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Troisième séance du vendredi 8 février 2013

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

Ouverture du mariage aux couples de personnes du même sexe

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 2040 à l’article 16 bis.

Article 16 bis

M. le président. Nous en venons à l’article 16 bis.

Mes chers collègues, si chacun d’entre nous y met un peu de bonne volonté, nous pourrons terminer l’examen de ce projet de loi dans la nuit. C’est donc vous qui déterminerez l’heure de la nuit à laquelle nous terminerons nos débats.

M. Patrick Ollier. On peut y arriver, monsieur le président.

M. le président. Je vois que chacun a bien compris mon message. Je sais que M. Mariton doit déguster une omelette aux truffes : autant qu’il soit en forme pour cette dégustation !

M. Patrick Ollier. Il doit la déguster dimanche !

M. le président. Justement, il pourra se reposer samedi. Il faudra ensuite qu’il nous en rapporte un petit peu, pour que nous puissions la goûter.

Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2040.

M. Hervé Mariton. Nous avons largement débattu du fond de cette question tout à l’heure, en fin de séance.

Permettez-moi de poser une question supplémentaire. Imaginons un couple, ou une personne, auquel ou à laquelle on propose une mutation à l’étranger. Ce couple – marié ou non – ou cette personne a des enfants, dont un ou plusieurs sont homosexuels.

Ce foyer est composé de parents, ou simplement d’un parent, ainsi que d’enfants, dont au moins un est homosexuel.

M. Erwann Binet, rapporteur et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. On a compris !

M. Hervé Mariton. Cet enfant serait de fait concerné par la mutation de son ou de ses parents.

Madame la ministre de la justice, je pense que cette question est sérieuse. Vous pourriez y prêter attention. Il y a une grande différence entre la rédaction que je propose et celle du texte de la commission ; je dis cela sans esprit partisan. Cette différence réside dans le fait que ma formulation permet à la personne mutée de refuser sa mutation parce que son enfant homosexuel serait en danger dans le pays où on lui propose d’aller. Votre formulation, à l’inverse, ne permet de protéger que la personne mariée, ou éventuellement pacsée. Je me permets de rappeler cela.

Les salariés non pacsés ou mariés seront-ils obligés de courir ce risque, au seul motif que nous aurions décidé de ne pas étendre la protection à tous les Français ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Votre amendement, monsieur Mariton, propose de supprimer la fin de l’alinéa 2 de l’article 6 bis, après le mot « homosexualité ».

Je vais lire cet article, car tous les termes sont importants : « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé une mutation géographique dans un État incriminant l’homosexualité, s’il est marié avec une personne de même sexe. » Avec l’amendement n° 2040, vous rendriez inefficaces les clauses de mobilité de tous les salariés, qu’ils soient homosexuels ou non, dans le cas d’une mutation dans un pays incriminant l’homosexualité.

M. Hervé Mariton. C’est exact.

M. Erwann Binet. C’est excessif ! Vous avez pour habitude de tirer d’abord trop court, pour ensuite ajuster votre tir. Pour une fois, vous tirez beaucoup trop loin ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

C’est une image que vous employez régulièrement, monsieur Mariton. Vous tirez beaucoup trop loin : c’est une évidence !

M. Hervé Mariton. L’école Polytechnique est historiquement une école d’artillerie ! (Sourires.)

M. Erwann Binet, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. À la lumière des échanges que nous avons eus tout à l’heure, l’avis du Gouvernement est clairement défavorable.

M. Jean Glavany. Eh oui ! Ça suffit comme ça !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je trépigne d’impatience en attendant de savoir ce que M. le rapporteur nous dira de l’amendement n° 2027, lorsque notre collègue Hervé Mariton le présentera dans quelques minutes. Cet amendement répond précisément aux insuffisances que vous reprochez à l’amendement n° 2040. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

À l’occasion de la discussion de cet amendement, je vous invite à réfléchir à la certitude que vous avez laissé paraître tout à l’heure. Vous avez en effet utilisé une formule qui m’a laissé très perplexe, celle de l’évidence de l’acte d’état civil. J’aurais pu relever cette formule tout à l’heure, mais mes deux collègues auteurs de l’amendement avaient toute légitimité pour répondre à la commission et au Gouvernement.

Vous considérez que l’acte d’état civil établit de manière certaine, assurée et définitive, une évidence quant à l’orientation sexuelle des personnes qui y figurent. Je ne suis pas persuadé que cette certitude soit aussi inébranlable que cela. Nous pourrions tous citer des exemples, tirés de notre expérience personnelle, qui tempèrent cette certitude. Je compte parmi mes amis de très longue date un couple marié, hétérosexuel, ayant eu trois enfants. La conjointe a quitté le domicile conjugal, son mari et ses enfants pour rejoindre sa compagne. Le mariage n’ayant pas été immédiatement dissous, l’acte d’état civil ne correspondait plus, pendant un certain temps, à l’orientation sexuelle de la personne en question.

Je me permets de vous donner cet exemple pour faire valoir une chose : nous souhaitons que la protection des personnes homosexuelles ne se réduise pas au cadre du mariage. Voilà à quoi tendent nos arguments, et les amendements que nous défendons.

(L’amendement n° 2040 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2027.

M. Hervé Mariton. L’artillerie est avant tout affaire de géométrie. (Sourires.)

M. Jean Glavany. C’est un spécialiste qui parle !

M. Hervé Mariton. Cela me paraît évident. Je réponds à la préoccupation de M. le rapporteur : comme l’a annoncé Guy Geoffroy, j’ajuste le tir. J’ajoute donc à ma proposition de rédaction la mention suivante : « s’il est homosexuel ». J’avoue avoir eu quelque réticence à proposer cette formulation, car elle implique que les personnes concernées énoncent leur orientation sexuelle.

Cependant, puisque vous n’avez pas accepté mon amendement précédent, celui-ci me paraît apporter une moins mauvaise solution. Certes, il pourrait être formulé un peu différemment. Mais s’il devait être adopté, la navette parlementaire permettrait de l’améliorer encore. Le principe, au moins, serait acquis.

Avec cet amendement n° 2027, la personne homosexuelle serait protégée, et pourrait éventuellement protéger ses enfants. Au moment de la discussion de l’amendement précédent, n° 2040, vous ne m’avez pas répondu sur ce point : votre dispositif est totalement inefficace pour protéger la famille dans son ensemble, et les enfants homosexuels en particulier.

Quoi qu’il en soit, cet amendement corrige le tir. J’espère que vous y serez favorable. Il est cependant vraiment dommage que vous n’ayez pas accepté l’amendement précédent. Le contenu de cet amendement pourrait être corrigé, puis intégré à l’un des amendements que vous présenterez plus tard. Il s’agira alors d’allonger le tir de votre amendement, qui est peut-être un peu court. L’amendement proviendra alors du groupe socialiste, et non du groupe UMP. Dans ce cas, nous pourrions nous aussi le voter.

M. le président. Monsieur le rapporteur, cet amendement est-il un boulet ? (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Oh ! Fait personnel ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est un amendement canon, monsieur le président ! (Sourires.)

M. Erwann Binet, rapporteur. Je pense que vous tirez encore une fois trop loin.

Ma réponse portera également sur votre préoccupation – que je comprends – concernant les enfants de ces familles, qui s’expatrient avec leurs parents. Vous proposez à présent d’ouvrir la protection de l’article 16 bis à toute personne homosexuelle, et non plus seulement aux personnes homosexuelles mariées ou pacsées, dont nous parlerons tout à l’heure. Nous nous situons là dans le cadre des relations de travail. Cet article donne la possibilité aux salariés d’émettre une objection à leur mutation dans un État incriminant l’homosexualité.

Il faut objectiver cette protection, il faut qu’elle soit concrète, pratique. Pardonnez-moi, mais je ne vois pas comment un homosexuel pourrait prouver qu’il l’est, ni comment les employeurs pourraient contrôler que leurs employés disant être homosexuels le sont ! Le mariage permet d’éviter cet écueil. J’entends bien les arguments de M. Geoffroy, mais ils ne portent que sur des cas marginaux. Le mariage, parce qu’il établit dans l’état civil la réalité de la relation entre deux hommes ou deux femmes, tend à démontrer leur homosexualité.

M. Guy Geoffroy. S’ils sont mariés !

M. Erwann Binet, rapporteur. Oui, cela ne concerne pas le Pacs.

M. Hervé Mariton. Il fallait donc accepter l’amendement n° 2040 !

M. Erwann Binet, rapporteur. En l’occurrence, nous visons clairement les incriminations en vigueur dans certains pays, qui sont précisément dénombrés : il y en a 88 dans le monde, dont huit où les homosexuels encourent la peine de mort.

Marie-Françoise Clergeau et moi souhaitons vraiment objectiver la situation des personnes qui sont homosexuelles et ne peuvent pas le cacher car cet état de fait est inscrit dans leur état civil. C’est la raison pour laquelle la commission a donné un avis défavorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Geoffroy, si j’entends bien l’exemple que vous avez donné…

M. Guy Geoffroy. C’est un cas parmi d’autres !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tout à fait ! Justement, ce n’est qu’un cas parmi d’autres !

Projetons-nous dans la situation future, lorsque ce projet de loi sera adopté. Le fait est que deux personnes de même sexe pourront être mariées. Le document d’état civil que ces personnes pourront être amenées à communiquer à leur employeur fera apparaître qu’elles ont épousé une personne de même sexe. Cela me paraît être une bonne preuve de leur homosexualité. À partir de là, on peut faire des gammes…

M. Guy Geoffroy. Non, madame la ministre ! De grâce, restons sérieux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela paraît tout de même évident !

Notre souci actuel est de protéger des personnes dont l’état civil établit qu’elles ont épousé une personne de même sexe. Il ne s’agit pas de se préoccuper de l’homosexualité des employés : je suis tout à fait hostile au fait d’inscrire dans la loi des mentions telles que « s’il est homosexuel ».

M. Philippe Le Ray. Très bien ! Vous avez raison !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Notre souci est de savoir si des documents d’état civil établissent qu’une personne a épousé une autre personne de même sexe. Sur la base de ces documents d’état civil, son orientation sexuelle est évidente : il n’y a pas besoin d’un coming out, ni d’un aveu, d’une explication, ou de quoi que ce soit pour la prouver ! Nous devons protéger ces personnes-là.

Les personnes dans cette situation dont le contrat de travail comporte une clause de mobilité doivent être en mesure de faire prévaloir leur sécurité. Pour cela, elles doivent pouvoir objecter leur homosexualité pour ne pas être affectées dans des pays la réprimant. Je ne vois pas où est la difficulté.

Vous nous dites que les documents d’état civil ne garantissent pas toujours l’orientation sexuelle des personnes concernées à un moment donné. Oui, il y a des cas de mariages qui se terminent au bout de soixante-cinq ans de vie commune, et des couples qui restent mariés bien que les conjoints ne vivent plus ensemble. D’autres couples divorcent au bout de six mois.

Comme l’a dit un député de l’opposition – il me semble que c’était M. Mariton, au cours des débats en commission des lois –, il ne faut pas comparer le Pacs et le mariage, car le mariage est a priori une institution stable. Certes, le mariage va de pair avec le droit de divorcer, et la liberté de se marier ne se conçoit qu’avec la liberté de défaire le mariage : je n’ai jamais cessé de le répéter. Il n’en demeure pas moins qu’a priori le mariage est une institution stable. Si un acte d’état civil fait apparaître un mariage entre deux personnes de même sexe, l’orientation sexuelle de ces personnes est d’une certaine façon affichée. Notre souci est de les protéger. Avis défavorable.

(L’amendement n° 2027 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n° 13.

Mme Véronique Massonneau. Comme cela a déjà été dit par plusieurs orateurs, l’article 16 bis vise à empêcher le licenciement d’une personne mariée à un conjoint de même sexe qui refuserait une mutation dans l’un des 80 États incriminant l’homosexualité. L’homosexualité est malheureusement encore passible de la peine de mort dans sept de ces États.

Cet amendement, semblable à celui de Mme Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, propose d’élargir cette nécessaire protection aux salariés partenaires d’un PACS conclu avec une personne de même sexe. Le fait d’être pacsé figure en mention marginale sur l’acte de naissance de chaque partenaire. Il s’agit de protéger ces personnes en cas de refus de mutation. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2025.

M. Hervé Mariton. Nous essayons de faire des progrès, même partiels. Je dois dire que je ne comprends plus votre attitude. Les différents groupes de cette assemblée ont, sur ce projet de loi, des positions différentes. Alors que nous arrivons à la fin de nos débats, nous assistons à une sorte de raidissement partisan assez compliqué à décrypter.

Notre amendement n° 13 propose d’étendre cette disposition aux partenaires pacsés en essayant d’ajuster le tir et l’amendement n° 2025 suggère de l’appliquer aux partenaires de pacte civil de solidarité. L’amendement des Verts, tout en étant moins bon que notre amendement initial, est utile, parce qu’il couvre la situation de l’enfant homosexuel et celle des partenaires pacsés, que ce soit deux hommes, deux femmes ou un homme et une femme.

Je précise parce qu’il semble y avoir un certain trouble…

M. le président. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Hervé Mariton. Par cet amendement, nous proposons de préciser non pas si le salarié est marié avec une personne de même sexe, mais s’il est marié ou pacsé. L’amendement ainsi rédigé ne fait aucune référence au mariage de personnes de même sexe.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour soutenir l'amendement n° 4914.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Je crois que l’amendement que je vais vous présenter va nous mettre tous d’accord !

Nous avons tous bien compris que le fait d’être homosexuel n’est pas une réalité juridique, alors qu’il convient de se baser sur des faits juridiques. Ce qui est vrai pour le mariage de personnes de même sexe l’est également pour le Pacs liant des personnes de même sexe.

Je propose donc d’ajouter au deuxième alinéa de l’article 16 bis, après le mot « marié » les mots : « ou lié par un pacte civil de solidarité » ; la phrase se lisant ainsi : « marié ou lié par un pacte civil de solidarité », ce qui paraît parfaitement logique et cohérent avec toutes les discussions que nous avons depuis, maintenant, plus d’une heure.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements nos 13, 2025 et 4914 ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Ces trois amendements apportent la même précision. La volonté est la même et nous sommes tous d’accord. Seules les formulations diffèrent. L’amendement de M. Mariton emploie le mot « pacsé ». Or, si ce mot est employé dans le langage courant, il n’est pas juridiquement satisfaisant, car il n’existe pas dans notre droit. Il en va de même de l’amendement de M. Coronado. Un Pacs est un contrat et l’on ne peut être partenaire d’un Pacs. La formulation juridiquement consacrée, « ou lié par un pacte civil de solidarité » – et je pense que nous sommes tous d’accord – , est celle reprise par l’amendement de Mme Clergeau. C’est pour cette raison que la commission a donné un avis défavorable aux deux premiers amendements et a donné un avis favorable à celui de Mme Clergeau.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’esprit de ces trois amendements est exactement le même, il s’agit juste d’une question de formulation. Le Gouvernement approuve la démarche. Il a simplement choisi, parmi ces trois amendements, celui qui a été rédigé par Mme la rapporteure pour avis, auquel il donne donc un avis favorable, cet avis favorable n’étant que virtuel pour les deux autres.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Autant mon amendement initial était bien rédigé, autant je ne suis pas certain que l’amendement que j’ai précédemment défendu l’était parfaitement ! J’avais en effet en tête que l’on précise : « dans un État incriminant l’homosexualité, s’il est marié ou pacsé. » Je prends bien entendu en compte l’observation syntaxique du rapporteur. L’amendement n° 13 propose quant à lui de préciser : « s’il est marié ou pacsé avec une personne de même sexe ». Autant nous souhaitons apporter une réponse à toutes les situations, autant – et je m’exprime à titre personnel – il ne me paraît pas judicieux d’apporter une protection aux seules personnes mariées ou pacsées avec une personne de même sexe, parce que cela ne répond pas aux configurations concrètes que j’ai évoquées tout à l’heure, à savoir la situation de l’enfant homosexuel. Un amendement précisant « marié ou pacsé » sans apporter davantage de précisions, mais couvrant un grand nombre de situations, nous conviendrait, même s’il semble préférable d’offrir la protection à tous : mariés, pacsés, concubins, célibataires. Mais, tel que le texte est actuellement rédigé, il est trop restrictif. Par conséquent, en ce qui me concerne, je ne soutiendrai pas l’amendement de Mme Clergeau dont le ciblage est trop étroit puisque exclusivement réservé aux couples de même sexe.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. L’amendement de Mme Clergeau est à mon sens parfait. Il est fort bien rédigé et il prend en compte les deux situations : ceux qui sont mariés et ceux qui sont pacsés, car il y a un acte. Quant aux autres, cela ne les élimine pas. En effet, la jurisprudence, comme cela a pu se passer, par exemple, en matière de préjudice moral lors d’accidents de voiture, s’est d’abord appliquée aux personnes mariées, puis aux concubins et, enfin, à ceux qui démontraient par tous moyens devant le tribunal qu’ils se trouvaient dans la même situation que s’ils étaient mariés. Les homosexuels qui ont une vie continue ensemble, mais qui ne sont pas liés par un Pacs ou par un contrat de mariage, pourront démontrer la pérennité de leur situation et, à partir de ce moment, obtenir leur protection devant les tribunaux. J’espère que ces précisions qui figureront au Journal officiel leur serviront.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous soutiendrons l’amendement présenté par Mme la rapporteure, mais nous aurions préféré que vous proposiez de sous-amender notre amendement. Vous auriez, ainsi, pu accepter un amendement émanant des écologistes sur un sujet fondamental et qui a fort bien été expliqué par M. le rapporteur et par Mme la garde des sceaux en réponse aux explications de M. Mariton, qui n’étaient pas faites sous la forme d’une injonction.

Vous avez fait effectivement quelques gammes sur ce sujet, pour reprendre l’expression très judicieuse de Mme la garde des sceaux. On ne pouvait pas imaginer accorder une protection à des couples homosexuels mariés sans l’étendre au pacte civil de solidarité.

M. Hervé Mariton. Et aux autres !

M. Noël Mamère. Nous avons déjà parlé des autres ! Nous n’allons pas recommencer le débat ! Les arguments invoqués me paraissent extrêmement justes. Ce que vous avez soutenu ne peut pas faire partie de ce texte de loi,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr que si !

M. Noël Mamère. …car c’est un autre sujet qui pourrait trouver sa place dans des lois sur la protection des droits de l’homme.

M. le président. La parole est à M. Serge Janquin.

M. Serge Janquin. Je me réjouis de constater que, sur tous les bancs de cette assemblée, on s’inquiète de la situation des homosexuels mutés à l’étranger. On compte encore soixante-dix-huit pays qui répriment vigoureusement l’homosexualité, laquelle est passible de la peine de mort dans sept d’entre eux.

Cette préoccupation est donc légitime. Cela dit, l’amendement présenté par Mme Clergeau est le seul à être cadré en droit. Je propose donc de s’y rallier, puisqu’il répond à la préoccupation de chacun.

M. le président. L’amendement n° 13 est-il maintenu, monsieur Coronado ?

M. Sergio Coronado. Comme l’a dit M. Mamère, nous acceptons la proposition de la rapporteure.

M. le président. Donc vous retirez cet amendement ?

M. Noël Mamère. Non ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Mamère.

M. Noël Mamère. Construire l’État de droit, c’est aussi faire de la politique, pardonnez-moi de vous le dire ! Sur la question du mariage des personnes de même sexe, je pense que ceux qui siègent sur nos bancs ont une certaine longueur d’avance. Cela fait des années que nous attendions le vote d’un tel texte. Si je fais le compte de tout ce qui a été discuté depuis plus d’une semaine, je constate qu’aucun amendement des écologistes n’a été repris par le Gouvernement. Donc, vous vous prononcerez sur notre amendement et nous voterons celui de Mme Clergeau, mais, pour une question de principe, nous ne retirons pas notre amendement !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Mon intervention se fonde sur l’article 58.

Si je comprends bien, M. Mamère maintient un amendement dont il n’est pas le signataire, puisqu’il est présenté par M. Coronado.

M. Noël Mamère. Si !

M. le président. Cet amendement a plusieurs signataires ; sinon, je ne lui aurais pas donné la parole.

M. Christian Jacob. Comment allez-vous arbitrer au sein du groupe écologiste, alors qu’un des signataires maintient l’amendement tandis que l’autre le retire ? Je pose cette question pour éclairer le débat !

M. le président. Monsieur Jacob, à partir du moment où il n’y a pas consensus au sein du groupe, je soumets l’amendement au vote de l’Assemblée.

M. le président. Je vais donc mettre ces amendements aux voix.

(L'amendement n° 13 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 2025 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 4914 est adopté.)

(L'article 16 bis, amendé, est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Dolez. Très bien !

Article 21

M. le président. Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. L’article 21 traite de la situation de la collectivité départementale de Mayotte qui peut justifier, compte tenu de sa situation particulière, une réponse spécifique.

Pour une fois, le Gouvernement examine un peu finement les situations et essaie de leur adapter son projet. Toutefois, ce texte ne nous satisfait globalement pas. Je le rappelle, parce que votre regard est curieux, madame la garde des sceaux. Notre collègue de la Martinique, s’est exprimé à la tribune avec force, talent et conviction contre le texte. Or vous nous avez répondu que nombreux étaient ceux qui y étaient favorables. J’ai cru comprendre qu’au sein du groupe GDR, bien que je n’aie pas à intervenir en son nom,…

M. Marc Dolez. J’espère bien !

M. Hervé Mariton. …de très nombreux parlementaires, tous n’étant d’ailleurs pas issus d’outre-mer, étaient défavorables à ce texte.

M. Matthias Fekl. Ils ont un nom !

M. Hervé Mariton. Nous les respectons tous. Mon propos n’est pas désagréable. Je ne vous comprends pas.

Nous espérons qu’au Sénat beaucoup de parlementaires d’outre-mer – qui sont plus nombreux au sein du groupe socialiste – pourront exercer leur liberté, et que cela permettra de faire échec au texte.

M. Céleste Lett. C’est moins sûr !

M. Hervé Mariton. Vous ne pouvez pas affirmer, madame la garde des sceaux, que très peu de nos collègues y sont opposés, car c’est le cas d’un très grand nombre d’entre eux et vous le savez !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’ai pas dit cela et ce n’est pas une question arithmétique !

M. Hervé Mariton. Ne m’interrompez pas, madame la garde des sceaux, parce que je ne vous interromps, pour ma part, que lorsque c’est absolument nécessaire ! (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. Vous venez d’accorder cinq secondes supplémentaires à M.  Mariton !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ne parlez pas en mon nom, je ne vous interromprai pas.

M. Hervé Mariton. Un grand nombre de parlementaires, de maires et de citoyens ne souhaitent pas ce texte, et la lecture de France-Antilles ces dernières semaines le démontrait clairement. C’est la loi de la République. Nous avons débattu de l’article 73 de la Constitution. Je rappelle simplement cette opposition.

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements tendant à supprimer l’article 21.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 440.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cela nous manquait !

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je suis heureux de vous entendre enfin !

Ce texte est critiqué par le plus grand nombre de nos concitoyens d’outre-mer, prenez-en conscience, mes chers collègues. Si, par malheur, il est voté, ce sera une loi de la République, mais il est important qu’elle soit comprise dans le plus grand nombre de territoires. Une loi dont on sait qu’elle est insupportable pour de nombreuses raisons dans une partie significative du territoire n’est pas une bonne loi, et les dispositions particulières que vous proposez pour Mayotte n’y changent rien. Le Gouvernement devrait donc s’interroger davantage.

J’ai d’ailleurs compris que, par exemple, celui de nos collègues qui a succédé sur nos bancs à Victorin Lurel n’avait pas toujours exprimé un grand enthousiasme pour ce texte.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et alors ?

M. Hervé Mariton. Mesurez-vous le courage que cela demande…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui. Il en faut !

M. Hervé Mariton. …à un député siégeant ici en tant que suppléant de l’un des membres du Gouvernement de dire son opposition au texte ?

M. Philippe Martin. Cela vous laisse pantois !

M. Hervé Mariton. Non. Dans notre groupe, chacun s’exprime librement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Chez nous aussi !

M. Hervé Mariton. Je souhaiterais simplement que vous teniez compte de cette objection, que, comme cela a été le cas à différentes périodes de notre histoire, vous voyiez là un élément précurseur d’une sagesse remarquable et que cela vous amène à retirer votre texte.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 452.

M. Christian Jacob. Hervé Mariton vient d’y faire allusion, on voit combien il est difficile pour nos collègues de la majorité qui ont envie d’avoir la même position que nous, c’est-à-dire de refuser ce texte, de s’exprimer. Ils ont été interdits de temps de parole dans la discussion générale, ils n’ont pas eu le droit de déposer des amendements. Nous n’avons pas pu les entendre parce que leur expression a été verrouillée.

En fait, un grand nombre d’entre eux, et on le voit outre-mer, ne se retrouvent pas dans ce texte, pour les mêmes raisons que nous. La PMA, les mauvaises rédactions et les incohérences du code civil, les risques encourus par les couples homosexuels étrangers venant se marier en France qui pourraient être condamnés au pénal dans leur pays d’origine, les difficultés pour le nom patronymique, les problèmes de rédaction de l’amendement balai, les références sexuées supprimées dans certains articles mais pas dans tous, et, fondamentalement, le droit à la filiation et le débat sur l’adoption, avec la PMA et la GPA, tout cela fait qu’il y a aujourd’hui un rejet. C’est la raison pour laquelle nous souhaitions que soit organisé un référendum.

Nous sentons bien qu’il y a une opposition globale à ce texte, et l’intérêt du débat que nous avons eu, c’est d’avoir pu la faire émerger. J’invite donc mes collègues de la majorité qui ont envie de nous rejoindre, qui ont le même socle de convictions que nous, à s’exprimer (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

M. Jean Glavany. Des noms !

M. Christian Jacob. …notamment ceux d’outre-mer, et je salue mon collègue du groupe communiste qui a pu s’exprimer.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 762.

M. Frédéric Reiss. L’article 21 prévoit un dispositif spécifique à Mayotte pour la désignation de l’allocataire des prestations familiales en cas de couple de deux personnes de même sexe.

Actuellement, à Mayotte, priorité est donnée à la mère pour la désignation de l’allocataire des prestations. Cette règle spécifique à Mayotte protège les droits des femmes et des enfants dans les foyers polygames, et cela me semble très important.

Depuis le début des débats, la majorité prône l’égalité des droits pour tous. On voit bien que le texte n’a pas été suffisamment travaillé et qu’il y a des dommages pour tous, y compris à Mayotte, et ce pour permettre le mariage de quelques-uns. Il faut donc supprimer cet article.

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1147.

M. Philippe Cochet. Nous souhaitons évidemment supprimer l’article 21 mais, au-delà de cet article, il faut revenir à un certain nombre de fondamentaux.

Il y a des gens dans cet hémicycle qui sont très heureux de ce texte. C’est bizarre, mais des millions de Français qui ne participent pas à nos travaux, qui auraient aimé participer à un moment ou à un autre à des débats nationaux, considèrent qu’il n’est ni fait ni à faire. Ils ont tout à fait raison étant donné qu’à mon avis il aura du mal à être promulgué.

J’en veux pour preuve le malaise que l’on sent dans votre majorité. On a rarement vu en effet un tel mutisme.

Ce mutisme peut s’expliquer de deux façons. Soit c’est une conviction propre et, en dépit des différents arguments des orateurs de l’UMP, vous n’avez pas été convaincus, soit vous vous affranchissez de la règle principale qui doit être celle d’un parlementaire, voter en son âme et conscience. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Philippe Cochet. Nous pouvons en parler tout à fait librement à l’UMP. Cela fait dix ans que je suis élu, jamais nous n’avons eu une consigne de vote. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Sur un sujet de société de cette importance, vous vous grandiriez, mesdames, messieurs de la majorité, à retrouver cette capacité de voter en votre âme et conscience car, une fois que vous aurez voté, vous aurez toute votre vie mauvaise conscience. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1435.

M. Nicolas Dhuicq. Vous poursuivez vraiment dans les particules élémentaires. Décider que l’allocataire sera la première personne qui fera la demande, c’est totalement surréaliste.

Les droits, la paternité varieront en fonction des différents partenaires et, inéluctablement, vous arriverez à avoir des enfants qui auront trois ou quatre parents, avec la confusion que vous instaurez en permanence, cette destruction de la paternité, de la famille, de la filiation, des patronymes. Au bout du compte, où se trouve l’enfant dans vos positions de principe ?

Vous êtes en train de rendre extrêmement complexe la vie de ces enfants. Un grand nombre d’entre eux arriveront certainement à faire leur parcours de vie, mais vous allez augmenter le nombre de celles et ceux qui seront dans la souffrance, pour céder au désir de quelques adultes de se perpétuer par l’intermédiaire d’un enfant, non pas pour l’enfant, mais simplement pour eux-mêmes.

Alors, de grâce, essayez d’entendre raison et expliquez aux Français ce que vous êtes réellement en train de faire, de détruire, de détricoter, de dissocier. Vous êtes vraiment dans les déliaisons, dans la destruction de ce qui fait l’humain, mes chers collègues, et vous devriez prendre un autre ton. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1191.

Mme Laure de La Raudière. L’article 21 prévoit une adaptation spécifique pour le territoire de Mayotte.

On voit bien que les dispositions concernant la filiation sont compliquées. Une question reste en suspens, comme dans le reste du territoire national : la présomption de paternité ne pouvant s’appliquer aux couples de même sexe, quelle place faut-il réserver aux tiers, c’est-à-dire aux parents biologiques, qu’ils soient connus ou anonymes, et, quand un enfant d’un couple de même sexe voudra accéder au nom de son parent biologique, cela fera-t-il un troisième parent ? Comment allez-vous gérer cette situation particulière ? Qu’est-il prévu aussi en matière d’état civil ? Les actes de naissance et les livrets de famille seront-ils les mêmes pour tous les enfants ou feront-ils selon les cas l’objet d’aménagements particuliers ?

Nous attendons encore des réponses à un grand nombre de questions, mesdames les ministres.

Nous attendons également encore et toujours l’avis du Conseil d’État. Nous vous le réclamerons de façon continue jusqu’à la fin de cette séance.

M. Jean Glavany. Et même après !

Mme Laure de La Raudière. Ce qui a fuité dans la presse n’était pas très rassurant et nous pensons que, si vous nous refusez l’accès au reste de l’avis, c’est que cela doit être pire et que vous cachez quelque chose à la représentation nationale et aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1599.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai deux convictions après nos débats de cet après-midi.

Nous avons adopté un sous-amendement et un amendement qui, de mon point de vue, je le répète, remettent en cause la liberté d’association qui figure dans la Constitution. En forçant toutes les associations, et je ne me souviens pas qu’il y ait des restrictions dans les rédactions que nous avons adoptées, à assurer la représentation en leur sein des familles homoparentales, nous réduisons la liberté de s’associer garantie par la Constitution.

Par ailleurs, j’ai la conviction, madame la garde des sceaux, que, par l’article 16 bis que nous avons adopté tout à l’heure, même avec l’amendement de Mme Clergeau, nous affaiblissons la protection juridique de toutes les personnes qui ne sont pas spécifiquement mentionnées dans cet article et nous ouvrons la voie à des raisonnements a contrario devant les tribunaux. Puisque seules sont protégées les personnes qui sont en danger dans les pays étrangers du fait de leur homosexualité, les autres ne le sont pas, et je maintiens que cela affaiblit le droit des personnes.

Je suis donc triste de constater que, conformément à ce que nous disons depuis le début de ces débats, votre texte a beaucoup de conséquences pour toutes les personnes qui ne sont pas directement concernées par la fondation de couples homosexuels, et que cela affaiblit le droit de nos concitoyens.

Il y a encore trois questions en suspens à ce stade des débats, mais je les préciserai dans une intervention ultérieure.

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1629.

M. Christophe Guilloteau. Projetons-nous dans le moment d’après, avez-vous dit tout à l’heure, madame la garde des sceaux. J’ai essayé de me projeter dans le texte suivant et je suis allé chercher le projet n° 631, relatif à l’élection des conseillers départementaux, qui a été transmis par le Premier ministre au président de l’Assemblée nationale. Son examen a du reste mal commencé puisqu’il a été rejeté par le Sénat.

Vous proposez à l’article 2 que chaque canton d’un département élise au conseil départemental deux membres de sexe différent. Je savais qu’il y avait le mariage pour tous, je vois que l’on n’a pas le canton pour tous. Ou ce texte est discriminatoire ou il fera l’objet de nombreux recours.

Plusieurs députés du groupe SRC. Lamentable !

M. Christophe Guilloteau. Je suis très inquiet pour Manuel Valls, qui va présenter ce texte dans quelques jours. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1765.

M. Guillaume Chevrollier. L’article 21 prévoit un dispositif spécifique à Mayotte pour la désignation de l’allocataire des prestations familiales en cas de couple de personnes de même sexe. Actuellement, priorité est donnée à la mère. Cette règle spécifique à Mayotte protège les droits des femmes et des enfants dans les foyers de ce territoire. Le projet de loi prévoit pour les couples de personnes de même sexe la désignation d’un commun accord ou, à défaut, la désignation du membre du couple qui a demandé en premier à être allocataire.

Cet article me donne l’occasion de vous rappeler l’intervention de notre collègue Nestor Azerot, député de la Martinique, dont le plaidoyer était valable pour tout l’outre-mer. Dans leur grande majorité, nos concitoyens d’outre-mer ne veulent pas de ce texte, comme ceux de métropole, d’ailleurs. Nestor Azerot l’a exprimé avec une force, une conviction et un courage qui méritent l’admiration.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Guillaume Chevrollier. Que nous a-t-il dit ? Que le mariage donne « un cadre juridique à une donnée naturelle » qui est la procréation, que ce texte va « fragiliser l’édifice » sur lequel notre société s’est construite, qu’il provoque « une cassure morale », qu’avec ce texte vous niez la réalité, vous prônez l’individualisme, vous refusez « la différence naturelle », « la différence sexuée », que « c’est la nature et non le droit qui refuse aux homosexuels d’avoir des enfants ». Ces propos de bon sens, fruit d’une conviction profonde et sincère, montrent bien que ce texte crée une réelle fracture. Je vous demande donc une nouvelle fois de renoncer à ce projet nocif et déstabilisant pour notre société et pour les enfants. Donc, supprimez cet article.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1724.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais, à propos de l’article 21, conduire une réflexion sur la liberté de conscience, et je vous propose, chers collègues de la majorité, de méditer, d’ici à mardi, la définition suivante : la liberté de conscience, cela signifie que l’on ne peut contraindre un citoyen à faire ce que sa conscience lui interdit au fond de lui-même parce qu’il ne se reconnaît pas intimement dans l’action que ses fonctions lui imposent. Cette question pourrait paraître choquante mais elle ne l’est pas ; le Président de la République lui-même, le 20 novembre dernier, a déclaré : « Il y a toujours la liberté de conscience. » On comprend bien que celle-ci permet de déroger à la loi commune pour une raison fondamentale dont la valeur est reconnue au niveau constitutionnel. Cette exception révèle le danger des lois particulières, tel que le projet qui nous est présenté, qui veulent imposer à tous un point de vue guidé par des intérêts particuliers, une doctrine, en quelque sorte, ou des principes dans lesquels tous les Français ne se reconnaissent pas.

Le propos du Président de la République est révélateur, même s’il l’a retiré. Il révèle une vérité d’évidence : ce projet de loi n’est pas, dans l’esprit du premier des Français, un texte dans lequel chaque Français, chaque élu municipal, peut se reconnaître. Ce texte ne peut être considéré recueillir un large assentiment du peuple français. Il défend des intérêts particuliers, c’est-à-dire que c’est le contraire d’une loi commune. Je veux ici souligner qu’une loi qui veut promouvoir des intérêts particuliers, en nous faisant croire qu’ils sont l’intérêt commun, blesse le sens commun des Français, c’est-à-dire leur conscience. Chacun l’a bien compris, les mots « liberté de conscience » sont inscrits, qu’on le veuille ou non, dans ce projet de loi.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 2034.

M. Jean-Charles Taugourdeau. J’avoue que je comprends de moins en moins la logique du Gouvernement dans ce texte.

M. Jean Glavany. Ça nous rassure !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Depuis le début, pour corriger les inégalités, vous niez les différences. Or vous reconnaissez qu’il existe à Mayotte une règle spécifique qui protège les droits des femmes et des enfants dans les foyers polygames. Pour les couples homosexuels, vous prévoyez que la désignation se fasse d’un commun accord. Cela peut encore se concevoir, pour l’égalité, mais là où ça se corse, c’est quand les membres du couple ne sont pas d’accord. Alors, c’est celui qui court le plus vite et qui arrivera le premier à la préfecture pour demander le bénéfice de l’allocation qui l’emportera. À situation différente, traitement différent. Or Mme Bertinotti a, en commission des lois le 18 décembre, appelé discrimination toute différence ne donnant pas accès aux mêmes droits. J’aimerais donc que l’on m’explique.

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1971.

M. Jacques Lamblin. Nous voyons, avec l’article 21, que le texte est extrêmement difficile à faire appliquer dans les différents territoires de la République. Personnellement, si j’y résiste, ce n’est absolument pas pour des raisons politiques, mais uniquement parce que ce texte comporte une révolution anthropologique sous-jacente dont beaucoup de ceux qui vont le voter ne mesurent pas l’importance.

Pour illustrer mon propos, permettez-moi d’apporter le regard du biologiste sur la PMA.

M. Jean Glavany. Ce n’est pas le sujet !

M. Jacques Lamblin. Dans quelques années, moins de cinq ans, on saura, je vous le signale, faire faire un enfant à deux femmes sans le secours des cellules d’un homme.

M. Jean Glavany. On en reparlera ! N’allez pas trop vite !

M. Jacques Lamblin. La technique avance. Il ne faut pas raisonner à science constante.

Ensuite, un texte ne fonctionne pas toujours pour ceux-là seulement auxquels il est destiné. Qu’est-ce qui vous permet de penser que seuls les couples homosexuels auront recours à la PMA banalisée ?

M. Jean Glavany. Ce n’est pas le sujet !

M. Jacques Lamblin. Je vois très bien des femmes seules décider de fonder une famille, tout simplement parce qu’avec la libéralisation de la PMA pour convenance personnelle elles le pourront sans même avoir à chercher un conjoint, homme ou femme. Et nous verrons une catégorie sociale se développer à un niveau que vous n’imaginez sans doute pas aujourd’hui. Vous devriez évaluer les conséquences sur le plan de l’organisation sociale…

M. le président. Merci, monsieur Lamblin.

M. Jean Glavany. Hors sujet !

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2250.

M. Pierre Lequiller. Cet article prévoit un dispositif spécial à Mayotte pour la désignation de l’allocataire des prestations familiales dans un couple de personnes de même sexe. Aujourd’hui, la mère conserve la priorité pour être allocataire. Cette règle spécifique à Mayotte existe dans le but de protéger les droits des femmes et des enfants, notamment, on l’a dit, dans les foyers polygames.

Le projet de loi prévoit pour les couples homosexuels dans ce département la désignation d’un commun accord ou, à défaut, la désignation du membre du couple qui a demandé en premier à être allocataire. Le Gouvernement considère donc que Mayotte a une situation différente du reste de la France. Il admet ici qu’à une situation différente puisse s’appliquer un traitement différent.

Nous savons que nos concitoyens, comme les parlementaires, d’outre-mer sont fortement opposés à ce texte. Le Gouvernement nous rétorque depuis le début qu’il serait le fervent défenseur de l’égalité pour tous et que nous serions des opposants à l’égalité des droits parce que nous admettons qu’il existe une différence de situation entre les couples hétérosexuels, susceptibles de procréer, et les couples homosexuels, dans l’incapacité biologique de le faire, ainsi qu’entre le droit de l’enfant et le droit à l’enfant qu’il veut instaurer par cette loi.

Nous avons vu le Président de la République lui-même hésiter, et il a raison car c’est un sujet extrêmement sensible. Il a oscillé pendant un ou deux jours sur la liberté de conscience, il a décidé de détacher la PMA de ce texte alors qu’elle devait y être jointe, enfin il a décidé de reporter le texte sur la PMA en fin d’année. Cela signifie qu’il y a au sommet de l’État des hésitations sur ce texte.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2970.

M. Philippe Meunier. À la reprise de la séance, notre président de groupe ainsi que Laure de La Raudière ont demandé la communication de l’avis du Conseil d’État. Nous avons bien compris que vous aviez décidé de le cacher aux Français. M. le président de la commission des lois nous parlera peut-être d’astronomie ou de sa profession de foi ; nous nous résignons au fait que vous ne produirez pas ce document. Ce n’est pas grave : nous nous donnerons rendez-vous le 24 mars prochain dans les rues de Paris.

Je reprends à mon compte les propos de Philippe Cochet. Nous avons bien compris aussi, chers collègues de la majorité, que vous avez le pistolet sur la tempe : vous n’avez pas votre liberté de vote, puisque les commissaires politiques du parti socialiste vous ont intimé l’ordre de voter ce texte (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), faute de quoi vous n’aurez pas d’investiture en 2017.

M. Luc Belot. Arrêtez de fantasmer !

M. Philippe Meunier. Nous l’avons lu et relu dans de multiples parutions. Or laissez-moi vous dire que ce n’est pas parce que vous aurez l’investiture du parti socialiste en 2017 que les Français oublieront ce que vous êtes en train de faire aux familles de France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3203.

M. Céleste Lett. En lisant cet article, dont nous souhaitons la suppression, je me disais qu’au motif de l’égalité et de la lutte contre les discriminations, vous créez des discriminations. Vous êtes, avec ce texte, en train de créer une usine à gaz, car sur le fond comme sur la forme vous faites défaut. Nous avons, au sein de l’opposition, d’éminents juristes. (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Ils ont démontré qu’ils avaient des arguments. Nous aurions pu les mettre à votre disposition pour mieux échafauder ce texte.

J’ai envie, sous forme d’humour, de vous faire une proposition. Puisque vous êtes constamment obligés de prévoir des dispositifs particuliers – à cet article 21 pour Mayotte –, j’aurais aimé qu’il en soit prévu un pour la Lorraine. Cela permettrait aux Lorrains de s’affranchir de votre texte funeste.

Mme Chaynesse Khirouni. Non ! Pas la Lorraine !

M. Céleste Lett. Pour éviter toutes ces discussions, retirez ce texte qui n’a pas de raison d’être. C’est une fausse révolution.

M. Jean Glavany. Ils n’auront pas l’Alsace et la Lorraine, monsieur le président !

M. Céleste Lett. Je le disais il y a quelques jours : c’est une révolution copernicienne à l’envers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour soutenir l’amendement n° 4851.

Mme Geneviève Levy. Nous avons dit les nombreuses contradictions et difficultés juridiques attachées à ce texte, au-delà même des convictions de chacun. Pour l’article 21, comme pour la plupart des autres articles, l’étude d’impact a été bâclée et ne permet en aucun cas la sécurité juridique que nous sommes en droit d’attendre de la part du législateur.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5103.

M. Guy Geoffroy. Nous sommes à l’antépénultième article de ce texte. En approchant de la fin, nous approchons également de l’évidence des limites de votre exercice de législation virtuelle. Dans cet article en apparence anodin, il est question de couples mariés réunissant deux personnes de même sexe et de la décision concernant la désignation de l’allocataire. Tout va bien quand les deux membres du couple sont d’accord, mais la disposition que vous entendez faire voter à cet article concerne la situation où le couple n’est pas d’accord. Il vous fallait trouver une solution. S’il n’y a pas d’accord, c’est qu’il y a un problème, et pour vous c’est celui qui courra le plus vite, c’est-à-dire celui qui sera le plus intéressé à être allocataire, qui se verra attribuer ce droit. Réfléchissez aux conséquences concrètes de ce que vous êtes en train de décider. Je vous aurais bien proposé, puisque vous êtes dans la législation virtuelle, un tirage au sort, à la courte paille,…

M. Jean Glavany. Cela a existé !

M. Guy Geoffroy. …ou par ordre alphabétique ; cela aurait été au moins aussi objectif, sans être aussi dangereux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 5313.

M. Jean-Christophe Fromantin. L’article 21 est intéressant en ce qu’il montre un changement de regard sur ce qui était demeuré jusqu’alors un invariant : les allocations étaient véritablement organisées dans l’intérêt de l’enfant.

Dans cet article spécifique à Mayotte, on voit que le critère est moins l’intérêt de l’enfant que l’égalité des deux personnes composant le couple de même sexe. Ce changement d’appréciation de l’allocation est intéressant, puisque son critère n’est plus la présomption de maternité, et tout ce que cela implique pour l’enfant, mais le principe d’égalité, qui gouverne la destination de l’allocation.

Cet article 21 marque un changement dans la manière dont est perçu l’intérêt de l’enfant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. L’article 21 a pour objet d’adapter les règles applicables dans le département de Mayotte, et plus précisément relativement à la désignation de la personne allocataire de la prestation familiale. Il s’agit d’une adaptation nécessaire au cadre de Mayotte ; c’est pourquoi la commission a repoussé vos amendements de suppression.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille, pour donner l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Je reviens plus précisément sur la question des prestations familiales à Mayotte pour rappeler un certain nombre d’éléments.

Les couples de même sexe sont d’ores et déjà traités de la même manière que les couples hétérosexuels pour l’ouverture du droit aux prestations familiales : celle-ci repose en effet sur la notion de charge effective et permanente de l’enfant, qui est une notion de fait indépendante du statut matrimonial du couple.

En métropole, l’allocataire est celui des deux membres du couple qu’ils désignent d’un commun accord. À Mayotte en revanche, c’est la mère qui est, de manière systématique, désignée comme allocataire des prestations familiales. Cette règle spécifique à Mayotte a été conçue pour protéger les droits des femmes et des enfants dans les foyers polygames.

Remarquez que le statut personnel coutumier à Mayotte autorisait la polygamie, mais que cette disposition a été abolie pour l’avenir le 1er janvier 2005 : il subsiste de ce fait des ménages polygames, même s’il ne peut plus s’en créer de nouveaux depuis cette date.

Lorsque les deux membres du couple sont de même sexe, il va de soi que cette règle ne trouve pas à s’appliquer. C’est pourquoi l’article 21 propose, comme en métropole, le principe de la désignation de l’allocataire d’un commun accord par les deux membres du couple.

En cas de conflit, l’allocataire serait celui qui en a fait la demande le premier. Cela ne veut toutefois pas dire, comme j’ai pu l’entendre, que l’un des deux parents prendrait l’autre de vitesse pour le priver de son droit à l’allocation. De fait, la règle ne sert qu’à définir qui est le destinataire des paiements pour l’ensemble de la famille parmi les deux parents ayant également droit aux allocations, car tous deux ont la charge effective et permanente de l’enfant – si un seul l’a, la question ne se pose pas.

Ce dispositif permet donc d’une part de préserver le dispositif spécifique prévu à Mayotte, au bénéfice des femmes qui subissent des situations de polygamie ; d’autre part, de prévenir tout conflit au sein des couples de même sexe en édictant une règle simple et identique à celle qui est en vigueur en métropole.

Dès lors, la suppression de cet article créerait une insécurité juridique et mettrait les couples concernés comme les organismes gestionnaires dans une situation inextricable ; c’est pourquoi notre avis est défavorable.

M. le président. Sur l’article 21, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. M. Mariton a avancé, sans autre justificatif que l’intervention de M. Azerot, que la majorité de la population d’outre-mer, et ses députés, serait hostile à ce projet de loi, en suggérant un bâillonnement dont il ne peut apporter la preuve.

Monsieur Mariton, vous avez entendu à la tribune M. Azerot, qui a effectivement défendu un point de vue différent, plus proche du vôtre que de celui de la gauche…

M. Hervé Mariton. J’en ai aussi discuté avec M. Letchimy !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Peut-être, mais il serait préférable de laisser M. Letchimy s’exprimer lui-même.

Nous avons tous entendu M. Azerot, qui a défendu son point de vue avec force, mais vous semblez ne pas avoir entendu une force que j’ai pour ma part trouvée supérieure : celle de Mme Orphé, députée de La Réunion, celle de Mme Bareigts, députée de La Réunion également, ou celle d’autres députés qui ont fait savoir leur adhésion à ce texte et qui ont participé à des votes dans l’hémicycle, notamment sur l’article 1er – pensons à Mme Berthelot, pour la Guyane, à MM. Fruteau et Vlody, pour La Réunion, ou à M. Said, pour Mayotte.

Bien sûr, outre-mer comme ici, des citoyens sont hostiles à ce projet de loi – personne n’a jamais avancé qu’il faisait l’unanimité. Toutefois, vous avez raison : il existe des difficultés particulières aux outre-mer, liées à l’histoire de ces territoires, à la construction de leur identité collective et aux schémas de représentation, qui font que la protestation est un peu plus forte.

Cependant, vous devez entendre que ceux qui adhèrent à ce texte le font avec une force plus grande encore (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), compte tenu du fait qu’ils proviennent de cette même histoire, de cette même construction de l’identité collective, de ces mêmes schémas de représentation.

Vous nous disiez qu’il faudrait pour l’outre-mer, parce qu’un député a dit à la tribune qu’il était opposé au texte, envisager un dispositif d’exception ; mais si le texte est voté, c’est bien sur l’ensemble du territoire national qu’il sera applicable.

Vous nous dites que dans d’autres circonstances on a su tenir compte des outre-mer. Assurément. Dois-je vous rappeler que la loi du 19 mars 1946, qui a fait de ce qu’on appelait les quatre vieilles colonies – la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion – des départements français, n’a pas appliqué les lois sociales ? Il a fallu attendre une loi de 2000, présentée par Lionel Jospin…

M. Hervé Mariton. L’excellent Lionel Jospin ! Vous avez été bien ingrate avec lui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. …pour que le SMIC soit aligné dans les outre-mer. Les voilà les exceptions dont vous parlez ! Il y a d’autres exceptions : vous savez qu’à Mayotte, par exemple, les allocations familiales ont été plafonnées à trois enfants ; en Guyane, à Saint-Martin, à Mayotte, on a supprimé le deuxième niveau de juridiction pour les expulsions et créé une disposition qui rendait le recours non suspensif en cas de prononcé d’expulsion.

Nous préférons mettre un terme à ce genre de dispositifs exceptionnels réservés aux outre-mer – de même pour certaines gardes à vue.

Aussi sans doute ce texte n’est-il pas évident pour les outre-mer, ni pour les maires qui auront à prononcer ces mariages, mais il faut que les maires aient le courage de les célébrer ; car si c’est difficile pour une partie de la société dans les outre-mer, si c’est difficile pour une partie des maires outre-mer, combien ce doit l’être encore plus pour les personnes homosexuelles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) S’il y a des territoires pour lesquels nous ne devons pas tolérer la moindre exception, c’est bien dans les outre-mer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. C’est un programme, madame la ministre ! J’entends que Lionel Jospin a heureusement étendu les prestations sociales outre-mer ; je vous ai ensuite trouvée bien ingrate à son endroit.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. C’est plus bas que le niveau zéro…

M. Hervé Mariton. Vous avez développé un programme : est-ce à dire que le Gouvernement entend supprimer l’ensemble des mesures adaptées à l’outre-mer que vous avez citées – notamment le caractère non suspensif de l’expulsion dans certaines collectivités – et que nous venons d’entendre un discours de politique générale des outre-mer ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le Gouvernement s’engage-t-il à abroger ces dispositifs ? Dois-je vous rappeler, madame Taubira, que malheureusement la moitié des expulsions se font chaque année outre-mer, et que, sur cette moitié, une moitié concerne Mayotte ? Ce sont des décisions toujours difficiles, mais souvent nécessaires.

Plusieurs députés du groupe SRC. Et le sujet ?

M. Hervé Mariton. Je réponds aux déclarations de Mme la ministre car elles me paraissent très graves ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Est-ce que le Gouvernement entend mettre en cause les moyens juridiques qui permettent de mener une politique indispensable de gestion des flux migratoires ?

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Je suis très gênée que vous utilisiez l’outre-mer pour conforter votre position dans ce projet de loi…

M. Guy Geoffroy. C’est de la provocation !

Mme Corinne Narassiguin. Vous proposez une rupture républicaine avec les outre-mer (Protestations sur les bancs du groupe UMP) sur les valeurs fondamentales de notre République que sont l’égalité et la liberté. Je suis également scandalisée que vous repreniez à votre compte les propos choquants de M. Azerot, qui a utilisé la lutte contre l’esclavage…

M. Hervé Mariton. Il n’a pas le droit ?

Mme Corinne Narassiguin. …pour justifier son refus de l’égalité des droits pour les homosexuels (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), alors que vous vous appliquez à ignorer les interventions dans l’hémicycle des députées Ericka Bareigts et Monique Orphé (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) qui ont avec beaucoup de conviction apporté leur soutien à ce projet de loi, au nom de la lutte contre toutes les discriminations. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP, dont plusieurs députés de ces groupes se lèvent pour applaudir.)

(L’amendement n° 45 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, pour soutenir l’amendement n° 5257.

M. Erwann Binet, rapporteur. Il ne s’agit que d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Favorable.

(L’amendement n° 5257 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour une explication de vote sur l’article 21.

M. Philippe Folliot. Au-delà de cet article et des éléments spécifiques à l’outre-mer, je voudrais m’exprimer sur ce texte, en rappelant combien la position de l’UDI a été depuis le début particulièrement responsable. Notre groupe a déposé moins d’une centaine d’amendements, guidé par la volonté d’exprimer sa position dans le plus grand respect.

« Jamais fortune n’a trahi pays rassemblé  » a dit le général de Gaulle en son temps. Au travers de ce débat où est mis en exergue ce qui nous divise et nous oppose, j’exprimerai un regret à titre personnel : celui de n’avoir pas su dégager une position intermédiaire qui nous aurait permis d’aller vers l’égalité des droits à laquelle nous sommes tous attachés, tout en sauvegardant un certain nombre de principes et de valeurs auxquels nous tenons tout autant.

Il aurait été important de dépasser ce jeu de rôles auquel nos concitoyens assistent depuis quelques jours, avec une majorité qui reproche à l’opposition de faire ce qu’elle-même faisait lorsqu’elle était à sa place, sous la précédente législature, et inversement. Je ne crois pas que ce soit bon pour l’image du Parlement. Dans ce cadre là, au travers de l’union civile et d’un véritable statut du beau-parent, nous aurions pu parvenir à une solution beaucoup plus consensuelle qui aurait permis de rassembler plutôt que de diviser.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 21.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 213

Nombre de suffrages exprimés 213

Majorité absolue 107

(L'article 21 est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Après l'article 21

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l'amendement n° 5018.

M. Patrick Ollier. Je pense, chers collègues, que vous devriez être tous d’accord avec cet amendement que je qualifierai de précaution ; ou de précision, comme vous voulez.

Il vise à compléter l’article L. 1412-1-1 du code de la santé publique pour préciser, dans le cadre des lois sur des sujets éthiques, les conditions dans lesquelles sont organisés les états généraux.

Vous n’ignorez pas qu’à plusieurs reprises le président de notre groupe a demandé en notre nom que se tiennent des états généraux, ce qui n’a pas été fait. Cette demande n’ayant pas abouti, nous vous proposons de préciser la loi pour que tout projet de réforme contenu dans un projet de loi, une proposition de loi, voire un amendement, sur des problèmes éthiques ou des questions de société, soit précédé d’un débat public sous forme d’états généraux.

Je pense à des sujets particulièrement délicats comme la génétique, la recherche sur des embryons, l’assistance médicale à la procréation. Nous savons en effet que nous cheminons peu à peu vers la PMA et la GPA et il convient de bien préciser la route à suivre, notamment dans le débat démocratique qui doit précéder une telle réforme.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Ollier, vous voulez étendre l’obligation d’organiser des états généraux de la bioéthique à tout projet de réforme, quel que soit son véhicule, projet de loi, proposition de loi, voire amendement.

Permettez-moi simplement de vous rappeler une discussion qui a eu lieu voici quelques années, lors de la dernière révision de la loi sur la bioéthique. Un débat s’était tenu entre l’Assemblée nationale et le Sénat pour décider si la convocation des états généraux de la bioéthique devait être facultative, ce qui était la position de l’Assemblée nationale, ou obligatoire.

Je veux vous lire les mots que Jean Leonetti, le rapporteur de l’époque, avait prononcés pour éclairer la commission : « La commission des affaires sociales du Sénat a transformé la possibilité d’organiser un débat public préalable en une obligation. Or, il appartient à la seule Constitution, précisée le cas échéant par les lois organiques, de définir la procédure législative. En rendant obligatoire la tenue en amont de la discussion de certains projets de réforme, cette disposition serait susceptible de faire obstacle aux prérogatives de la Constitution ».

C’est à la lumière de ces précisions d’évidence que la commission a rendu un avis défavorable.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis pour les mêmes raisons. Outre qu’il s’agit là d’une prérogative constitutionnelle, l’article 1er de la loi qui a créé le Comité consultatif national d’éthique – le CCNE – a défini son champ de compétences, à savoir la biologie, la médecine et la santé.

Ce texte est bien fait et son application ne pose aucun problème depuis presque une dizaine d’années. Nous ne voyons pas la nécessité de le modifier.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Je m’attendais hélas à cette attitude mais comprenez nos inquiétudes quand, après un débat entre le Premier ministre et la ministre de la famille, nous entendons ici M. Le Roux nous expliquer que, quoi qu’il advienne, le groupe socialiste souhaitant la PMA, elle sera votée ! Et cela se fera probablement par voie d’amendement. Or il nous semble qu’une telle réforme dans le domaine de la bioéthique ne peut être décidée dans notre législation qu’après avoir organisé un débat public sous la forme d’états généraux.

Ou bien, madame la garde des sceaux, prenez devant nous l’engagement que ce processus sera respecté par le Gouvernement, quel que soit le vecteur qui servira à porter ce projet, afin de nous rassurer quant à la tenue de ces états généraux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je tiens à faire à M. Ollier la courtoisie de répondre à ses nouveaux arguments.

Tout d’abord, vous ne pouvez pas vous prévaloir des propos d’un président de groupe. Par ailleurs, le fait que le CCNE se soit autosaisi devrait vous prouver qu’il n’hésite pas à user de cette faculté.

M. Patrick Ollier. Trois jours avant !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons donc toutes les raisons de faire confiance à cette structure et de penser qu’elle exerce une vigilance suffisante…

M. Patrick Ollier. Tardive !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …pour que, dans l’hypothèse extrêmement improbable où le Gouvernement ne la saisirait pas, elle s’autosaisisse. Je vous invite à faire confiance au CCNE comme nous le faisons.

Rappelons par ailleurs que depuis une dizaine de jours, doués d’une aptitude visionnaire collective, vous voyez derrière ce texte…

M. Hervé Mariton. La PMA !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Eh bien voilà ! La PMA, la GPA, le clonage et tout le reste !

M. Hervé Mariton. Mais c’est vrai !

M. Patrick Ollier. C’est de la prudence !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous n’avez eu de cesse de nous demander pourquoi nous n’avions pas consulté le CCNE sur ce texte qui ne relève ni de la biologie, ni de la médecine, ni de la santé. Ou alors, si c’est le cas, il faut nous l’expliquer !

Pendant une dizaine de jours, vous n’avez pas cessé de nous faire ce reproche qui n’a pas lieu d’être puisque nous travaillons sur un texte qui ouvre l’adoption et le mariage aux couples homosexuels.

Nous sommes dans ce contexte et, je vous le répète, nous faisons confiance au CCNE, qui fonctionne admirablement depuis sa création en 2004. Nous vous invitons à lui faire confiance aussi.

M. Hervé Mariton. C’est de l’incontinence verbale !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. J’ai déjà répondu à cette question dans le débat. Le Parlement ne sera pas appelé à statuer tant que le Comité consultatif national d’éthique n’aura pas rendu son avis. C’est clair et net.

M. Marc Le Fur. Et sera-t-il tenu compte de cet avis ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. La décision, ensuite, n’appartiendra qu’au Parlement.

M. Régis Juanico. Très bien !

M. Hervé Mariton. La majorité ne nous rassure pas !

M. Patrick Ollier. C’est un aveu, cela !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur Mariton, je veux bien, depuis le départ, entendre vos arguments. Nous avons souvent des débats entre nous, cela fait des années que ça dure. Mais je vais vous rappeler au moins un principe qui devrait nous rassembler. C’est un principe républicain et démocratique. Parce que la majorité d’aujourd’hui ne vous plaît pas, à longueur de séances vous essayez de trouver une autre source de légitimité ! Je préfère vous dire que vos propos sont graves. Pour arriver à vos fins, vous êtes prêts à abandonner vos principes, ce qui est tout à fait inacceptable. Nous nous engageons sur le respect de la vie et nous ne prendrons pas de décision, mais ensuite, les seuls qui pourront décider pour le peuple français, ce seront les députés, sur tous les bancs ! C’est ainsi que cela se fera.

M. Hervé Mariton. Mais enfin !

(L'amendement n° 5018 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, pour soutenir l'amendement n°5328.

M. Jean-Paul Tuaiva. Je voudrais vous parler des particularités de la Polynésie. Depuis le début de la semaine, j’ai retenu les propos de Mme la garde des sceaux : le droit à l’égalité doit s’appliquer sur tous les territoires de la République. Je le conçois très bien mais, madame la garde des sceaux, vous savez comme moi que l’outre-mer a ses spécificités. Par la force des choses, nous sommes tributaires de certains facteurs, liés à l’éloignement, à notre culture. Vous êtes bien placée pour le comprendre, madame la garde des sceaux.

Je suis ici au nom des Polynésiens qui affirment encore aujourd’hui que nous sommes contre ce projet de loi du mariage pour tous. Pourquoi ? Tout simplement parce que, du fait de nos spécificités, nos mœurs n’évoluent pas au même rythme que chez vous.

Savez-vous que la loi sur l’IVG n’a été appliquée en Polynésie française que vingt-sept ans après la métropole…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est bien dommage !

M. Jean-Paul Tuaiva. …malgré l’opposition de l’Église ? Savez-vous que l’on ne peut toujours pas se pacser en Polynésie, quinze après que nos compatriotes de la métropole ont pu en bénéficier ?

M. Jérôme Guedj. Hélas !

M. Jean-Paul Tuaiva. Les Polynésiens ne sont pas hostiles à l’évolution de la société, mais elle doit se faire à un autre rythme qu’en métropole. Avant même de vouloir étendre les dispositions du mariage homosexuel à la Polynésie française, il serait plus judicieux d’y rendre applicables la totalité des dispositions relatives au Pacs.

M. le président. Il faut conclure.

M. Bernard Deflesselles. Il vient de loin, laissez-le s’exprimer !

M. Jean-Paul Tuaiva. Les articles 515-1, 515-2 et 515-8 du code civil, qui définissent et règlent les modalités du Pacs, issus de la loi du 15 novembre 1999, n’ont toujours pas été étendus à la Polynésie Française. De fait, il est impossible de faire enregistrer un Pacs au greffe du tribunal de Papeete, faute de registre.

Cet amendement tend par conséquent à compléter les dispositions manquantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion en commission avec M. Fritch.

Nous ne pouvons pas étendre le Pacs en Polynésie parce que cela ne relève pas de la compétence du législateur national. Le Pacs relève du droit des contrats et des obligations et donc de l’Assemblée de Polynésie française, d’une loi du pays.

Nous pouvons, sur le territoire, définir le droit des personnes et c’est ce que nous faisons avec le mariage ouvert aux couples de personnes de même sexe. En revanche, je le répète, il n’est pas possible d’ouvrir le Pacs à la Polynésie depuis l’Assemblée nationale.

C’est pour cette raison, monsieur Tuaiva, que la commission a donné un avis défavorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député, nous avons entendu que vous étiez hostile à l’application de cette loi. Mais il se trouve que ce texte concerne l’état des personnes et qu’en la matière, c’est l’État qui est compétent. Les dispositions s’appliquent donc d’emblée au territoire de Polynésie.

S’agissant du Pacs, vous regrettez qu’il ne soit pas applicable en Polynésie, mais il relève du droit des contrats, qui est une compétence territoriale en vertu de la loi organique du 27 février 2004. Il appartient donc au territoire de prendre éventuellement des dispositions pour qu’un régime équivalent soit adopté en Polynésie.

Le Conseil d’État et la Cour de cassation ont été saisis à plusieurs reprises, et notamment – vous vous en souvenez sans doute –, à l’occasion de la transcription sur place par un notaire d’un Pacs qui avait été souscrit en métropole et qui devait être transcrit en Polynésie. La seule disposition d’extension a concerné la transcription dans l’état civil.

Pour le reste, nous avons eu un échange avec votre collègue Fritch à l’occasion des travaux de la commission des lois. Nous lui avons indiqué que le Pacs, relevant du droit des contrats, était une compétence territoriale. Nous avons proposé à M. Fritch une séance de travail à la Chancellerie. Je maintiens cette invitation et, si vous le souhaitez, monsieur le député, je l’élargis à vous-même, afin que nous puissions travailler ensemble à l’élaboration d’un texte visant à instaurer en Polynésie un régime équivalent au Pacs.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva.

M. Jean-Paul Tuaiva. Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse.

Nous souhaiterions qu’il y ait quelques séances de travail, car nos juristes locaux disent que ce texte concerne l’état des personnes. La décision doit donc être prise par le gouvernement central.

M. Philippe Cochet. Il faut renvoyer le texte en commission !

(L'amendement n° 5328 n'est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Cela vous manquait, chers collègues !

M. Hervé Mariton. J’aurais préféré, monsieur le président, ne pas avoir à le faire. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Sans doute le Gouvernement est-il fatigué, sans doute le ministre chargé des relations avec le Parlement l’est-il davantage encore, mais moi non, et notre groupe non plus !

Vous avez dit, monsieur le ministre : « Pour arriver à vos fins, vous êtes prêt à abandonner vos principes. » Qu’avais-je dit dans mon intervention ? « La majorité ne nous rassure pas ».

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ce n’est pas ce que vous avez dit !

M. Hervé Mariton. Si, j’ai dit que la majorité ne nous rassurait pas.

Monsieur le ministre, je ne suffirai pas à résoudre votre problème.

Un membre de l’opposition a le droit et, quand il le croit, le devoir de dire : « La majorité ne nous rassure pas ». Oui, monsieur le ministre, nous avons des principes. Non, monsieur le ministre, notre cause n’est pas une cause perdue, contrairement à ce qu’a dit M. Urvoas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) méprisant nos débats et nos positions. Oui, monsieur le ministre, nous voulons écrire demain de meilleures pages pour les couples d’homosexuels, pour la famille et pour tous les enfants de notre pays. Enfin, je le répète, votre majorité et votre gouvernement ne nous rassurent pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. À ce stade du débat et après l’échange qui vient d’avoir lieu, monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. le président. J’attendais que vous me la demandiez, monsieur Jacob !

La séance est suspendue pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 22

M. le président. Nous en venons aux orateurs inscrits sur l’article 22.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Accomplir à l’étranger quelque chose qui est illégal en France ne vaut pas sauf-conduit pour la République. J’ai assez peu parlé, madame la ministre, de la circulaire GPA au cours de ce débat.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ah non ! Pas maintenant !

M. Hervé Mariton. J’en ai peu parlé jusqu’à présent, d’autres l’ont fait mieux que moi. Mais en l’espèce il y a bien une analogie. La circulaire GPA consiste à régulariser en France des situations illégales établies en toute responsabilité par ceux qui les ont souhaitées. Là, il s’agit de régularisation de mariages accomplis à l’étranger en contradiction avec la loi française. Est-il donc bien logique d’engager une régularisation systématique de ces mariages ?

De deux choses l’une. Soit le mariage tel qu’il a été contracté à l’étranger produit ses effets en France sans qu’on ait besoin d’y revenir et on est alors dans la pleine conséquence de votre texte. Soit il faut envisager une mesure expresse, comme vous nous le demandez, c’est donc que les choses ne se feraient pas automatiquement et c’est ce qui s’appelle une régularisation. De cette régularisation, nous ne voulons pas. L’effet automatique serait cohérent, sinon c’est de la régularisation, appelons-la par son nom. C’est l’objet de cet article et nous y sommes défavorables.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. L’article 22 est très attendu des Français vivant à l’étranger dans des pays où le mariage est déjà ouvert, parfois depuis de nombreuses années, aux couples de personnes de même sexe, en particulier en Amérique du Nord, circonscription dont je suis l’élue, dans plusieurs États des États-Unis et au Canada.

Mme Geneviève Levy. Dans quelques États !

Mme Corinne Narassiguin. C’est vrai aussi en Europe et ailleurs. Il importe que ces unions existantes soient reconnues par la France, que ces familles n’aient pas à repasser par de nouveaux actes pleins et entiers, que ces couples n’aient pas à se remarier devant un officier d’état civil français et qu’ils n’aient pas à adopter leurs propres enfants. Il importe donc que la transcription soit aussi simple que possible dans les consulats.

C’est un acte très attendu de la France par des familles qui veulent maintenir leur lien avec notre pays, voire préparer un retour en France. C’est pourquoi nous soutenons absolument cet article et nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je crois très sincèrement qu’avec l’article 22 ce texte atteint son paroxysme. Il est non seulement stupide dans ses fondements éthiques et républicains mais juridiquement assez préoccupant. Ce texte va permettre à un couple formé de deux personnes de même sexe, dont l’une est de nationalité française et l’autre non, voire arrivée sur le territoire de notre pays en situation irrégulière, de bénéficier d’une régularisation quasi automatique par transcription de mariage. Vous êtes vraiment là au bout de l’exercice consistant à tout permettre et autoriser. Excusez-moi de revenir avec légèreté sur un sujet qui vous a beaucoup embêtés, mais je serais vraiment très intéressé de savoir ce que le Conseil d’État a dit de cet article 22 !

M. Philippe Houillon. Eh oui !

M. Guy Geoffroy. Je suis persuadé qu’il en a dit des choses qui ne sont pas totalement conformes à ce que vous allez prétendre dans quelques minutes. Par ailleurs, madame la ministre, je ne peux qu’appuyer l’argument avancé par Hervé Mariton. L’article 22, c’est la poule et l’œuf. A-t-il vu le jour avant votre circulaire GPA ou est-il curieusement rattaché à ce qu’on pourrait appeler sa dynamique ? Tout cela pourrait prêter à sourire si le sujet n’était pas aussi grave. Mais cela ne prête vraiment pas à sourire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pas davantage que vos caricatures !

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement n° 112.

M. Marc Le Fur. Vous vous êtes fait applaudir tout à l’heure, madame la ministre, par les députés de la majorité, députés aux ordres aussi muets que dociles ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous vous êtes fait applaudir sur l’outre-mer, ; or, à cette heure, il n’y a pas un seul député d’outre-mer de la majorité, car ils n’adhèrent pas à votre projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

D’autres l’ont dit, comme nos collègues Gibbes et Tuaiva ! La scène 3 de l’acte IV ne passe vraiment pas.

L’article 22, c’est le comble, monsieur le rapporteur. On contrevient au principe de la non-rétroactivité des lois ainsi qu’au principe fondamental selon lequel un mariage s’apprécie au regard de la loi personnelle des parties en vigueur au jour de la célébration. Et enfin, ne nous leurrons pas, mes chers collègues, c’est une porte ouverte – une de plus – à l’immigration clandestine ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est beaucoup pour un seul article ! Ce projet de loi est un brouillon, cet article 22 est un super-brouillon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l'amendement n° 242.

M. Bernard Deflesselles. Le ministre chargé des relations avec le Parlement nous a rappelé tout à l’heure la saga du Comité d’éthique et de la PMA. Il nous a demandé de lui faire confiance, bien sûr !

Rappelons que c’est le président Jacob qui le premier a écrit au comité d’éthique le 12 octobre, puis à nouveau au mois de janvier. Nous avons ensuite appris que le Président de la République avait saisi le comité d’éthique, précipitamment, trois jours avant le dépôt du projet de loi à l’Assemblée. C’était un peu précipité, vous en conviendrez. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L’affaire de la PMA a suivi, quand l’estimable M. Le Roux nous a dit qu’elle ferait l’objet d’un amendement à la loi sur la famille si nécessaire.

Mme Chaynesse Khirouni. Mais non !

M. Bernard Deflesselles. Dans le discours de Phnom-Penh, le Premier ministre s’est permis de recadrer violemment la ministre de la famille : il n’est plus possible d’adopter la PMA, il faut attendre au moins huit mois ! Enfin, on nous annonce que la loi sur la famille sera discutée vraisemblablement avant la fin de l’année. Vous nous demandez de vous faire confiance. Il y a un principe très simple que vous connaissez : la confiance n’exclut pas la vigilance.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l'amendement n° 442.

M. Hervé Mariton. Il nous faut être clairs pour le futur. Certains considèrent que cette loi est irréversible, ou du moins crée un fait irréversible. Non ! En démocratie, ce que la loi fait, la loi peut le défaire, dans le respect des personnes.

Un député du groupe UMP. Absolument !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Et le Pacs ?

M. Hervé Mariton. Si cette loi devait être votée, ce que nous regretterions, des personnes seraient mariées et des enfants adoptés dans ce cadre. Nous le respecterions. Néanmoins, si par bonheur, non pour nous mais pour notre pays, les Français nous faisaient confiance en 2017, nous aurions à réécrire cette loi, comme l’a bien dit François Fillon l’autre jour.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Hervé Mariton. Nous aurions à écrire une nouvelle page, qui permettra d’apporter une vraie réponse aux couples de même sexe et aux éventuels enfants vivant avec eux.

Mme Martine Pinville. J’en doute !

M. Hervé Mariton. Nous devons être clairs vis-à-vis de nos concitoyens et dire que nous respectons les personnes, car ce serait une insulte à leur égard d’oublier ce qui a été fait pendant quatre ans, même sur le fondement d’un mauvais texte, mais que nous aurons pour ambition d’écrire une nouvelle page de notre droit afin d’apporter les réponses dont ces personnes ont besoin et dont notre pays est digne, une page que nous voulons écrire mieux que vous.

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 483.

M. François de Mazières. Tout à l’heure, madame Narassiguin, vous avez remporté un succès facile. Néanmoins, vous avez rappelé l’un des moments les plus étonnants que nous ayons vécus durant la centaine d’heures que nous avons passées ensemble ; je veux parler du témoignage de notre collègue Azerot. Seulement, il n’a pas du tout dit ce que vous avez prétendu qu’il avait dit. Il n’a pas mis en cause le principe d’égalité – toujours l’égalité ! –, il a indiqué que le texte touchait à l’égalité des enfants et faisait de l’enfant un objet, ce qui pour lui, élu des DOM-TOM, est insupportable. Et il a ajouté que, dans les territoires d’outre-mer, l’histoire des familles est essentielle et qu’il est fondamental que l’enfant s’intègre dans une histoire familiale.

Nous touchons là au cœur de nos convictions, que nous défendons depuis des heures et des heures, car ce texte nous ébranle profondément, ainsi que tous les Français qui sont derrière nous et qui ont été si nombreux dans les rues, à Paris et dans les autres villes de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Et ce n’est pas fini !

M. François de Mazières. Il a dit également qu’homme de gauche, il n’avait pas été élu pour voter un texte qui divise, mais pour traiter de sujets graves : la crise, l’emploi. Voilà ce qu’a dit notre collègue ! Il est important que l’on respecte l’avis de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 453.

M. Christian Jacob. Que l’article 22 prévoie une dérogation prouve bien que, dans l’esprit des rédacteurs du code civil, le mariage devait être contracté par un homme et une femme et en aucun cas par deux personnes de même sexe. De même, écarter la loi personnelle relève également d’une dérogation, ce qui démontre là aussi que, dans l’esprit des rédacteurs du code civil, le mariage devait unir un homme et une femme.

Cette raison juridique est l’une de celles pour lesquelles nous avons décidé de défendre l’alliance civile, laquelle permet d’apporter une réponse en matière de solennité et de protection juridique – je pense notamment à la compensation en cas de dissolution de l’union. Quand notre collègue Daniel Fasquelle a mené une réflexion et travaillé sur ce sujet avec plusieurs professeurs de droit, il l’a fait dans cet état d’esprit : le mariage est une institution à laquelle il ne faut pas toucher. Il est prévu pour un homme et une femme, et non pour deux personnes de même sexe.

C’est l’erreur que vous avez commise dès le départ. Vous vous en tenez à un dogme et vous refusez d’écouter, préférant vous enfermer dans vos errements juridiques. L’article 22 est une démonstration de l’erreur juridique que vous commettez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je voudrais bien qu’on nous dise pourquoi c’est une erreur juridique !

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 513.

M. Patrick Ollier. Madame la garde des sceaux, je ne voudrais pas avoir l’air d’insister, mais je suis obligé d’y revenir : que vous le vouliez ou non, votre fameuse circulaire sur la GPA reconnaît les conséquences d’un acte illégal, puisqu’elle autorise la délivrance d’un certificat de nationalité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. François de Rugy. Quel est le rapport avec l’article 22 ?

M. Patrick Ollier. La GPA est illégale en France.

Au titre du parallélisme des formes, on pourrait considérer que l’article 22 est aussi la validation d’un acte illégal, puisqu’il est actuellement illégal, pour des personnes du même sexe, de se marier, et que cette disposition vise à régulariser les mariages contractés entre des personnes de même sexe avant l’entrée en vigueur de la loi. En définitive, vous nous demandez de voter une sorte de loi d’amnistie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais lisez donc le texte ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. Monsieur Le Bouillonnec, puis-je terminer sans que vous m’interrompiez, s’il vous plaît ? Vous étiez calme jusqu’à présent. Qu’est-ce qui vous arrive ?

M. Guy Geoffroy. La majorité fait de l’obstruction !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, vous allongez nos travaux.

Poursuivez, monsieur Ollier.

M. Patrick Ollier. Mon premier argument, je viens de le présenter, se situe au plan des principes : le texte valide des actes illégaux commis antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. C’est une forme de loi d’amnistie,…

M. Bernard Roman. Eh non !

M. Patrick Ollier. …qu’on le veuille ou non, et, sur le plan des principes, cela me choque.

Mon deuxième argument a trait à la mise en œuvre de cette disposition. Je souhaite que l’on prenne en compte le fait que des mariages boiteux existent – le Conseil d’État y fait allusion dans ce qu’on a pu lire de son avis – et que le texte peut encourager les filières organisées d’immigration. Je tenais simplement à le faire remarquer.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 766.

M. Frédéric Reiss. L’article 22 est de nouveau un modèle du genre. En le lisant, on croit rêver ! Pourtant, combien de fois a-t-on entendu qu’il fallait faire le droit avec rigueur ?

M. Guy Geoffroy. Là, c’est du droit à la rigueur !

M. Frédéric Reiss. Une fois de plus, on met la charrue avant les bœufs.

À l’instar de la circulaire de Mme la garde des sceaux – une préfiguration de la GPA, que la majorité va finir par légaliser –, cet article est la porte ouverte à tous les abus. L’article 22 reconnaît en effet les mariages homosexuels formés à l’étranger avant l’entrée en vigueur du texte. Et pourquoi pas les mariages célébrés illégalement en France, du côté de Bègles par exemple ?

M. Patrick Ollier. Mamère a déserté !

M. Frédéric Reiss. Décidément, la majorité n’est pas à une contradiction près. Au-delà du mariage, ce qui l’intéresse, c’est l’adoption et le droit à l’enfant. C’est un engrenage infernal, car l’adoption pour tous conduira à la PMA pour tous et à la gestation pour autrui pour tous.

M. David Douillet. Absolument !

M. Frédéric Reiss. Madame la garde des sceaux, les Français ne veulent pas de votre projet de civilisation ; la civilisation actuelle leur va très bien. Or le mariage entre un homme et une femme en est le fondement. Il faut donc supprimer l’article 22. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1149.

M. Philippe Cochet. Il est minuit six et, depuis six minutes, il y a 1 000 chômeurs de plus en France. Depuis que nous examinons ce texte, la France compte 12 000 chômeurs supplémentaires. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Mes chers collègues, j’ai été très choqué par les quolibets venus des bancs de la majorité quand notre collègue Ollier a évoqué des sujets aussi importants. Je veux bien que, lorsqu’on est dans la majorité, on rigole. Mais prenez-vous conscience de ce que vous faites ? Réveillez-vous ! Notre collègue de Polynésie vous a rappelé ce qu’est la vraie vie. Vous niez la réalité, comme si elle n’existait pas. Mais réveillez-vous, bon sang de bois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Au reste, il me semble que plus le débat avance, plus vous doutez de votre vote final. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Philippe Martin. Dans vos rêves !

M. Philippe Cochet. C’est la pugnacité du groupe UMP qui vous fait douter. Et si nous sommes si pugnaces, c’est parce que nous défendons une institution, le mariage, et que nous avons en tête ce sur quoi nous devons veiller nuit et jour : l’intérêt de l’enfant.

Vous, vous n’avez qu’un objectif : dynamiter la famille. C’est scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1193.

Mme Laure de La Raudière. L’article 22 offre la possibilité de régulariser les mariages de couples de même sexe régulièrement formés à l’étranger. Étant opposée au texte, je propose, par souci de cohérence, de supprimer cet article.

Mesdames les ministres, monsieur le ministre, nous regrettons votre dogmatisme sur ce sujet. Nous pensons que si la majorité avait bien voulu écouter un peu plus nos arguments dès l’automne, nous aurions pu nous retrouver pour répondre aux attentes des couples homosexuels et des familles homoparentales. Hélas, vous avez choisi de passer en force, en prenant des risques juridiques évidents, notamment en ouvrant l’adoption plénière aux couples homosexuels. C’est du reste la raison pour laquelle vous ne voulez pas rendre public l’avis du Conseil d’État.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1436.

M. Nicolas Dhuicq. Puisque le texte nous invite à voyager, je me demande quel sera le destin des mariages contractés en Californie, compte tenu des recours déposés devant la Haute Cour de cet État.

Mais voyageons dans le temps et imaginons ce qui se passera dans soixante ans, lorsque tous les grands textes de l’humanité auront été revisités à la lumière des bouleversements de la paternité que vous provoquez : Jacob sera « parent » d’Abraham, Énée sera « parent » d’Anchise, Priam « parent » d’Hector et Pélée « parent » d’Achille. Cela n’a aucun sens, n’obéit à aucune raison, à aucune logique ! Que deviendront Le Roi Lear de Shakespeare et les grands classiques français ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. Eduardo Rihan Cypel. Commencez par les lire !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues.

M. Nicolas Dhuicq. Chers collègues de la majorité, vous aurez continué à imposer la novlangue et l’on peut se demander si cette assemblée sera toujours une assemblée nationale. Pour ma part, j’en doute fortement. Vous bouleversez la culture, la civilisation, les repères, et vous n’avez que rires et quolibets à la bouche. Vous n’avez aucune conscience, aucune éthique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous oubliez nos maîtres, représentés ici sur la tapisserie de L’École d’Athènes et grâce auxquels nous faisons vivre la démocratie, démocratie que vous êtes en train de tuer et de laminer ! Vous oubliez que les enfants s’inscrivent dans une filiation, une généalogie, une histoire. Vous oubliez tous les grands textes de l’humanité.

Vous êtes morts, mes chers collègues (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR), car vous voulez un monde mort, puisque ce n’est que dans la mort qu’apparaît la véritable égalité. Nous, nous sommes vivants et nous sommes pour la liberté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, dont plusieurs députés se lèvent pour applaudir.)

M. le président. Monsieur Douillet, profitez de ce moment d’enthousiasme. (Sourires.)

Vous avez la parole, pour soutenir l’amendement n° 1528.

M. David Douillet. L’article 22, qui permet la reconnaissance du mariage des couples de personnes de même sexe valablement formé à l’étranger avant l’entrée en vigueur du texte, est en contradiction avec la loi, qui veut que les conditions de validité d’un mariage s’apprécient au regard de la loi personnelle des parties au jour de la célébration.

Par ailleurs, je voulais revenir sur vos propos, madame Narassiguin. J’ai eu l’honneur d’être secrétaire d’État aux Français de l’étranger (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

M. Olivier Dussopt. Ils vous ont oublié !

M. David Douillet. …secrétariat d’État dont la création avait été promise par tous les candidats à l’élection présidentielle, promesse qui n’avait jamais été tenue. Les Français de l’étranger avaient donc énormément de choses à dire au secrétaire d’État que j’étais. Du reste, je suis très heureux que le président Hollande ait conservé ce secrétariat d’État, après les nombreuses critiques dont il a fait l’objet de votre part.

Mme Corinne Narassiguin. C’est un ministère de plein exercice, aujourd’hui !

M. David Douillet. C’est la preuve que certaines bonnes idées ont été reprises.

Lorsque j’occupais ce poste, je n’ai jamais reçu le moindre mail, la moindre demande…

Mme Corinne Narassiguin. Vous ne l’avez occupé que deux mois !

M. David Douillet. Trois mois, madame, vous ne savez pas compter.

La vérité, c’est que, depuis le début de ce débat, vous cherchez des faire-valoir. Même au sein de la communauté homosexuelle, les avis sont très partagés sur le mariage homosexuel. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Vous avez cédé à des lobbies, comme l’a fait le Président de la République lorsque, devant les maires de France, il a expliqué qu’il leur laisserait une certaine liberté, avant de revenir, dès le lendemain, sur ses engagements…

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1601.

M. Jean-Frédéric Poisson. La première partie de l’article 22 dispose que tout mariage célébré à l’étranger dans les formes et sous les conditions prévues pour la célébration des mariages en France – quant à l’état civil des futurs époux, aux conditions de célébrations, au consentement, à la présence physique des époux, etc. – doit être transcrit en droit français.

La deuxième partie de l’article – celle qui nous pose problème, madame la ministre – dispose que ces mariages sont transcrits en droit français et deviennent valides du fait même qu’ils sont transcrits. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) N’ayez pas l’air étonné, chers collègues, je suis bien en train de rappeler le contenu du texte ! Ce qui est problématique, c’est qu’à partir du moment où il y a une demande de transcription, puis un entretien, lors duquel on vérifie que les conditions requises sont réunies, on considère que le mariage est valide, même s’il ne respecte pas la loi des personnes dans le pays d’origine de l’un des deux époux.

Et ne venez pas nous dire que de telles conditions ne vont pas créer un phénomène d’appel à l’égard de personnes étrangères qui voudraient venir vivre en France ! Comme on le sait, certaines personnes sont prêtes à tout pour venir s’installer chez nous, tant il y fait bon vivre. Je comprends les précautions légitimes que vous avez prises en rédigeant cet article mais, très franchement, inciter les ressortissants de pays étrangers au non-respect de la loi de leur pays d’origine et considérer que l’État français peut, d’un coup de gomme, faire disparaître ce non-respect de la loi, ne me paraît tout de même pas normal.

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1631.

M. Dominique Tian. Et moi, alors, monsieur le président ? Je n’ai pas le droit de m’exprimer ?

M. le président. Monsieur Tian, j’ai appelé le premier signataire de l’amendement n° 1601, à savoir M. Poisson. Si vous vouliez prendre la parole, il fallait vous mettre d’accord avec votre collègue.

Vous avez la parole, monsieur Guilloteau.

M. Christophe Guilloteau. Madame la ministre, notre collègue Nicolas Dhuicq a exprimé son inquiétude tout à l’heure, ce qu’il n’aurait peut-être pas fait si l’avis du Conseil d’État était venu répondre à ses interrogations.

Je voudrais dire à notre collègue Le Bouillonnec, qui est parti – ah non, je l’aperçois là-bas –…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oui, je suis là, et depuis le début, contrairement à vous !

M. Christophe Guilloteau. …que je le connaissais avocat, mais pas procureur, car ce soir il s’est transformé en procureur, et cela me dérange. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Allons, mes chers collègues !

M. Christophe Guilloteau. Tout à l’heure, il a été fait mention du mariage célébré par Noël Mamère à Bègles. Pour ma part, je considère qu’il vaut mieux un bon contrat chez un notaire qu’un mauvais mariage à Bègles. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Sergio Coronado. Quel talent !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1725.

Mme Véronique Louwagie. À la lecture de l’article 22, je ne peux m’empêcher de penser au mariage blanc (« Ah ! sur les bancs du groupe SRC), dont je vous rappelle la définition : c’est un mariage de complaisance, contracté dans d’autres buts que la vie commune. On parle de mariage blanc dans les pays où le mariage est basé sur le libre consentement, quand les époux mentent sur leurs intentions.

L’utilisation la plus souvent citée du mariage blanc et la plus vigoureusement combattue sur le plan légal est celle d’un immigrant qui épouse une personne du pays dans lequel il souhaite immigrer, dans l’unique but d’obtenir certains avantages – par exemple l’autorisation de séjour dans le pays concerné, l’attribution d’un logement ou l’obtention de la nationalité de la personne épousée.

En France, nous combattons le mariage blanc. Lorsque le maire a connaissance d’un délit ou qu’il suspecte les personnes se présentant à lui de vouloir contracter un mariage blanc, il ne peut s’y opposer ; toutefois, la loi a prévu une situation lui permettant de saisir le procureur. Au contraire, l’article 22 va favoriser « l’escroquerie sentimentale », c’est pourquoi je propose, avec l’amendement n° 1725, de supprimer cet article. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 1656.

M. Olivier Marleix. Par votre récente circulaire, madame la ministre, vous avez demandé au parquet de prendre acte de la GPA à l’étranger. Avec l’article 22, vous nous demandez de prendre acte de mariages contractés à l’étranger entre personnes de même sexe. Dès lors, je m’étonne que vous ne nous demandiez pas de valider également le mariage célébré par notre éminent collègue Noël Mamère à Bègles en 2004 – une affaire toujours pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme, me semble-t-il.

C’est une étrange conception du rôle du Parlement que la vôtre, madame la ministre : manifestement, vous voyez notre assemblée comme une chambre d’enregistrement chargée de donner un blanc-seing, a posteriori, à toutes sortes d’initiatives jusqu’à présent interdites par la loi. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 22. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1768.

M. Guillaume Chevrollier. L’article 22 vise à permettre la reconnaissance des mariages entre couples de même sexe, valablement formés à l’étranger avant l’entrée en vigueur du texte. Cela constitue une contradiction avec la loi, qui veut que les conditions de validité d’un mariage s’apprécient au regard de la loi personnelle des parties en vigueur au jour de la célébration. Cet article constitue donc une entorse au principe de non-rétroactivité.

D’autre part, en reconnaissant les effets du mariage entre couples de même sexe valablement formés à l’étranger à l’égard des enfants, l’article 22 est contraire aux principes essentiels de la filiation, reposant sur l’altérité des sexes des géniteurs des enfants. Il contournerait également la loi française en donnant une suite légale à des actes illégaux en France. Cela devient une pratique coutumière de votre gouvernement, après la circulaire parue si opportunément pendant nos débats, portant sur les conditions de délivrance de certificats de nationalité française aux enfants nés à l’étranger de Français après recours à la fameuse gestation pour autrui.

Enfin, l’article 22 crée une discrimination entre les enfants élevés par des couples homosexuels mariés en France et ceux élevés par des couples homosexuels mariés à l’étranger. Arrêtez les dégâts ! Ce texte, censé mettre fin à une prétendue inégalité entre des couples de différentes natures, ne rétablit pas l’égalité, mais n’apporte au contraire que discrimination, inégalité et déséquilibre. Il faut donc supprimer l’article 22, ainsi que l’ensemble du projet de loi dont il fait partie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 1972.

M. Jacques Lamblin. Je veux commencer par poser une question à nos collègues de la majorité : mes chers collègues, pensez-vous que la détermination dont nous faisons preuve depuis une dizaine de jours n’est motivée que par des raisons politiques et la volonté de vous contredire ? (« Oui ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Votre réponse en dit long sur votre état d’esprit et, pour tout dire, cela me paraît insensé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Nous aussi, nous avons des convictions !

M. Jacques Lamblin. Pour nous, votre texte est grave pour ce qu’il contient, mais aussi et surtout pour ce qu’il ne contient pas, mais ne manquera pas d’appeler.

Quand un texte est faible, il est détourné, et l’article 22 n’échappera pas à la règle, comme cela a déjà été décrit. De même, si vous libéralisez la PMA, si cette technique devient une opération de convenance, les femmes homosexuelles ne seront pas les seules à y avoir recours : je vous affirme que des femmes seules y auront recours également, ce qui va se traduire par l’émergence d’une nouvelle catégorie dans la société.

Je suis maire d’une ville de 20 000 habitants où, selon un récent rapport de l’INSEE, on compte 500 couples avec enfants de moins que précédemment, et 300 familles monoparentales – autrement dit des familles subies.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Pas toujours !

M. Jacques Lamblin. Avec l’ouverture de la PMA, ces familles monoparentales seront des familles voulues.

Vous ouvrez ainsi la porte à l’eugénisme : des femmes choisiront sur catalogue l’homme qui leur convient le mieux ! Réfléchissez bien à cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. Incroyable !

M. Jean Glavany. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour soutenir l’amendement n° 2037.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Nous avons bien compris la tactique du Président de la République et de son gouvernement, consistant à inonder les esprits de réformes sociétales afin de masquer les vrais problèmes, notamment les plans sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – « C’est la réalité ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Ainsi, le texte sur les banques, que nous allons examiner à partir de la semaine prochaine et qui aura des conséquences calamiteuses sur les TPE et les PME, s’ajoute à l’envolée vertigineuse des impôts et à la chute non moins vertigineuse du pouvoir d’achat. On a l’impression que votre ambition se résume à détricoter tout ce que nous avions fait ; or tout ne méritait sans doute pas d’être ainsi réduit à néant.

À court d’idées, vous finissez par aller chercher ce qui se fait à l’étranger mais est interdit en France. Pensez-vous que c’est ainsi que vous réduirez les inégalités en suivant l’évolution de la société ? Mais de quelle société ? Vous nous dites qu’il n’y a pas de loi naturelle, seulement les lois de la République. Mais sur quelles républiques étrangères prenez-vous modèle ? Supprimez l’article 22, ne serait-ce que pour montrer que vous croyez en votre projet : vous laisserez ainsi aux personnes mariées à l’étranger la joie de se marier légalement en France – si elles ne sont pas déjà divorcées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2916.

M. Philippe Meunier. Article après article, la majorité détruit le droit de la famille. Non contents de cela, vous sombrez dans l’arrogance et n’écoutez pas l’opposition, passant votre temps à rire et à vous moquer de nous. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’ai même vu, tout à l’heure, une députée du groupe socialiste manger une barre chocolatée dans l’hémicycle (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC),

M. Jean Glavany. Quel scandale !

M. Philippe Meunier. …ce qui, au point d’abaissement où vous êtes parvenus, ne signifie peut-être plus grand-chose pour vous.

De la même manière, vous avez abaissé notre pays en commençant par détruire les lois voulues par Nicolas Sarkozy et votées par notre Parlement, notamment celles relatives aux heures supplémentaires. Aujourd’hui, c’est au droit de la famille que vous vous attaquez avec le mariage pour tous – et demain, ce sera le droit de vote des immigrés. Continuez ainsi : nous vous donnons rendez-vous dans les rues de Paris le 24 mars prochain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n° 2983. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Allons, mes chers collègues, laissez l’orateur s’exprimer !

Vous avez la parole, monsieur Houillon.

M. Philippe Houillon. Personnellement, l’article 22 me paraît très utile (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) pour les futurs étudiants en droit, car il constitue un exemple frappant d’un article totalement contraire aux principes élémentaires, de droit interne et de droit international privé.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça, c’est sûr !

M. Philippe Houillon. Je le trouve également utile en ce qu’il illustre, s’il en était besoin, que tout le texte qui nous est soumis est plus proche de l’arthrose que d’un dispositif juridique. L’arthrose, c’est une maladie des articulations…

M. Régis Juanico. Et de l’UMP !

M. Philippe Houillon. …qui se traduit par des douleurs lors des mouvements. Or ce texte sera connecté à tant d’autres sujets, comme l’a écrit le Conseil d’État, que cela va finir par faire mal. Retirez donc ce texte, tout du moins l’article 22, contraire à tous les principes, notamment en matière d’état civil des personnes. À défaut, vous allez créer beaucoup plus de problèmes que vous ne prétendez en régler. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l’amendement n° 3085.

Mme Valérie Lacroute. Comme cela a été dit à plusieurs reprises, l’article 22 vise à permettre la reconnaissance des mariages entre personnes de même sexe valablement formés à l’étranger avant l’entrée en vigueur du texte. Mais quelle contradiction avec la loi ! Et, surtout, quel fossé avec la vie des Français ! Depuis plusieurs heures, depuis plusieurs jours nous discutons du texte dans cet hémicycle, mais, sincèrement, avez-vous interrogé les Français ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. Ils n’en veulent pas !

Mme Valérie Lacroute. Avez-vous interrogé vos administrés sur leurs souhaits ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Les avez-vous consultés ? (« Oui ! » sur les mêmes bancs.) Pour ma part, je reviens de ma circonscription et je peux vous dire qu’ils ne sont pas du tout dans cet état d’esprit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Oui, ils sont favorables à l’avancée que représente l’union civile entre deux hommes ou deux femmes, mais ils ne souhaitent ouvrir à ces couples ni l’adoption, ni la PMA, ni la GPA.

C’est pour cette raison que nous sommes là ce soir et que nous vous demandons de supprimer cet article en adoptant cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n° 3148.

M. Sylvain Berrios. Après douze jours de débat, je trouve des vertus à ce texte.

Il a des vertus parce qu’il révèle votre volonté de piétiner l’institution du mariage et, de fait, la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il révèle que votre volonté politique n’est qu’idéologique, à un point tel qu’elle nie l’altérité homme-femme, notamment dans la procréation, dans le fait de donner la vie.

Il a des vertus parce qu’il révèle votre sens des priorités : en douze jours, 12 000 chômeurs de plus ont été comptabilisés. Y avait-il urgence à légiférer maintenant ?

Il a des vertus parce qu’il révèle l’état de votre majorité, laquelle, parce qu’elle est divisée, est en réalité muselée. Aujourd’hui, vous n’avez plus le droit d’intervenir : voilà la vérité !

Ce projet révèle votre capacité à tordre la loi, à écrire des textes complètement tordus qui ne simplifient rien et qui compliqueront l’ensemble du code civil et du droit de la famille.

Enfin, ce texte a des vertus parce qu’il révèle au grand jour votre capacité à contourner la loi française ; c’est le cas de l’article 22, qui autorise à l’étranger ce qui est interdit sur le territoire français. C’est pourquoi il faut supprimer cet article et, au-delà, l’ensemble du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3205.

M. Céleste Lett. Mes chers collègues, voilà encore un article qui démontre combien votre loi est une révolution à l’envers. Pour aller dans le même sens que mes prédécesseurs, je dirai que vous pulvérisez non seulement le droit, mais aussi la famille. Et tout ceci par souci de clientélisme ; car ce n’est rien d’autre que cela !

Mariage, adoption, PMA, GPA : voilà votre ligne d’évolution, votre ligne de progrès ! Depuis le début, depuis que nous abordons le sujet de la PMA et de la GPA, je pense au livre d’Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) que notre excellent collègue François de Mazières a évoqué il y a quelques jours et que j’ai travaillé voilà une trentaine d’années avec une classe pendant un trimestre.

M. Arnaud Leroy. Il n’a pas tant de pages que cela, pourtant !

M. Céleste Lett. Et j’ai le souvenir de sentiments partagés entre, d’un côté, une admiration pour les progrès scientifiques et, de l’autre, une forme de révulsion pour ce que pouvait être la société de demain. Permettez-moi de vous lire quelques extraits de ce qu’Aldous Huxley écrivait en 1951, vingt ans après la parution du livre – ce peut être l’occasion de se cultiver pour certains (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : « Aujourd’hui, il semble pratiquement possible que cette horreur s’abatte sur nous dans le délai d’un siècle ». Il évoque un « totalitarisme supranational, suscité par le chaos social résultant du progrès technologique ». Si M. le président m’accorde encore trente secondes,…

M. le président. Merci, monsieur Lett.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 3514.

M. Daniel Fasquelle. Ces débats ont permis de comprendre que la majorité est décidément fâchée avec le droit français. Hier encore, nous avons eu un débat surréaliste avec Mme la ministre à propos des fictions en droit. Chers collègues de la majorité, vous êtes fâchés avec le droit comparé, parce que le modèle majoritaire en Europe n’est pas celui que vous proposez aujourd’hui. C’est celui de l’union civile, de l’alliance civile, que nous avons défendu et que nous continuerons de défendre.

Vous êtes en outre fâchés avec les textes internationaux : votre texte n’est par exemple pas conforme à la convention de New York sur les droits de l’enfant, en particulier à l’article 7, alinéa 1, qui concerne le droit de l’enfant à connaître ses origines.

Enfin, vous êtes fâchés avec le droit international privé ; tous les spécialistes, tous ceux qui se sont intéressés à cette question – et ils l’ont fait avec effroi – le disent. Un universitaire affirme par exemple que la règle de l’article 202-1 du code civil tel que proposé par le projet de loi « pose autant de problèmes qu’elle en résout. Elle risque surtout de multiplier les mariages boiteux ». C’est le cas également de cet article 22 : on peut se poser aujourd’hui des questions sur les mariages concernés, sur l’application du texte dans le temps, en France et à l’étranger, à l’égard des personnes concernés et des tiers.

On le voit bien, votre texte est bâclé. Grâce à l’opposition, nous avons eu un débat depuis quinze jours dans cet hémicycle, le débat que vous avez refusé aux Français. Celui-ci était nécessaire pour montrer les incohérences de ce texte et celles de la majorité, qui concernent notamment la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. Ces pratiques, en réalité, vous les favorisez : par l’effet de votre texte et de la circulaire de Mme Taubira, il sera très facile demain de se rendre dans les pays où elles existent déjà, de les faire pratiquer, puis de revenir en France afin d’établir une double filiation à l’égard de deux hommes ou de deux femmes. Ainsi, des enfants seront définitivement privés du droit de connaître leur père ou leur mère naturels.

Tout cela est décidément scandaleux, justifierait que vous retiriez votre texte – il n’est pas trop tard ! – et que nous ayons enfin un vrai et grand débat digne de notre démocratie et de notre pays.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse, pour soutenir l’amendement n° 4003. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Quel accueil !

Mme Valérie Pecresse. Monsieur le président, je vais défendre mon amendement mais avec la résignation de ceux qui savent qu’il ne sera pas adopté et que nous ne serons pas entendus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En effet, le Gouvernement, sur ce texte, n’a pas choisi l’apaisement ; il a choisi le clivage. Il n’a pas choisi le dialogue, la réflexion et le consensus ; il a choisi la fermeture. Pourquoi ? Nous aurions pu nous retrouver – Valérie Lacroute l’a très bien dit – sur une proposition d’union civile, qui aurait pu faire consensus.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est discriminatoire !

Mme Valérie Pecresse. Pour la filiation, il était urgent de réfléchir. Il fallait prendre le temps, on le voit bien aujourd’hui. Les associations de défense des droits des homosexuels ont toujours été totalement transparentes sur cette question. Elles ont toujours dit qu’elles voulaient l’égalité de tous les droits : le droit à l’adoption, mais aussi le droit à la filiation biologique, le droit à la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes, le droit à la gestation pour autrui pour les couples d’hommes.

M. Bernard Roman. Non, c’est faux !

Mme Valérie Pecresse. Alors, le Gouvernement louvoie, il est dissimulé et ne nous dit pas la vérité. Il ne nous dit pas, surtout, jusqu’où il veut aller. Alors pourquoi se précipiter ? Pourquoi avancer ainsi en creusant un clivage qui va fracturer la société française ?

Eh bien, je vais vous dire pourquoi vous le faites : pour fabriquer un écran de fumée, pour souder une majorité qui est déçue par toutes les promesses non tenues de François Hollande et par l’incompétence de ce dernier à gérer la France et à résoudre les vrais problèmes économiques et sociaux de notre pays, en particulier celui du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà pourquoi vous ne voulez pas prendre le temps sur cette loi !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3582.

M. Xavier Breton. Cet amendement de suppression de l’article 22 est une manière de souligner une nouvelle fois l’impréparation de ce texte. Comme nous l’avons dit, et on le voit à nouveau dans cet article comme dans les précédents, l’étude d’impact est largement insuffisante et le projet comporte nombre d’imprécisions juridiques qui suscitent des interrogations.

Ce texte est également improvisé : vous écrivez une page blanche sans en mesurer toutes les conséquences, tous les impacts. Nous serons quant à nous très attentifs aux conséquences juridiques de ce projet de loi.

Cependant, puisque M. le ministre chargé des relations avec le Parlement est présent et qu’il nous a indiqué, quant au calendrier d’examen de la loi sur la famille, que nous aurions à nous prononcer après l’avis du Comité consultatif national d’éthique, j’aimerais lui poser deux questions précises.

Premièrement, monsieur le ministre, y aura-t-il oui ou non des états généraux sur cette question ? J’ai cru comprendre que oui ; dans cette hypothèse, pouvez-vous nous préciser s’ils auront bien lieu après l’avis du CCNE ?

Deuxièmement, l’assistance à la procréation sera-t-elle inscrite dans le projet de loi sur la famille qui sera déposé fin mars ou l’examen d’une telle mesure sera-t-il renvoyé ultérieurement à la remise de l’avis du CCNE ? Là aussi, c’est important, parce que je pense que des accords ont été passés au sein de votre majorité, et nous voudrions les connaître.

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 4130.

Plusieurs députés du groupe UMP. Bon anniversaire !

M. Yves Censi. Mes chers collègues, l’article que nous examinons déroule finalement comme un jeu de domino ce que vous avez transformé comme un fait générateur, c’est-à-dire l’ensemble de la structure familiale.

Une question ne cesse pourtant de me tarauder et continue, j’en suis sûr, de tarauder les Français ; peut-être le Gouvernement pourra-t-il enfin y répondre : pourquoi le Président de la République a-t-il évoqué un problème de conscience devant les maires ?

M. Guy Geoffroy. C’est qu’il en connaît un lui-même ! Il n’y croit pas lui-même !

M. Yves Censi. Pourquoi a-t-il ouvert le débat en évoquant la question de la liberté de conscience ?

Je pense que, par principe, le Président de la République n’est pas un lâche ; il n’a donc pas agi ainsi pour éviter de se faire siffler par les maires ou pour chercher à les calmer. Vous conviendrez également avec moi que, sans être homophobe – personne ne peut imaginer qu’il le soit –, et nous ne le sommes pas plus que lui, le Président de la République a quand même un problème de conscience.

Pensez-vous par ailleurs qu’il trouverait gênant d’accorder des droits supplémentaires aux couples homosexuels ? Assurément pas, tout comme nous, au demeurant. Penserait-il alors qu’une personne homosexuelle serait incapable d’élever des enfants ? Non, pas du tout, pas plus que nous. Et pourtant, il a un problème de conscience.

Il faut essayer de comprendre pourquoi le Président de la République a évoqué cette question. Il a souligné ce problème puis a laissé faire ses ministres et sa majorité, en demandant toutefois au Premier ministre, à un moment donné, de recadrer Mme la ministre déléguée chargée de la famille sur la PMA ; je crois que les mots du Premier ministre sont exactement ceux-là : « Elle ne peut pas dire ça ». J’ai pour mon idée sur ce point…

M. le président. Merci. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4731.

M. Gilles Lurton. Si cet article a pour objet de permettre la reconnaissance des mariages de couples de personnes de même sexe valablement formés à l’étranger avant l’entrée en vigueur du texte, il illustre aussi, à l’instar des articles précédents, le manque de préparation de votre projet.

Je ne comprends pas qu’un tel texte, qu’un tel article n’aient pas été soumis à la commission des affaires étrangères. Pour ce qui me concerne, avant le vote de cet article et, à plus forte raison, de ce texte dans sa totalité, je souhaiterais connaître l’avis du ministre de l’intérieur sur de telles dispositions. Nous ne l’aurons malheureusement pas, tant est grande votre hâte de faire voter ce projet à tout prix, dans les délais les plus brefs, au risque d’avoir un texte bâclé.

Eh bien, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, je souhaite que nous n’ayons pas un vote conforme au Sénat et que nous puissions revenir sur ce texte en deuxième lecture.

M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n° 4806.

M. Alain Leboeuf. Les articles 171-1 et suivants du code civil définissent les règles du mariage des Français à l’étranger. L’article 171-1 traite du mariage contracté en pays étranger entre Français ou entre un ressortissant français et un étranger.

L’article 22 du projet de loi a pour effet de reconnaître le mariage entre personnes de même sexe, acte qui peut faire l’objet d’une transcription. En revanche, il n’évoque pas la reconnaissance du mariage entre personnes de sexe différent, introduisant ainsi une inégalité défavorable aux couples de sexe différent qui se sont mariés à l’étranger. Ce faisant, il encourt un risque d’inconstitutionnalité. Pour ne pas prendre ce risque, je vous propose donc de supprimer cet article.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour soutenir l’amendement n° 4852.

Mme Geneviève Levy. Là encore, avec cet article, on trouve matière à inquiétude juridique, et je suis désolée d’avoir à le redire. Comment pouvons-nous participer à ce type de démarche alors que notre rôle est de sécuriser la situation de nos concitoyens ? Et je pense que si l’avis du Conseil d’État nous est caché avec tant d’ardeur, c’est très certainement que dans sa sagesse et avec ses compétences, le Conseil d’État a bien perçu tous les risques auxquels nous exposions nos concitoyens.

La loi n’est pas là pour les exposer à de tels risques, y compris juridiques.

Pensez-vous, mesdames et messieurs de la majorité, protéger nos concitoyens avec un article organisant ce qui est proscrit dans notre droit, à savoir la rétroactivité des lois ? Cela me paraît aller totalement à l’encontre de ce pour quoi nous avons choisi de nous engager, c’est-à-dire essayer d’apaiser la situation pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5104.

M. Guy Geoffroy. Je suggère à nos collègues de la majorité de ne pas nous donner l’occasion, en retardant nos débats, de montrer à l’opinion publique qui nous écoute et nous regarde combien cet article 22 est révélateur de toutes vos obsessions. Permettez-moi de vous le dire, madame la garde des sceaux, en reprenant une formule que vous avez utilisée tout à l’heure et que je vous renvoie au ras du filet : avec cet article 22, vos obsessions montent en gamme.

C’est d’abord l’obsession de la « modernitude » : on prend à l’étranger tout ce qu’il y a de plus scabreux, de plus incertain, de plus incorrect sur le plan juridique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) au regard des principes fondamentaux de notre droit, bien installé sur ses bases ; et, comme il faut être le meilleur, on tord encore le cou à ce qui est déjà bien aléatoire.

C’est aussi votre obsession de la régularisation : tout ce qui est irrégulier doit être régularisé. Qu’en est-il des étrangers en situation irrégulière ? On va les régulariser, parce que l’humanitarisme nécessite qu’on le fasse. Qu’en est-il des procréations médicalement assistées ? Pour elles, on n’a pas besoin de le faire, mais on se rattrape avec la gestation pour autrui – c’est votre circulaire GPA, madame Taubira, la circulaire de l’obsession de la régularisation.

M. Razzy Hammadi. Quelle démagogie !

M. Guy Geoffroy. Avec cet article, enfin, c’est l’obsession de tout ce que nous, nous n’acceptons pas, et que vous allez rendre légal rétroactivement. Imaginez-vous le symbole que constitue cet article 22 : parmi les premiers mariages entre personnes de même sexe qui existeront dans nos actes civils, il y aura bel et bien une bonne quantité de mariages, illégaux avant la loi, qui seront transcrits grâce à elle. Bel exemple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 5315.

M. Arnaud Richard. Vous nous reprochez, mes chers collègues, d’avoir déposé 5 000 amendements : votre record, établi à 123 000 amendements, est donc loin d’être battu !

Vous faites le choix de la loi du plus fort, alors que la société n’est pas prête à accepter le changement que vous lui imposez. Vous faites le choix de la PMA, de la GPA et certains même celui de la téléportation.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ah ! ça y est, voilà le clonage !

M. Bernard Roman. On y a eu droit !

M. Arnaud Richard. Voilà votre changement. Pour ma part, je milite pour une société qui accepte les différences, alors que vous ne voyez que par l’égalitarisme.

Quitte à être perçu comme un conservateur, je dois dire que je suis très frappé par l’amateurisme, la faiblesse juridique et la méconnaissance des conséquences de ce texte.

Par votre circulaire, vous prenez acte de la GPA à l’étranger ; avec l’article 22 – je le répète après Guy Geoffroy –, c’est presque l’asile pour tous. M. Lurton l’a lui aussi souligné : c’est la régularisation par l’égalitarisme.

Un ancien Premier ministre issu de vos rangs a pu dire que la France ne pouvait accueillir toute la misère du monde mais qu’elle devait savoir en prendre fidèlement sa part. Je pense, mes chers collègues – et j’en reviens au sujet de notre texte – qu’avec cet article vous allez trop loin.

M. Yves Censi. S’il n’y avait qu’avec celui-là !

M. Arnaud Richard. Tout comme M. Geoffroy, je pense que vous allez trop loin, parce que vous ne mesurez pas les conséquences de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements de suppression ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Comme on l’a rappelé, l’article 22, qui n’a d’ailleurs pas été modifié par la commission, précise les conditions de reconnaissance et de transcription des mariages contractés à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi. Il ne s’agit pas, contrairement à ce que je l’ai entendu dire, de cautionner ou d’amnistier des pratiques illégales,…

M. Guy Geoffroy. Mais si ! Vous êtes emportés par votre délire !

M. Erwann Binet, rapporteur. …ou des escroqueries sentimentales. Ces mariages ont évidemment été célébrés le plus légalement du monde dans les pays concernés.

L’intérêt de cet article réside dans le fait que la validité du mariage s’apprécie au jour de la célébration et que, à défaut de disposition spécifique, le mariage d’un Français avec une personne de même sexe célébré à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi ne pourrait produire aucun effet dans notre pays après son vote.

M. Guy Geoffroy. Et alors ? Ils se marieraient de nouveau après la promulgation de la loi !

M. Erwann Binet, rapporteur. Naturellement – on l’a rappelé, mais je le précise de nouveau – les mariages seront reconnus en France à la date de leur célébration, sous réserve du respect des règles générales relatives à la qualité requise pour pouvoir contracter mariage et aux conditions de nullité.

La commission a donc donné un avis défavorable sur l’ensemble des amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Manifestement nous ne parlons pas du même article. Il est vrai que depuis quatre, cinq ou six jours – au moins – vous nous parlez de toutes sortes de sujets en présentant des amendements dont vous ne dites mot. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous procédez exactement au même exercice pour cet article, dont je vais rappeler le contenu. L’article 22, qui figurait dans le texte du Gouvernement et a donc fait l’objet de l’examen par le Conseil d’État, lequel semble vous tenir tellement à cœur…

M. Guy Geoffroy. Et qu’a-t-il dit ?

M. le président. Monsieur Geoffroy, s’il vous plaît !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Eh bien, si l’avis n’avait pas été favorable, ce texte ne serait pas là ; ce n’est pas plus compliqué que cela, monsieur Geoffroy ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cet article 22, disais-je, contient deux dispositions. La première consiste à faire en sorte qu’un mariage régulièrement célébré à l’étranger produise des effets sur les époux et sur les enfants en France. Cela veut dire, entre autres, que l’autorité parentale joue, et que l’inscription à l’école est possible. Les effets vis-à-vis des tiers ne se produisent qu’à partir de la transcription.

Dans les deux cas, l’article précise bien entendu que cela vaut « sous réserve du respect » des dispositions du code civil français. Autrement dit, quelle que soit la loi sous laquelle le mariage a été célébré, si les conditions du mariage valables en France, à savoir les conditions d’âge – avoir dix-huit ans –, sans oublier le consentement ou encore les obligations en matière d’assistance, car tous les articles afférents du code civil sont mentionnés, il n’est pas considéré comme valable en France. En clair, la première disposition, qui produit des effets vis-à-vis des époux et des enfants, est soumise aux conditions légales du mariage en France, telles qu’établies dans le code civil.

La deuxième disposition de l’article 22 concerne la transcription de ce mariage dans l’état civil français, qui est déjà prévue par le code civil, à telle enseigne que l’article lui-même indique les conditions dans lesquelles elle peut être effectuée, à savoir celles fixées par les articles 171-5 et 171-7.

Je vous signale d’ailleurs que, parmi les conditions de transcription du mariage prévues par le code civil, des procédures de contrôle sont déjà prévues. De quoi s’agit-il – ou plutôt, de qui s’agit-il ? Sont concernés les mariages célébrés régulièrement à l’étranger, soit entre deux Français, soit entre un Français et un étranger.

M. Patrick Ollier. Y compris des personnes avec lesquelles il est illégal de s’unir !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quels sont les pays concernés ?

Depuis quinze jours, vous n’arrêtez pas de dire que seule une poignée de pays a ouvert le mariage aux couples de même sexe. Les pays concernés sont donc cette poignée d’États qui ont ouvert le mariage aux couples de même sexe. Le flux migratoire que vous dénoncez, les hordes qui sont à nos portes, ne sont que des fantômes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. Arrêtez votre cinéma !

Mme Laure de La Raudière. C’est une honte !

M. Philippe Le Ray. Les fantômes n’ont pas de sexe !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si nous vous suivons et si nous abrogeons l’article 22, que se passera-t-il ? Un mariage célébré, par exemple, entre un Français et un Belge – puisque la Belgique a ouvert le mariage aux couples de même sexe –, célébré légalement en Belgique et qui doit être conforme aux dispositions du code civil français, deviendra nul. Le Français et le Belge seront obligés de divorcer pour pouvoir se remarier.

Ensuite, il est intéressant de se souvenir de l’article 1er du texte, lequel contient des dispositions concernant la loi personnelle. Vous vous souvenez certainement que j’ai eu l’occasion d’expliquer que les autres pays qui avaient ouvert le mariage et l’adoption aux couples de même sexe ont pris la même disposition que le Gouvernement vous propose dans ce texte et qui a été votée avec l’article 1er. Cette disposition fait qu’un Français peut épouser…

M. Jean-Charles Taugourdeau. Un fantôme ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …un Belge, un Espagnol ou un Hollandais dans le pays concerné, et cela légalement, selon la loi de ce pays. En effet, les États en question ont fait comme nous, c’est-à-dire établi une dérogation à la loi personnelle.

Il s’agit donc des effets d’un mariage légalement célébré,…

M. Dominique Tian. Non, justement : pas légalement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …vérifié comme étant conforme à notre code civil, concernant deux Français ou un Français et un ressortissant d’un pays figurant parmi cette infime poignée qui a ouvert le mariage et l’adoption aux couples de même sexe ; ce mariage produit d’abord ses effets sur les époux et sur les enfants, et ensuite, à partir de la transcription, sur les tiers.

M. Guy Geoffroy. Quel gloubi-boulga ! Même Casimir n’aurait pas mangé ça !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà de quoi il s’agit. Il est évident que nous ne parlions pas du même article. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Le groupe UMP n’est pas vraiment rassuré par les explications du rapporteur, qui étaient d’ailleurs très brèves, et l’est encore moins par celles de Mme la ministre.

Nous voulons signaler que ces personnes se sont mariées illégalement. (« Non ! sur les bancs du groupe SRC.) Au regard du droit français, elles ont profité de l’existence de quelques pays qui autorisaient ce type de mariage, tout en sachant que ces unions ne seraient pas reconnues en France.

Cela pose d’ailleurs un problème moral : ne faut-il pas demander à ces personnes de revenir devant l’officier d’état civil français pour recueillir de nouveau leur consentement ? Après tout, elles ont peut-être été d’accord à un moment de leur vie, et cela à l’étranger ; ce mariage n’avait pas beaucoup d’importance, puisqu’il n’était pas reconnu sur le territoire national. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Dominique Tian. Il faut peut-être qu’elles réaffirment leur consentement. On ne peut pas présumer de l’existence de leurs sentiments maintenant que les conséquences sont opposables sur le territoire national.

On pourrait presque se demander si un mariage célébré au petit matin à Las Vegas est vraiment valable s’il n’a pas à nouveau fait l’objet d’une cérémonie en France. On peut par exemple se marier par défi ! Il nous paraît assez normal que le sentiment soit réaffirmé devant l’officier d’état civil.

Par ailleurs, vous parlez d’un mariage légal sur le territoire où il a été célébré. Si les exemples belge et hollandais peuvent paraître valables, il y a d’autres pays où l’état civil est incertain. Toutes les précautions ont-elle été prises ? A-t-on vérifié que l’état civil était valable ? A-t-on mesuré les conséquences vis-à-vis des tiers ? Comme l’ont dit un certain nombre de mes collègues, quand on fait un mariage en France, l’officier d’état civil, l’adjoint au maire, prend des précautions, vérifie qu’il ne s’agit pas d’un mariage blanc.

M. le président. Sur l’article 22, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à François de Rugy.

M. François de Rugy. J’étais présent lors de nos débats lundi, mardi, mercredi, avant de m’absenter pour rentrer à Nantes jeudi. Je suis de retour aujourd’hui vendredi (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et je dois dire que je ne suis pas dépaysé !

Les mêmes sont toujours là : le Breton est toujours là, Le Fur, qui est breton aussi, est toujours là, le Normand Gosselin est toujours là, le Poisson qui fraie parfois en eaux un peu troubles est toujours là… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Quel humour !

M. François de Rugy. …et celui qui a été surnommé « le troll de l’Assemblée » est toujours là. J’ai noté aussi que Mme Pecresse avait changé, mais uniquement du point de vue vestimentaire ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Voilà donc que l’article 22 traite des mariages célébrés à l’étranger. Je me disais bien, lorsque je l’ai lu, que cet article allait vous inspirer, chers collègues de l’opposition. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. – Quelques députés se lèvent.)

M. Christian Jacob. Rappel au règlement !

M. le président. Chers collègues, asseyez-vous, je vous prie. Je donnerai la parole au président Jacob avant le vote. Monsieur de Rugy, veuillez terminer votre propos.

M. François de Rugy. Il faut quand même qu’il y ait des interventions de la majorité !

Lors du précédent mandat, j’avais présenté un amendement qui visait à reconnaître les contrats équivalents au Pacs conclus à l’étranger. Je me souviens que plusieurs d’entre vous, chers collègues de l’opposition, poussaient déjà des cris d’orfraie, s’alarmant du fait que nous allions reconnaître des droits équivalents à ceux du mariage.

Cet amendement a fini par être adopté, grâce au soutien de Jean-Paul Delevoye, qui, après avoir été parlementaire RPR, était alors médiateur de la République, et de la garde des sceaux de l’époque, Rachida Dati, qui n’est peut-être plus en odeur de sainteté chez vous aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais d’où sort-il, celui-là ?

M. François de Rugy. Avec l’article 22, nous faisons la même chose pour le mariage. Ça ne m’étonne pas beaucoup que ça vous dérange.

M. Bernard Deflesselles. C’est vous qui nous dérangez ! Que venez-vous faire ici ?

M. François de Rugy. On a bien compris depuis le début de cette discussion qu’avec vous, quand on est homosexuel, il vaut mieux se faire discret. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Être homosexuel et vouloir se marier, là, c’est trop ! (Vives protestations sur les mêmes bancs.)

Alors en plus, être étranger, homosexuel et vouloir se marier, faut quand même pas exagérer ! (Mêmes mouvements.)

Plusieurs députés UMP. Scandaleux !

M. François de Rugy. Nous, notre boussole, notre seule boussole dans ce débat, c’est l’égalité, l’égalité, encore l’égalité et toujours l’égalité ! C’est ce que nous défendons avec l’article 22 ! (Mêmes mouvements.)

M. Hervé Mariton. Rappel au règlement !

M. le président. Non, monsieur Mariton, je vais donner la parole à votre président de groupe ; il n’y aura pas deux rappels au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Mon intervention se fonde sur l’article 58. La discussion sur l’article puis la défense des amendements se sont déroulées dans un climat qui n’est pas acceptable.

Nos collègues ont dû affronter en permanence des quolibets. Pas un seul représentant de la majorité ne s’est levé pour intervenir sur le fond.

M. Xavier Breton. Ils n’en ont pas le droit !

M. Christian Jacob. J’ai cru comprendre que les députés de la majorité étaient muselés et qu’en bons godillots, ils n’ont qu’un droit, celui de se taire. Chers collègues, j’avoue que vous l’avez respecté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur de Rugy, vos propos sont inacceptables. On peut tout entendre, on peut être en désaccord. Mais les procès que vous venez de faire en homophobie, les propos que vous venez de tenir à l’instant sont minables et indignes. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Minables, oui !

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance. Mais je vous le dis très clairement : nous ne reprendrons pas les débats dans des conditions normales tant que M. de Rugy n’aura pas présenté d’excuses ! (Mêmes mouvements.)

Plusieurs députés UMP. Très bien !

M. Christian Jacob. Ce sera suspension de séance sur suspension de séance, incident sur incident. M. de Rugy devra s’expliquer ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Je demande aux présidents de groupe de me retrouver dès la suspension de séance pour faire le point sur le déroulement de nos travaux. Il est 1 heure 05 : nous ne prolongerons pas cette séance s’il est impossible d’arriver à son terme.

Plusieurs députés UMP. Des excuses ! Des excuses !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le samedi 9 février 2013 à une heure cinq, est reprise à une heure vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 22 (suite)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Dans ce débat, depuis maintenant près de deux semaines, nous avons entendu beaucoup de choses, et il est des propos qui, parfois, peuvent être ressentis comme blessants ; c’est regrettable.

J’ai nommé tout à l’heure certains collègues – avec humour, j’espère qu’ils l’auront compris. J’ai du respect, sinon toujours pour leurs idées, du moins pour leur engagement. L’engagement des députés, quels qu’ils soient, est toujours respectable dans ces débats.

Il me semble qu’à ce stade avancé de nos discussions, ce n’est pas la peine d’en rajouter ou d’en dire plus, et la sagesse nous invite à continuer de débattre dans un climat calme et serein des deux côtés.

M. le président. Monsieur de Rugy, dois-je comprendre que vous vous excusez des propos que vous avez tenus et qui ont pu en blesser certains ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. On n’a rien compris !

M. Jean Glavany. C’est une bonne interprétation, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Mes chers collègues, nous n’allons pas faire un débat sur le débat, cela est sans intérêt. J’ai dit les choses le plus clairement possible, comme il est d’usage, puisque ce n’est pas la première fois que nous connaissons des incidents de séance, y compris au cours de ce débat. Ce n’est pas la première fois que des propos ont pu dépasser leur intention. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je vous l’ai dit, comme je l’ai d’ailleurs dit au président Jacob lors de la suspension de séance, je regrette ces propos. Ce n’est donc pas la peine de s’attarder plus longuement sur ce point. (Approbation sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. Monsieur de Rugy, je pense que tout le monde a pris acte de vos propos, et je propose de poursuivre nos travaux.

La parole est à M. Arnaud Leroy.

M. Arnaud Leroy. Je voulais simplement apporter quelques précisions sur l’ouverture des droits pour nos compatriotes qui vivent à l’étranger. Je suis moi-même élu dans une circonscription hors de France et je vous rassure : ce texte concerne également des Européens, et pas uniquement des personnes susceptibles de venir s’installer en France.

Je voulais également rassurer M. Dhuicq : je vis au Portugal, je suis fréquemment en Espagne, et là-bas la société ne s’est pas effondrée : en dehors de l’économie, tout fonctionne plutôt bien.

Vous invoquiez tout à l’heure la beauté de notre édifice et son histoire. Nous, peuple français, nous avons, juste après la Révolution, brandi les idéaux des Lumières et la Déclaration des droits de l’homme pour exporter nos valeurs et nos idées. Aujourd’hui, nous devons être capables d’être réceptifs à ce qui se fait ailleurs. Il ne s’agit pas de faire la course à la mode ou au progrès mais de recevoir des valeurs que nous n’avons pas toujours été capables de promouvoir les premiers. Aujourd’hui, nous avons la capacité et le devoir des les importer, au nom de l’égalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery.

M. Philip Cordery. Au terme de l’examen de ce projet de loi, après dix jours de débats, nous avons fait avancer l’égalité pour tous. Je souhaite qu’elle ait avancé pour tous, y compris pour les Français qui vivent et sont mariés à l’étranger, et doivent pouvoir rentrer dans notre pays. Car beaucoup de nos compatriotes se sont exilés à l’étranger pour se marier et avoir des enfants, parce qu’ils ne pouvaient pas le faire ici.

M. Philippe Cochet. Quel aveu !

M. Philip Cordery. Je rencontre régulièrement ces couples, en Belgique ou aux Pays-Bas. Ils doivent aujourd’hui pouvoir faire reconnaître leur mariage et leur famille dans notre droit. L’article 22 permettra aux couples mariés à l’étranger de bénéficier de l’avancée sociale que représente cette loi, et ils pourront rentrer en France la tête haute, avec les mêmes droits et la même sécurité juridique que les autres Français. L’égalité pour les couples qui veulent se marier, nous l’avons votée ; alors, votons maintenant l’égalité pour les couples déjà mariés !

Chers collègues, vous nous traitez enfin de godillots, mais nous sommes fiers, sur nos bancs, de voter cette loi. C’est notre honneur. Nous avons des valeurs différentes, mais acceptez notre fierté de voter une loi que des milliers de couples attendent depuis des années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je considère que l’assemblée est suffisamment éclairée.

Je vous propose de voter à main levée sur la série des amendements identiques tendant à supprimer l’article 22.

(Les amendements identiques nos 112, 242, 442, 453, 483, 513, 766, 1149, 1193, 1436, 1528, 1601, 1631, 1656, 1725, 1768, 1972, 2037, 2916, 2983, 3085, 3148, 3205, 3514, 3582, 4003, 4130, 4731, 4806, 4852, 5104 et 5315 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 4781.

M. Guy Geoffroy. Mesdames les ministres, mes chers collègues, j’espère que vous accepterez d’être suffisamment attentifs pour comprendre qu’avec cet amendement nous vous donnons une dernière chance de vous sortir du bourbier juridique et sociétal dans lequel vous vous êtes laissés engluer et voulez enliser la société française. L’amendement vise à réintroduire, à l’occasion de la régularisation des fameux mariages de l’article 22, cette notion à laquelle nos concitoyens deviennent de plus en plus attachés, celle de l’alliance civile. Vous leur aviez vendu dans la précipitation d’un programme électoral le mariage pour tous, la modernitude, et ils semblaient d’accord… Mais quand ils ont compris que, derrière le mariage, il y avait l’adoption, ils ont commencé à être moins d’accord ; quand ils ont saisi que, derrière l’adoption, il y avait probablement la PMA – votre président de groupe se faisait fort qu’elle passerait –, ils ont commencé à ne plus être d’accord du tout ; et maintenant que l’on régularise la GPA, madame la garde des sceaux, ils sont vent debout !

Nos concitoyens sont par contre d’accord pour qu’un statut plus stable et plus protecteur soit accordé aux couples de personnes de même sexe vivant ensemble, et l’alliance civile leur permettrait de l’obtenir sans qu’il y ait ce lien destructeur de la société, destructeur d’une bonne partie de l’avenir des enfants concernés, ce lien de filiation. Cette dernière chance que l’opposition vous donne, saisissez-la, parce qu’elle ne se produira pas deux fois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. C’est un amendement de cohérence avec un amendement instaurant une alliance civile qui a été rejeté au début de nos travaux. Par cohérence, la commission l’a donc repoussé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est un amendement de coordination avec un dispositif qui n’a pas été adopté. Avis défavorable.

(L’amendement n° 4781 n’est pas adopté.)

M. Philippe Le Ray. C’est dommage !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 22.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 226

Nombre de suffrages exprimés 226

Majorité absolue 114

(L’article 22 est adopté.)

Après l’article 22

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 4858, 5349 et 5357, portant article additionnel après l’article 22.

La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 4858.

M. Patrick Ollier. C’est un amendement qui me semble de bon sens. Madame la ministre, j’ai lu l’étude d’impact et il apparaît qu’il y a un certain nombre de dépenses induites. Elle présente quelques lacunes, mais elle est précise sur ce point. Ainsi, à la page 40 : « « L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe entraînera une augmentation du nombre de mariages célébrés. […] Tous les services d’état civil communaux verront une augmentation de leur activité, […] ces “nouveaux actes” également reproduits dans le livret de famille augmenteront tout autant l’activité et les frais de fonctionnement des services de l’état civil. » ; à la page 41 : « En l’état actuel du projet de loi, les éditeurs de logiciels contactés indiquent que la modification du logiciel métier « état civil » aura un coût qu’ils ne peuvent encore évaluer. » Bref, combien de formulaires faudra-t-il transformer ? Tout cela représente des sommes certainement importantes alors que les communes, on le sait, sont soumises aujourd’hui à des diminutions des dotations de l’État et ont des problèmes financiers. Je rappelle que l’article 6 de la LOLF prévoit qu’il peut y avoir des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales. Puisque l’État impose des dépenses supplémentaires aux communes, l’amendement propose qu’elles bénéficient de compensations à due concurrence.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 5349.

M. Hervé Mariton. Même s’il ne sera pas nécessairement considérable, il y aura un coût lié au projet de loi : l’augmentation des frais de fonctionnement des services de l’état civil, la croissance des délivrances d’actes. Il y aura aussi d’évidence le coût de l’interprétation du code civil à laquelle, de manière assez inattendue, la garde des sceaux nous a invités plusieurs fois. Chaque maire va devoir réfléchir, demander des conseils, réunir des groupes de travail pour savoir comment adapter les énoncés assez bancals que vous y avez installés. Tout cela a un coût financier, mais surtout un coût en termes de qualité et de bonne gestion de nos collectivités et des actes d’état civil que nous accomplissons en tant qu’officier d’état civil. Nous voulons respecter tous nos concitoyens, mais dans des conditions qui soient respectueuses d’eux et non pas dans celles que vous voulez nous imposer.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 5357.

M. Marc Le Fur. À l’occasion de la défense de cet amendement, je voudrais revenir sur mon argumentation concernant l’article 22 car je n’ai pas pu la développer tout à l’heure en raison du délai de deux minutes.

L’article 22 contrevient à un principe fondamental de notre République : le principe de laïcité. Prenons le cas des monarchies scandinaves : elles présentent la double caractéristique de rester dans un système de confusion entre l’État et les églises protestantes, mais en même temps celles-ci sont très ouvertes et marient des couples homosexuels. Il y a quelques années, une église protestante a marié un Français et, en vertu de l’article 22, nous allons transcrire en droit français la décision de cette église parce qu’elle a valeur légale dans le pays d’origine. Il ne s’agit pas seulement de reconnaître un mariage étranger, mais de le transcrire. Nous serons alors fondamentalement en rupture avec notre principe de laïcité. Pour ma part, j’y vois un argument supplémentaire contre ce texte, et ce sera l’un des moyens que nous développerons dans notre recours devant le Conseil constitutionnel, et une difficulté majeure : vous rompez avec cette laïcité que vous avez en permanence à la bouche mais, la démonstration en est faite, vous ne la respectez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. C’est bien la première fois qu’il utilise cet argument !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Ces amendements prévoient un prélèvement sur recettes de l’État en faveur des communes afin de compenser les charges découlant de l’augmentation des frais de fonctionnement des services de l’état civil. Mais il faut tout de même raison garder, car le nombre de mariages de personnes de même sexe sera vraisemblablement peu conséquent. C’est en tout cas ce qu’on a observé dans tous les pays qui l’ont ouvert, notamment en Europe.

M. Nicolas Dhuicq. Tout ça pour ça !

M. Erwann Binet, rapporteur. Ce prélèvement sur recettes serait donc bien inutile. Avis défavorable.

M. Guy Geoffroy. L’argument n’est pas très juridique !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Messieurs les députés, vous proposez un prélèvement sur les recettes de l’État de façon à transférer aux communes les ressources budgétaires qui permettraient de faire face à l’afflux catastrophique de charges induites par les nouveaux mariages.

M. Patrick Ollier. Vous le reconnaissez vous-même !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vais donner quelques chiffres et vous verrez bien que ces considérations sont infondées arithmétiquement, monsieur Ollier. Indépendamment des vertus visionnaires extraordinaires que j’ai pu percevoir à travers certains propos, le Gouvernement n’a évidemment pas les moyens de prévoir exactement combien de mariages seront célébrés pour des couples de même sexe. Il demeure que nous disposons de quelques éléments de comparaison, à prendre bien sûr avec précaution, en voyant ce qui s’est passé dans les pays qui ont ouvert le mariage et l’adoption aux couples de même sexe depuis plusieurs années, depuis pratiquement douze ans pour la Belgique, le dernier pays étant l’Espagne, depuis sept ans déjà. Dans ces pays, les mariages de couples de même sexe ont oscillé entre 2 % et 2,5 % du total. Si on fait les mêmes projections pour la France, compte tenu du nombre d’habitants et surtout du nombre de célébrations annuelles, cela devrait donner aux environs de 4 800 à 6 000 mariages annuels, soit en moyenne six à dix mariages supplémentaires par commune. Les dotations que l’État transfère aux communes devraient évidemment leur permettre de couvrir les frais. Je crois que la France en a la capacité. Je ne vois donc pas quelle est la nécessité de créer ce prélèvement sur recettes de l’État mais, bien entendu, il est permis d’avoir une approche catastrophiste de ce qui va se passer. Avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 4858, 5349 et 5357 ne sont pas adoptés.)

Article 23

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, inscrit sur l’article.

M. Hervé Mariton. L’article 23 précise que certaines dispositions de la loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis-et-Futuna ainsi qu’en Polynésie française et dans les terres australes et antarctiques françaises. C’est la suite de la discussion que nous avions tout à l’heure sur l’outre-mer. Notre collègue du groupe UDI a exprimé avec beaucoup de force, comme notre collègue Fritch l’avait fait en commission des lois, une opinion très défavorable – même si je sais que la réaction n’est pas forcément la même en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.

J’ajoute que, s’agissant de ces territoires, il n’y a pas l’automaticité d’application des départements d’outre-mer au titre de l’article 73, et le législateur aurait pu imaginer une autre réponse que celle de l’extension du dispositif. Vous faites le choix de passer en force pour son application dans ces territoires. Vous devez faire attention. La situation particulière de la Polynésie a été rappelée puisque, le Pacs étant un contrat, il relève du droit du pays et n’a pas été intégré dans le système juridique polynésien. Le droit de la République, pour reprendre votre expression, madame la ministre, va faire passer immédiatement de l’absence de Pacs à ce mariage, dans un territoire qui par ailleurs vit très bien la réalité de couples de même sexe, sans discriminations ni revendications particulières. Vous imposez, vous contraignez, vous voulez passer en force.