peut-être d’avoir un débat plus constructif, au lieu d’obliger les députés de la majorité et les membres du Gouvernement à répondre aux uns et aux autres avec des arguments qui pourraient apparaître contradictoires puisque les accusations le sont elles-mêmes.

Il faudra donc être équitable, équitable dans la fiscalité et équitable dans la dépense. Je me permets de rappeler que, pour cette seule année 2012, les mesures des deux plans Fillon 1 et Fillon 2 permettront aux institutions de notre pays de récolter 15 milliards d’euros de recettes en plus. Êtes-vous capables de nous affirmer, mesdames, messieurs de l’opposition, que, cette année, vous avez réalisé pour 15 milliards d’euros d’économies sur la dépense ? Je vous mets au défi de prouver, chiffres à l’appui, qu’en regard des 15 milliards de recettes supplémentaires votées par votre majorité quand elle était majoritaire, à la demande du gouvernement Fillon quand il était le gouvernement légitime de la République,…

M. Julien Aubert. Ne parlez pas du passé !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …il y a eu 15 milliards d’euros d’économies sur la dépense.

M. Julien Aubert. Qu’allez-vous faire ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Peut-être qu’un peu de patience…

Plusieurs députés du groupe UMP. Le temps passe !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …ou d’humilité au regard du bilan passé vous permettrait-il d’attendre la présentation de la loi de finances initiale et de la loi de finances rectificative, mais, d’ores et déjà, puisque vous m’interrogez, ce qui est votre droit, je vous rappelle ce que vous a annoncé Pierre Moscovici, et que vous n’avez peut-être pas entendu : nous avons prévu de respecter la norme « zéro valeur » pour les dépenses de l’État, soit 0,8 % en volume annuel, c’est-à-dire une progression de 4 % en volume sur l’ensemble de la législature. Sous la majorité précédente, qui se targue d’être un exemple en matière de maîtrise de dépenses publiques, la dépense publique a progressé, en cinq ans, non pas de 4 % en volume comme nous l’envisageons, ni de 5 %, de 6 % ou de 7 %, mais de 8 %. Le Gouvernement, aujourd’hui, vous annonce 4 %. Je ne doute pas que, sur la droite de cet hémicycle, des leçons fuseront, certains estimant que c’est trop,…

M. Julien Aubert. Procès d’intention !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …alors même que c’est la moitié de ce qu’ils ont fait pendant les cinq dernières années, et ce débat d’orientation des finances publiques est destiné non pas à indiquer quelle préfecture ou sous-préfecture va fermer, monsieur Mariton, mais bien à donner le cadrage général, les orientations globales. Tel est bien l’exercice du débat d’orientation.

Équité également, avec une répartition la plus juste possible entre les différentes collectivités et administrations publiques. En regard de la norme « zéro valeur » pour l’État, l’ONDAM ne progressera que de 2,7 % cette année, et de 2,5 % l’année suivante et celle qui suivra. Ce sera difficile, mais c’est ce que nous sommes dans l’obligation de réaliser, à moins de soumettre le pays à un effort fiscal probablement excessif au regard de ses capacités réelles.

Quant aux administrations publiques locales, elles devront à l’évidence faire elles aussi un effort, tant il est vrai que celui-ci ne peut reposer seulement sur l’État et la protection sociale. Cela se fera via les dotations d’État, cela se fera en discutant dans le cadre d’une nouvelle étape de la décentralisation, car cette contrainte de gestion ne devra pas se surajouter à une contrainte dans la décision, mais nul ne pourra, ne devra échapper à cet effort.

Il y a, enfin, la troisième équité à laquelle je faisais référence tout à l’heure. Tous ceux qui croiseront un parent, un voisin, un ami, un collègue, un passant devront en conscience pouvoir se dire que celui qu’ils croisent sans le connaître participe comme eux à l’effort à raison de ses moyens.

M. Guy Geoffroy. Les smicards avec les heures supplémentaires, par exemple !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est peut-être une des différences essentielles qu’il y aura avec la législature précédente. Souvenons-nous tout de même, en effet, que, l’année dernière, quelques semaines avant que le taux réduit de TVA ne soit augmenté pour tous, il y eut la réforme de l’ISF, aboutissant à la perte de la moitié de ses recettes. Était-ce l’équité que de solliciter l’ensemble de nos concitoyens par une augmentation du taux réduit de TVA quand, quelques semaines auparavant, près de 2 milliards d’euros de recettes étaient abandonnés au profit de ménages qui ne sont pas particulièrement à stigmatiser, je m’en garderai bien, mais qui ne sont pas non plus parmi les plus à plaindre de notre pays ? L’effort tel que nous le concevons se résume bien en cette formule, que chacun puisse contribuer à l’effort à raison de ses moyens : pas davantage, certes, mais pas moins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Cette triple équité, associée à la maîtrise de nos finances publiques et associant l’ensemble des administrations publiques à l’effort, cette équité dont, d’ores et déjà, nos partenaires en Europe ont pris conscience car ils nous croient et d’autres nous croiront davantage encore dans les temps qui viennent, permettra, j’en suis convaincu, au Gouvernement et à la majorité qui le soutient d’emmener la France sur le chemin non seulement de la justice mais aussi du rétablissement de nos finances publiques, non seulement de la justice mais aussi de la restauration d’une souveraineté nationale dont j’ai dit tout à l’heure qu’elle avait été aliénée aux marchés et aux agences de notation. La France n’est grande que quand elle est juste. Elle sera juste dans cet effort et sera perçue comme grande. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je vous ai écoutés attentivement, messieurs les ministres. Permettez-moi de vous dire très gentiment que vous êtes victimes de l’excès de confiance qui anime trop souvent les nouveaux ministres en début de législature.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il n’est pas vrai que nous passerions grâce à vous de l’ombre à la lumière budgétaire : monsieur Moscovici, le sérieux, la rigueur ont été également la marque de fabrique du précédent gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

J’ai décidé de monter à la tribune en prenant avec moi le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, car il est d’une très grande objectivité et d’une très grande qualité, et je le citerai à plusieurs reprises dans mon intervention.

Ce rapport, qui accompagne tous nos débats d’orientation budgétaire, a cette année une particularité, c’est qu’à votre demande il comporte un audit de la situation des derniers mois, depuis le début de l’année 2012. Un tel audit est important pour savoir si, par hasard, la situation n’aurait pas évolué compte tenu du milieu extrêmement mobile dans lequel notre pays évolue aujourd’hui.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La Cour des comptes souligne plusieurs points qui sont vraiment à l’honneur du précédent gouvernement.

Tout d’abord, celui-ci a eu, dès le mois de février, le courage de faire adopter un collectif afin d’apporter, après seulement deux mois d’exécution du budget 2012, des corrections compte tenu de la dégradation de la situation économique et financière en Europe.

Il a apporté deux corrections : d’une part en mettant en place des recettes supplémentaires pour un milliard d’euros, et, d’autre part, en ayant le courage – dont vous feriez bien de vous inspirer – d’annuler purement et simplement un milliard d’euros de dépenses.

M. Guy Geoffroy. C’est du courage !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le précédent gouvernement a donc préparé les choses pour que vous héritiez, au cas où vous seriez élus, d’une situation complètement adaptée aux données nouvelles, qui n’ont pas cessé de changer.

Je reviens un instant sur un autre point, puisque M. Cahuzac l’a de nouveau évoqué : c’est celui des contentieux. Le ministre a cité, en réponse à l’un des intervenants, un document confidentiel que nous n’avons pas.

M. Dominique Baert. Il a cité la Cour des comptes !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le rapport de la Cour des comptes, justement, indique dans un encadré, page 59, que les deux contentieux – celui du précompte mobilier et celui de la retenue à la source sur les OPCVM – ont été provisionnés en comptabilité générale, au 31 décembre 2011, à hauteur de 3 milliards pour le premier et de 3,3 milliards pour le second. Ces provisions avaient donc été passées. Selon le rapport, ces contentieux étaient connus et le risque qui leur était associé était correctement évalué. Voilà ce que dit la Cour des comptes ! Il fallait le rappeler !(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Ils n’aiment pas la vérité ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il est vrai, messieurs les ministres, que nous avons pêché, probablement par optimisme, en surestimant la recette d’impôt sur les sociétés, mais il est vrai aussi que la prévision en matière d’impôt sur les sociétés est un exercice extrêmement difficile. L’impôt sur les sociétés repose en effet sur un solde, sur une différence entre recettes et dépenses, qui est elle-même très mobile car elle a, comme disent les économistes, une élasticité, une sensibilité extrême à la croissance.

M. Patrick Lemasle. Surtout si vous tirez sur l’élastique !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Souvenez-vous, les plus anciens le savent, que la fameuse « cagnotte » découverte en 1999 alors que personne ne l’avait prévue, était constituée pour plus de la moitié de plus-values de recettes d’impôt sur les sociétés. De même, il y a trois ans, en 2009, le produit de cet impôt, du fait de la crise, s’est effondré à 21 milliards d’euros au lieu de plus de 40 milliards en 2006, 2007 et 2008.

Si je puis me permettre de vous donner un conseil vraiment amical, messieurs les ministres, soyez aussi modestes et prudents que possible dans vos prévisions de recettes d’impôt sur les sociétés, car nous avons nous-mêmes été de trois milliards trop optimistes.

En résumé, que dit la Cour des comptes sur la gestion des premiers mois de 2012 ? Elle dit d’abord que le dépassement identifié sur les dépenses n’est, au maximum, que de 1,5 milliard, et qu’il peut donc être facilement absorbé par la réserve de précaution que nous avons constituée, et qui avoisine les 5 milliards. J’ai par ailleurs déjà évoqué les contentieux. La Cour insiste à juste titre sur le fait que, les recettes n’étant malheureusement pas au rendez-vous, il va falloir trouver de 5 à 7 milliards d’euros de recettes supplémentaires.

Ces recettes supplémentaires, nous allons les examiner la semaine prochaine. Alors que nous avions annulé un milliard de dépenses au mois de février dernier, il est dommage que, dans le collectif que vous nous proposez – je ne m’étendrai pas, car nous le verrons la semaine prochaine – il n’y a pas l’ombre d’un euro d’économie. C’est extrêmement grave.

Mais j’en viens au sujet le plus important : les perspectives pour 2013. La Cour des comptes indique que l’effort nécessaire pour ramener le déficit de 4,5 à 3 % du PIB – messieurs les ministres, vous vous êtes engagés sur cette trajectoire et vous avez eu raison de vous y engager – est considérable. Nous le savions déjà, nous l’avons dit lorsque nous avons examiné la loi de programmation pluriannuelle à la fin de 2010. Or, cet effort doit absolument être réparti entre les dépenses et les recettes, et c’est le premier sujet sur lequel j’insisterai, ainsi qu’entre les trois secteurs de comptes publics : l’État, bien sûr, mais également les comptes sociaux – je me félicite d’ailleurs que Mme Lemorton intervienne dans un instant – et, naturellement, les comptes des collectivités locales.

Première question : faut-il agir sur les dépenses ou sur les recettes ? Il faut agir sur les deux. Or vous n’agissez que sur les recettes, ce qui est une grave erreur ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je prendrai un seul exemple, celui de la masse salariale. Celle-ci représente, dans le budget de l’État, 82 milliards d’euros. Vous nous expliquez que vous allez maintenir les effectifs constants. En contrepartie des 65 000 créations de postes annoncées dans les ministères prioritaires, vous réduirez donc les effectifs dans d’autres administrations. Vous gardez d’ailleurs bien de nous dire où…

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Cahuzac, ne le prenez pas pour professeur !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Certains calculs, parfaitement honnêtes, montrent que l’ampleur de ces réductions risque d’être colossale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ce ne sera plus le non-remplacement d’un départ sur deux, mais de quatre à cinq départs sur six, M. Emmanuelli le sait bien !

M. Henri Emmanuelli. N’importe quoi !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mais, surtout, comment pouvez-vous concilier le maintien global des effectifs avec celui de la masse salariale ? C’est impossible ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Relisez le rapport de la Cour des comptes : il indique qu’à effectif constant la masse salariale de la fonction publique dérive d’au moins 1,6 % par an.

M. Jacques Myard. Absolument !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pourquoi ? Parce que, sans même que soit augmenté le point d’indice, se conjuguent l’effet des avancements et celui de la garantie individuelle de pouvoir d’achat .

Le Gouvernement donne le sentiment de cacher derrière cette contradiction entre effectifs constants et masse salariale constante une politique qui, monsieur Moscovici, sera la politique de la rigueur, la politique de l’austérité, la politique de la paupérisation de la fonction publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce choix, c’était d’avoir moins de fonctionnaires mais des fonctionnaires mieux payés. (Nouvelles exclamations sur certains bancs du groupe SRC.) Imaginons un couple d’enseignants qui font des heures supplémentaires : celles-ci, demain, ne seront plus exonérées.

M. Guy Geoffroy. Il paiera plus d’impôts !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il pouvait espérer un avancement, il n’aura plus d’avancement ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il pouvait espérer une revalorisation du point d’indice, il n’aura plus de revalorisation du point d’indice ! (Mêmes mouvements.) Alors, je vous pose une question simple, messieurs les ministres : comment concilier une fonction publique d’État à effectifs constants avec une masse salariale qui n’évolue pas ?

J’en viens aux recettes.

M. le président. Monsieur le président, il va falloir conclure.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La Cour des comptes indique que – je sollicite votre indulgence pour une minute (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – qu’il faudra procéder à une augmentation d’un impôt général à fort rendement, et évoque la TVA ou la CSG. Dès lors que la CSG semble devoir être augmentée, comme l’a laissé entendre monsieur Moscovici il y a quelques jours, je souhaiterais que vous regardiez de plus près les avantages et les inconvénients comparés d’une augmentation de la CSG et d’une augmentation de la TVA. Celle de la TVA a trois avantages : premièrement, elle taxe les produits importés, donc elle nous redonne de la compétitivité ; deuxièmement, elle frappe la consommation non seulement des résidents français mais également des touristes, et c’est d’ailleurs pourquoi, en tant que rapporteur général, j’étais si réservé, pour ne pas dire opposé à la baisse de la TVA dans la restauration ;…

M. Henri Emmanuelli. 14 milliards !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …enfin, troisième avantage, qu’on a pu vérifier en Allemagne, une hausse de TVA n’est répercutée que faiblement sur les prix. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Inversement, une hausse de la CSG aura des effets massifs sur le pouvoir d’achat, et en particulier sur celui des retraités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur le président, je vous demande de conclure, sil vous plaît.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je conclus, monsieur le président, tout en vous remerciant de votre compréhension. Il faudra que les efforts soient partagés. (Exclamations sur certains bancs du groupe SRC.) Il faudra que les comptes sociaux prennent leur part. Il faudra que les collectivités locales prennent leur part. De mon côté, je ne vous accuserai pas d’austérité, je ne vous accuserai pas de rigueur quand vous prendrez la décision de maintenir le gel de dotations aux collectivités locales, ni quand vous prendrez la décision d’une certaine rigueur – il ne faut pas avoir peur du mot – dans les relations financières entre l’État et les collectivités locales.

Nous avons absolument besoin de redresser nos comptes publics. Nous ne pouvons le faire que si nous acceptons de jouer d’abord sur les dépenses, de jouer ensuite sur les recettes, et de n’oublier aucun acteur public dans cet effort général partagé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Henri Emmanuelli. Le peuple a tranché sur la TVA !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous en reparlerons !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j’ai la lourde tâche de parler au nom d’une commission qui traite des difficultés que vivent nos concitoyens : politique de l’enfance, de la famille, santé, emploi, travail, formation professionnelle, handicap, perte d’autonomie, prise en charge du grand âge, retraites. Je demanderai à l’opposition pour la première intervention de cette commission un peu de calme, d’écoute au regard de la situation que vous nous laissez et un peu d’humilité face au sujet que je viens d’évoquer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Woerth. Dans l’opposition, comment vous comportiez-vous ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pour ce premier débat d’orientation des finances publiques de la législature, nous n’avons pas la tâche facile et vous le savez.

Sans même invoquer le sempiternel héritage, qui disconviendra que la situation est non seulement grave, mais encore sans précédent ?

Dans le temps qui m’est imparti, je ne peux abuser des chiffres, mais j’en citerai au moins trois que je trouve particulièrement éloquents. Ce sont ceux du déficit de la sécurité sociale, y compris le fonds de solidarité vieillesse : 5 milliards d’euros entre 1997 et 2002 quand la gauche plurielle était au pouvoir ; plus de 60 milliards d’euros entre 2002 et 2007, plus de 110 milliards d’euros entre 2007 et 2012.

Tout est dit, ou presque, sur la gestion – entre guillemets – de la précédente majorité. La Cour des comptes l’a établi depuis plusieurs années déjà : inutile de tenter de faire porter le chapeau de ces résultats désastreux à la crise économique. Inutile aussi de la nier, bien sûr, mais elle n’a frappé qu’à partir de l’automne 2008 et n’est responsable que d’environ un tiers de l’aggravation des déficits.

Monsieur Carrez, puisque vous avez fait référence à la Cour des comptes, je citerai M. Séguin, qui, quelques semaines avant sa disparition, lors d’une audition de la commission des affaires sociales, lança à la majorité de l’époque, devenue opposition : « Vous ne pourrez pas sans cesse dire que c’est la faute des autres ! »

Voilà comment l’ancienne majorité, pourtant volontiers donneuse de leçons d’économie et de gestion, a prolongé de quatre ans la durée de vie de la CADES et a renoncé au principe qu’elle avait pourtant elle-même instauré cinq ans plus tôt : pas de transfert de dettes à la CADES sans affectation de ressources nouvelles.

M. Henri Emmanuelli. C’est la règle d’or de la CADES !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bien que la CADES ait repris la somme considérable de 150 milliards d’euros en moins de dix ans, une partie des déficits actuels n’est pas financée : le déficit des branches maladie et famille au titre de 2012, soit près de 10 milliards d’euros. Et je ne parle pas des déficits à partir de 2013, soit environ 30 milliards d’euros jusqu’en 2015, horizon fixé par la dernière loi de financement.

Et tout cela à quel prix ? Au prix d’une sévère politique de maîtrise des dépenses de maladie, dont les restrictions se sont faites au détriment des patients et des territoires, mais qui n’est pas parvenue à assurer le droit d’accès aux soins pour tous – un droit pourtant constitutionnel, je le rappelle.

Au prix aussi d’une réforme – là encore, je suis tentée de placer le mot entre guillemets – des retraites à la fois insuffisante et injuste, à laquelle le gouvernement actuel a déjà commencé à remédier en rétablissant la retraite à soixante ans pour les carrières longues, ce qui a, semble-t-il, étonné et choqué Mme Pécresse. Comment peut-on être choqué que quelqu’un qui travaille depuis l’âge de dix-sept ou dix-huit ans prenne sa retraite à soixante ans ? Ce n’est que justice ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Louise Fort. Il faut en avoir les moyens !

M. Éric Woerth. Vous n’avez jamais voté les dispositifs de carrières longues !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Au prix encore d’une branche famille dont les recettes ont été mises à mal par le transfert de ressources médiocres qui s’éteindront progressivement au cours des prochaines années. Que n’aurait-on entendu si c’était l’actuelle majorité qui avait procédé à de telles opérations !

L’après 2013 n’est guère plus rassurant : la dette de la branche vieillesse et du FSV n’est financée qu’à hauteur de 10 milliards d’euros par an, alors que la Cour des comptes craint que ce plafond soit largement dépassé. Car la réforme des retraites de 2010, vous le savez bien, en plus de son caractère profondément injuste, a péché par excès d’optimisme – vous n’en étiez pas exempt, monsieur Carrez ! – en tablant sur une évolution complètement irréaliste des ressources. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes, dans son récent rapport : 155 milliards d’euros de déficit pour la période 2012-2020 ; on est loin, très loin, de l’équilibre, aussi ambigu fût-il – car il incluait les régimes complémentaires, maintenant eux aussi bien mal en point –, qui était fièrement annoncé pour 2018.

Mais à quoi bon s’appesantir sur ce passé accablant ?

M. Éric Woerth. Ce qui est accablant, c’est que vous n’ayez pas voté les réformes !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il faut maintenant s’accommoder de ce bilan et, pour ce faire, s’intéresser au présent et à l’avenir.

Le nouveau gouvernement a ouvert le chantier du redressement de nos finances sociales, en prenant des mesures urgentes et en traçant, dans son rapport préparatoire à notre débat d’orientation, des perspectives d’évolution à moyen terme.

Parmi les mesures d’urgence, certaines, cela a été dit, sont d’ordre réglementaire : les décrets sont déjà parus non seulement pour la retraite à soixante ans mais aussi pour la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire. Les deux mesures, je le souligne, sont entièrement et clairement financées.

Le prochain examen, en commission puis en séance publique, du collectif budgétaire montrera également que les finances sociales font l’objet d’un soin tout particulier. Cette approche rejoint d’ailleurs les souhaits de la Cour des comptes, qui est la référence à droite comme à gauche. Le fait qu’il s’agisse d’un collectif budgétaire et non d’une loi de financement de la sécurité sociale importe peu, car le texte comprend de nombreuses mesures de la plus haute importance intéressant le domaine social et mettant en œuvre des engagements pris par le Président de la République.

Nous allons ainsi empêcher la TVA dite sociale d’entrer en vigueur. « Sociale » entre guillemets, là aussi, tant elle est en réalité inutile, car n’apportant que des bienfaits très hypothétiques, et injuste, car pesant sur les ménages les plus modestes. On voit votre manie, votre obsession, avec cette TVA qui est l’impôt le plus injuste !

M. Jacques Myard. C’est faux !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Qui a augmenté la TVA sur des biens considérés comme « non essentiels » ? C’est vous, sur les médicaments non remboursés, l’année dernière !

M. Laurent Grandguillaume. Les franchises !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Si vous prétendez qu’un médicament n’est pas essentiel pour nos concitoyens, nous ne parlons vraiment pas le même langage !

M. Éric Woerth. Vous augmentez la CSG des gens qui achètent des médicaments !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous allons mettre fin aux absurdes exonérations sociales pour les heures supplémentaires, dont le coût est supérieur au maigre bénéfice économique qu’on aurait pu en attendre, comme l’a démontré notamment notre comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, sur le rapport de nos collègues Jean-Pierre Gorges, de l’ancienne majorité, et Jean Mallot. D’ailleurs, si vous étiez honnêtes, vous n’omettriez pas de dire aussi que les entreprises de moins de vingt salariés sont exemptées de cette nouvelle mesure.

Nous allons réduire les niches sociales par le biais de l’augmentation du forfait social aussi bien que de celle des contributions sur les stock-options et les attributions gratuites d’actions et de l’assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers de source française perçus par les non-résidents.

M. Laurent Grandguillaume. Bravo !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Depuis cinq ans, vous avez cessé de faire du salaire le levier d’augmentation du pouvoir d’achat. Cela crée des inégalités entre les salariés des différentes branches.

Ces mesures sont non seulement justes et opportunes mais elles apportent de précieuses recettes nouvelles et pérennes aux régimes de sécurité sociale : plus de 5 milliards d’euros en année pleine, l’essentiel étant affecté à la branche vieillesse et au FSV, qui en ont le plus besoin.

La croissance est en effet bien moindre que celle sur laquelle la dernière loi de financement a été construite, alors même que les hypothèses économiques avaient été révisées en cours de discussion au Parlement : 0,3 % en 2012 au lieu de 1 %, 1,2 % en 2013 au lieu de 2 %.

Or il faut savoir que toute évolution de la croissance se répercute à hauteur équivalente sur l’évolution de la masse salariale, principale assiette pour les ressources des régimes sociaux. L’incidence d’un point de croissance en moins se chiffre à 2 milliards d’euros de pertes de recettes. D’où l’intérêt des 2 000 emplois créés pour Pôle emploi, afin de permettre à ce service public d’aider les chômeurs à retrouver du travail et de créer de nouvelles recettes.

Les premières semaines du nouveau gouvernement apportent la preuve, n’en déplaise à l’opposition, qu’une nouvelle orientation est d’ores et déjà donnée aux finances sociales,…

M. Éric Woerth. Laquelle ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …où équité pourra enfin rimer avec responsabilité – les ministres se sont exprimés en ce sens –, et ce dans un contexte particulièrement difficile, pour lequel, chers collègues de l’opposition, vous portez une large responsabilité.

Toutefois, notre présent débat va au-delà du court terme, puisqu’il s’agit d’examiner les orientations à moyen terme présentées par le Gouvernement. Pour ce qui est des finances sociales, c’est le retour progressif à l’équilibre en 2017, en faisant peser l’effort de manière égale sur les recettes et les dépenses. Côté recettes, la réduction des niches sociales offre encore des marges de manœuvre. Côté dépenses, la branche maladie doit faire l’objet de toutes les attentions. Quand on sait que 25 à 30 % de nos concitoyens ont renoncé à des soins, cela appelle, je le répète, un peu d’humilité de la part de l’opposition !

La contrainte financière ne doit pas occulter l’essentiel, c’est-à-dire le respect des droits et l’égal accès aux soins. C’est d’ailleurs aussi dans cet esprit que je me réjouis que le collectif budgétaire revienne sur les conditions tout à fait iniques introduites sous la précédente législature pour bénéficier de l’aide médicale d’État. Nous mettrons tout en œuvre pour que chacun puisse se soigner de la même manière sur notre territoire, quelle que soit son origine sociale et territoriale.

Si nous voulons sauvegarder et même consolider notre système de soins dans un contexte démographique et technique toujours plus contraignant, nous n’avons pas le choix. La Cour des comptes a d’ailleurs trouvé une illustration très parlante de la situation : avec un ONDAM à 3 % et une croissance annuelle de la masse salariale à 3,5 %, c’est-à-dire la moyenne des douze dernières années, la branche maladie ne reviendrait à l’équilibre qu’en 2024. L’ONDAM sera de 2,7 % ; nous l’assumerons et nous l’expliquerons en temps et en heure.

Je remercie les ministres d’avoir été très clairs en responsabilité, avec des mots qui sont doux à nos oreilles et qui avaient quelque peu disparu de nos débats : croissance, solidarité, justice. Ces mots avaient perdu tout leur sens depuis dix et surtout cinq ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord apporter une précision sur la fameuse affaire des contentieux. Vous avez dit, monsieur le président de la commission des finances, que cela figurait dans la comptabilité générale. Il est vrai que le compte général de l’État renvoie à un compte de provision. De fin 2010 à fin 2011, ce dernier est passé de 10,07 milliards à 10,835 milliards d’euros, soit une augmentation de 7 %. Cependant, en aucun cas l’annexe ne précise la nature et le détail des contentieux.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est vrai !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il y est même écrit : « Dans le but de préserver les intérêts de l’État, aucune information n’est donnée ici sur l’objet des litiges, afin de ne pas porter à la connaissance de tiers l’appréciation que l’État porte sur les perspectives des affaires en cours. » Il est donc faux d’affirmer que, puisqu’une provision a été passée, la représentation nationale en aurait été informée. Le ministre a clairement fait tout à l’heure le distinguo entre les deux contentieux, mais en aucun cas celui sur les OPCVM n’était connu de la représentation nationale. J’espère que nous n’allons pas, à chaque discussion, perdre une minute de notre temps de parole sur ce feuilleton !

Mes chers collègues, j’ai l’habitude de dire que le passé éclaire l’avenir. Dans le rapport que je vous ai présenté, j’ai porté un regard sur les dix dernières années, en particulier sur l’évolution de la fiscalité au cours de cette période.

M. Jean-Louis Gagnaire. Très bonne séquence !

M. Pascal Terrasse. Très bien ! On ne parle pas que de 2012 !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous trouverez un tableau édifiant page 6. On constate un alourdissement à hauteur de 1,4 point de PIB, soit 28 milliards d’euros, des prélèvements assis sur les revenus des salariés – cotisations sociales, CSG, CRDS, impôts divers sur les salaires –…

M. Pascal Terrasse. Quel bilan !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …et, parallèlement, un allégement de même ampleur des impôts sur les ménages aisés et les entreprises, à savoir l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés et la taxe professionnelle. Nous voyons donc bien comment, durant ces dix dernières années, nos recettes ont basculé, de l’impôt sur le revenu, qui pèse plus lourdement sur les ménages les plus aisés, et l’impôt sur les sociétés vers la fiscalité sur les salaires, qui pèse sur l’ensemble de la population. C’est une évolution évidente, au vu des chiffres.

Or cette évolution ne découle pas de phénomènes spontanés mais des décisions prises par la précédente majorité. J’en citerai quelques-unes : en ce qui concerne l’impôt sur le revenu, environ 24 milliards d’allégements nets cumulés, principalement sur les réformes successives du barème, pour 14 milliards ; en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, 10 milliards de diminution, notamment pour la fameuse niche Copé à hauteur de 2,9 milliards d’euros ; en ce qui concerne la taxe professionnelle, 14 milliards d’allégements, principalement avec la réforme de 2006, pour 3 milliards, avant la suppression totale de l’impôt en 2010.

Enfin, cette politique entamée dès 2002 a été poursuivie et amplifiée à partir de 2007. En effet, après les réformes du barème entre 2002 et 2006, les ménages aisés ont profité, à partir de 2007, des allégements d’impôts sur le patrimoine : bouclier fiscal pour 700 millions d’euros par an, 3,1 milliards sur les successions et donations et 0,7 milliard pour la réforme de l’ISF, soit, au total, près de 5 milliards d’euros par an.

Enfin, après de premières mesures prises à la fin de la douzième législature, a été adopté un allégement d’impôt pour les entreprises équivalent à dix ans d’allégements d’IS : la suppression de la taxe professionnelle. Je passe, mais nous y reviendrons, sur la TVA dans la restauration pour 3,1 milliards d’euros.

À partir de l’été 2010, les hausses d’impôts ne modifient pas substantiellement cet équilibre. Je vous invite à consulter le tableau de la page 14 de mon rapport, qui montre que plus de 7 milliards d’euros ont été prélevés sur la fiscalité indirecte : à savoir, 2,2 milliards sur la taxation des contrats d’assurance maladie, 1,8 milliard sur les taux réduits de TVA, y compris le livre et le spectacle vivant, 1,1 milliard sur la TVA pour les offres triple play. Je passe sur les autres, afin d’en garder un peu pour le débat de la semaine prochaine.

De plus, il y a eu 5,6 milliards d’euros de prélèvements assis sur les revenus des salariés, notamment par la réduction de l’abattement de CSG sur les frais professionnels, ce qui a conduit à augmenter la CSG sur les revenus du travail. Parallèlement, les impositions spécifiques aux ménages les plus aisés ont représenté 0,7 milliard, au titre de votre taxe sur le revenu fiscal de référence et de la contribution de 1 % sur les hauts revenus ; mais vous avez immédiatement compensé ce petit effort par le fameux allégement de l’ISF, sous-financé pour 0,7 milliard en 2011 et 2012.

Au total, puisque vous calculez vite, mes chers collègues, vous aurez remarqué que 68 % des hausses d’impôts décidées à partir de 2010 sont supportées par l’ensemble des ménages et des salariés, alors que le poids des impositions spécifiques aux ménages les plus aisés est de 0 %.

Le passé éclaire l’avenir, et nous devrons corriger ce glissement de la fiscalité, une telle iniquité, une telle injustice dans la répartition fiscale.

Parallèlement, mes chers collègues de la majorité d’alors, vous n’avez pas maîtrisé les dépenses publiques. En effet, entre 2007 et 2011, la progression des dépenses publiques a été de 3,5 points de PIB. Vous ne pouvez donc pas dire que vous avez joué sur les dépenses. Monsieur le président de la commission, vous évoquez une répartition 50-50 pour le retour à l’équilibre, soit 50 % de hausses de recettes et 50 % d’économies sur les dépenses, mais le ministre de l’économie vous l’a dit tout à l’heure : c’est l’objectif du Gouvernement sur la législature, sur les cinq ans. Vous êtes un homme si avisé que vous savez fort bien que ce n’est pas au mois de juin, alors que le budget a été voté, l’exercice lancé et les actions engagées, que l’on peut réaliser des économies sur le budget de l’État. Nous reparlerons de ces économies lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2013. Un certain nombre de pistes sont tracées, j’y reviendrai si le temps me le permet.

S’agissant de la RGPP, beaucoup a été dit et je me suis déjà exprimé lors de l’examen du projet de loi de règlement. J’en viens aux perspectives budgétaires dressées pour la fin de l’année 2012 et pour les années suivantes.

Tout d’abord, je me félicite que le Gouvernement ait choisi une prévision de croissance de 0,3 % pour l’année 2012. Il n’y a pas si longtemps, on s’accordait à prévoir 0,4 %. La prévision de 1,2 % pour 2013 est reconnue comme plutôt prudente. Je pense que le Gouvernement a fait preuve en cela d’une prudence tout à fait honorable.

Réduire le déficit public à 3 % du PIB en 2013 reste bien entendu l’objectif à atteindre avant le retour à l’équilibre en fin de législature.

Le précédent gouvernement prévoyait 28 milliards de hausses d’impôts en 2011 et 2012. Je l’ai déjà dit mais retenez bien ceci, mes chers collègues : la réduction du déficit public en 2011 était due pour 0,7 point de PIB à des hausses d’impôts et pour 0,1 point aux économies sur la dépense. Ce n’est pas l’objectif du Gouvernement, qui a indiqué qu’il répartira la réduction, avec certes un décalage en début de législature, entre 50 % à travers les recettes et 50 % à travers les dépenses.

Il faut rééquilibrer notre système fiscal. Les ménages les plus aisés seront touchés à travers un retour sur la réforme de l’ISF et sur les mesures TEPA. Cela est connu de tous et prévu dans le prochain collectif budgétaire. Quant aux grandes entreprises, celles du CAC40, leur taux d’imposition effectif très faible a été constaté et nous avons tous les chiffres en tête : elles sont imposées à 8 % alors que le taux d’imposition des PME monte à 39 %. C’est une iniquité et une inégalité insupportable. Je crois que vous-même, monsieur le président de la commission, l’avez reconnu.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Dominique Baert. Mais c’est intéressant, monsieur le président !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je m’achemine vers ma conclusion, monsieur le président.

S’agissant des dépenses, vous aurez noté, mes chers collègues, que le Gouvernement prévoit une augmentation de l’ensemble des dépenses des administrations publiques limitée à 0,8 % en volume. Je rappelle que sur les cinq dernières années, celle-ci a été en moyenne de 1,5 % à 1,6 %, soit le double, et plus du triple sur les dix dernières années. Ceux d’entre vous qui disent que nous ne tablons pas sur des économies de dépenses nous font donc un mauvais procès.

La présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, s’est exprimée longuement et fort justement sur l’ONDAM, chacun a relevé qu’il est fixé à 2,7 %.

Quant aux collectivités territoriales, le Gouvernement propose de stabiliser en valeur les concours de l’État puis, dans un second temps, de conclure un pacte de confiance et de solidarité dans le cadre de l’acte III de la décentralisation.

M. Pascal Terrasse. Très bien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais la progression contenue des dépenses a été calibrée pour permettre au Gouvernement de financer ses nouvelles priorités. Nous aurons déjà l’occasion de les découvrir lors du collectif à travers un certain nombre de virements de crédits concernant la mise en œuvre des premières mesures portant notamment sur les emplois dans l’éducation nationale.

Mes chers collègues, nous aurons la semaine prochaine un débat sur ces points lors du collectif. Je voulais surtout insister, c’était l’objet de la première partie de mon intervention, sur ce glissement de la fiscalité qui n’est pas marqué du sceau de la justice, justice qui reste bien entendu la priorité du Gouvernement et de la majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Jacques Krabal. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, premier orateur inscrit.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat de ce soir est fondamental pour l’avenir de nos finances publiques dans les cinq années de cette quatorzième législature. La question est de savoir si la stratégie proposée par le Gouvernement dans le rapport d’information répond aux trois nécessités suivantes : cette politique est-elle capable de redresser les finances publiques ? Cette politique améliorera-t-elle la compétitivité des entreprises ? Va-t-elle dans le sens d’une cohérence européenne ?

Vos hypothèses économiques, monsieur le ministre, sont réalistes pour 2012-2013, et beaucoup moins au-delà. Mais commençons par une note optimiste, mes chers collègues : nos deux jeunes ministres ont retenu des hypothèses de croissance, 0,3 % pour 2012 et 1,2 % pour 2013, tout à fait réalistes, même si l’objectif de 2 % en 2014, 2015, 2016 et 2017 est très imprudent car il est très supérieur à la croissance potentielle, estimée à 1,6 % par la direction du Trésor et à 1,3 % par la Commission européenne – rappelons que, pendant les dix ans précédant la crise, le taux de croissance moyen en France a été de 1,5 %.

J’ajoute, monsieur le ministre, que vos règles budgétaires sont pour partie la poursuite de l’action de vos prédécesseurs, que vous avez taxée de « rigueur » et d’« austérité ». Mais que proposez-vous ? Le maintien des dépenses de l’État hors intérêts de la dette et charges des pensions. C’est ce que faisaient vos prédécesseurs. Vous proposez aussi de maintenir en euros courants les concours de l’État aux collectivités locales. Que n’avions-nous entendu lors des débats précédents, depuis deux ans, quand nous l’avions instauré ! Que n’avons-nous entendu aussi lors des dernières élections sénatoriales ! Vous proposez également d’étendre à tous les opérateurs publics, comme vos prédécesseurs, les règles qui s’imposent à l’État. Tout cela est la continuité de la politique que vous qualifiez « d’austérité » de vos prédécesseurs et, comme eux, vous comptez maîtriser la dépense sociale en fixant l’ONDAM à 2,7 %, un niveau difficile à tenir mais qui était celui prévu auparavant à peu de choses près.

Bravo aussi de fixer comme objectif la stabilisation de la masse salariale en euros courants tout en garantissant à chacun des fonctionnaires le maintien de son pouvoir d’achat.

M. Jacques Myard. Impossible !

M. Charles de Courson. Mais, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, je veux attirer votre attention sur le fait que vous ne pouvez pas tenir un tel objectif si vous n’appliquez pas, comme l’indique le rapport de la Cour des comptes à la page 137, la politique suivante : gel du point d’indice ; réduction d’un quart du glissement-vieillesse-technicité – et vous savez que le GVT négatif est inférieur au GVT positif – ; division par dix des mesures catégorielles – je rappelle qu’elles étaient ces dernières années autour de 500 millions par an –, vous ne pourrez donc pas en faire pour plus de 50 millions par an. En d’autres termes, monsieur le ministre, je reprends ce qu’écrit, page 138, la Cour des comptes : « […] seule une baisse des effectifs donne des marges de manœuvre en matière salariale ». Comme vous n’avez pas choisi cette voie, vous serez contraint de maintenir une politique du même style que celle de vos prédécesseurs.

M. Jacques Myard. Et de vos successeurs !

M. Charles de Courson. Je reviendrai sur la question des effectifs.

Cependant, sur les points plus centraux, votre politique budgétaire n’est absolument pas adaptée : vous augmentez trop les recettes et ne diminuez pas assez les dépenses.

Premier point : où sont, monsieur le ministre, les économies nécessaires pour remédier à la situation de nos finances publiques présentée dans le rapport de la Cour des comptes ? Pourquoi attendre la présentation du budget pour 2013 alors que l’urgence de la réduction de notre déficit public n’est plus à démontrer ? Le poids des dépenses publiques en 2013, dans vos documents, est d’ailleurs quasiment stable à 56,1 %, soit un chiffre légèrement supérieur à celui de 2011, qui était de 56 %. Vous ne faites donc pas d’effort dans la réduction de ces dépenses. Je rappelle que l’année dernière, nous les avions réduites de 0,6 point par rapport à 2010. Vous commencez, dans le collectif 2012, par augmenter les recettes, avec une hausse de nos prélèvements obligatoires de plus de 13 milliards en année pleine sur le seul budget de l’État, sans compter la hausse des cotisations retraite, de l’ordre d’un milliard supplémentaire chaque année pendant cinq ans. Un tel projet est déraisonnable et il conviendrait, les centristes l’ont toujours dit, de faire porter les deux tiers de l’effort sur la dépense et un tiers sur la recette.

Or, la solution que vous proposez en termes de stabilité des effectifs dans la fonction publique de l’État n’est pas une bonne politique de gestion du personnel. Comment expliquerez-vous aux fonctionnaires qu’il y a deux fonctions publiques, l’une dite prioritaire – éducation, police, gendarmerie, justice – qui gagne 13 000 emplois par an, et l’autre où vous reconduisez la politique de vos prédécesseurs en faisant baisser de 7 500 emplois par an les effectifs de la défense – puisque nous avons tous voter la loi d’orientation – et de 5 500 ceux des autres ministères, ce qui correspond à un départ non remplacé sur deux, voire deux sur trois ?

Dès lors, vous respectez les engagements de la France pour 2012-2013 par un seul moyen ou presque : la hausse des prélèvements obligatoires. Les chiffres sont terribles, monsieur le ministre : les prélèvements obligatoires vont augmenter de 1,1 point en 2012 et de 1,2 point en 2013, alors que la réduction attendue des déficits publics est de 2,2 points. C’est donc 100 % de la réduction pour 2012 et 2013 que vous faites à coups d’augmentation massive des prélèvements obligatoires.

M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue.

M. Charles de Courson. Je conclus en disant qu’en outre, monsieur le ministre, vous privez les entreprises d’un avantage de compétitivité de 11 milliards d’euros sans aucune contrepartie, en supprimant la TVA pro-emploi alors même que la Cour des comptes préconise une hausse modérée de la TVA et de la CSG. Or sans redonner de la compétitivité à nos entreprises, nous ne pourrons redresser le pays. Vous n’avez pas même évoqué ce point, alors que la Conférence sociale en cours en débat. La substitution d’un point de CSG à 1,5 point de baisse des cotisations sociales est beaucoup plus dure socialement que la substitution d’un point de TVA.

M. le président. Il faut vraiment conclure.

M. Charles de Courson. Un dernier mot sur la divergence fiscale européenne. Les mesures que vous proposez, monsieur le ministre, que ce soit sur la fiscalité du patrimoine ou en matière de fiscalité sur le revenu avec cette tranche aberrante à 75 % que l’on va voir apparaître dans la loi de finances pour 2013 – une aberration, vous le savez vous-même puisque vous vous en êtes évanoui quand François Hollande l’a annoncé –, créent une divergence européenne.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous ne pouvons pas suivre ces orientations budgétaires qui amèneront notre pays à l’échec économique et social. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce débat d’orientation s’inscrit dans un contexte budgétaire difficile pour la France et pour l’Europe. La situation de nos finances publiques est dégradée, cela a été longuement démontré aujourd’hui, et nous partageons vos inquiétudes sur ce point.

La dette française atteindra en fin d’année près de 90 % du PIB ; la charge de la dette est devenue le premier poste de dépenses de l’État ; le poids de nos engagements financiers nous contraint et obère les politiques publiques.

La situation de nos finances publiques est dégradée et elle pourrait se dégrader plus encore. Oui, monsieur le ministre, nous sommes conscients qu’un risque d’emballement de la dette existe. Même si les taux auxquels la France emprunte sont historiquement bas, nous ne pouvons ignorer la nécessité de prévenir une hausse sensible de ces taux qui affecterait le budget de la France et l’économie tout entière. Nous partageons donc, monsieur le ministre, votre souci de remettre la France sur une trajectoire de réduction des déficits publics.

Il faut néanmoins rappeler, chers collègues, que le déséquilibre des finances publiques n’est pas à l’origine de la crise que nous traversons. Il résulte principalement de deux éléments : une dégradation brutale de la conjoncture économique qui a grevé nos recettes fiscales ; une politique d’allégements fiscaux incessants pour les plus aisés et pour les grandes entreprises, qui a affaibli durablement les moyens de l’État.

De cette analyse nous tirons deux enseignements pour l’avenir : d’une part, le redressement de nos finances publiques ne se fera pas sans redressement de l’emploi et de l’activité ; d’autre part, pour retrouver l’équilibre structurel de nos finances publiques, nous devons rétablir nos marges de manœuvre fiscales dans la justice et dans l’équité.

C’est pourquoi nous partageons, monsieur le ministre, les options que vous proposez dans ce premier collectif budgétaire. Oui, le redressement des comptes publics ne peut se faire sans justice fiscale, sans le rétablissement, en particulier, de la progressivité de l’impôt et sans une lutte constante contre l’évasion fiscale. En ce sens, nous sommes particulièrement satisfaits de voir que vous revenez sans délai sur trois réformes particulièrement inéquitables, conformément aux engagements que nous avons pris ensemble devant les Français : la baisse des taux de l’impôt sur la fortune, la baisse des droits de succession des contribuables les plus aisés, et les exonérations sur les heures supplémentaires.

Nous partageons vos premières options en matière fiscale et nous partageons aussi votre souci de l’efficacité de la dépense publique.

Nous apporterons d’ailleurs notre pierre à cet édifice en portant des propositions d’économies, pour mettre notre budget en cohérence avec l’ambition qu’a porté le Président de la République : « faire de la France la nation de l’excellence environnementale ». Dans cette logique, nous proposerons des économies sur toutes les dépenses fiscales et budgétaires qui, au lieu d’engager notre pays sur la transition vers un nouveau modèle de développement économe en ressources, subventionnent au contraire la dépendance énergétique.

Nous ne pourrons pas sortir durablement de cette crise sans prendre en compte l’épuisement des ressources qui en a été, au moins en partie, à l’origine. Toute relance, qu’elle soit libérale ou keynésienne, se heurtera inexorablement à l’augmentation immédiate du prix des matières premières, au premier rang desquelles l’énergie.

Faut-il rappeler qu’entre 2003 et 2008 le prix du baril du pétrole avait été multiplié par cinq, et que c’est l’une des causes de la crise que nous connaissons ? Faut-il rappeler que depuis 2009 le prix du baril augmente dès que les perspectives économiques s’améliorent, et vient stopper net toute reprise de l’activité ? Faut-il rappeler enfin que sur les 70 milliards d’euros déficit commercial en 2011, 62 milliards d’euros sont dus à la facture énergétique et donc principalement à l’importation d’hydrocarbures ?

C’est pourquoi nous proposerons, dans l’équité et la justice, de réaliser des économies budgétaires sur toutes les dépenses qui subventionnent cette dépendance énergétique, notamment l’exonération du kérosène sur les vols intérieurs qui coûte 1,3 milliard d’euros par an au budget de l’État. Cet amendement a été maintes et maintes fois discuté dans cette enceinte mais je crois qu’est venu le temps de sa mise en œuvre.

Comment expliquer, en effet, que les Français les moins aisés doivent s’acquitter de la taxe intérieure sur les produits pétroliers chaque fois qu’ils font le plein alors que ceux qui prennent l’avion en sont exonérés, et ce alors même que cette taxation est possible puisqu’elle a été mise en place aux Pays-Bas ? Les écologistes sont des gens persévérants, monsieur le ministre, et nous ne doutons pas que cette iniquité soit prochainement corrigée.

Plus globalement, monsieur le ministre, l’ensemble des subventions et exonérations nocives à l’environnement est évalué par les associations environnementales à 33 milliards d’euros. Les travaux du Centre d’analyse stratégique, du ministère du budget et ceux de la commission des finances du Sénat sont convergents et soulignent l’incohérence de la politique fiscale et budgétaire en matière environnementale. À l’heure où nous opérons un redressement de nos finances publiques, il serait impensable que nous continuions d’une main à subventionner les comportements polluants et de l’autre à investir, par exemple, dans le grand plan d’isolation thermique des bâtiments.

Comme vous, nous sommes soucieux d’une gestion attentive et efficace des deniers de l’État. Comme vous, monsieur le ministre, nous sommes soucieux de remettre la France sur une trajectoire de rééquilibrage des comptes publics.

Faut-il pour autant adopter des objectifs rigides et intangibles au risque de provoquer un recul de l’activité et de l’emploi ? J’en viens à la question essentielle que nous souhaitons soulever : un ajustement budgétaire trop brutal ne serait-il pas fatal à notre économie et à la situation sociale de nos concitoyens ?

Notre économie est dans une situation de fragilité exceptionnelle. En mai, pour la première fois depuis 1999, le nombre de demandeurs d’emploi sans activité a franchi la barre des 2,9 millions. En 2012, le pouvoir d’achat devrait baisser de 1,2 %, soit le plus fort recul depuis 1984. Le taux de chômage pourrait encore progresser et toucher 10,5 % de nos concitoyens début 2013. Les restrictions budgétaires trop rigides ne risquent-elles pas de conduire notre économie si fragile à une situation de rupture ?

Les travaux de nombreux économistes tels que Paul Krugman, Lawrence Summers, Éric Heyer et Xavier Timbeau convergent pour montrer que l’impact économique des mesures budgétaires, ce qu’on appelle l’effet multiplicateur, est d’autant plus grand que la situation sociale est dégradée. Cela nous conduirait nous seulement à une récession sans précédent mais également à un repli de nos recettes fiscales qui nous éloignerait de fait de nos objectifs mêmes de réduction des déficits. L’effort à fournir aujourd’hui est donc plus important que celui que nous aurions à fournir demain dans une situation plus stable. Dans cette période exceptionnelle, l’État ne doit-il pas jouer son rôle de stabilisateur plutôt que d’aggraver la crise par des coupes drastiques dans ses dépenses ?

Vous proposez, monsieur le ministre, une réduction de 15 % en trois ans des dépenses de fonctionnement et d’intervention discrétionnaires de l’État. Comment préserver dans ce cadre les dépenses essentielles à la vie de nos concitoyens d’aujourd’hui et à la préparation de la France de demain ?

Je pense notamment à l’hôpital qui souffre d’un manque de moyens criant. Je pense également au secteur associatif qui est en grande difficulté puisqu’il a connu en 2011, pour la première fois, des destructions d’emploi. Je pense enfin aux investissements nécessaires dans les économies d’énergie, les transports collectifs et les énergies renouvelables. Ils sont essentiels pour briser notre dépendance au pétrole mais aussi pour libérer le pouvoir d’achat de nos concitoyens qui paient de plus en plus cher leur essence, et pour leur permettre aussi, tout simplement, d’effectuer leurs trajets quotidiens dans des conditions décentes.

Vous nous dites qu’il faut faire revenir la confiance et vous avez raison. Mais c’est la confiance dans les perspectives d’activité et d’emploi que nous devons rétablir. Les agences de notation elles-mêmes doutent de la capacité des politiques d’austérité à résoudre la crise et dénoncent un programme de réformes qui « risque d’aller à l’encontre du but recherché, à mesure que la demande intérieure diminue en écho aux inquiétudes croissantes des consommateurs en matière de sécurité de l’emploi et de pouvoir d’achat, entraînant l’érosion des recettes fiscales ».

Monsieur le ministre, nous comprenons que vous redoutiez que le poids de la dette n’entraîne une augmentation des taux d’intérêt, un alourdissement de la charge de la dette et une spirale négative qui obère nos capacités à mettre en œuvre des politiques publiques.

N’existe-t-il pas un risque plus redoutable encore : celui de l’effondrement de notre activité, d’un accroissement sensible du chômage lié aux restrictions budgétaires dont résulterait un affaiblissement durable de notre économie ? Les marchés eux-mêmes ne comprennent-ils pas que le risque le plus important pour notre dette n’est pas tant un prétendu laxisme budgétaire que la récession économique qui affaiblirait durablement nos recettes fiscales et notre capacité à réduire les déficits ?

Ne pas s’inscrire dans une trajectoire de réduction des déficits publics pourrait peut-être nous conduire, dans les conditions actuelles, à un emballement de la dette. Les réduire trop brutalement nous conduit, sans doute plus sûrement encore, à l’effondrement social.

Monsieur le ministre, chers collègues, nous vous l’avons dit, les écologistes ne sous-estiment pas l’effort que la France doit faire pour redresser ses comptes publics, mais ils savent que les Français nous jugeront aussi, et peut-être surtout, à nos résultats sur l’emploi. Ce n’est donc pas au laxisme que les écologistes vous invitent mais bien au contraire à la raison. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC, RRDP et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que nous héritions d’une situation budgétaire dont nous ne cessons de débattre cet après-midi, l’orientation des finances publiques voulue par le Gouvernement et par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault nous apparaît volontariste mais réaliste, audacieuse mais crédible.

La gauche au pouvoir a déjà prouvé ses capacités de gestion des comptes publics, notamment entre 1997 et 2002 et dans de nombreuses collectivités de notre pays.

Plus que l’objectif de 3 % de déficit en 2013, le chiffre qu’il faut avoir à l’esprit et sur lequel la majorité sera jugée est celui du retour à l’équilibre en 2017. Nous avons cinq ans pour y parvenir et nous y parviendrons car nous ferons valoir, durant cette législature, le bien-fondé de notre vision économique : une gestion rigoureuse certes, mais avec une priorité donnée avant tout à la croissance économique.

Sans croissance, sans recherche de compétitivité, sans innovation, le redressement des comptes publics sera extrêmement délicat. Le Gouvernement a d’ores et déjà obtenu plusieurs avancées lors du sommet européen de la fin du mois de juin dernier. Nos partenaires ont désormais conscience de l’absolue nécessité de relancer l’économie pour redresser la situation. Il est nécessaire de poursuivre sur cette route, et l’accord de juin dernier n’a été qu’un premier pas.

Nous le savons tous, ou presque, la solution ne se trouve pas uniquement en France mais elle est à rechercher dans l’Union européenne. En tant qu’Européens convaincus, les radicaux de gauche défendront une approche européenne pour redresser notre économie et nos finances publiques.

La France et l’Allemagne sont les plus importants contributeurs nets au budget de l’Europe, or une partie de ses fonds est utilisée pour permettre à des États de faire du dumping fiscal et social. Ce temps est révolu, nous ne voulons plus de ce système. Nous souhaitons une politique économique, fiscale et budgétaire coordonnée avec nos voisins européens. Les politiques non coopératives de type « TVA sociale » ne sont pas la solution si l’on souhaite que l’Europe sorte par le haut de cette grave crise.

Atteindre les 3 % de déficit en 2013 n’est certes pas une mince affaire. Avec une prévision de croissance de 1,3 % en 2013 et sans changement politique, la Commission européenne estime que notre déficit public sera de 4,2 %. Ramener le déficit à 3 % suppose des économies budgétaires de l’ordre de 1,2 point de PIB, soit 24 milliards d’euros à trouver dès 2013.

En considérant que ces mesures risquent d’aggraver le ralentissement de l’économie, l’effort à fournir devrait être encore plus important : si 1,2 point de PIB de restriction budgétaire se traduisait par une baisse d’activité de 1,2 point, tout serait à refaire. C’est le cercle vicieux de l’austérité budgétaire, dans lequel sont tombés plusieurs de nos partenaires européens et que nous devons absolument éviter.

Pour redresser nos comptes sans déprimer notre économie, pour éviter donc ce cercle vicieux, il faut bien cibler les hausses d’impôt : taxer davantage l’épargne que les activités productives ; taxer l’argent dormant et non l’argent qui circule.

Les radicaux de gauche et les membres du groupe RRDP veilleront tout au long de cette législature à ce que l’effort soit équitablement réparti entre dépenses et recettes, d’une part, et entre ménages et grandes entreprises, d’autre part. Chacun doit prendre sa part dans l’effort de redressement des comptes publics, en fonction de ses capacités contributives et selon un principe essentiel de progressivité de l’impôt. Il ne peut pas y avoir de justice sociale s’il n’y a pas de justice fiscale.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Eh oui !

M. Jacques Krabal. Les radicaux de gauche ont pu, au cours de la précédente législature, dénoncer la remise en cause du caractère progressif de l’impôt. Nous avons combattu la politique de la droite inspirée par l’idée d’une économie du ruissellement du haut vers le bas : plus on donne aux riches, plus les pauvres en profiteraient.

Cette politique appliquée par les gouvernements libéraux de Thatcher et de Reagan a prouvé son inefficacité mais cela n’a pas empêché le précédent gouvernement de droite de l’appliquer.

Non seulement cette politique anti-redistributive est injuste socialement, mais surtout elle est l’une des raisons de la crise économique actuelle.

Elle est fondée sur la dégressivité de l’impôt, qui a provoqué une rupture dans notre système fiscal. Cette politique a conduit à ce qu’il n’y ait jamais eu autant de milliardaires, dans le monde comme en France, alors que le nombre de pauvres explose. Permettez-moi de faire une fois encore référence à Jean de La Fontaine, dans la fable La mort et le bûcheron : « Enfin, n’en pouvant plus d’effort et de douleur, Il met bas son fagot, il songe à son malheur. Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ? En est-il un plus pauvre en la machine ronde ? Point de pain quelquefois, et jamais de repos » – comme c’est hélas le cas pour de nombreux de nos concitoyens. En tant qu’humaniste, cela est inacceptable, et ravageur pour l’image de l’action politique.

Les radicaux de gauche défendent la justice sociale et fiscale avec fermeté depuis plus d’un siècle, et la progressivité de l’impôt. Nous avons combattu l’idée de la proportionnalité de l’impôt, nous dénonçons désormais la dégressivité de notre système fiscal, démontrée depuis quelques années par plusieurs études économiques : plus les revenus fiscaux sont élevés, moins on contribue ; plus ils sont faibles, plus on contribue !

Pourquoi y tenons-nous autant ? Parce que la dégressivité de l’impôt entraîne une défiance des contribuables face à l’institution fiscale. Une défiance d’une part verticale, c’est-à-dire envers l’État, qu’ils soupçonnent d’être partial et de favoriser les plus riches, particuliers comme grosses entreprises, et d’autre part horizontale, les contribuables se suspectant les uns les autres de payer le moins d’impôt possible et de ne pas contribuer à l’effort de redressement des comptes publics.

Les radicaux de gauche et les députés du groupe RRDP veilleront à ce qu’on sorte de cette logique de défiance pour revenir à une logique de consentement à l’impôt. Mais cela suppose au préalable la justice fiscale.

Nous serons également vigilants sur la question de la dépense publique. Il est nécessaire de sortir d’une logique purement comptable et mécanique de la dépense publique, de sortir de la RGPP et des règles aveugles de suppression d’un poste de fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Il faut mettre fin aux fermetures de services publics sans prise en compte des besoins des territoires, notamment ruraux. Il n’est plus possible de gérer la fonction publique et les services publics sans vision politique et prospective. La dépense publique n’est pas une variable qu’il est possible d’ajuster aveuglément en fonction d’engagements pris à Bruxelles. Pour bien gérer la dépense publique, il est nécessaire de partir d’en bas, c’est-à-dire des besoins de la population, et non d’en haut, c’est-à-dire des impératifs de réduction du déficit public dictés par des technocrates.

Nous serons particulièrement vigilants quant au devenir des services publics de proximité.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Jacques Krabal. Nous le serons notamment pour ce qui concerne les problématiques de santé publique et de gestion des petits hôpitaux, même si Mme la présidente de la commission des affaires sociales nous a rassurés tout à l’heure. Je pourrais à loisir vous parler des conséquences de la loi HPST sur le centre hospitalier de Château-Thierry – de la suppression de la permanence de soins, du déclassement de l’hôpital qui préfigure une désertification médicale à court terme. Les hôpitaux de proximité sont un maillon essentiel de la santé publique et ne doivent pas faire les frais d’une gestion strictement comptable des dépenses. Le Président de la République s’est engagé sur ce dossier, que nous suivrons de très près.

Nous avons apporté la semaine dernière notre confiance au Gouvernement, nous la renouvelons sur cet épineux dossier du redressement des comptes publics. Nous le faisons avec optimisme. Nous avons bien compris que le pessimisme de l’opposition était la conséquence de sa mauvaise humeur. Pour notre part, nous ressentons un optimisme de volonté, de solidarité et de justice. Car l’optimisme est affaire de volonté, et s’oppose à la fatalité.

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avant même la publication la semaine dernière du rapport de la Cour des comptes, nous étions tous au fait de la situation dans laquelle se trouvent notre économie et nos finances publiques.

Je ne reviendrai pas sur le bilan de la gestion de la précédente majorité, tant les chiffres parlent d’eux-mêmes : une croissance atone, de 0,3 % en 2012, un taux de chômage atteignant 10 % de la population active et touchant plus particulièrement les jeunes et les seniors, une balance commerciale déficitaire de 70 milliards, une dette publique qui a crû de 40 % en cinq ans…

Il n’est pas inutile en revanche de reprendre quelques-unes des préconisations de la Cour des comptes, qui éclaireront d’autant mieux notre débat que le Premier ministre a souligné qu’elles « valident les mesures et orientations que le Gouvernement s’apprête à présenter au Parlement ».

Le message le plus important adressé la semaine dernière par le Premier président de la juridiction financière portait précisément sur 2 013. Pour ramener le déficit public à 3 %, il est « impératif », soulignait-il, d’imposer un plan de redressement de 33 milliards avec une croissance de 1 %. Il faut comparer ces 33 milliards par exemple aux dizaines de milliards escamotés par l’évasion fiscale ou encore aux 50 milliards d’intérêts de la dette que nous payons chaque année,...

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Gaby Charroux. …sans compter les 5 milliards que la France va devoir rembourser à la suite d’un contentieux européen sur une affaire fiscale ancienne.

Pour mener à bien ce plan de redressement, la Cour des comptes ne préconise rien de moins que le gel de la masse salariale des administrations publiques, la désindexation des retraites et des allocations familiales ou encore la remise en cause de très nombreux projets d’investissements publics : des mesures parfaitement en ligne avec les exigences de Bruxelles.

Le Gouvernement a certes pris ses distances avec quelques-unes de ces recommandations. Alors que la Cour juge « difficilement évitable » l’an prochain une hausse de la TVA et de la CSG, celle-ci ne figure pas dans votre programme. Nous nous en réjouissons.

M. Marc Dolez. Pour l’instant !

M. Gaby Charroux. Mais pour le reste, force est malheureusement de constater que vos orientations budgétaires valident l’objectif d’une réduction du déficit public à 3 %, objectif difficilement tenable selon nous, sauf à appliquer une politique de rigueur qui nous conduirait inexorablement à la récession.

Il nous sera probablement expliqué que le respect de nos engagements et du pacte de stabilité monétaire sont indispensables pour assurer la cohésion d’une zone euro plongée dans la tourmente. Rappelons simplement que cela fait des années que l’on nous assure que le pacte de stabilité est la condition sine qua non du redressement économique. Avant la crise, on nous expliquait qu’il permettrait de créer des millions d’emplois. Il s’est avéré contribuer à brider les investissements et les salaires, à maintenir un chômage de masse, à accroître les inégalités au sein de la zone euro, tant entre pays qu’entre citoyens, ou encore à freiner la croissance du continent. Comme le soulignait l’une de vos collègues il y a quelques mois, ce pacte a en réalité ouvert une des périodes les plus néfastes de l’économie européenne. Ses grands bénéficiaires ont été les puissances dominantes et le capitalisme financier.

Devons-nous aujourd’hui persister dans des choix qui ont conduit les économies européennes dans le mur, alors que la crise financière en a montré les limites et les dangers ? Faut-il que les États et les peuples continuent à faire les frais de cette situation, au risque d’inscrire dans la durée des reculs sociaux inacceptables qui ne profiteront in fine qu’aux détenteurs du capital et autres investisseurs financiers ?

C’est tout l’enjeu du changement promis par l’actuel chef de l’État. Nos concitoyens attendent de nous que nous mettions en place des instruments propres à éviter que les marchés imposent leur loi, en d’autres termes que nous nous appliquions, pour reprendre l’heureuse expression d’André Chassaigne, à « desserrer l’étau de la contrainte extérieure » en refusant la tutelle des marchés et le règne d’une concurrence débridée, synonyme de délocalisations massives et de recul des droits sociaux.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Gaby Charroux. Fière de ses règles disciplinaires, de ses traités et de ses pactes, consciencieusement occupée à donner satisfaction aux marchés, l’Europe, soulignait récemment l’économiste Frédéric Lordon, « a décidé, contre toute logique économique, qu’il n’était pas d’autre voie pour stabiliser les dettes publiques que la restriction généralisée ».

Nous estimons pour notre part qu’il n’y a pas d’autre voie pour réduire le déficit public que la croissance, l’investissement et l’emploi.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Gaby Charroux. Nous approuvons, messieurs les ministres, les grandes orientations de votre politique fiscale. Nous jugeons en effet nécessaire, après des années d’errements clientélistes, d’œuvrer pour plus de justice fiscale. Le relèvement de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, le rétablissement du barème de l’ISF, la disparition du dispositif d’exonération de charges sociales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de plus de vingt salariés, le plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros, l’instauration d’une taxe de 3 % sur les dividendes distribués aux actionnaires, la réduction des abattements de succession des plus fortunés, l’augmentation de la taxation des stocks options – toutes ces mesures vont dans le bon sens.

M. Pascal Terrasse. Oui !

M. Gaby Charroux. Nous considérons toutefois qu’il faut aller plus loin en réhabilitant les impôts progressifs tels que l’impôt sur le revenu, aux puissantes vertus redistributives, et en réduisant en contrepartie l’influence des impôts proportionnels, indolores en apparence mais profondément injustes, comme la TVA. L’annonce de la suppression de la TVA dite « sociale » est à cet égard une excellente nouvelle.

Nous devrons aussi mettre en chantier une profonde refonte de l’impôt sur les sociétés. Il est indispensable de faire disparaître cette logique aberrante selon laquelle les entreprises de moins de dix salariés acquittent 30 % d’impôt sur les sociétés alors que les entreprises du CAC 40, par le jeu de l’optimisation fiscale, parviennent à ramener leur taux effectif à 8 %.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Gaby Charroux. Nous notons donc avec satisfaction votre volonté de vous attaquer à ces effets d’aubaine, comme à la fraude et à l’évasion fiscale. Nous en débattrons le temps venu.

S’agissant des mesures de relance de l’activité, vous avez formulé le vœu, monsieur le ministre, de relancer l’investissement des petites et moyennes entreprises grâce à une réforme de l’impôt sur les sociétés et du crédit impôt recherche d’une part, et d’autre part à la création d’une banque publique d’investissement avant la fin de l’année et à la réforme du secteur bancaire, de l’épargne réglementée et de la fiscalité de l’épargne.

Nous sommes a priori favorables à ces propositions tout en attendant des précisions, notamment quant au lien fiscal entre les territoires et les grandes entreprises qui y sont implantées, après la suppression de la taxe professionnelle.

D’ailleurs, je rappelle que nous militons depuis des années pour la création d’un grand pôle financier public. Nous avons aujourd’hui la possibilité, autour de la Caisse des dépôts et de la Banque postale – et de ses 322 milliards d’encours venant d’une clientèle très populaire et qui épargne beaucoup – de créer non seulement une banque qui financerait les communes et les départements, mais aussi un pôle bancaire susceptible de mobiliser l’épargne populaire au profit du tissu économique, de proposer des prêts à taux réduits pour les entreprises qui favorisent la création de richesses réelles ou l’investissement créateur d’emplois et enfin d’accompagner les entreprises dans leur transition écologique. Là aussi, l’enjeu est de taille.

Au terme de ce débat, vous aurez compris que si nous soutenons les premières orientations de votre politique fiscale, nous regrettons en revanche l’objectif d’une réduction arithmétique des dépenses publiques. Il n’est pas exact que le redressement du pays passe par le respect scrupuleux d’une règle d’équilibre des comptes publics.

Pour diminuer le poids de la dette publique, à nos yeux, il ne faut pas tailler dans des dépenses arbitrairement jugées improductives mais tourner le dos aux politiques libérales qui ont conduit à l’impasse où nous sommes.

Cela passe par une relance salariale, par une autre politique monétaire européenne, par le retour à une fiscalité progressive et redistributive et par une politique de relance budgétaire ciblée en fonction des besoins essentiels, qu’il s’agisse d’éducation, de santé ou de protection de l’environnement.

C’est la position qui sera défendue avec optimisme par notre groupe tout au long de ces prochains mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la situation de notre pays tient en trois mots : explosion de la dette, qui a doublé en dix ans ; explosion du chômage, avec un million de chômeurs supplémentaires en quelques années ; déficit abyssal du commerce extérieur, alors même qu’il était assez nettement excédentaire – d’une vingtaine de milliards d’euros – il y a moins de dix ans. Face à cette situation, on peut, comme l’a fait le gouvernement précédent, se concentrer sur la seule réduction des déficits publics ; c’est très exactement ce qu’on appelle une politique d’austérité. C’est croire que l’on peut réduire les déficits simplement en se concentrant sur la réduction des dépenses, sur l’augmentation des recettes, sans rien faire par ailleurs.

Pour notre part, nous pensons au contraire que, pour réduire le déficit des finances publiques, il faut réduire en même temps les trois déficits dont souffre notre pays : bien sûr, le déficit public, mais aussi le déficit d’emplois et de pouvoir d’achat, ainsi que le déficit extérieur. Il s’agit d’avoir une politique qui s’attaque à la fois aux trois, même si ce n’est pas exactement dans le même temps, car on sait bien que le redressement de la compétitivité s’étalera sur plusieurs années, que la priorité c’est l’emploi et la demande, laquelle fléchit énormément en ce moment ; et que, à plus long terme, il faudra consolider la réduction des déficits. C’est en tout cas cet effort global qui permettra de réduire les déficits.

Pour réduire le déficit des finances publiques sans peser sur la croissance, il faut éviter les augmentations générales d’impôt, comme la hausse de la TVA qu’avait prévue la droite. Il faut supprimer tous ces dispositifs inefficaces et injustes – Dieu sait s’ils sont nombreux dans notre fiscalité du revenu et notre fiscalité des sociétés– qui les mitent complètement. Ainsi peut-on à la fois réduire le déficit, avec des recettes fiscales, et rendre notre impôt plus juste, plus simple et plus clair ; cette suppression aurait donc deux effets positifs.

Il faut s’attaquer au déficit d’emplois et de pouvoir d’achat. Pour cela, il faut commencer par supprimer cette arme de destruction massive de l’emploi qu’est la subvention aux heures supplémentaires, mesure dont je crois qu’elle restera dans l’histoire comme l’une des plus absurdes qui soient. Elle aurait pu, certes, avoir un sens dans un autre contexte économique, mais elle est totalement absurde dès lors que notre pays connaît un chômage de masse. Il faut aussi – j’ai entendu avec plaisir le ministre des finances l’évoquer – agir directement sur l’emploi, notamment grâce à des emplois aidés et par la mise en place, lors de la discussion budgétaire, des emplois d’avenir et des contrats de génération.

Il faut agir sur le pouvoir d’achat directement, en augmentant le SMIC, en augmentant l’allocation de rentrée scolaire, et, surtout, grâce à l’emploi. On le sait bien : ce qui fait la hausse du revenu, c’est, pour l’essentiel, la hausse de l’emploi.

Enfin, s’attaquer au déficit de compétitivité, c’est mener une politique constante de réindustrialisation de notre pays, avec le financement d’une banque publique d’investissement en relation avec les régions, de façon à remédier au sein de nos pôles de compétitivité à notre principale défaillance en matière industrielle : l’insuffisante croissance de nos PME. Nos PME doivent pouvoir grandir comme elles le font en Allemagne.

J’ai entendu avec intérêt le ministre des finances parler de l’Europe. Celle-ci s’enfonçait depuis plusieurs années, c’est vrai, dans des politiques d’austérité qui n’étaient pas sans rappeler les politiques menées en Europe dans les années trente, après la crise de 1929. Le changement impulsé par le Président de la République n’est pas seulement un changement de discours, même si, effectivement, l’Europe parle désormais de croissance, alors qu’elle avait oublié ce mot ; elle prend aussi des mesures, dont le montant est de 1 % du PIB, ce qui est considérable : c’est l’équivalent du budget européen. Voilà un changement décisif.

Monsieur le ministre, vous avez parlé de trois principes. Le principe de sincérité, tout d’abord, consiste à ajuster les budgets sur la prévision établie par le consensus des économistes. S’agissant, ensuite, du principe de concertation, ce qui se passe en ce moment dans notre pays – je parle bien sûr de la conférence sociale – constitue aussi un changement majeur dans notre pays ; cela aura sans doute des répercussions importantes à terme. Enfin, le pragmatisme implique la fin de cette politique absurde, elle aussi, de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, une politique désobligeante pour notre fonction publique, quand on connaît la qualité de nos fonctionnaires, et dont les fruits, en termes budgétaires, sont tellement dérisoires ; il est temps d’en terminer avec cette politique.

Enfin, dans le prolongement de ce que je disais à propos de la RGPP, la compétitivité d’une nation, on le sait très bien, repose, pour l’essentiel, sur des services publics efficaces. À l’heure de la mondialisation, on peut reproduire partout dans le monde une usine moderne mais, si on veut qu’elle fonctionne, il faut des services publics efficaces, il faut des infrastructures, il faut un système de formation, il faut un système de sécurité sociale ; tout ce qui fait le développement économique, c’est, en grande partie, l’efficacité du secteur public. C’est pourquoi il est temps de tracer un autre chemin pour la France et, comme l’a fait le Président de la République, un autre chemin pour l’Europe. C’est tout simplement ce que vous nous proposez aujourd’hui.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le député.

M. Pierre-Alain Muet. Quand on comprend que la solidarité et la confiance sont des facteurs majeurs d’efficacité économique,…

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. Pierre-Alain Muet. …cela produit ses effets. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le changement, c’est maintenant, nous dit-on,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Eh oui !

M. Hervé Mariton. …mais quel en est le contenu ? Sans doute vous souvenez-vous de cet éditorial d’un grand quotidien du soir qui soulignait que les Français étaient en droit d’attendre, d’entendre et de comprendre non seulement le moment du changement mais aussi, tant qu’à faire, son contenu. Au fil des heures, cet après-midi, nous avons entendu de belles et grandes protestations de vertu, mais, concrètement, pour les Français que nous représentons, quelles sont les perspectives, quelles sont les orientations des finances publiques ?

Je pose de nouveau une question simple et précise, que j’ai posée tout à l’heure et à laquelle je crois ne pas avoir eu de réponse. Il est question partout – sauf ici, apparemment – d’une augmentation de la CSG.

M. Pascal Terrasse. Vous lisez trop Le Figaro !

M. Hervé Mariton. Quand aura-t-elle lieu ? Quel sera son montant ?

Quelle est l’ampleur de la baisse du pouvoir d’achat que vous proposez aux Français, avec la suppression des exonérations de charges sociales, pour tous les salariés, quelle que soit la taille de l’entreprise, dont bénéficiaient les heures supplémentaires ?

J’ai entendu Pierre-Alain Muet dire que cette mesure, au fond, avait du sens dans le contexte économique de l’année 2007.

M. Laurent Grandguillaume. Il n’a pas dit cela !

M. Hervé Mariton. C’est la première fois que j’entends, de la part de nos collègues socialistes, dire du bien de cette mesure. Las, concrètement, pour 2012 et 2013, ce que vous proposez aux Français, c’est une baisse de pouvoir d’achat de plus de quatre milliards d’euros, nous devons le répéter.

M. Marc Goua. Et la hausse de la TVA, c’était quoi, alors ?

M. Hervé Mariton. Je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger sur cinq enjeux qui me paraissent importants et à propos desquels vous pouvez peut-être nous éclairer. Un débat d’orientation ne se conclut pas par un vote, mais il doit permettre d’éclairer l’ensemble de la représentation nationale et, à travers nous, l’ensemble de nos concitoyens.

Nous pensons, à l’UMP,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ah, parce que vous pensez ?

M. Hervé Mariton. …que des réformes structurelles sont indispensables pour notre pays.

M. Jacques Myard. Absolument !

M. Hervé Mariton. Elles sont indispensables pour améliorer la compétitivité de notre économie. Or, dans le collectif budgétaire, en matière de réformes structurelles, rien ! C’est même plutôt la contre-réforme.

M. Pascal Terrasse. C’est votre bilan, ça !

M. Hervé Mariton. S’agissant des orientations pour 2013 et au-delà, s’il vous plaît, monsieur le ministre, au-delà du Meccano que l’on nous a rappelé tout à l’heure – réorganiser CDC Entreprises, peut-être avec OSEO, la Banque publique d’investissement, que sais-je encore –, quelles réformes structurelles nous proposerez-vous ?

Le déficit du commerce extérieur est sans doute le plus grave de nos déficits, car il porte en lui-même, quand bien même nous arriverions à rétablir la situation des finances publiques, une aggravation supplémentaire de cette dernière, susceptible de nous contraindre à des cures renouvelées. Quelles mesures entendez-vous prendre pour améliorer notre commerce extérieur ? On peut avoir des opinions différentes sur la TVA sociale…

M. Laurent Grandguillaume. La TVA, ce n’est pas social !

M. Hervé Mariton. …mais nous avions au moins eu le mérite de faire cette proposition et de tenter ce que d’autres pays ont tenté, avec une certaine efficacité. Vous n’en voulez pas, ce n’est pas une surprise, mais alors quel est votre projet sur ce terrain ?

Il faut aussi des réformes structurelles pour améliorer la situation de nos finances publiques. Or nous n’en voyons guère dans le collectif budgétaire.

S’agissant des perspectives 2013, je vous ai écouté, monsieur le ministre délégué, de même que j’ai écouté votre collègue Pierre Moscovici. Nous savons, nous avons à peu près compris comment cela ne s’appelle pas. Nous avons compris que les réformes structurelles ne s’appellent plus « révision générale des politiques publiques » ; nous avons entendu, nous avons compris. Las, si nous savons comment cela ne s’appelle pas, nous ne savons toujours pas ce que c’est. On pourrait savoir comment ça s’appelle et ce que c’est mais, sur le sujet, rien !

Quelles sont vos orientations pour l’avenir ? Vous nous avez rabâché que vos orientations seraient justes ;…

M. Marc Goua. C’est le changement !

M. Hervé Mariton. …c’est plutôt bien. Nous serions d’ailleurs inquiets qu’un gouvernement nous propose des réformes injustes, mais, au-delà de cette proclamation de justice et de cette profusion de tautologies, quelles sont vos réformes structurelles ?

Il y a votre programme, nous avons compris, nous le savons. Il y a un certain nombre d’indications, que vous avez glissées de-ci de-là. Nous comprenons que le financement de l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire reposera durablement sur une remise en cause du quotient familial. Nous avons compris que vous préférez la CSG à la TVA sociale, ou nous en avons une intuition solide. Tout cela ne suffit pas tout à fait à tracer un programme de réformes structurelles.

Deuxième enjeu, la maîtrise des dépenses. Je suis d’accord avec vous sur un point, monsieur le ministre, et, avec d’autres membres de l’ancienne majorité, devenue l’opposition d’aujourd’hui, je n’ai cessé de le dire : les efforts de maîtrise des dépenses de notre majorité n’ont pas été suffisants. Mais que dire, alors, de votre majorité ? Le collectif, nous le répétons, ne prévoit quasiment aucun effort : 7,2 milliards d’impôts nouveaux et 90 millions d’euros de dépenses rebasculées. Vous nous dites que l’on ne peut faire mieux en cours d’année. Allez donc voir, monsieur le ministre, chez nos partenaires européens. Plusieurs pays européens – sans doute parce qu’il faut parfois faire de nécessité vertu – sont capables, en cours d’année, à ce moment de l’année, de proposer une économie de dépenses très supérieure aux 90 millions d’euros que vous voulez rebasculer.

Évidemment, vous êtes contraint par les engagements que vous avez contractés en termes de dépenses nouvelles, dans des conditions qui ne sont pas toujours très rationnelles. S’agissant notamment de la création de postes d’enseignants – je le dis respectueusement, en tenant compte de la sensibilité qui doit être celle de M. le rapporteur général sur ce sujet –, chacun a compris qu’en 2012, pour respecter les engagements pris devant une partie de votre électorat, vous allez créer des emplois non pas là où il y a des besoins mais là où il y a une offre potentielle de personnes reçues à des concours, et susceptibles d’être embauchées. Cela vous permet de créer des emplois supplémentaires. Je suis assez curieux de savoir comment vous allez vous y prendre en 2013.

Le président de la commission des finances a rappelé tout à l’heure que notre politique de maîtrise des effectifs de la fonction publique n’avait pas nécessairement donné tous les résultats que l’on pouvait attendre en termes de réduction des dépenses. Du moins cela a-t-il permis d’améliorer la rémunération d’un certain nombre d’enseignants, ce qui n’est pas indigne. Vous ne voulez plus de ces évolutions catégorielles, parfois justifiées, et vous ne voulez plus exonérer de charges sociales et fiscales les heures supplémentaires. Le rapporteur général a souligné combien, dans l’enseignement, les heures supplémentaires avaient prospéré, en très grand nombre.

Mme Sandrine Mazetier. Et coûté très cher !

M. Hervé Mariton. Concrètement, cela a permis d’améliorer la situation matérielle des enseignants.

Or, en même temps, vous voulez recruter de nouveaux enseignants.

Chacun sait que, pour le CAPES de mathématiques, ainsi que cela a été largement commenté dans la presse l’été dernier, le jury a refusé de recruter davantage que la moitié des postes mis au concours.

Quant à l’agrégation de mathématiques, le jury est descendu jusqu’à un niveau de recrutement en deçà duquel il considère, de manière tout à fait publique, ne pas pouvoir aller. Cela vaut pour l’ensemble des disciplines scientifiques.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un vrai problème !

M. Hervé Mariton. Comment imaginez-vous donc recruter ? Vous abandonnez une logique d’amélioration de la situation des enseignants, qui méritent en effet une meilleure reconnaissance, au profit d’une logique du nombre, inatteignable dans des conditions décentes.

Quelle évolution, enfin, pour la maîtrise des dépenses ? Nous ne le savons pas. Faut-il croire Mme Lebranchu et son programme de rigueur, faut-il croire M. Valls sur la suppression de sous-préfectures ?

Troisième remarque sur la pression fiscale : vous nous avez dit que les impôts augmenteraient en 2012 et 2013. Ça, c’est clair. Mais pour la suite, nous ne savons pas bien.

Je me souviens de ce que Georges Frêche avait dit, lorsque je l’avais entendu comme rapporteur de la commission d’enquête sur l’évolution de la fiscalité locale. Il nous avait décrit sa manière d’exercer son mandat : le premier tiers du mandat pour se faire agonir, le deuxième tiers pour se faire oublier, le troisième tiers pour se faire embrasser. Est-ce cela, monsieur le ministre, que vous appelez la durée ? Est-ce là votre vision stratégique pour notre pays ? Je crains qu’il ne faille le décrypter comme cela…

Quatrième observation sur la règle d’or : oui, notre engagement initial était trop faible ; oui, nous avons eu raison de chercher, au fil du temps, à construire un système juridique plus puissant. Je n’ai personnellement toujours pas compris ce que vous entendez faire à ce sujet.

Enfin, dernier point, le traité pour la stabilité, la coopération et la gouvernance. Le Président de la République François Hollande s’était engagé à ne pas le ratifier. Vous allez, avec vos amis de la majorité et vos alliés, manger votre chapeau.

Qu’allez-vous nous proposer ? Je n’ai pas bien compris, à moins que je n’aie trop bien compris. La démarche globale que vous nous proposez consistera-t-elle à prévoir dans un même texte un traité qu’il faudra ratifier, ainsi que diverses déclarations de bonne volonté, qui obtiendraient ainsi, au nom de la contrepartie croissance, un statut législatif ? Ce serait une monstruosité législative et constitutionnelle. Je n’imagine pas comment on peut à la fois ratifier un traité bien établi dans un cadre européen et soumettre au vote de la représentation nationale un certain nombre de simples déclarations de bonnes intentions.

Certes, l’exécutif est libre de proposer ce qu’il veut dans un débat d’orientation des finances publiques, mais à cette heure nous sommes fort peu renseignés.

M. Laurent Grandguillaume. Lisez les documents !

M. Hervé Mariton. Je pense que les Français méritent d’en savoir plus et que la France mérite réellement une vision à la fois ouverte, juste et rigoureuse des finances publiques. Je crains que ce ne soit pas votre vision. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues,…

M. Jacques Myard. Et néanmoins amis !

M. Yves Jégo. …33 milliards : c’est le chiffre qui peut-être n’a pas été assez entendu ce soir, et qui ressort du rapport de la Cour des comptes. Il constitue l’objectif qui est au cœur de ce débat d’orientation budgétaire.

Vous avez maintenu, monsieur le ministre, l’objectif des 3% ; vous en avez longuement expliqué les raisons. On ne peut évidemment qu’approuver ce maintien. Mais les chemins pour y parvenir, vous l’imaginez, ne sont pas exactement ceux que nous aurions souhaité emprunter.

J’ai entendu beaucoup de débats aujourd’hui sur le passé…

M. Laurent Grandguillaume. Et le passif !

M. Yves Jégo. Il est temps que chacun, compte tenu des difficultés qui sont les nôtres, sorte des postures de la campagne électorale pour entrer dans le vif du sujet. Il faut ouvrir le débat, non pas sur l’héritage, mais sur les arbitrages qui nous attendent et sur les choix indispensables pour relever les défis et faire réussir notre pays.

Il est vrai que dans le texte que vous nous proposez, ou du moins dans le rapport sur vos orientations budgétaires, on ne retrouve pas le souffle de la relance…

M. Jacques Myard. Il n’y a pas de souffle !

M. Yves Jégo. …qui était au cœur de bien des discours. On a beaucoup de mal à chercher ou à trouver les éléments du choc de compétitivité nécessaire pour que la relance devienne effective. À défaut, on trouve des mesures de gouvernance qui ne nous semblent pas aller dans le bon sens.

M. Laurent Grandguillaume. Lesquelles ?

M. Yves Jégo. Je reprendrai les propos de Charles-Amédée de Courson sur la baisse des dépenses : celle-ci nous semble insuffisante et en tout cas mal engagée, si j’en juge par les déclarations, ce soir, des syndicats de la fonction publique et par leur déception au sortir de la conférence sociale. Eux-mêmes pressentent l’extrême rigueur de la gestion, lorsque vous annoncez d’un côté la stabilisation des dépenses et des effectifs de la fonction publique, et de l’autre votre souhait d’augmenter considérablement les effectifs d’un certain nombre de ministères.

Il nous semble aussi que l’augmentation des prélèvements, dont chacun sait bien qu’elle est nécessaire pour faire face à nos obligations et pour trouver ces 33 milliards, est particulièrement injuste lorsqu’elle frappe les classes populaire, que la suppression de l’exonération des heures supplémentaires est une faute…

M. Pascal Terrasse. Moins que l’augmentation de la TVA !

M. Yves Jégo. …et que cette dernière mesure aura des conséquences sur le pouvoir d’achat d’un certain nombre de nos compatriotes. Nous vous appelons à réviser cette orientation budgétaire avant qu’elle ne les frappe trop durement.

De même, l’augmentation des cotisations de retraite pour tous au profit d’une amélioration des conditions de retraite d’un tout petit nombre nous semble une erreur.

Enfin, et je voudrais insister sur ce sujet, le débat entre la TVA sociale…

M. Pascal Terrasse. TVA tout court !

M. Yves Jégo. …à laquelle vous avez renoncé, et l’augmentation de la CSG, qui semble poindre à l’horizon, nous semble être tranché en faveur de cette dernière, ce qui, si tel était le cas, irait dans le mauvais sens. En effet, la compétitivité de nos entreprises passe aussi par des mesures qui permettent de rééquilibrer le dumping dénoncé par beaucoup d’orateurs avant moi.

La TVA sociale avait au moins la vertu de frapper les importations, alors que l’augmentation de la CSG ne fait porter aucun effort sur toutes ces entreprises qui ont délocalisé pour obtenir des coûts de production moins élevés et réimportent ensuite les produits dans notre pays. Nous souhaiterions qu’un débat en profondeur puisse s’instaurer sur cette mesure, et que vous ne fassiez pas du rejet de la TVA dite sociale une question dogmatique. Essayons au contraire de voir les avantages et les inconvénients des deux formules.

Je ne vous surprendrai pas en vous disant que le groupe auquel j’appartiens ne peut vous donner quitus de vos orientations, lesquelles sont du reste conformes aux promesses faites pendant la campagne électorale.

Nous sommes prêts à conduire ce travail à vos côtés, si vous acceptez de modifier quelques unes de vos orientations budgétaires. Je crains malheureusement que les engagements pris, la façon dont ce début de mandature semble se dessiner et l’affrontement qui semble être de règle à l’égard de la majorité précédente (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ne vous empêchent de mettre le bon sens sur le devant de la scène.

Croyez bien que nous le regrettons, et que si vos orientations étaient modifiées, nous pourrions travailler à vos côtés pour placer l’intérêt de notre pays au cœur de nos préoccupations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Est-il besoin de dresser le bilan de la droite qui, au cours de ces dix dernières années, a mis notre pays, vous le savez mieux que quiconque, dans une situation financière dramatique, qui n’est d’ailleurs plus conforme à nos engagements européens ?

En entrant dans cet hémicycle, j’ai le sentiment de revenir en 1997. M. Mariton, malheureusement, n’était pas là puisque l’Assemblée nationale avait été dissoute. Et pourquoi le président de l’époque avait-il décidé de la dissoudre ? Tout simplement parce que la situation économique et sociale de notre pays était dramatique, et assez semblable au fond à celle que nous connaissons aujourd’hui.

Je voudrais vous en rappeler quelques éléments : un déficit public et un taux de chômage considérables, une balance du commerce extérieur largement déficitaire, et surtout un manque de confiance des Français dans l’économie, dans le monde de l’entreprise, et pour tout dire dans l’avenir.

Nous sommes dans une situation qui ressemble étrangement à celle que nous avions trouvée il y a alors quinze ans.

La gauche, à l’époque, a permis de renouer avec la croissance.

M. Jacques Myard. La croissance mondiale était là !

M. Pascal Terrasse. Nous avons essayé d’améliorer l’exercice du pouvoir, nous avons renoué avec l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Quand nous avons quitté les responsabilités et le pouvoir en 2002, les comptes sociaux étaient équilibrés et la balance du commerce extérieur, pour répondre à notre collègue Mariton, était largement excédentaire : de plus de 74 milliards d’euros.

Je ne nie pas que, durant ces dix dernières années, vous ayez subi des périodes de crise, principalement financière, qui ont lourdement touché notre pays.

Pour autant, avez-vous mis en place, durant ces dix dernières années, des outils de régulation financière ? Vous en avez beaucoup parlé, mais en réalité peu d’outils ont été créés.

Avez-vous engagé des processus visant à réformer structurellement le fonctionnement de l’État ? Je ne le crois pas, et nous devrons donc nous y atteler.

Avez-vous entamé un dialogue avec les partenaires sociaux ? Nous avons pu constater ce soir encore leur satisfaction concernant la conférence sociale qui s’est tenue aujourd’hui. Si l’on veut réformer notre pays, il faut être en capacité de discuter, de dialoguer, de se concerter avec les partenaires sociaux.

Qu’avez-vous fait en réalité pendant ces dix dernières années ? De la dépense fiscale ? Voilà tout le bilan que l’on pourra retenir de cette période : des cadeaux consentis aux plus riches. Vous avez certes mis en place des réformes, mais qui ne correspondaient pas aux attentes des Français.

S’agissant de la protection sociale, ainsi que l’a rappelé ma collègue Catherine Lemorton tout à l’heure, vous n’avez pas agi dans le sens de nos intérêts face à l’Europe. Le Président de la République s’est engagé dans un dialogue avec Angela Merkel, qui vise à redonner confiance à nos compatriotes et à faire en sorte que la croissance soit au rendez-vous.

Inversement, vous aviez, avec force coups de mentons et beaucoup d’incontinence verbale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Jacques Myard. C’est un expert qui parle !

M. Pascal Terrasse. …engagé toute une série de processus qui n’ont finalement pas servi à grand-chose.

Vous connaissez parfaitement la situation : les déficits sont énormes, considérables. Nous devons amorcer une trajectoire économique et financière. Disons-nous la vérité : nous savons très bien que la zone euro continuera à subir les conséquences d’un ralentissement de la croissance pendant au moins trois ans d’après les experts, qui convergent sur cette question.

La France, en particulier, enregistrera pour les trois prochaines années une croissance vraisemblablement inférieure aux 2% nécessaires pour renouer avec les équilibres et juguler le chômage. Il nous faudra donc prendre des mesures structurelles, à commencer par une réforme fiscale structurante, pesant d’abord sur les revenus du capital plutôt que favorisant la rente.

Il nous faudra réformer profondément nos institutions locales : je suis partisan d’une meilleure spécialisation des compétences des collectivités territoriales, tout en souhaitant également leur redonner la capacité de lever l’impôt.

Il nous faudra enfin rénover le pilotage et la gouvernance de nos administrations sociales, qui en ont bien besoin. En parallèle, l’État régalien devra se poser la question : qu’est-ce qui doit relever de sa compétence ?

Je pense également à des mesures qui devraient nous permettre de ralentir nos dépenses, car toutes les lois adoptées au Parlement représentent un coût pour la puissance publique, que nous devrons limiter, car la France n’a pas les moyens de poursuivre dans cette voie.

De la même manière, il nous faudra mieux coordonner nos politiques de déconcentration et de décentralisation. Il existe trop de services déconcentrés de l’État en région. Il faudra à terme affecter ces services déconcentrés aux régions, qui ont les capacités de répondre à ces exigences-là. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C’est ce que nous attendons, messieurs les ministres, de votre politique. Nous savons très bien qu’il y aura plusieurs étapes : l’immédiateté, avec le collectif budgétaire, et la trajectoire budgétaire qui, elle, prendra un peu plus de temps. Je suis convaincu que l’on renouera, comme nous l’avons fait entre 1997 et 2002, avec l’emploi et avec la justice sociale. C’est en tout cas l’engagement des socialistes à vos côtés, messieurs les ministres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Un débat d’orientation budgétaire, vous le savez, monsieur le ministre, est l’occasion d’essayer de sortir de la comptabilité stricto sensu, pour tenter d’avoir davantage en tête l’économie politique.

Ce soir, mesdames et messieurs les socialistes, vous allez entrer dans l’histoire en tant que doubles champions : champions des oxymores – c’est-à-dire des contradictions – et champions du déni de réalité.

La politique incohérente que vous poursuivez a été soulignée à l’envi aussi bien par Gilles Carrez que par un certain nombre d’orateurs de l’opposition. En effet, croire qu’en maintenant le nombre des fonctionnaires, en en embauchant 60 000 dans trois secteurs dits prioritaires, vous allez stabiliser la masse salariale de l’État, est une incongruité de premier ordre. Au demeurant, soutenir que l’éducation, la justice et la police sont des secteurs prioritaires est une évidence, mais que dire des affaires étrangères et de la défense à un moment où la situation internationale va à vau-l’eau ? Si vous considérez la défense comme étant une valeur d’ajustement, nous risquons de le payer très cher. Alors, de grâce, surtout en matière d’éducation, n’écoutez pas trop les syndicats ! En effet, que vous le vouliez ou non, le fait qu’il y ait 500 000 enfants en moins par rapport à 1990, et 30 000 fonctionnaires d’enseignants en plus prouve, qu’il existe certainement un problème d’organisation interne ! Mais, de grâce, ne nous trompons pas sur les enjeux réels de la situation de ces secteurs ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Grandguillaume. Et l’échec scolaire ?

M. Jacques Myard. Naturellement, lorsque vous ramenez la retraite à soixante ans pour les personnes ayant travaillé dès dix-huit ans, vous oubliez de dire que tous les cotisants, aujourd’hui salariés, paieront 7 % de cotisations sociales supplémentaires et que, bien sûr, ils vous en rendront grâce !

La suppression des recettes, notamment celles de la TVA, cela a été souligné, est une faute. En effet, que vous le vouliez ou non, la TVA sociale…

Un député du groupe SRC. Elle n’est pas sociale !

M. Jacques Myard. …est un impôt intelligent qui permet de sanctionner les importations, y compris le tourisme, comme l’a souligné Gilles Carrez. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Bays. Vous sanctionnez les Français !

M. Jacques Myard. Vous devriez vous souvenir de ce qui s’est passé lorsque M. Rocard a créé la CSG, critiquée à l’époque sur les bancs de la droite, et que celle-ci s’est bien gardée, une fois revenue au pouvoir, de supprimer ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Quel aveu ! C’est comme les 35 heures !

M. Jacques Myard. Faites de même pour la TVA sociale ! Soyez donc réalistes, et regardez combien représentera 1,6 point de plus, alors que vous cherchez 12 milliards pour la sécurité sociale, que vous voulez répercuter sur les cotisations des salariés. De grâce, regardez la réalité en face ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Grandguillaume. Et le bouclier fiscal ?

M. Jacques Myard. Quant à la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, vous vous en expliquerez avec les salariés, mesdames et messieurs de la gauche ! Croyez-moi : ils ont déjà compris, et ne feront pas deux fois la même erreur en vous accordant une confiance imméritée !

M. Laurent Grandguillaume. Et le chômage ?

M. Jacques Myard. Telle est la réalité ! Libre à vous de la nier !

Même si mes camarades de droite me disent qu’ils ne sont pas toujours d’accord avec moi, je considère qu’il y a un véritable déni de réalité : votre politique s’inscrit dans un système aujourd’hui agonisant.

M. Nicolas Bays. C’est votre héritage ! Cinq ans de sarkozysme !

M. Jacques Myard. Écoutez un instant au lieu de vociférer, car vous ne serez pas déçus ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Jacques Myard. Il est clair que nous parlons, aujourd’hui, du problème de la zone euro, problème auquel vous avez concouru, et qui dépasse largement les cinq dernières années. Regardons les réalités en face. La politique conduite par Francfort et par Bruxelles confond la cause – la perte de compétitivité des États de la zone euro, étranglés par une monnaie surévaluée – et la conséquence : la dette.

M. Laurent Grandguillaume. C’est la conséquence de votre politique !

M. Jacques Myard. Mon œil ! Cela n’a rien à voir ! C’est la conséquence d’un système structurel que vous avez voulu et que vous êtes incapables de reconnaître comme étant en faillite ! Telle est la réalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse. Il y a donc des souverainistes à l’UMP ! Je ne savais pas que l’UMP voulait sortir de l’euro !

M. Jacques Myard. Je vous rappellerai aujourd’hui, comme me le disait M. Gallois, que, lorsque l’euro prend 10 centimes par rapport au dollar, ce sont 952 millions d’euros de résultat net qui lui échappent. C’est la réalité ! Si les exportations françaises sont passées de 5,6 % à 3,4 % de l’ensemble des exportations mondiales, c’est parce que cette monnaie a étranglé les entreprises françaises (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et que, depuis dix ans, nous avons pratiquement perdu entre un demi-point et un point de PIB chaque année ! Voilà pourquoi, monsieur, votre fille est muette ! Si vous ne le comprenez pas, c’est que vous n’avez rien compris au système monétaire ! (Mêmes mouvements.)

M. Jacques Myard. Calmez-vous, jeunes gens !

M. le président. Seul M. Myard a la parole !

M. Jacques Myard. Essayez de réfléchir au lieu de penser avec des slogans ! (Mêmes mouvements.) L’euro a commencé par être un anesthésiant.

M. Alexis Bachelay. Travailler plus pour gagner plus !

M. Jacques Myard. Il a permis aux banques allemandes et françaises de financer des bulles, notamment en Espagne ou en Grèce. La réalité est apparue au moment de la crise de la titrisation. Voilà pourquoi conduire aujourd’hui une telle politique sous les auspices de la Commission nous mènera tout droit à la récession. C’est une évidence !

Il y aurait une possibilité, monsieur le ministre. C’est la monétisation – la création monétaire – comme la pratiquent la Federal Reserve et la Banque d’Angleterre avec le quantitative easing, c’est-à-dire l’injection directe dans l’économie d’éléments permettant de relancer l’activité, notamment par l’investissement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si vous ne savez pas ce qu’est la monétisation, on vous donnera des cours ! On nous répondra qu’il y a aujourd’hui un risque d’inflation, mais c’est archifaux ! Il n’y a pas de risque d’inflation, tout simplement parce que l’appareil productif en Europe, et particulièrement en France, est sous-utilisé.

Au lieu de cela, que nous propose-t-on aujourd’hui ? La fuite en avant !

M. Jean-Yves Caullet. La fuite en arrière, on l’a vue pendant cinq ans !

M. Jacques Myard. On nous propose le fédéralisme intégrationniste, c’est-à-dire l’union bancaire, une usine à gaz, qui pose un problème réel au Parlement, puisque cela revient tout simplement à démissionner et à confier aux technocrates de Bruxelles le soin d’arrêter le budget ! C’est, pour moi, inacceptable, mais surtout inopérant ! Avec l’union bancaire, vous vous trouverez dans la situation de ce gouvernement français qui, en mai 1940, a nommé un général en chef en lui donnant tous les pouvoirs ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais, malheureusement, sans armée, sans aviation, il ne pouvait évidemment rien faire ! Vous confondez, là encore, le contenant avec le contenu, c’est-à-dire la compétitivité des économies !

M. Jean-Yves Caullet. Vous mélangez tout ! C’est pathétique !

M. Jacques Myard. La réalité, c’est que cette union monétaire est déjà en train de se transformer en ce que nous appelons une union de transfert. Si vous ne savez pas ce qu’est une union de transfert, dites aux Français qu’il y a aujourd’hui dans la dette française pratiquement 100 milliards d’euros de dettes contractées du fait de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne, et qu’ils devront acquitter un jour, comme les emprunts russes. C’est la réalité !

M. Dominique Baert. Cela n’a rien à voir !

M. Jacques Myard. C’est parce que vous faites ce déni de réalité, s’agissant d’un système malheureusement devenu obsolète et inadéquat, qu’il vous reste l’utopie ! Un jour, vous pourrez dire : « L’euro m’a tué », mais ce sera trop tard ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse. Je ne savais pas qu’il y avait tant de souverainistes à l’UMP ! À l’UMP, le changement, c’est maintenant !

M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, chers collègues, depuis 1975, année de ma naissance,…

M. Alexis Bachelay. La jeunesse au pouvoir ! (Sourires.)

M. Yannick Moreau. …la France n’a plus jamais voté un budget en équilibre. Cela fait trente-sept ans que nous faisons peser le poids de notre irresponsabilité sur les épaules de nos enfants et petits-enfants. Cela fait trente-sept ans que l’État français se comporte comme aucune famille, aucune collectivité, aucune entreprise ne pourrait se comporter. La réalité se rappelle durement à nous aujourd’hui. Il aura fallu découvrir qu’une banque internationale pouvait faire faillite, qu’un État pouvait faire faillite, qu’une monnaie même pouvait faire faillite pour que nos consciences se réveillent.

Au moment où notre dette atteint des profondeurs abyssales, au moment où la crise internationale née des excès du libre-échangisme et de la spéculation financière mondiale se fait durement ressentir, notre pays, nos compatriotes, ont pourtant plus que jamais besoin de l’aide de l’État. Plus que jamais, nous avons besoin de fraternité avec nos compatriotes qui ont du mal à se loger et à accéder à la propriété et de solidarité entre les générations pour prendre dignement en charge la dépendance de nos aînés. Plus que jamais, nous avons besoin de protéger nos emplois et les secteurs vitaux de notre économie comme l’agriculture ou la pêche. Nous avons besoin de sauver des lignes SNCF. Nous avons besoin de trains, de logements publics, de formations professionnelles adaptées, de lignes fluviales et maritimes, de soutien à la recherche, d’encouragements à la transition énergétique et à la mobilité écologique.

Plus que jamais, nous avons besoin de libérer les énergies créatrices d’emplois dans notre pays. Mais comment financer toutes ces mesures d’utilité publique si nos caisses restent vides ? La seule voie qui s’offre à nous est celle de l’effort et du redressement urgent de nos finances publiques. C’est la mère de toutes les réformes. Ce doit être, mes chers collègues, notre priorité absolue. Malheureusement, ce n’est pas le chemin que nous propose le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La seule perspective qui nous est ouverte par la majorité présidentielle se résume ainsi : « Taxer plus pour dépenser plus ». Se dessine à l’horizon une avalanche d’impôts nouveaux qui va finir d’ensevelir les ménages essoufflés et les entreprises exsangues : 7 milliards d’impôts supplémentaires cette année, à peine plus d’un milliard d’économies volantes non identifiées.

M. Laurent Grandguillaume. Et les niches fiscales ?

M. Yannick Moreau. Le choix de cette voie n’est pourtant pas une fatalité. À cette logique du « taxer plus pour dépenser plus », je préfère le triptyque : « Dépenser moins, taxer moins, protéger plus. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Laurent Grandguillaume. Et l’ISF ?

M. Yannick Moreau. Première proposition : dépenser moins. Aucune famille, aucune entreprise, aucune collectivité ne peut dépenser plus qu’elle n’a.

M. Sébastien Denaja. Si : le gouvernement de Sarkozy !

M. Yannick Moreau. Il doit en être de même de l’État. Ne nous contentons pas de reconduire d’année en année des budgets actualisés. Ne nous contentons pas de faciliter les groupements de commandes entre les services de l’État ou entre collectivités. Encourageons ces regroupements au niveau local. Rendons-les obligatoires au niveau des administrations centrales. Dépenser moins c’est aussi, il en est encore temps, renoncer aux promesses clientélistes de recrutement de dizaines de milliers de fonctionnaires qui pèseront sur les comptes publics pendant plus d’un demi-siècle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Deuxième proposition : taxer moins. Il est urgent de ne pas adopter les mesures confiscatoires que nous proposera bientôt le Gouvernement.

M. Alexis Bachelay. Et la TVA ?

M. Yannick Moreau. À l’inverse, allégeons le fardeau fiscal qui pèse sur les Français. Allégeons les charges qui plombent nos entreprises.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous auriez dû les financer avant !

M. Yannick Moreau. Donnons ainsi aux Français plus de pouvoir d’achat pour relancer la consommation et plus de compétitivité à nos entreprises.

Troisième proposition : protéger plus. Introduisons une clause de préférence géographique qui incitera fortement au patriotisme économique de nos achats publics. Les dépenses publiques financées par les Français doivent prioritairement bénéficier aux entreprises et donc aux emplois français. Il faut également favoriser le développement des PME au sein d’une Europe bienveillante à l’extérieur de laquelle nous devons dresser des taxes protectrices de nos entreprises, de nos savoir-faire et de nos emplois.

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, les efforts commencent ici, dans la gestion responsable des dépenses publiques. Si nous devons solliciter de nos concitoyens et des forces vives de ce pays un effort significatif, alors ayons le courage et la fierté de commencer par le commencement, c’est-à-dire par rechercher de vastes économies sur le fonctionnement et les dépenses courantes de l’État. Voilà notre priorité budgétaire pour tourner notre économie et notre pays vers l’avenir. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Mancel, dernier orateur inscrit.

M. Jean-François Mancel. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues,…

M. Jean Launay. Jusque là, c’est bien !

M. Jean-François Mancel. …la fête est finie !

M. Alexis Bachelay. Au Fouquet’s aussi !

M. Jean-François Mancel. Après une campagne électorale menée astucieusement, il faut bien le reconnaître, sur le thème du rien-dire et du tout-laisser-entendre, il vous faut désormais affronter la réalité. Cela commence mal, et ce, pour plusieurs raisons.

D’abord, il n’y a pas d’ardoise cachée,...

M. Jean Launay. Allons !

M. Jean-François Mancel. …ce qui fait que vous aurez beaucoup de difficultés à expliquer votre politique d’austérité en vous fondant sur l’héritage. Ensuite, vous augmentez les impôts plutôt que de diminuer les dépenses, c’est là votre faute majeure.

M. Alain Fauré. De combien avez-vous augmenté les impôts en deux ans ?

M. Jean-François Mancel. Comme nous le verrons dans le collectif budgétaire, vous financez les dépenses nouvelles à 90 % par des augmentations d’impôts.

Or, nous avons un taux de prélèvements obligatoires qui est déjà l’un des plus élevés d’Europe, puisqu’il atteint 44 % de notre PIB contre 39,5 % en Allemagne, et nous avons un niveau de dépenses publiques qui nous place, comme l’a démontré la Cour des comptes, au deuxième rang des pays européens, derrière le Danemark, avec 56 % de la richesse nationale consacrée aux dépenses publiques, soit dix points de plus que l’Allemagne.

M. Alexis Bachelay. C’est votre bilan !

M. Jean-François Mancel. Ce choix de l’impôt est incompréhensible : vous affichez sans arrêt votre volonté de stimuler la demande mais en augmentant l’impôt, vous allez l’asphyxier purement et simplement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alexis Bachelay. Sauvons les riches !

M. Jean-François Mancel. Cela touchera tous les Français, quels qu’ils soient !

Augmenter les impôts, c’est une solution de facilité. Il est bien moins aisé de diminuer les dépenses. Vous manquez clairement de courage politique.

D’ailleurs, vous n’y allez pas de main morte. Nous aurons l’occasion d’en reparler, mais vous comptez, dans le collectif budgétaire, taxer les heures supplémentaires – mesure scandaleuse puisqu’elle fera perdre à 8 millions de salariés jusqu’à 500 euros par an, ce qui est une aberration totale…

M. Nicolas Bays. Pensez aux chômeurs ?

M. Jacques Myard. Cela ne leur apportera rien !

M. Jean-François Mancel. Vous allez aussi taxer les pétroliers, ce qui se traduira automatiquement par une augmentation à la pompe.

Vous voulez en outre augmenter le forfait social sur l’intéressement et la participation, ce qui aura des conséquences inévitables sur le revenu de millions de salariés.

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. Jean-François Mancel. Enfin, vous augmenterez les droits de succession, touchant là aux classes moyennes supérieures. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Contrairement à ce que vous dites, ce ne sont pas les riches qui vont payer : ce sont les Français, dans leur ensemble, qui acquitteront la très lourde facture que vous allez leur adresser dès le collectif budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sébastien Denaja. Et la taxe sur les mutuelles ?

M. Jean-François Mancel. C’est un véritable matraquage fiscal auquel vous allez vous livrer, dans la ligne doctrinale, serais-je tenté de dire, du parti socialiste. Ce matraquage devrait se poursuivre jusqu’en 2017 puisque, si l’on en croit les publications du Gouvernement, le taux des prélèvements obligatoires devrait alors être de 46,5 % de la richesse nationale, un niveau jamais atteint dans notre pays.

Enfin, en supprimant la fiscalité anti-délocalisations, que nous avions courageusement votée peu de temps avant les échéances électorales (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et qui aurait protégé nos emplois en faisant payer nos dépenses sociales par les importations,…

M. Gaby Charroux. Un million de chômeurs en plus !

M. Jean-François Mancel. …vous portez un coup sévère à la compétitivité de nos entreprises et à toute capacité de reprise. Vous contribuerez donc à accroître le chômage.

M. Laurent Grandguillaume. Qu’avez-vous donc fait en dix ans ?

M. Jean-François Mancel. Que devriez-vous faire ?

M. Pascal Terrasse. Bonne question !

M. Jean-François Mancel. Vous l’avez compris : baisser la dépense publique. Le poids de la dépense publique – qui nous place au deuxième rang européen derrière le Danemark – explique à lui seul les handicaps de la France. Vous nous répondez qu’il est impossible de le faire, car cela porterait atteinte au bon fonctionnement des services publics et à leur qualité.

Permettez-moi de citer à nouveau le rapport de la Cour des comptes, sur lequel j’ai beaucoup travaillé : « Nombre d’études et de travaux de la Cour montrent que, malgré le poids élevé de nos dépenses publiques, nos performances en matière de formation initiale, en matière de formation supérieure et continue, de recherche, de santé, de lutte contre la pauvreté et contre les inégalités ne sont guère différentes de celles des autres pays. La France a donc des marges d’amélioration dans l’efficience de ses dépenses et la performance de ses services publics. »

M. Nicolas Bays. C’est votre bilan !

M. Jean-François Mancel. Allez-vous vous emparer de cette remarque pertinente de la Cour des comptes, alors que vous avez décidé d’enterrer la révision générale des politiques publiques ? Allez-vous rechercher l’efficience des services publics, alors que votre seule réponse en matière d’éducation est de recruter 60 000 fonctionnaires de plus ?

M. Dominique Baert. C’est un gage d’efficacité !

M. Jean-François Mancel. Ceux-ci contribueront d’ailleurs à la paupérisation de l’ensemble des fonctionnaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je vous rappellerai pour mémoire ce que dit le rapport de la Cour des comptes – décidément, vous avez eu tort de le commander ! – : « Seule une réduction globale des effectifs laisse des marges de manœuvre en matière de politique salariale ». Cela signifie clairement que, s’il n’y a plus de réduction des effectifs de la fonction publique, il y aura paupérisation de l’ensemble des fonctionnaires. Il faut qu’ils le sachent !

Allez-vous obtenir des collectivités locales qu’elles participent à l’effort de diminution de la dépense publique, alors que vous vous y êtes toujours opposés ? Ce n’est pas en supprimant le conseiller territorial que l’on va faire des économies !

Allez-vous revoir le bloc des dépenses d’intervention de l’État, qui sont au nombre de 1 300 ? Allez-vous, enfin, nous proposer d’adopter la règle d’or ?

M. Alexis Bachelay. Dites plutôt : la règle de plomb !

M. Alain Fauré. Comment expliquez-vous les 800 milliards de dettes que vous nous avez laissés ?

M. Jean-François Mancel. Autant de questions dont les réponses, dorénavant, vous appartiennent, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés de la majorité. Vous n’aurez plus la piètre excuse de désigner l’héritage. Nous sommes entrés dans le vif du sujet. Vous aurez demain à rendre compte devant nos concitoyens et vous pouvez être sûrs que nous les défendrons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. Je veux remercier les orateurs pour ce débat de qualité, à commencer par ceux de la majorité, dont nous apprécions les marques de soutien, fussent-elles diverses, les remarques, qui sonnent juste, et les suggestions, qu’il faudra entendre.

Pour ce qui est des représentants de l’opposition, j’ai bien entendu ceux qui font aujourd’hui l’éloge de l’ancienne majorité, du président Nicolas Sarkozy, du Premier ministre François Fillon. Je les trouve singulièrement amnésiques et, pour tout dire, totalement irréalistes.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas l’amnésie, c’est la crise !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce que vous nous laissez, en vérité, ce sont des records historiques de déficits et d’endettement. Vous pouvez toujours vous abriter derrière un rapport qui porte sur une année, mais votre bilan est accablant. Nous l’avons d’ailleurs établi à l’occasion du débat sur la loi de règlement.

M. Jacques Myard. Nous en reparlerons dans cinq ans !

M. Pierre Moscovici, ministre. Tout le monde, ici comme à l’extérieur, doit avoir conscience que cet héritage est particulièrement lourd.

Les représentants de l’opposition nous reprochent une sorte de trouble bipolaire, mais ils disent tout et son contraire. Nous serions à la fois trop laxistes en matière de finances publiques mais aussi trop enclins à pratiquer une politique de rigueur, voire d’austérité.

Ils nous accusent de mener la même politique que nos prédécesseurs, qu’ils ont pourtant soutenus, tout en nous reprochant de ne pas suivre leur vertueux exemple. Ces propos finissent par donner le tournis et se vident de leur sens.

M. Christian Bataille. C’est de la schizophrénie politique !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous ne sommes ni laxistes, ni tenants de l’austérité, ni ancrés dans la rigueur.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est la politique du « ni-ni » !

M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur Carrez, ce que nous proposons, c’est de mener une politique qui soit crédible et qui soit en même temps la politique du changement. Jérôme Cahuzac et moi-même ne sommes pas là pour tenir les cordons de la bourse et répondre aux diverses demandes. Nous voulons mettre en œuvre le changement, dans le sérieux et la cohérence, et conduire une politique de croissance ambitieuse.

À cet égard, il vous faudrait reconnaître – les défaites ne sont jamais dues tout à fait au hasard – que vous avez été incapables d’empêcher la dégradation de la France et que le chaos que vous nous prédisez chaque jour est loin de survenir.

J’entendais tout à l’heure Mme Pécresse nous expliquer que les taux d’aujourd’hui saluaient la politique de M. Sarkozy… L’élection présidentielle a tout de même eu lieu il y a deux mois, et il me semble que c’est plutôt la crédibilité du chemin européen que nous avons proposé qui est aujourd’hui saluée par ces marchés dont vous vous faites aujourd’hui les avocats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nos objectifs sont sans ambiguïté : un déficit limité à 4,5 % du PIB en 2012, à 3 % en 2013, et un retour à l’équilibre au terme du quinquennat. Cela suppose, je le dis à nos amis de la majorité, de franchir l’an prochain une marche dont nous savons tous qu’elle sera haute, mais qui est incontournable pour nous replacer sur une trajectoire réaliste et ambitieuse, tendant à l’équilibre en 2017.

Je veux démentir, une fois encore, les propos de l’opposition qui nous accuse de n’agir que sur le levier fiscal, sans maîtriser la dépense. Il est vrai que l’ajustement se fera d’abord par une augmentation – ciblée – de la fiscalité, assortie de baisses d’impôts pour les couches populaires et moyennes et de l’annulation de l’augmentation de la TVA, prévue pour l’automne prochain. Nous ferons un effort ciblé et juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

En même temps, nous déploierons tout au long du quinquennat une politique d’économies. Je le répète encore : le partage entre recettes et dépenses sera de l’ordre de 50-50. Il faudra le faire de manière intelligente, en renonçant à ces politiques aveugles qui, effectivement, paupérisent la fonction publique.

M. Jacques Myard. Le pouvoir d’achat des fonctionnaires a augmenté de 4 % !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est vous qui avez paupérisé la fonction publique ! C’est vous qui avez supprimé des emplois publics. C’est vous, surtout, qui avez appauvri l’ensemble des Français en conduisant votre politique de ponction sur le pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Allons, un peu de mesure !

M. Pierre Moscovici, ministre. S’agissant du financement de la protection sociale, vous avez évoqué des pistes qui ont été ouvertes par le Président de la République et par le Premier ministre dans le cadre de la conférence sociale.

Je veux répéter que la bonne gestion des finances publiques, le redressement des comptes publics ne sont pas une fin en soi. Il s’agit bien de déployer un agenda productif. Je vous donne rendez-vous, fin 2012, pour la présentation des mesures de compétitivité. « Compétitivité » n’est pas un gros mot, mais un mot nécessaire pour la France.

M. Pascal Terrasse. Très bien !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous voulons une France forte,… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Chrétien. Cela nous rappelle quelque chose…

M. Pierre Moscovici, ministre. …une croissance forte, une industrie forte. Cela passe à la fois par une réorientation européenne et par une politique française intelligente. Épargnez-nous vos sarcasmes, quand le Gouvernement n’a pas eu encore l’occasion de présenter ses premiers textes.

Vous n’avez aucune leçon à donner, car votre bilan en matière de compétitivité est tout simplement désastreux.

M. Jacques Myard. Ça a commencé en 1990 !

M. Pierre Moscovici, ministre. La désindustrialisation française, la dégradation de la compétitivité française, le recul de notre emploi industriel, c’est de votre fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Cela devrait vous inciter à un peu d’introspection. Vous n’avez apporté aucune réponse structurelle au problèmes structurels de la France.

M. Hervé Mariton. C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est à nous de le faire à présent, et nous nous y attellerons. C’est un rendez-vous fondamental. Il nous faudra à la fois agir sur l’offre, sur la demande et sur la compétitivité.

J’en termine par la conciliation entre l’agenda national et l’agenda européen. Je ne reviendrai pas sur les obsessions de M. Myard…

M. Jacques Myard. Ce ne sont pas des obsessions, c’est la réalité !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je confirme mon diagnostic et ferai observer à M. Myard qu’il aborde toujours les choses sous un angle bien étroit, négligeant le fait qu’avec la même crise et la même monnaie, notre grand voisin, l’Allemagne, a de toutes autres performances que nous.

M. Jacques Myard. Depuis dix ans, cela nous coûte un point de croissance par an !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous devriez mieux y regarder, car ce n’est pas la monnaie qui est responsable mais l’incurie d’une certaine politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Tu parles !

M. Pierre Moscovici, ministre. Pour notre part, nous continuerons à agir pour rééquilibrer la construction européenne. Je réponds au passage à ceux qui nous interrogé sur la règle d’or et la ratification des traités : sera soumis au Parlement un « paquet » qui comprendra des mesures en faveur de la responsabilité budgétaire, mais également tout ce qui a été arraché à nos partenaires en matière de gouvernance et de croissance.

En ce qui concerne la programmation des finances publiques, notre approche se veut pragmatique. Nous recherchons le meilleur dispositif juridique qui apporte toutes les garanties nécessaires. Nous demanderons son avis au Conseil constitutionnel car, contrairement à ce qu’a dit tout à l’heure le président de la commission des finances, je suis persuadé pour ma part qu’il n’est pas forcément nécessaire d’inscrire pour l’éternité dans la Constitution des règles de finances publiques, qu’au contraire il vaut mieux l’éviter autant que possible, ce qui n’empêche pas de prendre des engagements solides.

Voilà ce que je voulais vous dire aujourd’hui. Les orientations du Gouvernement en matière de finances publiques sous-tendent une politique ambitieuse, qui mérite d’être soutenue par la majorité et par les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. On va dans le mur !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je remercierai tout d’abord l’ensemble des parlementaires qui ont contribué à ce débat, notamment Jacques Krabal, Gaby Charroux, Pierre-Alain Muet et Pascal Terrasse. Je remercie également Jean-François Mancel pour son intervention très enlevée même si elle n’était sans doute pas marquée du sceau de la bonne foi. Elle était très agréable à entendre, en tout cas, car, à l’écouter, nous avions le sentiment que nous étions majoritaires et à la tête du pays depuis dix ans, alors que cela ne fait que deux mois ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Mancel nous a reproché l’augmentation du niveau des prélèvements obligatoires ces dix dernières années, alors qu’il a voté tous les impôts et taxes proposés par les gouvernements précédents. Il nous a reproché notre manque de compétitivité, alors qu’il n’a jamais refusé son suffrage aux mesures qu’ont fait voter les précédents gouvernements, et dont ont sait qu’elles se sont soldées par un déficit historique du commerce extérieur : 70 milliards d’euros l’an dernier, après un palier à 50 milliards en 2005 – époque à laquelle il était déjà député.

Il nous a enfin reproché l’augmentation de la dépense publique. Il est vrai qu’elle a beaucoup augmenté ces dix dernières années, mais elle baissera l’an prochain sous l’effet des politiques que le Gouvernement soumettra au Parlement.

L’espace de quelques instants, j’ai imaginé que nous étions majoritaires depuis deux ans, alors que cela ne fait que deux mois ! Je devine que ces deux mois pèsent beaucoup sur les épaules de M. Mancel, mais il lui faudra encore patienter près de cinq ans.

À M. Jégo, qui expliquait que la Cour des comptes avait révélé qu’il nous faudrait faire un effort de 33 milliards d’euros entre 2012 et 2013, je répondrai que ce n’est pas là une révélation, mais la simple conséquence de la trajectoire politique choisie pour notre pays par la majorité précédente – et que nous reprenons à notre compte. Cette trajectoire prévoit de ramener le déficit public de 4,5 à 3 % du PIB. Un point et demi de PIB en un an, cela représente 30 milliards d’euros, et M. Jégo a manifestement attendu la lecture du rapport de la Cour des comptes pour s’apercevoir qu’il avait fait partie, comme ministre de l’outre-mer, d’un gouvernement qui a présenté à nos partenaires de la zone euro cet engagement de réduction du déficit public.

S’agissant enfin des reproches qui nous sont adressés concernant le collectif budgétaire et l’absence d’économies, et qui prétendent s’appuyer sur l’exemple des autres pays, je répondrai que, même dans les pays qui nous entourent, il est extrêmement difficile de réaliser en milieu d’année des économies à la hauteur des besoins.

On peut sans doute le regretter, mais ce collectif budgétaire n’a pas pour vocation de mettre en œuvre l’ensemble des politiques publiques que le changement commande. Il répond simplement à l’obligation pour notre pays de respecter la parole donnée à nos partenaires de maintenir le déficit public à 4,5 % du PIB. Si nous sommes obligés de présenter ce texte, c’est précisément parce que les mesures que vous aviez prises lorsque vous étiez dans la majorité ne permettent pas de respecter cet engagement.

En effet, les recettes que vous aviez envisagées ne sont pas là. C’est notamment le cas pour de l’impôt sur les sociétés, ainsi que l’a confirmé le président de la commission des finances. Il s’en faut de 3,4 milliards d’euros, ce qui n’est pas une surprise.

M. Jacques Myard. M. Carrez est resté dans la majorité !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Myard, vous êtes, vous, toujours dans l’opposition, même quand vous êtes dans la majorité ! (Sourires.) C’est d’ailleurs ce qui fait votre charme.

M. Jacques Myard. À la différence des autres, je ne suis pas un député godillot !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quoi qu’il en soit, c’est le gouvernement que vous souteniez qui a défendu l’idée que l’élasticité des recettes à la croissance serait de 1,1, alors que les faits nous donnent raison puisqu’elle n’est que de 1.

À l’occasion des débats sur la loi de finances initiale et sur la loi de finances rectificative pour 2012, nous vous avions dit que les recettes étaient surestimées, ce qui est le cas. Vous escomptiez une augmentation du bénéfice fiscal des entreprises de 5,2 %, ; elle n’a été que de 2 %. Dès lors, il est évident que les recettes ne sont pas là, comme il est évident que, pour respecter les engagements que vous avez pris au nom de la France, nous sommes obligés de prendre des mesures complémentaires.

On peut dire la même chose de la TVA, dont le rendement a été délibérément surestimé, au moins pour un milliard d’euros, les 400 millions restants pouvant être imputés, j’en conviens, à la conjoncture.

On pourrait ainsi multiplier les exemples, et nous apporterons, en commission comme en séance, la démonstration que ce collectif budgétaire ne sert pas à financer des mesures nouvelles mais à respecter nos engagements, ce qui devrait faire consensus entre la majorité et l’opposition.

M. le président de la commission des finances a bien voulu, pour clore ce débat sur l’ardoise cachée, lire le début de l’encadré de la page 49 du rapport de la Cour des comptes sur les contentieux dissimulés ou mal communiqués à certains membres du Gouvernement ou au Parlement. Mais, sur les six paragraphes que comporte cet encadré, il n’a jugé bon de lire que le premier.

M. Sébastien Denaja. Tri sélectif !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est dommage car, à la lecture de cet encadré, on constate que la Cour des comptes dit explicitement que, s’agissant d’un contentieux au moins, perdu par l’État, les sommes nécessaires à son apurement n’avaient pas été provisionnées. Pire : il est clairement indiqué que le ministre du budget n’a pas informé son collègue, ministre de l’économie et des finances, que ce contentieux perdu allait entraîner un débours de 1,5 milliard cette année et d’au moins 5 milliards d’euros en tout d’ici 2014. Or, ce milliard et demi d’euros dont nous devrons nous acquitter en 2012 n’a jamais été provisionné. À aucun moment le Parlement n’a été informé, et il n’a jamais été envisagé de mettre de côté de quoi régler ce contentieux qui dure depuis 2006 mais que tous les gouvernements successifs ont repoussé comme la poussière sous le tapis !

Hélas, c’est à nous qu’il reviendra d’acquitter ces 5 milliards d’euros d’ici 2014. Il s’agit bien d’une ardoise cachée : cachée non seulement au Parlement et à celui qui était à l’époque rapporteur général, mais également aux autres membres du Gouvernement. Que l’ancienne ministre du budget s’en explique avec ses collègues, mais cessons de nier l’évidence quand elle est écrite noir sur blanc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Le débat est clos.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mercredi 11 juillet à quinze heures :

Questions au Gouvernement.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures cinquante-cinq.)