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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 14 novembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Péréquation et solidarité avec les villes pauvres

M. Sergio Coronado

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Chômage

M. Yves Jégo

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Pacte de compétitivité et PME

M. Jean-Yves Caullet

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

Menace terroriste

M. Christian Jacob

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Mariage

Mme Marie-Louise Fort

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Syrie

M. Serge Janquin

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Journée d’action et de solidarité

M. Marc Dolez

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Grève des médecins

M. Jean-Pierre Door

Mme Mariol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Budget de l’Union européenne

Mme Sandrine Doucet

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Cumul des mandats

M. Édouard Philippe

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Crash aérien du 16 août 2005

M. Serge Letchimy

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Dette de l’Algérie envers la Sécurité sociale

M. Thierry Mariani

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Pauvreté

Mme Catherine Coutelle

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Calendrier scolaire et économie de montagne

Mme Sophie Dion

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Statut de l’élu

Mme Jeanine Dubié

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Denis Baupin

2. Projet de loi de finances pour 2013 Seconde partie (suite)

Gestion des finances publiques et des ressources humaines Provisions Régimes sociaux et de retraite

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

M. Philippe Vigier

M. Éric Alauzet

M. Gaby Charroux

Mme Françoise Descamps-Crosnier

M. Hervé Mariton

État B

Mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

Amendements nos 629, 447

M. Christian Eckert, rapporteur général

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Mme Françoise Descamps-Crosnier

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (suite)

Mission « Provisions »

Mission « Régimes sociaux et de retraite »

État D

Compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État »

Amendement no 719

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur la politique immobilière de l’État

Compte d’affectation spéciale « Pensions »

Articles non rattachés

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Article 55

M. Alain Chrétien

Amendements nos 413, 610, 543, 415, 580, 605, 596, 606, 607, 417, 581, 597, 448, 635, 598, 599, 429, 611, 449, 636, 601, 602, 600, 414, 608

Présidence de M. Marc Le Fur

Amendements nos 416, 672

Après l’article 55

Amendements nos 438, 616, 745 (sous-amendement), 604, 435 rectifié, 300 rectifié, 440 rectifié

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

Amendements nos 78, 445, 730 (sous-amendement), 439, 609, 593, 622 rectifié, 657, 314, 742 rectifié

Suspension et reprise de la séance

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Péréquation et solidarité avec les villes pauvres

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Nul n’ignore sur les bancs de cette assemblée les difficultés que rencontrent les collectivités locales pour affronter la crise économique. « Il y a des villes riches qui doivent participer au développement des villes pauvres. C’est trop facile de laisser des villes s’endetter quand elles ne peuvent plus augmenter leur fiscalité locale », a déclaré hier, lors de sa conférence de presse, le Président de la République. La situation de ces communes s’aggrave, et les principales victimes de ces difficultés, ce sont nos concitoyens. Certaines villes rencontrent des difficultés particulières comme le rappelle depuis vendredi dernier Stéphane Gatignon, maire de Sevran, en grève de la faim pour alerter les pouvoirs publics sur la situation des villes les plus pauvres.

Les efforts consentis par le Gouvernement sont un premier pas. La dotation de développement urbain sera augmentée de 50 % ; il y aura une progression de 120 millions pour la dotation de solidarité urbaine et une augmentation de 79 millions de la dotation de solidarité rurale, augmentations que vous avez décidé de cibler sur les communes les plus pauvres. Il y aura également une augmentation de 20 millions du Fonds national de péréquation de la région Île-de-France et une forte progression du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. Enfin, deux nouveaux fonds de péréquation vont voir le jour.

Malheureusement, ces mesures ne changent pas une situation structurelle de très forte inégalité entre les territoires. Notre pays est marqué par une inégalité entre communes d’une ampleur sans équivalent en Europe : en 2010, le pouvoir d’achat par habitant du 1 % de communes les plus riches était quarante-cinq fois plus élevé que celui du 1 % les plus pauvres.

Malgré les efforts consentis, une partie des communes ne trouvent plus de garanties suffisantes pour emprunter et donc boucler leur budget 2013. Notre système de péréquation est à bout de souffle, et la situation de nombre de villes se détériore de jour en jour.

Madame la ministre, que comptez-vous faire face à cette urgence et quels sont vos projets de réforme du système de péréquation, dans le cadre du troisième acte de la décentralisation annoncé par le Président de la République ? Il y va de la cohésion de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Monsieur Coronado, vous nous interpellez à juste titre sur la situation des villes pauvres et sur les outils indispensables pour pouvoir les aider.

Parallèlement à la réforme de la politique de la ville que j’ai engagée et qui va permettre de concentrer les moyens sur les quartiers les plus en difficulté, le Gouvernement a décidé, comme vous l’avez rappelé et comme l’a rappelé également le Président de la République hier, de faire envers les communes pauvres un effort sans précédent, grâce aux différents outils de péréquation et de solidarité. Vous avez rappelé les chiffres : une augmentation de 120 millions d’euros de la dotation de solidarité urbaine et de 75 millions pour la dotation de développement urbain.

Mais vous avez raison, cette solidarité nationale ne suffit pas si elle ne s’accompagne pas d’une solidarité entre collectivités locales. Comme la rappelé le Président de la République, les collectivités les plus riches doivent en effet aider les plus pauvres, celles qui concentrent les populations les plus en difficulté et celles qui ont subi le préjudice de la désindustrialisation.

C’est pourquoi le Gouvernement a décidé de travailler avec l’association la plus représentative, l’association Ville et banlieue, que je rencontrerai avec mes collègues du Gouvernement Cécile Duflot et Marylise Lebranchu dès vendredi, pour faire le plus rapidement possible des propositions en lien avec la mission que j’ai confiée à M. Pupponi, député-maire de Sarcelles, lequel doit rendre ses conclusions au mois de janvier.

En ce qui concerne la commune de Sevran, nous avons trouvé tous les outils nécessaires pour l’aider, et il est temps que son maire cesse sa grève de la faim, pour que nous travaillions ensemble à trouver des solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Chômage

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Yves Jégo. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais je constate qu’il est absent. (« Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Elle s’adressera donc au ministre qui voudra bien me répondre.

Comme beaucoup de Français, nous avons écouté avec attention la conférence de presse du Président de la République. (Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons compris qu’après six mois vous aviez admis qu’il était temps de diminuer la dépense publique.

Nous avons compris qu’après six mois vous aviez saisi qu’il fallait diminuer le coût du travail en augmentant la TVA. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Nous avons, hélas, aussi compris que l’année qui vient s’annonce dramatique pour le chômage puisque – je cite les propos du Président de la République – nous allons « connaître une hausse continue du chômage pendant au moins une année ».

Au rythme de 40 000 chômeurs supplémentaires chaque mois, le Président de la République a annoncé hier, lors de sa conférence de presse, que 500 000 Français allaient inexorablement se retrouver au chômage en 2013. Vous avouerez que c’est un bilan plutôt surprenant après six mois d’action ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est un bilan surprenant au regard de ce que vous nous aviez promis, lorsque vous nous avez incités à supprimer la TVA sociale qui devait créer de l’emploi.

M. Jean Glavany. Et vous, quel est votre bilan ?

M. Yves Jégo. C’est un bilan surprenant au regard de ce que vous nous aviez promis lorsque vous avez privé 8 millions de Français des heures supplémentaires et de leurs avantages, soi-disant pour créer de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

C’est un bilan surprenant face à vos promesses liées à l’adoption par la majorité et l’opposition du traité européen, avec ce soi-disant contrat de croissance de 120 milliards, qui devait lui aussi créer de l’emploi, alors que vous avouez aujourd’hui que l’année 2013 sera une année de chômage.

Il est temps de nous dire quelles mesures vous envisagez pour empêcher l’évolution qu’a annoncée cyniquement hier le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. La question que vous posez, monsieur le député, est certainement la plus sérieuse, parce que c’est celle qui préoccupe le plus les Français. D’ailleurs, hier, le Président de la République a dit : « J’ai une priorité, l’emploi et la lutte contre le chômage. » (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Monsieur Jégo, vous parlez de l’avenir : oui, mais l’avenir dont nous sommes, dont nous serons responsables et dont nous assumons totalement et pleinement la responsabilité. Lutter contre le chômage, inverser sa courbe, permettre que se créent des emplois dans les entreprises tout en menant les politiques qui permettent d’aller au secours des plus en difficulté, des plus éloignés de l’emploi, comme ces 500 000 jeunes sans emploi, sans formation, auxquels nous offrons la possibilité, par les emplois d’avenir, de retrouver précisément un avenir.

Vous nous demandez d’être plus efficaces pour l’avenir. Puis-je me permettre de rappeler qu’au cours des cinq dernières années, ce sont un million de chômeurs supplémentaires qui ont été « produits » par votre propre politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Si j’avais un conseil à donner, et vous pouvez, monsieur Jégo, nous renvoyer ce conseil, c’est celui de la modestie à ce sujet (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP), et de la recherche de l’efficacité. Regarder la vérité en face, comme l’a fait hier le Président de la République, c’est s’obliger, nous obliger, nous, ministres, vous la majorité, mais peut-être aussi au-delà, à prendre les bonnes mesures, comme nous avons commencé à le faire : les emplois d’avenir, le contrat de génération, la réforme du marché du travail, le pacte de productivité et de compétitivité pour que se créent des emplois dans les entreprises. Toute notre politique est en faveur de l’emploi et, là où vous avez échoué, nous réussirons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pacte de compétitivité et PME

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Yves Caullet. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

Avec la mobilisation progressive de 20 milliards d’euros par an, le Gouvernement a lancé un ambitieux pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. C’est ce qui s’appelle ne pas faire semblant, et qui contraste fortement avec les cadeaux fiscaux des années précédentes, dont l’impact sur la croissance et l’emploi n’ont pas marqué l’histoire économique de notre pays.

Avec la création de 300 000 emplois et un objectif de hausse de notre croissance de l’ordre de 0,5 point par an, les résultats attendus illustrent l’ampleur du défi. La réussite que nous souhaitons tous, je l’espère, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, sera la fierté de toutes les citoyennes et de tous les citoyens qui portent l’effort nécessaire dans la justice.

Pour réussir, le Gouvernement place au cœur de sa stratégie les très petites entreprises, les PME et les entreprises de taille intermédiaire aux côtés des grandes entreprises et des grands groupes industriels. Même si l’industrie reste un enjeu majeur, c’est bien l’ensemble de l’économie française qui va bénéficier de l’impact du pacte national. Tous les secteurs, des plus traditionnels aux plus novateurs, sur tous les territoires, vont bénéficier de ce pacte productif, qui est avant tout un pacte de confiance relayé par la création de la Banque publique d’investissement.

Industrie, artisanat, bâtiment, commerce, restauration, services, filière agroalimentaire : aucun secteur d’activité ne restera à l’écart. Hier habitués à des décisions sectorielles aux effets discutables, eu égard à leur coût, les chefs d’entreprise commencent à mesurer sur le terrain ce qu’ils peuvent tous attendre de ce pacte national.

Madame la ministre, alors que le débat public et médiatique se focalise souvent sur la situation des grands secteurs industriels et afin de mobiliser l’ensemble des entrepreneurs de notre pays, pouvez-vous nous préciser comment les TPE et les PME seront au cœur du pacte national présenté la semaine dernière et ce que les entrepreneurs concernés peuvent en attendre pratiquement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Monsieur Caullet, je vous remercie de poser cette question qui me permet de vous dire que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault est constant dans ses choix économiques, et notamment dans la priorité donnée au développement des TPE, des PME et des entreprises de taille intermédiaire. C’est par elles que nous retrouverons la croissance perdue par nos prédécesseurs. M. Fillon a raison de tweeter, je le cite : « La France a mis trop de temps à prendre conscience de la réalité de la compétition mondiale et à engager les réformes et les efforts nécessaires ».

Seulement, ce n’est pas à la France qu’il faut s’en prendre, mais à ceux qui l’ont gouvernée pendant dix ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Néanmoins, l’autocritique est tellement rare dans les rangs de l’UMP qu’elle méritait d’être saluée !

Je vais maintenant vous répondre sur le fond.

Le budget 2013 présenté par Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac a marqué une première étape en préservant largement les PME de l’effort demandé aux entreprises. Le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi constitue une deuxième étape. Il met les PME, les TPE, les ETI – les entreprises de taille intermédiaire – au cœur de notre stratégie économique, avec une série de mesures pour favoriser leur accès au financement, créer de nouvelles solidarités dans les filières industrielles entre grands et petits et diffuser la culture de l’entreprenariat.

D’abord, je rappelle que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi bénéficiera à toutes les entreprises qui emploient des salariés, notamment les TPE, les PME et les travailleurs indépendants. Rétablissons la vérité, rien ne sert de mentir aux Français comme le fait M. Copé, toutes les entreprises bénéficieront du crédit d’impôt. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ensuite, les trente-quatre autres mesures du pacte bénéficieront principalement aux PME. C’est la Banque publique d’investissement, qui leur apportera 500 millions de trésorerie dès le 1er janvier. C’est l’État, qui s’engage à réduire les délais de paiement et à réorienter les commandes publiques vers les PME innovantes. C’est l’État, qui s’engage à stabiliser pour cinq ans les dispositifs fiscaux d’incitation à l’investissement dans les PME, à reprendre le chantier de la simplification, abandonné et laissé en jachère par la droite.

M. Jean-Luc Reitzer. Évidemment !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. C’est, enfin, la tenue au printemps prochain, avec Arnaud Montebourg, des assises de l’entreprenariat et l’engagement de doubler le nombre d’entreprises de croissance en cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Menace terroriste

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Intérieur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Tous les gouvernements ont toujours eu une seule obsession : combattre le terrorisme dans le rassemblement et l’unité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mais hier, ici même, vous avez tenu, monsieur le ministre, des propos d’une extrême gravité qui sont intolérables. Vous nous avez accusés d’avoir favorisé le retour du terrorisme en France. Vous avez perdu votre sang-froid ! C’est d’autant plus grave que vous êtes le ministre chargé de la sécurité des Français et de la France ! Vous êtes fébrile parce que les chiffres de la délinquance sont catastrophiques, six mois après votre arrivée place Beauvau.

M. Jean Glavany. Et vous, avez-vous réussi ?

M. Christian Jacob. Mais votre échec et celui de votre politique ne sauraient justifier toutes les outrances. Chacun à leur place et à leur façon, le Président de la République et le président de l’Assemblée nationale, que je remercie, vous ont désavoué. À présent, monsieur Valls, la décence et la dignité vous imposent de surmonter votre orgueil et de vous excuser. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Non pas de banaliser vos propos par de petits regrets, mais d’avoir le courage et la grandeur de présenter des excuses en bonne et due forme à la représentation nationale et aux Français !

Nous vous écoutons, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Le Président de la République a dit clairement les choses. J’ai déjà eu l’occasion de le dire hier et ce matin, je regrette les propos que j’ai tenus ici, dans cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe UMP.) Je les regrette pour trois raisons.

D’abord, ce sujet rappelle spécifiquement la nécessité de faire l’union entre toutes les forces politiques et entre tous les Français pour combattre le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe UMP.) De ce point de vue, le meilleur exemple, c’est l’attitude d’homme d’État de François Hollande en mars, lorsqu’il était encore candidat. Voilà l’exemple que nous devons suivre.

Ensuite, comme vous l’avez dit, monsieur le président Jacob, je suis le ministre de l’intérieur et je suis totalement engagé dans la lutte contre le terrorisme, le crime et la délinquance. Je me réjouis du vote au Sénat, en première lecture et à une large majorité, de la loi antiterroriste. Je présente ce texte devant la commission des lois cet après-midi. Il est important que vous le votiez tous ensemble pour faire face à la menace.

Enfin, sur les questions de sécurité, il faut rassembler et ne céder à aucune manipulation, aucune polémique ni aucune provocation, et surtout ne pas déformer les chiffres de la délinquance.

Voilà mes principes, monsieur le président Jacob. Ils visent à faire de la sécurité une priorité, car elle concerne au premier chef les plus modestes et les plus fragiles de notre société. Je vous invite à faire vôtre ce refus d’instrumentaliser le sujet de la délinquance et de la sécurité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mariage

M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Louise Fort. Ma question s’adresse à M. le Premier Ministre. Depuis six mois, avec le Président de la République, vous n’avez à la bouche que le mot « concertation ».

Et pourtant, lorsqu’il s’agit de mettre à bas une institution séculaire comme le mariage, c’est « circulez, il n’y a rien à voir ! ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et pourtant, vous le savez parfaitement, le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels vont bouleverser profondément notre société et son fondement, la famille.

Il ne s’agit nullement pour nous de remettre en cause le droit de s’aimer. Mais demain, c’en sera fini des beaux termes « père » et « mère » au profit des termes flous et génériques « parent 1 » ou « A » et « parent 2 » ou « B » dans le code civil. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est du moins le texte de votre loi. Pourquoi refuser la tenue d’un grand débat public, comme le prévoit la loi dès que de grandes questions de société sont en jeu ?

Christian Jacob, président de notre groupe, a interrogé le président du Comité consultatif national d’éthique. Et que dit-il ? Que « la question importante de l’éventuel accès à l’assistance médicale à la procréation des couples de même sexe relève du domaine de compétence de la commission d’éthique et pose des questions qui impliquent des choix de société justifiant l’organisation d’un débat ».

Pourquoi, hier matin, avez-vous demandé à votre majorité docile de rejeter la demande de constitution d’une commission spéciale formulée à l’Assemblée nationale par le groupe UMP ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) « Docile », c’est gentil, j’aurais pu trouver autre chose !

Pourquoi, monsieur le Premier ministre, refuser cette commission spéciale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Ce sujet est d’une extrême importance, puisqu’il s’agit en effet d’une réforme de société. Le Gouvernement se situe à la hauteur des enjeux. Il y a eu un temps démocratique, celui du suffrage universel, le 6 mai dernier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le Président de la République s’était engagé dans son programme à ouvrir le mariage et l’adoption à tous les couples.

M. Yves Censi. À accorder aussi le droit de vote aux étrangers !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a eu le temps du Gouvernement, par la voix de Mme Dominique Bertinotti, ministre chargée de la famille. Nous avons mené de nombreuses auditions de personnalités de sensibilités différentes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Non !

M. Michel Herbillon. C’est faux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a aussi le débat public, qui a lieu quotidiennement dans les médias. Les personnalités déjà auditionnées par les commissions parlementaires sont elles-mêmes porteuses de sensibilités diverses. Les institutions de l’État ne sont pas oubliées, puisque le Haut conseil à l’adoption a été consulté, ainsi que le Conseil d’État.

M. Hervé Mariton. À la va-vite !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a maintenant le temps parlementaire. Le Gouvernement étant respectueux de la séparation des pouvoirs, nous nous interdisons tout commentaire à propos du récent vote souverain de l’Assemblée nationale sur la demande formulée par l’opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Herbillon. Hypocrisie !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous introduisez dans le texte du Gouvernement, peut-être pour jouer la confusion, des éléments qui n’y sont pas, comme la procréation médicalement assistée. Il appartiendra éventuellement au Parlement d’aborder cette question, qui ne figure pas dans le texte du Gouvernement. Nous vous invitons à éclairer avec nous les Français sur ce grand sujet de société, qui est aussi une grande réforme de l’égalité et une mise à l’épreuve de l’aptitude de notre société et de notre civilisation à assurer l’égalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Syrie

M. le président. La parole est à M. Serge Janquin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Serge Janquin. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le conflit syrien aura bientôt deux ans. Les violences se poursuivent, les combats s’étendent à toute la Syrie, l’armée syrienne aura bientôt perdu le contrôle de tous les postes-frontières avec la Turquie, et les défections au sein du pouvoir d’État se poursuivent.

Le mouvement des réfugiés s’amplifie, les pays voisins de la Syrie sont de plus en plus affectés par des risques de déstabilisation.

À l’heure actuelle, les populations civiles syriennes sont toujours confrontées à des crimes odieux commis à grande échelle par les forces de sécurité de l’État faisant usage d’artillerie, de chars d’assaut, d’hélicoptères et d’avions de combat.

À Doha, les différentes tendances opposées au régime de Bachar Al-Assad ont réussi à se fédérer afin de représenter tous les courants pour obtenir une reconnaissance internationale.

Le consensus de Doha est-il représentatif et inclut-il toutes les forces antigouvernementales ? Ce consensus est-il durable ? Avec quelles garanties pour les minorités ?

L’accord de Doha change la donne. Peut-on en attendre une évolution de la Russie et de la Chine quant à la mise en application par le Conseil de sécurité du principe de la responsabilité de protéger contre les opérations de nettoyage ethnique, crimes de guerre et crimes contre l’humanité ?

Monsieur le ministre, je salue l’action déterminée du Gouvernement sur la question syrienne, et l’engagement du Président de la République.

La question essentielle aujourd’hui est de savoir jusqu’où cet engagement doit nous conduire pour soutenir le peuple syrien martyr ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, on compte 40 000 morts dans le conflit syrien, des centaines de milliers de réfugiés, tandis que le malheur s’étend à de nombreux pays voisins.

La décision prise le 11 novembre dernier, à Doha, de réunir l’ensemble des forces d’opposition au sein d’une institution appelée Coalition nationale syrienne est, pour la première fois depuis très longtemps, une lueur d’espoir. Sur tous les bancs de cette assemblée, les députés insistent depuis très longtemps, à juste raison, pour que, dans le drame syrien, face à Bachar Al-Assad, l’opposition puisse se réunir. Ce n’était pas possible pour toute une série de raisons ; désormais, c’est fait. J’ai moi-même rencontré le nouveau responsable de la Coalition nationale syrienne. Il est invité à Paris où il se rendra dans les jours qui viennent.

Cette décision ouvre de nouveaux champs sur au moins trois plans. Sur le plan humanitaire d’abord, les fonds vont pouvoir converger vers un organisme unique pour aider les réfugiés de l’intérieur et de l’extérieur. Ensuite, le travail est désormais accompli pour que les différentes forces armées puissent se rassembler. Enfin, et ce point est décisif, conformément à la demande qui était déjà la nôtre au mois d’août, il va y avoir un gouvernement uni provisoire des forces d’opposition en Syrie.

En conséquence, il était excellent que, par la voie la plus autorisée, celle du Président de la République, la France, dans une attitude qui a déjà été la sienne à d’autres périodes de son histoire, soit la première puissance d’Europe à reconnaître la légitimité de la Coalition nationale syrienne pour représenter le peuple syrien. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Journée d’action et de solidarité

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le Premier ministre, à l’appel de la Confédération européenne des syndicats, une grande journée pour l’emploi et la solidarité se déroule aujourd’hui dans toute l’Europe. Il s’agit d’une euromobilisation contre ces politiques d’austérité, gravées dans le marbre du traité budgétaire européen, qui ne font qu’aggraver la crise et conduisent irrémédiablement à la récession. Elles ont des effets dévastateurs : fermetures d’usines et chômage record, précarisation et pauvreté, destruction des droits sociaux et casse des services publics.

En France, ce 14 novembre est aussi une grande journée unitaire de mobilisation pour dire haut et fort qu’il existe des propositions alternatives à l’austérité et qu’il est possible de les mettre en œuvre. C’est tout le sens des propositions que défendent pour leur part les députés du Front de gauche, dans une attitude résolument constructive. Ces propositions visent notamment à interdire les licenciements boursiers, à accroître la taxation des dividendes des actionnaires, à taxer la réimportation des productions délocalisées, à créer un pôle financier public, à augmenter les salaires et les retraites. Bref, des mesures fortes et concrètes pour changer la donne face au pouvoir de la finance, et pour une autre répartition des richesses.

S’engager dans cette voie suppose bien sûr une inflexion des choix et un changement de cap. Monsieur le Premier ministre, prendrez-vous ce chemin pour répondre à l’attente de toutes les forces sociales qui, au printemps dernier, ont voulu le changement et qui, aujourd’hui, manifestent contre l’austérité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur Dolez, il est vrai qu’aujourd’hui des manifestations ont lieu dans toute l’Europe. Vous et moi ne les comprenons pas forcément de la même façon.

Le Président de la République l’a dit hier, il a eu l’occasion de s’entretenir avec la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats. Pour notre part, nous prenons cette mobilisation contre l’austérité comme un point d’appui pour les politiques progressistes que nous menons.

Nous les menons d’abord en Europe, et je veux insister sur la réorientation de la construction européenne qui est en cours.

Elle est en cours lorsque nous travaillons pour résoudre la situation de la Grèce et de l’Espagne, par exemple en construisant l’union bancaire ; elle est en cours quand nous adoptons un pacte de croissance qui permet d’augmenter les investissements, y compris en France, je pense par exemple à ceux de la Banque européenne d’investissement ; elle est en cours quand nous réussissons à regrouper onze pays autour de nous pour bâtir une taxe sur les transactions financières. Nous devons tous rester unis autour de ces objectifs.

Vous nous appelez à changer de cap mais nous n’en changerons pas. Nous avons un cap : celui défini hier par le Président de la République lors de sa conférence de presse. Il se caractérise à la fois par la nécessité de redresser nos finances publiques afin de favoriser le désendettement – ce qui est un facteur de justice car la dette pèse toujours sur les générations futures et sur les plus pauvres –, et par recherche de la croissance. C’est pour la croissance que nous voulons doper la compétitivité ; c’est pour la croissance que nous débattrons dans cette assemblée du projet de loi créant une banque publique d’investissement ; c’est pour la croissance que nous sanctuarisons le crédit d’impôt recherche et que nous l’étendons aux dépenses des petites et moyennes entreprises ; c’est pour la croissance que toute notre politique est orientée vers le redressement productif de ce pays.

Nous avons une valeur en commun : la justice. Le Gouvernement a un objectif : redresser le pays pour la croissance, redresser le pays par la justice. Voilà notre cap ; je vous invite à nous rejoindre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Grève des médecins

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le Premier ministre, depuis six mois, vous n’avez eu de cesse d’affirmer que votre politique de santé recevait l’aval du monde médical et des usagers. Vous n’avez eu de cesse, le Président de la République et vous-même, de déclarer qu’enfin, une nouvelle politique de santé verrait le jour dans ce pays, grâce à la majorité socialiste. Pour notre part, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, nous vous avons alertés, en disant que vous déconsidériez la médecine libérale française (« Oh ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP) et que vous stigmatisiez les médecins en les accusant de tous les maux et en en faisant des boucs émissaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

De fait, en dépit de vos discours, le résultat est bien triste : vos propos vous reviennent tel un boomerang. Les médecins, les chirurgiens, les internes et les étudiants sont vent debout contre votre politique. Le corps médical ne vous fait pas confiance ; il est dans la rue. Les cliniques, privées d’oxygène, sont à l’agonie. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) La chirurgie française est à la dérive. Les jeunes internes et les étudiants sont inquiets.

Monsieur le Premier ministre, il n’y aura pas de médecine sans médecins.

M. Jean Glavany. Bravo ! Quelle perspicacité !

M. Jean-Pierre Door. Après votre divorce d’avec les artisans, les commerçants, les professions indépendantes, les PME et les TPE, force est de constater un nouveau divorce entre votre gouvernement et le corps médical.

Plutôt que de vilipender et d’agresser sans cesse l’ancienne majorité, il faut vous ressaisir : recevrez-vous les représentants du corps médical ? Quand les écouterez-vous et changerez-vous de politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Mariol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, il n’est pas de système de santé efficace et de qualité sans des médecins, des soignants, qui soient engagés et reconnus. C’est pourquoi je veux saluer ces médecins, généralistes ou spécialistes, qui ne pratiquent pas de dépassements d’honoraires et qui travaillent sans compter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Je veux saluer les médecins du secteur 2 qui pratiquent des tarifs raisonnables et qui se sentent stigmatisés par les excès de ceux qui ne connaissent pas de limites.

J’ai reçu à de très nombreuses reprises l’ensemble des syndicats de médecins libéraux…

M. Bernard Deflesselles. C’est la moindre des choses !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et je suis prête à le faire aussi souvent qu’ils le voudront. Tous – je dis bien tous – m’ont dit qu’il fallait lutter contre les agissements excessifs de certains. Mais il faut passer des paroles aux actes. À cet égard, l’accord sur les dépassements d’honoraires est un bon accord, car il encadre sans stigmatiser.

Oui, monsieur le député, les abus, qui concernent 5 % des médecins, seront sanctionnés et interdits. Est-ce que vous défendez ces tarifs abusifs ?

Oui, monsieur le député, les dépassements d’honoraires seront encadrés et les patients mieux remboursés. Est-ce cela que vous contestez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Oui, monsieur le député, près de 10 millions de Français auront désormais la garantie d’être soignés au tarif remboursé par la sécurité sociale. Est-ce à cela que vous vous opposez ?

Je vous le dis : l’accès aux soins est une priorité. Il y va de l’égal accès aux soins dans notre pays. Mais il faut des règles du jeu, et ces règles, ce sont celles de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Budget de l’Union européenne

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Doucet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sandrine Doucet. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires européennes ; j’y associe mes collègues Christophe Caresche et Estelle Grellier.

Alors que les négociations sur le budget européen 2013 ont échoué hier, un certain nombre de questions restent en suspens sur l’avenir du financement des politiques communes pour la période 2014-2020, au premier rang desquelles figurent la PAC, le fonds de cohésion, ainsi que les programmes ERASMUS ou d’aide alimentaire. Certains pays vont même jusqu’à demander une réduction pure et simple du budget, se montrant prêts à faire échec aux négociations.

Face à la nécessaire consolidation des budgets nationaux et à l’exigence de solidarité, le maintien d’un système de financement du budget européen inéquitable, déséquilibré et illisible, qui fait la part belle aux rabais, est ni plus ni moins qu’une aberration.

Une aberration économique, d’abord : le budget de l’Union étant un budget d’investissement, il constitue un levier de croissance fondamental.

Une aberration politique, ensuite, parce que ce système est à rebours du message d’unité et de soutien mutuel qui s’impose en Europe. Va-t-on se plier aux injonctions et à la logique régressive de pays qui doutent de l’intégration ? Va-t-on laisser à ceux-là mêmes qui, aujourd’hui, n’ont de vision que comptable le soin de décider de notre communauté de destin ?

L’approche équilibrée du Gouvernement prend en compte le nécessaire rétablissement des équilibres budgétaires, mais aussi l’impératif d’investir. Nous devons mettre ceux qui veulent les bénéfices de l’intégration sans en payer le prix face à leurs responsabilités.

Face à l’ensemble de ces défis, pouvez-vous, monsieur le ministre des affaires européennes, expliciter la position du Gouvernement sur le budget 2013 et sur les perspectives financières pour la période 2014-2020 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Madame la députée, vous indiquez que, sur le budget pour 2013 comme sur le budget rectificatif pour 2012, la négociation a échoué. Or elle n’a pas échoué. Elle n’a pas pu avoir lieu pour des raisons qui tiennent au fait que le Parlement européen – nous respectons sa décision et nous en prenons acte – n’a pas souhaité venir autour de la table de négociation aussi longtemps qu’il ne serait pas assuré que le Conseil reprendrait à son compte l’intégralité de ses positions. Nous avions pourtant travaillé à des arbitrages permettant de financer les politiques européennes de l’Union pour lesquelles des financements en crédits de paiement étaient appelés.

Vous m’interrogez également sur les perspectives budgétaires pour la période 2014-2020. Je veux vous dire quels sont les principes qui guident la France dans la négociation qui s’engage.

D’abord, vous avez évoqué les rabais. Nous souhaitons un budget transparent, lisible. Nous ne sommes pas favorables au maintien de ces rabais, car ils sont une manière de mesure anti-européenne, et nous souhaitons que le budget de l’Union soit doté de ressources propres.

Par ailleurs, nous voulons que ce budget traduise l’ambition de croissance portée par le Président de la République lors du Conseil européen du mois de juin dernier. Cela signifie que ses moyens doivent être alloués de façon équilibrée aux grandes politiques de l’Union européenne. Nous n’acceptons pas, par exemple, les propositions qui nous sont faites de diminuer à hauteur de 25 milliards les crédits de la politique agricole commune, car nous considérons que c’est une politique de croissance et que tout décrochage aurait des conséquences pour nos territoires ruraux. Nous souhaitons également que la politique de cohésion soit encouragée, pour les régions ultrapériphériques, pour nos régions en transition, pour le développement de l’Union européenne.

Enfin, nous serons intransigeants pour un certain nombre de programmes. Je pense au Fonds d’adaptation à la mondialisation, qui est important en pleine crise, et au programme d’aide aux plus démunis, qui doit être correctement doté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cumul des mandats

M. le président. La parole est à M. Édouard Philippe, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Édouard Philippe. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre qui était, jusqu’en mai dernier, député, maire de Nantes, président de l’agglomération nantaise et président du groupe socialiste à l’Assemblée. Elle aurait pu s’adresser aux nombreux membres du Gouvernement qui, avant de devenir ministres, cumulaient sans s’en plaindre et en l’assumant devant leurs électeurs un mandat parlementaire et un mandat exécutif local – je pense à M. Valls, à M. Sapin, à Mme Fourneyron, à M. Montebourg, à Mme Touraine, à M. Lurel, et j’en oublie sans doute.

Cela étant, c’est à vous que ma question s’adresse, monsieur le Premier ministre. Le Président de la République, lui-même longtemps député-maire puis député et président de conseil général, a chargé Lionel Jospin d’une mission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique. Parmi ses nombreuses propositions, M. Jospin recommande de renforcer l’interdiction du cumul, déjà existante, en prohibant désormais le cumul d’un mandat parlementaire et d’un mandat exécutif local.

Cette proposition suscite plusieurs interrogations.

La première tient à vous, monsieur le Premier ministre. Si, comme le prétend Lionel Jospin, le cumul nuit à l’exercice des mandats, nous aimerions savoir lequel de vos mandats – celui de maire ou de député – vous auriez négligé 23 années durant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La seconde interrogation concerne ceux qui, sur tous les bancs, sont attachés à la qualité du travail législatif. Pouvez-vous sérieusement prétendre devant cette assemblée que l’absence de députés exerçant des responsabilités exécutives locales serait demain une garantie de meilleure qualité du travail législatif ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Sur des sujets tels que le logement, le droit de l’urbanisme, les relations entre l’État et les collectivités locales, l’investissement public, la sécurité, l’aménagement du territoire ou l’action sociale, pensez-vous vraiment que le Parlement s’en trouvera plus éclairé et plus compétent ?

Au fond, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : allez-vous proposer au Parlement un texte reprenant la totalité des propositions du rapport Jospin, alors que toute votre expérience personnelle, ainsi que celle de la plus grande partie de votre gouvernement, vous montrent l’inanité de cette posture aussi idéologique que démagogique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député, dans le nouveau modèle français que nous appelons de nos vœux et qui fait l’objet de tous nos engagements, il y a aussi la modernisation des institutions et des conditions de la vie démocratique de notre pays.

M. Jean-Luc Reitzer. Vous appelez ça la modernisation ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le Président de la République a demandé à une commission présidée par Lionel Jospin de lui faire des propositions. Celles-ci portent sur un certain nombre d’aspects institutionnels – je pense au statut du chef de l’État ; à l’indépendance de la justice ; au mode de scrutin des élections législatives, incluant une part de proportionnelle afin de permettre une juste représentation de tous les courants politiques ; aux conflits d’intérêts, qui avaient fait l’objet d’un rapport rédigé par le vice-président du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé, rapport qui devait donner lieu, sous la législature précédente, à des décisions qui ne sont jamais intervenues …

M. François Rochebloine. Et le cumul ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …et je pense, enfin, au cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale.

Toutes ces propositions vont faire l’objet d’un examen attentif (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), mais vous ne serez pas surpris que le Président de la République entende consulter les formations politiques sur différents points. Vous ne serez pas surpris non plus, monsieur le député, que je vous rappelle les engagements pris devant les Français par le Président de la République pendant sa campagne électorale, ces 60 engagements dont j’ai eu l’occasion de vous parler à plusieurs reprises et qu’il entend bien tenir, de même que le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. Courage, fuyons !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Pour ce qui est du cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale, je reconnais que vous en parlez en toute connaissance de cause, monsieur Philippe, vous qui êtes à la fois député, maire et président d’une agglomération assez peuplée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Moi-même, qui ai connu cette situation (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), je suis un fervent partisan d’une réforme audacieuse, courageuse (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), qui permette, dans notre pays, de donner à de nouvelles personnes, de nouvelles générations, la possibilité d’exercer des responsabilités.

C’est un profond renouvellement que cette réforme permettra. Elle le fera d’ailleurs avec les mêmes règles du jeu pour tous les partis politiques, qu’ils soient de gauche, du centre ou de droite. Vous serez certainement saisis – c’est en tout cas le souhait du Gouvernement – d’un projet de loi sur ce point.

Je voudrais terminer en vous disant que votre argumentation est tout de même bien faible. Y aurait-il, à l’Assemblée nationale, deux catégories de députés ? À vous entendre, oui ! Il y aurait d’un côté les bons députés, comme vous, et de l’autre, les députés n’ayant que leur mandat de parlementaire et ne connaissant donc rien à la société française. Eh bien non ! Il n’y a ici que des représentants de tous les citoyens, à égalité de droits et de devoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

N’ayez pas peur du changement, n’ayez pas peur de la réforme ! En tout cas, le Gouvernement sera au rendez-vous de l’audace et de la réforme, et je suis sûr qu’une large majorité de députés l’accompagnera, parce que c’est aussi le souhait d’une immense majorité de Françaises et de Français. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste, dont de nombreux députés se lèvent pour acclamer le Premier ministre. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)

Crash aérien du 16 août 2005

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Serge Letchimy. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux.

Le 16 août 2005, 160 personnes, dont 152 Martiniquais, ont été victimes d’un crash aérien au cours d’un voyage entre le Panama et la Martinique. Depuis ce drame, les familles des victimes sont à la recherche de la vérité. Certes, ces familles ont usé de tous les recours possibles pour leur droit à indemnisation en France ou aux États-Unis. Mais lorsque l’on perd un être cher dans des conditions aussi dramatiques, aucune somme ne peut remplacer un père, une mère, une sœur ou un frère. L’argent sert à survivre, mais il ne comble pas le vide laissé par les disparus.

Ce qui peut combler ce vide, c’est la vérité, c’est la réparation, c’est en fait la justice. Et c’est cette vérité qui manque. C’est cette justice qui manque. Elles seules peuvent conclure un deuil ; elles seules peuvent éclairer le passé pour mieux se prémunir des dangers de demain face aux dérives possibles des « avions poubelles », mettant en péril la sécurité aérienne dans le monde.

Sept ans après cette catastrophe, la procédure pénale engagée s’est enlisée, faute de moyens pour connaître les circonstances de l’accident. J’en donnerai deux exemples.

Premièrement, une injonction de la chambre de l’instruction datant de fin 2010 est restée sans suite à ce jour, faute de moyens financiers suffisants pour la traduction en français des 90 000 pages de documents ou d’expertises jugées nécessaires à la connaissance de la vérité.

Deuxièmement, deux juges d’instruction étaient prévus, compte tenu de la complexité du dossier et du nombre de pays, de sociétés et d’institutions concernés. Cet engagement n’a jamais été tenu, ce qui a rendu impossible un travail d’investigation rigoureux.

Alors, madame la ministre, en attendant que le Parlement soit saisi pour légiférer sur ce type de dérive dans le secteur aérien, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour relancer l’enquête pénale et pour que des moyens suffisants y soient alloués ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, j’étais à vos côtés en août 2005 lors de la cérémonie de funérailles des victimes, et à nouveau deux ans plus tard, lors de la commémoration de ce drame. Je connais donc la douleur et la détresse des familles de victimes, mais aussi leur très grande dignité.

Comme vous l’avez indiqué, ce drame qui a provoqué la mort de 152 Martiniquais et de huit membres d’équipage colombiens concerne plusieurs pays : la France, bien entendu, mais aussi la Colombie, siège de la compagnie aérienne, les États-Unis, pour la construction de l’appareil, le Canada, où se trouve la société qui a affrété le vol, le Venezuela, enfin, où s’est produit le drame. Cela complique évidemment une procédure déjà de haute technicité, comme c’est le cas pour tous les accidents aériens.

Cependant, la vérité est une exigence ; nous la devons aux familles, sur les circonstances du drame, sur les fautes, les erreurs, les négligences et les responsabilités. Je peux vous assurer que le Président de la République et le Premier ministre s’en préoccupent, par souci de justice d’abord, mais aussi par empathie avec les Martiniquais, si durement touchés.

Pour ce qui est des 90 000 pages de documents à traduire, le coût de l’opération est évalué à 500 000 euros. Cette somme est incluse dans la dotation de frais de justice attribuée à la Cour d’appel de Fort-de-France. En ce qui concerne le pôle d’instruction, cette affaire représente effectivement trop de travail pour un seul magistrat. Je vous informe que le président du TGI a, par une ordonnance d’octobre 2012, décidé d’affecter un deuxième magistrat instructeur au traitement de ce dossier.

Pour ma part, j’ai demandé au procureur général de faire remonter à l’administration toutes les informations qui permettraient de prendre des mesures complémentaires et de tenir les familles de victimes informées de façon régulière. Nous ne rendrons pas aux familles celles et ceux qu’elles ont perdus, nous ne ferons pas revenir le sourire sur le visage des enfants, mais nous éviterons peut-être de nouveaux drames à la Martinique ou ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Dette de l’Algérie envers la Sécurité sociale

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Thierry Mariani. Permettez-moi tout d’abord, monsieur le Premier ministre, de vous rappeler, au nom du groupe UMP, que la majorité des députés socialistes s’étaient engagés à démissionner de leur mandat exécutif local pour respecter la règle sur le cumul au 30 septembre. Visiblement, depuis le 30 septembre, le changement n’est toujours pas arrivé ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Thierry Mariani. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Après la mise en accusation de la police républicaine lors des événements tragiques du 17 octobre 1961, un nouveau pas vient d’être franchi avec l’adoption, à la demande du Parti socialiste, du 19 mars comme journée nationale du souvenir en mémoire des victimes de la guerre d’Algérie.

M. Régis Juanico. Très bonne décision !

M. Thierry Mariani. Vous savez que ce choix est une marque d’oubli et de mépris envers tous les Français massacrés après cette date à Oran et dans le reste de l’Algérie (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), tous les harkis qui ont subi le même sort et tous les jeunes appelés qui ont disparu et dont on n’a plus jamais eu de nouvelles.

À la veille du déplacement du Président de la République en Algérie, il s’agit là d’une nouvelle concession à l’égard de ce pays, comme toujours à sens unique, sans le moindre geste en retour de la part des autorités algériennes.

Ma question est simple, madame la ministre : comptez-vous, à l’occasion de ce déplacement, aborder la question de la dette algérienne auprès de la Sécurité sociale française ?

Un député du groupe SRC. C’est une honte !

M. Thierry Mariani. Comme l’a déjà rappelé Dominique Tian et comme l’a elle-même reconnu l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, son principal débiteur est l’Algérie, qui accuse envers elle une dette d’environ 20 millions d’euros, sans oublier les 34 millions d’euros dus par ailleurs, notamment à Lyon et Marseille.

Je constate d’ailleurs que Jean-Marie Le Guen, président de l’apr.-HP, a reconnu honnêtement qu’il y avait un problème.

L’amitié entre deux pays est faite de gestes réciproques. Le Gouvernement entend-il donc profiter de ce voyage pour faire en sorte que ces dettes, dues à l’ensemble des Français, soient honorées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur Mariani, nous n’ignorons rien de la question que vous soulevez ; elle est bien connue et ne mérite pas les excès et les envolées auxquelles vous vous livrez dans cet hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Vautrin. Il n’y a aucun excès !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je tiens à vous rassurer, même si je ne sais pas s’il existe un quelconque moyen de vous rassurer en la matière,…

M. Michel Herbillon. Quelle condescendance !

Mme Marisol Touraine, ministre. …tant on a le sentiment qu’il faut aller toujours plus loin, avec vous, pour apporter des réponses.

M. Yves Censi. Attention au dérapage !

Mme Marisol Touraine, ministre. Des discussions sont en cours entre le Gouvernement, d’une part, et, de l’autre, l’ambassade d’Algérie et le gouvernement algérien, sur la question de la dette due aux hôpitaux français et à la Sécurité sociale.

Ces discussions avancent bien, avec la volonté de trouver un accord qui soit satisfaisant pour l’ensemble des parties. Je tiens donc à vous dire que ce dossier, qui est effectivement un sujet de préoccupation dans la perspective de la visite du Président de la République en Algérie, n’est absolument pas laissé de côté.

Nous ne voulons pas, pour autant, le traiter d’une manière qui soit stigmatisante. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous ne voulons pas le traiter d’une manière qui soit désagréable ou accusatrice pour le gouvernement algérien,…

M. Bernard Deflesselles. Ben voyons ! Surtout pas !

Mme Marisol Touraine, ministre. …lequel, je tiens à le dire, a engagé les discussions dans un esprit constructif, avec la volonté d’aboutir à un accord qui soit satisfaisant pour l’ensemble de nos concitoyens et pour tous les partenaires engagés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Pauvreté

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Catherine Coutelle. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Vincent Burroni, s’adresse à M. le Premier ministre.

Dix ans de pauvreté en France : le titre du rapport annuel du Secours catholique résonne comme un constat terrifiant, résultat de la crise mais surtout des politiques menées depuis 2002. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) La pauvreté a touché un million de personnes supplémentaires en dix ans ; 13 % des Français vivent avec moins de 950 euros par mois et 2 millions avec moins de 640 euros.

Cette pauvreté se conjugue surtout au féminin : femmes seules et isolées avec de petites retraites, ou encore jeunes femmes sans formation qui restent longtemps au chômage, touchées par la précarité de l’emploi et mal rémunérées, tandis que 200 000 enfants vivent avec leur mère seule, dans des familles qui peinent à payer à la fois le loyer et l’énergie. En effet, les factures augmentent toujours plus et ces familles finissent par devoir choisir entre le chauffage et la nourriture.

Avec les CDD, les temps partiels, les contrats aidés et les horaires décalés, incompatibles avec ceux des enfants, notre société a multiplié les travailleurs et les travailleuses pauvres. Cette situation concerne une personne sur six dans les emplois de service et une sur cinq dans l’hôtellerie et la restauration, quel que soit d’ailleurs le taux de la TVA !

Les témoignages sont nombreux et durs. « C’est un nouvel esclavage, on a honte, on ne le dit pas, on renonce aux loisirs pour les enfants. » « Je n’ai pas osé avouer à mes profs que je n’avais pas d’abonnement internet à la maison. » « Je n’ai que trente ans et la dureté de la vie, je me la prends en pleine gueule. »

Toutes ces personnes ne comprennent ni les piaillements des « pigeons », ni les manifestations de ceux qui ont déjà beaucoup. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, nous héritons d’une situation catastrophique. Votre gouvernement souhaite agir fortement contre la précarité, vous nous l’avez dit ici même en juillet. Que doit-on attendre de la conférence de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale des 11 et 12 décembre ? Les partenaires sociaux s’empareront-ils de la question de la qualité de l’emploi, en contrepartie du pacte de compétitivité ? Plus de 8 millions de personnes nous attendent et nous voudrions que l’on n’entende plus parler de travailleurs pauvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la députée, vous évoquez dans votre question, à laquelle s’associe M. Burroni, le rapport récent du Secours catholique. Malheureusement, l’ensemble des rapports qui sortent en ce moment vont dans la même direction : il y a 8,6 millions de pauvres et 400 000 personnes pauvres de plus chaque année.

La pauvreté présente aujourd’hui un visage nouveau et représente de nouveaux enjeux. Elle touche de plus en plus de Français et particulièrement des femmes ; elle s’intensifie de plus en plus, car il y a de plus en plus de pauvres parmi les pauvres ; surtout, elle se reproduit : aujourd’hui, on hérite de la pauvreté, de génération de génération.

Bien sûr, la crise est là, qui aggrave véritablement le problème. Mais, vous l’avez dit, c’est aussi le résultat de dix années d’une politique passive de la droite, qui ne s’est souciée ni des causes de la pauvreté, ni de l’accompagnement des personnes.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est faux ! Que faites-vous du RSA ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Pire encore, cette passivité s’est accompagnée d’un discours stigmatisant à l’égard des familles modestes, ces gens étant accusés d’être des fraudeurs et même des profiteurs.

Eh bien, madame la députée, sachez que nous rompons avec cette attitude.

M. Yves Censi. Arrêtez les violons et agissez !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Nous avons déjà pris des mesures en urgence, comme l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, la levée du droit d’entrée dans l’aide médicale d’État, l’inscription cette année au budget de l’État de la prime de Noël, qui va, du coup, devenir pérenne, ou encore l’engagement du Premier ministre de faire en sorte que les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité bénéficient à plus de 4 millions de foyers.

Outre ces mesures que nous avons déjà prises, notre projet est de proposer une réponse globale et durable à l’exclusion en lançant un plan pluriannuel,…

M. Claude Goasguen. Ben voyons !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. …que nous proposerons les 11 et 12 décembre prochains, lors de la conférence que vous avez évoquée.

M. le président. Merci, madame la ministre !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Ce que le Premier ministre attend de nous, c’est une feuille de route pour sortir ces personnes de la pauvreté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Calendrier scolaire et économie de montagne

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Sophie Dion. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et du cannabis !

Mme Sophie Dion. J’y associe mon collègue Charles-Ange Ginésy, député des Alpes-Maritimes.

Monsieur le ministre, dans le cadre de la concertation nationale sur la refondation de l’école, vous allez proposer un nouveau calendrier scolaire. Quelle que soit notre place sur les bancs de cet hémicycle, nous sommes particulièrement attentifs à l’intérêt des élèves. Cependant, votre projet de calendrier fixerait très tardivement les vacances de Pâques en les décalant du mois d’avril au mois de mai.

Une telle décision pénaliserait gravement notre économie de montagne. (« Ah… » sur les bancs du groupe SRC.) Elle aurait des conséquences lourdes : fermeture prématurée des stations, rupture anticipée des contrats des saisonniers.

Laisser les vacances de printemps en avril permettrait tout à la fois de redonner vie au troisième trimestre pour l’équilibre des élèves, tout en confortant l’activité des stations de montagne et l’emploi des saisonniers. N’oublions pas que 35 000 emplois sont menacés.

M. Bernard Roman. Et l’intérêt des enfants ?

Mme Sophie Dion. En écoutant François Hollande hier, j’ai cru comprendre que sa mission prioritaire était la lutte pour l’emploi. Or la France est première dans le secteur des sports d’hiver, c’est la première destination mondiale pour le ski.

Au moment où notre pays a grand besoin de capitaliser sur ses atouts, prenons garde à ne pas sacrifier notre économie de montagne. Monsieur le ministre, vous engagez-vous devant la représentation nationale à renoncer à votre projet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Madame la députée, c’est sans doute parce que votre majorité avait comme souci l’intérêt des élèves que pendant dix ans elle a supprimé 80 000 postes, la formation des professeurs et 36 journées de classe, qu’elle n’a pas permis l’accueil des moins de trois ans et qu’elle a fait en sorte que, dans tous les classements internationaux ou nationaux, nos élèves régressent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Gest. Lamentable !

M. Vincent Peillon, ministre. Oui, la politique du Gouvernement consiste à prendre en charge l’intérêt des élèves.

M. François Sauvadet. Zéro !

M. Vincent Peillon, ministre. Redresser la France, préparer son avenir suppose d’avoir le sens de l’intérêt général et un certain courage !

Plusieurs députés du groupe UMP. Moins fort, baissez le ton !

M. Bernard Accoyer. Il a fumé, monsieur le président !

M. Vincent Peillon, ministre. Comme vous le savez, madame la députée – vous ne l’avez pas fait, mais vous l’avez quand même affirmé dans des rapports – il faut être capable de remettre en place une formation des enseignants, d’accorder la priorité à l’école primaire, de changer les rythmes scolaires. (Plusieurs députés du groupe UMP font signe au ministre de se calmer.)

M. Claude Goasguen. Il est à côté de la plaque !

M. Vincent Peillon, ministre. Il faut aussi dire la vérité : tout ce que vous avez affirmé est inexact ! Le 23 novembre, le Conseil supérieur de l’éducation se réunira. La proposition de calendrier qui sera faite est la même que l’année passée.

M. Yves Censi. N’importe quoi !

M. Vincent Peillon, ministre. Vous avez défendu un intérêt particulier au lieu de défendre l’intérêt de la France. Et en plus vous avez avancé des inexactitudes : vous voulez tromper les Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Statut de l’élu

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Nos concitoyens attendent du nouvel exécutif qu’il réponde d’abord à leurs principales préoccupations : l’emploi, le pouvoir d’achat, l’égal accès aux soins, l’école et la formation des jeunes. Le Président de la République a rappelé hier soir les mesures qui ont été mises en œuvre ces six derniers mois pour répondre à ces attentes.

La réforme de l’État et la modernisation de la vie publique font aussi partie des chantiers ouverts par le Gouvernement, conformément aux engagements pris par François Hollande pour rendre notre République exemplaire.

Le rapport de la commission présidée par Lionel Jospin s’inscrit dans cette démarche. Il comporte des propositions constructives sur le statut juridictionnel du chef de l’État, le renforcement de la parité, la déontologie ou la prévention des conflits d’intérêts.

Toutefois, la volonté légitime de faciliter, pour un plus grand nombre de citoyens, l’accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives ne peut se limiter à la seule question du cumul des mandats. Pour atteindre cet objectif, il faut au préalable mettre au point et instaurer un véritable statut de l’élu.

On peut regretter que la commission n’ait pas été plus ambitieuse à propos de ce statut et qu’elle se soit contentée d’en souligner l’urgence. En pratique, l’accès aux responsabilités électives s’avère difficile, au regard des conséquences sur la vie professionnelle, le droit à la formation, les droits à la retraite ou le retour à l’emploi, surtout si l’on vient du secteur privé. Voilà le frein à la diversité et au renouvellement !

Les dispositions votées en 1992 sur l’exercice des mandats locaux ou la loi de 2002 relative à la démocratie de proximité ont certes permis des avancées, mais elles ne constituent qu’une ébauche du statut de l’élu.

Madame la ministre, comptez-vous proposer la mise en place d’un véritable statut de l’élu ? Pour une démocratie parlementaire moderne, c’est une exigence. Mais il s’agit surtout d’un préalable à toute rénovation réussie de notre vie publique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

M. Claude Goasguen. Et des économies budgétaires !

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Madame Dubié, il y a presque une volonté de silence autour de ce fameux statut de l’élu. Certains redoutent la réaction des citoyens, qui pourraient penser que cela leur coûtera beaucoup d’argent, d’autres rappellent que les collectivités locales devront payer des cotisations patronales pour l’assurance maladie et la retraite. Pour ma part, je pense que la question du statut de l’élu ne doit pas être passée sous silence, ne doit pas être taboue.

La France compte beaucoup d’élus locaux, et 390 000 d’entre eux sont entièrement bénévoles. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Je les salue. Grâce à eux, à leur proximité avec le terrain, des lois sont votées, des décisions sont prises, l’aménagement du territoire progresse, la reconnaissance du citoyen, tout simplement, s’affirme chaque jour. La démocratie y gagne beaucoup.

Puisqu’il faut sortir du silence, disons que la majorité des élus locaux sont des retraités, exercent une profession libérale, une profession protégée. On trouve parfois des chefs d’entreprise, mais très peu de salariés. Et malheureusement, les femmes ont du mal à accéder à ces fonctions car c’est une difficulté supplémentaire que de conjuguer perte de salaire et garde des enfants.

Soyons courageux ! Après les propositions de Mme Gourault et de M. Sueur au Sénat, parlons ensemble de sécurité sociale, de retraite, d’allocations de retour à l’emploi. Évoquons aussi l’automaticité des décisions d’indemnisation des élus, les délibérations étant souvent critiquées. Parlons franchement de la démocratie locale ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq sous la présidence de M. Denis Baupin.)

Présidence de M. Denis Baupin,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Projet de loi de finances pour 2013
Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2013 (n°s 235, 251).

Le Gouvernement a fait savoir que l’examen des crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources », « Provisions », et « Régimes sociaux et de retraite » interviendrait cet après-midi.

Je vous rappelle que la discussion des crédits des missions que nous allons examiner a eu lieu, à titre principal, en commission élargie.

Gestion des finances publiques
et des ressources humaines
Provisions
Régimes sociaux et de retraite

M. le président. Nous abordons donc l’examen des crédits relatifs à la gestion des finances et des ressources humaines, aux provisions et aux régimes sociaux et de retraite (n° 251, annexes XXVII à XXX et 39, n° 258, tome III).

La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la mission interministérielle « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte les crédits relatifs aux activités régaliennes du ministère de l’économie et des finances : recouvrement des recettes et contrôle fiscal ; paiement des dépenses et tenue de la comptabilité de l’État et des collectivités territoriales ; activités douanières de surveillance et de régulation des échanges internationaux ; grands projets d’évolution de l’information financière de l’État. Cette mission comprend aussi le programme 148 relevant de la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, qui regroupe les crédits consacrés à l’action sociale interministérielle et à certaines écoles de la fonction publique comme l’ENA et les IRA.

Le budget 2013 de la mission interministérielle « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » s’élève à 11,7 milliards d’euros en 2013 contre 11,6 milliards en 2012, y compris les charges de retraite.

Je ferai trois observations sur le budget de cette mission.

Tout d’abord, le ministère de l’économie et des finances contribue de manière exemplaire à l’effort de redressement des finances publiques, avec notamment 2 203 emplois supprimés pour cette mission. Cet effort touche un ministère qui a connu d’importantes restructurations au cours des dernières années, dans le contexte de la Révision générale des politiques publiques – RGPP. Cela suppose un effort d’explication en direction des agents du ministère, auquel l’ensemble des ministres de Bercy a participé, Pierre Moscovici et moi-même étant particulièrement attentifs à ce dialogue.

C’est, ensuite, un budget exigeant, mais qui exclut les coupes "aveugles". La présentation des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est l’occasion de mettre en évidence la méthode retenue par le Gouvernement : des arbitrages différenciés, en fonction des priorités, de la réalité des missions et des gains de productivité possibles.

Ainsi, lorsqu’une mission est totalement nouvelle, il en est tenu compte : c’est l’exemple de la taxe poids lourds à la direction générale des douanes avec 300 emplois dédiés. C’est aussi le cas des investissements structurants qui sont préservés ; je pense au renouvellement du matériel de surveillance de la douane ou à la refonte de la gestion de la paie de l’État avec le projet « opérateur national de paie ». De même, la répartition des suppressions d’emplois entre métiers et entre territoires se fera en fonction de la charge de travail, sur la base d’une analyse aussi fine que possible.

C’est, enfin, un budget qui ne sera soutenable que grâce à un effort résolu de modernisation permettant les gains de productivité que nous demandons aux agents.

Le Gouvernement vient d’arrêter les orientations de la rénovation de l’action publique, et le ministère de l’économie et des finances sera exemplaire sur ce point. Cette action se fera avec une autre méthode que celle de la RGPP : en choisissant la concertation, très en amont des réformes ; en réfléchissant systématiquement à l’impact des actions de modernisation ; en traçant, enfin, des perspectives pluriannuelles.

Il faudra, pour réussir, être pragmatique, sans schémas d’organisation uniformes, rechercher la simplification là où elle est pertinente, et tirer davantage parti du développement de l’administration électronique, qui est à la fois un gisement d’économies et d’allégement des tâches, et un facteur d’amélioration de la qualité de service.

Je voudrais enfin noter que la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » comprenait, jusqu’en 2012, les moyens de fonctionnement de la Direction générale de la modernisation de l’État – DGME –, au sein du programme 221. Le Gouvernement vient de revoir les modalités de pilotage de la rénovation de l’action publique, et la DGME a été intégrée au secrétaire général pour la modernisation de l’action publique, créé par décret du 30 octobre 2012, et rattaché au Premier ministre. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a proposé, par amendement, de transférer les crédits concernés – 47,6 millions d’euros – à un programme rattaché aux services du Premier ministre.

La mission « Provisions » couvre quant à elle les dépenses accidentelles. Ses crédits s’élèvent en 2013 à 462 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 162 millions d’euros en crédits de paiement. La différence entre les deux est liée à la constitution, comme en 2012, d’une provision spécifique en autorisations d’engagement pour les éventuelles prises à bail, auprès d’un propriétaire privé, des administrations centrales et déconcentrées. De telles situations, non prévisibles dès lors qu’elles peuvent résulter de décisions urgentes de relocalisation de certaines administrations à l’initiative des bailleurs ou de l’administration lorsqu’une opportunité plus efficiente de localisation se présente, ont été constatées à plusieurs reprises sur la période récente. La signature d’un bail privé nécessite dans ce cas de disposer d’autorisations d’engagement couvrant la totalité de la durée de ce bail, soit dans certains cas dix ans, voire vingt-cinq ans. Le caractère imprévisible du montant et de l’imputation précise par programme de ces engagements justifie leur inscription sur la mission « Provisions ».

La mission « Régimes sociaux et de retraite » subventionne, à hauteur de 6,54 milliards d’euros des régimes de retraite pour la plupart anciens et antérieurs à la création de la Sécurité sociale, et marqués par un fort déséquilibre cotisants-pensionnés. Ces régimes sont donc dans l’impossibilité de s’autofinancer ; la solidarité nationale s’exerce au travers des subventions budgétaires contribuant à l’équilibre de ces régimes.

Ainsi, en ce qui concerne les régimes de retraite des agents SNCF et RATP, se poursuit un mouvement d’alignement progressif des paramètres des deux régimes sur ceux du régime de la fonction publique. Ces régimes concernés représentent environ 759 000 pensionnés ou allocataires fin 2012.

Le compte d’affectation spéciale « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite des agents de l’État. Ses crédits s’élèvent à 56,1 milliards d’euros en PLF 2013, contre 54,6 milliards d’euros en loi de finances initiale 2012, pour les pensions des fonctionnaires et des militaires, mais financent également pour 1,9 milliard d’euros, les pensions du régime fermé des ouvriers d’État, et pour 2,4 milliards d’euros les pensions militaires d’invalidité.

Sur les missions « Régimes sociaux et de retraite » et « Pensions », l’État accompagne la décroissance des régimes fermés et favorise l’évolution des régimes ouverts, en cohérence avec les orientations générales sur les retraites, en recherchant notamment une gestion efficiente et une bonne qualité de service aux assurés.

Le compte d’affectation spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » retrace, en recettes, les produits de cessions immobilières et, en dépenses, les dépenses immobilières en capital liées notamment aux opérations de relocalisation de services.

La mise en place d’une gestion unifiée par l’État propriétaire, sous la responsabilité du ministre du budget, a permis de donner une nouvelle dynamique à la politique immobilière de l’État. À titre d’exemple, alors que les surfaces occupées par l’État ne faisaient que croître jusqu’en 2006, elles connaissent à présent une réduction continue. Ce mouvement d’optimisation des coûts d’occupation immobilière par l’État sera poursuivi. Ce dernier demandera aux opérateurs d’appliquer la même règle.

En outre, sur l’année 2013, le chantier de mobilisation du foncier public pour la construction de logements sociaux constituera l’objectif majeur donné à France Domaine, en collaboration avec le ministère de l’égalité des territoires et du logement. Au total, les cessions sont estimées à 500 millions d’euros cette année et les dépenses immobilières au même niveau. Hors contribution du compte d’affectation spéciale au désendettement, le compte est donc équilibré.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, voilà la présentation succincte mais, je l’espère, néanmoins précise des missions que j’avais la charge de dévoiler au Parlement.

M. le président. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe UDI.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j’aborderai tout d’abord la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », particulièrement son volet « modernisation de l’État ».

Entre 2007 et 2012, je me souviens avoir entendu ici les critiques les plus violentes à l’encontre de la RGPP. Or, le Président de la République, relayé par le Premier ministre, nous a expliqué qu’il y aurait une modernisation de l’action publique. Si j’ai bien compris, il s’agit donc de remplacer un label par un autre, à l’instar de la « TVA restructuration » venue se substituer à la « TVA compétitivité ». Je ne suis pas vraiment certain que le nouveau costume change vraiment les choses !

Il est vrai que la RGPP n’a pas été parfaite et qu’elle est sûrement intervenue trop tard. Nous avons été de ceux qui ont répété à de nombreuses reprises qu’il fallait diminuer le périmètre d’intervention de l’État et faire en sorte que son action soit plus efficace. Toutefois, je tiens à rappeler – vous vous en félicitiez vous-même, monsieur le ministre, ce matin – que sous l’action conjuguée de la précédente majorité et de votre gouvernement, les dépenses publiques sont stables en 2012. Pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, nous avons pu constater, à la fin de 2011, une diminution de la masse salariale de l’État, conséquence d’un ensemble de mesures, à l’instar de la RGPP, qui aura permis à l’État d’économiser 15 milliards en cinq ans.

Je tiens à rappeler ici qu’il s’agissait non pas de mener une guerre stérile contre les fonctionnaires dont notre pays a tant besoin, ou de réaliser des coupes sombres à l’aveugle dans la fonction publique,…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Des coupes claires !

M. Philippe Vigier. …mais d’avoir une fonction publique plus efficace, mieux rémunérée et plus attractive. C’était d’ailleurs le principe fondateur de la LOLF, que vous connaissez si bien.

Tout au long de cette période, nous avons entendu vos critiques à maintes et maintes reprises. Mais depuis que vous êtes arrivés au pouvoir, nous ne parvenons pas à percevoir de nouvelles propositions. Sans doute allez-vous nous aider à les décrypter.

Les mesures du budget pour 2013 sont pour le moins étonnantes. Alors que nous avions fait le choix du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, vous avez fait le choix de stabiliser le nombre de fonctionnaires tout en créant 65 000 postes dans l’éducation, la justice, la police et la sécurité au cours de la législature et en mettant un terme à la RGPP – c’est un choix politique, nous le respectons. Mais, dans le même temps, vous avez voulu créer une nouvelle action, la modernisation de l’action publique – je viens encore de lire un article très intéressant à ce sujet. Curieux de nature, je me suis penché sur cette action. Alors que ne plus remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite – comme nous l’avions décidé – vous paraissait insupportable – vous appeliez à toujours plus de services publics –, force est de constater que non seulement des emplois vont disparaître dans certains ministères, mais que pour celui de l’écologie, ce sera le cas de huit emplois sur dix ! Monsieur Alauzet, ce ne sont plus des couleuvres qu’il vous faudra avaler, mais des boas constricteurs ! Jean-Vincent Placé va pouvoir trouver là de nouveaux arguments pour remettre en cause le bien-fondé de la participation des écologistes au Gouvernement.

Au-delà de la critique, quelle est finalement, monsieur le ministre, votre stratégie maintenant que vous êtes au pouvoir ? Quel périmètre va revêtir cette modernisation de l’action publique ? Ne faudrait-il pas que les collectivités territoriales, qui n’ont pas été bonnes élèves en la matière, donnent le la, ainsi que j’avais eu le malheur de le souligner à cette tribune il y a deux ans ? Que n’avais-je dit là en effet ! Aussitôt, je fus accusé de vouloir mettre les collectivités sous tutelle, d’oublier le principe de leur libre administration. Avoir de la mémoire, mes chers collègues, permet certains éléments de comparaison !

Ma deuxième remarque porte sur la mission « Provisions » et concerne plus particulièrement le pouvoir d’achat des fonctionnaires.

Trois coups lui sont portés avec le gel du point d’indice, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires et l’arrêt de la RGPP qui permettait de redonner du pouvoir d’achat puisque la moitié de la masse salariale dégagée par le non-remplacement était affectée à une bonification des salaires. Ce ne sera plus le cas : les fonctionnaires apprécieront quand ils regarderont leur fiche de paye !

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Philippe Vigier. Une de vos premières mesures, en juillet, a été de supprimer la défiscalisation et les allégements de charges sur les heures supplémentaires, dont bénéficiaient 680 000 agents de la fonction publique. Nous nous sommes élevés avec vigueur contre cette décision, la jugeant dogmatique. Les maires que nous sommes – du moins que nous sommes encore – appréciaient que les fonctionnaires territoriaux puissent faire quelques heures supplémentaires, d’autant qu’elles constituaient un encouragement. Les grilles salariales de la fonction publique, territoriale ou hospitalière, sont en effet tellement contraintes que l’on se demande comme ces carrières peuvent encore être attractives. Dans mon département, les administrations dans leur ensemble éprouvent des difficultés à recruter pour les postes à responsabilité.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Philippe Vigier. L’argument en faveur de la suppression des allégements de charges sur les heures supplémentaires consistait à dire que cela favoriserait l’emploi, les entreprises préférant recruter plutôt que de recourir aux heures supplémentaires.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est faux !

M. Philippe Vigier. Cet argument, M. Muet l’a exposé à plusieurs reprises. Je lui ai livré toutes les statistiques en notre possession qui montrent que ce raisonnement est faux. Dans la fonction publique, ces allégements permettaient en outre de mieux rémunérer les fonctionnaires et d’améliorer le service rendu à la population.

Il est nécessaire de mettre en place une rénovation en profondeur de la gestion publique sans oublier les opérateurs extérieurs de l’État. Le rapport général a bien précisé qu’ils devaient être associés à cet effort.

Pour toutes les raisons que j’ai exposées – et je remercie M. le président de m’avoir laissé un peu plus de temps pour le faire –, les députés du groupe UDI voteront contre les crédits de ces trois missions. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est dommage !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je vous ai connu plus lucide, monsieur Vigier !

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, mon intervention portera sur trois sujets : l’efficacité du service public ; la lutte contre la fraude, les trafics et les contrefaçons ; l’entretien des bâtiments de l’État.

Tout d’abord, merci au Gouvernement et à la majorité parlementaire de redonner de la valeur au service public trop souvent réduit ces dernières années au train de vie de l’État alors qu’il assure des missions d’intérêt général au bénéfice de nos populations, de nos territoires et de l’économie.

Nous devons conserver cet état d’esprit, ce qui ne nous empêche pas, bien au contraire, de rechercher la meilleure efficience et d’engager un processus d’économie qui dépasse la simple chasse aux fonctionnaires.

Dans une période de baisse de la dépense publique et des effectifs – baisse déjà effective depuis plusieurs années et qu’il est prévu d’accentuer – il nous revient de veiller aux conséquences de ces diminutions. Nous devons suivre très attentivement l’accessibilité aux services publics, en particulier aux services du Trésor public, notamment en milieu rural.

Jusqu’où peut-on aller ? Quels sont les éléments d’évolution et de progrès qui permettront d’absorber en partie les baisses d’effectifs sans trop de casse ? Quelles sont les missions qui devront être revues et dans quelle proportion ? Comment mesurer la satisfaction du public et évaluer la façon dont les personnels vivent ces mutations ? Autant de questions qui justifient la nécessité d’une prospective et d’indicateurs simples pour la période 2013-2017.

Mon deuxième point porte sur la lutte contre la fraude et les trafics, à travers le programme 302. Elle demeure une action cruciale qui gagnerait encore en efficacité et en économie par un renforcement de l’échelle européenne – les déclarations de M. le ministre ce matin vont tout à fait dans ce sens. Je pense notamment à la lutte contre le trafic de stupéfiants et à la lutte contre les contrefaçons qui devront être renforcées.

Aussi était-il crucial dans une période de forte contrainte budgétaire de maintenir les crédits dédiés à ces actions. C’est une preuve que le Gouvernement a conscience des enjeux : En France, ce sont 38 000 emplois qui sont détournés par l’économie frauduleuse. Lutter contre la contrefaçon de produit de marques, de cigarettes, de médicaments ou d’alcool est une nécessité pour protéger nos entreprises.

C’est également un enjeu pour la santé de nos concitoyens car il faut éviter la pénétration de produits impropres à la consommation. Je pense aux 20 % des 600 millions de paquets de cigarettes importés illégalement en France, et aux produits dont le contact peut être nocif – mélamine dans la vaisselle pour enfants, phtalates dans les jouets –, voire aux médicaments frelatés

Il est tout particulièrement intéressant de constater que le financement d’une partie de ces actions cruciales provient de la fiscalité environnementale. En effet, s’ajoutent aux ressources traditionnelles de la Direction générale des douanes et droits indirects des ressources relevant de la fiscalité environnementale : la fameuse taxe « poids lourds » laborieusement décidée par la précédente majorité et que la majorité actuelle va rendre effective au 1er janvier 2013. Je ne veux pas, à cet instant, relancer le débat sur l’écofiscalité, mais il y aura nécessité à donner cohérence et lisibilité à l’ensemble des écotaxes existantes et futures en en précisant l’objet.

Les membres du groupe écologiste dans leur ensemble ont défendu lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances l’idée que la fiscalité environnementale était l’un des leviers les plus puissants afin de dégager de nouvelles recettes et de doper notre économie. Nous nous tenons bien évidemment à votre disposition, monsieur le ministre, pour approfondir cette question et pour engager cette grande réforme fiscale portant sur l’écofiscalité afin d’identifier l’ensemble des actions susceptibles de bénéficier de leur impact.

Enfin, concernant le programme 309 « Entretien des bâtiments de l’État », il convient de mener parallèlement à la réflexion patrimoniale une stratégie qui permette de répondre à l’objectif d’un État exemplaire en matière d’environnement, dans un délai de huit ans tel que l’indique la loi sur le Grenelle de l’environnement : il s’agit, je vous le rappelle, d’atteindre une réduction de 40 % des consommations d’énergie et de 50 % des émissions de gaz à effet de serre.

La rénovation thermique des bâtiments de l’État doit être une priorité. C’est une priorité écologique, mais également un moyen de dégager des économies en réduisant les dépenses de fonctionnement et une occasion de développer des emplois non délocalisables.

Ce chantier est d’autant plus important qu’il peut trouver une rentabilité interne. C’est l’un des rares domaines où le retour sur investissement est assuré. Il est même mécanique dès lors que l’on peut rembourser les mensualités d’emprunt avec les économies d’énergie. Nous avons réalisé ce montage avec succès à Besançon en empruntant un million d’euros pour effectuer des travaux sans atteindre l’épargne brute.

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe GDR.

M. Gaby Charroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je voudrais revenir sur la situation de la Direction générale des finances publiques, la DGFiP, et plus globalement sur les conséquences de la RGPP et l’avenir de la réforme de l’État.

Concernant la DGFiP, M. le ministre s’est félicité, lors de la présentation du budget, de l’exemplarité du ministère des finances, soulignant l’importance de la contribution de celui-ci au redressement des finances publiques. Je ne peux que constater qu’il a raison.

Le budget prévoit en effet pas moins de 2 353 suppressions d’emplois, dont 2 203 pour la mission « Gestion des finances publiques » et une baisse des crédits de la mission de 1,9 % en 2013 à périmètre constant, hors charges de retraites. Ces nouvelles suppressions de postes portent à 25 000 le nombre total des postes perdus en dix ans. Or ces suppressions ont eu des conséquences graves. Elles ont considérablement affaibli le fonctionnement global des services, de l’accueil au recouvrement en passant par la gestion des dossiers, la détection de la fraude et le contrôle fiscal dans toutes ses dimensions, même si le projet de loi de finances rectificative prévoit un effort important de lutte contre la fraude fiscale que je salue.

Alors que la Commission européenne et le rapport sénatorial sur l’évasion fiscale internationale demandent des moyens de lutte supplémentaires contre la fraude, il apparaît un peu étrange de continuer à penser que supprimer des emplois au sein de la DGFiP sera source d’économies budgétaires. C’est le contraire qui se passe : moins d’emplois à la DGFiP se traduisent par moins d’efficacité dans les missions fiscales.

Rappelons en effet que, pour notre pays, la fraude et l’évasion fiscale représentent 30 à 50 milliards d’euros. La lutte contre ce fléau ne se fera pas sans la mobilisation d’un nombre suffisant d’agents.

Nous ne comprenons donc pas le choix que fait aujourd’hui notre gouvernement, d’autant qu’il ne nous semble pas tirer tous les enseignements du rapport remis à M. le Premier ministre sur le bilan de la RGPP à la fin du mois de septembre.

Ce rapport a notamment mis l’accent sur la nécessité de mettre en œuvre une autre méthode fondée sur la concertation des acteurs, des élus, des agents publics, des organisations syndicales et des usagers.

Nous avons bien entendu que Mme la ministre était disposée à discuter des grilles, des échelles indiciaires et des régimes indemnitaires et même, pour reprendre ses mots, de tout mettre sur la table en matière de rémunération.

Nous regrettons en revanche que vous vous montriez inflexible au point de déclarer que les élus locaux ne retrouveront ni leurs Directions départementales de l’équipement et de l’agriculture, ni leurs Directions départementales des affaires sanitaires et sociales, et qu’il est hors de question de revenir sur la réforme de l’administration territoriale de l’État. Que devient donc dans ce contexte l’esprit de concertation ?

Plus fondamentalement, notre interrogation porte sur la compatibilité entre l’objectif affiché d’une réduction des effectifs dans les ministères jugés – un peu rapidement – non prioritaires, et le vœu que vous exprimez, et que nous partageons, d’un État garant et protecteur, mais également présent par l’intermédiaire de ses agents.

Même si nous nous réjouissons de la considération nouvelle de ce gouvernement pour les services publics, cette contradiction – insoluble tant que l’on ne revient pas sur le dogme de la réduction des effectifs – nous conduit naturellement à nous interroger et nous place dans l’impossibilité d’approuver sereinement les crédits soumis à notre examen. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier pour le groupe SRC.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, la mission budgétaire « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » donne le ton de l’action gouvernementale en matière de rénovation de la fonction publique, en dépit d’un contexte budgétaire contraint.

Il s’agit ainsi d’offrir à nos concitoyens un meilleur service au moindre coût, à un moment où le redressement des finances de l’État est plus qu’une nécessité, et de réaffirmer parallèlement le respect dû aux agents à qui l’on demande tant d’efforts pour servir notre pays.

Optimiser la gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local, garantir la sécurité et l’égalité de traitement des citoyens en assurant la lutte contre les fraudes, renforcer la démarche de gestion par la performance, améliorer les moyens de gestion publique par le développement d’outils et de pratiques de mutualisation, moderniser la gestion des ressources humaines dans la fonction publique, opérer un développement du dialogue social et de l’action sociale, tels sont les défis fixés par le Gouvernement dans le cadre de ce budget.

Un nouveau cap est ainsi fixé, avec l’ambition de redonner toute sa place à une fonction publique quelque peu malmenée lors de la précédente législature. Notre fonction publique est une chance et non une charge ; c’est cette conception qui doit guider notre approche budgétaire.

L’évolution du programme 221 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État » illustre bien la confusion volontaire opérée par la précédente majorité en matière de fonction publique. Là où il eût fallu réformer en fonction de priorités répondant aux enjeux de la refonte de l’action publique, nous avons malheureusement assisté à une implacable application de la RGPP, synonyme de précarisation de la fonction publique et non de modernisation.

Comme le souligne le rapport annexe à ce programme établi par la rapporteure spéciale Mme Karine Berger, les cinq dernières années peuvent être considérées comme perdues, la logique du « faire pareil avec moins » n’ayant rien apporté.

M. le président de la commission des finances a lui-même souligné que le processus de RGPP était assez technocratique et centralisé, les services déconcentrés de l’État n’ayant pas été suffisamment présents ni associés.

Si l’on ajoute à cela le dévoiement du principe de retour catégoriel au profit des ministères les moins sollicités et des catégories les moins touchées, qui pose un grave problème d’équité, c’est bien un nouveau cap qu’il nous faut fixer aujourd’hui. Tel est le sens de cette mission budgétaire. En fixant des objectifs et en redessinant les contours de l’action publique, le Gouvernement redonne de la valeur au terme de modernisation de l’État, ce dont je le félicite.

Il nous faut préciser, à lumière des travaux de la rapporteure spéciale, qu’il est indispensable de concentrer nos efforts sur les véritables leviers de modernisation de l’action publique que sont les projets informatiques transversaux Chorus et l’opérateur national de paye, l’ONP.

Je me réjouis de voir inscrite dans ce programme budgétaire la poursuite des efforts en cette direction. Néanmoins, une réflexion doit être menée sur le pilotage interministériel de ces projets, notamment celui concernant l’ONP, afin de s’assurer que les ministères mesurent pleinement la capacité structurante de ces derniers.

Il conviendra en outre de faire de la Direction générale de la modernisation de l’État une structure interministérielle détachée de toute logique de suppression de postes, afin qu’elle se consacre pleinement à la modernisation de l’État.

Autre symbole de la rénovation de l’action publique, le programme « Fonction publique » qui renoue définitivement avec le devoir d’exemplarité de l’État employeur en offrant à ses agents les meilleures conditions d’exercice de leurs fonctions, notamment grâce à ses deux actions relatives à la formation des fonctionnaires et à l’action sociale interministérielle. Avec ce programme, c’est tout l’esprit de transformation et d’amélioration de l’action publique qui se concrétise, dans le respect de fonctionnaires qui, nous ne le répéterons jamais assez, sont au service de nos concitoyens.

M. Jean-Louis Gagnaire, rapporteur spécial pour la fonction publique sur ce programme, a souligné à quel point la RGPP fut un désastre en matière de gestion des ressources humaines, tant en termes de recrutement, de mobilité que de conditions de travail.

Il est donc prévu de moderniser cette gestion par la rénovation de la rémunération et par la poursuite de la mise en œuvre de la mobilité, grâce notamment à la fusion des corps et à la facilitation des parcours de carrière. À titre indicatif, il est prévu de passer le nombre de corps à 299 en 2013, ce qui doit permettre la valorisation des métiers et faciliter les parcours de carrière en autorisant l’accès à des emplois dans des familles de métier relevant d’autres administrations. Simplifier et favoriser la mobilité pour ne plus la contraindre : tel est l’objectif du Gouvernement.

Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique avait indiqué en commission élargie que la prime fonction-responsabilité n’était pas une bonne idée, ou du moins qu’elle était mal appliquée car détournée de sa vocation. Elle avait en outre fait part de son souhait de recentrer le débat de la rémunération des fonctionnaires sur la grille des salaires et sur les régimes indemnitaires. C’est en effet la bonne direction !

Par ailleurs, M. Alain Touret, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la fonction publique, a rappelé l’importance de la lutte contre les discriminations, notamment de la lutte pour l’égalité professionnelle et des rémunérations entre les hommes et les femmes.

Je n’ai pas le temps d’aborder l’ensemble des mesures nouvelles prévues par ce programme, mais j’insisterai cependant sur la nécessité du dialogue social, indispensable levier pour la rénovation et l’organisation des missions de l’État – je connais du reste votre attachement à un travail partenarial. En associant ces avancées au débat sur la décentralisation ainsi qu’aux mesures consécutives au rapport Gallois, ce travail sera, je l’espère, consubstantiel à la redéfinition des missions des services publics, permettant ainsi une réforme plus efficace, mieux adaptée et donc acceptée par le plus grand nombre.

Le rôle de l’État doit être bien défini au moment où nous abordons une nouvelle étape de la décentralisation. Nous avons besoin d’un état stratège, garant, protecteur et présent.

Pour conclure, ce budget fixe véritablement un cap, qui verra se concrétiser au cours de l’année 2013 de nombreux engagements après les négociations lancées sur la modernisation de l’action publique lors de la grande conférence sociale.

Aussi est-il primordial de rappeler, comme l’a fait M. le ministre, que, compte tenu des limites budgétaires qui sont les nôtres, nous présentons un budget exigeant, exempt de coupes aveugles, soutenable, pour tout dire un budget prometteur et responsable. Voilà pourquoi le groupe SRC est favorable à l’adoption des crédits de cette mission.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes défavorables à l’adoption des crédits de cette mission, pour des raisons qui ne tiennent pas uniquement à l’alternance.

La réalité est que vos prédécesseurs ont réussi à donner à la modernisation de l’administration et de l’État l’impulsion qui avait fait défaut pendant de nombreuses années. Je crois que cela ne tient pas uniquement à leurs mérites, mais aussi à ce que la modernisation de l’État trouve à Bercy une capacité d’action qu’elle n’a pas dans les faits quand elle se situe ailleurs.

Il est possible en théorie de répéter cent fois, mille fois, que la modernisation de l’État relève de la responsabilité de l’ensemble des ministres, et qu’elle incombe naturellement au Premier ministre. La réalité de l’administration française au cours des dernières décennies fait que, lorsque l’on confie cette fonction au Premier ministre, quels que soient les talents de celui-ci, cela ne fonctionne pas, et l’on n’obtient pas la modernisation dont le pays a absolument besoin.

L’évolution que vous exprimez par ce budget, et que certains parlementaires socialistes veulent malheureusement aggraver – même si le problème n’est pas qu’ils soient socialistes –, consiste à retirer davantage, en raison des torts supposés de l’organisation d’hier, conduisant ainsi à des résultats tout à fait opposés à ceux que vous espérez.

Le Président de la République a rappelé hier l’importance de la modernisation de l’État et l’ampleur des économies nécessaires ; mais force est de constater qu’il n’a pas donné beaucoup de précisions sur ce sujet.

Le chahut administratif avec lequel vous démarrez et le schéma que vous privilégiez vous éloigneront, quelles que soient vos intentions, monsieur le ministre, des résultats concrets dont vous avez pourtant absolument besoin.

Je n’ai pas spécialement envie de vous adresser un compliment ; mais la réalité est que si la réforme de l’État est confiée au ministre du budget, elle a des chances d’aboutir. En revanche, lorsqu’elle est éloignée de Bercy, l’expérience enseigne que les résultats ne sont pas à la hauteur de ce dont le pays a besoin, que les gouvernements soient de gauche comme de droite. Monsieur le ministre, défendez-vous ! Nous pourrions ainsi, sur ce point au moins, vous soutenir.

Cela étant, puisque le Gouvernement a choisi son architecture, nous avons le devoir de vous demander quelles réformes supplémentaires vous entendez engager dans votre ministère, quelles économies vous envisagez d’apporter dans la durée, et pas seulement dans le budget pour 2013.

Bercy a réalisé des réformes plutôt intéressantes ces dernières années, et vous les avez à certains égards confirmées en termes d’améliorations de l’organisation et de la productivité de l’État. Vous avez la responsabilité de continuer à vous montrer exemplaire ; faites attention à ne pas faire moins bien que vos prédécesseurs !

Nous sommes également en droit de vous demander, monsieur le ministre, quelques précisions et indications sur l’évolution territoriale de votre maison. Certaines prudences ou ambiguïtés existent en effet, et ce depuis quelques années. Il est important de maintenir tout à la fois une armature territoriale et une armature de compétences.

Je conserverai longtemps le souvenir de cette remarque faite par M. Francis Mer en commission en réponse à une question : « Et que se passe-t-il quand l’agent censé donner la réponse en sait moins que la personne qui lui pose la question ? ». Cette observation acerbe, comme Francis Mer savait parfois en faire, me semble fondée.

Je souhaite également évoquer la question de la gestion de l’impôt et de la fiscalité. Il est important que votre maison assure, au-delà des choix politiques qui sont ce qu’ils sont, un bon rendement. Pour cela, nous avons besoin de dispositions fiscales les plus intelligibles et les plus simples possible. Dès le stade de la conception, elles doivent proposer un bon rendement, et la gestion administrative des systèmes ne doit pas se révéler trop coûteuse.

Je voudrais par ailleurs vous faire part de mon inquiétude concernant la revendication d’une fiscalité écologique, qui a fait l’objet d’arbitrages successifs de la majorité et dont le Président de la République a parlé hier. Je crains beaucoup d’une fiscalité moralisatrice, qui risque de coûter très cher au regard de son rendement fiscal. Nous attendons au contraire un bon fonctionnement de votre administration, garantissant que la plus grande part de l’impôt payé par le contribuable soit consacrée aux politiques publiques.

Enfin, s’agissant des douanes, j’entends aujourd’hui beaucoup d’enthousiasme et d’optimisme concernant la mise en place de la taxe poids lourds. Je souhaite que cela soit le cas et que, dans ce domaine, le rendement du système soit bon, ce qui n’est pas acquis d’avance. Il existe en effet un risque considérable que son coût de gestion soit relativement élevé. Il faudra ainsi se montrer très attentif – et je sais pouvoir compter sur vous – à ce que l’informatique soit à la hauteur de ce big bang significatif. Hélas, l’expérience des grandes réformes administratives de ces dernières années, ou de projets parfois plus modestes, montre que les intentions sont souvent là, mais que l’informatique ne suit pas toujours.

De plus, les douanes doivent montrer l’exemple en matière d’organisation de l’administration et de conception de dispositifs légaux et fiscaux efficaces, permettant d’obtenir un bon rendement, particulièrement, nous l’avons évoqué ce matin en commission, lorsqu’il s’agit de lutter contre les fraudes.

En conclusion, monsieur le ministre, même si vous faites état d’objectifs que nous pouvons largement partager, vous vous êtes engagé sur une piste qui n’assure pas le meilleur rendement de l’effort du contribuable et ne garantit pas la meilleure réforme de l’administration ; cela ne sert pas l’intérêt des citoyens que nous représentons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

État B

M. le président. J’appelle les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Provisions » et « Régimes sociaux et de retraite », inscrits à l’état B.

Mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

M. le président. Sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », je suis saisi de deux amendements, nos 629 et 447, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement n° 629.

Mme Karine Berger. Le rapport spécial que j’ai rendu sur le programme 221 mettait en évidence l’échec de la RGPP telle qu’elle a été menée au cours de ces dernières années, et j’invite M. Vigier à regarder le bilan épouvantable que je dresse dans ce rapport spécial…

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Effectivement, il s’agit d’un bilan épouvantable !

Mme Karine Berger. …notamment l’absence de missions redéfinies au bout de cinq ans, à l’exception de la suppression de l’ingénierie départementale, l’absence d’économies, ce qui n’est pas rien, et la suppression de postes de catégorie C compensée par des hausses de primes des fonctionnaires de catégorie A.

Il était temps de refonder intégralement la modernisation de l’État, et c’est ce que souhaite faire le Gouvernement. La semaine dernière, dans la nuit de jeudi à vendredi, il a déposé un amendement n° 446 visant à rattacher la Direction générale de la modernisation de l’État, la DGME, à un service interministériel, afin de permettre le pilotage interministériel de la réforme de l’État.

Après vous avoir félicité de cette démarche, monsieur le ministre, je vous propose d’aller au bout de cette logique en rattachant également au Premier ministre les projets informatiques transversaux que sont Chorus et l’ONP. Il me semble que ces projets constituent de vrais leviers de modernisation de l’État mais que leur déroulement met en évidence un manque de gouvernance interministérielle, particulièrement sensible pour l’ONP.

C’est pourquoi je vous propose de démanteler le programme 221 en supprimant les crédits de la DGME, comme le fait le Gouvernement, et en sortant les crédits de Chorus et de l’ONP pour les placer au sein d’un nouveau programme intitulé « Systèmes d’information transversaux ».

La loi organique relative aux lois de finances ne me permet pas, à la différence du Gouvernement, d’effectuer des déplacements de crédits entre les missions. Je ne peux donc pas rattacher directement le nouveau programme créé à la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Il resterait donc dans la mission « Gestion des finances publiques », dans un premier temps, mais aurait vocation à rejoindre la DGME-DIMAP auprès du Premier ministre, au sein du SGMAP nouvellement créé.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Karine Berger. Ce dispositif permettrait de régler un autre problème du programme 221. Le titre II de la DGAFP, c’est-à-dire la masse salariale, figure toujours dans le programme 221. Or, selon l’article 7 de la LOLF, il n’est pas possible d’avoir dans un même programme des éléments qui dépendent de ministères différents. Par conséquent, l’amendement vise également à ramener le titre II de la DGAFP dans le programme de la DGAFP.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n° 447 et pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 629.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’amendement n° 447 vise à minorer les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » au titre du transfert des moyens de la DGME vers les services du Premier ministre. Il tire ainsi les conséquences du transfert des services de la modernisation de l’État ; actuellement placés sous l’autorité de Mme la ministre de la réforme de l’État, vers les services du Premier ministre, conformément aux orientations du Gouvernement annoncées le 1er octobre dernier lors du séminaire gouvernemental sur la modernisation de l’action publique.

J’en viens maintenant à l’avis du Gouvernement sur l’amendement de Mme Berger. En la matière, c’est une réponse délicate que j’ai à donner car comment répondre à un amendement qui propose, ni plus ni moins, de démanteler les crédits ?

En tout état de cause, cet amendement propose d’aller nettement plus loin que l’amendement gouvernemental qui rejoint l’une de vos propositions de transfert vers les services du Premier ministre. Il conduirait à supprimer, par transfert de l’ensemble de ces crédits, le programme « Stratégie des finances publiques » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Or il me semble que les enjeux actuels de redressement des finances publiques et de rénovation de la politique des ressources humaines de l’État sont plus que jamais stratégiques – peut-être divergeons-nous sur ce point – et justifient pleinement le maintien d’un programme dédié au sein de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », comprenant notamment les crédits de la Direction du budget, de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique ou des grands programmes informatiques comme Chorus et l’ONP.

Le transfert que vous envisagez, à terme, des crédits des projets informatiques Chorus et ONP vers la mission « Direction de l’action gouvernementale » relevant des services du Premier ministre, ne me paraît absolument pas justifié. Plus précisément, votre proposition consisterait, dans un premier temps et avant transfert ultérieur vers la mission « Direction de l’action du Gouvernement », à créer un nouveau programme « Systèmes d’information transversaux » au sein de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

À l’inverse des moyens de la DIMAP qui vient d’être créée, au service du pilotage interministériel de la réforme de l’État, les projets informatiques Chorus et ONP répondent avant tout à une logique des enjeux « métier » de modernisation des finances publiques et des ressources humaines de l’État. C’est, je le crains, la divergence profonde d’analyse que nous avons, madame la députée.

Il est donc logique que leurs budgets restent rattachés à la mission budgétaire « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Le rattachement de ces crédits à la mission « Direction de l’action gouvernementale » poserait par ailleurs une double difficulté : d’une part, au regard des principes de la LOLF, ces crédits relèvent plus de la gestion des finances publiques que de la coordination du travail gouvernemental ; d’autre part, un tel rattachement, réduirait les synergies « métier » de ces projets informatiques. Or le ministre de l’économie et des finances a besoin de mettre en œuvre ces synergies.

Ce rattachement ne s’oppose nullement à un suivi interministériel, loin s’en faut, – nous le démontrons tous les jours –, performant et renforcé, et pas davantage à leur avancée dans le cadre de la démarche de modernisation de l’action publique.

Vous l’aurez compris, madame la députée, le Gouvernement souhaiterait que vous retiriez votre amendement. À défaut, il appellera résolument à voter contre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis favorable à l’amendement du Gouvernement.

M. le p résident. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, si l’amendement du Gouvernement n’est pas bon, celui de Mme Berger est pire encore, et il est heureux que le Gouvernement y résiste.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Qui êtes-vous pour en juger ?

M. Hervé Mariton. Si l’on veut démanteler ou, au contraire, que rien ne se passe, alors il faut voter l’amendement de Mme Berger. On peut considérer que notre pays a absolument besoin de faire des économies. Pour ce faire, si l’on ne veut pas diminuer la qualité du service que l’on offre à nos concitoyens, il faut engager une action vigoureuse de simplification administrative et de réorganisation de l’État. Bien sûr qu’il y a une dimension interministérielle, bien sûr que l’autorité du Premier ministre est nécessaire, mais l’expérience de ces dernières années nous enseigne que c’est lorsque le ministre du budget a une influence capitale et lorsqu’il est moteur qu’il se passe quelque chose.

Nous sommes à l’aube de choix importants en termes d’économies pour notre pays. On sait que la marche n’est pas facile à franchir. On sait hélas, que l’exécutif, le Gouvernement et le Président de la République, n’ont pas documenté leur démarche et modifient l’organisation administrative et les choix budgétaires de façon à rendre cette marche plus difficile encore à franchir. Cette affaire est fort mal engagée.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame Berger, je pense, ayant un peu vécu dans ces milieux, que votre idée serait bonne dans une entreprise qui a un vrai patron, mais qu’elle ne l’est certainement pas dans le cadre de l’organisation de l’État.

Avez-vous vu ce que notre malheureux Premier ministre a déjà sur le dos avec tous les organismes rattachés à ses services ?

M. Marc Goua. Il est vrai aussi qu’avec la dette que vous avez laissée, il a beaucoup à faire !

M. Charles de Courson. Contrairement à ce que vous croyez, madame Berger, le dispositif que vous proposez affaiblirait le Premier ministre.

Par ailleurs, être ministre du budget, dans un gouvernement quel qu’il soit et encore plus dans la situation actuelle, c’est un métier de chien car on se retrouve tout seul ! Il suffit de regarder dans quel état physique est notre malheureux ministre délégué chargé du budget ! (Sourires.) Et c’est parce qu’il a un peu de bouteille qu’il résiste plutôt bien.

M. Hervé Mariton. Nous compatissons !

M. Charles de Courson. Si l’on veut commencer à éviter de continuer à augmenter la dépense publique, on ne peut s’appuyer que sur un seul ministre, celui du budget. Voilà pourquoi je pense, madame Berger, que votre idée est mauvaise. J’en veux pour preuve le programme de payes. Si vous voulez enfoncer encore un peu plus un programme qui ne marche déjà pas, confiez-le au Premier ministre ! Dans ma circonscription, j’ai le cas de militaires qui ne sont pas payés depuis plus de deux mois. Ce sont des gens modestes qui ne savent plus comment faire, les banquiers ne voulant plus leur prêter un sou.

M. Jean-Louis Dumont. Ils offrent leur vie à la nation !

M. Charles de Courson. Je vous le dis donc un peu brutalement : votre idée n’est pas bonne et je suis au désespoir de vous dire que mon groupe votera contre.

Quant à l’amendement du Gouvernement, j’y suis favorable.

M. le président. Madame Berger, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Karine Berger. J’entends l’hostilité générale de l’hémicycle, mais comme l’article 7 de la LOLF me pose toujours problème au regard du titre II de la DGAFP, je maintiens mon amendement.

(L’amendement n° 629 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 447 n’est pas adopté.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Non, l’amendement n°° 447 est adopté !

M. le président. Non, mes chers collègues !

M. Marc Goua. C’est ridicule ! Bien sûr qu’il est adopté !

M. le président. Je mets à nouveau aux voix l’amendement n° 447. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, vous ne pouvez pas le mettre à nouveau aux voix !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mesdames, messieurs les députés, nous sommes au milieu de la session budgétaire dont je sais les horaires tardifs – il suffit de constater l’état physique lamentable de M. de Courson (Sourires). Pour autant, il me semble qu’un peu de compréhension ne nuirait pas : il n’y a pas de division de la majorité sur ce sujet et il n’y a pas d’enjeu politique. Si vous souhaitez constater une division de la majorité, alors laissez le vote se dérouler autrement que cela s’est fait, sachant que je ne mets pas en cause la présidence.

Nous sommes entre gens de bonne compagnie. Je vous demande de procéder à nouveau au vote sur l’amendement n° 447. Chacun pourrait constater que les choses se passent sans problème. Pour que la discussion budgétaire se poursuive dans de bonnes conditions, j’aimerais que vous ne créiez pas d’incident et que vous laissiez le président de séance solliciter à nouveau l’Assemblée sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le ministre, nous allons accepter votre demande.

Cela dit, l’intervention de M. Mariton doit être méditée. J’ai été rapporteur général pendant deux législatures. Entre 2002 et 2007, la réforme de l’État a été confiée à un secrétariat d’État dont le rattachement n’était pas clairement identifié. En fait, il était rattaché au Premier ministre. Or il ne s’est pas passé grand-chose, et c’est après mûres réflexions que nous avons décidé de rattacher la réforme de l’État au ministre du budget. On nous a reproché que la RGPP avait eu une dimension budgétaire d’économies excessives. Monsieur le ministre, ce matin, vous vous êtes vanté, à juste titre, d’avoir bien maîtrisé la dépense pour l’année 2012. En abandonnant la réforme de l’État et en la transférant aux services du Premier ministre, vous allez affaiblir votre possibilité de maîtriser correctement les dépenses car, soyons lucides, réforme de l’État et économies sont intimement liées.

Je souhaite donc que vous reconsidériez votre position car le sujet est bien plus important qu’il ne semble. Sur le plan théorique, on a le sentiment qu’il a une dimension interministérielle. J’en veux pour preuve l’informatique. Mais, croyez-moi, pour que cela marche au quotidien, surtout au vu de la situation actuelle que connaît notre pays, la réforme de l’État doit être rattachée au ministère du budget.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 2.

Encore une fois, nous voici confrontés à un incident de séance ! Déjà, la semaine dernière, une suspension de séance avait été décidée alors qu’un vote était annoncé. Aujourd’hui – autre situation – un vote a été acquis, l’opposition étant à cette occasion clairement majoritaire. On ne peut pas revoter parce que ce vote ne convient pas au ministre ou à qui que ce soit d’autre ! Un vote est un vote. Le Gouvernement a toujours la possibilité d’une nouvelle délibération s’il le souhaite, mais lorsqu’un vote est acquis, il est acquis. Si on ne respecte pas les règles dans cette enceinte, où va-t-on les respecter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Je tiens simplement, au nom du groupe SRC, à souligner que le problème n’est que formel : le groupe ayant voté de manière défavorable sur le premier amendement, il était implicite qu’il votait de manière favorable sur le second. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous vous en tenez, mes chers collègues, à un problème de pure forme, mais sachez qu’il n’y avait pas du tout de difficulté entre les parlementaires de la majorité et le ministre. Je trouve qu’il y a de l’abus de votre part.

M. Hervé Mariton. Non !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Sur le fond, réformer l’État est une décision qui a été prise par le Gouvernement et qui est mise en œuvre sous l’autorité du Premier ministre. Je conçois que l’on puisse contester ce choix, mais je ne doute pas qu’il soit approuvé par la majorité parlementaire.

Sur la forme, un amendement a été proposé par le Gouvernement pour mettre en œuvre cette architecture. Cet amendement a fait l’objet d’un vote dans des conditions sur lesquelles je n’ai pas à me prononcer. Je constate simplement qu’un incident de séance est en train de se produire qui, à mon avis, est sans fondement et dépourvu de la moindre légitimité, sachant que les incidents de séance sont toujours désagréables au moins autant pour ceux qui les provoquent que pour ceux qui les subissent. Cela étant, le vote étant considéré comme acquis par l’opposition qui a donc décidé de soulever un incident de séance à ce sujet, il y aura, monsieur le président, une seconde délibération. Nous pouvons donc passer à autre chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (suite)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », inscrits à l’état B.

(Les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » sont adoptés.)

Mission « Provisions »

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Provisions », inscrits à l’état B.

(Les crédits de la mission « Provisions » sont adoptés.)

Mission « Régimes sociaux et de retraite »

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », inscrits à l’état B.

(Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » sont adoptés.)

État D

M. le président. J’appelle maintenant les crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », inscrits à l’état D.

Compte d’affectation spéciale
« Gestion du patrimoine immobilier de l’État »

M. le président. Sur ces crédits, je suis saisi d’un amendement n° 719 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cet amendement a pour objet de tirer les conséquences de l’amendement n° 837 adopté dans le cadre de la première partie du présent projet de loi de finances et relatif aux conditions de cession des immeubles bâtis dans les forêts domaniales de l’État.

Le produit de cession attendu en 2013 de ces biens est estimé a minima à 30 millions d’euros. Les recettes du compte d’affectation spécial ont été majorées de ce montant. Par coordination, le présent amendement vise à majorer les dépenses du compte d’affectation spéciale de 30 millions d’euros, dont 7,5 seront affectés au désendettement de l’État, conformément à la clef de répartition fixée dans la loi de finances initiale pour 2011 à 25 % des cessions pour l’exercice 2013.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je suis personnellement très favorable à cet amendement et si je souhaite intervenir en la matière, c’est en raison de la proximité géographique de la commune en question avec ma circonscription. Je tiens en effet à me féliciter que, sur le plan local, il y ait eu un accord politique unanime sur la cession de cette partie de la forêt domaniale, et à rappeler que, lorsqu’on vend une forêt domaniale, il faut respecter les formes. Dans cette affaire, les formes ont été respectées.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur la politique immobilière de l’État, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur la politique immobilière de l’État. La commission des finances n’a pas eu à connaître de cet amendement, mais comme l’on doit tirer toutes les conséquences des amendements déjà votés, les principes – M. le rapporteur général vient de le rappeler – édictés pour une bonne gestion de l’État sont respectés. C’est ainsi, en particulier, que 25 % des sommes reçues des biens vendus seront affectés au désendettement de l’État – ce sera 30 % en 2014.

Le Conseil de l’immobilier de l’État, par l’intermédiaire de l’un de ses membres avant que celui-ci fasse valoir d’autres droits – je veux parler de l’inspecteur général des finances, M. Dumas –, a étudié cette disposition relative aux maisons forestières. Si je cite son nom, c’est pour lui rendre hommage devant l’Assemblée nationale, ainsi qu’à ce Conseil de l’immobilier de l’État qui évalue et donne des avis sur les schémas pluriannuels de stratégie immobilière, non seulement des ministères, monsieur le ministre, mais aussi des opérateurs. Des parlementaires y siègent aux côtés d’experts, de professionnels, de personnes qualifiées, voire de représentants d’institutions.

Le Conseil immobilier de l’État, dont vous avez bien voulu me confier la charge de le présider, est un élément essentiel dans la mise en œuvre d’une gestion immobilière qui valorise le bien au moment de la vente – nous aurons l’occasion d’y revenir, compte tenu des propos tenus par le Premier ministre devant le congrès de l’Union sociale de l’habitat – et qui utilise d’une façon plus rationnelle l’immobilier dédié à nos administrations, à nos institutions, voire aux autorités administratives indépendantes – indépendantes dans le cadre d’un statut, mais pas par rapport aux règles de la République, surtout lorsque cette dernière a quelques soucis avec ses finances publiques !

Nous serons à vos côtés, monsieur le ministre, pour donner des avis favorables à vous et au Gouvernement, tant que ces principes de valorisation seront complètement respectés, y compris d’ailleurs lorsque des biens seront mis à disposition pour créer des logements locatifs sociaux qui appartiendront au parc public.

À cet égard, l’emphytéose doit être utilisée : si l’on souhaite devenir propriétaire, il suffit que dans le bail emphytéotique on puisse indiquer qu’au bout d’un certain nombre d’années, il puisse y avoir achat par le bénéficiaire du bail, soit du bien immobilier, soit du terrain. C’est à partir de ces principes sains que nous ferons de la bonne gestion.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je ne voulais pas m’être déplacé depuis le Conseil de l’immobilier de l’État pour me taire, monsieur le président. (Sourires.)

L’avis sur cet amendement est donc favorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. On ne peut pas comprendre cet amendement du Gouvernement sans se reporter à celui voté en première partie, après l’article 36, qui simplifie enfin la procédure de cession des immeubles situés dans les forêts. Vous savez qu’avant, c’était presque impossible : on voyait des maisons forestières tomber en ruines, alors qu’elles étaient juridiquement propriétés de l’État, simplement mises à la disposition de l’Office national des forêts, l’ONF – dont les recettes bénéficient d’ailleurs des coupes réalisées dans les forêts de l’État qu’il gère.

Je m’étonne simplement, monsieur le ministre, de l’estimation de 30 millions d’euros que représenterait la cession en question sur la commune de Velaine-en-Haye. La plupart de ces maisons forestières ne valent en effet pas cher, parce que beaucoup sont dans un état dégradé. J’ai une petite pratique en la matière : j’en ai fait acheter une par un syndicat à l’ONF, ce qui a d’ailleurs duré deux ans et demi ou trois ans. Pourriez-vous nous dire comment vous avez procédé pour arriver à votre estimation de 30 millions d’euros ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur de Courson, de telles maisons sont non seulement nombreuses, mais elles valent très cher !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit en la matière d’un morceau de forêt domaniale dans la très proche banlieue de Nancy, sur lequel un certain nombre d’activités sont prévues, ce qui explique la valeur du bien. C’est notre collègue Dominique Potier qui, avec l’accord de la communauté urbaine du grand Nancy et des partenaires locaux, a conduit cette opération : je pense que la valeur, qui peut vous surprendre, correspond à la réalité du bien. Je ne peux vous donner plus de détails.

(L’amendement n° 719 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », inscrits à l’état D, modifiés par l’amendement n° 719.

(Les crédits du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », ainsi modifiés, sont adoptés.)

Compte d’affectation spéciale « Pensions »

M. le président. Je mets aux voix les crédits du compte spécial « Pensions », inscrits à l’état D.

(Les crédits du compte spécial « Pensions » sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la gestion des finances publiques et des ressources humaines, aux provisions et aux régimes sociaux et de retraite.

Articles non rattachés

M. le président. Nous en venons à l’examen des articles non rattachés à des missions.

Article 55

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, inscrit sur l’article 55.

M. Alain Chrétien. Nous ne pouvons, monsieur le ministre, que reconnaître votre volonté d’élargir l’impact du crédit d’impôt recherche aux PME, notamment à celles qui procèdent à certaines dépenses d’innovation réalisées en aval, qu’il s’agisse des frais de dépôts de brevet ou des dessins et modèles. Il est juste regrettable que l’esprit ayant présidé à la rédaction de cet article ne vous ait conduit à pas élargir le dispositif aux jeunes entreprises innovantes, les JEI.

La loi de 2004 sur les JEI précise que leurs obligations de dépenses dans la recherche sont celles de l’assiette du crédit d’impôt recherche. Depuis, les JEI ont été incitées à investir dans la recherche publique et à mener leurs travaux en partenariat avec des universités et laboratoires publics, et l’intention du législateur a été respectée par les différents ministères chargés de la politique industrielle et de l’innovation, qui ont fait la promotion de ce dispositif. Les informations diffusées par les ministères de l’industrie, de la recherche et par les établissements publics comme OSEO innovation, ont poussé très justement les jeunes entreprises innovantes à investir dans la recherche publique.

Selon le rapport de la Cour des comptes de 2009, plus de 2000 entreprises déclaraient déjà, au titre du crédit d’impôt recherche, une coopération avec un établissement public. Parmi elles, des centaines sont des jeunes entreprises innovantes.

Aussi, mes chers collègues, si l’intention de l’article 55 est louable, il est difficilement compréhensible qu’on puisse vouloir, d’un côté, élargir le nombre de dépenses éligibles au crédit d’impôt recherche et, de l’autre, passer sous silence les difficultés de certaines PME innovantes à se voir accorder le statut de JEI dont le rôle n’est plus à démontrer en matière de recherche publique, en particulier avec la recherche universitaire. Nous y reviendrons à l’occasion de l’examen de plusieurs amendements visant à clarifier l’éligibilité de certaines dépenses afin de leur donner ce label de JEI.

Il est important de permettre à ces dernières collaborant avec nos universités, de poursuivre leurs travaux avec la sérénité qui s’impose. Nous souhaitons tous pouvoir améliorer le statut de ces jeunes entreprises innovantes.

M. Gérald Darmanin. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 413 et 610.

La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement vise à introduire une disposition en faveur de l’innovation au sein du crédit d’impôt recherche. Il nous semble particulièrement dangereux de différencier les taux d’aide à la recherche et à l’innovation au sein d’un même crédit d’impôt. Il naîtrait de facto, en cas de contrôle, une propension du contrôleur fiscal à la requalification de dépenses de recherche et développement en dépenses d’innovation, au détriment de l’entreprise déclarante. Ce serait fortement générateur d’insécurité fiscale pour les entreprises en bénéficiant, ce qui n’est pas de bonne politique.

Par ailleurs, afin de rester cohérent et dans un souci de maîtrise de la dépense fiscale, il est proposé de baisser le plafonnement de ce crédit d’impôt innovation de 400 000 euros par an à 300 000 euros par an.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 610.

M. Charles de Courson. Comme vient de l’évoquer notre collègue, il s’agit d’une mesure de simplification. Tâchons de simplifier les dispositifs, surtout quand il s’agit de petites ou moyenne entreprises ! À cet égard, distinguer entre ce qui relève de l’innovation proprement dite et la recherche revient à trop compliquer les choses. Prévoir un plafond général plus bas permettrait d’éviter la différenciation des taux d’aide à la recherche et à l’innovation au sein d’un même crédit d’impôt et donc d’éviter le contrôle de l’imputation d’un côté ou de l’autre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous risquons de revenir à plusieurs reprises sur ce point, c’est pourquoi je prendrai un peu de temps pour expliquer, quitte à me montrer plus bref ensuite, pourquoi il est bon de garder une distinction entre le crédit d’impôt innovation et le crédit d’impôt recherche.

Vos amendements ont, je crois, été séparés en deux : le dispositif que vous proposez est coûteux, mais un amendement que nous examinerons ultérieurement proposera de baisser le plafond des dépenses éligibles pour compenser le surcoût. Raisonnons donc comme si ces deux premiers amendements identiques étaient neutres en faisant abstraction des suivants qui les complètent.

Sur le fond, quelle est la frontière entre l’innovation et la recherche ? Le Gouvernement a choisi de créer le crédit d’impôt innovation ; il a donné un certain nombre de précisions et d’orientations sur ce qu’il entendait par « innovation », nous y reviendrons – le rapport donne des exemples, je vous invite à vous y reporter –, même s’il est vrai que la frontière entre innovation et recherche peut se révéler quelque peu floue parfois. À charge pour l’administration fiscale de continuer son travail de précision même si je pense que nous n’aurons pas de problème, la jurisprudence devant s’élaborer, si j’ose dire, au fil de l’eau.

Comme pour le crédit d’impôt recherche, les entreprises peuvent toujours faire appel à la procédure dite de rescrit fiscal. Une disposition du texte facilite la mise en œuvre de cette procédure consistant à demander au préalable à l’administration fiscale non pas un agrément mais un avis indiquant si les dépenses examinées sont ou non éligibles. Voilà qui peut répondre à votre inquiétude sur le fait que des entreprises ne sauraient pas faire.

Aussi convient-il de laisser le dispositif tel qu’il est prévu s’appliquer. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable. La différence de taux entre dépenses de recherche et dépenses d’innovation s’explique assez aisément. Les dépenses d’innovation sont rentables à beaucoup plus court terme que les dépenses de recherche. En outre, les dépenses d’innovation sont peu génératrices d’externalités positives pour la collectivité, contrairement aux dépenses de recherche et développement.

Par ailleurs, pour gager la mesure que vous proposez, vous envisagez de diminuer le plafond des dépenses éligibles à un niveau tel que 30 % des entreprises consommant 60 % du crédit d’impôt recherche seraient plafonnées. On en arriverait donc, sous couvert de simplicité, à amoindrir l’effet très positif du crédit d’impôt recherche sur les entreprises.

Le Gouvernement appelle donc à rejeter cet amendement pour ces deux raisons : d’abord la légitimité du différentiel des taux d’aide à la recherche et d’aide à l’innovation et, surtout, le risque de rendre beaucoup moins opératoire cette disposition par le nombre d’entreprises plafonnées par le volume du crédit d’impôt recherche.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Je rejoins l’avis du rapporteur général. Nous avons eu l’occasion, en commission et dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle, d’aborder le crédit d’impôt recherche. Je suis convaincu qu’il faudra y revenir en commission dans le cadre peut-être du projet de loi de finances pour 2014. Reste que les entreprises souhaitent que le dispositif ne soit pas à nouveau modifié et, comme le ministre, je crois essentiel dans cette période de ne pas créer d’instabilité sur les critères d’éligibilité du crédit d’impôt recherche.

Dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle, nous avons vu de nombreuses PME souhaiter que le crédit d’impôt recherche soit élargi à l’innovation. Il est vrai que nous ne disposons pas aujourd’hui de prescription aussi performante que pour la recherche. Nous devrons donc nous-mêmes l’évaluer.

Si, à travers l’introduction de l’innovation, on venait à remettre en cause, à travers un amendement, le dispositif du crédit d’impôt recherche, cela créerait une instabilité qui n’est pas souhaitable en ce moment. En revanche, monsieur le président de la commission des finances, je souhaiterais que lorsque la Cour des comptes remettra son rapport sur le financement de la recherche en France, nous puissions évaluer l’utilisation du crédit d’impôt recherche qui atteindra 5 milliards d’euros en 2014.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Encore une fois, les auditions ont clairement montré que les entreprises étaient freinées par les questions d’insécurité fiscale. J’entends affirmer que l’on entend régler la question « au fil de l’eau ». Or, plus que jamais, il importe de fixer des règles claires, il importe qu’il y ait une bonne articulation entre le volet recherche et le volet innovation.

L’amendement que nous proposons simplifie et crée une grande cohérence, un continuum entre recherche et innovation dont nous avons absolument besoin. C’est pourquoi il faut maintenir le cap, faute de quoi cela deviendrait dangereux et contre-productif.

Enfin pour répondre à M. Claeys, nous n’entendons nullement remettre en cause le crédit d’impôt recherche, bien au contraire.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je reviens sur les deux arguments du ministre. S’il s’agit de remonter un peu le plafond des dépenses éligibles pour assurer la neutralité de la mesure que nous proposons, vos services peuvent le calculer. Quant à l’argument consistant à soutenir qu’il faut davantage aider la recherche et l’innovation, notre collègue Claeys l’a lui-même souligné : il existe un continuum dans cette affaire.

J’ai compris d’ailleurs que notre collègue n’est pas fondamentalement opposé à notre idée : il demande simplement qu’on prenne un peu de temps, estimant que nous pourrons examiner la proposition l’année prochaine. Je pense pour ma part que plus nous nous adressons à de petites entreprises, plus il faut se montrer simple, rustique même ; il faut éviter de vouloir distinguer des catégories, des sous-catégories. Il s’agit de faire preuve de bon sens. Ni M. Hetzel ni moi-même n’avons inventé cet amendement : il nous a été suggéré par des entreprises selon lesquelles nous pourrions faire encore plus simple.

(Les amendements identiques nos 413 et 610 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n° 543.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement, que Marie-Françoise Bechtel et Christian Hutin ont cosigné, vise à faire bénéficier les PME d’un crédit d’impôt recherche de 30 % au lieu de 20 % comme le prévoit le texte. Nous connaissons l’efficacité du dispositif du crédit d’impôt recherche qui encourage les entreprises à investir, dispositif d’autant plus utile pour les petites entreprises qu’il faut particulièrement les soutenir dans la crise que traverse notre pays, notamment en termes de compétitivité. Pour compenser le coût de cet amendement, je propose d’abaisser le plafond des dépenses éligibles de 100 à 80 millions d’euros. L’effort est donc redéployé, particulièrement en faveur des PME.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Même avis défavorable que pour les deux amendements identiques précédents puisque celui-ci est dans le même esprit – seul le gage change. Nous sommes surtout opposés à l’évolution du taux.

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’interviens simplement pour prolonger ce que vient de dire Alain Claeys.

À l’automne 2010, sur la base d’un travail réalisé par la commission des finances, auquel notre collègue avait pris une part notable, nous avons eu une très longue discussion avec le Gouvernement. Au terme de celle-ci, nous avons voté à l’unanimité un dispositif en matière de crédit d’impôt recherche.

Monsieur Laurent, sachez que, sur cette question des 100 millions d’euros, nous avons tout envisagé, aussi bien de les diminuer que de les limiter au niveau du groupe. Je vous assure que nous avons eu, sur ce sujet, une discussion approfondie. Finalement, nous sommes tous tombés d’accord sur l’idée suivante : dès lors qu’il y a unanimité au terme d’un travail approfondi, ce qui importe, c’est la stabilité.

Je me réjouis que cet engagement ait été tenu en 2011, en 2012, et à nouveau en 2013, puisque l’extension qui est faite ne remet pas en cause la stabilité du dispositif ; elle me paraît d’ailleurs opportune.

Comme Alain Claeys, je pense qu’il faudra tout de même, d’ici deux ans, faire une évaluation du coût budgétaire de ce dispositif, car j’ai quelques inquiétudes à ce sujet. En effet, si le dispositif fonctionne bien, comme nous l’espérons tous, nous allons atteindre des montants de l’ordre de 6, 7, voire 8 milliards d’euros.

Imaginez un peu, monsieur le ministre : avec le crédit d’impôt de 20 milliards qui nous a été annoncé, et un crédit d’impôt recherche qui passerait à 6 ou 7 milliards, vous n’auriez plus, dans vos caisses, que 10 milliards d’impôts sur les sociétés. Les 40 milliards seraient pour ainsi dire vidés de leur substance. Je crois donc que cela méritera tout de même, un jour, mais pas aujourd’hui, d’être analysé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, pour les raisons déjà indiquées par le rapporteur général. Tout à l’heure, nous avons mis en évidence les différences qui existent entre la recherche et l’innovation : c’est ce qui justifie des taux différents.

L’argument de la stabilité est par ailleurs un véritable argument. Il est vrai qu’au cours de la précédente législature, nous avons beaucoup travaillé, pour parvenir à un accord de manière très consensuelle : la chose est assez rare pour être soulignée, et je pense que l’équilibre auquel nous sommes arrivés doit être préservé.

Pour finir, j’ai bien entendu vos avertissements, monsieur le président de la commission des finances, et je devine par avance qu’après nous avoir reproché de ne pas en faire assez pour les entreprises, vous vous apprêtez à nous reprocher d’en faire trop. (Sourires).

M. le président. Monsieur Laurent, maintenez-vous cet amendement ?

M. Jean-Luc Laurent. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n° 543 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 415 et 580.

La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Le projet de loi de finances propose de supprimer les taux bonifiés auxquels peuvent prétendre, pendant les deux premières années, les entreprises qui entrent dans le dispositif. Ce taux a été fixé à 40 % pour la première année et à 35 % pour la deuxième année, au lieu du taux de droit commun de 30 %.

Un certain nombre d’éléments nous amènent à douter du bien-fondé de cette disposition.

D’abord, comme cela a été démontré par les rapports de l’Inspection générale des finances de 2011, ces taux bénéficient à 90 % aux PME, or ces entreprises génèrent massivement de l’innovation de rupture et, à travers elle, des créations d’emplois. De plus, il n’y a pas d’effet d’aubaine : puisque les grands groupes et les grandes entreprises sont déjà entrés dans le dispositif, ils ne sont pas concernés.

Un autre élément néfaste est, à mon sens, le manque à gagner que générerait la disparition de ces taux bonifiés pour les entreprises qui seraient créées en 2012. N’oublions pas que nous sommes en période de crise économique : ces entreprises peuvent mener des recherches au cours des prochaines années, et c’est pourquoi nous sommes nombreux à réclamer une stabilité fiscale. Le Gouvernement a d’ailleurs repris cet argument. Au nom de celui-ci, je pense qu’il faut une stabilité fiscale.

Il ne faut pas oublier, de surcroît, le frein à la création qui serait ainsi actionné. En effet, la plupart des start-up, notamment dans le secteur des biotechnologies ou des entreprises innovantes, se créent, en général, avec pour objectif premier de mener des recherches, avant de pouvoir commercialiser leurs produits. On voit bien qu’on risque d’amputer d’autant leur capacité de recrutement de chercheurs, ce qu’il faut absolument éviter.

De même, quelle idée de la croissance donne-t-on aux PME industrielles traditionnelles, à qui l’on reproche de ne pas assez se développer et de ne pas assez embaucher ? Elles sont, plus que jamais, appelées à innover, et il faut un dispositif d’incitation.

Enfin, cette suppression ne participerait que peu, par le système de vases communicants proposé, au financement du volet innovation du CIR. Finalement, ce sont, là encore, des sommes importantes qui ne bénéficieraient pas à un certain nombre de nos PME.

À mon sens, la remise en question de cette incitation impacte donc directement des entreprises, qui sont pourtant parmi les plus innovantes et les plus créatrices d’emplois.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 580.

M. Marc Le Fur. Nous avons tout à l’heure insisté sur l’importance de maintenir les choses en l’état et sur la nécessité d’une certaine stabilité de la règle fiscale : c’est précisément ce que propose cet amendement. La démonstration a été faite que le maintien de cette aide fiscale, plus favorable dans les deux premières années qui suivent les efforts de recherche, est particulièrement important pour les PME de notre pays. Il me semble donc indispensable que nous assurions la stabilité nécessaire et attendue de nos entreprises, et en particulier des plus petites, qui sont d’ailleurs souvent les plus dynamiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n’est pas là un amendement anodin, puisqu’il s’agit d’un amendement à 100 millions d’euros. On peut considérer que c’est peu, mais c’est tout de même un amendement à 100 millions d’euros !

Sur l’idée de la stabilité fiscale, vous avez raison, monsieur Le Fur, de nous inviter, sur ce point notamment, à la stabilité fiscale, mais tout dépend, mon cher collègue, du moment où vous prenez la photographie de départ. En reprenant aussitôt la proposition du rapport Gallois, le Premier ministre s’est certes engagé à maintenir les conditions du crédit d’impôt recherche, mais sans préciser s’il s’agissait des conditions valables il y a six mois ou huit jours.

La bonification pour les deux premières années pouvait se comprendre au moment où le dispositif a vu le jour, puisqu’il s’agissait de le rendre incitatif, mais elle n’a plus de sens, vu la montée en puissance que celui-ci a connue. Notre collègue Alain Claeys, qui connaît très bien ce sujet, et le président de la commission ont bien rappelé que le crédit d’impôt recherche est désormais entré dans les mœurs ; il n’y a donc plus lieu de maintenir une incitation pour les deux premières années.

S’agissant du crédit d’impôt innovation, qui est mis en place par cet article, il coûte 300 millions d’euros brut, et 200 millions net, puisque cette disposition permet de récupérer 100 millions d’euros. Si nous adoptions votre amendement, il coûterait 100 millions de plus. Vu l’état dans lequel vous avez laissé les finances publiques, mes chers collègues, cela n’est pas acceptable.

M. le président. Je crois donc comprendre que l’avis de la commission est défavorable, monsieur le rapporteur ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. En effet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 415 et 580 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 605.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement un peu technique.

Vous avez tous lu avec une grande attention le texte de l’article 55, qui vise à ne rendre déductibles que les amortissements sur des biens créés ou acquis à l’état neuf : cela pose un problème à l’égard des entreprises qui achètent des matériels d’occasion. En effet, il ne me semble pas équitable de distinguer le neuf de l’occasion.

D’ailleurs, une telle mesure handicaperait les entreprises qui ont besoin d’acquérir du matériel récent, mais pas forcément neuf, pour débuter ou poursuivre leurs travaux de recherche. Il s’agit donc d’une mesure de neutralisation, visant à ne pas pénaliser l’achat d’occasion par rapport à l’achat neuf.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Contrairement à ce que dit notre collègue, ce n’est pas uniquement pour le crédit d’impôt innovation qu’il propose cet élargissement de l’assiette, mais pour l’ensemble du crédit d’impôt,…

M. Charles de Courson. C’est exact.

M. Christian Eckert. …ce qui rend l’amendement encore plus coûteux. C’est une première raison pour le rejeter.

La seconde raison, c’est que ce n’est pas l’esprit du CIR que de subventionner l’acquisition de matériels d’occasion : je ne dis pas qu’ils ne peuvent pas concourir à l’élaboration de programmes de recherche, mais ils sont a priori moins susceptibles d’être utiles aux opérations de recherche et de développement. Compte tenu des données financières et de l’évolution attendue de la dépense liée au CIR, je crois qu’il est inutile d’envisager cet élargissement. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable.

(L’amendement n° 605 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel de la commission, n° 596.

(L’amendement n° 596, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 606.

M. Charles de Courson. Il s’agit, à nouveau, d’un problème technique un peu compliqué.

À l’article 244 quater B du code général des impôts, les dépenses de recherche retenues dans l’assiette sont précisément énumérées : dans cette énumération, seule est mentionnée l’acquisition des brevets en pleine propriété. Or, il existe des brevets, dont les détenteurs ne veulent pas se séparer, et qu’ils louent. Les situations sont donc très diverses.

La course au dépôt de brevets, pour répondre à la pression des classements mondiaux, conduit à ce paradoxe français, qui veut que la renommée internationale d’un établissement public soit, hélas, fondée davantage sur le nombre de brevets déposés, que sur leur exploitation. Par ailleurs, la stratégie de défense de certains détenteurs de brevets, qui est une pratique liée à la judiciarisation de la propriété intellectuelle, les conduit à en garder la maîtrise dans tous les domaines, alors même qu’ils ne les exploitent pas et n’ont aucune vocation à les exploiter. De ce fait, les entreprises qui ont besoin de ces brevets les louent, en échange d’une redevance, qui n’est pas déductible.

Il s’agit donc, là encore, d’un amendement de neutralisation : il faudrait que le dispositif soit le même, que vous achetiez un brevet, ou que vous en louiez l’autorisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable.

J’emprunterai au ministre l’argument qu’il m’a glissé en aparté : le crédit d’impôt recherche est plutôt fait pour déposer des brevets que pour en louer. Ce peut être une forme de réponse.

On a déjà discuté de l’assiette et du montant de la dépense ; l’évolution que vous proposez ne nous paraît pas souhaitable et nous voulons garder les choses en l’état. Le travail a été fait : le président de la commission et notre collègue Alain Claeys ont déjà rappelé tout à l’heure qu’il ne convenait pas d’ajouter des dépenses de ce type.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous dire que votre argument n’est pas très bon. Vous acceptez que l’acquisition d’un brevet entre dans l’assiette du crédit d’impôt lorsqu’on l’achète, mais vous refusez qu’il y entre lorsqu’on le loue, parce qu’on ne peut pas l’acheter. Ce n’est pas très cohérent.

M. Patrick Hetzel. C’est le moins qu’on puisse dire.

(L’amendement n° 606 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 607.

M. Charles de Courson. Actuellement, ne sont éligibles au crédit d’impôt recherche, que les dépenses de dépôt et de maintien des brevets exposés dans l’Union européenne et l’espace économique européen. En revanche, celles qui sont faites hors de ces deux entités, par exemple aux États-Unis, en Chine, ou en Corée, ne sont pas éligibles. Je n’ai jamais compris pourquoi les choses étaient ainsi.

La question se pose d’autant plus qu’il y a un net recul de l’Union européenne et de l’espace économique européen dans l’ensemble de la production de brevets : j’ai développé cette question dans l’exposé sommaire, puisque cela me paraissait assez intéressant pour notre réflexion d’ensemble sur la mondialisation. Ce problème ne va faire que s’amplifier dans les années qui viennent.

Je propose de supprimer ce critère géographique, et d’appliquer le dispositif, d’où que vienne le brevet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable.

J’ai bien lu les trois pages de votre exposé sommaire, et je ne suis pas ressorti convaincu de cette lecture, mon cher collègue. Je crains même, en y réfléchissant, qu’en élargissant le dispositif aux brevets déposés en dehors de l’Union européenne, on encourage finalement, pour d’autres raisons, que vous signalez d’ailleurs dans votre exposé sommaire, le dépôt de brevets dans des pays, disons plus complaisants et moins chers. Il nous faudra payer, après-coup, le fait que ces brevets ont été déposés en dehors de l’espace économique européen. Vous citez l’exemple américain, mais vous avez aussi noté que ceux qui enregistrent le plus grand nombre de dépôts de brevets sont les Chinois et les Coréens.

(L’amendement n° 607, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 417 et 581.

La parole est à M. Hetzel pour défendre l’amendement n° 417.

M. Patrick Hetzel. Le déficit d’innovation, moteur de la croissance et de la compétitivité de nos PME, impose de réaliser une mutation en termes de gain de compétitivité, à l’image de celle réalisée dans les années 1990 en matière de qualité. Cette mutation passe avant tout par l’innovation.

Du fait de leur faible capacité d’investissement, les PME peuvent difficilement réaliser cette mutation sur leurs seuls fonds propres. Il est donc nécessaire qu’elles disposent d’un outil puissant pour les inciter à concevoir et vendre des produits et services innovants et attractifs.

En revanche, instaurer un élargissement du crédit d’impôt recherche basé uniquement sur des dépenses de prototypage n’a que peu de sens, et concerne essentiellement les entreprises industrielles. Ce type de prototypage est en voie de disparition, les entreprises actuelles préférant que les prototypes soient financés par le client final ou les premiers clients.

C’est pourquoi cet amendement tend à élargir l’approche de cette question.

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien pour défendre l’amendement n° 581.

M. Alain Chrétien. Nous souhaitons développer le crédit d’impôt recherche et soutenir nos PME, qui n’innovent pas assez.

Il existe une difficulté autour de la définition des dépenses éligibles. Les services fiscaux ont toujours une vision très restrictive, et les PME peinent souvent à comprendre les retours de ces services.

Il faut donc qu’ensemble, nous trouvions une solution pour définir clairement ce qui est éligible, ce qui constitue de l’innovation et de la recherche et ce qui n’en est pas.

À cette fin, cet amendement propose de retenir les critères qui figurent dans le manuel d’Oslo, qui constitue aujourd’hui une référence internationale, ce qui nous permettrait d’avoir une vision claire. Cet amendement donnerait plus de stabilité et de visibilité au dispositif – deux qualités que vous venez de mentionner –, et permettrait que les services fiscaux aient une position claire afin que les PME sachent exactement à quoi s’en tenir lorsqu’elles décident de mettre en place des procédés, des modèles d’organisation, voire même une organisation du travail innovante source de gains de productivité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable. Je l’avais dit d’entrée de jeu : la définition des termes « prototype » et « nouveau produit » pourra toujours donner lieu à quelques contentieux. Néanmoins, le Gouvernement a clairement indiqué ce qu’est un prototype et un nouveau produit. Le texte de l’article 55 alinéa 6 dispose qu’un nouveau produit : « se distingue des produits existants ou précédents par des performances supérieures sur le plan technique, de l’éco-conception, de l’ergonomie ou de ses fonctionnalités. »

Tout le monde aura compris ce que cela signifie, et ceux qui auraient encore quelques interrogations pourront lire la page 58 de mon rapport. Il y est clairement décrit l’appréciation qu’une PME du secteur de l’ameublement pourrait recueillir sur une nouvelle table, suivant qu’elle est plus grande, plus petite, fabriquée avec de nouveaux matériaux ou plus ergonomique.

Je ne nie pas qu’il puisse y avoir ici ou là des difficultés d’appréciation. Nous serions fous de prétendre le contraire. Néanmoins, la précision du texte nous semble suffisante. Il sera difficile d’aller plus loin, et ce n’est pas ce que vous proposez dans votre amendement qui rendrait les choses plus claires, bien au contraire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Monsieur le rapporteur général, vous l’admettez : il existe encore des incertitudes.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Bien sûr !

M. Alain Chrétien. Il faudra qu’un jour nous établissions tous ensemble une nomenclature précise et adaptée, et qui soit aussi évaluée par le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie et l’ensemble des organes chargés de la supervision de l’innovation, notamment l’Agence nationale pour l’innovation.

Nous avons réellement besoin d’une vraie nomenclature pour que les entreprises et les PME disposent d’une stabilité au quotidien et à l’avenir, lorsque les technologies évolueront.

(Les amendements identiques nos 417 et 581 ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 597, présenté par M. Eckert, est rédactionnel.

(L’amendement n° 597, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 448 et 635.

La parole est à M. Hetzel, pour défendre l’amendement n° 448.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement va dans le même sens que ceux que nous venons de discuter. À cet égard, il existe aujourd’hui une référence, c’est le manuel d’Oslo. Il a le mérite d’exister : dès lors, pourquoi s’obstiner à refuser de s’y référer ? C’est une vision très administrative des choses. Nous pourrions donner une plus grande sécurité à nos entreprises, pourquoi nous en priver ?

L’amendement n° 448 propose de retenir une vision large, et tend à insérer à l’alinéa 13, après le mot « dessins », la référence aux marques. De plus en plus, il apparaît que notre économie fonctionne dans une approche globale, tout comme l’offre. Elle se construit de manière compétitive, et il faut donc y inclure l’ensemble des éléments constitutifs de l’offre. Vouloir les réduire uniquement à la dimension « produit » aurait pour effet d’exclure les services, parce que c’est une composante immatérielle.

Cet amendement a également pour vocation de proposer une vision pragmatique de l’économie. Aujourd’hui, nos entreprises se placent dans une optique de développement de compétitivité globale, et il faut donc inciter au développement d’innovations constituant de réels avantages concurrentiels pour nos entreprises, notamment à l’export. Cet amendement peut singulièrement y contribuer.

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien pour défendre l’amendement n° 635.

M. Alain Chrétien. Ce débat est consensuel et constructif. Nous n’avons aucun esprit de polémique : notre groupe souhaite apporter des éléments supplémentaires pour donner plus d’efficacité au crédit d’impôt recherche. Nous serions honorés que le rapporteur général, le ministre et la majorité puissent retenir quelques-uns de nos amendements.

Certains sont des amendements de clarification, d’autres des amendements de pertinence, pour aider à ce que l’innovation soit plus facile et plus accessible à nos entreprises et à nos PME.

Cet amendement reprend les dispositions présentées précédemment. Nous ne pensons pas qu’il entraînera des dépenses supplémentaires conséquentes puisque nous maintenons le plafonnement à 400 000 euros. Nous ne pensons donc pas qu’il pourrait créer un effet d’aubaine.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Bien sûr que si !

M. Alain Chrétien. Nous souhaitons simplement préciser le domaine d’application du crédit d’impôt recherche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable pour les raisons précédemment évoquées. Si vous m’avez vu sourire, n’y voyez aucune agressivité de ma part. Simplement, même si le plafond reste inchangé, plus d’entreprises atteindront ce plafond si vous élargissez l’assiette. Donc cet amendement est forcément coûteux, puisqu’il a pour effet d’élargir l’assiette.

Il ne s’agit pas en l’occurrence d’honorer je ne sais quel groupe ou parlementaire, mais de faire la loi. Et fort de ma modeste expérience, je sais que faire la loi, ce n’est pas faire le règlement – sujet dont nous discutons souvent ici. Le texte proposé par le Gouvernement fixe des termes qui doivent figurer dans la loi. Si nous tentons d’écrire le règlement, avec toute la déclinaison que vous proposez – et d’évidence, vous avez bien travaillé cette question –, nous ne ferions pas notre travail de législateur.

(Les amendements identiques nos 448 et 635, rejetés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Les amendements nos 598 et 599, présentés par M. Eckert, sont rédactionnels.

(Les amendements nos 598 et 599, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 429 et 611.

La parole est à M. Hetzel, pour défendre l’amendement n° 429.

M. Patrick Hetzel. Nous sommes dans le droit fil des propos précédents.

Nous ne sommes pas dans une logique d’obstination monsieur Eckert : l’objectif du législateur est d’améliorer les textes, et c’est notre état d’esprit, vous pouvez au moins le reconnaître. Dès lors que le Gouvernement nous soumet un texte et que nous considérons qu’il est important de l’améliorer, nous nous y essayons.

L’amendement n° 429 tend, dans un souci de maîtrise de la dépense fiscale, à baisser le plafonnement du crédit d’impôt innovation par cohérence.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 611.

M. Charles de Courson. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’invite nos collègues à retirer cet amendement, car il s’agit de la conséquence de l’amendement précédemment rejeté, qui proposait de majorer le taux. Cet amendement tend en effet à compenser le surcoût qu’aurait entraîné l’augmentation du taux par l’abaissement du plafond. Si j’étais mesquin, j’y donnerais un avis favorable : cela rapporterait pas mal d’argent à l’État. Mais tel n’est pas notre objectif : nous souhaitons encourager l’innovation.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Nous n’imaginions effectivement pas que la première partie de notre proposition ne soit pas retenue. Je retire donc l’amendement n° 429.

(L’amendement n° 429 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le rapporteur général a raison. Puisque nous avons été battus sur l’amendement précédent, je retire également l’amendement n° 611.

(L’amendement n° 611 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 449 et 636.

(Les amendements nos 449 et 636 sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi par M. Eckert de deux amendements rédactionnels, nos 601 et 602.

(Les amendements nos 601 et 602, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 600, présenté par M. Eckert, est un amendement de coordination rédactionnelle.

(L’amendement n° 600, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 414 et 608, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 414.

M. Patrick Hetzel. Les entreprises ne peuvent demander le remboursement de leur créance de crédit d’impôt recherche qu’au dépôt de leur liasse fiscale, soit en général trois mois et demi après la clôture de l’exercice au titre duquel les dépenses ont été engagées. Selon la date de clôture de l’exercice fiscal, ce délai engendre un décalage de trésorerie qui peut aller de trois mois à plus de douze mois avant la perception effective de ce crédit d’impôt recherche.

Or comme l’indique clairement le rapport du sénateur Berson : « l’effet de levier est d’autant plus important que l’avantage fiscal est accordé peu de temps après la réalisation de la dépense. »

Dans ce contexte, il serait important, en période de crise, de faire en sorte que la trésorerie de nos entreprises, déjà précaire, ne soit pas davantage fragilisée.

L’objectif de cet amendement est donc aussi de permettre, cette fois-ci, que le dispositif de crédit d’impôt recherche soit véritablement incitatif. Évidemment, son impact sur l’activité des entreprises susceptibles d’en bénéficier serait rapidement perceptible, tant en termes de croissance que de créations d’emplois. Nous serions ainsi en totale cohérence avec notre volonté de développement de la compétitivité de nos entreprises.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 608.

M. Christophe Caresche. Il est défendu!

M. Charles de Courson. Non ! Mon amendement n° 608 est très différent de celui que vient de soutenir M. Hetzel.

M. Patrick Hetzel. En effet !

M. Charles de Courson. Vous vous souvenez tous que dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement avait décidé de permettre le remboursement anticipé du CIR dès le 2 janvier de l’année suivante. Cette mesure avait rencontré un grand succès : les PME avaient plébiscité une disposition qui leur permettait de gagner de trois à quinze mois de trésorerie sur le remboursement de leur CIR.

Cependant, la mesure que nous avions votée avait une date de fin. Mon amendement propose donc de pérenniser le dispositif au moins pour les PME les plus fragiles, en donnant à ces dernières la possibilité de demander à continuer à en bénéficier. Il ne s’agit pas d’un système automatique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur de Courson, ces deux amendements ne sont pas très différents. Ils ne sont pas rédigés de la même façon, mais ont exactement le même effet.

M. Charles de Courson et M. Patrick Hetzel. Pas tout à fait !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous l’avez dit : cette mesure avait été mise en place dans le cadre du plan de relance. Il s’agissait donc d’une mesure exceptionnelle et il n’est pas envisagé de la pérenniser. Le crédit d’impôt recherche est versé environ dans les trois mois suivant la clôture de l’exercice, au moment du dépôt de la liasse fiscale. Ce décalage ne nous semble pas extraordinairement contraignant. Il ne paraît pas opportun de ressusciter cette disposition, mise en place à titre exceptionnel.

Au moment de l’établissement du crédit d’impôt compétitivité emploi, nous verrons s’il y a lieu d’envisager des dispositions spécifiques ou des relais de trésorerie, qu’il s’agisse du crédit d’impôt innovation, du crédit d’impôt recherche ou du crédit d’impôt compétitivité emploi. Au demeurant, la trésorerie en ce moment n’est pas extrêmement chère – je ne dis pas que cela durera…

M. Charles de Courson. Mais l’accès à la trésorerie est plus compliqué !

M. Alain Chrétien. Oui, c’est le problème !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne dis pas que l’accès à la trésorerie est toujours facile, en particulier pour les PME. La création de la BPI pourra contribuer à y remédier : nous verrons cela plus tard.

Pour l’heure, l’avis de la commission sur ces deux amendements est défavorable.

(M. Marc Le Fur remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La disposition que vous suggérez avait été adoptée au moment de la grande crise de 2009-2010. C’est d’ailleurs la loi de finances pour 2011 qui avait mis fin à ce remboursement anticipé dès lors qu’était constaté un climat économique rendant inutile cet avantage de trésorerie. Je ne vois pas ce qui légitimerait aujourd’hui de revenir à cette disposition. Le Gouvernement appuie donc l’avis défavorable du rapporteur général sur ces deux amendements.

(Les amendements nos 414 et 608, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 416 et 672.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 416.

M. Patrick Hetzel. Les sociétés qui bénéficient du crédit d’impôt recherche sont soumises, en cas de contrôle fiscal, à une vérification de l’administration fiscale, mais également à une expertise scientifique du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. La vérification opérée par le contrôleur des impôts est contradictoire, alors que l’expertise du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne l’est pas. Pourtant, l’avis du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la validité scientifique des travaux de recherche ouvrant droit au CIR est systématiquement suivi par l’administration fiscale.

Il nous semble donc fondamental de garantir les droits de l’entreprise contrôlée en rendant également contradictoire la procédure d’expertise sur le volet recherche-développement menée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cette évolution majeure est particulièrement souhaitée par les entreprises, notamment par nos petites et moyennes entreprises évidemment moins bien armées que les grandes pour faire face à l’administration fiscale.

En effet, les contrôles se sont multipliés ces deux dernières années. On le comprend aisément ; cependant nos PME, championnes de l’innovation, voient régulièrement leur montant de crédit d’impôt recherche remis en cause lors des expertises menées par les agents du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ce n’est pas vrai.

M. Patrick Hetzel. Ce n’est pas vrai ? Je vais prendre un exemple...

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Une hirondelle ne fait pas le printemps !

M. Patrick Hetzel. Une entreprise comme Criteo, leader mondial dans le domaine de la publicité en ligne, voit son crédit d’impôt recherche contesté à 95 % faute d’une procédure contradictoire de contrôle sur le volet recherche. Cette affaire concerne plus de cent ingénieurs. Pour une société ayant levé des fonds internationaux tout en décidant d’ancrer la quasi-totalité de ses activités de recherche-développement en France, une telle situation donne une piètre image de la manière dont notre pays veut développer son attractivité.

Il s’agit donc d’un amendement de bon sens ; de surcroît, la mise en place d’une procédure contradictoire permettrait d’améliorer l’attractivité de la France. La possibilité d’un débat contradictoire avec les experts du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche garantirait la sécurité du dispositif. Les droits des entreprises ayant été repoussés à maintes reprises, il est urgent de prendre nos responsabilités sans attendre : c’est le rôle du législateur de l’inscrire dans la loi.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 672.

Mme Véronique Louwagie. Je rejoins les propos de M. Hetzel. Si l’on veut envoyer un message fort aux chefs d’entreprises, leur permettre d’investir et leur donner des atouts importants, il faut leur donner l’assurance de pouvoir répondre à tout moment lors d’un contrôle de l’entreprise. Pour accroître la crédibilité et l’attractivité des entreprises, il est très important de pouvoir, dès le début d’un contrôle, encadrer les échanges dans un dispositif oral et contradictoire. Voilà pourquoi cet amendement prévoit d’ajouter à l’article 55 que les agents du ministère de la recherche et de la technologie sont soumis aux obligations du débat oral et contradictoire. Cela me paraît être un message essentiel que l’État, le Gouvernement et le Parlement doivent envoyer aux entreprises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Franchement, vous caricaturez les choses. Je ne prétends pas que vous ne trouverez pas un exemple de contentieux suscité par un avis donné par les agents du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais je vous rappelle que si leur avis est requis pour se prononcer sur l’éligibilité de certaines dépenses au CIR, seuls les agents de l’administration des impôts disposent du pouvoir de redressement. C’est l’administration fiscale qui est soumise aux exigences du débat oral et contradictoire : en aucun cas il n’y a lieu d’élargir cette procédure aux agents du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. La commission donne bien sûr un avis défavorable à ces amendements.

J’appelle enfin votre attention sur l’élargissement et la simplification des procédures de rescrit – j’en ai parlé tout à l’heure – qui peuvent donner beaucoup plus de lisibilité et de sécurité pour les entreprises.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous souhaitez envoyer un signal fort. Le signal est déjà de l’ordre de 5 milliards d’euros ; le président de la commission des finances lui-même a indiqué qu’il allait falloir faire attention au coût du crédit d’impôt recherche. Vous estimez que le signal n’est pas suffisamment fort : je ne partage pas votre point de vue.

Le crédit d’impôt recherche fonctionne maintenant depuis de nombreuses années, nous en avons l’expérience, il fonctionne bien. Vous suggérez une procédure supplémentaire : cela exigera du temps, et probablement de la complexité supplémentaire, car ainsi que l’a très bien dit M. le rapporteur général, si des modifications doivent intervenir, l’administration fiscale sera nécessairement consultée.

Ainsi, je ne crois pas que votre amendement aille dans le sens des principes que vous défendez vous-même. Le Gouvernement s’y oppose donc, pour faire gagner du temps aux entreprises, parce que le signal envoyé est déjà très fort – 5 milliards d’euros –, et parce qu’en toute hypothèse, sortir l’administration fiscale de cette boucle ou y ajouter une autre administration ne pourrait que compliquer les affaires.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, mais vos arguments ne sont absolument pas convaincants. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche est déjà dans la boucle : nous ne proposons donc rien de nouveau, sinon de rendre la procédure contradictoire. Lorsqu’un avis négatif est rendu sur le dispositif de CIR par le seul ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, il faut que la procédure soit contradictoire, de telle sorte que l’entreprise puisse se défendre et montrer que ce qu’elle souhaite mettre en place est éligible au CIR.

Il ne s’agit évidemment pas de changer quoi que ce soit aux activités de l’administration fiscale. Aujourd’hui, cette dernière ne se fonde que sur un avis. Croyez-vous qu’un expert, aussi efficace et rigoureux soit-il, ne peut pas se tromper ? Lorsque l’expert se trompe, peut-il n’y avoir aucune possibilité de recours ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais le recours contre une décision de l’administration fiscale est toujours possible !

M. Patrick Hetzel. Vraiment, vos arguments ne tiennent pas. Je maintiens plus que jamais cet amendement, qui relève véritablement du bon sens !

(Les amendements identiques nos 416 et 672 ne sont pas adoptés.)

(L’article 55, amendé, est adopté.)

M. le président. Je vous informe qu’à la demande du Gouvernement, les articles 56 à après l’article 57 sont réservés.

Après l’article 55

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n° 438, portant article additionnel après l’article 55.

M. Denis Baupin. Cet amendement, ainsi que quelques autres que je soutiendrai tout à l’heure, concerne le crédit d’impôt développement durable et l’éco-prêt à taux zéro, et donc la réhabilitation thermique des bâtiments. Ils font suite aux auditions que j’ai menées en tant que rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire pour la transition écologique.

L’amendement n° 438 concerne donc l’éco-PTZ. Le PLF 2012 avait supprimé de façon malheureuse la possibilité d’appliquer ce dispositif aux travaux de rénovation. Or chacun sait qu’aujourd’hui, la nécessité de favoriser l’isolation thermique pour lutter contre le dérèglement climatique se pose moins au niveau de la construction des bâtiments neufs qu’à celui de la réhabilitation thermique des bâtiments existants : c’est là que se situent les gisements les plus importants en termes écologiques, énergétiques mais aussi économiques. Ces amendements nous ont été notamment suggérés par les petites entreprises du BTP réunies au sein de la CAPEB, qui souhaitent que ces dispositifs leur permettent de continuer à remporter des marchés importants et à créer des emplois. Nous savons que le domaine de l’économie verte, notamment de la réhabilitation thermique des bâtiments, compte de nombreux gisements d’emplois. C’est la raison pour laquelle je vous invite à voter pour cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il est défavorable, monsieur le président. Le PTZ+ a été réformé par la loi de finances pour 2012 afin de réduire son coût, qui s’élevait à l’époque à plus de 2,5 milliards d’euros et qui a été ramené, par un certain nombre de dispositions, à un peu moins de 1 milliard d’euros. Ce montant est supportable ; mais au-delà, il ne le serait pas.

Monsieur Baupin, votre amendement pose plusieurs problèmes. Outre le coût qu’il induit, sa rédaction exclurait du PTZ+ les logements neufs acquis en l’état, c’est-à-dire de type VEFA : je ne pense pas que vous poursuiviez cet objectif. Il revient également sur les conditions de performance énergétique prévues par le PTZ+ ; enfin, il supprime la condition de ressources des propriétaires. Ces trois objectifs n’étaient sûrement pas ceux que vous poursuiviez dans cet amendement ; malheureusement, tel qu’il est rédigé, ce sont bien ces trois effets pervers qu’il entraînerait, indépendamment des problèmes financiers qu’il pose.

Je vous invite à réfléchir aux conséquences qu’emporterait l’adoption de cet amendement. À défaut d’un retrait, je ne pourrais que confirmer l’avis défavorable donné par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Il me semble que la présentation qui a été faite de l’amendement ne correspond pas à l’amendement lui-même. Vous nous avez parlé, monsieur Baupin, de l’éco-prêt à taux zéro, alors que votre amendement se réfère au PTZ+. Les deux produits n’ont strictement rien à voir.

Par ailleurs, vous nous dites dans votre présentation que l’éco-prêt à taux zéro est supprimé pour l’ancien. Non, il concerne exclusivement l’ancien, puisqu’il vise à faciliter la réalisation de travaux d’économie d’énergie.

Il est vrai que le PTZ+ s’appliquait à l’ancien comme au neuf, mais que nous avons considéré, l’an dernier, qu’il fallait le transformer en un outil de production de logements neufs et non plus le considérer comme une aide aux transactions dans l’ancien. Quoi qu’il en soit, votre amendement et la présentation que vous en faites n’ont strictement rien à voir.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. En premier lieu, il s’agit bien de poursuivre le travail engagé, sans forcément s’en tenir aux décisions de la majorité précédente, dès lors que la nouvelle majorité a fait de la transition énergétique l’une de ses priorités.

Certes, dans l’état actuel des finances publiques, on peut comprendre qu’il faille faire des économies ; mais si on ne réhabilite pas thermiquement les bâtiments, nous allons dépenser de plus en plus d’argent pour importer de l’étranger des énergies fossiles. Ne pas agir et ne pas anticiper nous coûtera donc au moins aussi cher.

J’entends néanmoins certains arguments qui me conduisent à retirer cet amendement, tout en souhaitant que le débat puisse se poursuivre, notamment avec la défense d’autres amendements sur le sujet.

J’ajoute enfin que je suis en désaccord avec le rapporteur général sur les critères de revenu. Certes, l’éligibilité à ces dispositifs doit à terme dépendre de critères de revenu ; mais si nous voulons amorcer des filières susceptibles de créer des emplois et qui montent en puissance, nous sommes bien obligés de nous adresser au départ à des gens qui ont les moyens financiers de réaliser ce type de travaux. D’où notre sentiment qu’il faut lisser dans le temps ces critères de revenus, mais nous nous en expliquerons lors du débat sur l’énergie. Pour l’heure, je retire mon amendement.

(L’amendement n° 438 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 616, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 745.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement d’appel au Gouvernement. Vous vous souvenez tous que, pour être qualifiée de jeune entreprise innovante, une entreprise doit consacrer à la recherche au moins 15 % de ses dépenses, par rapport aux charges fiscalement déductibles.

D’après l’article 244 quater B du code général des impôts, lorsque ces dépenses de recherche sont affectées par l’entreprise à une université ou un centre de recherche public, leur montant est doublé pour le calcul du seuil de déclenchement. Or une instruction fiscale du 16 septembre 2011 énonce que, pour la qualification d’une entreprise en JEI, seul le montant réel des dépenses est pris en compte et non le double. Il y a, me semble-t-il, contradiction entre l’instruction fiscale et la loi. Mon amendement a donc pour objet de réaffirmer ce que nous avions voté.

Monsieur le ministre, soit vous me confirmez qu’il y a une erreur et que vous allez demander la modification de cette instruction fiscale, auquel cas je retire mon amendement, soit le débat n’est pas clos et je maintiens mon amendement, afin que nous clarifiions cette affaire.

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, pour présenter son sous-amendement n° 745.

M. Alain Chrétien. Beaucoup de JEI sont en effet piégées par cet imbroglio. Elles ont parfois été condamnées à des redressements, et l’instruction fiscale publiée à la fin de l’année dernière a bouleversé nombre de leurs projets d’investissement.

Vous disiez tout à l’heure que ce n’est pas à nous de faire le règlement, mais une instruction fiscale n’a pas valeur législative, et l’on peut imaginer que l’administration outrepasse parfois ces droits et qu’elle a fait montre en la matière d’une vision très restrictive, qui va à l’encontre des objectifs du Gouvernement.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Alain Chrétien. Sensible à votre objectif de redressement des finances publiques, je propose par mon sous-amendement n° 745 de repousser l’effectivité de la modification suggérée par Charles de Courson au 1er janvier 2015, les entreprises concernées comprenant tout à fait que ce changement de pied nécessite quelques mois supplémentaires, le temps qu’une nouvelle instruction fiscale soit éditée.

M. Patrick Hetzel. Bravo !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement et ce sous-amendement ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je n’accepte pas qu’on accuse ici l’administration d’avoir outrepassé ses droits ou d’avoir mal interprété la loi. Je vais essayer de vous dire comment je lis, moi, les textes votés.

Il y a deux choses : d’abord, un seuil de dépenses de 15 % qu’il faut avoir atteint, selon une certaine méthode de calcul, pour avoir droit au label JEI ; ensuite, l’assiette sur laquelle est calculé le crédit impôt recherche. Sur ce second point, la loi dispose en effet qu’un certain nombre de dépenses sont prises en compte pour le double de leur valeur – cela concerne notamment, si ma mémoire est bonne, l’emploi de doctorants.

En revanche, pour l’accès au label « jeune entreprise innovante », ne sont prises en compte que les dépenses effectives – et non le double – qui servent d’assiette au calcul du crédit impôt recherche. L’administration fiscale, dans son interprétation, a parfaitement respecté la lettre et l’esprit de la loi.

Je sais qu’un cas agite actuellement la galerie politique – députés, présidents de groupe et organes de presse –, mais le rapporteur général récuse cette interprétation et vous propose la sienne, après avoir étudié très à fond cette affaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements et conforte l’analyse juridique du rapporteur général, qui est également celle de l’administration fiscale. Je rappelle à ceux qui en douteraient que ce qui doit être pris en compte, ce sont les frais réels. Le rapport parlementaire qui a présidé à la création de ce statut parlait bien de frais réels, tout comme le législateur ; il n’y a aucune ambiguïté en la matière.

Je voudrais vous rappeler d’autre part que le Président de la République a indiqué très récemment qu’il envisageait une refonte de ce statut, afin précisément d’aider la recherche et l’innovation.

Pour ces deux raisons, parce qu’il n’y a pas d’ambiguïté juridique et parce que les choses sont amenées à évoluer dans un cadre plus vaste et plus complet, le Gouvernement appelle au rejet de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, le rapporteur général et vous-même avez beau défendre cette thèse, avouez que c’est incompréhensible !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mais non !

M. Charles de Courson. On retient le double du montant pour calculer le crédit d’impôt recherche, mais on ne tient pas compte de ce double pour calculer le seuil de déclenchement… Si je voulais faire du populisme, ce qui n’est pas mon genre, je dirais qu’il faut être techno pour comprendre ça !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et vos logarithmes sur les fonds de péréquation hier, ce n’était pas techno ? (Sourires.)

M. Charles de Courson. Mais j’avais proposé une log-normale, et vous une intégrale triple…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Précisons que « logarithme » n’est pas une insulte ! (Rires.)

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, j’ai cru comprendre que vous étiez ouvert. Pourriez-vous donc nous dire quand serait susceptible d’intervenir cette amélioration du dispositif : dans la loi de finances pour 2014 ? dans celle pour 2015 ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Au cours de la mandature, en 2015 probablement.

M. Charles de Courson. Vous ne vous mouillez pas, monsieur le ministre !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Pas toujours ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Nous en rediscuterons donc dans deux ans… Je vais retirer mon amendement, parce qu’on ne va pas se battre là-dessus, mais c’est dommage : avouez que tout cela n’est pas très compréhensible.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je suis dans le droit fil des propos de Charles de Courson. Nous pourrions vraiment clarifier l’interprétation de ce texte, d’autant qu’il est clairement ressorti des auditions que nous avons menées que le trouble était grand parmi les JEI, ce qu’on peut comprendre. Cette modification ne serait pas très onéreuse et elle permettrait d’envoyer un signal significatif à ces jeunes entrepreneurs qui contribuent très largement à développer la compétitivité de notre économie.

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. En fait, monsieur le ministre, nous ne cherchons qu’à vous simplifier le travail et faire en sorte que les choses soient plus claires pour les JEI. Si vous nous promettez un dispositif efficace dans les mois qui viennent, soit. Mais pourquoi ne pas simplifier les choses dès maintenant pour commencer le travail, en attendant – avec impatience – le nouveau dispositif que vous allez nous proposer ? Cette clarification juridique détendrait l’atmosphère et permettrait un travail de concertation dans la sérénité. Faites un effort et aidez-nous à simplifier les choses pour les JEI !

(L’amendement n° 616 est retiré et le sous-amendement n° 745 devient sans objet.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 604.

M. Charles de Courson. C’est un tout petit amendement qui consiste à indexer les seuils. On a tendance à fixer des seuils, qu’on oublie tant et si bien que, dix ans plus tard, ils ne sont plus du tout significatifs. Nous proposons donc d’indexer le seuil déterminant le rattachement au régime agricole pour les producteurs d’énergie d’origine éolienne ou de biogaz, aujourd’hui fixé à 100 000 euros, sur les tranches de l’impôt sur le revenu. Sans quoi, dans dix ans, cela ne représentera plus grand-chose.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement a déjà été présenté en première partie, et déjà rejeté. Je peux vous redire ce que je vous ai dit alors ; ce qui était vrai dans la première partie reste vrai dans la seconde. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. Ça veut dire que vous êtes bloqués !

M. Alain Chrétien. C’est un parlment autiste !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement et se rallie à l’analyse argumentée du rapporteur général.

Je profite de l’occasion pour redire un mot sur les JEI. Un vrai trouble a en effet saisi les dirigeants de ces entreprises innovantes, notamment quand la majorité précédente est revenue sur un statut très favorable ! Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire et de vous rappeler que, pour une économie de 50 à 60 millions d’euros, la majorité précédente est revenue sur le statut des jeunes entreprises innovantes, malgré les avis de l’opposition. Je regrette, monsieur Hetzel, que vous n’ayez pas siégé alors dans cet hémicycle : vous nous auriez aidés à convaincre vos amis de la majorité qu’il ne fallait pas faire cela. C’est tellement vrai que la même majorité, l’année suivante, a dû revenir en partie sur ce qu’elle avait fait.

M. Charles de Courson. Merci de le reconnaître !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il est hautement probable que ces questions seront abordées dans le projet de loi portant réforme de la compétitivité. C’est pour ce rendez-vous qu’il nous faut prendre date, de façon à travailler dans un cadre plus global. Le Gouvernement ne s’engage pas par mes propos, puisque ce projet n’existe pas encore formellement, mais il serait souhaitable que cette question soit traitée dans ce cadre, et de manière approfondie.

(L’amendement n° 604 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 435 rectifié.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

(L’amendement n° 435 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n° 300 rectifié.

M. Denis Baupin. Cet amendement concerne le crédit d’impôt développement durable pour les travaux visant à renforcer l’efficacité énergétique. Il s’agit de rendre ces travaux plus attractifs pour ceux qui les réalisent, particulièrement dans les copropriétés – le cas est fréquent à Paris.

Si l’on veut encourager les travaux d’efficacité énergétique, il est nécessaire de convaincre les copropriétaires, particulièrement deux qui n’ont pas forcément beaucoup de moyens. L’idée est de relever un peu les taux des montants déductibles de l’impôt sur le revenu, de 10 à 20 %, par exemple, pour les chaudières à condensation, l’isolation thermique des parois vitrées, les volets isolants et les portes d’entrée donnant sur l’extérieur, et de 15 à 25 % pour l’acquisition et la pose de matériaux d’isolation thermique des parois opaques, pour certains matériaux de calorifugeage ou encore pour les appareils de régulation de chauffage.

L’objectif est de favoriser l’accélération de la rénovation des logements : ce grand chantier a été rappelé à de nombreuses reprises par le Président de la République et le Premier ministre à la Conférence environnementale, ainsi que par la ministre de l’écologie et la ministre du logement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable. L’augmentation des taux provoquerait inévitablement une majoration des coûts. Je rappelle aussi à notre collègue que les taux ont été majorés de dix points pour les bouquets de travaux il n’y a pas si longtemps.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable.

(L’amendement n° 300 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n° 440 rectifié.

M. Denis Baupin. Sauf erreur, cet amendement ne coûte rien. Il concerne toujours le CIDD, mais il permet aux personnes qui veulent effectuer les travaux d’efficacité énergétique de les étaler sur deux ans alors que l’actuel dispositif les oblige à les faire en un an. Le but est de faciliter ces travaux et la mise en place d’une politique d’efficacité énergétique sans coût supplémentaire pour la collectivité : c’est seulement une facilité juridique, et j’espère que nous pourrons apporter, au moins sur ce point, une petite avancée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission a accepté cet amendement qu’elle a examiné dans le cadre de l’article 88.

M. Alain Chrétien. Un moment de faiblesse sans doute ! Quelle est la contrepartie ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Non, ce n’était pas un moment de faiblesse. Par principe, la commission n’a jamais de moments de faiblesse !

M. Alain Chrétien. Un moment de négociation, alors ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Absolument pas ! Si c’était le cas, les choses seraient plus simples ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Alain Chrétien. On ne négocie plus !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pour commencer, son coût serait, non pas nul, mon cher collègue Baupin, mais probablement faible, en tout cas très marginal.

En outre, l’argument nous paraît intéressant. Réaliser un bouquet de travaux dans un délai d’un an peut poser des problèmes ; cela peut faire perdre certaines aides ou être dissuasif. Le délai de deux proposé dans cet amendement nous semble intéressant.

D’autres amendements ont été déposés par nos collègues – c’est pour cela que je vous ai dit que ce n’était pas un élément de négociation –, mais ils ont été rejetés pour des raisons réglementaires, au titre de l’article 40. Sans doute étaient-ils moins bien rédigés.

Voilà pourquoi la commission a émis un avis favorable à cet amendement dont le coût est très faible et l’esprit plutôt positif.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. La majoration du crédit d’impôt est la contrepartie de l’effort du contribuable qui réalise la même année plusieurs dépenses éligibles. Les amendements proposés remettent en cause cette logique, ce qui est étonnant, s’agissant de dispositions que certains des auteurs ont votées en loi de finances pour 2012. Nous considérons que c’est une proposition qui ajoute de la complexité à un dispositif qui l’est d’ores et déjà suffisamment.

Par conséquent, nous demandons le retrait de cet amendement, faute de quoi nous demanderons à l’Assemblée de le rejeter.

M. Alain Chrétien. Là, on ne négocie plus !

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je suis tout ému, car je me retrouve à être du même avis que mon collègue écologiste et que le rapporteur général, ce qui n’arrive pas tous les jours !

Je suis pour ma part favorable à cet amendement qui me paraît relativement cohérent avec la manière dont on fait les travaux aujourd’hui. On sait très bien qu’un chantier peut prendre plusieurs années, ce qui met d’autant plus la pression sur des gens qui essaient de faire des efforts en matière énergétique et écologique. Il serait cohérent et logique que l’on donne un peu plus de flexibilité au système, même si cela pose quelques problèmes en termes juridiques ou administratifs. Sur un plan pratique, je le répète, cet amendement est assez cohérent.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Madame la ministre déléguée, je n’ai pas bien compris votre argumentaire, et je ne suis pas sûr que l’on vous ait fourni les bons arguments sur le bon amendement.

En l’occurrence, vous avez dit que ses auteurs auraient voté certaines dispositions dans le PLF 2012. Or, comme la plupart des membres de mon groupe, je n’étais pas encore élu au moment du vote du PLF 2012…

Cela étant, je remercie le rapporteur général et tous mes collègues qui sont intervenus pour dire qu’ils étaient favorables à cet amendement dont j’espère qu’il pourra être adopté.

(L’amendement n° 440 rectifié, modifié par la suppression du gage, est adopté à l’unanimité.)

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n° 442, qui fait l’objet de deux sous-amendements identiques, nos 731 et 744.

M. Denis Baupin. Nous en venons à une série d’amendements qui intéressent le club des parlementaires pour le vélo.

Je vous remercie, mes chers collègues, du soutien que vous apportez à ce club qui s’est enrichi au fur et à mesure de nouveaux parlementaires et qui poursuit infatigablement son travail de lobbying visant à mettre en place en France quelques petits dispositifs qui permettraient, ici ou là, de faciliter l’utilisation du vélo pour les déplacements domicile travail, notamment dans le cadre des plans de déplacements entreprise et des plans de déplacement administration.

L’idée à travers ces dispositifs est d’inciter les entreprises à mettre à disposition des vélos, à l’exemple des dispositifs fiscaux qui aident à l’acquisition de voitures de fonction dans les entreprises. Notre idée n’est pas de réclamer des dispositions issues de cerveaux ayant fantasmé sur l’utilisation du vélo par tous ; il s’agit simplement de donner aux usagers du vélo les mêmes droits qu’aux usagers de l’automobile.

La société y gagnerait en matière environnementale et en matière de santé publique – cela a été souligné par de nombreux rapports et par une communication présentée en Conseil des ministres sur les questions de santé. Ensuite, la société y gagnerait parce que le coût serait bien moindre pour les entreprises qui mettraient à disposition des vélos plutôt que des voitures. Cela coûterait également beaucoup moins cher en termes de places de parking, notamment en zone urbaine. Un dispositif similaire a été mis en place en Grande-Bretagne, où il connaît un succès fulgurant depuis deux ans, puisque 400 000 salariés l’utilisent.

Voilà pourquoi nous vous proposons d’adopter cet amendement incitant les entreprises à acquérir des vélos de fonction.

M. le président. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir le sous-amendement n° 731.

M. Éric Straumann. Nous proposons simplement de différer l’entrée en vigueur au 1er février 2014, au lieu du 1er janvier 2014. de cette disposition qui permettra d’offrir une réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises mettant à disposition de leurs salariés une flotte de vélos, afin d’inciter les employeurs à développer cette bonne pratique physique et écologique.

M. le président. La parole est à M. Alexis Bachelay, pour soutenir le sous-amendement n° 744.

M. Alexis Bachelay. Le peloton des parlementaires pour le vélo grossit de séance en séance… Nous avons nous aussi déposé un sous-amendement, identique au précédent, qui vise à introduire une forme de fiscalité écologique en promouvant l’utilisation du vélo comme mode de déplacement dans le cadre du déplacement domicile travail.

M. le président. Êtes-vous d’accord avec ces sous-amendements, monsieur Baupin ?

M. Denis Baupin. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission a repoussé l’amendement n° 442, car il pose plusieurs difficultés.

Pour commencer, c’est l’entreprise que l’on avantage et non l’usager, ce qui peut sembler curieux.

Ensuite, ne sont visées que les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés. Pourquoi pas les autres ?

Cet amendement pose de surcroît toute une série de problèmes techniques, indépendamment du fait qu’il n’est pas chiffré. Quel est son coût ? Comment s’assurer que les vélos seront bien utilisés pour les seuls trajets entre le travail et le domicile ?

M. Michel Piron. Grâce à des inspecteurs à vélo !

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’effet vertueux sur l’environnement serait-il atteint dès lors que les salariés n’auraient pas l’obligation d’utiliser les vélos ? La population concernée ne serait-elle pas concentrée dans les grandes villes qui ont, pour beaucoup, déjà investi dans des formules de mise à disposition de vélos, connues sous des appellations diverses et variées ?

D’autres amendements sur le vélo vont suivre. Pour avoir suivi quelques débats sur cette question dans l’hémicycle, je sais que cela prend toujours énormément de temps et qu’il faut nous préparer à une très longue discussion. J’espère que nous aurons tout de même le temps d’aller dîner !

La commission est donc défavorable à cet amendement et j’indique, par anticipation, que cet avis négatif vaut pour tous les amendements similaires.

M. Alain Chrétien. Circulez, il n’y a rien à voir !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je croyais que nous essayions de réduire le nombre de niches fiscales. Cela fait quinze ans que je le répète, mais bon ! Et voilà que l’on crée une nouvelle niche fiscale à hauteur de 25 %, plus la déductibilité : l’achat d’un vélo est une charge, qui s’amortit sur deux ou trois ans. Autrement dit, l’IS en paie déjà 33 % via la déductibilité de l’amortissement. Et on rajoute un crédit d’impôt de 25 % : on est à 58 %. Autrement dit, ce qui est acheté 100 coûte net 42 à l’entreprise !

Ensuite, il y a tous les arguments évoqués par le rapporteur général. Va-t-on créer des brigades de contrôle de la bonne utilisation des vélos d’entreprise ? Et si l’utilisateur garde le vélo pendant le week-end, que fait-on ? On va redresser ? On entre alors dans un système…

M. Alain Chrétien. Il faudrait des vélos de fonction pour les ministres !

M. Charles de Courson. On a les mêmes problèmes pour les véhicules de fonction : normalement, on doit tenir un registre où figurent tous les déplacements pour vérifier que l’usage est strictement professionnel. Mais que dire, mes chers collègues, à un cadre astucieux qui fait acheter lesdits vélos pour ses enfants ? Et qui ira contrôler que c’est bien à des fins non professionnelles qu’ils sont utilisés lors du redressement ?

Après tout, mes chers collègues, si les entreprises veulent acheter des vélos, qu’elles achètent des vélos ! Après tout, combien cela vaut, un vélo tout simple ?

M. Alain Chrétien. Il faut des vélos made in France, c’est obligatoire !

M. Charles de Courson. Des vélos made in France ? Ils sont construits à côté de chez moi. Si vous achetez un Motobécane, évidemment… Mais vous pouvez trouver des vélos tout simples à 100 ou 150 euros, des petits vélos tout simples.

M. Alain Chrétien. Made in China !

M. Charles de Courson. Évidemment, si vous prenez un vélo de course à 1 200 euros, il faut avoir les moyens…

Bref, un tel dispositif n’est pas raisonnable pour des sommes aussi modestes. Les entreprises peuvent parfaitement les assumer si elles le veulent. Nous n’allons pas encore créer un crédit d’impôt supplémentaire !

M. le président. La parole est à M. Éric Straumann.

M. Éric Straumann. Mes chers collègues, nous avons une vision un peu différente le long de la frontière allemande.

À Fribourg, qui est à quarante kilomètres de chez moi, la pratique du vélo est extrêmement courante. Les entreprises mettent des parcs à vélos à disposition. Évidemment, on ne va pas installer un inspecteur à côté ! C’est une question d’offre et de demande : dès lors qu’il y a un vélo à proximité, les gens le prennent pour faire des courses en ville.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ont-ils mis en place un crédit d’impôt ?

M. Éric Straumann. Il n’y a pas de crédit d’impôt. Mais je crois qu’en France, nous avons besoin de mesures incitatives pour développer cette pratique qui est très nettement en retrait par rapport à ce qu’elle est ailleurs.

Il y a aussi, me direz-vous, la question des pistes cyclables. Dans ce domaine-là également, nous sommes très en retard. Il est vrai qu’à l’échelle du budget, la mesure que nous proposons relève presque du symbole, mais il s’agit d’une carotte qui peut faire naître l’envie de circuler à vélo, surtout en zone urbaine.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Comme mon collègue de Courson, je suis un peu réservé sur cette nouvelle niche fiscale, qui me semble contradictoire avec la volonté globale de faire des économies.

L’idée est sympathique, mais si les travailleurs n’utilisent pas leur vélo, cela ne signifie pas pour autant qu’ils soient insensibles à des considérations sportives ou éthiques : quand on habite à quinze ou trente kilomètres de son lieu de travail, on prend la voiture ou les transports en commun tout simplement parce que c’est la seule solution. Je ne suis donc pas certain que vous leur ferez faire davantage de vélo avec cette disposition.

De manière générale, puisqu’on parlait de justice sociale ou d’aide aux travailleurs pauvres, j’aurais préféré qu’on mette en place un crédit d’impôt pour financer des transports en commun qui les aident à rentrer chez eux dès lors qu’ils n’ont pas les moyens d’avoir une automobile. J’aurais alors été plus allant. Mais là, je ne vois pas l’intérêt de la mesure.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, dont j’imagine qu’il retire son amendement.

M. Denis Baupin. Vous imaginez mal, monsieur le président ! (Rires) Je croyais jusqu’à aujourd’hui que « sympathique » était un compliment, mais je viens de comprendre que lorsqu’on dit d’un amendement qu’il est sympathique, c’est que l’on n’est pas disposé à le voter !

M. le président. Exact !

M. Denis Baupin. Je le défends non parce qu’il est sympathique, mais parce qu’il est économique. La pratique du vélo, c’est économique pour notre société : il n’est qu’à voir l’argent que l’on dépense pour importer du pétrole, les conséquences du dérèglement climatique et les effets des maladies cardiovasculaires. La collectivité a donc un intérêt certain à la pratique du vélo, notamment pour les déplacements entre domicile et travail.

J’ai bien entendu les arguments du rapporteur général. Bien sûr, cela a un coût, sinon on n’en parlerait pas dans le débat budgétaire. C’est un argument que l’on peut entendre, contrairement à d’autres. Ainsi, ces vélos vont-ils être utilisés uniquement pour les déplacements entre domicile et travail ? Personne ne peut le garantir, mais ni plus ni moins que pour les voitures de fonction ! Ou alors il faut tout de suite dire que les entreprises dans lesquelles on utilise les voitures de fonction pour autre chose que les déplacements entre domicile et travail n’auront plus droit aux incitations fiscales dont elles bénéficient ! Si vous proposiez de les supprimer, je voterais tout de suite pour, car inciter à utiliser des voitures, y compris dans le cadre des déplacements entre domicile et travail, est-ce vraiment le rôle de la collectivité au vu des dégâts et des coûts que cela occasionne ?

Quant à la question des niches fiscales chère à M. de Courson, je rappelle que nous avons proposé à bien des reprises de supprimer des niches fiscales anti-écologiques, sans nullement obtenir gain de cause. En attendant, il faut bien commencer à mettre en place une fiscalité écologique. Si c’est sous la forme de niches fiscales, j’en suis désolé, mais mon problème principal dans la vie, ce n’est pas de savoir s’il faut supprimer ou non les niches fiscales. Moi, je ne me suis pas fait élire sur ce programme, mais bien pour faire la transition écologique.

Enfin, le rapporteur général soutient que mon amendement ne concerne que les urbains. Cela témoigne là encore d’une vision étroite du vélo, soit dit sans méchanceté. On pense souvent qu’il s’agit d’aller du domicile au travail en vélo. Ce n’est pas la conception que nous défendons. Pour nous, le vélo prend tout son sens dans le cadre de l’intermodalité, en complément des transports collectifs : Un vélo complété par un train, un TER par exemple, offre une capacité de déplacement considérablement accrue. Nous souhaitons donc que ce débat se poursuive et c’est pourquoi nous maintenons cet amendement.

M. Charles de Courson. Pédalons, pédalons…

(Les sous-amendements identiques nos 731 et 744 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n° 442, repoussé par la commission et le Gouvernement, sous-amendé, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 78 et 445.

Sur l’amendement n° 445 a été déposé un sous-amendement n° 730.

Mais peut-être allez-vous retirer votre amendement n° 78, monsieur Alexis Bachelay…

M. Alexis Bachelay. Pas du tout, monsieur le président !

M. le président. Dans ce cas, continuons avec les amendements vélo…

M. Alexis Bachelay. Son sort sera peut-être similaire à celui du précédent, mais le débat est un peu différent. Il s’agit ici de créer une indemnité kilométrique versée par l’employeur sur le modèle de ce qui se fait déjà en Belgique depuis 1999. Je ne vais pas m’exprimer plus longuement sur le sujet, il n’en mérite pas moins d’être sérieusement traité par l’évolution de notre fiscalité. Je souscris à ce que vient de dire mon collègue Baupin.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n° 445.

M. Denis Baupin. Je veux compléter ce que vient de dire Alexis Bachelay. Là encore, nous sommes en présence de dispositifs qui existent pour l’automobile. En fait, on a incité à utiliser des véhicules polluants ! Certes, ceux-ci ont des avantages, en termes de distance couverte et de temps de déplacement. Mais nous ne faisons que demander des dispositifs analogues pour le vélo.

Je vous renvoie aux arguments que j’ai déjà évoqués et que je ne vais pas reprendre, soucieux que je suis de ne pas répéter sans cesse la même chose. En outre, le rapporteur nous disait tout à l’heure que les dispositifs proposés allaient donner un avantage aux entreprises et non aux salariés ; eh bien ! cette fois-ci, c’est l’inverse ! Voilà donc au moins un argument qui tombe, ce qui devrait inciter le rapporteur général et le Gouvernement à donner un avis favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir le sous-amendement n° 730.

M. Éric Straumann. Là encore, il s’agit simplement de différer la date d’entrée en vigueur de la disposition. Je partage l’avis de mes collègues : je trouve ce débat un peu curieux. On a l’air de considérer le vélo comme un jouet…

M. Michel Piron. Mais non !

M. Éric Straumann. En zone urbaine, c’est pourtant un élément d’avenir en matière de déplacement, que l’on sous-estime beaucoup chez nous – je ne sais s’il faut en blâmer le lobby de l’automobile ou celui de la marche à pied. Reste que le vélo est bel et bien l’avenir du déplacement en zone urbaine !

M. Michel Piron. Mais oui !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission a repoussé ces amendements. Le rapporteur général ne peut logiquement qu’émettre un avis défavorable. Peut-on raisonnablement mettre en concurrence le vélo et l’automobile ? Les trajets concernés ne sont pas les mêmes ! Je ne suis pas moi-même un urbain à 100 %, mais cette mise en concurrence pose une vraie question. Entre celui qui se déplace à pied, celui qui se déplace en vélo et celui qui utilise les transports en commun, nous ne nous en sortirons pas !

M. Michel Piron. Exactement ! À quand la défiscalisation des chaussures ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. S’il y a un appui public à apporter au développement du vélo, auquel je suis favorable sans la moindre réserve, c’est sur les infrastructures qu’il doit porter, comme les pistes cyclables, et sur la mise à disposition de vélos, comme font nombre de villes. Voilà un bon dispositif, qui est en place, même si je pense comme vous qu’il mériterait d’être développé et encouragé.

M. Michel Piron. Bien sûr ! Tout cela est plein de bon sens !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais là, il s’agit de créer une nouvelle dépense fiscale. Et comment évaluerez-vous les frais kilométriques de vélo ? Vous les plafonnez à 200 euros ? Mais pourquoi 200 euros ? Qu’y mettez-vous ? La chaîne, l’amortissement, les pneus ? Pour une voiture, on peut faire une série de calculs d’amortissement, on est dans des volumes suffisants, qui permettent de mettre en place un barème kilométrique. Mais là, il s’agit de sommes et de méthodes de calcul assez difficiles à appréhender.

Je sais ce que l’on va m’objecter et le temps que cela va prendre : j’ai suivi le débat sur le PLFSS sur la télévision de mon bureau. Je sais que nous en avons pour deux heures, je l’ai dit d’emblée. Ce n’est pas un problème ; nous y passerons les deux heures nécessaires. Je n’en maintiens pas moins que l’aide au vélo et le développement de son usage doivent passer par les infrastructures et des formules de mise à disposition de type Vélib. Mais appliquer au vélo le système des frais kilométriques, franchement, cela ne me paraît pas être le bon outil. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Défavorable également.

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume.

M. Laurent Grandguillaume. Au-delà du débat dont ces amendements font l’objet, il y a de vrais besoins. Des entreprises aussi sollicitent des aides et des dispositifs pour développer des politiques du vélo. Il y a souvent des complémentarités à trouver avec d’autres moyens de transport. Si ces amendements sont rejetés, il faudrait quand même avoir un peu de temps pour travailler ensemble pour trouver des solutions sous forme de dispositions incitatives.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je trouve cet amendement sympathique, et cela ne veut pas dire que je vais voter contre. J’y serais même plutôt favorable, à la différence du précédent. L’idée ici est de ne pas désavantager un mode de locomotion. À partir du moment où la voiture est indemnisée alors que le vélo ne l’est pas, on encourage de fait les déplacements professionnels en voiture. Comme le but est d’encourager le vélo au double motif qu’il ne produit pas de pollution et qu’il est très bon pour la santé, je trouve que c’est une bonne idée de lui appliquer un traitement non discriminatoire.

Je suis en revanche un peu réservé sur le mode de calcul : je me mets à la place du malheureux contrôleur des impôts à qui il reviendra de déterminer si l’entreprise respecte les règles ou pas… À mon avis, un forfait fixe aurait été plus raisonnable compte tenu des montants en jeu.

Une remarque pour terminer à l’adresse de M. Baupin à propos de la dualité urbain-rural : ne tombons pas dans l’excès… Je suis élu d’une circonscription rurale et je puis vous dire qu’il existe des territoires où la notion même d’intermodalité n’a aucun sens, pour la bonne raison que plus aucun train n’y passe. La notion d’intermodalité nous échappe donc quelque peu, à nous autres ruraux.

Cela dit, je soutiens cet amendement.

M. Éric Straumann. Merci !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Si l’on veut aller jusqu’au bout dans la logique de notre collègue, pourquoi ne pas créer un crédit d’impôt « chaussures » pour ceux qui vont à pied ! (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Michel Piron. Oui ! C’est ce que je disais !

M. Dominique Baert. Ou pour les trottinettes !

M. Charles de Courson. Cela a même existé au début du XXe siècle. Et j’ai à mes côtés mon collègue de Polynésie : pourquoi ne crée-t-on pas un crédit d’impôt pirogue pour aider à aller d’île en île ? Il y a plusieurs îles, en Polynésie ! Il n’y a pas que la France métropolitaine, il y a aussi nos amis d’outre-mer ! (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Serge Letchimy. En Polynésie, il faut parfois faire deux mille kilomètres pour aller d’un archipel à un autre… Je voudrais vous y voir avec votre pirogue ! C’est n’importe quoi !

M. Dominique Baert. Il faudra prévoir l’amortissement des pagaies !

M. Charles de Courson. À un moment donné, il faut savoir s’arrêter !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart.

M. Jean-Marie Tetart. Depuis une quinzaine d’années que je travaille sur ce dossier d’encouragement au vélo, d’abord en tant que fonctionnaire puis en tant qu’élu, j’ai expliqué aux gouvernements successifs tout l’intérêt que présentent le développement du vélo et toutes les mesures incitatives pour ce faire. À chaque fois, dans les cabinets ministériels fraîchement installés comme dans les assemblées élues, je me suis vu adresser les mêmes quolibets, les mêmes « c’est sympathique, on verra plus tard » et le même manque de sérieux, alors même que les plans de déplacement urbains n’en manquent pas, eux, quand ils s’occupent de cette question, prenant les mesures d’accompagnement qui s’imposent.

Je ne sais pas si nous jouons aux apprentis sorciers. Ce que je sais, c’est que les pays nordiques ont développé toute la batterie d’instruments nécessaires pour réussir et que les pays prétendument indifférents au vélo comme l’Espagne et l’Italie empruntent le même chemin avec les mêmes outils. Pour une fois que nous sommes très en retard, essayons d’évaluer ce qui se passe ailleurs et de l’appliquer chez nous ! Après tant de gouvernements qui se sont succédé avec la même absence d’entrain et de sérieux sur cette question, celui-ci pourrait peut-être s’emparer de la question et proposer un plan vélo tenant vraiment la route. Je considérerai alors que les années de travail accomplies par les uns et les autres auraient été couronnées de succès.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je suis ébloui, je l’avoue, par la virtuosité de certains orateurs. J’ai bien compris que le sujet est vaste, voire infini.

J’ai cependant du mal à percevoir la pertinence de la connexion entre l’outil fiscal et la circulation à vélo. Autant je comprends que les questions des infrastructures, de la cohabitation ou de la non-cohabitation entre usagers de divers modes de transport, de la bonne circulation ou de la sécurité soient essentielles en termes d’équipement, autant j’avoue que la façon que nous avons d’aborder la pratique du vélo par l’exonération fiscale ou le crédit d’impôt me plonge dans un degré d’admiration qui finit par culminer dans un abîme de perplexité. (Sourires.)

Je le répète, j’ai tout de même vraiment du mal à comprendre que l’on puisse traiter un tel sujet en utilisant l’outil fiscal.

M. Pascal Terrasse. C’est une niche fiscale !

M. Michel Piron. Si nous nous en référons aux quelques illustrations citées brillamment, comme à son habitude, par Charles de Courson, nous voyons bien que l’on pourrait à l’infini développer l’idée qui est au fond la vôtre : toute bonne pratique doit faire l’objet d’un crédit d’impôt.

Toute bonne pratique doit-elle effectivement faire l’objet d’un crédit d’impôt ? Pour ma part, j’en doute.

M. le président. La parole est à M. Éric Straumann.

M. Éric Straumann. Je vois bien que l’on considère que le vélo n’est pas un mode de déplacement sérieux.

Je rappelle que l’entretien d’un vélo urbain installé par une commune, comme le Vélib à Paris, coûte 1 500 euros par an. C’est une somme considérable. Il faudrait donc que les entreprises ou que les usagers soient propriétaires des vélos utilisés. Au final, la dépense fiscale me paraît réduite par rapport aux montants engagés par les collectivités locales.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Beaucoup de choses ont été dites, mais j’ajoute deux arguments à l’attention de nos collègues qui n’arrivent pas à comprendre que l’on puisse mettre en place les mêmes dispositifs pour les déplacements à vélo que pour les déplacements en voiture.

Pourquoi devrait-on subventionner systématiquement tout ce qui est polluant plutôt que ce qui ne l’est pas ? Cela ne vous pose aucun problème de mettre en place tout un tas de dispositifs qui incitent à se déplacer en voiture, mais il ne vous paraît plus pertinent de faire la même chose quand il s’agit de se déplacer en vélo !

Le prix de l’essence ne cesse de croître. Le Gouvernement a entrepris de le bloquer, mais on sait bien que cela ne pourra pas durer éternellement et que les questions de mobilité vont se poser de façon de plus en plus difficile pour une part importante de nos concitoyens. Il va bien falloir trouver des réponses. Les réponses en termes de transports collectifs ou en termes de blocage des prix des carburants coûteront bien plus cher que les solutions alternatives comme les déplacements à vélo. Je vous invite à y réfléchir.

Et puis, si nos arguments ne vous suffisent vraiment pas, regardez ce qui se passe au-delà de nos frontières ! Ces politiques sont mises en place en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, un peu partout. Pourquoi ? Parce que c’est pertinent.

En tout état de cause, nous avons intérêt à amorcer la pompe en France.

MM. Julien Aubert, Alain Chrétien et Jean-Marie Tetart. La pompe à vélo ! (Sourires.)

(Le sous-amendement n° 730 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 78 et 445 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n° 439.

M. Denis Baupin. Je vous rassure : cet amendement ne concerne plus le vélo mais le CIDD, le crédit d’impôt développement durable.

J’ai déjà évoqué la question des travaux d’isolation thermique. Il nous faut aujourd’hui revenir sur des mauvais coups que les budgets précédents ont portés à un dispositif dont tout le monde a reconnu qu’il incitait vraiment à faire ces travaux.

Cet amendement vise à modifier le plafond de ressources pour bénéficier du CIDD, pour les ménages qui le cumulent avec un éco-prêt à taux zéro. Le projet de loi de finances pour 2012 a fixé ce plafond à 30 000 euros alors qu’il était préalablement de 45 000 euros. La décision de donner ce coup de rabot a été prise au moment où il a été dit que l’environnement, « ça commence à bien faire ».

M. Julien Aubert. Oh !

M. Denis Baupin. Mais, aujourd’hui, nous ne sommes plus du tout dans la même optique puisqu’a été élu un Président de la République qui, à une heure de grande écoute, lors d’une conférence de presse importante, assume ses propos proclamant que la transition énergétique est un enjeu de génération, un enjeu de société.

Il faut que nous puissions soutenir ce grand mouvement. Tel est l’objet de cet amendement qui porte le plafond de ressources permettant de bénéficier du CIDD au niveau précédant le coup de rabot donné par la majorité précédente.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission est défavorable à cet amendement.

L’éco-prêt à taux zéro a été créé par la loi de finances initiale en 2009. Jusqu’à la fin de l’année 2010, il était cumulable avec le CIDD pour les ménages dont les ressources étaient inférieures à 45 000 euros. La suppression de ce cumul devait rapporter 430 millions d’euros.

La loi de finances pour 2012 a rétabli la possibilité du cumul entre éco-PTZ et CIDD, mais en abaissant le plafond de ressources à 30 000 euros.

Je rappelle que l’éco-PTZ reste cumulable avec d’autres aides comme celles de l’ANAH ou celles liées au dispositif des certificats d’économies d’énergies.

Aujourd’hui, ni le coût de la disposition proposée ni son efficacité ne nous paraissent justifier un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Même avis.

(L’amendement n° 439 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 609.

M. Charles de Courson. Nous quittons le vélo pour la gestion des entreprises. Il faut de tout pour faire un monde !

Cet amendement un peu technique vise à faciliter la gestion de trésorerie des entreprises et à rétablir l’égalité entre les contribuables.

De nombreuses entreprises, notamment celles soumises au dépôt de comptes trimestriels, connaissent quasiment parfaitement leur situation au regard de la liquidation de l’impôt sur les sociétés dès le quatrième trimestre de l’année – c’est le cas lorsque l’exercice court du 1er janvier au 31 décembre.

Or un article du code général des impôts pose l’interdiction d’imputer sur les acomptes d’IS les crédits d’impôt en ces termes : « L’entreprise qui estime que le montant des acomptes déjà versés au titre d’un exercice est égal ou supérieur à la cotisation totale d’impôt sur les sociétés dont elle sera redevable au titre de l’exercice concerné, avant imputation des crédits d’impôt, peut se dispenser de nouveaux versements d’acomptes. »

Dès lors, une entreprise est obligée de verser des acomptes d’IS, notamment au quatrième trimestre, alors même qu’elle sait qu’elle verse un montant supérieur à l’IS dont elle sera réellement redevable.

Je propose que le montant du dernier acompte versé corresponde à l’estimation du montant de l’IS qui sera réellement dû. En effet, si l’entreprise a versé un montant global supérieur à ce qu’elle devra, elle doit demander un remboursement, ce qui représente pour elle un coût de trésorerie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission n’a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j’y suis défavorable.

Selon les informations qui m’ont été transmises par le cabinet du ministre du budget, l’administration fiscale permet aux entreprises titulaires d’une créance de crédit d’impôt recherche dûment établie de payer leur acompte d’IS avec cette créance pour peu que cette dernière soit issue d’un droit créé au cours d’un exercice antérieur à celui du titre auquel sont payés les acomptes.

Votre amendement permettrait que les créances utilisées puissent être issues de l’exercice en cours. Cela ne nous paraît pas opportun.

De plus cette disposition générerait pour l’État une perte de trésorerie. On peut toujours nous dire que la trésorerie ne coûte pas cher en ce moment ni à l’État ni aux entreprises qui y ont parfois moins facilement accès – encore que ce ne soit pas le cas pour celles concernées par le crédit d’impôt recherche. En termes de trésorerie, une créance de type CIR est une créance sur le Trésor qui fait généralement l’objet d’un examen très souple pour une avance de trésorerie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Monsieur de Courson, votre amendement concerne exclusivement les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés. Il introduirait par conséquent une différence de traitement entre les entreprises soumises à l’IS et les autres.

Par ailleurs, le Gouvernement s’inscrit dans une démarche qui vise à accroître les rendements des acomptes d’IS. C’est d’ailleurs l’objet de l’article 18 du projet de loi de finances, notamment pour ce qui concerne les grandes entreprises. Je rappelle que les recettes nettes d’impôt sur les sociétés sont évaluées à 40 milliards d’euros en moyenne depuis 2006. Elles ont très majoritairement pour origine le paiement des acomptes provisionnels que vous évoquez.

S’agissant des questions de trésorerie, je pense que l’annonce récente par le Président de la République d’un mécanisme de préfinancement du crédit d’impôt recherche qui sera mis en place dans le cadre de la Banque publique d’investissement répond à vos préoccupations.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la ministre, il n’y a pas de discriminations entre les entreprises individuelles relevant de l’impôt sur le revenu, et celles constituées sous forme de société relevant de l’impôt sur les sociétés, tout simplement parce qu’il n’y a pas de versement d’acompte pour l’impôt sur le revenu. Pour l’IR, vous avez le choix entre le versement mensuel ou les versements appelés à dates fixes. De plus, sont compris dans l’assiette de l’IR des revenus qui peuvent être sans aucun rapport avec l’entreprise individuelle : des revenus extérieurs à l’entreprise, voire ceux du conjoint.

Votre premier argument n’est donc pas très bon.

Votre deuxième consiste à dire que vous essayez, et vous prenez en cela la suite de la majorité précédente, de recevoir des versements d’IS le plus tôt possible sous forme d’acomptes. Je veux vous mettre en garde. En effet, tant que les bénéfices des entreprises augmentent, tout va très bien. Mais le jour où la tendance s’inverse, et où il y a chute des résultats des entreprises, vous plombez l’exercice n +1 par rapport à l’année n. Vous amplifiez la variation des recettes d’IS selon les années. Dans la période que nous traversons, les risques ne sont pas minces.

Lors de l’examen de la première partie du PLF, j’avais déjà mis en garde le Gouvernement sur les dangers d’un tel choix : le système est en quelque sorte réversible.

Si donc les arguments du Gouvernement ne me semblent pas très solides, celui que M. le rapporteur général a développé est excellent, mais il se trouve jouer en faveur de mon amendement qui pose un simple problème de trésorerie qui, selon la situation économique peut jouer « en plus » ou « en moins ». Quand ça coûte un peu en trésorerie, on est quasiment à un taux nul ou même très légèrement négatif : aujourd’hui, le coût de la trésorerie est pratiquement neutre pour le budget de l’État.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Nous traitons d’un sujet très complexe et très technique, né de la création d’un quatrième acompte en fin d’année, venu amplifier la variabilité de l’impôt sur les sociétés par rapport à l’année en cours.

Au passage se pose le problème de la stabilité des recettes fiscales. La TVA étant très sensible à la conjoncture et constituant avec l’impôt sur les sociétés, lui-même très variable, une très large partie des ressources de l’État, il ne reste plus que l’impôt sur le revenu, décalé d’une année, pour amortir en année n +1 une année de vaches maigres.

L’amendement de M. de Courson est d’autant plus intelligent que, ces derniers mois, certaines annonces en matière de fiscalité des entreprises ont contribué à répandre un fort brouillard sur l’année 2013. Comment va-t-elle se dérouler ?

Le Gouvernement a évoqué un crédit d’impôt dans le cadre du choc de compétitivité, et il est clair que tout cela ne sera pas sans effet sur l’impôt sur les sociétés. Tout mécanisme est donc bon à prendre qui permettra aux entreprises de limiter la fenêtre de tir entre le moment où elles bénéficient de crédits d’impôt, celui où elles doivent faire des versements d’acomptes trop importants et celui où elles peuvent être remboursées.

Certaines entreprises qui ont terminé leur année en septembre 2010 ont dû attendre 2012 pour clore l’exercice : il s’agit d’un espace d’incertitude non négligeable. Il serait bon de réduire cette fenêtre d’incertitude dans un contexte déjà fiscalement incertain pour n’en faire une simple meurtrière. Ce type de mesure est propice car il a à la fois un impact macroéconomique, en relativisant l’incertitude pesant sur les recettes fiscales en année n +1, et qu’il donne aux entreprises la possibilité de s’adapter avec une flexibilité maximale pour l’année en cours.

Cette question, que M. de Courson a eu le mérite de soulever, devrait faire l’objet d’une analyse approfondie du ministère. En tout état de cause, nous voterons cet amendement.

(L’amendement n° 609 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 593.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, il s’agit d’un amendement assez intéressant. (Sourires.)

M. Gérald Darmanin. Comme toujours  !

M. Dominique Baert. Et sympathique!

M. Christian Eckert, rapporteur général. Merci pour les autres !

M. Charles de Courson. Vous savez que nous avons eu de très longs débats sur le délai de la période d’investissement dans les Fonds communs de placement dans l’innovation, les FCPI, et les Fonds d’investissement de proximité, les FIP. Le but de l’incitation fiscale étant de favoriser l’investissement dans les petites et moyennes entreprises, nous avons décidé de fixer un délai de seize mois pour ne pas laisser traîner les choses. Or, dans les entreprises en cours de constitution, notamment dans le cadre d’augmentations de capital successives, les délais sont plus importants. Mon amendement n° 593 vise donc à encourager une prise de risque plus élevée, en allongeant ce délai de seize à trente-six mois tout en prévoyant, en contrepartie, de porter le quota d’investissement exigé de 60 % à 70 %.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission n’a pu examiner cet amendement, mais son rapporteur, qui a pu le faire, émet un avis défavorable.

Il est vrai que les délais sont relativement contraignants, quoique, deux fois huit mois, ce ne soit pas insurmontable. Mais dans votre amendement, monsieur de Courson, vous y allez à la louche, puisque vous proposez deux fois dix-huit mois. Vous ne faites pas dans la demi-mesure. Il aurait été plus sage de se caler sur le délai en vigueur outre-mer, qui est de douze mois plus six mois.

En tout état de cause, la réussite très limitée – c’est le moins que l’on puisse dire – des FCPI est probablement due à d’autres facteurs que le caractère un peu contraignant des délais. Tout d’abord, le choix des investissements et la professionnalisation des gestionnaires laissent souvent apparaître une captation importante d’une part du rendement au titre des frais de gestion – je pense que nous nous comprenons. Ensuite, les FCPI privilégient souvent les entreprises les plus matures et les investissements les moins risqués, ce qui est d’ailleurs une façon de les détourner de leur objectif premier. Enfin, vous proposez de porter le quota d’investissement de 60 % à 70 %. Or, un des facteurs d’échec du dispositif est précisément la difficulté de trouver des projets viables dont le rendement soit attractif pour les investisseurs. À cet égard, votre amendement serait donc, je le crains, contre-productif, puisqu’un tel relèvement du quota risquerait d’être une contrainte plus forte que celle du délai.

Pour toutes ces raisons, et pour bien d’autres encore (Sourires), avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Les fonds FCPI et FIP sont, en effet, actuellement obligés d’investir dans des délais extrêmement contraints, 50 % du quota d’investissement devant être atteints dans les huit mois après la date de clôture de la période de souscription et 100 % au plus tard huit mois après. Toutefois, le Gouvernement, qui est attentif aux préoccupations des PME – il a su le démontrer –, va proposer, dans un amendement à l’article 56, des aménagements au dispositif Madelin, notamment en portant les délais d’investissement de seize à vingt-quatre mois. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la ministre déléguée, nous sommes en communion de pensée. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Écoutez, mes chers collègues, elle est plus ouverte que le rapporteur général,…

M. Gérald Darmanin. Ce n’est pas très difficile !

M. Charles de Courson. …qui n’était, du reste, pas tout à fait fermé à ma proposition.

Madame la ministre déléguée, je vous propose de retirer mon amendement et de sous-amender l’amendement du Gouvernement que vous venez d’évoquer, afin de l’étendre aux FIP et aux FCPI en prévoyant, en contrepartie, un relèvement du quota de 60 % à 70 %. Quod erat demonstrandum. Que pensez-vous de ma proposition ? Si vous êtes d’accord, je retire immédiatement mon amendement.

M. Michel Piron. C’est constructif !

M. Charles de Courson. Je suis toujours constructif.

M. Julien Aubert. Et sympathique !

M. Charles de Courson. Ça dépend des jours… (Sourires.)

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. La discussion sur ce point aura lieu demain.

M. le président. Monsieur de Courson, maintenez-vous votre amendement ?

M. Charles de Courson. Je le retire et je le transformerai en un sous-amendement à l’amendement du Gouvernement.

(L’amendement n° 593 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 622 rectifié et 657.

La parole est à M. Alain Chrétien, pour soutenir l’amendement n° 622 rectifié.

M. Alain Chrétien. Nous proposons de prolonger de deux ans les dispositions de l’éco-prêt, afin de faire coïncider le terme de celui-ci avec celui du Crédit d’impôt développement durable, le CIDD, qui est fixé au 31 décembre 2015. Cette proposition recueille l’assentiment de beaucoup d’entre nous, car je n’ai pas besoin de rappeler l’efficacité de l’éco-prêt, notamment en termes d’investissements pour les entreprises locales.

M. le président. L’amendement n° 657 est défendu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 622 rectifié et 657 ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Sur ce sujet comme sur d’autres sujets comparables, il n’y a pas lieu d’anticiper les choses. Le dispositif actuel court jusqu’à la fin 2013, nous sommes à la fin de 2012 : il sera toujours temps de le prolonger le cas échéant. Mais nous aurons l’occasion de reparler de ces questions de terme. Selon une bonne habitude, qui a été prise depuis plusieurs années, quelle que soit la majorité, l’échéance de ce type de dispositif est toujours prévue. Si, à chaque fois, on anticipe d’un ou deux ans la reconduction d’une mesure qui n’est pas arrivée à son terme, on n’en sortira plus. Nous allons donc attendre tranquillement, et nous prolongerons le dispositif le moment venu, si nous l’estimons nécessaire. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin. Le changement, c’est maintenant !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 622 rectifié et 657 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n° 314.

M. Denis Baupin. Sur la feuille jaune, cet amendement est en discussion commune avec les deux amendements qui viennent d’être rejetés. Tous trois portent en effet sur le même sujet, puisque nous proposons également que les deux dispositifs, CIDD et éco-prêt, aient la même échéance, afin d’offrir une meilleure visibilité à la fois aux consommateurs et aux entreprises. Il y a beaucoup d’emplois à la clef, et nous nous inscrivons dans le cadre de la transition énergétique. Toutefois, j’ai peu d’espoir de voir cet amendement adopter, compte tenu du sort qu’ont connu les précédents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. M. Baupin a vu juste : même motif, même punition. J’ajoute, car nous aurons le même débat au sujet de certaines niches, que ce n’est pas parce qu’on prolongerait aujourd’hui le dispositif jusqu’en 2015 que l’on ne pourrait pas, en 2013, avancer le terme à 2014 : on peut changer la date du terme d’un dispositif à tout moment.

M. Gérald Darmanin. Faisons-le maintenant !

M. Christian Eckert, rapporteur général. En adoptant un tel amendement, vous n’auriez pas l’assurance que le dispositif courra jusqu’au 31 décembre 2015. Franchement, là, vous vous faites plaisir pour pas grand-chose. Des dates ont été fixées : lorsque le dispositif arrivera à échéance, on s’interrogera sur sa reconduction. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Tout à l’heure, notre excellent collègue de Courson a déclaré que son amendement était intéressant. C’est également le cas de celui de M. Chrétien et de celui de M. Baupin.

M. Alain Chrétien. Chrétien, Baupin : même combat !

M. Gérald Darmanin. Calmez-vous, mon cher collègue. (Sourires.)

Monsieur le rapporteur général, je m’étonne de votre avis défavorable, car ces amendements répondent à au moins deux exigences. La première a été exprimée par la majorité – puisque la conférence environnementale a retenu l’idée de maintenir un éco-prêt pour le par ancien –, la seconde par le Président de la République lui-même, puisque j’ai cru comprendre, en l’écoutant hier, qu’il réclamait de la visibilité. Certes, on peut modifier la date du dispositif l’année prochaine. Mais, comme c’est indiqué dans l’exposé des motifs de ces amendements, en le prolongeant dès aujourd’hui, on permet d’envisager son application sur un plus long terme. Je voterai donc pour l’amendement de M. Baupin, comme j’ai voté pour celui de M. Chrétien.

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. J’ajouterai un argument en faveur de cette proposition commune au groupe écologiste et du groupe UMP. Le CIDD et l’éco-prêt à taux zéro ont été créés en même temps et couplés. Il y a deux ans, nous les avons découplés : l’éco-prêt à taux zéro s’est effondré.

M. Denis Baupin. Quelle erreur !

M. Benoist Apparu. Réalisant notre erreur, l’année dernière, nous avons à nouveau couplé les deux dispositifs sans, hélas ! accorder les dates de leur terme. Or, il est indispensable que ces dates soient identiques, sinon, en privant les entreprises de visibilité, vous allez casser le dispositif. Vous nous dites que vous pourrez le faire, l’année prochaine. Dont acte. Vous pourrez, en effet, décider, fin 2013, de prolonger le dispositif d’un an. Mais annoncer votre décision trois jours avant son application ne me paraît pas de bonne politique. Réparez donc l’erreur que nous avons commise l’année dernière !

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Monsieur le rapporteur général, ce qui me gêne, dans votre argumentation, c’est que vous avez répondu sur la forme, en indiquant que ce n’était pas le moment. Or, j’aurais aimé savoir si le fait de donner le même horizon temporel aux deux dispositifs vous pose un problème sur le fond. On voit bien que cette décision peut avoir un impact sur la visibilité et le bon fonctionnement du mécanisme et je trouve dommage que vous la rejetiez en estimant que ce n’est pas le moment. Si nous étions d’accord sur le fond, nous n’aurions pas le même débat. Je crois qu’il faut préciser l’agenda du changement. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Pour conclure ce débat, si tant est que nous puissions le conclure ce soir, je constate, monsieur le rapporteur général que, comme pour les JEI tout à l’heure, vous êtes d’accord sur le fond. La réponse que vous avez faite tout à l’heure figurera dans le compte rendu des débats : le Gouvernement et la majorité sont d’accord pour repousser cette échéance à 2015, mais ils veulent choisir le moment de le faire. Quel est le signal envoyé à ceux qui veulent demander un prêt dans les semaines qui viennent ? À l’inverse de ce que vous souhaitez, le Gouvernement donne l’image d’une certaine indécision. Encore une fois, vous êtes d’accord sur le fond, mais vous voulez reprendre nos amendements à votre compte, sans doute au début de l’année prochaine. Admettez que cela ne favorise pas la transparence du travail parlementaire.

Mme Laure de La Raudière. C’est dommage. Pour une fois que vous étiez d’accord avec nous !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mes chers collègues, nous ne sommes pas là pour nous adresser mutuellement des injonctions, et je suis un peu étonné de vous voir faire acte de contrition et nous demander de réparer des erreurs que vous auriez vous-mêmes commises.

Mon avis personnel – je ne parle pas au nom de la commission et encore moins au nom du Gouvernement – est qu’il y aurait beaucoup à faire pour améliorer la simplicité et la lisibilité dans le domaine des incitations fiscales. En dehors de cet hémicycle et de quelques spécialistes, je ne suis pas sûr que beaucoup de gens connaissent l’ensemble des dispositifs, puissent dire lesquels sont plafonnés ou non, quelle est leur date d’échéance, s’ils font partie d’un bouquet et quels sont leurs taux. C’est l’éternel débat entre la complexité et le ciblage, entre la simplicité et l’effet d’aubaine – ou l’effet inflationniste.

Pour ce qui est des dates d’échéance des dispositifs, nous avons parfois eu à nous féliciter que certaines dates ne soient pas trop éloignées. Quand on se rend compte que l’on a mal mesuré – je ne vise personne, c’est un « on » collectif – les effets inflationnistes et budgétaires de tel ou tel dispositif de crédit d’impôt, comme c’est arrivé avec le photovoltaïque, on ne peut que se réjouir de ne s’être engagé que pour une courte période. Car prolonger un dispositif, c’est facile, mais le réduire, c’est s’exposer à être accusé de manquer de visibilité.

Le premier engagement, en termes de chronologie et d’écriture, figurant dans le rapport Gallois, était un appel à la stabilité fiscale.

M. Gérald Darmanin. Vous l’avez donc lu ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je l’ai lu comme vous, et sans doute même un peu avant vous.

M. Alain Chrétien. Tiens, tiens ! C’est intéressant !

M. Gérald Darmanin. C’est un aveu !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet engagement ne portait pas sur l’ensemble des dispositifs fiscaux, ce qui est bien normal car, si c’était le cas, la commission des finances pourrait prendre une photographie de l’état actuel du droit et de la législation fiscale et, puisqu’il n’y aurait rien à modifier, partir en vacances pendant cinq ans !

J’estime qu’il convient d’assurer une certaine stabilité dans le temps sur les cinq dispositifs cités par le rapport, notamment le crédit impôt recherche, et peut-être sur un ou deux autres, ce que le Premier ministre s’est engagé à faire. Sur le reste, une certaine prudence est de mise.

Pour en revenir plus précisément à l’amendement qui nous intéresse, nous verrons bien ce qu’il convient de faire le moment venu. Je confirme l’avis défavorable de la commission sur cet amendement n° 314.

(L’amendement n° 314 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l’amendement n° 742 rectifié.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Le présent amendement a pour objet de proroger pour quatre ans le crédit d’impôt pour dépenses de production exécutive d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles dont peuvent bénéficier les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés lorsqu’elles assument les fonctions d’entreprises de production exécutive pour la réalisation d’œuvres produites par des entreprises étrangères.

Le dispositif de crédit d’impôt qu’il est proposé de proroger constitue un élément d’attractivité pour le secteur cinématographique. Depuis sa création en 2009, il a permis la réalisation de nombreuses œuvres en France. Outre l’effet favorable sur l’image et le rayonnement culturel de notre pays, il se traduit par d’importantes retombées économiques : pour un euro de crédit d’impôt, ce sont environ six euros investis dans la filière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission n’a pas eu connaissance de cet amendement. Quant à votre rapporteur général, il en a eu connaissance tardivement et, après l’avoir examiné de façon forcément rapide et avoir pris l’avis de ses services, il a estimé que le nombre d’entreprises concernées était très faible, de même que l’impact budgétaire. Il semble que moins de dix entreprises soient concernées, pour un coût total situé entre trois et cinq millions d’euros. Si la portée de cette mesure est importante en termes d’image – c’est le cas de le dire –, elle est très limitée sur le plan budgétaire. J’émets donc, à titre personnel, un avis favorable à l’amendement n° 742 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je ne vais quand même pas dire pour la centième fois ce que je dis depuis quinze ans ! (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP.) Puisque vous m’encouragez, mes chers collègues, je vais tout de même vous faire part de ma perplexité : quelle est la cohérence de tout cela ? Alors qu’un dispositif de crédit d’impôt arrive à terme, le Gouvernement sort un amendement de son chapeau pour le renouveler de quatre ans – encore heureux que nous ayons posé le principe d’une révision des crédits d’impôts tous les quatre ans !

Tout cela pour dix grandes entreprises ! Franchement, monsieur Muet, pensez-vous que ces entreprises aient vraiment besoin de ça pour créer des œuvres cinématographiques ?

M. Pierre-Alain Muet. Vous n’avez pas la preuve qu’elles n’en ont pas besoin !

M. Charles de Courson. Trois millions pour dix entreprises ! Franchement, c’est à désespérer !

M. Christian Eckert. Je pourrais vous faire la même réponse sur certains de vos amendements, mon cher collègue !

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Mes chers collègues, je suis un peu choquée, à la fois par la façon dont cet amendement arrive en séance sans avoir été examiné par la commission et par la mesure de prorogation qu’il propose.

Alors que vous avez fait le choix d’une réduction du budget de la culture, vous sortez tout à coup un amendement de prorogation, dans l’intention manifeste de satisfaire dix entreprises et, sans doute, d’apaiser ainsi le mécontentement que vos décisions en matière de culture ont pu déclencher – des décisions que, pour notre part, nous n’avions jamais prises.

Vous savez pourtant que le cinéma est déjà soutenu par le CNC qui, comme l’a montré la Cour des comptes, assure en la matière des financements très larges par rapport aux besoins réels dans ce secteur. On ne comprend pas bien ce qui justifie cet amendement prorogeant un crédit d’impôt, alors que votre objectif affiché est de réduire les niches fiscales, comme l’avait fait le précédent gouvernement. Vraiment, on ne voit pas la logique de cet amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je veux réagir à ce qui vient d’être dit, car il faut tout de même laisser l’église au milieu du village, ma chère collègue ! Quand vous dites que l’UMP n’a jamais voté de tels dispositifs…

Mme Laure de La Raudière. Je n’ai jamais dit ça !

M. Gérald Darmanin. On parle de la baisse du budget de la culture !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Soit je vous ai mal comprise, et dans ce cas je m’en excuse, soit vous vous êtes mal exprimée. En tout état de cause, chacun sait que le crédit d’impôt dont il est ici question a été mis en place par la précédente majorité, qui en a fixé l’échéance à la fin de l’année 2012. Pour notre part, nous assumons la décision de reconduire un dispositif qui nous semble de nature à produire des effets positifs dans le domaine de la culture, en particulier pour l’industrie du cinéma.

En ce qui concerne le CNC, dont nous aurons l’occasion de reparler prochainement, je vous rappelle qu’il a fait l’objet d’un prélèvement de 150 millions d’euros, voté lors de l’examen de la première partie du budget. Disons-le franchement, cela ne s’est pas fait tout seul et cette décision n’est pas sans conséquences.

Mme Laure de La Raudière. C’est bien ce que je disais : vous prenez cette mesure de prorogation pour éteindre le feu que vous avez allumé précédemment !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Quand vous évoquez un prétendu trésor de guerre du CNC, il faut bien savoir que si trésor il y a, il a été amputé de 150 millions d’euros, par application d’un principe de justice fiscale conduisant le Gouvernement à demander à l’ensemble des acteurs publics de faire des économies.

Par ailleurs, si les entreprises sont très peu nombreuses – il s’agit de celles assurant des fonctions de production exécutive pour la réalisation d’œuvres produites par des entreprises étrangères – elles n’en sont pas moins réelles. Le dispositif dont il est question ne saurait donc se limiter à susciter des effets d’aubaine.

Cet effort fait en faveur du cinéma n’est pas la seule mesure concernant la culture, nous aurons prochainement l’occasion d’examiner d’autres dispositions fiscales dans ce domaine et j’espère, mes chers collègues, que nous vous trouverons alors à nos côtés.

Pour ce qui est de l’amendement n° 742 rectifié, je répète que j’y suis favorable à titre personnel.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je ne parlerai pas d’autres niches fiscales telles les SOFICA, mais je veux insister sur ce qu’il y a d’étonnant à voir arriver un amendement dont on ne sait pas à qui il profite…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce n’est tout de même pas la première fois qu’un amendement arrive au dernier moment ! La niche Copé, elle est arrivée comment ?

M. Julien Aubert. Pour commencer, on se demande s’il est vraiment nécessaire de mettre en place un dispositif d’exemption fiscale en faveur de la production exécutive pour la réalisation d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles produites par des entreprises étrangères. Sur ce point, comme son nom l’indique, l’exposé est très sommaire, et ne permet pas au législateur de connaître la raison d’être de cette niche fiscale. Il n’y a pas ici que des députés ayant déjà trois ou quatre mandats derrière eux, il faut aussi penser à ceux qui, comme moi, viennent d’arriver et qui, ignorant l’historique de la mesure dont nous débattons, sont bien en peine de se prononcer sur sa pertinence.

Par ailleurs, on nous dit que la mesure ne va coûter que quelques millions d’euros. Je me rappelle être intervenu, aux côtés d’autres députés, lors de l’examen du budget des anciens combattants, pour tenter de convaincre le Gouvernement de solder le cas des combattants en Algérie pour cinq millions d’euros : on nous a alors expliqué qu’il était impossible de sortir cette somme. Aujourd’hui, une dépense d’un montant équivalent, présentée en fin de séance à huit heures du soir, ne semble plus poser aucun problème !

Je ne suis pas forcément contre cet amendement, mais je trouve tout de même qu’il manque au débat des données essentielles pour me permettre de me prononcer en toute connaissance de cause : j’estime ne pas être en possession des éléments de nature à me convaincre que les contribuables français doivent aider la réalisation d’œuvres cinématographiques par des entreprises étrangères.

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Madame la ministre, monsieur le rapporteur général, vos argumentaires présentent des interprétations extrêmement variées dans le temps : ainsi, vous venez de nous démontrer exactement l’inverse de ce que vous avez soutenu tout l’après-midi. Quand on vous demande de proroger certaines dates, vous nous répondez qu’il n’y a pas d’urgence, qu’il faut encore réfléchir.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais là, il y a une échéance !

M. Alain Chrétien. En revanche, au sujet d’un amendement dont on n’a pas d’évaluation budgétaire précise…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je l’ai donnée, l’évaluation !

M. Alain Chrétien. …et qui semble surprendre tout le monde, y compris la majorité socialiste, vous ne voyez pas d’inconvénient à prendre une décision immédiate.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais on arrive à l’échéance, vous ne comprenez pas ?

M. Alain Chrétien. Vous défendez donc des positions diamétralement opposées selon que les propositions viennent de la majorité ou de l’opposition. Même si, en l’occurrence, l’échéance est fixée à la fin 2012…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Voilà ! C’est pour ça qu’il faut le faire !

M. Alain Chrétien. …nous avons aussi défendu des propositions de prorogation présentant un caractère d’urgence, qui n’ont pas eu davantage de succès auprès de vous – je pense aux jeunes entreprises innovantes ou à l’éco-prêt.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Décidément, vous ne comprenez rien !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je suis choquée de voir arriver un amendement surprise, non examiné par la commission, qui donne une impression de précipitation : il semble n’y avoir aucune anticipation, ce qui me paraît assez inquiétant.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Bien sûr ! Ce n’était jamais arrivé, de voir un amendement arriver tardivement !

Mme Véronique Louwagie. Sur le fond, il s’agit d’une niche fiscale, qui devrait être réduite ou supprimée comme le sont actuellement toutes les autres mesures d’incitation fiscale. Ainsi, il est proposé de diminuer le plafonnement des crédits et réductions d’impôts, qui va passer de 18 000 euros et 4 % du revenu à 10 000 euros. Il y a deux poids, deux mesures : d’un côté, les familles et les contribuables se voient imposer des limitations de leurs crédits et réductions d’impôts, alors qu’elles investissent dans des emplois à domicile, dans l’immobilier, dans les travaux de rénovation ; de l’autre, le cinéma bénéficie d’une attitude tout à fait différente. Cette absence de logique dans vos propositions me semble profondément choquante.

Mme Laure de La Raudière. Tout à fait ! Il n’y a aucune logique !

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Monsieur le président, compte tenu du caractère très tardif de cet amendement et des points qui viennent d’être exposés, je vous demande une courte suspension de séance afin que mon groupe puisse se réunir et décider d’une attitude commune.

M. le président. Je vous accorde une suspension de deux minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en revenons à l’amendement n° 742 rectifié.

La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Si j’ai bien compris, M. le rapporteur général nous a expliqué que la commission n’avait pas étudié l’amendement – ce qui, j’en conviens, arrive très souvent –, mais il a ajouté qu’il en avait récemment pris connaissance et qu’il l’avait étudié rapidement.

Quand on connaît votre expertise, monsieur le rapporteur général, ce n’est pas de nature à nous rassurer !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce n’est pas très sympathique. Je pourrais le prendre mal ! (Sourires.)

M. Gérald Darmanin. Vous auriez tort de voir de la malice dans mes propos, d’autant que, à cette heure tardive, tout le monde est pressé que la discussion sur cet amendement se termine.

Pour en revenir justement à cet amendement, vous portez un mauvais coup aux parlementaires, madame la ministre.

Certes, le cinéma est un élément important de notre culture, mais il aurait été bon que M. le président de la commission des affaires culturelles soit présent pour nous expliquer les conséquences de ce texte. Étant membre de cette commission, je peux en témoigner : nous n’avons pas eu non plus l’occasion de discuter de cet amendement.

Je sais bien, madame la ministre déléguée, que vous êtes solidaire de l’ensemble des membres du Gouvernement, mais je vous ferai observer que cela fait deux fois que Mme Filippetti n’est pas là pour nous expliquer certaines incidences importantes sur son budget. Faut-il en conclure qu’elle est absente lorsqu’il s’agit de défendre son budget et, au-delà, le cinéma et la création ?

En ce qui concerne, d’ailleurs, le budget de la culture, vous me pardonnerez de vous dire, monsieur le rapporteur général, que vous avez sans doute mal compris Mme de La Raudière. Ce budget diminue. On peut s’en réjouir et considérer qu’il participe à l’effort de réduction des finances publiques, mais on peut aussi observer que la répartition de la baisse est étonnante : sur le patrimoine, la diminution est de 10 %, mais sur d’autres secteurs, tel le spectacle vivant, elle est beaucoup moins importante. Les arbitrages ne témoignent pas tous d’une volonté de faire attention aux dépenses publiques !

Voter un tel amendement, présenté à la sauvette, au dernier moment, et sans que l’on ait reçu la moindre explication rationnelle sur ce crédit d’impôt, me paraît extrêmement étonnant. Les membres de l’opposition voteront donc contre ou bien s’abstiendront. J’espère que vous ne continuerez pas d’appliquer cette méthode dans la suite de nos débats.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’entends bien les questions qui ont été posées en ce qui concerne la méthode. Je n’aime pas en appeler aux plus anciens contre les nouveaux dans cette assemblée, mais enfin, force est de rappeler que, des amendements déposés par le Gouvernement et qui n’ont pas été étudiés par la commission, on en voit très régulièrement…

M. Benoist Apparu. De notre temps, cela n’arrivait jamais ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Merci de votre soutien, mon cher collègue ! (Sourires.)

Je vous rappelle, par exemple, que la niche Copé a été votée à la dernière minute, au milieu de la nuit, au Sénat…

M. Gérald Darmanin. Le changement, c’est maintenant !

M. Alain Chrétien. Si vous en reveniez au cinéma ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne vous ai pas interrompus, mes chers collègues. Laissez-moi m’exprimer.

La niche Copé, disais-je, a coûté plusieurs milliards. Or elle avait été créée sans la moindre étude d’impact. Cela dit, cela n’a rien à voir avec cet amendement.

En ce qui concerne la question des dates, mes chers collègues, je ne suis pas en contradiction avec moi-même. Je dis qu’il faut reconduire – ou non – les dispositifs au moment où l’on atteint la date d’échéance.

Je vous donnerai deux exemples. L’échéance du dispositif Madelin, dont nous parlerons à un autre article, est en 2012. Je vous proposerai donc – et il me semble que le Gouvernement en sera d’accord – de le prolonger, parce que nous sommes à la date d’échéance. Il en va de même pour le crédit d’impôt pour les agriculteurs, notamment les éleveurs, prenant des congés. Le dispositif arrive à échéance à la fin de l’année. La commission a déjà examiné un amendement qui tend à le proroger, parce qu’il nous semble intéressant et utile. Et je pourrais vous donner bien d’autres exemples !

Au contraire, s’agissant de dispositifs dont l’échéance est située à la fin de l’année 2013, j’ai eu l’occasion, y compris sur des amendements déposés par la majorité, de donner des avis défavorables. Je me souviens parfaitement d’un amendement de Marc Goua qui tendait à prolonger un dispositif qui s’arrêtait à la fin 2013. Je lui ai fait la même réponse et nous n’avons pas retenu l’amendement. Il n’y a donc aucune contradiction, mes chers collègues.

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Sur le fond de cet amendement et sur son impact, le Gouvernement s’est exprimé et j’ai moi-même donné un certain nombre de précisions sur le nombre d’entreprises concernées et sur les volumes financiers. Je pense donc que le Parlement est parfaitement informé.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je tiens d’abord à saluer ce que j’appellerai une certaine exception française en matière de cinéma. Plusieurs pays voisins, certains même qui, en d’autres temps, ont donné le la dans ce domaine, ont vu s’effondrer complètement leur création cinématographique. De ce point de vue, je suis de ceux qui se réjouissent de la prospérité relative de la création française dans ce domaine.

Vous avez évoqué le prélèvement de 150 millions sur le CNC ; dont acte, même si point trop n’en faut ! Vous m’accorderez tout de même, à propos du présent amendement, que les données qui nous sont présentées sont pour le moins incomplètes. Peu importe au fond de savoir que le dispositif coûtera 3 millions et qu’il concernera une dizaine d’entreprises. La question est de savoir si, pour chacune de ces entreprises, la somme accordée est déterminante.

En d’autres termes, s’agit-il de grands groupes pour lesquels le crédit d’impôt ne représente qu’une infime fraction de leur chiffre d’affaires, auquel cas on est purement et simplement dans l’effet d’aubaine, ou bien la somme allouée vient-elle véritablement appuyer une démarche de création digne de ce nom ? Force est de reconnaître que l’on n’a aucune réponse à cette question. Même si le montant en jeu reste, au regard des chiffres que vous citiez, tout à fait raisonnable, cela me gêne un peu de signer un chèque en blanc. Pour le reste, je le répète, je suis tout à fait ouvert à cette démarche. J’aurais simplement aimé en savoir davantage.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Comme M. Piron, je pense que, si nous avons un cinéma qui se porte bien, c’est grâce à cette fameuse exception culturelle, qui nous a conduits, dans ce domaine, à faire des efforts spécifiques.

Je sais bien que vous êtes aujourd’hui dans l’opposition, mais n’oubliez pas que vous avez été dans la majorité.

M. Benoist Apparu. Aucun risque, vous nous le rappelez tout le temps ! (Sourires.)

M. Pierre-Alain Muet. Or je suis un peu étonné, car c’est vous qui avez instauré ce dispositif en 2009.

M. Gérald Darmanin. Là n’est pas la question !

M. Pierre-Alain Muet. M. Woerth était alors ministre. À l’époque, la mesure avait été justifiée par la nécessité de soutenir l’industrie cinématographique. Peut-être le dispositif n’a-t-il pas fait l’objet d’une évaluation, mais ne reprochez pas au nouveau gouvernement, alors même que cela coûte très peu d’argent, de garantir la stabilité fiscale. Vous êtes en pleine incohérence ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. Ça, c’est la meilleure !

M. Pierre-Alain Muet. Eh oui, mes chers collègues ! Toute la journée, vous nous avez fait des discours sur la stabilité fiscale. Eh bien, oui, nous conservons ce dispositif, dont je pense qu’il est incitatif, même si cela ne se mesure pas forcément au nombre de millions qu’il coûte.

Vous nous reprochez de garder un dispositif qui coûte 3 millions. Pour ma part, j’ai souvenir de la niche Copé qui coûtait, non pas 3 millions, mais au moins 3 milliards. Elle avait été adoptée une nuit, sans aucun argument, sur la base d’un vague rapport – mais je ne rouvrirai pas la discussion sur ce sujet. Cela ne devait rien coûter, disiez-vous. Mieux, cela devait rapporter ! Au final, elle a coûté entre 3 et 5 milliards à nos finances publiques. Il fallait donc faire quelque chose pour y remédier. Au contraire, il est tout à fait cohérent de conserver le présent dispositif, surtout au regard de son coût. L’exception culturelle mérite largement 3 millions.

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La discussion que nous avons sur ce modeste amendement gouvernemental qui vise à prolonger un système qui a effectivement été créé il y a trois ans n’a pour but que d’aider notre rapporteur général. (Sourires.)

M. Gérald Darmanin. Il en a bien besoin !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En effet, les amendements de ce type, qui concernent le secteur culturel et créent des niches diverses et variées, ont fleuri ces dernières années.

M. Pierre-Alain Muet. Surtout au cours des dix dernières !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je voudrais vous faire méditer sur un chiffre.

Nous avons récemment examiné en commission élargie le budget de la culture, lequel doit être considéré, non pas seulement à travers les crédits budgétaires, mais en consolidé, c’est-à-dire en ajoutant aux crédits budgétaires les dépenses fiscales et ce qui se passe chez les opérateurs. Or voici les chiffres : 6 milliards d’euros en 2004 et plus de 8 milliards en 2012. Soit une progression proche de 50 % en consolidé.

M. Charles de Courson. Eh oui ! Est-ce raisonnable ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. À vingt et une heures trente, nous allons reprendre nos débats à l’article 56. Notre rapporteur général, dont je me sens profondément solidaire, va nous expliquer qu’il est parfaitement légitime de sortir de tout plafond – je dis bien de tout plafond – les SOFICA et le Malraux. Or il a dû battre en retraite sur le CNC, qui est le seul opérateur à ne pas être plafonné, même si on lui prend 150 millions d’euros. On pourrait multiplier les exemples de ce type.

Tout à l’heure, nous examinerons un amendement de Marie-Christine Dalloz portant sur les exonérations d’impôt sur les sociétés au titre du mécénat d’entreprise. Quel a été, en effet, le coût de la loi de 2003 relative au mécénat ? En 2004, la première année, la dépense aura été de 80 millions d’euros ; aujourd’hui, elle s’élève à 800 millions. Je soutiens que nous ne pouvons plus rester passifs devant cette envolée subreptice et dissimulée des dépenses dans le domaine culturel.

Certes, il y a l’exception culturelle, mais il y a aussi la nécessité absolue d’essayer de maîtriser nos dépenses. Vous voyez donc, monsieur le rapporteur général, que c’est par solidarité profonde à l’égard de votre rôle ô combien ingrat que nous avons souhaité passer un moment sur ce modeste amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’indique à Gilles Carrez que le rapporteur général a déposé un amendement, adopté par la commission des finances, qui propose d’inclure les SOFICA dans le plafond de 18 000 euros plus 4 %.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je le soutiendrai !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est une décision de la commission ; et j’ai eu la même attitude sur des sujets similaires. À chacun ensuite de prendre ses responsabilités.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous aurez notre soutien !

(L’amendement n° 742 rectifié est adopté.)

M. Charles de Courson. Elle est belle, la gauche !

M. le président. Le Gouvernement vient de m’informer qu’il renonçait à la réserve des articles 56 et à après 57, qui n’a plus lieu d’être puisque M. Cahuzac pourra nous rejoindre tout à l’heure.

Nous reprendrons donc, à vingt et une heure trente, l’examen des articles dans leur ordre normal et commencerons par l’article 56.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2013 : suite de l’examen des articles non rattachés.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)