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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 2 octobre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Fermeture de Florange

Mme Anne Grommerch

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Projet de loi de finances pour 2013

M. Christian Eckert

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Emplois des jeunes outre-mer

M. Bruno Nestor Azerot

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Hausse de la criminalité en Corse

M. Paul Giacobbi

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Sûreté nucléaire

M. Denis Baupin

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Hausse de la fiscalité sur les ménages

M. Jean-Luc Moudenc

M. Jérôme Cahuzac,

Réformes fiscales du budget pour 2013

M. Pierre-Alain Muet

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Services publics en milieu rural

M. Stéphane Demilly

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Politique générale

M. Bruno Le Maire

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Défense nationale

M. Philippe Folliot

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Fiscalité des PME

Mme Laure de La Raudière

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

Emplois d’avenir

M. Philippe Kemel

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Racisme anti-Français

M. Jacques Bompard

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Prélèvements sur les retraités

M. Yves Censi

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Éducation

Mme Carole Delga

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Assurance maladie des frontaliers

Mme Annie Genevard

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Suspension et reprise de la séance

2. Déclaration du Gouvernement, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur les nouvelles perspectives européennes et débat sur cette déclaration

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Mme Barbara Pompili

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Alain Bocquet

M. Bruno Le Roux

M. Christian Jacob

M. Jean-Louis Borloo

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Mme Marietta Karamanli

M. Axel Poniatowski

M. Jean Lassalle

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Fermeture de Florange

M. le président. La parole est à Mme Anne Grommerch, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Anne Grommerch. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre, et j’y associe mes collègues Denis Jacquat et Céleste Lett.

Monsieur le Premier ministre, la Lorraine est en deuil. Hier, lors d’un comité central d’entreprise, la direction d’Arcelor-Mittal a annoncé la fermeture définitive des deux hauts fourneaux de Florange, soit 629 suppressions de postes, auxquelles il faudra ajouter celles des sous-traitants.

Je voudrais avoir une pensée pour tous ces salariés qui luttent depuis plus de quatorze mois et que, comme beaucoup d’élus, je soutiens.

M. Mittal vous a laissé soixante jours pour trouver un repreneur. Le compte à rebours a commencé.

Jeudi dernier, lorsque M. Montebourg est venu à Florange, il nous a déclaré que le fameux projet de loi promis par le candidat Hollande en février 2012, à Florange même, était enfin prêt à être déposé. Hier, changement de pied : la loi serait finalement déposée dans les trois mois, ce qui risque d’être bien trop tard pour Florange.

Le ministre du redressement productif nous a également déclaré avoir exigé de M. Mittal des investissements sur la filière froide, à hauteur de 150 millions d’euros. Or aucune annonce n’a été faite par Arcelor-Mittal en ce sens. La filière packaging est également menacée ; le Gouvernement wallon a prévu d’investir 100 millions d’euros pour conserver le packaging à Liège. Que fera le gouvernement français de son côté ?

Monsieur le Premier ministre, l’opposition que vous représentiez n’avait pas de mots assez forts pour critiquer l’action de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Qu’avez-vous fait depuis quatre mois ? Quels résultats avez-vous obtenus ? Aucun ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Pour paraphraser Aurélie Filipetti sur Gandrange, je dirai que Florange est « un test pour votre politique économique, industrielle et sociale. Il restera un symbole » ; j’ose espérer que ce ne sera pas celui des « noces du mensonge et de la trahison ».

Monsieur le Premier ministre, les salariés de Florange et leurs familles sont inquiets. Nous connaissons la stratégie de M. Mittal ; pouvez-vous nous dire quelle est celle de votre gouvernement pour la contrer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif. (Huées sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Un peu de calme, s’il vous plaît !

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame la députée, le 1er mars 2012, le Président de la République d’alors, M. Nicolas Sarkozy, déclarait : « Le haut fourneau de Florange repartira au second semestre 2012. » Il déclarait ensuite : « J’ai su convaincre le groupe Arcelor-Mittal de ne pas laisser mourir Florange. » Ce sont là les propos du Président Nicolas Sarkozy, il y a exactement sept mois. (Huées sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Je voulais juste vous dire que nous gérons non seulement une stratégie de désengagement de Mittal, mais également les mensonges, les dissimulations inconsidérées du pouvoir précédent. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, ce n’est pas cette attitude qui permettra aux Français de comprendre ce que vous voulez dire ! (Mêmes mouvements.Les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent l’orateur.)

M. Arnaud Montebourg, ministre. Vous posez la question importante des intentions du Gouvernement. Rappelez-vous que, si l’acier est entre les mains d’Arcelor-Mittal, c’est parce que, pendant dix ans, la droite l’a laissé partir, alors que c’était auparavant un acier européen et français. (Brouhaha sur les bancs des groupes UMP et UDI.) À présent, il appartient à des centres de décision qui mènent tous les gouvernements européens par le bout du nez.

Qu’allons-nous donc faire ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Rien ! Zéro !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Premièrement, nous examinons la possibilité pour le gouvernement français de faire reprendre le site de Florange. Deuxièmement, nous exigeons 150 millions d’investissement sur ce site. (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît ! Écoutez au moins la réponse !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Troisièmement, nos émissaires et ambassadeurs ont déjà commencé à prendre contact avec les aciéristes du monde entier. Cette action est difficile ; elle ne peut s’accommoder d’une absence d’unité des Français autour de la Lorraine ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Plusieurs députés du groupe SRC se lèvent pour applaudir. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Projet de loi de finances pour 2013

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Je vous appelle, les uns et les autres, à écouter les réponses en silence. Les exclamations ne font pas avancer le débat.

M. Christian Eckert. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, le projet de budget que vous nous avez présenté est bien le premier budget de gauche de cette législature (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI), et il est possible de le résumer en trois mots : responsabilité, exemplarité, solidarité. (Mêmes mouvements.)

Responsabilité, parce que l’objectif de 3 % de déficit public maximum fin 2013 est respecté. Cet objectif ne nous est pas dicté par je ne sais quelle force occulte, bruxelloise ou autre, mais bien par la conscience que parvenir à un déficit de nos finances publiques inférieur à 3 % est la condition de crédibilité de notre pays dans le contexte international.

Exemplarité, parce que si un effort est certes demandé, l’État s’applique cet effort au premier chef : 10 milliards d’économies nettes, c’est un chiffre jamais réalisé, par aucun des gouvernements précédents. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Christian Eckert. Oui, 10 milliards d’économies nettes sont prévues dans ce budget sur les dépenses, malgré la prise en compte des nouvelles priorités du Gouvernement, l’éducation, la jeunesse et la sécurité.

Enfin, solidarité, parce que, pour la première fois, les revenus et les plus-values du capital seront taxés comme les revenus du travail. À ceux qui nous disent que la révolution fiscale tarde à venir, je réponds que, pierre après pierre, les lois de finances rectificatives et initiales témoignent d’un changement dans la politique fiscale. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Enfin, je vous demanderai, monsieur le ministre, à quel point le contrepoint de ce qui s’est passé en 2007 est ici une réalité. Mme Pécresse, dans un éclair de lucidité, reconnaît elle-même les erreurs de 2007. Oui, en 2012, notre budget est un budget de gauche ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô ! Allô !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le rapporteur général, vous avez utilisé trois mots, je vais en utiliser trois autres, qui sont en réalité des synonymes : redressement, justice, efficacité.

Plusieurs députés du groupe UMP. Impôt !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je commencerai en soulignant ce que vous avez rappelé au sujet de Mme Pécresse, qui semble découvrir aujourd’hui que les déficits n’ont pas été assez réduits. En effet, la nécessité du redressement vient de là, de la situation dont nous avons hérité (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI), de ces déficits considérables qui étaient encore supérieurs à 5 % du PIB en 2012, des 600 milliards d’euros ajoutés à la dette publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Le désendettement est une nécessité, un impératif. Le Premier ministre ne souhaite pas que la France se trouve dans la situation de ces pays livrés pieds et poings liés aux marchés et qui voient les taux d’intérêt augmenter. Nous le refusons, et c’est pourquoi nous tiendrons les 3 % de déficit en 2013.

Les mots justice et efficacité vont ensemble. Nous avons décidé d’orienter ce budget vers la consommation des ménages populaires et des classes moyennes,…

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. …qui bénéficieront notamment d’une décote atténuant les effets négatifs du gel que la droite avait imposé au barème de l’impôt sur le revenu. La justice est aussi un facteur d’efficacité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Enfin, nous agissons pour les entreprises, pour les PME,…

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. …qui sont épargnées par l’effort et bénéficient au contraire de mesures supplémentaires pour pouvoir investir et innover, par le biais du crédit d’impôt recherche.

Ce budget de redressement, ce budget juste, ce budget efficace, ne résume pas toute notre stratégie. Derrière viendront des mesures pour la compétitivité ; elles sont à l’essai. C’est un budget sérieux et c’est – oui, nous le revendiquons – un budget de gauche ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Emplois des jeunes outre-mer

M. le président. La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Bruno Nestor Azerot. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; elle porte sur la politique de l’emploi outre-mer.

La jeunesse est une priorité du quinquennat qui s’ouvre. Elle mobilise les efforts du Gouvernement dans tous les domaines : éducation, emploi, insertion dans la vie d’adulte. La première concrétisation vient d’en être donnée avec l’adoption du projet de loi portant création des emplois d’avenir ; une seconde doit intervenir, au terme de la négociation interprofessionnelle souhaitée par les partenaires sociaux, avec le texte relatif au contrat de génération.

Ces textes sont essentiels pour l’outre-mer et c’est pourquoi nous soutenons une telle dynamique. Elle est imposée par la situation métropolitaine de l’emploi des jeunes, qui est catastrophique : un jeune sur trois au chômage. Que dire de la situation des régions d’outre-mer, où ce sont deux jeunes sur trois qui sont sans emploi, et même plus encore dans la circonscription déshéritée du nord de la Martinique ? Sur l’ensemble du département, 62 % des moins de vingt-cinq ans sont toujours au chômage et plus de 150 millions d’euros sont versés chaque année par la collectivité départementale pour 50 000 RMIstes.

Il est donc nécessaire de mettre en place une politique durable de l’emploi outre-mer. Celle-ci doit passer par des signes plus forts, comme la ratification de la convention 122 de l’Organisation internationale du travail en vue de son extension aux régions d’outre-mer, l’inscription dans l’acte III de la décentralisation d’une territorialisation de la politique de l’emploi, voire, et c’est ma demande principale, l’élaboration d’une loi quinquennale spécifique sur le travail, l’emploi et la formation outre-mer.

Compte tenu de l’urgence, pouvez-vous, monsieur le ministre, vous engager sur votre volonté de suivre cette démarche, et sur un calendrier ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, vous avez décrit à juste titre la situation particulièrement dégradée de l’emploi, en particulier de l’emploi des jeunes, dans l’ensemble de l’outre-mer, y compris bien entendu dans la circonscription insulaire que vous représentez. Il faut que tout le monde ait bien en tête ceci : en métropole, c’est déjà très dur pour les jeunes, avec proportionnellement deux fois plus de chômeurs que chez les adultes (« À qui la faute ? » sur les bancs du groupe UMP), et un taux de chômage extrêmement élevé parmi ceux qui n’ont pas de formation. Mais chez vous, outre-mer, c’est encore plus grave. C’est la raison pour laquelle, afin de lutter contre ce que la droite a laissé en héritage outre-mer comme sur l’ensemble du territoire métropolitain (Protestations sur les bancs du groupe UMP), nous mettons en œuvre, avec votre soutien et je vous en remercie, des outils nouveaux : les emplois d’avenir.

Oui, il y aura un dispositif particulier pour les emplois d’avenir outre-mer. Déjà, vous avez souhaité que le texte de loi affirme une priorité en faveur de l’outre-mer : c’est fait. Dans l’ensemble des textes d’application, décrets et circulaires, je veillerai bien entendu à ce que cette priorité donnée à la lutte contre le chômage des jeunes ultramarins, en particulier des jeunes sans formation, soit une réalité, avec les emplois d’avenir comme avec les contrats aidés existants. Mais je rappelle que ceux-ci avaient tous ou presque déjà été utilisés pendant la première partie de l’année, on ne sait pas pourquoi… Ou plutôt si : parce qu’il y avait des élections et que nos prédécesseurs ont confondu l’intérêt électoral avec l’intérêt général ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP. –Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il y aura aussi, bien entendu, le contrat de génération. Il est en cours de discussion et fera l’objet d’un projet de loi discuté à la fin de cette année. Il devra, lui aussi, tenir compte des spécificités de l’outre-mer.

Il doit enfin y avoir, comme vous en avez la volonté, un texte global, dont la mise en œuvre reviendra à M. Victorin Lurel et qui s’intéressera aux problèmes économiques et sociaux de l’outre-mer. L’outre-mer a été laissé de côté par la majorité précédente. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Ce ne sera pas le cas avec nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Hausse de la criminalité en Corse

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le Premier ministre, en accédant au pouvoir, votre gouvernement a trouvé une agglomération marseillaise et une Corse ravagées par la criminalité. Si, depuis le début de cette année, il y a eu, en effet, vingt meurtres dans les Bouches-du-Rhône, il y en a eu treize en Corse pour une population six fois moindre, c’est-à-dire quatre fois plus par habitant. Ces chiffres sont en partie imputables à une nouvelle phase sanglante dans la rivalité des bandes criminelles, mais cette criminalité finit aussi par affecter les citoyens ordinaires, soit par dommages collatéraux, soit parce qu’elle est devenue en Corse un moyen relativement ordinaire de régler les conflits.

Si nous ne doutons pas un instant de la volonté des pouvoirs publics d’agir face à cette situation et si les résultats obtenus sont loin d’être négligeables, y compris pour le taux d’élucidation des crimes, bien des choses doivent être réformées.

Aujourd’hui, les affaires criminelles concernant la Corse sont réparties entre trois juridictions, l’une à Paris, l’autre à Marseille, la troisième sur place. De ce fait, l’action publique manque d’unité d’expression. Les forces de police et de gendarmerie agissent concrètement sur le terrain, mais certaines rivalités de corps et de strates semblent affecter et altérer parfois leur efficience. Il existait, il y a quelques années, un préfet délégué à la police ou un préfet de police qui personnifiait en Corse l’unité des forces de l’ordre et contribuait à leur coordination effective. La suppression de ce poste a été une erreur. Il importe de la réparer.

Enfin, le Gouvernement doit s’exprimer sur la criminalité en Corse, et s’exprimer sur place, comme il l’a fait remarquablement à Marseille. Nous connaissons la capacité et la détermination des ministres de la justice et de l’intérieur. Ne serait-il pas opportun que l’un et l’autre viennent en Corse évaluer la situation, prendre les mesures qui s’imposent, assurer les services de police et de justice de leur soutien, et les citoyens de ce que l’appartenance à la République ne saurait être sur notre île un vain mot ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur Paul Giacobbi, vous m’interpellez sur la sécurité en Corse. Tout d’abord, je veux adresser un hommage aux préfets de Corse, représentant l’État sur le territoire, et aux forces de l’ordre qui accomplissent sur l’île un travail difficile : ils ont besoin du soutien de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Vous avez raison : il faut adresser un message simple et clair à la Corse : la République ne vous oublie pas et le Gouvernement ne vous abandonne pas.

Le dispositif proposé à Marseille, sous l’autorité du Premier ministre, ne peut pas être simplement transposé en Corse. Vous avez rappelé avec raison les exécutions qui ont eu lieu ; il y a encore quelques jours, le 12 septembre, à Castirla, trois hommes ont été exécutés. Mais la Corse a ses caractéristiques et la réponse du Gouvernement, vous avez là aussi raison, doit être au plus près de la réalité du territoire. Je me déplacerai bientôt sur l’île avec la garde des sceaux (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés du groupe UMP. Elle n’est pas là !

M. Manuel Valls, ministre. …pour traiter de ces questions et pour agir concrètement. Il faut agir car, malgré le travail des forces de police et de gendarmerie, nous devons établir, au plus près du terrain, un lien plus étroit entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire. La Corse et les Corses sont Français. Ils ont besoin de sécurité. La République doit y être présente. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Sûreté nucléaire

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe écologiste.

M. Denis Baupin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie.

La presse se fait l’écho d’un rapport très préoccupant de la Commission européenne sur la sûreté des centrales nucléaires. Les centrales françaises y sont particulièrement pointées du doigt pour leur vulnérabilité. Les centrales de Chooz et Cattenom y sont identifiées comme les plus défaillantes.

Ces informations viennent confirmer que le nucléaire français n’est en rien plus sûr que les autres, au contraire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C’est d’autant plus préoccupant que le rapport se fonde sur des évaluations de sûreté très incomplètes, pilotées par le précédent gouvernement qui a toujours refusé que des stress tests prennent en compte les risques de crash d’avion, de piraterie informatique et d’attaque terroriste.

Le Président de la République a rappelé à de nombreuses reprises que la sûreté nucléaire ne saurait être une variable d’ajustement. Nous partageons ce haut niveau d’exigence. Surtout quand on entend le président de l’Autorité de sûreté nucléaire lui-même répéter que personne ne peut garantir qu’il n’y aura jamais d’accident majeur en France.

Le Président de la République a aussi affirmé sa volonté de construire une Communauté européenne de l’énergie.

Notre groupe souhaite donc savoir si le Gouvernement s’inscrit bien dans une logique européenne de la sûreté nucléaire, et notamment savoir si, dans ce cadre, les stress tests vont être complétés pour les risques non pris en compte.

De même, notre groupe souhaite savoir quelle est votre vision de l’Autorité de sûreté nucléaire. Nous sommes préoccupés de voir se multiplier les incidents et accidents sans que l’ASN ne prenne de sanction.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas vrai ! Menteur !

M. Denis Baupin. Nous estimons indispensable de profiter de la nomination en novembre de son nouveau président pour la doter enfin d’une expertise pluraliste, de pouvoirs de contrôle et de sanction étendus et d’une autorité morale incontestable. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas le nucléaire, la sûreté et la sécurité ne peuvent souffrir la moindre négligence. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député Denis Baupin, l’accident de Fukushima, cette catastrophe, a rappelé que la sûreté nucléaire est une exigence absolue. C’est une exigence qui n’est pas négociable, qui n’est pas conjoncturelle.

La politique de la France vise non seulement à faire de la sûreté nucléaire un impératif absolu mais aussi à élever continuellement les normes et les exigences de sûreté. Comme vous le savez, dans le système français de sûreté, qui fait référence dans le monde entier, ce n’est ni vous, ni moi, ni le Gouvernement, ni le Parlement qui apprécient la sûreté de nos installations nucléaires. C’est le rôle de l’Autorité de sûreté nucléaire, qui est indépendante et à laquelle je renouvelle notre confiance.

Après la catastrophe de Fukushima, l’ASN a réalisé des évaluations complémentaires de sûreté. Le Conseil européen a aussi pris la décision de procéder à des stress tests, une procédure exemplaire et transparente, à laquelle la France a pris une part active et dont les conclusions ont déjà été entièrement rendues publiques et mises en ligne sur internet.

La France sera bien entendu attentive à la communication de la Commission européenne lorsque celle-ci sera officielle. Mais cette communication n’apporte aucun élément technique nouveau par rapport à l’ensemble des conclusions des stress tests qui ont déjà été rendues publiques.

À l’issue de ces stress tests, l’ASN a publié, le 28 juin dernier, l’ensemble des actes réglementaires fixant les mesures imposées aux exploitants. Les travaux sont déjà en cours. L’ASN rendra compte de leur état d’avancement.

L’ASN a en particulier recommandé la mise en place d’un noyau dur, c’est-à-dire d’un renforcement structurel de la robustesse de nos centrales face aux situations extrêmes, qu’elle a publié un millier de mesures s’imposant aux exploitants et que les travaux sont en cours et seront réalisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Hausse de la fiscalité sur les ménages

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Moudenc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Luc Moudenc. Monsieur le Premier ministre, après le matraquage fiscal de l’été, voilà que vous nous annoncez le matraquage fiscal de l’automne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En effet, non content d’avoir alourdi les impôts de 7 milliards d’euros cet été, vous poursuivez la même erreur, avec 20 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires, dont 10 milliards vont frapper tous les ménages. Oui, tous les ménages vont payer et non pas seulement un sur dix comme vous tentez de le faire croire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas l’opposition qui le dit, c’est un grand journal du soir ! (Plusieurs députés du groupe UMP brandissent un journal.)

M. le président. S’il vous plaît, vous rangez ces journaux comme l’a souhaité Bernard Accoyer.

M. Jean-Luc Moudenc. Les impôts, c’est maintenant, et le changement pour plus tard, les Français l’ont compris.

Ils l’ont compris, les 11 millions de contribuables qui verront leur impôt augmenter avec la pérennisation du gel du barème de l’impôt sur le revenu. (« C’est vous ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous revenez là sur un engagement de campagne du Président de la République ! « Ce gel est la façon la plus hypocrite et la moins juste d’augmenter les impôts » : ce n’est pas moi qui le dis mais votre ami, l’économiste Thomas Piketty.

Ils l’ont compris aussi, les 8 millions d’employés et d’ouvriers qui faisaient des heures supplémentaires défiscalisées (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et qui ont commencé, la semaine dernière, à voir sur leur feuille de paie leur perte de pouvoir d’achat.

Elles l’ont compris aussi, les familles dont le quotient familial va être réduit et dont les emplois familiaux vont coûter plus cher.

M. le président. Merci...

M. Jean-Luc Moudenc. Alors, monsieur le Premier ministre, vous nous aviez annoncé l’agenda du redressement…

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, le début de ma réponse va, je l’espère, rencontrer votre assentiment. Vous vous en souvenez probablement, c’est sous l’empire de la majorité UMP et sous l’autorité de Nicolas Sarkozy (Protestations sur les bancs du groupe UMP) que la France s’est engagée à réduire ses déficits publics entre 2012 et 2013 en les faisant passer de 4,5 % à 3 % du PIB.

Comme vous êtes très averti des questions de finances publiques, vous savez que cette baisse suppose un effort de 30 milliards d’euros. N’importe quelle majorité qu’auraient pu choisir nos concitoyens aurait de toute façon été confrontée à cet impératif : faire un effort de 30 milliards d’euros ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Au demeurant, ce chiffre n’est pas étranger aux parlementaires de l’UMP puisque, entre 2007 et 2012, la majorité a voté pour une augmentation de 30 milliards d’euros à la demande des différents gouvernements Fillon (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), alors même que ces députés UMP avaient été élus sur la promesse de baisser les impôts de 80 milliards d’euros. Voyez qu’en matière fiscale, il y a toujours des leçons à prendre, notamment de ses concurrents en politique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Oui, monsieur le député, à l’occasion du projet de budget, nous allons proposer au Parlement que le pays fasse un effort de 30 milliards d’euros parce que la parole de la France a été donnée, parce que l’endettement ne peut plus continuer tel que vous l’avez laissé persévérer, car c’est devenu un véritable impôt à la naissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je remarque d’ailleurs que vous citez volontiers nos concitoyens mais que vous oubliez vos enfants et vos petits-enfants, sur lesquels, j’imagine, dès lors que vous récusez le plan du Gouvernement, vous souhaiteriez faire reposer la charge du désendettement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Pourtant cette dette a été contractée par nos générations et votre majorité l’a consolidée.

Monsieur le député, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, nous verrons ce que seront les propositions du groupe auquel vous appartenez, nous verrons quelles sont les économies supplémentaires que vous proposerez et que vous n’avez pas su mettre en œuvre pendant les dix ans que la majorité UMP a siégé au sein de cette assemblée…

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. Jérôme Cahuzac, ministre. …jamais un tel effort n’a été réalisé. En ce qui concerne la réforme fiscale, je vous donne rendez-vous lors de l’examen de la loi de finances initiale. Votre vote nous montrera si vous êtes pour la justice ou pour la pérennité des injustices que vous et vos amis avez instaurées au cours des dernières années. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Réformes fiscales du budget pour 2013

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre-Alain Muet. Ma question s’adresse à M. le ministre du budget.

Notre fiscalité a deux défauts majeurs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le premier est que nos impôts sont mités par un nombre considérable de niches fiscales qui font que l’impôt effectivement payé, par les ménages comme par les entreprises, est très éloigné des taux affichés. Le second est que la progressivité de l’impôt ne concerne que les revenus du travail, les revenus du capital étant soumis à des prélèvements libératoires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La conséquence en est que l’impôt sur le revenu est effectivement progressif pour les contribuables modestes ou pour les classes moyennes, mais que lorsqu’on atteint les hauts revenus, la pression fiscale baisse. Un rapport fameux du Conseil des prélèvements obligatoires explique que le taux n’est plus que de 25 % pour les mille plus hauts revenus, et pour les dix plus hauts de 20 %.

Il en est de même du côté des entreprises. Le taux de l’impôt sur les sociétés est certes de 33 % mais, dans la réalité, il n’est supporté que par les PME, pas par les grandes sociétés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) En effet, en raison des niches fiscales – et il y en a une très connue, très injuste, élaborée il y a quelques années par M. Copé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) –, les grandes sociétés de plus de deux mille salariés ne payent que 13 % d’impôt sur les sociétés, les entreprises du CAC 40 seulement 8 %, et les deux plus grandes ne payent rien du tout !

Ma question est donc simple. Ces constats sont connus et répétés à longueur d’études depuis des années. Le budget pour 2013 comporte-t-il enfin une réforme fiscale (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP) permettant que les revenus du travail et les PME ne soient plus seuls à supporter l’impôt ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, à l’occasion de la présentation du budget, deux réformes majeures seront proposées au Parlement. L’une concerne l’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’autre l’impôt sur les sociétés.

Ainsi que vous l’avez remarqué, l’impôt devient dégressif dans le haut de la distribution pour les ménages les plus aisés. La raison en est assez simple : les prélèvements forfaitaires libératoires que la précédente majorité s’est évertuée à instaurer ces dix dernières années font qu’au lieu de payer en fonction de ses revenus, on paye selon un taux fixe qui n’a rien à voir avec eux. Il en est ainsi des intérêts, des plus-values ou des dividendes.

Les prélèvements forfaitaires libératoires ayant remplacé l’imposition au barème de l’impôt sur le revenu, on aboutit à une double injustice. D’abord, les ménages modestes, dont le taux moyen d’imposition varie entre 10 et 13 % par exemple, sont soumis à des prélèvements forfaitaires libératoires de 19, 21 ou 24 %, c’est-à-dire beaucoup plus que ce qu’ils devraient acquitter en toute justice. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et ensuite, ceux qui, plus aisés, acquittent un impôt sur le revenu de 30, 35 ou 40 %, ne payent sur les revenus du capital que les mêmes prélèvements forfaitaires libératoires de 19, 21 ou 24 %, c’est-à-dire beaucoup moins que ce que leur capacité contributive devrait apporter à la solidarité nationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Alors oui, nous engageons une réforme visant à ce que les revenus du capital et du travail soient imposés au même barème de l’impôt sur le revenu, de sorte qu’un euro provenant du capital soit imposé comme un euro qui provient du travail. C’est aussi cela, revaloriser le travail (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), chose que d’aucuns ont peiné à faire pendant les dix ans où ils ont présidé aux destinées du pays.

Le même raisonnement vaut pour l’impôt sur les sociétés, où l’on constate un écart scandaleux entre les impôts effectifs acquittés par les grandes et par les petites entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le taux de l’impôt sur les sociétés sera donc réduit de trois points au profit des petites entreprises. C’est une très bonne nouvelle et je vous remercie, monsieur le député, de m’avoir permis d’en faire part à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Services publics en milieu rural

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le ministre de l’intérieur, « donner des leçons de morale n’a jamais été une preuve de vertu ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette maxime de l’écrivain Tzvetan Todorov semble plus que jamais d’actualité.

Lors de la précédente législature, les socialistes et leurs alliés n’ont cessé de dénoncer la « casse sans précédent des services publics » et la « désertion de l’État dans les territoires ruraux ». Il y a encore quelques semaines, souvenez-vous, pendant les campagnes des élections présidentielle et législatives, cette accusation était devenue un véritable slogan de campagne.

Après de telles déclarations, les Français s’attendaient donc, en tout cas ceux qui vous ont fait confiance, à ce qu’il n’y ait plus de fermetures de services publics ; et même, pour les plus crédules, à ce que la présence de l’État soit renforcée. Or, ce matin, en lisant la presse, nous apprenons au détour d’une petite dépêche que vous lancez, monsieur le ministre, une mission chargée de « formuler des propositions opérationnelles d’évolution des sous-préfectures à l’horizon du printemps 2013 ». Jolie phrase administrative qui n’augure rien de bon pour un certain nombre de territoires où les sous-préfectures sont pourtant le premier échelon de proximité et d’autorité de l’État. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Pour en revenir à ma maxime, lorsque vous étiez dans l’opposition et que vous nous donniez des leçons de morale, étiez-vous guidés par la seule vertu ou par des carabistouilles électoralistes et démagogiques ? Nous le saurons dès que vous aurez répondu à cette question simple, qui appelle me semble-t-il une réponse encore plus simple : maintenant que vous avez le pouvoir de faire, combien de tribunaux de grande instance allez-vous rouvrir et combien de sous-préfectures envisagez-vous de fermer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous qui, avec votre majorité, avez détruit des emplois dans l’éducation nationale (Protestations sur les bancs du groupe UMP), vous qui avez supprimé des postes dans la police et la gendarmerie, vous qui avez fermé des tribunaux (Mêmes mouvements), vous qui n’avez eu de cesse d’affaiblir l’État et les services publics, vous venez maintenant nous faire un procès à propos des sous-préfectures !

Nous souhaitons tout simplement, comme l’a indiqué hier le comité interministériel sous l’autorité du Premier ministre, rénover l’action publique (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Pour cela, il faut le temps de l’analyse et de la concertation. C’est pourquoi une mission est chargée de me faire un certain nombre de propositions. Les préfets eux-mêmes pourront travailler sur la carte des arrondissements et des sous-préfectures, avec pour priorité absolue de faire en sorte que l’action publique soit efficace et que nos citoyens, notamment dans les territoires qui se sentent délaissés, soient davantage protégés.

Plusieurs députés des groupes UDI et UMP. La question ! Combien de sous-préfectures ?

M. Manuel Valls, ministre. Car nous nous engageons à les protéger, tous ces territoires ruraux, semi-urbains ou urbains que vous avez, vous, délaissés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés des groupes UDI et UMP. Combien ?

Politique générale

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bruno Le Maire. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, vous menez la France droit dans le mur (« Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), calmement, paisiblement, mais certainement. Vous menez la France droit dans le mur parce que vous accablez tous les ménages français, sans exception, de nouveaux impôts. Ce ne sont pas neuf Français sur dix qui vont être épargnés par les hausses d’impôts, ce sont neuf Français sur dix qui vont devoir épargner pour payer vos augmentations d’impôts. (Mêmes mouvements.) Vous menez la France droit dans le mur parce que vous découragez l’esprit d’entreprendre en France. En supprimant la déduction des intérêts d’emprunt sur les investissements, en réformant le statut d’auto-entrepreneur, en prenant 210 millions d’exonérations de charges sur les travailleurs salariés agricoles pour financer la baisse du budget du ministère de l’agriculture, vous découragez l’esprit d’entreprendre dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, vous menez la France droit dans le mur parce que vous n’êtes pas capable de prendre des décisions courageuses de réduction de la dépense. Limiter le nombre de fonctionnaires, réorganiser l’État, supprimer un échelon administratif, voilà des mesures plus efficaces que la suppression de quelques petits fours et de trois voitures dans le budget de l’Élysée. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Monsieur le Premier ministre, vous menez la France droit dans le mur parce que vous êtes à la tête d’un gouvernement pléthorique et incohérent, où certains soutiennent la mondialisation et d’autres la démondialisation, où certains accablent de critiques la direction du trésor et d’autres la soutiennent, où certains votent le traité budgétaire européen et d’autres refusent de le voter. Voilà la cohérence de votre gouvernement !

Monsieur le Premier ministre, je ne souhaite pas l’échec de votre gouvernement, qui signifierait l’échec de la France. Je vous demande simplement d’ouvrir les yeux sur la réalité de la situation de notre pays et de tout faire pour que votre redressement dans la justice ne finisse pas, pour la France et les Français, en effondrement économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Mais où, monsieur le député, avez-vous conduit la France, vous ?

Vous nous donnez des leçons en matière de dépenses publiques, mais puis-je vous rappeler que votre rôle dans l’appareil d’État n’était pas négligeable, quand la dépense publique, entre 2002 et 2007, a crû en volume de 2,3 % ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Puis-je vous rappeler que la dépense publique, sous le gouvernement de M. Fillon, dont vous étiez membre, a crû de 1,7 % en volume ? Je me permets de vous rappeler – les documents sont à votre disposition – qu’au cours de cette législature l’évolution de la dépense publique sera de 0,7 % en volume ; nous ferons ce dont vous avez beaucoup parlé et que vous n’avez jamais su faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous le ferons parce que nous avons besoin de redresser un pays que vous avez bien mal conduit, vous qui nous accusez, avant même d’avoir voté le premier budget, et probablement sans même connaître le détail des mesures, de nous tromper. Oui, monsieur le député, où avez-vous conduit la France, vous, en doublant la dette du pays, qui est passée de 900 à 1 800 milliards d’euros en dix ans ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Quel est donc ce soleil qui vous éclaire pour vous permettre de donner des leçons de gestion ou de fiscalité ? Un peu de modestie siérait ! Laissez passer quelques mois ou quelques années. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Laissez aux Français le temps de digérer votre bilan avant d’avoir des jugements aussi durs sur ceux qu’ils ont choisis pour vous remplacer puisque vous avez failli. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur Le Maire, où avez-vous conduit la France, vous qui aviez promis de baisser, au cours de la dernière législature, les impôts de 80 milliards d’euros et qui, en définitive, avez participé à un gouvernement qui les a augmentés de 30 milliards d’euros ? Où avez-vous conduit, vous-même, les salariés du secteur agricole ? Vous vous réclamez d’une aide dont vous savez qu’elle est fondée sur une taxe qui va être déclarée illégale par les autorités communautaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous le saviez en le faisant, vous l’avez quand même fait voter par vos amis. (Huées sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Est-ce là la façon dont vous conduisez le pays ?

Eh bien, monsieur le député, nous récusons vos leçons, car la façon dont vous avez, vous, conduit le pays ne vous autorise pas, en tout cas pas en ce jour, à cette heure et en ce lieu, à en donner d’aussi caricaturales. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent.)

Défense nationale

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre de la défense, malgré l’accumulation des réformes, depuis l’abandon de la conscription jusqu’à la recomposition de la carte des implantations militaires, malgré les défis suscités par l’évolution stratégique, par la sophistication croissante de l’armement, par la croissance des coûts de maintien en condition opérationnelle, malgré une baisse massive des effectifs et en dépit de contraintes financières toujours plus pressantes, jamais les militaires n’ont failli à leur devoir, ils ont toujours exemplairement assuré la réussite de leurs missions. En 2013, la défense va subir un nouveau plan social avec 7 234 suppressions de postes supplémentaires et supporter à elle seule 58 % de l’effort de réduction des effectifs de la fonction publique. Le budget sera inférieur de 1,8 milliard d’euros à ce qui était prévu dans la loi de programmation militaire.

De surcroît, vous prévoyez 1,27 milliard d’euros de recettes exceptionnelles, pour partie totalement aléatoires, notamment les cessions immobilières, car en totale contradiction avec le texte relatif à la mobilisation de foncier gratuit pour le logement voté par la majorité la semaine dernière.

Alors que nombre de nos équipements sont à bout de souffle, plus de 5 milliards d’euros de commandes seront décalées avec toutes les conséquences sur l’emploi. Faute de moyens, les objectifs de préparation opérationnelle ne seront pas atteints ; cela aussi hypothèque l’avenir.

Nous savons votre engagement, monsieur le ministre, contre ceux qui, au sein du Gouvernement et de la majorité, ne voient la défense que comme une variable d’ajustement. L’heure est grave. Trop, c’est trop.

Aujourd’hui, c’est de notre capacité à agir, au Mali et en Syrie par exemple, et de la place de la France dans le monde qu’il s’agit. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre de la défense, pour redonner aux militaires la confiance qu’ils méritent et les moyens adéquats pour assurer leurs missions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, je vous remercie d’abord des encouragements que vous me prodiguez. Je vous remercie aussi de l’hommage que vous rendez aux forces armées, qui, avec courage, défendent nos intérêts et remplissent leur mission, en particulier, en ce moment, en Afghanistan. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

J’apporterai néanmoins quelques nuances à vos propos. Vous parlez de déflation d’effectifs et citez le chiffre de 7 234, mais cette déflation a été décidée il y a deux ans par le précédent gouvernement. Elle est la stricte application de la loi de programmation militaire que vous avez votée antérieurement, ni plus ni moins, à l’unité près.

Par ailleurs, comme vous le savez, et contrairement aux pronostics, le budget de la défense sera exactement le même en 2013 qu’en 2012 : 31,4 milliards d’euros en 2012, 31,4 milliards d’euros en 2013, ni plus ni moins.

Vous faites enfin état d’interrogations sur certains financements, en particulier du compte d’affectation spéciale. Je vous ferai remarquer, et je le répéterai tout à l’heure en commission, qu’après arbitrage du Premier ministre les 673 millions d’euros affectés aux recettes immobilières sont intégrés au budget de la défense pour 2013.

Si la défense contribue donc à l’effort de redressement des comptes publics, elle n’y contribue ni plus ni moins que les autres missions de l’État, conformément, d’ailleurs, aux engagements qu’avait pris le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Fiscalité des PME

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Laure de La Raudière. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, et concerne l’augmentation des impôts prévue dans le projet de loi de finances. Oui, monsieur Eckert !

Le budget 2013 peut se résumer en trois mots : impôts pour tous ! («Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.– Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

20 milliards d’euros d’impôts supplémentaires sont prévus. Tous les Français vont payer, contrairement à ce que vous dites. 10 milliards d’euros seront à la charge des particuliers, 10 milliards à la charge des entreprises. Vous faites croire que les PME ne seront pas touchées, mais les six milliards supplémentaires que vous allez ponctionner sur les grands groupes affecteront directement l’ensemble des PME sous-traitantes et donc l’emploi sur tous les territoires.

Et vous avez décidé de tuer l’entreprenariat en France, financièrement et moralement ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous proposez en effet de taxer jusqu’à 60,5% – tenez-vous bien, chers collègues ! – les gains réalisés par un entrepreneur lors de la vente de son entreprise. Nous serons alors champions du monde ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) J’aurais préféré que ce soit en créations d’emplois, en nombre d’entreprises innovantes, en compétitivité, mais non ! Grâce à vous, nous serons les champions de la fiscalité pesant sur les entrepreneurs.

Avec cette disposition totalement anti-économique et décourageante, vous vous apprêtez à faire fuir investisseurs et entrepreneurs à l’étranger et à tuer le financement en capital de nos entreprises innovantes. C’est une preuve du manque de reconnaissance et d’estime de votre gouvernement pour les entrepreneurs, qui créent aujourd’hui 85 % de l’emploi en France.

C’est aussi une preuve de la méconnaissance totale, par le Gouvernement, de l’investissement personnel que représente, au jour le jour, le développement d’une entreprise.

Nous avions relancé les investissements économiques dans les PME françaises avec le triplement du crédit d’impôt recherche, le statut jeune entreprise innovante, les réductions d’ISF au titre des investissements dans les PME et la réforme des universités : vous allez réduire à néant tous ces efforts. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Monsieur le Premier ministre, vous avez dégoûté les investisseurs et les entrepreneurs. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Madame la députée, le ministre du budget a rappelé tout à l’heure les raisons pour lesquelles nous tous, au Gouvernement, sommes derrière le Président de la République et le Premier ministre dans le combat difficile du redressement de nos finances publiques, dans la justice et dans la mobilisation nationale en faveur des PME. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le projet de loi de finances pour 2013 traduit nos engagements de campagne. N’en déplaise aux tenants du conservatisme fiscal, c’est un budget de combat qui remet de l’équité là où il n’y avait que de l’injustice. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Quelle est en effet la réalité aujourd’hui ? Les grandes entreprises supportent un taux effectif d’impôt sur les sociétés inférieur de dix points à celui des PME, grâce à des montages d’optimisation fiscale. Cela n’est ni normal ni juste !

Dans le budget 2013, les PME, et notamment les PME de croissance, seront soit protégées, soit renforcées, soit très clairement soutenues et même favorisées. Je pense par exemple à la non-déduction des intérêts d’emprunt : en effet, une franchise de 3 millions d’euros de charges financières, déductible à 100%, permettra de préserver les PME de cette mesure. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Toutes nos mesures en direction des PME visent à favoriser la recherche, l’innovation et la croissance. Vous avez raboté le crédit d’impôt recherche : nous l’étendons aux dépenses d’innovation ! (Nouvelles exclamations.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Moins vite ! Il faut respirer !

M. le président. Mes chers collègues, écoutez la réponse de Mme la ministre !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Vous avez raboté le statut jeune entreprise innovante : nous le rétablissons !

Enfin, ce budget soutient clairement les PME. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je pense à tous les outils incitatifs pour l’investissement dans le capital des PME, que nous pérennisons, comme les fonds communs de placement dans l’innovation, les réductions d’ISF au titre des investissements dans les PME, ou le dispositif Madelin. Je pense au maintien du régime des bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise. Je pense au régime d’exonération des plus-values de cession au moment du départ à la retraite du dirigeant, ou encore au dispositif d’abattement pour durée de détention.

Ce budget est donc responsable, juste, et il préserve notre croissance, madame la députée ! Vous n’avez pas à nous donner des leçons d’esprit d’entreprise ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Emplois d’avenir

M. le président. La parole est à M. Philippe Kemel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Kemel. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. La volonté du Président de la République de donner rapidement un emploi aux jeunes éloignés du marché du travail s’est traduite par le projet de loi sur les emplois d’avenir que vous avez porté, avec M. le Premier ministre. Ce texte a été discuté dans cette enceinte, et récemment au Sénat. Le vote solennel aura lieu le 9 octobre.

L’annonce de ces emplois a suscité beaucoup d’espérance chez les familles et les jeunes en difficulté. C’est aussi parce qu’ils attendent depuis trop longtemps qu’ils font preuve d’impatience. Vous, à droite, écoutez cela !

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer quand pourront être signés les premiers contrats d’avenir ? Comment comptez-vous associer et solliciter les élus, les territoires, les réseaux d’économie solidaire et les missions locales, pour une montée rapide de ces emplois ? (« Allô ! » sur les bancs du groupe UMP.)

D’autre part, quels financements seront inscrits dans le budget 2013 ? Une part de ces crédits concernera-t-elle les dispositifs d’accompagnement, de formation et de professionnalisation ? Enfin, pour les autres contrats aidés, les financements continueront-ils à être disponibles ? Ces précisions sont attendues par les familles et les 150 000 jeunes concernés, mais aussi par celles et ceux qui, dans les régions, veulent que cette belle loi de gauche puisse entrer dans sa phase active. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, vous connaissez tout particulièrement le drame de cette jeunesse de France qui reste sans emploi et sans formation. Dans votre circonscription comme sur l’ensemble du territoire français, jamais il n’y a eu autant de jeunes dans cette situation de double échec. C’est un échec économique, car il n’y a pas d’emploi pour ces jeunes, et un échec éducatif car, à force de retirer des moyens à l’éducation nationale, beaucoup en sont sortis sans la formation nécessaire pour réussir dans la vie. C’est à ceux-là que vous voulez répondre. Vous avez, dans cette assemblée, adopté à une large majorité la loi sur les emplois d’avenir.

Vous me demandez quand cette loi sera mise en application. Je vous réponds : très vite ! (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous verrons dès la semaine prochaine qui, sur ces bancs, se prononcera pour ou contre ce projet de loi, dont je suis sûr qu’il sera adopté ! Dès les semaines suivantes, les décrets et les circulaires d’application seront mises en œuvre, et, dès le début du mois de novembre, les premiers contrats d’emplois d’avenir pourront être signés sur l’ensemble du territoire français. Il aura fallu moins de deux mois entre l’adoption du texte en conseil des ministres et sa mise en application sur le territoire français. Il est rare, pour une politique de cette nature, d’aller aussi vite.

Vous me demandez si les crédits seront présents. Oui, ils le seront ! (« Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Dès cette année, les crédits nécessaires au paiement des premiers salaires de ces emplois d’avenir seront dégagés. L’année prochaine, 100 000 emplois d’avenir seront financés avec ces crédits d’accompagnement qui sont absolument nécessaires.

L’ensemble des élus et des collectivités territoriales, et tout particulièrement les régions – le Nord–Pas-de-Calais, chez vous – seront mobilisés pour apporter la formation nécessaire. C’est cette formation qui permettra à ces jeunes, enfin, d’aborder leur avenir avec espoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Racisme anti-Français

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, député non-inscrit.

M. Jacques Bompard. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, un de nos collègues de la Seine-et-Marne, M. Jean-François Copé, a publiquement dénoncé le racisme anti-blanc existant dans certains quartiers. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ces propos font écho à l’ouvrage Raison de plus ! publié cette année par Mme Vallaud-Belkacem, porte-parole du Gouvernement, dans lequel on trouve quelques lignes courageuses et lucides sur cette forme de racisme. Ce constat n’est donc pas l’apanage d’une formation politique ou d’un courant de pensée. Il couvre l’ensemble de l’échiquier politique. Il est également reconnu par des études sociologiques, comme celle de l’INET, selon laquelle 10 % des Français de souche ont subi au moins une expérience de racisme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je citerai quelques exemples. C’est un couple qui visite un appartement dans une cité HLM et se fait traiter de « sales Français » avant de découvrir, au moment du départ, qu’un pneu de sa voiture avait été crevé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce sont des retraités qui, le jour d’une élection, n’osent pas aller voter car, au bas de leur immeuble, une bande leur interdit de sortir. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Je prendrai l’exemple de ce qui s’est passé ce week-end dans ma circonscription : deux jeunes sportifs ont été agressés alors qu’ils passaient à la frontière d’une cité, parce qu’ils avaient le tort de ne pas appartenir à la même communauté que leurs agresseurs.

Ce racisme anti-Français peut également prendre la forme d’une discrimination que l’on pourrait qualifier d’anti-occidentale et qui vise des personnes intégrées.

M. Bernard Roman. Propos honteux !

M. Jacques Bompard. Ainsi, dans une cité, c’est une femme d’origine marocaine dont les enfants sont insultés (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), interdits de jeu avec les autres enfants de la cité. Son crime : elle est divorcée, porte le pantalon, refuse le voile. Sur son passage, on la traite de prostituée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dans une école où la quasi-totalité des élèves est étrangère ou d’origine étrangère, les enfants issus de couples mixtes sont moqués (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), traités de « mangeurs de cochon » ! De toute évidence, il semble que le Gouvernement n’ait pas mesuré l’ampleur de ce phénomène (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous remercie.

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, l’article 225-1 du code pénal sanctionne toute distinction à raison des origines, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, et RRDP.) La loi est la même pour tous et ne distinguera jamais les victimes du racisme !

M. Claude Goasguen. Et le délit de faciès ?

M. Manuel Valls, ministre. Pour nous, il n’y a pas de racisme anti-noir, il n’y a pas de racisme anti-maghrébin, il n’y a pas de racisme anti-blanc, il y a uniquement le racisme, le racisme qu’il faut combattre sans cesse ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. Manuel Valls, ministre. Soutenir l’inverse en distinguant parmi les victimes, introduire une distinction entre celles qui en sont dignes ou non, c’est précisément nier ce qu’est la France et ce qu’est la République. C’est ce qu’a rappelé la porte-parole du Gouvernement, Mme Vallaud-Belkacem, dans son livre, que vous devriez relire ! Ce serait en violer les lois !

Monsieur le député, face au racisme, qui est une réalité, face à la réalité dans nos quartiers, face au communautarisme qui ne cesse de monter, face aux discours de haine, face à ceux et à celles qui jettent les uns contre les autres les Français entre eux, les étrangers contre les Français, il y a trois mots.

D’abord, la laïcité, par ce qui nous rassemble et permet d’avancer à ce pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Yves Jégo. Très bien !

M. Manuel Valls, ministre. Le deuxième mot, qui ne vous appartient pas, c’est la République partout : dans les quartiers, dans les villages. Et ce gouvernement veut plus que jamais réhabiliter les valeurs de la République ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Il y a enfin un troisième mot, et notre majorité le porte : c’est la France, parce qu’elle ne vous appartient pas ; elle appartient à ceux qui défendent son idéal : celui de la République et de ses valeurs ! (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent vivement. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UDI.)

Prélèvements sur les retraités

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Censi. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été dévoilé hier et, comme pour le projet de budget, les choses ne sont malheureusement pas glorieuses ! Vous avez revendiqué un budget de gauche. C’est effectivement un cocktail de taxes particulièrement indigestes pour la plupart des Français et pour l’économie. C’est ainsi que, pour boucler ses comptes, votre gouvernement a tout simplement décidé de faire les poches des retraités. C’est une expression que vous affectionniez à l’époque, monsieur le Premier ministre. Vous avez dit que les impôts n’augmenteraient que pour les ménages aisés. Eh bien, désormais, être retraité c’est être assimilé à un « riche », à un « privilégié ». En effet, vous allez tout simplement prélever 700 millions d’euros sur les retraités imposables en instituant, je cite, une « contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie ».

De plus, compte tenu du gel du barème de l’impôt sur le revenu, que vous aviez bruyamment contesté, mais que vous pérennisez, des milliers de retraités seront pour la première fois imposables en 2013. Ce n’est pas seulement moi, député UMP qui vous le dis, c’est la CGT, votre partenaire, qui vous accuse aujourd’hui d’avoir menti pendant la campagne présidentielle.

Tout ce bricolage fiscal est inquiétant, d’autant que cette mesure est vraisemblablement la première de toute une série d’autres que vous avez testées et que vos amis redéposeront sûrement par voie d’amendements. Il est à craindre que vous n’assujettissiez les retraités à un taux plus élevé de CSG comme votre boîte à penser, Terra Nova, le propose. Il est à craindre, enfin, que vous ne mettiez fin à l’abattement de 10 % dont bénéficient les retraités au titre de l’impôt sur le revenu. Bref, il est à craindre que les retraités aussi ne deviennent votre vache à lait fiscale !

Monsieur le Premier ministre, ma question est claire : quand renoncerez-vous à ces projets injustes et aurez-vous le courage, pour résorber les déficits, de diminuer les dépenses de l’État plutôt que de financer le recrutement de milliers de fonctionnaires par un prélèvement sur les pensions de retraite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Qu’avez-vous fait, vous, monsieur le député, et votre majorité, pour les retraités (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), alors qu’avec votre réforme des retraites vous avez laissé ceux qui ont commencé à travailler jeunes dans une situation de précarité renforcée (Protestations sur les bancs du groupe UMP), alors que vous avez pénalisé ceux qui ont eu les métiers les plus difficiles ? (Vives protestations sur les mêmes bancs.)

M. le président. On se calme !

Mme Marisol Touraine, ministre. Qu’avez-vous fait, monsieur le député, avec votre majorité (Mêmes mouvements),

Mme Claude Greff. Qu’avez-vous fait, vous ?

Mme Marisol Touraine, ministre. …pour faire face au vieillissement de la population, alors que la réforme de la dépendance, cent fois annoncée, a été cent fois repoussée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Qu’avez-vous fait d’autre, monsieur le député, avec votre majorité, pour les personnes âgées, que de leur promettre qu’elles devraient cotiser à des assurances privées si elles voulaient être mieux protégées ?

Mme Valérie Pecresse. N’importe quoi !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous le répétons, nous voulons que le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale soit un projet de redressement face à la situation dégradée que vous nous avez laissée (Protestations sur les bancs du groupe UMP), un projet de modernisation et un projet de protection. Nous disons que tous les Français doivent être appelés à contribuer pour permettre que les plus âgés, ceux qui vont perdre leur autonomie soient mieux accompagnés et mieux protégés. (Mêmes mouvements.) Donc, dans la perspective d’une réforme juste et solidaire de la dépendance, nous allons mettre à contribution les retraités imposables pour moins de 2 euros par mois.

M. Yves Censi. Les taxes ne sont pas des réformes !

Mme Marisol Touraine, ministre. Deux euros par mois pour la justice, pour la solidarité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), pour la protection, alors que vous les avez laissés seuls face à leurs risques et aux risques de la vie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Éducation

M. le président. La parole est à Mme Carole Delga, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Carole Delga. Ma question s’adresse à M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale.

Le Président de la République a placé la jeunesse et l’éducation au cœur des priorités de son mandat. François Hollande s’est notamment engagé à redonner des moyens humains au système éducatif après cinq années de coupes claires dans un budget pourtant primordial pour l’avenir de la République.

L’ancien gouvernement avait prévu pas moins de 14 000 suppressions de postes pour la rentrée 2012, qui devaient s’ajouter aux 80 000 déjà intervenues pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, conséquence de l’application mécanique et aveugle de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, et ce au mépris des réels besoins de nos enfants et de la formation indispensable pour le dynamisme économique du pays.

François Hollande a annoncé la création de 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation au cours de ce mandat. Au-delà des personnels enseignants, les moyens humains d’accompagnement des élèves seront aussi renforcés. Nous passons d’une ère budgétaire de destruction de postes à un budget, avec un engagement pluriannuel, permettant de nouvelles embauches pour la refondation de l’éducation nationale et donc la réussite éducative.

Notre ambition est bien que la jeunesse participe pleinement au redressement de notre pays. Aussi, monsieur le ministre, après les mesures d’urgence prises à la rentrée 2012, comment le budget 2013 traduit-il la volonté du Gouvernement de répondre au défi d’une éducation au service de tous sur l’ensemble du territoire ?

Pouvez-vous, par ailleurs, nous préciser comment s’intègrent dans ce budget les emplois d’avenir professeurs, qui permettront à toutes les classes sociales de renouer avec si belle profession ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. C’est de l’avenir de notre pays qu’il s’agit, madame la députée. Qu’est-ce qu’un pays incapable de mettre des professeurs devant les élèves, d’accueillir les petits à l’école maternelle, de former ses enseignants, un pays qui laisse sur le bord de la route 150 000 jeunes chaque année ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons hérité, Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac l’ont rappelé, d’une dette économique troublante qui obère notre avenir, mais nous avons aussi hérité d’une dette éducative.

Le choix du Président de la République, confirmé par le Premier ministre, c’est de redresser la France, c’est de nous rendre capables de nous projeter dans l’avenir. Cela suppose des mesures de réparation, celles que nous avons prises pour qu’il y ait demain des professeurs dans les classes, que ces professeurs soient formés, qu’il y ait enfin une priorité au primaire et une revalorisation des lycées professionnels.

Cela dit, ceux qui sont en charge de ce ministère, le ministère de l’intérêt général pour l’avenir du pays, sont conscients qu’il ne suffira pas de mettre de l’argent. Cet argent doit aussi servir à changer en profondeur l’école de la France. Nous voulons refonder l’école de la République, parce que nous voulons refonder la République par l’école. C’est de notre avenir qu’il s’agit. L’école dans la République a toujours été beaucoup plus que l’école. En l’abîmant, vous avez meurtri la République. En la redressant, c’est la République que nous remettrons debout. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Assurance maladie des frontaliers

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Annie Genevard. En préambule à ma question, je voudrais rappeler à Manuel Valls, M. le ministre de l’intérieur, prompt à nous donner des leçons de vertu républicaine, les propos qu’il tenait dans sa ville, affirmant que cela manquait de blancs. Donc pas de leçons, monsieur le ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ma question s’adresse à Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. J’y associe Virginie Duby-Muller et les vingt-quatre parlementaires qui vous ont demandé rendez-vous, madame la ministre, sur le sujet que je vais évoquer.

Aujourd’hui, 130 000 frontaliers domiciliés en France et travaillant en Suisse peuvent choisir leur assurance maladie. En grande majorité, ils optent pour une couverture privée parfaitement adaptée à leurs besoins. Ce droit d’option, issu d’un accord entre l’Union européenne et la Suisse, arrive à échéance en 2014. Vous aviez envisagé de le supprimer cette année, mais vous avez reculé grâce à la mobilisation des parlementaires de l’UMP, rejoints d’ailleurs par certains de votre majorité, et grâce aux associations de travailleurs frontaliers.

Le problème, pourtant, reste entier au-delà de 2013. Cette suppression du choix de l’assurance maladie pourrait priver les frontaliers de près de 200 euros mensuels sur un salaire moyen, ce qui est injuste pour une population qui travaille beaucoup – eux ne sont pas aux 35 heures –, dont les conditions de déplacement en zone frontalière sont extrêmement difficiles et qui a peu de sécurité dans l’emploi. En outre, l’économie de nos territoires frontaliers s’en ressentirait fortement.

M. Jean-Luc Reitzer. Absolument !

Mme Annie Genevard. Pour faire des économies, ne serait-il pas plus judicieux de renégocier les conditions de l’assurance chômage, scandaleusement défavorables pour notre pays ? Pouvez-vous donc nous dire si vous avez l’intention de garantir durablement ce droit d’option pour l’assurance maladie ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Tout d’abord, madame la députée, aucun ministre de ce gouvernement n’a de leçon de République (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et de valeurs républicaines à recevoir de votre part (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), ni le ministre de l’intérieur, ni aucun autre, après les propos que vous avez tenus.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale doit trouver beaucoup de grâce à vos yeux pour que la seule mesure que vous attaquiez n’y figure pas.

Mme Bérengère Poletti. Ce n’est pas la seule !

Mme Marisol Touraine, ministre. Si la droite a décidé de combattre une disposition qui n’est pas proposée au Parlement, nous attendons d’elle qu’elle apporte son soutien à un projet de loi de justice, un projet de redressement des comptes que vous nous avez laissés dans une situation absolument catastrophique, et un projet de modernisation de notre politique.

Vous avez évoqué la situation particulière des transfrontaliers suisses qui bénéficient effectivement d’un régime d’option arrivant à échéance au cours de l’année 2014. C’est à ce moment-là que le droit d’option sera revu, dans des conditions qu’il appartiendra de déterminer.

Aujourd’hui, nous discutons d’un projet de loi qui fait contribuer l’ensemble des Français au rétablissement des comptes et à la modernisation de notre système de retraite et de notre système de santé, et qui permet d’étendre les protections aux plus fragiles alors que les seules mesures que vous proposez, c’est la diminution de la sécurité, des indemnités chômage, de l’assurance maladie et des retraites.

Oui, madame la députée, nous divergeons. Nous n’avons pas la même perspective pour l’assurance sociale, nous n’avons pas la même perspective pour la sécurité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Déclaration du Gouvernement, en application de l’article 50-1 de la Constitution,
sur les nouvelles perspectives européennes
et débat sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur les nouvelles perspectives européennes, suivie d’un débat,…

M. Bernard Deflesselles. Sans vote !

M. le président. …en application de l’article 50-1 de la Constitution.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, au lendemain du plus effroyable des conflits qu’a connus notre continent, des hommes de bonne volonté et de hautes vues ont su dépasser les vieilles haines et poser les fondements de l’Europe unie. Leur engagement sans faille, parfois brillant, souvent humble, a permis à nos vieux pays divisés de retrouver, dans l’entente et la solidarité, la paix et le progrès. D’autres ont repris le flambeau et l’Europe s’est construite peu à peu, avec des fulgurances, beaucoup de compromis, des blocages et des avancées.

Les peuples ont adhéré à ce vaste projet ; parfois, ils ont refusé la voie qui leur était proposée. Il y a eu des moments d’enthousiasme et des moments de désenchantement. À chaque étape, la même question a ressurgi : à quoi cela sert-il ? Certains, favorables à l’union de l’Europe, se demandent cependant si cette union se construit sur les bonnes bases. D’autres vont jusqu’à remettre en cause la construction européenne dans son principe même.

Ces questions, mesdames et messieurs les députés, je ne les fuis pas. Ces doutes, je ne les ignore pas. Je veux y répondre, en vous faisant part d’une certitude et d’une volonté.

Ma certitude, c’est que sans l’Europe, nous serions isolés et faibles.

M. Bernard Deflesselles. C’est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Que pèseraient une France seule, une Allemagne seule, une Italie seule face aux États-Unis d’Amérique ou à la Chine ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Grâce à la construction européenne, nous sommes la première puissance économique et commerciale du monde !

M. Guy Geoffroy. Je n’en suis pas convaincu…

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Grâce à elle, nous avons les moyens de négocier dans les instances internationales pour défendre notre économie et promouvoir nos standards sociaux et environnementaux. Sans l’euro, combien de dévaluations aurions-nous dû subir ?

M. Jacques Myard. Une monnaie, ça s’adapte !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. L’histoire de la France en Europe s’est longtemps écrite contre nos voisins. Elle s’écrit désormais avec eux, et d’abord avec l’Allemagne ! La construction européenne, cela sert à quelque chose ! La France est plus grande avec l’Europe !

Cependant, ma volonté, qui est aussi celle du Gouvernement et des Français qui ont élu le Président de la République, c’est de réorienter le cours de la construction européenne. En effet, si nous sommes européens, nous n’en sommes pas moins en désaccord avec le chemin qui a été suivi depuis de longues années et depuis cinq ans en particulier. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Pour répondre aux ébranlements provoqués par la crise financière et pour sauver notre monnaie, les gouvernements européens se sont contentés d’une réponse budgétaire, le précédent gouvernement français au premier chef. Si le sérieux budgétaire est indispensable lorsque la dette s’emballe et paralyse l’action publique, la réduction des déficits sans soutien à la croissance conduit à la récession.

Au nord, au centre et au sud de l’Europe, des partis populistes prospèrent. Les égoïsmes nationaux et le refus de toute solidarité gagnent du terrain. Si l’Europe n’avance pas, si nous la condamnons à l’impuissance, si nous refusons toute avancée sous prétexte que nous en attendons d’autres, alors ces forces du repli seront celles qui progresseront le plus vite.

L’urgence est là, pour de bon. Les chiffres de la croissance pour le deuxième trimestre 2012 mettent en évidence une nouvelle dégradation de l’activité dans la zone euro. Nos partenaires du nord de l’Europe eux-mêmes ne sont plus à l’abri du ralentissement. Quant à nos partenaires du sud de l’Europe, ils continuent de subir une récession aussi marquée que socialement insupportable.

L’Europe telle que nous l’avons trouvée n’était pas sur la bonne voie. Il était nécessaire de modifier sa course et le Président de la République, grâce au vote du Peuple français, y est parvenu. C’est le résultat de l’élection présidentielle (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Guy Geoffroy. C’est le même traité !

M. Bernard Deflesselles. C’est un copié collé ! Pas une virgule n’a été changée !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous sommes aujourd’hui à un moment crucial. Allons-nous conforter cette réorientation qui correspond exactement à ce que nous réclamions depuis des années ? Ou allons-nous casser l’élan tout juste lancé ? C’est cette orientation décisive pour l’avenir de la construction européenne que je suis venu vous demander de soutenir aujourd’hui.

M. Guy Geoffroy. Il n’y a pas de vote !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Formellement, vous allez être appelés à voter sur la ratification du traité. Mais, à travers votre vote, c’est sur la réorientation de l’Europe que je vous appelle à vous prononcer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J’entends les doutes, bruyants comme silencieux.

M. Bernard Deflesselles. Ce sont les pires !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je compte même quelques amis parmi celles et ceux qui hésitent. Je ne leur jette pas la pierre. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe écologiste.) Dans les moments importants de notre histoire, le débat n’a jamais été inutile. Le précédent Président de la République, durant ce premier semestre, a souvent répété que le traité imposerait l’adoption d’une règle d’or, de sorte que même les parlementaires les mieux disposés ont pu s’inquiéter de l’introduction d’un carcan constitutionnel.

M. Guy Geoffroy. Quel aveu !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur ce sujet et nulle règle ne sera inscrite dans notre loi fondamentale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Le traité lui-même ne comporte aucune contrainte quant au niveau de la dépense publique. Il n’impose pas davantage de contrainte quant à sa répartition. Il ne dicte en rien la méthode à employer pour rééquilibrer les comptes publics. La souveraineté budgétaire restera au Parlement de la République française (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) !

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas ce qui est écrit dans le traité !

M. Guy Geoffroy. Il faut lire le traité !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La recherche de l’équilibre du solde structurel autorisera les États à prendre des mesures adaptées pour faire face aux situations de crise économique. Sur ce point, le traité qui vous est soumis est même plus souple que le traité de Maastricht, qui se focalise sur le seul déficit nominal. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Lellouche. Il faut lire le traité !

M. Guy Geoffroy. Quel équilibriste !

M. Gérald Darmanin. Funambule !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ce n’est pas le traité qui nous impose d’équilibrer nos comptes publics, mais la volonté de ne pas nous laisser dicter notre politique par les marchés financiers et de retrouver des marges de manœuvre. Il n’est pas acceptable que le premier poste du budget de l’État soit le remboursement des intérêts de la dette. Si nous voulons financer nos priorités, c’est-à-dire l’éducation, la recherche, l’emploi, la sécurité, la justice, le logement et la santé, alors il faut choisir, et la gauche a choisi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J’entends encore demander ce qui a changé depuis le mois de juin, puisque le texte du traité est identique. Mais tout a changé !

M. Alain Suguenot. En pire !

M. Christian Jacob. Rien n’a changé !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est l’économie générale de la réponse à la crise qui a été bouleversée. Avons-nous pour autant obtenu tout ce que nous demandions ? Non.

M. Patrice Verchère. Avez-vous seulement demandé quelque chose ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ce paquet européen solde-t-il nos ambitions pour l’avenir ? Pas davantage. Mais cette étape est-elle nécessaire pour que s’enchaînent les suivantes ? Oui !

Cette étape est essentielle. Chacun d’entre nous, sans exception, est placé face à la responsabilité cruciale de maintenir la France dans une zone euro solidaire. La conséquence d’un rejet sous forme d’un refus de la ratification serait, vous le savez bien, une crise politique débouchant sur l’effondrement de l’union monétaire.

M. Daniel Fasquelle. Même à gauche, ils ne vous croient pas !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le vote auquel je vous invite est celui de la confiance dans la politique européenne engagée depuis quatre mois par François Hollande ; elle a déjà porté ses fruits et elle en portera d’autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et, même si certains en doutent, il y a bien eu négociation.

M. Lionel Tardy. Il n’y a rien eu du tout !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Sous l’impulsion décisive du Président de la République, le Conseil européen de juin dernier a rééquilibré le traité par l’ajout d’un texte complémentaire, le pacte pour la croissance et l’emploi. C’est la France qui a replacé la croissance au cœur du débat européen, avec l’appui de plusieurs de nos partenaires désormais convaincus de l’importance de cet enjeu.

Ce pacte dont nous avons obtenu la mise en œuvre crée un état d’esprit nouveau en Europe. La recapitalisation de la banque européenne d’investissement sera effective au premier trimestre 2013. Avec l’ensemble des cofinancements, ce sont des investissements supplémentaires à hauteur de 120 milliards d’euros qui seront engagés, soit l’équivalent d’une année du budget communautaire européen. L’union bancaire est en marche !

M. Pierre Lellouche. Pas grâce à vous !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. D’ici la fin de l’année 2012, une supervision intégrée des systèmes bancaires de la zone euro adossée à la Banque centrale européenne sera mise en place.

L’élan de juin ne s’est pas pour autant interrompu. La banque centrale européenne a pu prendre appui sur cette volonté politique nouvelle pour acheter des obligations gouvernementales sur les marchés secondaires « sans limites quantitatives », comme le dit le texte. Cela aussi, nous l’espérions et le demandions depuis longtemps et chacun ici sait que cette décision aurait été bienvenue avant que la crise des dettes souveraines n’atteigne l’Italie et l’Espagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Quant à la taxe européenne sur les transactions financières, nous n’avons cessé de la demander. Le gouvernement précédent nous disait que jamais nos partenaires n’y consentiraient. Elle avait été abandonnée par le précédent Président de la République. Eh bien, elle sera mise en place dans le cadre d’une coopération renforcée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ne vous en déplaise, mesdames et messieurs les députés de la droite, l’Europe s’est remise en mouvement ! Il nous faut poursuivre dans cette voie. La ratification du traité n’est qu’une première étape que nous devons franchir pour construire une Europe de la confiance.

Le premier défi, c’est d’apporter des solutions durables aux dysfonctionnements de la zone euro, qui font obstacle au redémarrage de la croissance. Le président du Conseil européen, M. Herman Van Rompuy, a été chargé de préparer une feuille de route sur l’avenir de l’union économique et monétaire, en collaboration avec les présidents de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et de l’Eurogroupe, La France présentera sa propre contribution au débat.

Les programmes de stabilité financière n’ont pas suffi à rassurer les marchés. Tant que l’hypothèse d’une sortie de certains pays de la zone euro n’est pas définitivement écartée, les marchés continueront d’imposer aux pays les plus vulnérables des primes de risque qui les asphyxient, ruinent leurs efforts et pénalisent durablement leurs peuples. Notre réponse sera l’approfondissement de l’union économique et monétaire. Ce sera aussi une nouvelle étape de notre histoire commune, que le Président de la République a appelée « intégration solidaire ». L’union monétaire appelle en effet davantage d’intégration économique et budgétaire, mais aussi bancaire, fiscale, sociale et démocratique.

M. Pierre Lequiller. Il fallait voter le Mécanisme européen de stabilité !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous ferons tout pour que la Grèce reste dans la zone euro. Nous allons l’aider à reconstruire une économie plus saine. Mais elle doit s’engager de son côté avec sincérité dans la voie des réformes qui s’imposent, notamment la réforme fiscale qui épargne toujours les privilégiés dans ce pays. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Le fonctionnement de l’union économique et monétaire devra être réformé, en répondant à trois exigences.

La première, c’est la coordination des politiques économiques de la zone euro au service de la croissance. Il est clair aujourd’hui que le pilier économique et monétaire doit être renforcé. Ce gouvernement économique que nous réclamons depuis des années est maintenant à l’ordre du jour.

La deuxième exigence, c’est l’équilibre entre le développement de mécanismes financiers de solidarité et la vigilance budgétaire. La zone euro doit disposer d’instruments budgétaires et financiers communs pour faire face aux chocs externes et permettre aux pays qui ont des difficultés de les surmonter pour retrouver la croissance. L’Europe ne peut se dispenser de solidarité. Trop souvent, le chacun pour soi prévaut.

Il faut d’abord élargir le rôle du mécanisme européen de stabilité en matière de crise bancaire. La France est favorable à la mutualisation d’une partie de la dette par l’émission d’eurobonds. Par ailleurs, il est temps qu’une nouvelle législation bancaire sépare la gestion des dépôts des activités à risque à l’échelle de toute l’Europe. La France le fera elle-même, sans attendre. La finance doit être au service de l’économie et non de la spéculation (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) !

Mme Claude Greff. Ils n’applaudissent pas beaucoup !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La troisième exigence, c’est la légitimité démocratique. Il n’y aura pas de renforcement de notre maison commune ni d’intégration solidaire sans adhésion des peuples. L’articulation, dans le processus de décision, entre le niveau européen et le niveau national doit faire l’objet d’une attention particulière. Il nous faut garantir l’expression démocratique de l’intérêt général quand il est en jeu.

À court terme, le traité soumis à ratification prévoit la création d’une conférence interparlementaire, composée de parlementaires européens et de parlementaires nationaux, qui débattrait du rapport annuel de croissance ou des propositions d’orientations économiques de la zone euro. C’est un progrès.

La prochaine étape, ce doit être également le défi de l’Europe sociale,…

M. Pierre Lellouche. Ah !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …qui n’a jamais bénéficié du même niveau de priorité que la mise en œuvre du marché unique et de l’intégration monétaire. Nous avons une dette sociale à l’égard des peuples européens. La France se battra et agira afin que cette dette soit, elle aussi, résorbée, comme l’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

C’est en faisant de l’Union le fer de lance de la lutte contre le chômage,…

M. Jacques Myard. On voit le résultat !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …les exclusions et les discriminations sociales, en développant les programmes européens d’éducation, en favorisant la convergence sociale et fiscale sur notre continent, que nous réconcilierons l’Europe et les citoyens.

En 2010, près du quart de la population européenne était confronté à une situation d’exclusion sociale, de pauvreté monétaire ou de privation matérielle grave, cela représente 115 millions de personnes. Pour la zone euro, 21,5 % de la population était concerné, soit 70 millions de personnes. Il faut le dire, la France l’affirme et c’est le sens du vote que je vous invite à émettre : cette situation n’est plus supportable, elle justifie aussi la réorientation de l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans le contexte de crise et de chômage de masse que nous connaissons, l’éducation et la formation tout au long de la vie constituent le plus sûr investissement pour l’avenir. La France veut que soit offerte à tous les Européens, quel que soit leur niveau de qualification, la possibilité de se former dans un autre pays de l’Union. Aujourd’hui, l’Europe ne consacre que 1 % de son budget à l’éducation et à la formation. Mon gouvernement demandera une augmentation sensible de cette part. C’est ainsi que le programme Erasmus devra monter en puissance et bénéficier à un nombre plus important d’étudiants, notamment issus de familles modestes.

La France veillera aussi au respect du principe de subsidiarité, trop longtemps oublié, pour en finir avec l’Europe des pratiques tatillonnes et des réglementations inutiles. On pourrait multiplier les exemples de ces initiatives de la Commission européenne et de ces décisions du Conseil qui sont autant d’incitations à se détourner de la construction européenne. Nous avons besoin d’une Europe qui s’occupe des vrais problèmes et qui respecte les peuples.

M. Hervé Mariton. Chiche !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous avons besoin d’une Europe qui respecte également ses services publics. La France travaillera à l’élaboration d’une directive-cadre sur les services d’intérêt économique général.

Parmi les grands chantiers que doit engager l’Europe, il y a celui de l’innovation et de la réindustrialisation. Les deux sont liées. Perdre ses capacités de fabrication, c’est perdre ses capacités d’innovation technologique. La recherche européenne est performante, mais elle ne se traduit pas suffisamment en projets innovants. Nous devons inventer les « Airbus » de demain, éliminer les freins à l’innovation, et relever le défi de la compétitivité. L’Europe doit se doter enfin d’une grande politique industrielle ; sa politique économique ne peut se limiter aux seules règles de la concurrence. C’est cela que veut affirmer la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans un monde de plus en plus ouvert, nous avons besoin d’une Europe qui protège et qui sache défendre ses intérêts. C’est au niveau européen que doit être mise en œuvre une politique commerciale fondée sur le juste échange.

M. Razzy Hammadi. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est indispensable pour notre place dans le commerce mondial ; mais c’est aussi une exigence de progrès social et environnemental. L’Europe a trop souvent fait preuve d’une sorte de naïveté dans les négociations commerciales internationales face à des concurrents qui, eux, n’hésitent pas à défendre pied à pied leurs positions et leurs intérêts. Cela aussi doit changer.

La France portera également le dossier de la convergence fiscale…

M. Michel Herbillon. Pas avec des prélèvements obligatoires aussi élevés chez nous !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …et celui de la lutte contre la concurrence fiscale déloyale.

Le Président de la République s’est prononcé pour la construction d’une communauté européenne de l’énergie et d’une politique environnementale à l’échelle du continent. C’est un formidable enjeu pour l’avenir. L’Europe doit en effet être capable de concilier différents objectifs : la sécurité de son approvisionnement, la durabilité environnementale et la compétitivité de son économie. Si nous y consacrons les moyens nécessaires, la transition énergétique sera au cœur du processus de croissance verte et de création de millions d’emplois. Oui, l’Europe doit s’engager dans de nouveaux combats, vers une nouvelle frontière ! Si elle en a la volonté, elle en a la capacité. C’est notre responsabilité ; c’est le sens du vote auquel je vous appelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne devra refléter ces défis. Mesdames et messieurs les députés de l’UMP, mon gouvernement ne reprendra pas la position de la majorité précédente, qui faisait de la baisse de la contribution française sa priorité. Ce que veut le Gouvernement, et je suis sûr qu’il aura l’appui du Parlement, c’est le maintien de la politique agricole commune et du haut niveau des fonds structurels,… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Accoyer. Vous parlez des impôts des Français !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …parce qu’il s’agit d’une condition de la croissance, de l’emploi et de la solidarité territoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre Fillon, j’ai vu que Mme Pécresse, qui vous soutient dans votre conquête du pouvoir à la tête de l’UMP, avait reconnu avoir commis une erreur en 2007. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Ce n’est pas le sujet, on parle de l’Europe !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je la salue pour son honnêteté politique. Premier ministre, vous disiez alors : « Je suis à la tête d’un État en faillite. » Mais, au même moment, le Président de la République adoptait une tout autre ligne politique en allant dire à Bruxelles au président de la Commission européenne qu’il allait s’exonérer des obligations de la France – un maximum de 3 % de déficit et de 60 % de dette par rapport au PIB – pour provoquer un choc de croissance en France. Vous avez alors fait voter la loi TEPA qui a fait des cadeaux au plus riches. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela ne vous a pas dérangé, monsieur Fillon, puisque vous êtes resté cinq ans à Matignon pour appliquer une autre politique que celle à laquelle vous croyiez. Finalement, nous n’avons pas eu la croissance et les comptes publics se sont dégradés, et ce que nous avons aujourd’hui, c’est votre héritage : 600 milliards d’euros de dette supplémentaires. Voila votre responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aujourd’hui les choses changent en France (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Michel Herbillon. Ce qui change, c’est le matraquage fiscal !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …mais aussi en Europe. Le vote du peuple français compte. Depuis le 6 mai dernier, il a contribué à faire bouger les lignes en Europe. C’est l’influence de notre pays qui en sort renforcée.

À Tulle, le soir de son élection, François Hollande déclarait : « Le 6 mai doit être une grande date pour notre pays, un nouveau départ pour l’Europe, une nouvelle espérance pour le monde. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Aujourd’hui, la France n’est plus isolée en Europe,…

M. Jean-Christophe Lagarde. Elle n’est plus isolée : elle est seule !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …elle a réussi à fédérer largement. Tel est le mandat que vous avez donné au Gouvernement et au Président de la République. Et c’est celui que vous allez donner par votre vote pour que la France continue de peser en faveur de la réorientation de l’Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mesdames et messieurs les députés, c’est votre responsabilité, aujourd’hui, à l’Assemblée nationale ; c’est votre devoir pour la France, pour l’Europe, pour le monde. Cela exige du courage, mais vous en avez. Cela exige de l’audace, mais vous en avez. Ne passons pas à côté de cette chance historique ! (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs principaux des groupes politiques.

Pour le groupe écologiste, la parole est à Mme Barbara Pompili.

Mes chers collègues, je demande à ceux d’entre vous qui souhaitent quitter l’hémicycle de le faire en silence afin que l’oratrice puisse s’exprimer.

M. Bernard Accoyer. Ce sont les socialistes qui s’en vont ! Ils quittent l’hémicycle quand leurs alliés prennent la parole !

Mme Claude Greff. Les socialistes s’en vont quand les écolos parlent !

Mme Barbara Pompili. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, enfin ! Enfin, dans cette enceinte, nous sommes appelés à débattre…

M. Bernard Deflesselles. Sans voter !

Mme Barbara Pompili. …de la politique européenne de notre pays. Le précédent quinquennat ne nous y avait pas habitués. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Les décisions européennes faisaient l’objet d’une simple information a posteriori de la représentation nationale sur les arrangements conclus entre chefs d’État.

Que la stratégie européenne française sorte d’une logique d’à-coups imposés par les épisodes successifs de la crise pour enfin se définir un cap, cela mérite à soi seul d’être salué.

Et s’il est un intérêt à ce débat, au-delà de celui de voir préciser les objectifs et les moyens que le Gouvernement fixe à sa politique européenne, c’est aussi, c’est surtout, de permettre à chaque groupe politique qui constitue cette assemblée de dire à l’aune de quelles valeurs, sur la base de quelles perspectives il entend inscrire son action en matière de construction européenne.

C’est en tout cas ce que je souhaite vous faire partager aujourd’hui au nom de l’ensemble des écologistes. Sans doute est-ce nécessaire, tant la couverture médiatique de nos débats a donné lieu à des interprétations hasardeuses, pour ne pas dire franchement hostiles.

Nous avons assez dit, depuis que la crise financière a commencé à produire ses terribles conséquences, à quel point nous regrettions, en tant qu’écologistes et en tant qu’européens convaincus, l’inertie des gouvernements européens. Nous avons assez dénoncé l’absence d’audace de la commission et la rigidité de la BCE pour ne pas reconnaître l’évolution salutaire enregistrée au cours des dernières semaines.

Certes, il n’y a pas eu réécriture du TSCG (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe UMP) : nous le regrettons, et François de Rugy vous dira pourquoi nous continuons à juger ce traité inutile, dangereux et, pour tout dire, obsolète avant même qu’il ait été ratifié. Mais au-delà de ce texte, nous reconnaissons que la négociation engagée en juin a permis de lui adjoindre un ensemble de dispositions notablement différentes dans leur esprit de celles qui prévalaient jusque-là. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Vous ne croyez tout de même pas sérieusement à ce que vous dites ?

Mme Barbara Pompili. J’ai eu ici même, au lendemain du Conseil européen des 28 et 29 juin, l’occasion de dire la satisfaction des écologistes de voir enfin infléchie la logique exclusive d’austérité. Le plan d’investissement européen, annoncé lors de la campagne présidentielle, qui a trouvé une première concrétisation, constitue une bonne nouvelle. Il demeure à nos yeux très loin, quantitativement et qualitativement, de ce qui serait nécessaire pour engager cette transition écologique de l’économie que nous appelons de nos vœux et qui est la seule perspective de développement crédible et durable. Mais c’est un premier pas et, pour des Européens convaincus comme nous le sommes, seule compte une question : les pas, si petits soient-ils, sont-ils une opportunité pour avancer dans la bonne direction ? C’est cette question, pragmatique, qui guide nos positions, et qui justifie – ou non – notre soutien. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Nous avons noté également avec un grand intérêt les engagements relatifs à la supervision bancaire et à la mise en place d’une taxe sur les transactions financières.

Ces deux questions ont occupé nos eurodéputés, qui en sont devenus des spécialistes. Elles ont été portées dans les parlements nationaux par les écologistes, sans exception. Ici même, au cours du dernier mandat, nous avons déposé des amendements nombreux pour avancer sur ces questions. Les voir aujourd’hui sur le point d’aboutir constitue un motif de satisfaction. Encore faudra-t-il les traduire en actes concrets : à ce rendez-vous-là, n’en doutez pas, les écologistes seront présents !

De même, on ne peut que saluer la décision récente de la BCE de racheter, sans limite préfixée, des obligations d’État en abandonnant son statut de créancier privilégié, qui annihilait en partie l’effet de cette opération lors des plans précédents. C’est une rupture utile avec la doctrine inflexible qui prévalait auparavant, et une juste prise en compte du principe de réalité. On peut d’ailleurs noter que cette décision est en rupture avec l’esprit du TSCG.

Ces avancées sont utiles, mais elles restent, à nos yeux, insuffisantes car il demeure de nombreux points sur lesquels l’Europe doit bouger, fût-ce à petits pas, faute de quoi elle risque de se perdre et de perdre le soutien des opinions publiques.

Nous constatons l’inflexibilité des institutions européennes sur la question cruciale de la mutualisation, pourtant indispensable, des dettes publiques. Aussi utile qu’elle puisse être, l’intervention de la BCE ne saurait se substituer à la responsabilité des États de l’Union européenne. Or, le « chacun pour soi » demeure encore la règle, une règle d’autant plus insupportable qu’elle va se doubler désormais d’une autre règle, qui sera, non pas d’or, mais d’airain, si elle n’a pas pour corollaire une véritable solidarité entre tous les pays de la zone euro.

S’agissant de cette inéluctable mutualisation, au moins partielle, des dettes souveraines, la seule incertitude réside dans le moment. Plus ce moment viendra rapidement, mieux nous serons en mesure d’affronter la crise. Toutefois, la seule solidarité budgétaire ne suffira pas. C’est pourquoi nous soutenons la proposition de créer rapidement un fonds européen d’assurance chômage afin d’intervenir en urgence dans des pays où, comme en Grèce, les citoyens sont confrontés à la disparition de tout un modèle social. Cette proposition, qui vise à compléter un dispositif aujourd’hui partiel, a été relancée il y a quelques heures par José Manuel Barroso. Nous attendons de la France qu’elle dise : « Chiche ! » et soutienne la Commission européenne face aux réticences britanniques ou néerlandaises.

Ainsi que je l’indiquais il y a quelques instants, le dimensionnement budgétaire du pacte de croissance demeure très faible ; il est, du reste, encore incertain. Sur ce point encore, il nous faudra avancer, si possible à grands pas, compte tenu du déficit de croissance de notre continent. L’Europe a dès aujourd’hui un besoin urgent d’investissements qui préparent l’avenir, car seuls ces investissements peuvent réenclencher une dynamique vertueuse de création d’emplois durables.

Certes, la France a des capacités d’investissement ; je pense notamment à la suppression des milliards d’euros de niches fiscales anti-écologiques ou à la réorientation des fonds publics vers des investissements utiles aux citoyens qui permettraient de faire face aux crises énergétique et climatique. Mais c’est réellement à l’échelle européenne que peuvent se structurer de grands projets d’investissement dans les renouvelables, le bâtiment ou les transports. Communauté européenne de l’énergie, plan transports : des propositions ou des pistes d’action sont déjà sur la table. Explorez-les, entraînez-y nos partenaires, et vous trouverez dans les écologistes des partenaires actifs et déterminés.

Au chapitre des chantiers qu’il convient d’ouvrir figure également la nécessité de dégager de nouvelles recettes pour le budget européen. La taxe sur les transactions financières est un premier pas significatif ; il conviendra de l’étendre. De même, nous soutiendrons toute initiative française visant à mettre en place une contribution climat énergie européenne.

Au-delà de ces mesures techniques essentielles, il y a plus : il y a le projet européen, qui doit redevenir un projet réellement démocratique. Monsieur le Premier ministre, l’Allemagne a récemment émis l’idée d’une nouvelle réflexion sur le fonctionnement de nos institutions européennes. Nul n’ignore le caractère en partie artificiel de cette suggestion, qui peut parfois cacher une volonté réitérée de placer les pays européens sous le joug de règles automatiques. Mais nul ne peut laisser cette proposition sans suite,…

M. Pierre Lequiller. Elle a raison !

Mme Barbara Pompili. …car il y a, chez nos principaux partenaires, une vraie culture de l’Europe. Davantage d’intégration fédérale européenne, davantage de solidarité et de démocratie portées par les institutions européennes, c’est une réponse à la crise identitaire de l’Union autrement plus crédible et efficace que le repli nationaliste ou le statu quo.

Au-delà du TSCG, qui nous divise aujourd’hui mais qui sera, dès demain, oublié, il y a l’essentiel. Et l’essentiel, c’est l’adhésion des Européennes et des Européens au projet de l’Union. Ceux-ci ont le sentiment que l’Europe se fait sans eux ou contre eux, en tout cas dans leur dos. Nous portons ensemble, je le sais, l’ambition de construire une Europe parlementaire, avec une souveraineté partagée entre les parlements nationaux et le Parlement européen. Dans l’immédiat, nous comptons sur le Gouvernement pour qu’en amont de chaque conseil européen, les assemblées soient réellement informées des positions qu’il va y défendre. Ce serait là une grande avancée démocratique, au regard des discussions sans intérêt qui étaient organisées au cours des dernières années dans cette enceinte.

Tout cela, nous savons que nous n’y parviendrons pas en un jour, qu’il faudra des compromis, de la patience. Au moins ce débat nous aura-t-il permis de mesurer le chemin parcouru depuis le mois de mai et de tracer des perspectives pour l’avenir.

Sur les questions européennes, nous savons que nous ne procéderons qu’à pas comptés : comment pourrait-il en être autrement, à vingt-sept ? Mais, à chacun de ces pas négociés par le Gouvernement, les écologistes se poseront une question, et une seule : cela permet-il d’aller dans la bonne direction et de se rapprocher de nos ambitions pour l’Europe ? C’est en fonction de notre réponse à cette question intangible, qui ne laisse la place ni aux calculs ni aux positionnements politiciens, que nous nous prononcerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. C’est un engagement timide !

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le Premier ministre, avant-hier, vous avez bien voulu clôturer les travaux du congrès du Parti radical de gauche, ce dont nous vous remercions vivement. Dans votre discours, vous avez rappelé qu’en 1957, le traité de Rome créant la Communauté européenne a été signé, pour la France, conjointement par Christian Pineau, socialiste, et Maurice Faure, radical. En effet, comme les socialistes – je pense naturellement à François Mitterrand –, les radicaux ont toujours agi pour la construction européenne, avec la même conviction : l’entente entre les peuples d’Europe doit surmonter les frontières de ce continent, qui sont souvent des cicatrices de l’histoire.

Depuis le traité de Rome, signé il y a cinquante-cinq ans, l’Europe est un gage de paix et de solidarité. Vous êtes vous-même, comme le montre votre déclaration, un Européen convaincu, animé de la volonté de défendre l’intérêt national et de renforcer la France dans l’Europe et par l’Europe.

Or, aujourd’hui, celle-ci est en crise.

La réduction du déficit et de l’endettement publics constitue une nécessité évidente pour rétablir la confiance dans l’économie et la monnaie européennes ; tel est l’objectif prioritaire du TSCG. Toutefois, ce traité, signé en mars dernier, avant l’élection présidentielle, suscite parfois deux objections principales.

Tout d’abord, il soumet le pouvoir budgétaire du Parlement au contrôle encore accru d’instances technocratiques et juridictionnelles – la Commission et la Cour de justice de l’Union européenne – non élues au suffrage universel et donc dépourvues de cette légitimité.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. On peut dire – c’est une litote – qu’il n’y a pas là un progrès de la démocratie. Fin 2011, Mme Angela Merkel a déclaré : « Il nous faut une démocratie conforme au marché. » Mieux vaudrait inverser l’ordre des facteurs et dire : « Il nous faut des marchés conformes à la démocratie. »

Ensuite, ce traité prévoit une réduction très – trop – accélérée du déficit public, qui peut paraître inadaptée à la conjoncture actuelle, marquée par la stagnation de l’économie pendant trois trimestres consécutifs et par l’ampleur du chômage. Dans une telle conjoncture, l’austérité budgétaire à marche forcée risquerait d’agir comme un carcan bloquant la croissance…

M. Nicolas Sansu. C’est vrai !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …et d’avoir des effets récessifs. Dans ces circonstances, la « règle d’or » serait plutôt, comme l’a dit l’oratrice précédente, une loi d’airain réduisant la croissance au niveau minimum, voire la transformant en croissance négative.

Mme Marie-George Buffet. L’austérité entraîne la récession !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ces objections ne peuvent être méconnues, mais d’autres données doivent également être considérées.

En toute hypothèse, que ce traité existe ou non, le redressement des comptes publics est d’abord un impératif national. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse. Absolument ! C’est cela, la réalité !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Sous le précédent quinquennat, des déficits publics excessifs ont conduit à un endettement public considérable…

M. Pascal Terrasse. Catastrophique !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …qui s’est accru de 600 milliards d’euros en cinq ans. Résultat : le remboursement de la dette est devenu le premier poste budgétaire. Dès lors, l’État manque de moyens, de ressources, pour financer suffisamment les véritables priorités : l’éducation, la santé, la sécurité.

En outre, avec cet endettement massif, qui dépasse aujourd’hui 90 % du PIB, un État risque de devenir dépendant des marchés financiers et des agences de notation. Il peut se trouver sous leur contrôle et à leur merci, et perdre ainsi sa liberté d’action. Un État surendetté n’est plus guère un État souverain.

Par ailleurs, le TSCG, avec ses règles de discipline budgétaire, ne constitue pas en réalité une innovation fondamentale, car il s’inscrit dans la suite de plusieurs engagements européens déjà souscrits par la France. En effet, et on l’oublie trop souvent, notre pays est d’ores et déjà tenu de respecter le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment son article 126, relatif à la lutte contre les déficits excessifs des États. Sur la base de ce traité, l’Union européenne a adopté, le 7 juillet 1997, un règlement « relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ». Il y a moins d’un an, le 16 novembre 2011, ce règlement a été modifié dans un sens encore plus rigoureux par un règlement du Parlement européen et du Conseil. Désormais, l’article 2 bis de ce règlement prévoit qu’à moyen terme le déficit budgétaire de chaque État ne pourra excéder 1 % du PIB.

Le TSCG, dans son article 3, reprend les dispositions de discipline budgétaire établies par ces règlements et, en outre, abaisse de 1 % à 0,5 % le déficit budgétaire autorisé à moyen terme. Certes, la différence entre 1 % et 0,5 % n’est pas négligeable, mais elle ne constitue pas un changement radical. Si le TSCG n’était pas ratifié, la France resterait liée par les règlements précités et par les engagements européens antérieurs qu’elle a déjà contractés.

Autre élément important à considérer : ce qu’on pourrait appeler « l’exception de récession économique » prévue par le TSCG lui-même, dans son article 3, qui dispose que les États peuvent s’écarter temporairement de la trajectoire d’ajustement en cas de circonstances exceptionnelles, lesquelles sont définies comme des « périodes de grave récession économique ». Enfin, il est précisé que le calendrier de la convergence des États vers leurs objectifs à moyen terme respectifs sera proposé par la Commission européenne. Donc, si plusieurs États européens entraient ou restaient en récession, la Commission pourrait recommander d’assouplir le calendrier et le rythme de réduction de leur déficit pour prendre en compte cette conjoncture récessive.

Dernier fait majeur : l’action menée avec succès par le chef de l’État au Conseil européen des 28 et 29 juin pour convaincre nos partenaires de réorienter l’Europe vers la croissance, avec le pacte pour la croissance, la taxe sur les transactions financières et l’union bancaire. Par ailleurs, l’initiative de Mario Draghi, qui a engagé le rachat par la Banque centrale européenne des dettes des États en difficulté, est particulièrement positive.

La situation a donc sensiblement évolué.

Certes, le texte du traité reste inchangé. Mais, à côté du texte, il y a le contexte qui, lui, s’est modifié. Ces faits nouveaux changent la donne et permettent de voter pour la ratification de ce traité, en approuvant moins son texte que son contexte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Maurice Leroy. On va voter le contexte ! (Sourires.)

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Toutefois, il serait souhaitable que la France se prémunisse encore davantage en usant d’une procédure fréquente en droit international. En effet, un État peut assortir la signature ou la ratification d’un traité d’une « déclaration interprétative », qui indique le sens précis et la portée qu’il lui accorde. Jacques Chirac et Lionel Jospin avaient adopté une telle déclaration, en 1999, au moment de la ratification du traité d’Amsterdam.

Cette déclaration pourrait porter sur trois points principaux.

Premièrement, la France préciserait qu’elle interprète ce traité à la lumière de la décision rendue le 9 août 2012 par le Conseil constitutionnel, qui considère que ce texte ne comporte pas de nouveaux transferts de souveraineté par rapport aux engagements européens précédents souscrits par notre pays.

Deuxièmement, la France pourrait souligner l’importance majeure qu’elle accorde aux dispositions de l’article 3 du TSCG, qui autorisent les États à « s’écarter temporairement de la trajectoire d’ajustement » budgétaire en cas de « grave récession économique ».

Troisièmement, la France pourrait considérer comme un ensemble indissociable le TSCG et les décisions arrêtées par le Conseil européen de juin 2012.

Pour terminer, je voudrais dire qu’au-delà de l’équilibre des finances publiques l’Europe doit s’attacher à d’autres perspectives qui améliorent la protection sociale, l’emploi et les droits des citoyens européens.

D’abord, comme l’a souligné le Premier ministre, il importe d’aller vers un traité social qui, progressivement, harmonise par le haut les normes sociales des États membres. Les critères de convergence ne peuvent être seulement économiques et financiers, ils doivent être aussi sociaux. De même, l’Union européenne doit harmoniser les fiscalités directes de ses États membres, notamment celles s’appliquant aux entreprises. À défaut, le dumping social et le dumping fiscal resteront possibles, et continueront à provoquer des délocalisations au sein même de l’Union européenne, désormais élargie à de nouveaux membres, qui ont un plus faible niveau de protection sociale et d’imposition des sociétés.

Ce qui est en jeu, c’est l’emploi, en particulier l’emploi industriel. On le voit bien dans le secteur automobile, quand Renault établit ou transfère des sites d’assemblage dans d’autres pays de l’Union européenne, comme l’Espagne ou la Roumanie.

Enfin et surtout, l’Europe ne peut être seulement un marché ou une monnaie. Elle est d’abord une communauté de civilisation partageant les mêmes valeurs, agissant pour les droits et les libertés. Avec le traité de Lisbonne, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a enfin acquis une valeur juridique contraignante. Encore faudrait-il, toutefois, que les instances communautaires imposent effectivement son respect par tous les États membres – je pense notamment à la Hongrie, qui porte atteinte à nombre de libertés fondamentales, dont la liberté de la presse. L’Europe doit toujours rester fidèle à ses principes, à ses valeurs. Des valeurs qui peuvent se résumer en quelques mots, très simples mais très nécessaires : respect, justice, liberté.

Comme vous le savez, notre groupe compte seize élus : douze députés radicaux de gauche et quatre députés de sensibilité politique proche. Si, à l’issue de ce débat, il y avait eu un vote sur votre déclaration (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

Mme Claude Greff. Eh oui, mais il n’y a pas de vote !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …quatorze ou quinze de ces seize députés l’auraient approuvée, mais ce n’est que partie remise. Demain est un autre jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, le 3 juillet dernier, vous affirmiez ici même : « C’est sous le regard de nos concitoyens, sous leur arbitrage qui s’exprime par le suffrage universel, que j’entends gouverner le pays », car, disiez-vous, « la première erreur, c’est de vouloir imposer d’en haut, et dans la précipitation ».

Cependant, monsieur le Premier ministre, les actes de cette fin d’été n’ont pas suivi les engagements de juillet : « imposer d’en haut », c’est bien ce que vous êtes en train de faire ! Et en s’obstinant à ne pas soumettre le traité européen au grand débat national et au référendum que demandent trois Français sur quatre, le Président de la République et votre gouvernement ont pris une lourde responsabilité pour l’avenir de notre pays.

Car ce traité n’est rien d’autre, au mot près, que le texte signé par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Véritable camisole contre la souveraineté des peuples et des nations, il est même générateur d’une austérité renforcée. Évidemment, la droite s’en gausse, elle applaudit des deux mains et votera avec vous dans un lâche soulagement.

Mais je vous le dis solennellement : il n’est pas trop tard pour appeler les Français et les autres peuples à se rassembler contre l’Europe de la domination des marchés financiers, ce qui implique de détricoter un traité scélérat conçu pour nous asservir à ces marchés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. Alain Bocquet. En ce qui nous concerne, c’est le combat que nous continuons de mener, un combat qui rassemble l’essentiel du monde syndical et une diversité croissante de partis, de sensibilités et de consciences. Le rejet populaire massif de cette construction européenne au libéralisme délirant ne fait que grandir. Ces derniers jours, des centaines de milliers de manifestants ont occupé les rues d’Athènes, de Lisbonne, de Madrid ou de Paris. Et ce n’est qu’un début ! Des millions de salariés et de citoyens sont déterminés à construire ensemble l’Europe du progrès social et du plein-emploi, l’Europe de la réussite des jeunes et de la sécurité pour tous. Bref, l’Europe libérée du diktat des marchés ! Nous refusons que cette aspiration et cette espérance soient déçues !

L’Europe libérale est sortie vainqueur du jeu de dupes du Conseil européen de juin d’où le traité « Merkozy » est revenu intact, simplement assorti d’une supervision bancaire mollassonne et d’un plan dit de croissance qui n’apportera que quelques milliards de crédits nouveaux : une goutte d’eau dans un océan de rigueur !

M. Maurice Leroy. Ça, c’est « Merkhollande » !

M. Alain Bocquet. Quant à l’austérité budgétaire promise en France avec le projet de loi de finances 2013, elle ne risque pas de rompre la spirale de déclin et de récession, qui fait qu’un Français sur quatre redoute de se retrouver au chômage.

Les « perspectives » que préfigure ce traité n’ont donc rien d’une nouveauté. Vingt ans après Maastricht, on sait d’expérience que son application conduira la Commission européenne à écarter, différer les réponses aux attentes sociales et les investissements publics pour la relance d’une industrie adossée à l’innovation, l’essor des services publics, la transition énergétique, l’exigence d’une véritable réciprocité dans les échanges internationaux du commerce.

L’illusion d’une règle d’or limitant le déficit de chaque pays à 0,5 % de son PIB, l’instauration de coupes automatiques dans les dépenses des États, la fin des prérogatives budgétaires des Parlements, transférées aux technocrates de Bruxelles (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UDI), la menace de sanctions financières applicables aux pays contrevenant aux choix de la Commission, la mise en surveillance des États par la Cour européenne de justice et le glissement vers un gouvernement de juges, oui, toutes ces mesures ne feront que peser sur l’économie et sur l’aménagement équilibré des territoires.

Les nouvelles perspectives que prépare ce traité ne sont donc rien d’autre que l’exacerbation de recettes éculées conjuguant l’austérité pour les peuples à la protection des intérêts des banques et des multinationales. En 1992, Maastricht imposait déjà des règles d’or : 3 % de déficit public des États et une dette limitée à 60 % du PIB. « Votez oui, et on se remettra tout de suite au travail sur l’Europe sociale ! », déclarait Jacques Delors avec d’autres à l’époque. On a vu : la construction européenne depuis « Maastricht » est un échec cinglant !

M. Pierre Lellouche. Un bel exemple de cohérence !

M. Alain Bocquet. À chaque étape de cette construction européenne, on brandit la menace de la mise en panne de l’Europe, on nous prédit l’Apocalypse ! Il y aurait ceux qui savent – les experts – et ceux qui doivent subir – les peuples. Le bilan est accablant.

En soixante ans de construction européenne, les orientations imposées ont été incapables d’harmoniser les fiscalités, les systèmes sociaux, les services publics. Elles conduisent droit dans le mur la Grèce, l’Espagne, l’Irlande, l’Italie, le Portugal – et la liste n’est pas close.

La sidérurgie européenne a été bradée à Lakshmi Mittal, qui liquide site après site – déjà onze sur vingt-cinq en Europe. En trois ans, les immatriculations automobiles ont chuté de 50 % en Grèce et de 25 % en Espagne – on prévoit une baisse de 12 % chez nous en 2012 –, avec toutes les conséquences que cela suppose pour les usines de production et l’emploi. L’évasion fiscale est évaluée à 1 000 milliards d’euros en Europe, dont 50 milliards en France. Le Luxembourg, pays fondateur de l’Union européenne, figure au nombre des paradis fiscaux, où des banques qui perçoivent des fonds de la Banque centrale européenne ont pignon sur rue ! Que dire, enfin, de l’incapacité de deux nations voisines – la France et la Belgique – d’adapter leurs fiscalités, pour le plus grand bonheur d’un Bernard Arnault et de quelques autres.

La France subit les affres d’une croissance nulle, synonyme de perte de milliers d’emplois. L’Allemagne est rattrapée par la crise. Les chiffres sont impitoyables : 27 millions de demandeurs d’emploi en Europe, dont 5 millions en France, et plus de 8,5 millions de pauvres dans notre pays ! Jamais les écarts de développement n’ont été si grands et les écarts de revenus si flagrants. Pourquoi, alors, donner aux marchés l’assurance que tout va continuer comme avant, mais en pire ? Pourquoi avaliser un traité faisant voler en éclats toute possibilité de sortir par le haut d’une crise globale qui n’est pas la crise d’un continent, mais celle d’un système au bout du rouleau ?

Le grand patronat a dit de l’Europe qu’elle est « une machine à réformer la France » ! C’est l’inverse qu’il faut imposer, en faisant de la France une machine à réformer l’Europe !

M. Charles de Courson. Ah ! Le conservatisme !

M. Alain Bocquet. Il est nécessaire d’engager une refondation de la construction européenne. Nous avons besoin d’un nouveau traité, besoin d’une redéfinition des missions de la Banque centrale européenne, dont la priorité doit devenir l’emploi, avec une sélectivité du crédit visant à soutenir les entreprises investissant dans la recherche, l’emploi, la formation, et à pénaliser celles privilégiant la spéculation ou les délocalisations. L’Europe, c’est 25 % du produit intérieur brut mondial, il est grand temps de changer de cap pour qu’elle continue de peser dans le développement économique mondial !

Nous proposons que la BCE mobilise son pouvoir de création monétaire pour favoriser l’essor des services publics avec l’aide d’un fonds social, écologique et solidaire de développement européen. Nous proposons la création d’une banque publique européenne adossée à la taxation de toutes les transactions financières.

La France doit porter le combat contre l’Europe du moins-disant social et revendiquer l’harmonisation des droits sociaux, des droits du travail et des fiscalités, afin de mettre un terme au chantage des grands groupes financiers qui jouent les peuples contre les peuples, en nourrissant de dangereuses dérives populistes et nationalistes.

M. André Chassaigne. Très bien !

M. Alain Bocquet. Nous proposons, enfin, une Europe solidaire renouvelant le contenu de ses coopérations avec le monde.

Voilà, monsieur le Premier ministre, des pistes de travail à engager d’urgence. Les « perspectives » du traité « Merkozy » s’appellent dividendes et surprofits, chômage et précarité. Celles que dessine l’Europe à construire contre le capitalisme mondialisé s’appellent progrès social et plein emploi, développement durable et démocratie, dignité pour tous. Le temps presse, le moment est venu d’en décider. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Bruno Le Roux. Je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur le Premier ministre, d’avoir été à l’initiative de ce débat, qui constitue pour vous l’occasion de tracer devant la représentation nationale les orientations de la politique européenne telle qu’elle est conduite par le Président de la République et le gouvernement que vous dirigez.

Je ne reprendrai pas chacun des éléments que vous avez développés devant nous. Je souhaite simplement souligner, en préambule de mon intervention, que, sur l’essentiel de ces bancs, la construction européenne est notre œuvre commune depuis plusieurs décennies. À cet égard, on peut évoquer Jean Monnet, ou encore Robert Schuman et Maurice Faure – qui ont siégé sur les bancs de notre hémicycle –, ainsi que Jacques Delors, bien sûr, qui a tant œuvré pour construire l’Europe d’aujourd’hui.

Presque tous les présidents de la République ont apporté leur pierre à cet édifice et nous sommes ainsi, aujourd’hui, tous comptables devant le peuple de l’état de l’Union, de l’Europe telle que nous l’avons bâtie.

Cela fait plus de vingt ans, depuis le grand débat national sur le traité de Maastricht, que notre peuple se passionne et discute à l’envi des grandes étapes de la construction de l’Europe.

Et pourtant, ces dernières années, la France a été particulièrement absente de la scène européenne. Elle n’a pas occupé sa place, pourtant centrale, pour faire le lien entre le sud et le nord du continent. Éclipsée par l’Allemagne, elle n’a pas su peser sur les décisions de l’Union. La brutalité de la communication du président Sarkozy n’a pas longtemps masqué l’absence de poids de la France. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

De ce point de vue, Monsieur le Premier ministre, le changement est clairement marqué. La France a retrouvé son rôle moteur en Europe : c’est ce que met en évidence le débat d’aujourd’hui. Je l’aborde convaincu que ce traité ne mérite ni excès d’honneur, ni indignité.

Je ne vois rien, dans les deux textes soumis à notre vote, qui autorise à faire un pas de côté, à se mettre en retrait, à prendre date ! On peut toujours se livrer à je ne sais quelle exégèse ou ergoter à l’infini. Pour ma part, je dirai d’emblée que ces textes sont nécessaires à la réorientation du cours de l’Europe, telle que nous la voulons, qu’ils ont changé de nature du fait même de leur insertion dans un paquet européen plus large et qu’ils devront être complétés par d’autres initiatives de l’Union.

En ce sens, ils n’ont rien à voir avec ce qui était proposé par la précédente majorité. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Vous avez du mal à le dire sans sourire !

M. Bruno Le Roux. La ratification du traité européen telle qu’elle nous est proposée est conforme aux engagements du Président de la République, et c’est pour cela que le vote du groupe SRC est acquis au Premier ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Oui, nos engagements sont tenus ; oui, la réorientation de l’Europe est en cours.

Très vite, dès le Conseil européen des 28 et 29 juin, l’élection de François Hollande a marqué une rupture profonde dans la politique européenne défendue par la France. Il est vrai que ce conseil venait après une série de « sommets de la dernière chance », véritable marque de fabrique du sarkozysme : dix-neuf sommets qui n’ont jamais débouché sur quoi que ce soit en cinq ans, sinon sur des instruments alimentant encore la crise en Europe. Nous avons rompu avec cela, monsieur le Premier ministre.

Le Conseil des 28 et 29 juin a permis d’engranger des avancées tangibles en matière de solidarité financière entre les États et de prendre en compte l’impérative nécessité de développer la croissance, terme totalement absent de la relation entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy.

Lors de la campagne, nous avions pris quatre engagements clairs, ils sont tous tenus.

Nous ne voulions pas d’une « règle d’or » inscrite dans la Constitution. Le Conseil constitutionnel a confirmé notre analyse. Il n’y aura donc pas de révision constitutionnelle. Engagement tenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous voulions un plan pour la croissance à l’échelle européenne. Nous l’avons obtenu à l’issue du Conseil européen des 28 et 29 juin. Ce sont, d’abord, 120 milliards d’euros qui pourront être levés au profit de projets favorables à la croissance. Engagement tenu.

Nous demandions une meilleure régulation du secteur financier. Non seulement nous avons obtenu la création – effective, et non pas simplement dans les discours – d’une taxe sur les transactions financières, mais nous avons avancé sur la supervision bancaire. Un projet d’union bancaire européenne fonctionnera dès 2013. Engagement tenu.

Enfin, nous voulions davantage de solidarité entre les États européens, pour mieux protéger les peuples des conséquences de la crise. La solidarité monétaire et financière entre États est renforcée et des mesures fortes pour améliorer les instruments dont dispose l’Europe face aux attaques spéculatives ont été adoptées. Engagement tenu, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous voulions la réorientation des politiques européennes. Grâce à votre action, monsieur le Premier ministre, et à la volonté du Président de la République, elle est en marche !

En voici un exemple : la nouvelle politique de la BCE est une avancée considérable, ce qui malheureusement n’a jamais effleuré les esprits dogmatiques des chantres du « merkozysme ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Quelle modération !

M. Bruno Le Roux. Cette évolution est pourtant indispensable pour sortir d’une crise qui, je veux le rappeler, n’a pas pour origine des dérapages budgétaires nationaux mais une conjonction de facteurs liés aux dérives irrationnelles des marchés financiers.

M. Charles de Courson. Mais non !

M. Bruno Le Roux. Oui, pour mieux réguler la finance, pour mieux coordonner les politiques économiques nationales, il est essentiel de s’attaquer aux causes de la crise actuelle. C’est ce qu’a entrepris le Président de la République dès son élection.

La réussite de cette réorientation est essentielle pour la France et pour l’Europe. Il n’y aura pas de redressement en France sans réorientation de la construction européenne. C’est ce qu’a voulu montrer François Hollande en effectuant son premier déplacement, le soir même de son investiture, à Berlin.

Il n’y aurait pas eu de réorientation de l’Europe sans la victoire de la gauche en France. Cette majorité porte une voix nouvelle en Europe. C’en est fini du couple franco-allemand égoïste, soutenu sur ces bancs, qui n’a pas voulu jouer le rôle moteur qui, pourtant, était le sien. Les Français l’ont regretté. Ils vous ont sanctionnés en grande partie parce que vous n’avez pas su faire porter la voix de la France dans les moments de crise européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Très bien !

M. Bruno Le Roux. Et pourtant, il reste beaucoup à faire.

Sous la précédente majorité, ce traité était considéré comme un aboutissement, presque comme une bible ! On nous expliquait qu’il était impossible d’y déroger. C’était surtout le prétexte pour mener une politique visant à réduire encore la place des services publics, à déréguler toujours plus, à démanteler notre modèle social !

Mme Laure de La Raudière. C’est ce que vous allez faire avec votre budget !

M. Bruno Le Roux. Les interprétations d’un texte peuvent être multiples. La politique que vous avez menée pendant cinq ans et celle que vous vous apprêtiez à appliquer sous les auspices de ce traité sont totalement contraires à ce que nous voulons mettre en œuvre.

La précédente majorité pensait régler les problèmes de l’Europe à coups d’austérité, une austérité toujours plus forte et toujours plus dure envers les peuples. Après avoir dépensé des milliards à crédit en début de législature au seul bénéfice des plus privilégiés, elle imaginait se donner quitus en votant une règle constitutionnelle. Elle qui s’était totalement affranchie des obligations du traité de Maastricht, pensait qu’une loi, certes constitutionnelle, suffirait à faire oublier les errements de sa gestion des finances publiques.

Notre politique est toute autre : une gestion des finances publiques saine, équilibrée et respectueuse des engagements pris par la France. À l’inverse de la RGPP, qui prétendait couper dans les dépenses de l’État sans efficacité aucune et sans prendre en compte la réalité des besoins, le budget que vous avez présenté, monsieur le Premier ministre, prévoit des efforts justement répartis et finance nos priorités, l’emploi, le logement, l’éducation et la sécurité.

Le traité et les textes que nous allons voter ne nous empêchent en rien de mettre en œuvre les priorités qui ont été décidées par le peuple lors de l’élection présidentielle. Nous sommes capables, et nous le montrerons, de réorienter l’Europe tout en assumant les responsabilités qui sont les nôtres et en tenant les engagements pris par le Président de la République.

Cette différence se traduit aussi à l’échelle européenne. Notre priorité, c’est que l’Europe soit utile pour relancer la croissance. Nous voulons que l’Union ait les moyens de financer ses politiques communes et de mobiliser des fonds en faveur des investissements d’avenir. Nous aurons le débat sur les ressources propres, parce qu’il est essentiel que nous sachions faire de l’Europe un outil en faveur de la croissance, de l’emploi, un outil dynamique pour la sortie de crise.

Oui, ce texte, comme le paquet croissance, constitue un marchepied pour réorienter la construction européenne. Voilà pourquoi nous allons le voter. Personne aujourd’hui n’a intérêt à entraîner l’Europe dans une crise.

Je veux le dire dans cet hémicycle, où il n’y a que des expressions sincères : ne pas voter le traité, c’est souhaiter qu’il ne soit pas adopté. Or, ne nous y trompons pas, les conséquences d’un rejet seraient particulièrement graves, puisqu’il ne déboucherait sur aucune solution politique !

Dans le contexte actuel, voter contre ce traité n’ouvrirait pas une crise salutaire mais, au contraire, freinerait la dynamique impulsée par le Président de la République. La crédibilité de la parole de la France au Conseil européen serait amoindrie, tout comme son influence auprès des autres États membres.

Mais surtout, le rejet de ce texte aggraverait encore la crise financière que l’Europe traverse. Ce sont bien les pays les plus fragiles de la zone euro qui seraient les premiers à en subir les conséquences. Les risques de contamination vers les autres pays seraient alors réels et la France pourrait être touchée à son tour.

Ne minimisons pas l’interdépendance économique des pays de la zone euro : nos taux de croissance sont liés. Ne négligeons pas la responsabilité budgétaire commune des Dix-Sept. N’oublions pas les conséquences pour chacun des déséquilibres qui existent entre nos pays. Ce sont les fondements de la monnaie unique. C’est à cette aune que nous devons placer notre vote et la confiance en la politique que vous menez, monsieur le Premier ministre.

Le vote de ce traité ne réglera pas tous les problèmes de l’Europe, tant s’en faut. Mais ne pas le voter, ce serait entraîner notre continent dans une crise que, je le répète, nul n’a intérêt à subir.

J’en viens à ce qui est l’essentiel de mon propos. Au-delà de ce traité, à partir de ce vote, à partir de ce texte, à partir de ce paquet européen, au regard de la crise, il nous faut travailler, travailler sans relâche pour que l’Europe cesse d’être une simple zone économique et s’affirme enfin comme puissance publique.

Trop souvent, l’Europe est faible, elle tergiverse et diffère les décisions indispensables. Elle est faible quand il s’agit de peser sur l’organisation du monde. Elle est faible aussi lorsqu’elle doit défendre ses intérêts commerciaux.

Pourtant, notre continent est le plus riche du monde. Il constitue la première zone économique mondiale. Sa population est bien formée. L’Europe est en avance technologiquement, en pointe dans l’ensemble des domaines. La somme des atouts des pays de l’Union est considérable.

Il manque le plus souvent, a fortiori ces dernières années, d’une volonté commune, d’une action d’envergure, d’une vision. C’est bien vers cela que nous voulons aller, et que nous nommons la réorientation de l’Union. C’est tout l’enjeu qui s’est ouvert avec l’élection de François Hollande à la présidence de la République.

Une Union européenne qui soit un outil de coopération et de solidarité, une Union européenne qui soit l’instrument de la transition écologique, une Union européenne qui garantisse l’équité des échanges commerciaux et qui instaure des accords de réciprocité, une Union européenne qui se renforce, non pas pour sanctionner mais pour accompagner et faire converger, tels sont nos objectifs.

Si je les énumère, si je donne cette vision, c’est pour bien marquer que si nous nous retrouvons demain sur un vote en faveur de ce traité, nous lui donnerons une signification fondamentalement différente de celle que vous avez voulu lui conférer ces derniers mois et de celle qui aurait guidé votre politique si vous aviez été encore en situation de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Voilà pourquoi nous attachons tant d’importance à ce que vous appelez, monsieur le ministre des affaires européennes, « l’intégration solidaire ». Depuis la création de l’euro, les socialistes appellent l’Europe à marcher sur ses deux jambes, l’union monétaire et l’union économique, qui doivent être aussi fortes l’une que l’autre. La crise que nous traversons démontre malheureusement la justesse de ce que nous prônons depuis longtemps. Il faut un surcroît d’intégration. Mais plus d’intégration impose plus de solidarité et plus de responsabilité. Tout renforcement européen doit s’accompagner de mécanismes démocratiques qui, seuls, assureront sa légitimité auprès des peuples de l’Union.

Pour le groupe SRC, chaque pas supplémentaire dans l’intégration économique de l’Europe doit s’accompagner d’une progression équivalente de la solidarité et du contrôle démocratique en Europe. C’est le cas aujourd’hui : le traité budgétaire prévoit un contrôle parlementaire ; il s’accompagne d’une meilleure régulation du système financier et, surtout, de politiques en faveur de la croissance.

Dans ce cadre, j’appelle de mes vœux – ainsi que nous l’avons exprimé dans une résolution de la commission des affaires européennes sur le contrôle démocratique en Europe – la conférence interparlementaire prévue par le traité.

M. Pierre Lequiller. C’est nous qui l’avons demandée !

M. Bruno Le Roux. Je souhaite que la France prenne toute sa part dans la mise en place de cette conférence et qu’elle puisse être, au bon moment, le pays qui la réunisse, puisque c’est d’ici qu’est partie la réorientation de l’Europe et qu’il nous appartient donc d’amorcer ce mouvement. Nous devrons prendre toute notre place pour assurer un contrôle démocratique renforcé de la marche de l’Union.

Dans ce cadre, la Commission européenne devra se mettre en situation de proposer au Conseil des programmes d’investissement, de recherche et d’innovation à la hauteur des enjeux auxquels sont confrontés les États.

Dans ce cadre, l’Europe pourra prendre le relais de ce que les États ne peuvent plus faire seuls. L’Europe reprendra tout son sens. Elle redeviendra une source d’espérance et de conquête, ce qu’elle n’est malheureusement plus pour les dernières générations d’Européens, victime de beaucoup d’égoïsmes.

François Mitterrand disait de l’Europe qu’elle était tout à la fois et dans le même temps une chance et un risque. Je crois qu’elle est tout cela encore aujourd’hui, mais elle reste aussi l’ambition pour les années à venir de toutes nos générations.

Parce que vous incarnez aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, avec le Président de la République, cette réorientation et l’espoir nouveau qui s’est levé sur l’Europe en cette période de crise, les députés socialistes, au nom de la France et pour le peuple français, marqueront leur soutien à votre déclaration, en votant pour les textes que vous leur soumettrez, c’est-à-dire la loi de finances organique et le traité européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Maurice Leroy. Ils voteront tous ?

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. En ce début de session ordinaire, vous nous proposez, monsieur le Premier ministre, une pièce en trois actes : votre déclaration sur l’Europe, le traité européen et la règle d’or.

Mme Claude Greff. Comme au théâtre !

M. Christian Jacob. Pour ce premier acte, vous avez choisi de faire usage de l’article 50-1 de notre Constitution, qui permet au Gouvernement de faire une déclaration qui donne lieu à un débat et, le cas échéant, à un vote.

Vous avez décidé de fonder votre déclaration devant l’Assemblée nationale sur les nouvelles perspectives européennes. Objectivement, nous n’avons pas vu ni entendu grand-chose de nouveau dans votre déclaration, et permettez-moi de vous dire, monsieur le Premier ministre, que vous débutez bien mal votre premier acte ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. C’est un acte manqué !

M. Christian Jacob. La Constitution vous offrait en effet la possibilité de soumettre votre déclaration à un vote. Vous avez courageusement choisi un débat sans vote, au risque de fragiliser davantage, non seulement votre autorité sur votre camp mais aussi la parole de la France.

Vous étiez d’ailleurs tout à l’heure bien seul à ce banc, et c’est la première fois que j’y voyais un Premier ministre, seul pendant une heure, sans être entouré d’aucun de ses ministres. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. Ce n’est pas vrai !

M. Christian Jacob. Certes, un vote aurait mis en lumière la triste réalité de votre majorité, qui ne vous suit déjà plus sur votre politique européenne. Cela aurait eu un certain panache, mais vous avez choisi de jouer petits bras. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Jibrayel. C’est ridicule !

M. Christian Jacob. Vous avez décidé de vous contenter du vote sur le traité, car vous saviez que le groupe UMP prendrait, lui, ses responsabilités, comme il l’a toujours fait quand il s’agit de la place de la France en Europe. J’aurais d’ailleurs apprécié, comme mes collègues, que vous ayez eu un mot, un seul, pour reconnaître qu’en ne manquant pas à la France sur ce sujet nous vous aidons, monsieur le Premier ministre.

Votre rebuffade n’est finalement pas étonnante. Elle est le témoignage de votre manque de cohérence totale sur l’Europe. Elle est aussi l’aveu implicite du mensonge de votre candidat à l’élection présidentiel ! Souvenez-vous de ses tirades : « Moi, Président, je renégocierai le traité budgétaire. »

Mme Claude Greff. Il ne l’a pas fait !

M. Christian Jacob. Ou encore, le : « Pas une voix socialiste n’ira à la règle d’or. » Et qui a dit : « On ne veut pas se sentir pieds et poings liés par une norme érigée en dogme. La règle d’or est une imposture politique. C’est pourquoi, comme tous les socialistes, je la refuse » ? C’est Pierre Moscovici !

M. Pascal Popelin. Il n’y en aura pas dans la Constitution !

M. Christian Jacob. Même votre ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, n’est pas en reste : « La règle d’or est une fumisterie », « la règle d’or est un piège qui menacerait la France et l’Europe ».

Et puis, il y a vous-même, monsieur Ayrault, le 21 février, à cette place comme président du principal groupe d’opposition, qui déclariez : « Nous n’acceptons pas d’enfermer les peuples dans une camisole, fût-elle cousue de fil d’or. »

Voyez où vous en êtes, monsieur le Premier ministre, à force de mensonges et de démagogie… Comme le Président de la République, comme vos principaux ministres, vous avez changé d’avis, radicalement changé d’avis !

M. Pascal Cherki. On se demande qui fait du théâtre, monsieur Jacob !

M. Christian Jacob. Les plus incisifs diront que vous vous êtes renié ; les plus réalistes, que vous avez avalé de belles couleuvres. La réalité, c’est simplement que le Président de la République et votre gouvernement ont accepté une politique et un traité sans en changer une seule virgule. Il n’y a aucune nouvelle perspective, et vous vous bornez à défendre celles voulues, initiées et décidées par Nicolas Sarkozy !

M. Pascal Popelin. Même pas en rêve !

M. Christian Jacob. Vos alliés électoraux ne sont d’ailleurs pas dupes de vos efforts pour les convaincre que François Hollande a obtenu un pacte de croissance de haute lutte. Ce mini-pacte s’appuie en vérité sur des actions engagées depuis longtemps avec des fonds européens déjà budgétés ou redéployés. À titre de comparaison, que sont ces quelques dizaines de milliards d’euros pour vingt-cinq pays de l’Union européenne, alors que la France, seule, a débloqué 35 milliards d’euros pour les investissements d’avenir en 2009 ?

M. Jean-Marc Germain. On les attend toujours !

M. Christian Jacob. Non, ils sont engagés. François Hollande a si peu obtenu qu’il a fini par déboussoler sa propre majorité : vous avez entendu les écologistes intervenir à cette tribune tout à l’heure ; vous avez entendu les communistes…

Pour autant, rien ne justifie le funambulisme politicien des ministres issus d’Europe Écologie Les Verts, accrochés comme des morts-de-faim à leurs strapontins ministériels. Quel manque de dignité et de conviction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe écologiste.) Rien ne le justifie, car il y va de la crédibilité de la France aux yeux de ses partenaires européens.Si la politique de François Hollande est contestée dans ce qui est censé être son propre camp, que vaut sa parole d’aujourd’hui et que vaudront ses engagements de demain ?

Ce traité a été déjà ratifié par treize états de l’Union européenne, dont neuf de la zone euro. La France est attendue, et le psychodrame qui se joue dans votre majorité parlementaire affaiblit notre pays en Europe. Votre majorité est déjà digne de la IVe République, où les combinaisons partisanes empêchaient de se retrouver sur l’essentiel ! Vous êtes d’ailleurs intervenu en ce sens, tout à l’heure, en rappelant votre présence aux différents congrès. Votre gouvernement dispose pourtant d’une majorité qui devrait vous conduire à rompre avec les Verts pour être fidèle à l’esprit de la Ve République. En refusant de constater vos désaccords sur un sujet aussi essentiel, vous avez pris un risque majeur pour l’avenir.

Monsieur le Premier ministre, vous n’en êtes qu’au premier jour de la première session ordinaire depuis votre prise de fonction. Qu’en sera-t-il dans quelques mois, le jour où vous devrez prendre des décisions courageuses ? Qu’est-ce qui nous assure que vous aurez ce courage et cette constance ? Rien. Car faut-il rappeler ici, monsieur le Premier ministre, que vous avez refusé de voter le Mécanisme européen de stabilité ?

M. Bernard Deflesselles. C’est lamentable !

M. Christian Jacob. Vous vous êtes abstenu, incapable que vous étiez de définir la position du groupe socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Votre position cachait une incapacité à présenter une vision claire et cohérente sur l’Europe.

Au groupe UMP, nous ne nous déroberons pas, nous ratifierons ce traité, celui que Nicolas Sarkozy a négocié et signé, au nom de la France, le 9 mars 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ce traité grave dans le marbre l’accord conclu au sein de la zone euro, le 26 octobre 201l, accord pour une meilleure gouvernance et une plus grande intégration économique et budgétaire.

Ce traité est l’indispensable et nécessaire contrepartie de la solidarité européenne. Comment en effet un État fragile pourrait-il prétendre à l’aide européenne, s’il ne s’engage pas durablement à mettre de l’ordre dans ces finances publiques ?

Ce traité est aussi la condition préalable à une sortie de crise car, sans assainissement des finances publiques, les États européens ne conjureront pas la spirale infernale de la récession.

M. Pascal Cherki. C’est votre héritage !

M. Christian Jacob. Pour la France elle-même, il est l’assurance qu’elle s’engage durablement à contrôler son déficit, à combattre son endettement, ce qui lui permettra de continuer à emprunter à des taux historiquement bas.

Ce traité est, à mes yeux, le pacte de confiance entre la France et l’Europe, scellé par Nicolas Sarkozy. Un pacte de confiance, aussi et surtout, avec nos amis allemands. Sans l’unité du couple franco-allemand, rien n’est possible en Europe. Dans ce domaine, en moins de quatre mois, François Hollande a réussi à faire ce qu’aucun autre Président de la République française, du général de Gaulle à Sarkozy en passant par Pompidou, Giscard, Mitterrand et Chirac, n’avait osé faire avant lui : affaiblir le moteur franco-allemand !

M. Michel Herbillon. C’est ça qui est grave !

M. Christian Jacob. Cette dégradation de la relation franco-allemande est très inquiétante pour l’avenir de la zone euro : isoler l’Allemagne est suicidaire pour la politique européenne de la France. Encore, me direz-vous, faudrait-il qu’il y en ait une… Où est la voix de la France en Europe ? Quelle est la position de la France sur l’union budgétaire ?

M. Marc Le Fur. Il faudra répondre à cette question !

M. Christian Jacob. Sur l’union bancaire ? Sur l’Europe de la défense ? Sur l’Europe de l’énergie ? C’est le vide sidéral, un silence assourdissant ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Avez-vous un projet politique à proposer pour l’Europe ? Non, simplement parce que vous n’avez pas de vision de la place de la France dans l’Europe et du rôle de l’Europe dans la mondialisation !

La vérité, c’est que l’Europe vous fait peur, car elle engage à de grands efforts de redressement et de rigueur. Au moment où tous les pays européens adoptent le modèle que l’Allemagne s’est imposée à elle-même il y a plus de quinze ans, votre gouvernement organise le décrochage de la France, en prenant des décisions contre la compétitivité des entreprises, contre le travail et pour l’augmentation des dépenses publiques !

M. Pascal Popelin. C’est un expert qui parle !

M. Christian Jacob. L’Europe vous fait peur, car votre camp est profondément divisé.

M. Pascal Cherki. C’est l’hôpital qui se fout de la charité !

M. Christian Jacob. La majorité présidentielle a éclaté sur l’Europe ; la majorité parlementaire est en passe d’éclater à son tour. Heureusement pour votre bail à Matignon. Monsieur le Premier ministre, vous pouvez, sur ce sujet, compter sur le vote du groupe UMP, favorable au traité lui-même et favorable à la règle d’or.

Nous le ferons car nous assumons les choix de Nicolas Sarkozy et les choix de la majorité d’hier. Nous le ferons en définitive pour éviter à la France d’être la risée de l’Union européenne.

Quant aux propos de Bruno Le Roux concernant deux traités distincts, j’ai ici le traité soumis à ratification et celui signé le 2 mars dernier : quelle est la différence ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Aucune !

M. Christian Jacob. Il n’y a pas une virgule de différence entre ces deux traités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Louis Borloo. Ce qui est formidable avec vous, monsieur le Premier ministre, c’est que vous êtes transparent ! (Applaudissements et rires sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Lorsque vous ne croyez pas un mot de ce qu’on vous a écrit et que vous devez lire à la tribune, cela se voit, cela s’entend, cela se sent, cela se respire… Au moins est-on soulagé : on sait ce que vous pensez en vrai ! (Mêmes mouvements.)

M. Yann Galut. Ça, c’est un argument !

M. Jean-Louis Borloo. Le 3 juillet dernier, lors de l’ouverture de cette XIVe législature, nous constations la quasi-hégémonie politique dont bénéficiait votre gouvernement au Parlement comme sur l’ensemble de nos territoires.

Je vous souhaitais alors, monsieur le Premier ministre, d’en profiter pour agir sans tarder, sans tergiverser, et surtout d’éviter les conflits entre amis.

M. Michel Herbillon. On a la totale !

M. Jean-Louis Borloo. Avec la ratification du traité, nous y voilà ! Vous allez pouvoir éprouver la capacité ou l’incapacité de votre majorité à agir avec cohérence. Mais vous pourrez, en tous les cas, comme nous vous l’avions dit après votre discours de politique générale, compter sur tous ceux qui ont lutté pour surmonter cette crise depuis quatre ans, ceux qui l’ont fait avec constance et détermination, c’est-à-dire nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Votre désinvolture, au début de votre discours, quand vous nous avez expliqué que, pendant cinq ans, rien d’important ne s’était passé,…

M. Henri Jibrayel. C’est la vérité !

M. Jean-Louis Borloo. …me force à vous rappeler quelques éléments, dont je croyais qu’ils avaient été reconnus, récemment, par le président Hollande. Une invraisemblable crise des subprimes, en provenance des États-Unis, a failli tout emporter sur son passage, et seule une coordination efficace, une volonté politique et des moyens considérables ont pu l’enrayer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Jean-Louis Borloo. À peine surmontée cette crise, qui avait durablement ébranlé l’équilibre européen et la zone euro, la crise des dettes souveraines survient. Les premières mesures de sauvetage de la Grèce sont engagées dès 2010 (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UDI), le mécanisme européen de stabilité financière est adopté, un second plan d’aide intervient en juillet 2012, et j’en passe : oui, de nombreux sommets européens se sont tenus ; oui, la crise était extrêmement grave ; oui, elle a débouché sur ce traité, qui est l’organisation, exigée par tous, de la solidarité européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Que vous le vouliez ou non, monsieur le Premier ministre, pendant toute cette période, la France était à la manœuvre, et elle ne mérite pas d’être traitée de la manière dont vous vous y êtes pris dans votre discours, avec, je trouve, beaucoup d’arrogance. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

C’est au sommet du 30 janvier 2012 que les Européens sont enfin parvenus à préciser les contours et le contenu du pacte budgétaire et du mécanisme européen de stabilité. Le 2 mars, après des mois et des mois de travail acharné, les chefs d’État et de gouvernement des États membres de l’Union européenne, à l’exception du Royaume-Uni et de la République Tchèque, signaient le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. À ce rassemblement de vingt-cinq États, la France, le Président de la République, le gouvernement français avaient largement contribué.

Mme Claude Greff. Largement !

M. Jean-Louis Borloo. C’est ce traité qui va être soumis à la ratification de l’Assemblée nationale. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UDI.)

Monsieur le Premier ministre, je suis encore stupéfait que le candidat Hollande, candidat à la magistrature suprême – qui n’est donc pas un homme politique parmi d’autres – ait laissé penser une seconde, le temps d’une campagne électorale, avec une telle arrogance vis-à-vis de nos partenaires européens, qu’un pays, fût-ce la France, pouvait forcer les vingt-quatre autres à une renégociation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

L’Europe, ce n’est pas ça, monsieur le Premier ministre ! L’Europe, c’est le respect de l’autre, c’est une coproduction, une coopération, une collaboration, ce sont des compromis avec des gouvernements eux aussi démocratiquement élus et légitimes. Non, monsieur le Premier ministre, l’Europe, ce n’est pas la France, telle qu’elle se voit, en un peu plus grand !

Plusieurs députés du groupe UDI. Très bien !

M. Jean-Louis Borloo. Vous êtes à présent au rendez-vous de la confrontation entre l’arrogance d’alors, ou votre méconnaissance – qui sait ? – de la construction européenne, et la réalité d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vous allez avec ardeur, je n’en doute pas, défendre ce traité paraphé par le président Nicolas Sarkozy. Je ne m’étendrai pas, après Christian Jacob, sur la cruelle vérité de cette situation. Je rappellerai tout de même ce que vous écriviez le 22 février sur votre blog, où vous dénonciez « le carcan budgétaire concocté par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel et qui étend l’austérité infligée à la Grèce à toute la zone euro ». (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Je n’ai pas non plus oublié ce que déclarait le candidat Hollande lui-même,…

M. Jacques Myard. C’est l’apostasie permanente !

M. Jean-Louis Borloo. …martelant tout au long de sa campagne présidentielle sa volonté de renégocier ce traité, volonté inscrite dans son onzième engagement, que je cite : « Je transmettrai au lendemain du scrutin un mémorandum à tous les chefs d’État et de gouvernement sur la renégociation du traité. » (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Tout cela n’était pas digne de la situation. Il vous fallait, alors, trouver une ruse, plutôt que d’affronter la réalité. Ah, ce Conseil européen des 28 et 29 juin ! « Bonjour, je me présente, je suis le Président nouvellement élu. Avec mon ministre des affaires européennes, on vient renégocier le traité. » (Rires sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Médusés, les Européens ! Pensez donc, ils sont déjà dans la phase de ratification du traité… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut. On n’est pas au théâtre !

M. Jean-Louis Borloo. Ils expliquent au Président : « Très bien, mais ce n’est pas vraiment possible. » « Il faut renégocier : une virgule, un point-virgule, quelque chose ! J’ai promis que je renégocierais ! » « Monsieur le président, ce n’est pas possible. » (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Yann Galut. Lamentable !

M. Jean-Louis Borloo. Alors il a fallu trouver quelque chose. « Ne pourrait-on imaginer que j’apporte la taxe sur les transactions financières ? », demande-t-il à ses collaborateurs. « Chef, chef, cela a déjà été dit par Sarkozy et Merkel, et puis le Parlement l’a déjà voté en France ! » « Ah bon ? Alors l’union bancaire ? » « Ben non, Michel Barnier travaille dessus depuis un moment. » « Mais qu’est-ce qu’on pourrait faire ? Il n’y a pas 60 milliards des fonds structurels qui traînent ? On pourrait peut-être les repeindre ! » « Mais, monsieur le Président, ça va se voir ! » (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) « Et puis, la Banque européenne d’investissement est formidable, elle demande qu’on libère 10 milliards d’euros pour pouvoir faire son travail : les 50 milliards d’euros par an ! » (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Clownerie !

M. le président. Mes chers collègues, du calme, s’il vous plaît !

M. Jean-Louis Borloo. « Oui, chef, mais il n’y a pas un euro pour ça ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.) « C’est embêtant. On n’a qu’à dire qu’il y a une augmentation de capital de 10 milliards, et avec ça on fera 50 milliards de prêts. » « Mais, chef, il n’y a pas d’argent ! » « Ce n’est pas grave : les budgets des États prêteront ! » C’est pour cela que vous allez voter 1,6 milliard d’euros, car il n’y a pas un euro de plus dans le pacte de croissance européen ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Le clown Borloo !

M. Jean-Louis Borloo. Les Européens se sont dit : « Sacrés Français : décidément, ils ne changent pas ! »

Monsieur le Premier ministre, que vous proposiez la ratification aujourd’hui, je ne vous en fais pas grief, ni à vous ni au Gouvernement, pas plus qu’au Président de la République. Mais vous n’êtes pas un homme politique comme les autres, vous êtes le chef du Gouvernement et votre parole doit être d’or, pour les Français comme pour les intervenants sur la scène internationale. Là, très franchement, tout ceci manque de sérieux,…

M. Bruno Le Roux. Ça, c’est sûr !

M. Jean-Louis Borloo. …de rigueur et de vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Vous aviez l’occasion, tout à l’heure, de quitter l’univers de la ruse pour celui de la vérité. Vous ne l’avez, hélas, pas saisie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut. Le guignol de l’Assemblée ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Céleste Lett. Ça vous gêne, la vérité ! Ça vous gêne !

M. le président. S’il vous plaît ! Je demande que les orateurs soient respectés. Laissez M. Borloo poursuivre.

M. Jean-Louis Borloo. Soyez tolérant, monsieur le président, et comprenez-les : c’est une épreuve ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Plus grave, monsieur le Premier ministre, vous abandonnez aussi le pacte de croissance français. Vous avez décidé de geler tous les grands projets d’infrastructures de notre pays : le canal Seine-Nord, le Grand Paris – avons-nous appris ce matin –, le fret, les tramways, les autoroutes ferroviaires, le plan d’économie d’énergie, bref, toute la croissance verte française. Ces grands programmes qui auraient pu, avec l’aide communautaire, déclencher un nouvel élan intérieur, vous les avez gelés.

On en vient à s’interroger sur votre idée européenne,…

Mme Claude Greff. Il n’en a pas !

M. Jean-Louis Borloo. …à défaut de votre projet. Quelle Europe voulez-vous, monsieur le Premier ministre ? Il y a un mois à peine, la chancelière allemande faisait des propositions à la France et à l’ensemble des autres partenaires européens, en suggérant de réfléchir à la construction d’un gouvernement économique européen, autour d’un ministre des finances européen, de l’élection au suffrage universel du président de la Commission, de la réunion future d’une convention de transfert de nouvelles compétences. Bref, des réflexions étaient posées sur la table.

J’imagine que la chancelière, qui n’a pas eu l’honneur d’obtenir de réponse à ce jour, a attendu votre discours avec impatience. Je ne doute pas que ses collaborateurs lui en feront une synthèse dense.

Mme Claude Greff. Ce sera rapide !

M. Jean-Louis Borloo. À l’UDI, nous savons que l’Europe est la bonne échelle pour apporter des réponses efficaces au dérèglement climatique, à la dégradation de la biodiversité, à la lutte contre la spéculation financière.

Oui, nous attendions de votre part, sur l’Europe, une vision claire : une Europe de la compétitivité et plus seulement du marché intérieur, une politique industrielle commune, voire une politique européenne de défense.

Oui, monsieur le Premier ministre, nous voterons ce traité, mais nous regrettons que vous n’ayez pas saisi l’occasion de ce discours, qui n’était pas indispensable, que personne ne vous forçait à faire, qui ne faisait pas l’objet d’un vote, pour dire la vérité.

J’admets que l’on puisse s’affronter, s’opposer, ou même simplement simplifier quelque peu les termes d’un débat public. C’est souvent la condition du choix démocratique. Je comprends aussi que l’on se trompe et qu’à l’épreuve des réalités, des pics de responsabilités l’emportent sur des pics de convictions. Après tout, il n’y a de grandeur dans la politique que lorsqu’elle prend le risque de l’espérance, de la transformation du réel, pour l’emmener vers des horizons meilleurs. Le choix politique, parce qu’il s’inscrit par nature dans le mouvement de la vie, peut se trouver dépassé alors qu’il pouvait sembler heureux. C’est aussi cela, la responsabilité politique.

Monsieur le Premier ministre, il faut assumer la responsabilité éminente qui est la vôtre. Il vous suffisait, simplement, de dire que ce traité, dont l’élaboration a mobilisé tant d’énergie, devant tant de dangers, dans tant de pays, était le seul filet de sécurité de l’Europe. C’eût été digne. C’eût été aussi faire un beau cadeau au projet européen. (Les députés du groupe UDI et de nombreux députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent.)

M. le président. Les porte-parole des groupes s’étant exprimés, la parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Monsieur le Premier ministre, je veux à mon tour vous remercier d’avoir voulu ce débat et d’y consacrer plusieurs heures de votre temps, que nous savons si contraint.

Mme Claude Greff. Et nous, alors ?

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Mes chers collègues, nous traversons aujourd’hui la plus grande crise de l’histoire de l’Union européenne. C’était une crise bancaire qui s’est répercutée sur les États puis est devenue une crise économique et sociale sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.

En ce moment de notre histoire nationale et européenne, le choix que chacune et chacun d’entre nous va faire sera crucial pour notre assemblée, pour le Gouvernement, pour le Président de la République et pour l’Europe. Si nous voulons, avec nos partenaires européens, surmonter la crise de la zone euro et appuyer le combat que mène le Président de la République pour réorienter l’Europe, nous devons, sans hésitation, ratifier le traité budgétaire européen. Car si nous refusions de le ratifier, nous porterions un coup fatal aux premiers résultats pour la croissance et l’emploi obtenus en juin dernier. Notre défection provoquerait l’implosion de la zone euro, sonnerait le glas de la monnaie unique et, au final, ferait sombrer l’Union européenne, laissant notre nation, la France, seule dans la mondialisation. C’est donc sur un enjeu historique que notre assemblée est appelée à se prononcer.

Il ne s’agit pas de fermer les yeux sur l’ampleur de la crise et sur le gouffre qui s’est creusé entre l’Europe et ses citoyens, au point que l’idée même d’Europe est menacée. On peut comprendre l’angoisse, voire l’hostilité des peuples, lorsque la crise se traduit par l’explosion du chômage et de la précarité, la perte de confiance en l’avenir et, hélas, la recrudescence du nationalisme et de la xénophobie. En France, près d’un jeune sur quatre est sans emploi. En Espagne, c’est plus de la moitié. En Grèce, un parti néo-nazi a fait son entrée au Parlement.

Mais ce n’est pas en refusant le traité budgétaire que nous sortirons de la crise. Nos concitoyens en sont conscients : selon un sondage publié lundi, 64 % approuveraient la ratification du traité.

Les gouvernements des États de la zone euro ont une grande part de responsabilité. Depuis dix ans, ils ont avalisé la dérive libérale de l’Union européenne et, de surcroît, se sont affranchis des règles de la monnaie unique qui existent depuis vingt ans et que le gouvernement Jospin avait scrupuleusement respectées. Si notre pays avait, depuis 2002, continué à respecter ces règles, Mme Merkel, j’en suis convaincue, n’aurait pas imposé à M. Sarkozy un nouveau traité budgétaire.

Ce traité est un héritage des dix dernières années, mais pas une innovation car les règles de la discipline budgétaire et du contrôle de la dette étaient déjà des exigences des textes européens ; ce n’est pas non plus un abandon de souveraineté car, comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel, nous pouvons l’approuver et le transcrire dans notre droit national sans avoir à modifier la Constitution.

Les choix budgétaires de notre majorité ne sont pas imposés par le traité. Mais nous tiendrons ces engagements parce que le Président de la République a été élu sur ce programme et parce qu’ils correspondent à l’intérêt national en permettant de desserrer l’étau des marchés sur notre économie. La dette est l’ennemie de la souveraineté nationale et de notre modèle social. En la réduisant, en rétablissant la justice fiscale, nous nous donnons de meilleures chances de préserver nos services publics, services dont les catégories populaires et les classes moyennes ont le plus besoin.

À l’initiative du Président de la République, un rééquilibrage salutaire en faveur de la croissance a pu être décidé au Conseil européen de juin dernier. On ne mesure pas assez à quel point ces avancées font bouger les perspectives européennes. J’ai pu constater personnellement à Berlin, à Rome et auprès de tous mes contacts européens combien l’action de François Hollande et de votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, a modifié un débat devenu stérile et ravivé l’espoir que suscite auprès des gouvernements voisins cette réorientation de la politique européenne. Il ne m’a pas échappé que certains jugent insuffisant le pacte de croissance obtenu en juin dernier, mais il est pourtant fondateur d’une évolution profonde de la politique européenne : voyez la nouvelle politique menée par la Banque centrale européenne. Notre responsabilité est donc de poursuivre cette dynamique et d’obtenir d’autres avancées. Cela ne sera possible que si nous adoptons préalablement le traité, élément d’un ensemble plus large pour la croissance et la solidarité.

Dans l’immédiat, il faut mettre en œuvre les décisions prises lors du Conseil européen de juin, décisions que le Président de la République sortant et les précédents gouvernements n’avaient jamais réussi à faire adopter.

M. Bruno Le Roux. C’est vrai !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Je tiens à souligner qu’il faut y consacrer toute notre énergie, et je sais, monsieur le ministre des affaires européennes, que vous vous y employez avec le talent que nous vous connaissons. Il faut faire appliquer le pacte pour la croissance et l’emploi, qui prévoit la mobilisation de 120 milliards d’euros, au total 140 milliards avec les financements privés. Félicitons-nous de nos capacités nouvelles d’investissement !

De plus, la taxe sur les transactions financières doit générer une ressource propre affectée au budget communautaire qui pourrait bénéficier à l’emploi des jeunes, à la formation et à l’aide au développement.

La supervision bancaire aura, quant à elle, pour objectif d’empêcher les dérives qui ont conduit à la crise financière en posant les jalons d’une véritable union bancaire. Sa mise en place conditionne la possibilité de recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité.

Je souligne que refuser de ratifier le traité budgétaire aurait pour conséquence de priver la France de la possibilité de bénéficier du principal outil de solidarité financière de la zone euro capable de venir en aide aux États – pas le nôtre, ceux qui souffrent –, mais aussi aux banques en difficulté en les recapitalisant directement. Qui peut affirmer aujourd’hui que nos banques sont à tout jamais à l’abri de ce type de risque ?

Au-delà du traité, la priorité est de faire fonctionner la zone euro différemment. Pour consolider durablement son intégrité, nous devons fédérer les énergies autour de projets d’intérêt commun qui bénéficieront concrètement à nos concitoyens dans les domaines de l’industrie, des énergies renouvelables, des transports et des réseaux de communication. La perspective d’une Communauté européenne de l’énergie, que vous avez évoquée, monsieur le Premier ministre, serait à cet égard extrêmement mobilisatrice, de même que l’extension du programme d’échanges ERASMUS, et d’autres mesures encore.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. La priorité devrait également être donnée à l’harmonisation fiscale et sociale afin d’éviter la concurrence déloyale et mortifère entre États membres. Est-il tolérable que les taux de l’impôt sur les sociétés de certains États membres, l’Irlande par exemple, dépassent à peine 10 % ? Peut-on parler de concurrence loyale quand, en Allemagne, on constate qu’en l’absence de salaire minimum légal, huit millions de salariés gagnent moins que le SMIC français ?

Il nous faut également un gouvernement économique de l’Europe qui puisse coordonner les politiques économiques européennes, comme cela est prévu depuis 1992 sans avoir jamais été mis en œuvre. Ainsi pourrons-nous résorber les déséquilibres croissants des balances des paiements, qui ne peuvent perdurer dans une zone monétaire intégrée, et avancer vers l’indispensable mutualisation de la dette des États de la zone euro.

Nos concitoyens, comme nous-mêmes dans cette assemblée, aspirons à un renforcement du contrôle démocratique de l’Union. Sur ce sujet, des améliorations significatives de la gouvernance politique de la zone euro et de l’Union européenne s’imposent afin de redonner à l’Union la légitimité démocratique qui lui fait si cruellement défaut en impliquant les Parlements nationaux et le Parlement européen. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, d’avoir apporté votre appui à cette nécessaire évolution. Chers collègues, votre commission des affaires européennes et votre commission des affaires étrangères ont adopté la semaine dernière une résolution en ce sens, qui viendra rapidement en débat dans l’hémicycle.

De telles orientations pour une intégration solidaire constituent les premiers jalons vers une union politique plus étroite. Une fois surmontée la crise actuelle et renforcée la gouvernance de la zone euro, il faudra que la France, dont nous-mêmes dans cette assemblée, avance ses propres idées pour une union politique européenne. Nous ne pouvons pas laisser l’Allemagne seule formuler des propositions à ce sujet.

M. Maurice Leroy. Voilà !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Je souhaite pour ma part que l’on donne corps au concept inventé par Jacques Delors il y a vingt ans : celui d’une fédération d’États-nations.

Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous devrons ratifier le traité budgétaire et adopter la semaine prochaine la loi organique. Nous exprimerons ainsi un vote de confiance dans une meilleure Europe. En assumant notre responsabilité, historique en ce moment, nous exprimerons notre volonté de voir l’Europe redevenir une grande ambition et représenter à nouveau une espérance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Monsieur le Premier ministre, j’ai écouté avec attention votre intervention, et j’ai compris pourquoi vous avez tenu à organiser ce débat surréaliste, un débat sans vote, sur les perspectives européennes.

En fait, mes chers collègues, ce débat n’a qu’un seul but : faire croire à la majorité – mais je doute qu’elle soit dupe – que tout a changé en Europe grâce à l’élection de François Hollande. Or nous le savons bien : rien n’a changé. Il n’a pas renégocié une seule phrase, un seul mot, une seule virgule du traité signé en mars dernier par Nicolas Sarkozy. Mais il faut bien aujourd’hui habiller le reniement du président Hollande par rapport au candidat qu’il fut. C’est l’objet de ce débat ; il ne trompe personne, monsieur le Premier ministre, pas même votre majorité, éclatée et divisée sur ce sujet.

En quelques mots, je vais vous rappeler les faits et les chiffres qui, eux, sont précis.

Tout d’abord, le cœur du traité, c’est son article 3 qui traite de la nécessaire convergence des trajectoires de rééquilibrage des comptes publics des différents États de la zone euro. Rien n’est modifié dans cet article. Bien sûr, et cela a été l’essentiel de votre propos, tout cela est masqué par un volet dit de croissance qui changerait profondément la donne. Ce volet de 120 milliards d’euros ne change absolument rien !

Mme Karine Berger. Mais si, monsieur Carrez !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Monsieur le Premier ministre, vous le savez bien, ces 120 milliards d’euros se composent de 55 milliards de fonds structurels qui existaient déjà et qui seront activés – c’est une très bonne chose, je le reconnais. Ils se composent également de 60 milliards de prêts, eux aussi déjà prévus, que consentira la Banque européenne d’investissement. Ceux-ci nécessitent une augmentation de fonds propres à laquelle la France participera ; rien de nouveau sous le soleil, rien de nouveau dans cette affaire, monsieur le ministre des affaires européennes !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce n’est pas vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et puis il y aura quelques-uns de ces fameux project bonds, à hauteur de 5 milliards d’euros. Là aussi, c’était envisagé depuis très longtemps par la Commission, et l’expérimentation actuelle porte – tenez-vous bien car le chiffre est impressionnant ! – sur quelque 220 millions d’euros de project bonds. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’ai fait le calcul suivant, et le résultat est intéressant : le retour pour la France en net, compte tenu de l’investissement de 1,6 milliard qu’elle doit faire dans le capital de la Banque européenne d’investissement, sera de l’ordre de 5 milliards pour des investissements supplémentaires.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. C’est important !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Comparons ces 5 milliards à la ponction fiscale de 10 milliards sur les investissements des entreprises que vous avez annoncée, monsieur le Premier ministre, il y a à peine quelques jours, dans la présentation du budget pour 2013 : 5 milliards de plus du côté de l’Europe, 10 milliards de moins à cause de votre projet de budget.

M. Camille de Rocca Serra. Eh oui !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’en reviens à l’article 3 du traité. Il faut bien voir une chose : il est extrêmement contraignant.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Pas tant que cela !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il prévoit des mécanismes de correction automatique des écarts de trajectoire. Or cet aspect de l’article n’a pas fait l’objet de l’ombre du début de la moindre renégociation de votre part.

M. Jean-Marc Germain. Il n’y en avait pas besoin !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il va falloir décliner l’article en droit interne. La décision du Conseil constitutionnel du 9 août dernier a proposé deux options : la révision de la Constitution ou une loi organique. Vous avez choisi cette dernière, c’est votre droit, mais j’ai été très surpris des propos tenus par Pierre Moscovici, la semaine dernière, devant la commission spéciale : s’adressant, de façon peut-être un peu subliminale, aux membres de la majorité qui ont des doutes, il leur a expliqué benoîtement que ce n’est pas grave puisqu’il ne s’agira que d’une loi organique, que ce ne sera pas dans la Constitution et qu’on va donc pouvoir contourner les règles prévues. Sa présentation était vraiment un déni de vérité parce que, loi organique ou pas, l’article 3 du traité est extrêmement rigoureux. C’est d’ailleurs une bonne chose. Puisque vous semblez en avoir oublié les termes, madame Guigou,…

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Je le connais par cœur !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …je vous cite ce passage du traité : « Un mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif à moyen terme ou à la trajectoire d’ajustement propre à permettre sa réalisation. Ce mécanisme comporte l’obligation pour la partie contractante concernée de mettre en oeuvre des mesures visant à corriger ces écarts sur une période déterminée. »

On ne peut être plus clair. C’est donc vraiment une illusion que de présenter la déclinaison en droit national à travers une loi organique comme une manière d’affadir la rédaction de l’article 3 et les contraintes qu’il introduit. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Marc Germain. Mais les mesures seraient prises par les parlements nationaux !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous allons donc travailler sur ce projet de loi organique. J’ai dit la semaine dernière qu’il allait plutôt dans le bon sens en reprenant très précisément l’excellent travail que nous avions conduit l’an dernier, dans le cadre de la préparation d’un projet de loi constitutionnelle, lequel a été adopté à l’Assemblée nationale et au Sénat,…

M. François Baroin. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …mais n’a pas pu l’être au Congrès faute d’une majorité des trois cinquièmes. Aujourd’hui, nos collègues de la majorité adorent ce qu’ils ont brûlé hier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous, puisque nous sommes cohérents, nous allons travailler de bonne foi sur ce projet de loi organique et nous proposerons des améliorations, notamment sur un point. En effet, l’article 3 du traité est une rédaction un peu à l’allemande puisqu’elle retient la notion de solde structurel, s’inspirant directement de la réforme constitutionnelle allemande de 2009.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Cela existe en France depuis 2005 !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Eu égard au travail que nous avons mené l’an dernier, il va falloir introduire, pour la première fois dans nos lois de finances et dans nos lois de programmation pluriannuelle des finances publiques, les notions d’effort structurel et de solde structurel. À cet effet, nous proposerons plusieurs amendements.

Un autre aspect n’a pas été suffisamment évoqué : les engagements pris par notre pays au titre des mécanismes de solidarité, je veux parler du Fonds européen de stabilité financière qui se transforme en Mécanisme européen de stabilité, processus que François Baroin connaît parfaitement pour avoir été l’un des acteurs de la négociation.

Nos engagements à ce titre sont déjà très importants puisque nous avons voté une garantie globale de 159 milliards d’euros, quote-part française au Fonds européen de stabilité. Dans ce cadre, nous avons d’ores et déjà engagé notre garantie à hauteur de 56 milliards d’euros pour les plans de soutien à l’Irlande, au Portugal et à la Grèce.

Comparons la responsabilité des parlementaires de l’Assemblée nationale et du Bundestag. Nos homologues du Bundestag refusent que de nouveaux États soient admis à bénéficier de ces montants plafonnés sans qu’il y ait une nouvelle autorisation donnée par le Parlement. J’attire l’attention de tous nos collègues, quel que soit le banc où ils siègent, sur la nécessité absolue que notre assemblée puisse suivre de façon très précise la mise en jeu des différentes garanties. Ce sont des montants colossaux !

Le Mécanisme européen de stabilité comporte également des apports de fonds propres, sous forme de dotations budgétaires qui vont atteindre 16 milliards d’euros, sachant que nous avons déjà engagé 6,5 milliards d’euros en 2012.

Monsieur le Premier ministre, je proposerai un amendement à la loi organique pour que ces engagements puissent être correctement suivis et fassent l’objet de débats au Parlement. Je suis sûr que vous serez d’accord sur cette nécessité de compléter notre projet de loi organique.

L’intervention de Mme Guigou m’incite à aborder un dernier sujet : l’appel à une meilleure coordination de nos politiques économiques, dont il est fait mention dans le traité, en particulier à l’article 9.

Au cœur de la coordination des politiques économiques, il y a celle des politiques budgétaires. En la matière, comme vous, madame Guigou, je pense que la première étape doit concerner non pas les dépenses, mais les recettes et la fiscalité. Je partage votre point de vue sur le taux de dumping en matière d’impôt sur les sociétés de l’Irlande, pays qui a pourtant reçu pléthore d’aides, notamment au titre des fonds structurels.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Quelque 80 milliards d’euros !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je partage aussi l’idée qu’il n’est pas normal que la Belgique exonère totalement les plus-values de cession d’entreprise.

Mais rendez-vous compte que nous sommes en train de faire de notre pays un véritable épouvantail fiscal !

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Les décisions que vous avez prises au dernier conseil des ministres en matière notamment de fiscalité de l’épargne et de fiscalité des entreprises sont en train de nous éloigner à très grande vitesse de la fiscalité des pays voisins.

En Allemagne, par exemple, toute la fiscalité sur l’épargne, qu’il s’agisse des revenus, des dividendes, des produits financiers ou des plus-values…

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Carrez.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’en termine, monsieur le président.

Tout confondu, impôts et prélèvements sociaux, le taux de fiscalité sur l’épargne atteint 26,5 % en Allemagne. Chez nous, si votre budget est voté, nous allons passer à 60 % !

Nous sommes en train d’éloigner à grande vitesse notre pays de ce qui est fait partout ailleurs dans la zone euro. Cela ne va pouvoir conduire qu’à des fuites de capitaux et de talents.

M. Pierre-Alain Muet. Ces allégations ne sont pas sérieuses !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’appelle très sérieusement votre attention, monsieur le Premier ministre : notre pays est exposé à un danger mortel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pour conclure, je dirai que nous restons fidèles à nos convictions, qui ne varient pas au gré des échéances électorales. Nous voterons donc pour le traité de stabilité comme nous voterons pour la loi organique, avec les réserves que je viens de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires européennes, mes chers collègues, l’Europe est confrontée à une crise sans précédent, de nature à la fois financière, économique, sociale, politique et écologique.

Alors que les peuples sont confrontés au chômage et à la pire des austérités et qu’ils crient leur angoisse et leur colère, la construction européenne se trouve à un tournant historique. Cette crise globale, partie du monde de la finance, est devenue le révélateur des défauts dont souffre aujourd’hui la construction européenne. Vous l’avez rappelé, monsieur le Premier ministre, c’était une construction solidaire ; aujourd’hui, il me semble qu’elle vacille. Si nous voulons sauver cette patiente construction de l’Union européenne, il n’est plus possible de la limiter à un grand marché et de focaliser toutes ses règles sur le seul dogme de la libre concurrence.

Je pointerai des limites qui ont eu de lourdes conséquences.

À la création de la zone euro, il n’a pas été prévu de mécanisme d’ajustement pertinent aux chocs économiques et, lorsque l’Europe a dû faire face à des attaques spéculatives répétées, elle a trop tardé à mettre en place un bouclier solidaire. Plus largement, le marasme actuel de l’Union montre la nécessité de prendre en compte la dimension sociale et l’urgence écologique.

S’adapter au changement climatique et à l’épuisement des ressources naturelles tout en permettant à chacun d’avoir un emploi stable doit nourrir un projet partagé, une vision d’avenir capable de rassembler, de nous permettre de tracer une feuille de route commune au service de l’intérêt collectif européen.

Ce projet politique doit être débattu avec nos concitoyens, et pas seulement au moment des élections. Sans lui, la défiance des peuples vis-à-vis de Bruxelles ne fera qu’augmenter. Bref, malgré les récentes avancées obtenues par le Président de la République, force est de constater que l’Europe peine à avancer mieux qu’à très petits pas.

Devant les orientations que nous donne le Gouvernement, c’est à nous aussi, parlementaires nationaux, de nourrir les débats et de définir les moyens concrets d’avancer ensemble. L’Europe souffre d’un profond déficit démocratique, il faut bien le reconnaître, mais nous pouvons y remédier ensemble si les représentants des citoyens au Parlement européen comme dans les Parlements nationaux prennent enfin leur place, toute leur place.

Aujourd’hui, dans vos propos, monsieur le Premier ministre, une nouvelle orientation se renforce : celle de l’intégration solidaire. Portée dès le mois de juin par le Président de la République, elle redonne du sens à une aventure collective.

Notre commission sera bien sûr très attachée et attentive au déploiement et à la concrétisation de cette approche. Dans cette logique de solidarité, la mise en place effective du Mécanisme européen de stabilité, qui pourra bientôt procéder à la recapitalisation directe des banques, cassera le lien mortifère entre dette bancaire et dette souveraine.

La mise en place de la supervision bancaire européenne pourra entraver les dérives. La taxe sur les transactions financières, annoncée d’ici à la fin de l’année sous la forme d’une coopération renforcée, constituera un outil politique et financier important, attendu depuis de nombreuses années. Pour ma part, j’avais porté cette idée avec Harlem Désir dès 1999 au Parlement européen. Le projet qui revient nous semble positif.

Enfin, le pacte pour la croissance et l’emploi devrait permettre de redonner un élan économique non négligeable en ces temps difficiles avec, je l’espère, des investissements fortement orientés vers les nécessités environnementales et énergétiques, y compris dans le domaine des transports.

Certes, tout cela participe encore de la politique des petits pas, mais ressemble bien aux premiers pas d’une nouvelle ère pour mieux d’Europe, une Europe qui, me semble-t-il, doit se donner trois objectifs majeurs.

D’abord, il faut faire un pas en avant vers l’Europe du développement soutenable. Ne l’oublions pas, la crise est née de l’épuisement d’un modèle économique ficelé par des prescriptions financières erronées. Compte tenu de la raréfaction des ressources naturelles, des tensions sur les prix énergétiques et des dérèglements climatiques trop longtemps ignorés, le modèle de la prospérité d’hier a montré qu’il était dépassé.

À nous d’explorer toutes les potentialités de l’économie verte. À nous de faire respecter ces impératifs dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie 2020 et du cadre financier pluriannuel 2014-2020. C’est à l’échelle européenne que prennent tout leur sens les grands projets d’investissement dans les énergies renouvelables, par exemple. J’insiste d’ailleurs sur ce point : les investissements d’avenir doivent être exclus du calcul des déficits publics au niveau national.

Second pas en avant nécessaire : celui de l’Europe sociale, dotée des moyens nécessaires. Vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre, cette Europe sociale a été trop longtemps ignorée. À cet égard, je soulignerai les propos du président Barroso dans son discours sur l’état de l’Union du 12 septembre dernier, qui ont brusquement rappelé l’existence de l’Europe sociale. Il a rappelé que ce sont les pays européens dotés des meilleurs systèmes de protection sociale et de la concertation sociale la plus développée qui figurent parmi les économies qui s’en sortent le mieux. Dont acte. La proposition d’une directive-cadre sur les services publics européens illustrera la pertinence de ce propos.

Par ailleurs, le renforcement indispensable de la solidarité au sein de l’Union passe par un budget affermi, doté de nouvelles ressources propres. Qu’il s’agisse de la taxe sur les transactions financières ou encore d’une contribution climat-énergie bien nécessaire, ces questions sont cruciales et nous devrons y travailler ensemble, au niveau national comme au niveau européen.

La solidarité suppose également la création rapide d’un fonds européen d’assurance chômage qui permettrait d’intervenir en urgence dans des pays où les citoyens voient leur modèle social détruit, comme c’est aujourd’hui le cas en Grèce et, je le crains fort, demain en Espagne.

Enfin, l’harmonisation fiscale européenne ne doit pas rester un vœu pieux. Elle est indispensable à une réelle solidarité entre nos pays et entre nos concitoyens.

Troisième objectif : faire le pas décisif vers une intégration politique accrue et basée sur plus de démocratie. Les initiatives récentes de la France, de l’Italie et de l’Espagne ont rappelé les exigences de ce travail en commun qui associe les États mais aussi les peuples. Or, force est de constater que l’Europe n’est plus perçue par les peuples comme protectrice mais comme destructrice d’emplois et de liens sociaux.

Qu’en est-il du projet fédérateur à même de redonner du souffle à l’Union ? Est-il dans la besace du président Van Rompuy ? Le président Barroso, lui, propose une fédération d’États-nations, vieux rêve de Jacques Delors. Il y a peut-être mieux à faire. La France doit débattre sans tabou de cette ouverture vers un destin partagé.

Or cette orientation de la construction européenne ne peut se faire sans donner un rôle majeur aux Parlements, seuls représentants légitimes de tous les citoyens. Aller plus loin sur le chemin de l’intégration suppose qu’ils soient eux-mêmes pleinement intégrés.

C’est le sens du débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances, débat qui sera présidé par vous, monsieur le président de l’Assemblée nationale, le 15 octobre prochain. Je me réjouis de cette conférence.

C’est également le sens de la résolution adoptée par la commission des affaires européennes et la commission des affaires étrangères, qui propose une méthode pour concrétiser la conférence réunissant le Parlement européen et les Parlements nationaux, prévue à l’article 13 du traité budgétaire européen. C’est un point important sur lequel la commission des affaires européennes a beaucoup travaillé avant mon arrivée et auquel je reviendrai lors du débat sur le traité budgétaire.

Pour conclure, je veux redire ici mon attachement à l’Europe. Vous le savez, les écologistes sont des Européens convaincus.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il faut le prouver !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Il ne s’agit pas seulement de l’Europe des exécutifs et des experts, mais surtout de l’Europe des citoyennes et des citoyens.

Si nous, en France, portons fort cette volonté, alors nous pourrons redonner envie d’Europe, une Europe plus juste et mieux adaptée aux défis écologiques, politiques et sociaux qui sont les nôtres, une Europe de tous les citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Jean-Paul Bacquet. Alors vous votez ou pas ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l’avons bien compris, Gilles Carrez a endossé ses habits d’opposant, rompant ainsi avec ses habitudes : jusqu’alors, il avait plutôt tendance à adopter des positions constructives et pédagogiques lorsqu’il s’en tenait à des discours de la méthode, notamment en matière budgétaire. Mais c’est la loi du genre ; c’est son choix que nous respecterons.

Cela étant, en l’écoutant, j’ai cru comprendre qu’il avait plus envie d’entamer le débat sur la loi de finances que de parler du TSCG ou même de la loi organique, laquelle ne viendra d’ailleurs en débat que la semaine prochaine. C’est là encore son choix. Néanmoins, je rappelle que la précédente majorité, dans ses projets de lois constitutionnelles, avait tout de même bâti une sacrée usine à gaz ! Plus personne ne s’y retrouvait entre les lois pluriannuelles nouvelles et les lois pluriannuelles anciennes, ne savait lesquelles s’imposaient aux autres… Pour ceux qui ont participé à ce débat il y a quelques mois, le choix d’un texte de loi organique est nettement plus clair. Il donne aux lois pluriannuelles de finances un rôle plus important et surtout ne comporte aucune nouveauté, contrairement aux propositions du gouvernement d’alors.

Je voudrais faire le point sur ce qui se trouve dans le traité et surtout sur ce qui n’y figure pas.

Le TSCG tout d’abord, et c’est très important, considère l’objectif de solde structurel comme prioritaire par rapport aux notions qui étaient utilisées jusque-là, notamment celle de déficit nominal. C’est une démarche essentielle. Le traité nous demande en fait d’instituer de nouveaux instruments de suivi des politiques budgétaires nationales. Il s’agit de poursuivre dans la cohérence les méthodes budgétaires, en les précisant et en en faisant la condition d’accès au Mécanisme européen de stabilité.

Cela revient en fait à nationaliser la surveillance budgétaire, c’est-à-dire à confier à chaque État le soin de veiller lui-même au respect de la règle d’équilibre structurel des administrations publiques prévue à l’article 3 du traité.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Exactement !

M. Christian Eckert, rapporteur général. La seule évolution par rapport au droit existant, qui n’est pas négligeable, porte sur le niveau maximum de déficit structurel, qui passe de 1 % du PIB dans le pacte de stabilité et de croissance à 0,5 % dans le TSCG. Au final, la surveillance des politiques budgétaires des États membres de la zone euro serait réalisée suivant une nouvelle architecture à deux étages, européen et national, sans que l’objet de cette surveillance, les cibles chiffrées, soient substantiellement modifiées par rapport au droit existant.

Mais je voudrais surtout insister sur ce que ne fait pas le TSCG.

D’abord, il ne prévoit pas de sanction automatique contre les États en déficit excessif – idée souvent véhiculée. Une décision du Conseil de l’Union, désormais prise à la majorité qualifiée inversée, demeure nécessaire. Il ne fixe pas non plus de date de retour à l’équilibre des finances publiques, à la différence par exemple du mécanisme constitutionnel allemand de frein à l’endettement.

Le TSCG n’impose pas le contrôle de l’application de la règle d’équilibre structurel par la Cour de justice de l’Union européenne – idée encore une fois répandue. Le rôle de cette dernière se limitera à vérifier les conditions dans lesquelles une telle règle a été mise en place.

Le TSCG ne contient pas de correction automatique des écarts à la règle d’équilibre structurel. Seul est automatique le déclenchement de la procédure visant à corriger ces écarts, selon des modalités que chaque État aura le soin de fixer. Enfin, il n’y a bien entendu aucun droit de veto des autorités européennes sur les projets de budget des États membres.

Pourquoi ces règles ? Elles constitunt une contrepartie nécessaire à la mise en œuvre des mécanismes de solidarité financière qui sont indispensables au sein de la zone euro. Le MESF, le FESF et le MES ont pour but de mobiliser des ressources financières et de les mettre à la disposition des États, sous la condition de politique économique que je viens de décrire. Ces mécanismes, conçus comme des dispositifs temporaires, deviendront pérennes dès lors que les États auront adhéré.

Enfin, je voudrais revenir sur le projet de loi organique qui découle de la ratification du traité et qui, pour faire court, met en place une obligation de moyens beaucoup plus que de résultat. Chaque État doit en effet s’inscrire dans une trajectoire clairement décrite, placée sous la vigilance d’une Haute autorité indépendante, et le déficit structurel est le principal paramètre pris en compte, ce qui permet de faire abstraction des questions conjoncturelles telles que celles que nous avons connues depuis quelques années.

La démarche du Gouvernement consiste à réformer la gouvernance et l’organisation des finances publiques. En aucun cas elle ne veut les enserrer dans des règles intangibles. Vous ne trouverez dans le projet de loi organique ni date, ni niveau de déficit autres que ceux qui se trouvent déjà dans les traités antérieurs. Il tend à fixer un ensemble de dispositions qui encadrent les lois financières, des règles de procédure qui laisseront le Parlement maître de l’approbation des lois de finances.

Il n’est donc pas question, ne nous trompons pas de formule, d’énoncer une espèce de règle d’or à inscrire dans la Constitution. Il s’agit de s’en tenir à des règles strictes de méthode, tant pour l’élaboration de la loi que pour les mécanismes de correction qui pourraient être déclenchés en cas d’écart.

En 2005, je n’étais pas encore parlementaire et j’avais eu, je le dis tout simplement, une position différente de celle de mon parti. Mais, à la lumière du contexte parfaitement décrit par le Premier ministre, au vu du projet de loi organique imposé par la ratification du traité, c’est véritablement sans états d’âme et sans aucune réserve que je choisis de soutenir les deux textes.

Je ne comprendrais pas que Gilles Carrez et nos collègues de la commission des finances, au vu des discussions que nous y tenons depuis plusieurs années, ne se retrouvent pas pleinement dans le vote tant du traité que de la loi organique. Qu’ils ne gâchent pas leur plaisir de voir que nous nous inscrivons résolument dans un équilibre serein qui nous permet de respecter à la fois les conditions du traité et les droits du Parlement, et donc la volonté populaire. Il n’y aura pas de règle d’or dans la Constitution. Nous validons, nous codifions et nous adoptons des règles de bonne pratique, et nous n’avons de leçons à recevoir de personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’aurais aimé répondre à chacun des orateurs, mais certains sont déjà partis. Je vous donnerai néanmoins quelques éléments de réflexion.

Je remercie les représentants de la majorité, à commencer par Bruno Le Roux bien sûr, président du groupe socialiste, qui a apporté avec beaucoup de pugnacité son soutien au Gouvernement et qui a si bien présenté l’enjeu de ce débat. Je le remercie d’avoir posé les bonnes questions, au-delà des polémiques et des caricatures. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes à un moment très important de la vie de l’Europe. Je pense que ce débat mérite mieux que les formules à l’emporte-pièce et la désinvolture. (Mêmes mouvements.)

M. Pierre Lequiller. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’ai aussi écouté avec beaucoup d’attention Roger-Gérard Schwartzenberg, brillant juriste et président du groupe des radicaux de gauche et apparentés. Je le remercie pour son engagement européen et son soutien au Gouvernement.

Barbara Pompili, pour les écologistes, a dit qu’elle se prononcerait selon que ce que nous proposons permettra ou non la réorientation de l’Europe. Mais c’est justement notre but ! J’ai déjà largement développé ce point. Ce qui est engagé aujourd’hui, et qui doit réussir, c’est bien la réorientation de l’Europe. Nous n’en sommes aujourd’hui qu’à une étape, mais cette étape est franchie. Ce sont les autres qu’il faut maintenant réussir.

Alain Bocquet a demandé, au nom du groupe GDR, la tenue d’un référendum. Il y en a déjà eu deux sur l’Europe, mais à chaque fois, il était question d’un transfert de souveraineté. On peut parfaitement défendre, et cela a été mon cas, que le vote populaire soit nécessaire dans ces circonstances. Si nous devions demain discuter – il a été question tout à l’heure des propositions allemandes – d’un nouveau traité impliquant des transferts importants de responsabilités et de souveraineté, à l’évidence, et même en Allemagne où on ne le pratique pas régulièrement, un référendum serait nécessaire.

Mais pour aujourd’hui, le Conseil constitutionnel s’est prononcé. Il a clairement dit, d’une part, qu’il n’y avait pas d’atteinte à la souveraineté parlementaire dans le vote du budget, et d’autre part qu’il n’y avait pas nécessité d’inscrire la règle d’or dans la Constitution. C’est ce que nous avions soutenu pendant la campagne électorale. Seul l’article 34 de la Constitution, qui pose la notion de respect des équilibres budgétaires, s’impose à nous mais il n’y a pas de règle d’or dans la Constitution, quoi que vous en disiez mesdames et messieurs les représentants de l’opposition.

Plusieurs députés du groupe UMP. Dommage !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est bien un fait politique. Notre pays accorde le respect nécessaire aux décisions du Conseil constitutionnel. Elles s’imposent à nous et elles nous éclairent. Il était important de le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Après ces différentes interventions, j’ai trouvé assez pathétiques celles de MM. Jacob et Borloo, qui se sont laissés aller à des facilités qui ne sont pas à la hauteur des questions qui nous réunissent aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Chez M. Jacob, c’est une habitude, et je n’en dirai pas davantage.

M. Guy Geoffroy. Quelle arrogance !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’avais en d’autres circonstances trouvé M. Borloo plus intéressant, lorsqu’il avait défendu ses convictions à l’occasion du Grenelle de l’environnement. Mais, depuis quelque temps, il confond la tribune de l’Assemblée nationale avec une scène de théâtre. Je ne me laisserai pas aller à ces polémiques. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Ce qui est important, c’est ce qui se joue maintenant pour l’avenir de l’Europe, et donc celui de la France. Dire, comme il l’a fait tout à l’heure, qu’il ne s’est rien passé les 28 et 29 juin, c’est mépriser le vote du peuple français le 6 mai dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce jour-là justement, le peuple français a demandé que soient créées les conditions d’une réorientation de l’Europe. C’est si le peuple français n’avait pas changé de président qu’il ne se serait rien passé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. Mais c’est le même traité !

M. Jean Leonetti. Vous n’y avez rien changé !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. M. le président de la commission des finances n’est plus là, mais croit-il vraiment que la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement était acquise ? Même l’Allemagne n’en voulait pas !

Vous aviez renoncé, dans l’alliance franco-allemande, vous aviez accepté le déséquilibre, au détriment de la France. Eh bien, aujourd’hui, nous jouons d’égal à égal, et c’est mieux, pour la France et pour l’Europe. L’auriez-vous oublié ?

Vous aviez même renoncé à la taxe sur les transactions financières.

M. Jean Leonetti. N’importe quoi !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous aviez cédé sur beaucoup de points parce que vous étiez dans l’incapacité d’avoir une relation d’égal à égal, parce que vous aviez plombé la France par les déficits et la dette, que vous aviez massivement augmentés, depuis cinq ans, par votre gestion, que j’ai dénoncée tout à l’heure.

M. Pierre Lequiller. Vous faites de la politique politicienne !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Voilà la réalité ! Alors, le 15 mai, le jour de la transmission des pouvoirs, lorsque François Hollande a pris les fonctions de Président de la République – je m’en souviens comme si c’était aujourd’hui –, le jour aussi où j’ai été nommé Premier ministre, il a pris l’avion pour Berlin, non pas pour aller à Canossa, mesdames et messieurs de la droite, mais pour dire : « Voilà ce que les Français m’ont donné comme mandat pour discuter avec vous, pour trouver un accord politique, pour réorienter l’Europe ! » Ce n’était pas acquis d’avance, mais le vote du peuple français compte pour quelque chose, et il a changé les choses en Europe.

Croyez-vous que ces 55 milliards d’euros des fonds structurels qui étaient destinés non pas à être utilisés,…

M. Jean Leonetti. Si !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …mais simplement à être gelés, auraient pu être débloqués ? Eh bien, c’est ce que nous avons obtenu !

M. Jean Leonetti. Il y avait 85 milliards d’euros qui étaient destinés à être utilisés !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Croyez-vous que les project bonds, qui faisaient peur, parce qu’on imaginait aussitôt les eurobonds, nous aurions pu les obtenir s’il n’y avait pas eu le vote du peuple français ?

Et la taxe sur les transactions financières, à laquelle vous aviez décidé de renoncer, en instaurant simplement, à la place, un impôt de bourse, parce que vous pensiez que jamais les autres ne l’accepteraient, va devenir réalité !

M. Jean Leonetti. Quel torrent de mensonges !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Croyez-vous que la Banque centrale européenne qui, aujourd’hui, va intervenir, qui ne demande qu’à intervenir, parce qu’elle peut sauver l’euro, parce qu’elle peut aider ces pays qui font tant d’efforts pour améliorer leur situation financière, qui le paient cher parce qu’ils ne sont pas récompensés, à cause des taux d’intérêt élevés, croyez-vous qu’il n’est pas nécessaire qu’elle intervienne ? Eh bien, aujourd’hui, ce n’est plus un sujet tabou, et la Banque centrale européenne est prête à intervenir ! Le vote du peuple français l’a permis !

M. Jean Leonetti. N’importe quoi !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’aimerais bien qu’ici, plutôt que de tout tourner en dérision, on ait un peu de respect, non pas à mon égard, ni à l’égard des membres du Gouvernement, mais pour les Français, qui ont exprimé une volonté que nous respectons et à laquelle nous sommes fidèles. Je pense qu’en effet il est important de dire que ce que nous avons commencé à faire il faut le poursuivre. Il faut le poursuivre avec détermination, avec force ! Nous ne sommes pas au bout de nos peines.

M. François Sauvadet. Ah ça, non, certainement pas !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous ne sommes pas au bout de la réorientation de l’Europe pour la croissance, pour l’emploi, pour la transition énergétique, pour les grandes politiques industrielles. Nous avons encore beaucoup de travail à faire et d’efforts à fournir, mais c’est justement en ce moment, où il faut avoir suffisamment de courage, de détermination, de force d’âme, qu’il faut le dire : nous n’hésitons pas, notre main ne tremble pas, nous allons avancer encore et encore pour faire que la France continue de peser en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je le dis franchement à ceux qui ont voulu tourner les choses en dérision :…

M. Jean Leonetti. C’est effectivement pathétique !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …il suffit d’écouter ce que disent les autres dirigeants européens, les dirigeants de l’Espagne, de l’Italie et des autres pays. Les avez-vous rencontrés ? Moi, je les ai rencontrés, je les ai écoutés, et je puis vous dire que, dans tous les pays, y compris en Grèce, on a vu le vote du peuple français et l’élection de François Hollande comme un espoir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ne décevons pas cet espoir !

Je vous demande à nouveau votre confiance, votre soutien. Vous m’avez demandé pourquoi ma déclaration ne donnait pas lieu à un vote. Mesdames et messieurs les députés, ce n’est pas sur ma déclaration, c’est sur l’acte important de ratification, sur la loi organique, qui s’appuie sur le paquet croissance-relance de l’Europe, que je vous demande de vous prononcer. Si vous dites oui nettement, fortement, alors la France sera forte, alors la voix de la France continuera de peser, et nous verrons à nouveau l’avenir de l’Europe avec confiance et espoir. Telle est notre responsabilité.

J’aurais aimé, monsieur Borloo, monsieur Jacob, que vous soyez au niveau de l’histoire. Je regrette que vous ayez été dans le dérisoire. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC, dont beaucoup se lèvent, applaudissent.)

M. le président. Les représentants des groupes et des commissions s’étant exprimés, nous en venons aux autres orateurs inscrits.

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Après le discours combatif et la réponse très mobilisatrice du Premier ministre, j’aborderai cette discussion en évoquant trois thèmes.

Tout d’abord, la crise que nous connaissons depuis quatre ans a modifié sensiblement le consensus de fond entre les États de l’Union. Elle a créé des perturbations durables et engendré dans plusieurs États une austérité extrême et sans perspective.

En l’état, on peut considérer que trois phénomènes ont joué pour aboutir à cette crise. Le premier est la montée des inégalités de revenus dans le monde, cette montée ayant préparé la crise de l’endettement privé, devenue par la suite crise de l’endettement public. Le deuxième phénomène est celui des déséquilibres existants entre l’Union et le reste du monde. Le troisième phénomène est celui des déséquilibres entre les États composant la zone euro.

Un petit graphique du FMI, publié hier soir par l’économiste Paul Krugman sur son site, montre deux choses. Il y a eu des flux de capitaux énormes à partir du centre de l’Europe vers la périphérie européenne, notamment sous la forme de prêts aux banques, Parallèlement, les grands pays exportateurs ont augmenté leurs exportations vers l’Asie et l’Europe, pendant que le sud de l’Europe connaissait une forte augmentation des importations en provenance des pays à bas salaires.

Cela doit nous amener à réfléchir sur la crise. Certes, il y a des déséquilibres extérieurs à l’Union, certes, il y a dans certains pays des déficits budgétaires anormaux, mais, surtout, il y a eu des flux de capitaux qui ont créé des bulles de crédit, et il y a toujours au sein de l’Union un écart de compétitivité.

Aujourd’hui, l’Europe a besoin d’une politique monétaire plus agressive, avec une Banque centrale active et interventionniste. Il faut et il faudra probablement accepter qu’il y ait un peu d’inflation à certains endroits pour que les États faibles de la zone euro puissent exporter aussi vers les États forts de cette zone. C’est l’intérêt de ces pays, et c’est l’intérêt de la zone euro.

Depuis quelques mois, l’Europe a progressé, on ne peut pas l’oublier, on ne peut pas ne pas le voir. Cela passe cependant par un compromis.

Il a fallu près d’un an et demi pour que l’on considère qu’il fallait instituer un mécanisme européen de stabilité, à la suite du fonds européen de stabilité financière, instrument d’urgence conçu pour une durée temporaire. Plus fondamentalement, la Banque centrale européenne soulage indirectement, depuis très peu de temps, le marché des dettes souveraines.

Plusieurs États, dont l’Allemagne, ont accepté ces deux évolutions en contrepartie de la réaffirmation d’une limitation du déficit dans chaque État.

Cela renvoie au fameux traité relatif à la stabilité, la croissance et la convergence dont nous débattrons aujourd’hui, mais ne nous trompons pas. Les gens font la distinction entre, d’une part, le redressement, pour lutter contre l’endettement non maîtrisé dont les plus modestes paient le prix puisque par l’impôt ils financent l’emprunt et les intérêts payés aux marchés, ce qui est une redistribution à l’envers, et, d’autre part, la nécessaire croissance qui permet de créer des richesses durables, de les distribuer de façon équitable et de préparer l’avenir.

La politique monétaire interventionniste que nous appelons de nos vœux pour gérer une situation de récession plus profonde à certains endroits qu’à d’autres est au prix de ce compromis.

À une nouvelle politique monétaire correspond la volonté de trouver d’autres marges.

Les chefs d’État de l’Union européenne se sont mis d’accord pour un plan de relance à hauteur de 1 % du PIB de l’Union. Certains ont raillé cet effort, considérant qu’un montant de 1 % du PIB de l’Union européenne était mineur. Je crois qu’il faut rappeler l’effet multiplicateur d’un tel plan. On cite encore souvent le plan Marshall, qui représentait, lui, entre 3 % et 4 % de la richesse européenne. L’effort en cours doit être souligné et devra être renouvelé.

Je souhaite aussi, logiquement, m’attarder sur la volonté politique dont nous devons faire preuve.

L’article 2 du traité sur l’Union européenne indique que les politiques de celle-ci ont pour objectif « un niveau d’emploi élevé et une croissance durable ».

Pourquoi citer cette disposition de droit dont nous pouvons tous, ici, revendiquer l’application? Pour affirmer que l’enjeu est dans les politiques publiques menées plus que dans les dispositions du traité. L’enjeu est dans les priorités à mettre en œuvre et dans l’interprétation faite des dispositions actuelles ou futures.

Notons que les politiques d’austérité extrême mises en œuvre dans plusieurs États membres l’ont été sans nouveau traité. Rappelons aussi que la fameuse règle d’or est déjà dans les traités, depuis Maastricht, comme le plafonnement du déficit public à 3 % du PIB et l’obligation de maintenir une dette publique inférieure à 60 % du PIB, et souvenons-nous que ces règles n’ont pas été respectées par les États qui les avaient instituées.

L’enjeu n’est donc pas dans le traité lui-même, qui reste un instrument, mais dans le rapport de force entre États pour mettre en œuvre des politiques publiques et économiques favorables à la croissance et à une Europe plus sociale. À ce titre, nous devons aussi réhabiliter et faire valoir auprès de nos partenaires européens l’idée que l’Europe est fondée sur une coopération loyale.

Ce concept juridique est aussi une modalité politique. Il permet d’interpréter les règles et les principes régissant les conflits entre les acteurs concernés, et il doit demain faciliter la création de solutions nouvelles face aux défis auxquels est confrontée l’Union.

Ne nous trompons pas de combat. L’opposition n’est pas entre partisans et opposants au traité. Sinon, comment expliquer que la plupart des partis de gauche de gouvernement en Europe n’en fassent pas le combat de l’Europe à venir ? Le clivage est entre, d’une part, ceux qui disent être pro-européens, progressistes, qui disent résister à cette surenchère qui vise au démantèlement de l’État-providence, et ceux qui font croire que l’Europe ne peut être que récessive et inégalitaire, qu’ils en soient convaincus ou utilisent tout simplement cet argument pour éviter de dire comment ils feraient sans l’Europe.

Le troisième volet de mon propos concerne les perspectives européennes et les progrès concrets que nous devons faire.

Faire l’Europe, cela suppose de proposer le pacte citoyen de protection et d’innovation auxquels Français et Européens tiennent.

Je l’ai dit à l’instant : on parle trop souvent d’outils sans évoquer les raisons et les objectifs de l’action. Si l’on croit en l’Europe et que l’on veut mieux vivre en Europe, il faut lui redonner du sens. Elle ne doit pas être centrée seulement sur la maîtrise de l’inflation et sur une politique d’austérité, à moins de lui faire courir le risque que les pays sous contrainte choisissent de se redonner une marge par eux-mêmes, notamment pour l’emploi. Il faut lui redonner un sens et des priorités, c’est le message du Premier ministre ; je pense notamment à l’emploi et à la transition énergétique et climatique.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

Mme Marietta Karamanli. La demande d’une Europe qui protège davantage l’environnement et l’avenir est forte, chez les jeunes, chez les consommateurs, dans la population en général. La demande d’une Europe qui protège davantage les entreprises et l’emploi est forte chez les salariés.

À ce titre, l’Europe que nous voulons doit être en mesure de proposer un pacte citoyen sur ces trois aspects et enjeux du vouloir-vivre ensemble.

Il faut traduire cette volonté par des institutions mais surtout par des politiques publiques cohérentes. Nos politiques publiques doivent être, dans ces domaines, massives. À bien y regarder, elles sont liées entre elles. Il appartient donc aux gouvernements de proposer des programmes d’action massifs dans ces secteurs, et l’action des instances doit être jugée sur des résultats tangibles.

Faire l’Europe, c’est aussi dessiner une stratégie et des perspectives : la croissance et la transition énergétique, plus de débats et de décisions prises de façon transparente et mieux articulées entre elles, plus d’actions concrètes qui donnent de l’espoir dans la vie quotidienne.

L’Europe est celle que feront les États nationaux, celle que voudront les citoyens, celle que proposeront les partis politiques.

Pour nous, socialistes, l’Europe est affaire de volonté politique, non seulement pour faire face aux mutations économiques mais aussi pour donner un nouveau sens à la vie de tous, du moins du plus grand nombre. Nous, socialistes, pensons que le programme proposé par le Premier ministre et l’action volontaire du Président de la République traduisent cette réorientation et ce dessein européen auquel nous aspirons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski.

M. Axel Poniatowski. Au lendemain de l’annonce du budget 2013, budget d’une rare exigence pour les Français et qui est marqué par des hausses d’impôts jamais vues, nous sommes amenés à débattre aujourd’hui des nouvelles perspectives européennes. Alors que notre pays est frappé de plein fouet par une crise économique d’une violence extrême, nous sommes au cœur du sujet en parlant d’Europe, car une France forte passe nécessairement par une Europe forte. Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment pouvons-nous sortir de cette situation ? Quels enseignements tirer de la crise ? Quelles lacunes combler ? Telles sont les questions auxquelles nous devons tenter de répondre dans le débat d’aujourd’hui.

Depuis 2008, l’Europe est bousculée sur ses bases, à savoir son Union économique et monétaire. En dépit des mesures et des engagements, la crise de confiance s’est généralisée, et la contagion de la crise financière vers l’économie réelle a bien eu lieu. À titre d’exemple, les niveaux de revenu national brut par habitant en 2012, pour une base 100 en 2007, se passent de commentaires : 97 pour la zone euro, 98 pour la France, 93 pour l’Espagne, 91 pour l’Italie, 82 pour la Grèce, avec, bien sûr, l’exception allemande à 103 points. Ce ralentissement de l’économie a des impacts directs sur les rentrées fiscales et l’envol mécanique des dépenses sociales, ce qui conduit au creusement des déficits et à l’explosion de la dette des États. Certains, au sein de la zone euro, sont plus touchés que d’autres, comme le Portugal, l’Irlande, l’Italie, la Grèce ou l’Espagne. Si le cas de la Grèce est un peu à part, la crise économique s’y doublant d’une falsification des comptes de l’État qui remonte à l’entrée de ce pays dans la zone euro, les autres voient leur modèle économique de croissance voler en éclats, comme l’Espagne, par exemple, qui avait basé une bonne partie de sa croissance, ces dernières années, sur le secteur de l’immobilier.

La situation économique dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui pose la question primordiale des fondements de l’Europe. L’union monétaire a certes été réalisée, mais sans union budgétaire et fiscale, et avec la création d’une banque centrale dont le seul mandat est de juguler l’inflation. Pourquoi revenir à cette question ? Tout simplement parce que la politique monétaire est un des leviers de la politique économique. Dans la zone euro, une seule politique monétaire s’applique à douze économies aux fondements différents. Pour pallier l’absence d’accord sur une union budgétaire et fiscale, les Européens ont défini les critères de convergence de Maastricht, basés notamment sur les situations des finances publiques : le déficit public annuel doit être inférieur à 3 % du PIB et l’endettement inférieur à 60 %. Malheureusement, depuis le début de la crise, la politique monétaire menée par la BCE n’a pu satisfaire aux besoins d’économies aussi différentes que celles de pays comme l’Espagne et le Portugal ou de pays plus vertueux comme l’Allemagne et l’Autriche.

La crise économique et les plans de relance qu’elle a suscités ont abouti à une détérioration des finances publiques de tous les pays européens. Les déficits ont amplifié l’endettement moyen des pays de la zone euro, passé de 66 % du PIB en 2007 à un taux estimé à 85 % en 2011. La gestion européenne des déficits budgétaires a ainsi révélé plusieurs insuffisances de la construction européenne : l’absence de solidarité entre les pays de l’Union, et l’absence d’un pouvoir fédéral susceptible de prendre des décisions au nom de l’Union européenne. On pouvait espérer que les difficultés engendrées par les déficits publics importants de certains pays européens seraient réglées plus facilement grâce à l’émergence d’un président du Conseil européen permanent depuis décembre 2009. Ce président, en réalité, ne tient sa légitimité que des pays composant le Conseil européen ; ceux-ci ne lui accordent que les pouvoirs dont ils veulent bien se dessaisir. De ce fait, son rôle dans la gestion des déficits publics a été pour le moins faible, et les initiatives européennes ont été prises, pendant trois mois, dans la même logique que celle qui a dominé la gestion de la crise économique et financière.

Par ailleurs, la concurrence fiscale qui règne au sein de l’Union européenne affecte la marge de manœuvre des États membres dans la conduite de leurs politiques publiques. Le produit de l’impôt sur les sociétés des entreprises européennes, a ainsi diminué, passant en moyenne de 35 % en 1995 à 23 % en 2010. La menace constante de voir des entreprises passer de l’autre côté des frontière dès l’adoption d’une législation fiscale moins favorable restreint considérablement la capacité des gouvernements et des parlements à proposer, adopter et appliquer des lois et règlements de grande portée.

Enfin, le marché européen est le marché le plus ouvert au monde, bien plus que celui des États-Unis ou de la Chine, ou même de pays comme l’Inde ou le Brésil. La Chine, par exemple, pratique une sous-évaluation systématique du yuan, qui équivaut à une subvention massive de ses exportations. Ses normes sociales et environnementales, d’une exigence dérisoire comparées aux nôtres, diminuent davantage encore ses coûts de production. En parallèle, tout est fait pour dissuader les exportateurs étrangers de pénétrer le marché chinois : réglementation tatillonne, préférence nationale dans les appels d’offres, sans oublier l’inconvertibilité d’une monnaie qui oblige ceux qui la détiennent à ne l’utiliser que pour acheter ou investir en Chine.

Les orientations à donner à l’Europe apparaissent donc clairement à la lumière de l’analyse de la crise que nous traversons et que je viens de décrire très succinctement.

Premièrement, l’union monétaire sans union budgétaire n’a pas de sens, et peut se révéler au mieux inefficace, au pire dangereuse. C’est la raison pour laquelle il est primordial d’adopter le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire qui, en faisant appliquer la règle d’or – quoi que vous en disiez – et en exigeant le retour à l’équilibre des budgets en 2017, apporte cette touche d’union budgétaire vitale pour l’avenir de l’Europe.

Deuxièmement, une harmonisation fiscale à l’échelle européenne est désormais inéluctable et indispensable. C’est la concurrence fiscale qui a notamment contribué à creuser les déficits publics.

Troisièmement, à l’harmonisation fiscale doit s’ajouter une harmonisation sociale et administrative. C’est particulièrement vrai pour la France. Cette concurrence est tout aussi pénalisante pour la France que les autres formes de concurrence. Comment voulez-vous que notre pays reste compétitif, y compris au sein de l’Union européenne, avec, par exemple, l’avalanche de règles nouvelles qui s’appliquent aux entreprises françaises lorsqu’elles passent de 49 à 50 salariés ? Le rapport Attali a énuméré 41 de ces règles au total !

C’est la France, loin derrière l’Allemagne, mais aussi l’Italie et même l’Espagne, qui compte le moins d’entreprises de taille intermédiaire. Or ce sont ces entreprises intermédiaires qui créent la croissance et les emplois.

Enfin, quatrièmement, l’avenir de l’Europe passe par la recherche et l’innovation. Les perspectives de croissance européennes à moyen et long terme sont faibles : elles sont largement inférieures à 2 % pour la période 2011-2020, alors qu’elles sont proches de 5 % pour les pays émergents. Cette faiblesse rend l’effort en matière d’innovation vital. En Europe, moins de 10 % des investissements publics en matière de recherche et d’innovation sont gérés au niveau communautaire, alors que 80 % à 90 % le sont au niveau fédéral aux États-Unis et au Canada. Au-delà de la question du financement et de sa gouvernance, il est important de réorienter systématiquement les fonds structurels vers l’innovation.

Derrière les quatre orientations pour l’Europe que je viens d’évoquer, c’est bien la question de la compétitivité qui est au cœur du débat. C’est encore plus vrai pour la France qui risque, en particulier avec les mesures prises depuis quatre mois, tout simplement le décrochage. Une ministre de votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, évoquait, pas plus tard que ce week-end, la perspective de l’échec. Je vous le dis tout de go : si les orientations prises par le Gouvernement sont conservées, c’est l’échec assuré pour vous, mais aussi, et c’est plus grave, pour la France !

Ce n’est pas compliqué : vous allez à rebours des orientations que l’Europe a prises et prendra encore en matière de compétitivité. Comment voulez-vous que notre pays reste compétitif avec une telle augmentation des prélèvements, alors que nous avons déjà les prélèvements obligatoires les plus lourds de l’Union européenne, et alors que vous ne diminuez en rien les dépenses publiques ? C’est une simple question de bon sens ! Comment voulez-vous que notre pays soit plus compétitif quand l’une des premières mesures que vous avez prises est l’abrogation de la TVA anti-délocalisations ?

Cette mesure correspond, il est vrai, à une augmentation du taux de la TVA, mais en contrepartie d’une baisse équivalente des cotisations sociales patronales payées par les entreprises en France. Elle avait pour but de réduire les coûts salariaux des entreprises en transférant une partie de leurs charges dans l’impôt sur la consommation. L’Allemagne, sous l’impulsion de M. Schröder – un socialiste – ne s’y était d’ailleurs pas trompée, en augmentant la TVA de plus de trois points, avec des résultats plus que concluants sur la relance de l’économie allemande. Par pure idéologie, vous avez rayé d’un trait une mesure qui aurait pu rapporter 13 milliards d’euros au budget de l’État, et qui revenait à taxer les produits étrangers, donc à favoriser la consommation de produits français.

Ainsi, en supprimant la TVA anti-délocalisations, en alourdissant la fiscalité sur les entreprises alors même que les entreprises françaises sont celles qui ont déjà le taux de marge brute le plus faible d’Europe, les empêchant ainsi d’investir de nouveaux marchés, vous faites l’inverse de ce qu’il faut faire. Vous allez donc, malheureusement, échouer.

Remarquez qu’il n’y a là rien de très étonnant, quand le ministre du redressement productif a comme ligne politique de faire, je le cite, « plier le système économique ». Il faut se pincer pour y croire ! C’est bien la preuve que le Gouvernement n’a pas compris les enjeux actuels.

En conclusion, je dirai que les crises ont toujours été une occasion de procéder aux réformes et aux évolutions structurantes majeures. L’Europe est aujourd’hui secouée comme elle ne l’a jamais été. Elle est à la croisée des chemins. Les perspectives et les orientations nécessaires sont connues. La plupart des pays européens s’y emploient. S’agissant de la France, il ne vous reste plus qu’à sérieusement corriger le tir, à faire l’inverse de ce que vous faites depuis quatre mois, et à prendre les mesures nécessaires pour assurer la compétitivité, et donc la pérennité, des petites et moyennes entreprises françaises. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Cinq minutes est un laps de temps très court pour exprimer ce que je veux vous dire. Il est même très prétentieux de vouloir le faire en un temps aussi restreint. Pourtant, je ne peux m’empêcher de m’y efforcer.

Tout d’abord, monsieur le Premier ministre, je veux vous dire que je vous respecte profondément, parce que vous êtes là par la volonté du peuple français, tout comme le Président de la République. J’ai, à ce titre, porté le même respect au président précédent, Nicolas Sarkozy.

Mon intervention n’engage pas le mouvement politique auquel je crois être fidèle depuis une trentaine d’années. Mais, au fond, j’ai profondément conscience d’engager la petite parcelle de la nation que je représente. À ce propos, j’ai beaucoup apprécié la réflexion d’un de nos collègues, selon lequel chacun s’exprime ici en conscience et dit sa vérité sans calcul. Je le crois vraiment.

J’ai encore en mémoire le souffle chaud et passionné des dernières campagnes électorales, aux cours des mois de mai et juin derniers, lorsque nos concitoyens nous demandaient de leur dire la vérité, de leur dire où nous en sommes et si possible où nous allons. À ce moment-là j’ai réalisé une fois de plus combien nos concitoyens sont gênés au moment de se rendre aux urnes. Bien sûr, ils se sont rendus aux élections présidentielles : c’est une des élections, avec les municipales, auxquelles ils se rendent le plus.

Mais c’est devenu plus difficile. Qui ne voit pas que, depuis vingt ans, 40 % à 50 % de nos concitoyens s’abstiennent et que, hélas, la moitié de ceux qui se rendent aux urnes votent pour un des extrêmes !

Le problème qui nous réunit ce soir, dans toute sa difficulté – je ne la nie pas –, est certainement à l’origine du grand trouble qu’éprouve notre pays, qui aime pourtant et a payé si cher le droit de parler et de faire de la politique.

La question de l’Europe, telle qu’elle est traitée, empoisonne nos rendez-vous électoraux. Il ne fut pas demandé, jadis, à nos concitoyens s’ils voulaient verser leur sang pour une certaine idée de leur pays ou de l’Europe. Je trouve dommage – c’est la raison pour laquelle j’ai pris toutes les précautions oratoires précédentes – que les grands pays européens, qui figurent parmi les plus avancés démocratiquement, dans l’espace le plus démocratique du monde, se retrouvent aujourd’hui dans une situation identique : celle de ne pas demander l’avis de leurs concitoyens au moment d’entériner un choix aussi important que celui-ci !

M. Nicolas Sansu. Bravo !

M. Jean Lassalle. Ce n’est pas rien : il s’agit de ratifier le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.

J’ai eu la même gêne lorsque le Président Sarkozy nous a réunis à Versailles, après que 55 % des électeurs français eurent dit non au référendum. Je n’ai pas voté, cela a été plus fort que moi. Certes, j’appartiens à un parti centriste, le Mouvement Démocrate, que je n’engage pas, je le répète. Je souhaite de tout mon cœur et de tout mon être que nous puissions trouver les moyens, en prenant, bien sûr, du temps, et en nous basant sur les campagnes électorales. Nous venons d’en vivre deux au cours desquelles mon parti s’est beaucoup engagé, particulièrement sur la question européenne, et l’a certainement payé très cher. Il faut nous dire clairement ce que nous allons faire.

Des problèmes ont pu être résolus dans le passé en disant la vérité. Le président François Mitterrand a traité les questions les plus difficiles du siècle dernier et peut-être de l’histoire de l’humanité. Il avait ainsi annoncé, dans son programme électoral, que, s’il devenait président, il abolirait la peine de mort. Ce n’était pas rien ! Mais, dans les années 60 – excusez-moi de remonter si loin – un des hommes que j’admire le plus dans l’histoire a, malgré lui, suscité de nombreux troubles parce qu’il n’avait pas très exactement expliqué, dès le début, au peuple français ce qu’il allait faire à la fin.

Alors, au moment où nous prenons tous les jours nos jeunes à témoin en leur parlant de responsabilité, d’engagement et de confiance, pensons aussi un petit peu à eux. Le monde n’attend pas, le monde est plein d’urgence. Il est temps de revenir au modèle que nous avons été : le pays des droits de l’homme, de la liberté, de l’espérance en la démocratie ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du débat sur la déclaration du Gouvernement sur les nouvelles perspectives européennes.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)