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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 7 novembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Relation transatlantique

Mme Nicole Ameline

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Compétitivité

Mme Estelle Grelier

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Université de La Réunion

Mme Huguette Bello

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Accidents domestiques

M. Jacques Moignard

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Compétitivité

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Autorité de sûreté nucléaire

M. Denis Baupin

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Débats de société

M. Jean Leonetti

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Droits de plantation viticoles

M. Philippe Plisson

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

TVA

M. Charles de Courson

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Malus automobile

M. Marcel Bonnot

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Réforme des rythmes scolaires

M. Stéphane Demilly

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Financement du programme Erasmus

Mme Claudine Schmid

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Formation des maîtres

Mme Marie-Françoise Bechtel

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Entreprises du bâtiment

M. Fernand Siré

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Scolarité à l’étranger

M. Philip Cordery

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger

2. Communication de M. le président

M. le président

M. Christian Jacob

M. François Sauvadet

M. François de Rugy

M. Philippe Martin

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

3. Projet de loi de finances pour 2013 Seconde partie (suite)

Défense

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour la préparation de l’avenir

M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour le budget opérationnel de la défense

M. Hervé Gaymard, suppléant M. Guy Teissier,

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’environnement et la prospective de la politique de défense

M. Alain Marty, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour le soutien et la logistique interarmées

M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour les forces terrestres

M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour la marine

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’air

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’équipement des forces et la dissuasion

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. Philippe Vitel

M. Francis Hillmeyer

M. Jean-Jacques Candelier

M. Philippe Nauche

M. Philippe Meunier

M. Philippe Folliot

M. Jacques Bompard

M. Gwendal Rouillard

M. Bernard Deflesselles

M. Nicolas Bays

M. Olivier Audibert-Troin

Mme Nathalie Chabanne

M. Christophe Guilloteau

M. Eduardo Rihan Cypel

M. Luc Chatel

Mme Geneviève Gosselin

M. Damien Meslot

M. François André

M. Nicolas Dhuicq

Mme Marie Récalde

M. Jean-David Ciot

M. Christophe Léonard

M. Hervé Mariton

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Mme Marianne Dubois

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Patrice Martin-Lalande

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

Mission « Défense »

État B

Amendement no 244

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Relation transatlantique

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Nicole Ameline. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

La France salue la victoire du Président Barack Obama, réélu président des États-Unis. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.) Au nom de l’ensemble des membres du groupe UMP, je tiens à lui adresser nos félicitations les plus chaleureuses et à féliciter le peuple américain pour cette très belle leçon de démocratie et de mobilisation.

Monsieur le Premier ministre, les enjeux sont, aujourd’hui, particulièrement clairs : c’est, tout d’abord, le renforcement du lien transatlantique, car nous sommes persuadés que le monde va mieux lorsque ce lien est fort et affirmé. C’est également l’émergence d’un monde nouveau avec la désignation, demain, du nouveau président chinois. Dans ce monde nouveau en émergence, rien ne serait plus préjudiciable à nos intérêts stratégiques, géopolitiques et économiques qu’un tête à tête États-Unis-Chine ! Cela impose clairement à la France et à l’Europe, grande absente du débat électoral américain, une démarche d’affirmation politique beaucoup plus volontariste.

Monsieur le Premier ministre, l’affaiblissement du couple franco-allemand, l’absence de leadership européen et les choix économiques et politiques que vous imposez à notre pays ne lui permettent pas, aujourd’hui, d’assumer son rôle dans ce nouveau contexte économique mondial.

En conséquence, comptez-vous réévaluer vos choix stratégiques pour tenir compte de cette nouvelle donne internationale et pour engager les initiatives qui s’imposent aujourd’hui ? (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Je vous remercie de votre question, madame la députée.

Vous évoquez l’affaiblissement du couple franco-allemand et de l’Union européenne et en déduisez un affaiblissement de la relation entre l’Union européenne et les États-Unis.

Concernant la relation franco-allemande, je tiens à vous rappeler que, depuis maintenant six mois que ce gouvernement est en situation de responsabilité, nous sommes parvenus, en dépit de divergences avec l’Allemagne, et parce que nous avons l’habitude de nous dire les choses, à des compromis avec ce partenaire stratégique au sein de l’Union européenne sur des questions essentielles qui engagent l’avenir.

Ce fut le cas pour la supervision bancaire à l’occasion du dernier Conseil européen. Ainsi, en dépit des désaccords entre les deux pays, nous avons réussi, en nous accordant aussi sur le calendrier, à trouver un très bon compromis pour que la finance soit remise en ordre et que toutes les banques de l’Union européenne soient supervisées.

Nous avons également trouvé un très bon compromis nous permettant d’aller au-delà de la supervision bancaire et de nous orienter ainsi vers l’union bancaire grâce à la mise en place d’un dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts.

Nous avons enfin trouvé un compromis, au lendemain du dernier Conseil européen, sur la nécessité d’aller plus loin, s’agissant de la croissance, à travers le plan de croissance adopté au Conseil européen du mois de juin.

Donc, sur tous les sujets stratégiques, qu’il s’agisse de la croissance, de la remise en ordre de la finance, ou de la solidarité avec les modalités d’intervention du Mécanisme européen de stabilité et de la Banque centrale européenne, nous avons toujours réussi, dans une relation franche avec l’Allemagne, à trouver d’excellents compromis.

La réélection de Barack Obama, dont on sait l’accent qu’il a mis sur la croissance à l’occasion du sommet de Chicago, est une excellente nouvelle, compte tenu des orientations de la France.

Par conséquent, non seulement le couple franco-allemand n’est pas en panne, mais il fonctionne et renforce l’Union européenne. Non seulement l’Union européenne n’est pas en panne, mais elle est réorientée. La réélection de Barack Obama permettra, compte tenu de ces orientations, d’aller plus loin dans la relation transatlantique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Compétitivité

M. le président. La parole est à Mme Estelle Grelier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Estelle Grelier. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Monsieur le ministre, voilà à peine six mois que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault est aux responsabilités et qu’il doit faire face à l’état de délabrement dans lequel les précédents locataires ont laissé la maison France (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) à l’issue d’un long bail de dix ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dix années d’absence de stratégie économique, et une balance commerciale en déficit de 70 milliards, dix ans d’abandon de toute politique industrielle, et la destruction de 750 000 emplois, dix ans d’un chômage record, de baisse du pouvoir d’achat, dix années de dégradation des services publics et de la compétitivité de nos entreprises, dix ans d’augmentation de la dette publique, dix ans de mépris envers les partenaires sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), dix ans d’abandon du marché unique européen à la seule logique de la concurrence libre et non faussée, dix ans pendant lesquels la droite emmenait tranquillement le pays dans le mur en klaxonnant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le 6 mai, les citoyens vous ont dit, chers collègues de l’opposition : « Ça suffit » !

C’est cet état calamiteux du pays que décrit le rapport Gallois, un diagnostic à charge pour ceux – vous, mesdames, messieurs de l’opposition – qui n’ont eu pour unique fixation que de protéger la rente et la fortune, au mépris des travailleurs, de leurs salaires et de leurs emplois, des entreprises et des territoires.

Chacun peut donc mesurer la portée du pacte présenté hier par le Gouvernement, un pacte productif de financement de l’économie, en soutien de celles et de ceux qui font le choix du redressement, de la production et de l’innovation. Et vous pouvez compter sur le soutien de notre groupe.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer quels sont les bénéfices attendus en termes de croissance et d’emplois, préciser les contreparties demandées aux entreprises – car nous, nous en demandons – et la manière dont le Gouvernement entend s’assurer qu’elles seront respectées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Vous avez la bonne lecture du rapport Gallois, madame la députée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ce rapport qui a été si attendu sur les bancs de la droite, mais qu’ils ne veulent plus lire tellement il est accablant pour la politique qui fut la leur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

À chaque point perdu pour la place de la France sur les marchés internationaux, c’étaient des emplois en moins. À chaque recul de la place de l’industrie dans l’économie française, c’étaient des emplois en moins. Ce ne sont pas des chiffres dans l’absolu, ce sont des chômeurs, ce sont des Français et des Françaises qui se sont vus privés pendant des années des emplois auxquels ils avaient droit.

L’objectif de tout le pacte qui a été présenté hier par le Premier ministre, et tout particulièrement le principe même du crédit d’impôt, ce sont la croissance, l’emploi, l’investissement, la compétitivité. C’est une amélioration de la situation de l’emploi que nous attendons de la mise en œuvre progressive mais forte de ce pacte pour l’emploi et la croissance.

Oui, nous pouvons dire, comme l’a affirmé hier le Premier ministre, que 300 000 emplois au moins doivent résulter de la mise en œuvre progressive de ce pacte pour l’emploi.

Oui, nous pouvons dire que c’est de la croissance supplémentaire et, derrière cette croissance, des emplois supplémentaires qui sont à la clé de la mise en œuvre de ce pacte.

Comme vous le disiez vous-même, si nous souhaitons que ce crédit d’impôt, les 20 milliards qui seront apportés aux entreprises, soit tourné vers l’emploi, l’investissement, la recherche, l’innovation, c’est que nous ne souhaitons pas que cet argent aille ailleurs. Il faut donc vérifier, et les premiers qui auront à le faire sont les acteurs de l’entreprise, les partenaires sociaux, les représentants des salariés au sein des comités d’entreprise. C’est là que le contrôle se fera. Il y aura aussi un contrôle au niveau national avec la mise en place d’un comité de suivi, qui sera particulièrement attentif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Université de La Réunion

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et porte sur les difficultés inédites apparues lors de l’application à l’université de la Réunion des dispositions de la loi LRU relatives à la gouvernance universitaire.

En septembre dernier, le tribunal administratif a annulé les élections des conseils centraux. Selon l’expertise juridique de votre ministère, madame la ministre, cette annulation n’a aucun impact sur l’élection du président : son mandat de quatre ans est indépendant de l’invalidation du conseil d’administration qui l’a élu.

Cette absence de concordance entre le mandat du président et celui des conseils est à l’origine d’un véritable imbroglio juridique et a suscité émotion et incompréhension au sein de l’université et, au-delà, dans la société réunionnaise.

Face à une telle situation, vous avez dépêché une mission de l’inspection générale, à l’issue de laquelle une commission d’accompagnement du nouveau processus électoral a été mise en place. Le déroulement normal des cours et l’absence de blocage ou de dysfonctionnement, dus à l’esprit de responsabilité de l’ensemble de la communauté universitaire, ont largement contribué à écarter le recours à un administrateur provisoire, mais des divergences profondes quant au maintien de la date des élections initialement fixée par le président sortant ont conduit au retrait de l’une des deux candidatures en lice.

Comme il était prévu, les élections se sont déroulées le 30 octobre, mais en présence d’une seule liste. Le risque de cohabitation est écarté, mais l’apaisement souhaité n’est pas au rendez-vous. Ce climat de tension est particulièrement inquiétant alors que l’université de la Réunion doit accéder à son tour, en janvier prochain, aux compétences élargies.

Quelles initiatives comptez-vous prendre pour que la seule université française de l’océan Indien aborde dans des conditions plus favorables cette nouvelle étape de sa jeune histoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’ai été en effet alertée par les parlementaires de la Réunion, dont vous-même, madame la députée, sur la situation difficile que connaît votre université.

Je suis tout à fait consciente des tensions qui existent. J’ai personnellement veillé à ce que les élections des représentants du personnel du conseil d’administration qui se sont tenues le 30 octobre dernier se déroulent dans le calme et la transparence. Afin de garantir l’impartialité et la légalité du processus électoral, l’équipe présidentielle en place s’est retirée pendant les élections. J’ai aussitôt mis en place une commission électorale spécifique présidée par un inspecteur général envoyé sur place en mission.

Comme vous le savez, l’une des deux listes a renoncé à se porter candidate, contestant le choix de la date des élections. Compte tenu des délais requis pour le vote du budget 2013 de cette université, cette date était la seule possible. Il fallait d’autant plus la respecter que ce sera le premier budget de cette université qui comprendra la masse salariale des fonctionnaires, après son passage à l’autonomie prévu le 1er janvier prochain.

Au final, la participation a été satisfaisante, avoisinant les 60 %. Les résultats sont sans ambiguïté. La seule liste candidate a obtenu dans tous les collèges la majorité des inscrits, avec des scores supérieurs à ceux qu’elle avait obtenus lors du scrutin précédent, annulé pour vice de forme.

Dans l’intérêt des étudiants, j’appelle aujourd’hui l’ensemble des membres de la communauté universitaire à poursuivre leurs efforts vers l’apaisement.

Tous ces événements montrent à l’évidence que la loi LRU doit être très attentivement révisée, notamment en ce qui concerne les processus électoraux. C’est tout l’objectif que je poursuis au nom du Gouvernement, dans le cadre des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont la réunion nationale se tiendra les 26 et 27 novembre prochains au Collège de France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Accidents domestiques

M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Moignard. Madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, 11 millions d’accidents de la vie courante ont lieu chaque année. Ils sont à l’origine de 19 000 décès, soit quatre fois plus que les accidents de la route, et constituent la troisième cause de mortalité après les cancers et les maladies cardio-vasculaires. Plus d’un tiers d’entre eux impliquent un passage aux urgences hospitalières et les coûts qui en résultent en termes de soins, d’appareillage, d’arrêt de travail ou de dépendance sont évalués à 10 % des dépenses de santé.

Deux populations sont particulièrement touchées : les enfants, dont c’est la première cause de décès, et les personnes âgées, puisque deux décès sur trois dans ce contexte surviennent après soixante-quatorze ans.

Les origines de ces accidents sont multiples – sécurité des produits, mauvaise information des consommateurs, comportements imprudents, inadaptation des logements – et ces accidents sont évitables par l’adoption de gestes simples et l’utilisation d’équipements de protection. C’est pourquoi de très nombreuses associations, dont la Croix-Rouge, demandent que la prévention des accidents domestiques obtienne le label de grande cause nationale en 2013. La large campagne d’information que ce label permettrait au plan national, notamment sur les antennes de radio et les chaînes de télévision, en associant l’ensemble des acteurs publics, associatifs et professionnels, donnerait de la visibilité à cette cause d’intérêt général qui concerne tous les Français.

Madame la ministre, afin de faire baisser le chiffre effroyable des 11 millions d’accidents de la vie courante, le Gouvernement envisage-t-il de faire de la prévention des accidents domestiques une grande cause nationale en 2013 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Monsieur le député, vos préoccupations sont totalement légitimes, et le Gouvernement les partage d’ores et déjà de manière très concrète. Ce sont en effet 20 000 décès par an qui sont dus à des accidents de la vie courante, et trois de ces décès sur quatre touchent des personnes de plus de soixante ans. Chaque année, deux millions de personnes âgées font des chutes, qui provoquent ou accélèrent souvent une perte d’autonomie.

La cause la plus fréquente est une mauvaise adaptation de l’habitat. C’est pourquoi notre projet de loi d’accompagnement de l’avancée en âge comportera un volet « adaptation » qui prévoira de manière très concrète l’adaptation de 80 000 logements et, de même, facilitera grandement l’accès au diagnostic habitationnel et aux financements.

Bien souvent, ces accidents sont aussi le fait de problèmes de santé : déficit sensoriel, mauvais repérage dans l’espace, déficit de motricité… Aussi, notre loi comportera également un volet « prévention », car il est très important de prévenir pour mieux agir.

D’ores et déjà, les acteurs locaux, en particulier dans les départements, sont très engagés sur cette prévention.

Vous le voyez, nous sommes très concrètement impliqués sur ce dossier, et si la décision d’une grande cause nationale n’est pas prise, c’est qu’elle serait difficile à mettre en œuvre…

M. le président. Merci, madame la ministre.

Compétitivité

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé hier des mesures en faveur de la compétitivité pour 20 milliards d’euros. Nous saluons cette lucidité nouvelle. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Bruno Le Roux. Elle n’est pas nouvelle !

Plusieurs députés du groupe SRC. Dix ans ! Dix ans !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Oui, les entreprises ont un problème de compétitivité. Oui, des allègements de charges sont nécessaires. Mais, chez vous, c’est un virage à 180 degrés ! (Mêmes mouvements.)

François Hollande, Président de la République, disait qu’il n’y avait pas de problème de coût du travail et vous-même, au mois de juillet, avez supprimé la TVA anti-délocalisation qu’avait faite Nicolas Sarkozy. (Mêmes mouvements.)

François Hollande, Président de la République, affirmait que la hausse de la TVA était inopportune et vous-même, dans un débat sur France 2 au mois de septembre, me disiez les yeux dans les yeux (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) que vous n’augmenteriez pas la TVA. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, il n’y a pas de honte à reconnaître que l’on s’est trompé, mais il faut aller au bout du chemin. Votre politique est incohérente. Vous reprenez d’une main, avec des impôts nouveaux, les milliards d’euros que vous donnez de l’autre aux entreprises avec des allégements de charges.

M. Bruno Le Roux. Ridicule !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Votre politique est illisible car vous remplacez des allégements de charges simples par une usine à gaz complexe de crédits d’impôt qu’il faudra calculer tous les ans. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Décidément, vos reniements coûtent à votre majorité. C’est son problème. Mais ils risquent aussi de coûter à la France,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Dix ans ! Dix ans !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. …et là c’est notre problème, parce que c’est le problème des Français ! Pour ne pas faire exactement comme Nicolas Sarkozy, vous allez faire plus complexe, moins rapide, donc moins efficace. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Monsieur le Premier ministre, aurez-vous le courage d’aller au bout du chemin, comme sur le traité européen, c’est-à-dire de rétablir la TVA anti-délocalisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bruno Le Roux. Ridicule !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la députée, je reconnais votre profond respect des autres, la mansuétude, l’élégance qui vous caractérisent toujours : pour tout dire, un certain sectarisme ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Guy Geoffroy. Tartuffe !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je garde le même sourire qu’hier. Vous êtes en train de nous reprocher de faire ce que vous n’avez pas fait et de réparer ce que vous avez abîmé, c’est-à-dire la compétitivité de l’économie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Car le rapport Gallois, c’est avant tout la mise en accusation de dix années de gestion de ce pays par la droite, qui ont vu la compétitivité reculer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous parlez, ensuite, de la TVA. Imaginons une seconde que Nicolas Sarkozy ait été réélu. Nous sommes en novembre 2012 : depuis le 1er octobre, les Français paieraient 1,6 point de TVA de plus pour le taux normal. Nous avons supprimé cette hausse et nous avons eu raison : nous respectons leur pouvoir d’achat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Ce que nous faisons est quelque chose de totalement différent, et vous le savez. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) D’abord, il n’y aura pas de hausse de la TVA en 2013 : la mesure du crédit d’impôt sera efficace tout de suite, mais le financement se fera sur 2014.

En outre, nous allons agir de manière ciblée, modulée, en n’augmentant que de 0,4 point le taux normal et en diminuant de 0,5 point le taux réduit, celui qui concerne les couches populaires, notamment leur alimentation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Madame la députée, l’incohérence est de votre côté. Nous faisons ce que vous n’avez pas fait, nous faisons mieux que vous ; les Français le savent, et ils salueront cette cohérence car c’est celle de la réussite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Autorité de sûreté nucléaire

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe écologiste. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Baupin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie.

Vous le savez, madame la ministre, notre groupe est très préoccupé par la sûreté nucléaire. (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues ! Ça va, M. Baupin a compris. Maintenant, vous écoutez !

M. Denis Baupin. Il y a un an, je suis allé à Fukushima. Ce que j’y ai vu, je ne l’oublierai jamais. Dans les yeux des habitants, l’angoisse face au poison, invisible, présent partout : dans l’air, dans l’eau, dans l’alimentation. L’angoisse des parents pour la santé de leurs enfants, leur croissance, leur capacité à avoir des enfants plus tard. L’angoisse des agriculteurs dont la terre, le bétail, l’outil de travail est inéluctablement ruiné !

Après l’accident nucléaire, les conséquences dépassent ce qui est humainement et moralement acceptable. (Les huées sur les bancs du groupe UMP couvrent la voix de l’orateur.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons réglé ce problème hier en Conférence des présidents. (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Maintenant, c’est M. Baupin qui a la parole. Veuillez poursuivre, cher collègue.

M. Denis Baupin. Une zone grande comme la Belgique, trois fois la Corse, est contaminée et inhabitable. Les conséquences sur la santé se répercuteront de génération en génération.

Depuis Fukushima, l’Autorité de sûreté nucléaire française reconnaît enfin qu’une catastrophe d’une telle ampleur est possible dans notre pays, contrairement à ce qui était prétendu jusque-là. Cela nous conforte dans l’idée que, en matière de sûreté nucléaire, ce qui doit prévaloir, c’est la tolérance zéro.

Hier, les commissions des deux chambres parlementaires ont validé le candidat proposé par le Gouvernement pour diriger dorénavant l’ASN. Notre groupe a choisi de ne pas voter pour cette proposition. Non pas que le candidat soit incompétent, mais parce que depuis toujours, nous dénonçons la consanguinité au sein des instances nucléaires, la prévalence, partout, du Corps des mines. Ce sont là des obstacles à l’indépendance de l’Agence, et à sa capacité d’imposer une véritable culture de la sûreté au sein des entreprises nucléaires. L’expérience de l’ASN japonaise nous donne raison. Les preuves en sont : le nombre d’avis de l’ASN non respectés, la dérive de la sous-traitance, les incidents qui se multiplient, sans que jamais elle ne prenne de sanctions.

Il faut donner un coup d’arrêt à cette dégradation continue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Herbillon. Le scrutin est clos !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, j’ai bien entendu votre question (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui porte sur un sujet sérieux. L’Autorité de sûreté nucléaire est une autorité indépendante qui contrôle la sûreté des installations nucléaires, et elle joue en effet un rôle majeur, en particulier dans le contexte qui fait suite à la catastrophe de Fukushima dont vous avez rappelé les conséquences. Puisque vous m’en donnez l’occasion, je rends hommage à André-Claude Lacoste, dont le mandat à la tête de l’ASN arrive à échéance le 12 novembre prochain. Il a montré dans ses fonctions une détermination totale pour faire primer la sûreté nucléaire sur toute autre considération et pour imposer les prescriptions de l’ASN aux opérateurs. Il a fait preuve d’une autorité morale et technique qui fait référence partout dans le monde. Je voulais lui rendre hommage (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC), en particulier pour le travail qu’il a fait pour les évaluations complémentaires de sûreté à la suite de la catastrophe de Fukushima.

Pierre-Franck Chevet est le meilleur choix pour lui succéder. C’est un grand serviteur de l’État. Il a travaillé neuf ans aux côtés d’André-Claude Lacoste ; il a exercé, dans le cadre de ses fonctions à la tête de la DGEC, la tutelle de l’État sur les opérateurs de l’énergie. Et je tiens à remercier le Parlement de la confiance qui lui a été accordée dans le cadre de la procédure prévue à l’article 13 de notre Constitution. Le choix du nouveau président de l’ASN, c’est le choix de l’intérêt général, c’est le choix de la sûreté, c’est le choix de l’intérêt de la France et aussi celui d’une autorité de sûreté qui doit rester une référence partout dans le monde. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Débats de société

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Leonetti. Je voudrais, monsieur le Premier ministre, poser ma question calmement et j’espère que j’aurai une réponse de votre part qui sera de même type. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

Je vous demande d’ouvrir le débat public sur les sujets de société sur lesquels vous vous êtes engagé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Sur la fin de vie, vous envisagez de dépénaliser l’euthanasie. Sur la citoyenneté, vous envisagez le droit de vote des étrangers. Enfin, sur la famille, vous envisagez d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels.

Ces sujets, vous le savez, sont graves, complexes. Ils engagent l’intime de chacun d’entre nous et aussi une société dans sa globalité, ainsi que nos valeurs et notre avenir commun. Il me semble donc qu’ils n’appartiennent ni aux experts, ni aux politiques, mais au peuple français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.).

Mme Catherine Vautrin. Eh oui !

M. Jean Leonetti. Ces sujets, vous le savez aussi, monsieur le Premier ministre, sont essentiels mais ils ne sont pas urgents. Je vous demande de vous donner le temps de la démocratie, de vous donner le temps du dialogue, de vous donner le temps de la concertation pour éviter à la fois les amalgames et les caricatures. C’est ce que nous avions fait pour les lois bioéthiques. Nous avions associé l’opposition – Alain Claeys peut en témoigner – à l’ouverture d’un débat démocratique. Et, de manière apaisée, nous avons fait des choix, mais précédés par la pédagogie et le dialogue.

M. Jean-Marie Le Guen. Quels choix ? Il n’y en n’a pas eu !

M. Jean Leonetti. Monsieur le Premier ministre, ces sujets méritent plus qu’une décision à la va-vite.

M. Claude Goasguen. Très juste !

M. Jean Leonetti. Ils méritent une concertation élargie et un débat public organisé. Organisez-le. La loi le permet aujourd’hui, nous l’avons votée ensemble et à votre demande. Ce qui était possible hier, pourquoi ne le serait-il pas aujourd’hui ? Monsieur le Premier ministre, auriez-vous peur du peuple français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Leonetti, vous avez souhaité un échange dans le calme et la sérénité sur des questions difficiles, qui peuvent diviser. Mais vous ne terminez pas votre question comme vous l’avez commencée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Herbillon. Répondez à la question !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je n’ai pas peur du peuple français. Je respecte le peuple français, et d’autant mieux qu’il s’est prononcé le 6 mai dernier (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP) et qu’il a élu un Président de la République qui, dans sa manière de faire campagne, a eu un respect profond du peuple français, puisqu’il a proposé aux citoyennes et aux citoyens, dans la clarté, soixante engagements.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et vos engagements sur la TVA ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La majorité parlementaire a été élue, un mois après, pour donner au Président les moyens de les mettre en œuvre, et c’est montrer du respect au peuple français que de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Au-delà de ce simple rappel démocratique, j’ai noté que vous évoquez plusieurs projets de loi, qui peuvent diviser, faire débat, et de tels débats sont respectables.

M. Bernard Deflesselles. Alors faisons-les !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous avez parfaitement raison sur ce point, monsieur Leonetti, de souhaiter le dialogue le plus approfondi possible, et c’est la vocation du Parlement, il est là pour cela. Le Gouvernement souhaite, et je crois que tous les parlementaires le souhaitent également, prendre le temps nécessaire pour que vous et vos collègues alliez jusqu’au bout du débat sur les textes présentés par le Gouvernement,…

M. Christian Jacob et Mme Catherine Vautrin. Il faut une commission spéciale !

M. Guy Geoffroy. C’est la règle !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …et pour qu’ensuite, souverainement, l’Assemblée nationale se prononce.

S’agissant des trois projets de loi que vous avez évoqués, l’un, le mariage de couples d’un même sexe, a fait l’objet ce matin d’une décision du Conseil des ministres. Le Gouvernement souhaite que le travail d’audition se fasse autant que nécessaire. Je sais que les rapporteurs et les responsables qui vont porter ce projet dans la majorité le souhaitent également, et le feront.

M. Guy Geoffroy. Faites une commission spéciale !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous avez aussi évoqué la fin de vie. Vous êtes bien placé pour en parler, monsieur Leonetti, puisque vous avez présenté un projet de réforme à ce sujet. Je sais le travail que vous avez fait, un travail d’écoute et de dialogue dont je vous remercie, et auquel nous avons participé. Nous nous sommes même parfois retrouvés avec vous dans un même vote. Le Président de la République, sur ce sujet difficile mais qui est une préoccupation légitime des Français et qui a fait, lui aussi, l’objet d’un engagement, a désigné le professeur Sicard pour engager toutes les réflexions nécessaires avant que le Gouvernement se saisisse d’un projet de loi et le propose au Parlement. C’est bien là le respect du dialogue, le respect du débat.

S’agissant du droit de vote des étrangers aux élections locales, on sait qu’il faut une réforme de la Constitution, laquelle requiert une majorité que la gauche n’a pas à elle seule. J’ai donc préconisé, là aussi, le dialogue pour rechercher des convergences afin que nous puissions aboutir également sur ce sujet. Tel est l’état d’esprit du Gouvernement : on ne change pas en profondeur la société sans chercher à rassembler. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Michel Herbillon. Vous ne rassemblez pas, vous divisez !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député, vous l’avez prouvé vous-même puisque, lorsque vous avez fait vos premières propositions concernant le droit de terminer sa vie dans la dignité, vous n’étiez pas sur la même position, mais vous avez dialogué. Au début, vous n’étiez pas d’accord avec tout le monde, et vous avez fait progresser le débat. Mais moi, je suis ici, en tant que chef du Gouvernement, garant des engagements pris devant les Français. Ma responsabilité, je dirai même mon devoir, est d’être garant du respect du vote des Français, dans le respect des droits et de la diversité des opinions, mais d’abord dans le respect du vote des citoyens de la République française. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Droits de plantation viticoles

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Plisson. À ma question qui s’adresse à M. le ministre de l’agriculture s’associent Catherine Quéré et les députés SRC des territoires viticoles.

Monsieur le ministre, l’Europe des terroirs manifeste en ce moment à Bruxelles, à l’appel de l’Assemblée des régions européennes viticoles, pour dire non à la libéralisation des droits de plantation.

Ce sujet doit faire consensus dans cet hémicycle car ce combat est vital pour la viticulture française.

Je me garderai donc de vous rappeler que Michel Barnier, alors ministre de l’agriculture du gouvernement Fillon, a approuvé cette catastrophique mesure au Conseil des ministres européens en 2008.

Je ne ferai pas non plus le procès du libéralisme, ce dogme européen de la concurrence libre et non faussée qui a ainsi imposé à la France de démolir ses services publics.

Je me garderai enfin de critiquer le fonctionnement des institutions européennes où les deux tiers des députés du Parlement se sont prononcés pour l’abrogation de cette libéralisation sans faire bouger quoi que ce soit au niveau d’une Commission aux pouvoirs exorbitants.

Je vous répéterai simplement ce que j’ai dit en mars aux parlementaires européens à Bruxelles : cette disposition qui, si elle était appliquée en 2016, permettrait de planter des vignes à peu près n’importe comment et n’importe où, signerait l’arrêt de mort de notre viticulture. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Les cadastres viticoles, patiemment établis sur des paramètres de qualité de terroir, d’exposition et de maîtrise des surfaces, deviendraient obsolètes. Peut-on imaginer qu’à l’identique on supprime les plans locaux d’urbanisme et que chacun construise où bon lui semble ? La liberté, ce n’est pas l’anarchie, c’est l’acceptation de règles communes qui garantissent le mieux vivre ensemble. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Comme nous refusons que l’appellation de château soit récupérée et galvaudée, nous nous opposons avec force et détermination à cette mesure de libéralisation des droits de plantation. L’enjeu est économique, mais peut-être plus encore patrimonial et culturel.

Monsieur le ministre, où en est l’action de la France en ce domaine et pouvez-vous nous rassurer quant à une issue favorable pour notre viticulture française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, sur de nombreux bancs des groupes écologiste et RRDP et sur plusieurs bancs des groupes UMP, UDI et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet à plusieurs reprises et je voudrais dire à la représentation nationale où nous en sommes aujourd’hui.

Premièrement, le Parlement européen a voté à une large majorité pour revenir sur cette décision. C’est un point d’appui essentiel.

Deuxièmement, à partir de là, le Gouvernement a cherché des alliés et des alliances afin de revenir sur une décision prise en 2008 dans le cadre du bilan de santé de la politique agricole commune, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Il faut maintenant revenir sur cette décision. La France a proposé une plateforme s’appuyant sur l’idée simple d’un retour aux droits de plantation, et s’appliquant non seulement aux vins d’appellation d’origine contrôlée et d’indication géographique protégée, mais aussi aux vins de tables.

Cette plateforme a été signée dès le départ par quatre grands pays : l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne. Aujourd’hui, les signataires sont au nombre de douze, le dernier en date étant la Roumanie dont j’ai rencontré le ministre hier. Sur la base de cette plateforme, ces douze pays engageront maintenant une demande claire à la Commission pour que le groupe de haut niveau qui a été mis en place revienne – c’est votre souhait et le mien – sur cette décision qui a été prise sous présidence française en 2008. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

TVA

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré, le 23 septembre 2012 à Mediapart, en réponse à la question de savoir si la TVA pourrait être relevée dans le cadre de la future réforme du financement de la protection sociale : « Non, c’est une invention pure et simple. On vient de supprimer la TVA Sarkozy en juillet au Parlement, ce n’est pas pour la remettre en place. » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Certains pourraient ironiser sur la transformation du concept de TVA sociale en « TVA socialiste », comme le fait aujourd’hui un hebdomadaire satirique bien connu, mais ce n’est pas le cas des membres du groupe UDI, qui se réjouissent au contraire que le Gouvernement se soit rallié à une idée défendue depuis de très nombreuses années par les centristes pour améliorer la compétitivité des entreprises de notre pays et l’emploi.

L’urgence de mesures en faveur de la compétitivité des entreprises françaises est d’autant plus forte que les prévisions économiques d’automne de la Commission européenne publiées aujourd’hui montrent que le taux de croissance français sera de moitié moindre – hélas ! – que celui que vous avez retenu dans le projet de loi de finances : 0,4 % en 2013 contre 0,8 % dans vos prévisions, 1,2 % en 2014 contre 2 % dans vos prévisions.

Cependant, le faible relèvement du taux normal – 0,4 point, soit de 19,6 % à 20 % – et le fort relèvement du taux intermédiaire – 3 points, soit de 7 % à 10 % – font problème. En effet, le taux intermédiaire concerne principalement des activités de main-d’œuvre comme la restauration et les travaux dans les logements notamment sociaux, tandis que le taux normal frappe beaucoup de produits importés.

D’ailleurs, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment comme la Fédération française du bâtiment estiment qu’un relèvement aussi massif du taux intermédiaire va entraîner une perte de 18 000 emplois en 2014 venant s’ajouter à la perte de 20 000 emplois en 2013. Quant aux organisations professionnelles de la restauration, elles estiment à 30 000 emplois perdus la conséquence d’un relèvement aussi brutal.

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Charles de Courson. Monsieur le Premier ministre, pourquoi avez-vous fait ce choix d’une hausse massive du taux intermédiaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, je vous remercie de m’interroger sur le financement d’un effort national qui porte sur 20 milliards d’euros….

M. Guy Geoffroy et M. Christian Jacob. Où est votre marinière ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. …au bénéfice de notre tissu industriel. Comme l’a signalé Louis Gallois dans le rapport si important qu’il vient de rendre, notre tissu industriel souffre de difficultés graves, préoccupantes, et il est en cours de décrochage.

C’est un effort national considérable et je voudrais que vous observiez vous-même et que vous fassiez observer autour de vous que les choix du Gouvernement consistent en un paquet diversifié, en un ensemble composite. Pour l’essentiel, il s’agit d’une diminution de dépenses publiques.

M. Guillaume Larrivé. Lesquelles ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Cet effort va concerner tout le monde, notamment ici. Deuxièmement, les mesures de fiscalité écologique vont nous demander de faire preuve d’intelligence collective. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Enfin, nous faisons en effet appel de façon homéopathique – ou modérée pour reprendre le terme de M. Chérèque et d’autres – à la TVA. (Mêmes mouvements.)

Vous observerez que nous diminuons le taux de TVA sur les produits de première nécessité, tels que – excusez du peu – l’alimentation et l’énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous augmentons très modérément, de 0,4 point, le taux le plus élevé. C’est sur le taux intermédiaire que nous demandons un effort aux Français.

M. Guy Geoffroy. C’est justement ce qu’il ne fallait pas faire !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Aux entreprises du bâtiment et de la restauration qui exprimeraient une crainte, nous répondons qu’elles vont bénéficier du crédit d’impôt et vont donc pouvoir se trouver dans une situation que nous estimons neutre.

M. Christian Jacob. Que connaissez-vous aux entreprises ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous avons donc travaillé à une mesure modérée pour financer un effort national considérable et historique dans la situation que traverse notre pays sur le plan industriel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Malus automobile

M. le président. La parole est à M. Marcel Bonnot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marcel Bonnot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances. J’y associe mon collègue Bernard Gérard.

Monsieur le ministre, dans votre projet de loi de finances pour 2013, le malus automobile connaît une inflation singulière : il double ! Il s’agit d’une taxe qui s’applique lors de l’acquisition des véhicules, notamment neufs, catégorie par catégorie, en fonction de leurs rejets en CO2 par kilomètre. Alors que nos constructeurs ont fait d’indéniables efforts dans ce domaine, le doublement de ce malus est pour le moins paradoxal.

Cette augmentation a un impact sur l’acquéreur – et il s’agit souvent d’une clientèle modeste –, pour qui cette taxe a un caractère dissuasif. Elle pénalise aussi fortement nos constructeurs, qui sont dans l’état de crise que nous connaissons, car ce dispositif touche l’essentiel de leur production. Hier, à l’issue de la remise du rapport Gallois, le Président de la République a opéré un virage : il se retrouve aux antipodes du discours qui était le sien pendant la campagne présidentielle. Le Gouvernement s’est rendu compte que le fait économique était têtu, rebelle à toute vue idéologique.

Monsieur le ministre, je n’oublie pas qu’hier vous étiez député de la région de Montbéliard, creuset de l’automobile – région que nous partagions. Vous exerciez aussi la responsabilité de président de la communauté d’agglomération du pays de Montbéliard.

M. Michel Herbillon. C’est un cumulard !

M. Marcel Bonnot. La problématique automobile était votre quotidien. Alors, monsieur le ministre, ne l’oubliez pas. Rassurez la représentation nationale. Dites-nous que le malus automobile restera au taux actuel, dans l’intérêt bien compris de tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, c’est moi qui vous réponds, puisque j’ai eu l’honneur de présenter le plan du Gouvernement en faveur de l’automobile. Vous en avez compris la philosophie, qui consiste à amener à la fois les constructeurs et les consommateurs à modifier leurs comportements, à aller vers des véhicules dont la motorisation thermique est de plus en plus économe en CO2.

Les nouveaux bonus du plan automobile concernent 20 % du marché. C’est un domaine dans lequel la France excelle que celui des économies de CO2 dans les moteurs thermiques, et elle a là un avantage comparatif mondial : la moyenne européenne est à environ 137 grammes par kilomètre, la moyenne allemande à 145 et nous devons nous situer autour de 125. C’est une force, nous voulons la développer. Et nous poussons également les consommateurs et les constructeurs à passer ensuite de ces moteurs thermiques de bonne qualité à des véhicules hybrides et électriques.

Cette remontée dans la chaîne écologique est un avantage industriel que nous voulons pousser dans le secteur automobile français. La contrepartie, c’est qu’il y a des malus. L’Assemblée nationale a eu un débat sur cette question, qui a d’ailleurs fait apparaître entre la majorité et le Gouvernement des divergences, lesquelles ont été tranchées par un vote. L’affaire revient devant le Sénat, et il sera peut-être encore temps d’évoluer. En tout état de cause, le malus est nécessaire pour justifier et pour financer le bonus, dans le cadre de cette politique d’écologisation pour une voiture propre, populaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et accessible à tous ceux dont les revenus ne leur permettent pas d’acheter de grosses voitures. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Réforme des rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, la réforme des rythmes scolaires, avec le retour à une semaine de quatre jours et demi de classe, semble faire partie de vos priorités. Je n’ai pas la compétence suffisante pour savoir si neuf demi-journées hebdomadaires sont préférables à huit, du point de vue tant de l’épanouissement de l’enfant que de l’acquisition des connaissances. En revanche, à l’heure où la réduction des dépenses publiques est, semble-t-il, un impératif partagé par tous, je m’interroge, non pas en tant que père, mais en tant que maire, sur l’impact d’une telle réforme sur les finances des collectivités locales.

En effet, cette demi-journée de classe supplémentaire risque de peser lourd dans le budget des communes et des départements. Pour les premières, au-delà du coût d’entretien supplémentaire, cela représente plus de dépenses pour le temps périscolaire – je pense bien sûr à la cantine, aux garderies ou encore aux animations de loisirs. Pour les départements qui financent le transport scolaire – je pense notamment aux départements ruraux – et qui ont déjà du mal à boucler leur budget, c’est un nouveau coup de massue qui s’annonce sur le plan financier.

Le journal Les Échos, dans un article récent, faisait état d’une estimation du coût de cette réforme : 50 euros par an et par enfant. Il suffit de multiplier ce chiffre par 6,5 millions d’écoliers en France pour comprendre que cette réforme, aussi judicieuse soit-elle sur le plan pédagogique, interpelle les gestionnaires des budgets locaux.

Ma question, monsieur le ministre, est donc extrêmement simple : êtes-vous conscient de cet impact budgétaire pour les collectivités et, si oui, des compensations de l’État sont-elles prévues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, il y a une exception française qui pénalise fortement nos élèves – et je vous remercie, à cet égard, de l’humilité avec laquelle vous avez posé votre question –, puisque nous sommes le seul pays du monde, depuis 2008, qui n’accorde que 144 jours de classe à ses enfants. Et nous nous plaignons que le niveau baisse, ce que confirment la plupart des évaluations internationales et nationales… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Dans les pays de l’OCDE, la moyenne est de 187 jours. Une commission de votre assemblée a voté à l’unanimité, il y a deux ans, un rapport concluant qu’il fallait revenir sur la semaine de quatre jours. L’Académie de médecine ne cesse de le dire, et le gouvernement précédent avait d’ailleurs organisé une grande consultation, qui a abouti à un consensus en faveur d’un retour à une semaine plus équilibrée.

Dans le fond, si l’intérêt des élèves est l’intérêt de la France, il y a trois grandes réformes à faire : celle-ci, celle de la formation des maîtres et celle de la priorité donnée au primaire. Je crois qu’autour de ces réformes, on peut créer un grand rassemblement. Vous me demandez si je suis conscient que cela suppose un effort de la part des collectivités locales. Bien entendu, le Gouvernement est conscient que cet effort est nécessaire. C’est un effort pour l’État, c’est un effort pour les personnels, c’est un effort pour les familles, c’est un effort pour les collectivités locales – c’est d’ailleurs pour cela que je les ai reçues à plusieurs reprises, et que je les recevrai encore lundi prochain.

Nous avons à agir dans l’intérêt des enfants de France. Nous avons à agir dans l’intérêt de la France. Nous avons à agir, parce qu’il faut du temps pour enseigner et du temps pour apprendre. L’avenir et la réussite de notre pays passent par là. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Financement du programme Erasmus

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Claudine Schmid. Cette question s’adresse à M. le Premier ministre.

Erasmus, programme emblématique s’il en est un, n’a plus les ressources pour perdurer car, depuis le mois d’octobre, le Fonds social européen est en cessation de paiements. Aujourd’hui, Erasmus est donc en sursis. Si le manque de financement devait persister, les bourses ne seront plus versées aux étudiants à compter du second semestre de l’année 2013. La mobilité des étudiants d’Europe pourrait ainsi connaître un brusque arrêt.

Bruxelles a dû récemment demander 180 millions d’euros aux États membres pour maintenir Erasmus en 2012, et, pour 2013, rien n’est assuré. L’Europe n’est même pas en mesure de rembourser les États, dont la France, qui réclame, à elle seule, 3 millions d’euros pour les bourses des étudiants.

Le 23 octobre dernier, la Commission européenne a présenté un budget rectificatif pour 2012 dans lequel elle demandait 9 milliards d’euros supplémentaires pour continuer à honorer ses engagements. Cela est de mauvais augure pour l’approbation du budget 2013 de l’Union européenne, et le sommet européen du 22 novembre prochain promet de vifs débats à propos du cadre budgétaire pluriannuel 2014-2020.

Pour sauvegarder le programme Erasmus, auquel il manque aujourd’hui encore 90 millions d’euros, les États, à commencer par la France, doivent assurer son financement. Or, la France refuse à ce jour de financer le budget présenté par la Commission européenne pour l’année 2013. Cela va à l’encontre, monsieur le Premier ministre, du soutien que vous avez exprimé, ici même, le 2 octobre dernier, au programme Erasmus.

C’est donc avec inquiétude que je perçois cette situation alarmante. Voulez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, quelle est votre position sur la poursuite du programme ? Que comptez-vous faire pour le maintenir ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Madame la députée, je vous remercie beaucoup pour votre question. Votre inquiétude est tout à fait légitime. Je regrette simplement qu’elle s’exprime si tardivement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Effectivement, il y a un petit problème de crédits de paiement pour le programme Erasmus. Il résulte tout simplement du fait que, à l’occasion du Conseil européen de 2011, où la France était représentée par le précédent Président de la République, Nicolas Sarkozy, l’Union européenne, avec le soutien de la France, a totalement et volontairement sous-estimé le niveau des crédits de paiement nécessaire au financement du projet Erasmus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Elle les a dramatiquement sous-estimés mais, à ce moment-là, aucune question n’est venue des bancs de l’opposition d’aujourd’hui pour interpeller le gouvernement de l’époque sur les raisons pour lesquelles il avait procédé ainsi. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Il y en a eu plusieurs !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez donc raison d’être inquiète. Nous nous trouvons désormais dans une situation dans laquelle il y a un écart considérable entre le niveau des autorisations de paiement nécessaires au financement de ce programme et celui des crédits de paiement mobilisés. Vous avez évoqué le montant de 90 millions d’euros pour le projet Erasmus. Si l’on y ajoute la formation tout au long de la vie, cela fait 180 millions d’euros. Si l’on tient compte de l’ensemble des moyens qui ont été sous-budgétisés, cela fait 9 milliards d’euros.

Je veux vous rassurer, madame la députée : nous n’avons pas du tout l’intention de procéder dans les années qui viennent comme vous l’avez fait au cours des années précédentes, en suscitant l’inquiétude que vous éprouvez aujourd’hui.

Qu’allons-nous faire ? S’agissant de l’année 2013, un Conseil européen se tient dans quelques jours : ce sera l’occasion de traiter de cette question. Je veux vous assurer que la France est déterminée à faire en sorte que les 270 000 étudiants qui bénéficient des bourses Erasmus aient la garantie que ces bourses seront bien payées.

Concernant les perspectives budgétaires pour 2014-2020, je veux également vous assurer que nous entendons, en dotant convenablement le budget de l’Union européenne – contrairement à ce que vous proposiez de faire, puisque vous envisagiez 200 milliards d’euros de coupes – créer les conditions pour que ces bourses puissent être financées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Formation des maîtres

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Monsieur le ministre, la formation des maîtres est au cœur de la refondation de l’école qui est votre chantier prioritaire. Vous venez d’ailleurs de le rappeler à l’instant.

La création d’emplois, engagement fort du Président de la République, est, quant à elle, en bonne voie. Le discours que vous tenez sur les valeurs de l’école de la République est également à saluer. Il tient compte de la position singulière du service public de l’éducation, qui est l’unique lieu de formation des futurs citoyens.

Or, la formation des maîtres est un élément central de ce service public rénové. D’elle, en effet, dépendent la qualité de notre système éducatif mais aussi la motivation et, si je puis ainsi m’exprimer, le moral des enseignants.

Nous sommes ici un peu à la croisée des chemins. La loi Fillon de 2005 a, à juste titre, mis fin au dispositif des IUFM dont le bilan, vous l’aviez dit, monsieur le ministre, était pour le moins contrasté. Il reste cependant incompréhensible que la majorité qui nous a précédés n’ait rien prévu pour le remplacer.

Je vous demande donc, premièrement, monsieur le ministre, si, dans les orientations qui seront fixées à la suite de la concertation sur la refondation de l’école, vous entendez faire place au tutorat systématique des jeunes enseignants. Le cas échéant, quelle forme prendra-t-il ? Ensuite, quelle place entendez-vous faire aux savoirs disciplinaires, notamment pour les professeurs des écoles qui enseigneront des disciplines absentes des masters dont ils seront titulaires ? Enfin, estimez-vous utile de rénover les sciences de l’éducation ? Elles reposent aujourd’hui, en France, sur des dogmes pédagogistes qui ont démontré leur inefficacité.

M. Julien Aubert. Très bien !

Mme Marie-Françoise Bechtel. L’élève au centre de l’apprentissage des savoirs est un modèle désastreux pour les milieux défavorisés. Je le dis avec d’autant plus de conviction que je suis l’élue d’un département, l’Aisne, dans lequel le taux de réussite éducative est anormalement bas.

Monsieur le ministre, il faudra du courage pour engager une réforme qualitative de la formation des maîtres. Il faudra peut-être aussi du temps, car partir sur de nouvelles bases sera difficile, mais le sujet est trop grave pour ne pas trouver sa place dans votre refondation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Madame la députée, pour faire une grande réforme de l’éducation – ce qui n’a pas été fait depuis longtemps, comme chacun le déplore –, il faut d’abord essayer de se rassembler. Si nous alimentons encore des polémiques, soit d’un point de vue politique, soit à l’intérieur même du monde de l’éducation, entre des « pédagogistes » – je ne les connais pas – et des républicains autoproclamés, nous n’y arriverons pas. C’est ce qui fait que, depuis vingt ans, les enfants sont pris en otages par toutes ces divisions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je crois qu’autour de l’école nous pouvons, nous devons nous rassembler.

Pour répondre aux questions que vous avez posées, oui, c’est une des grandes ambitions de ce gouvernement que de remettre en place une formation des maîtres. Non, nous ne referons ni les écoles normales ni les IUFM. Nous veillerons à remettre en place l’année de stage et, sans doute, ce que vous appelez le tutorat. Dès le budget que nous discuterons ici demain, vous le savez, la majorité, presque la totalité, des moyens supplémentaires consentis par le Président de la République et le Premier ministre iront précisément à la remise en place d’une formation des maîtres. Cela suppose 8 000 postes pour cette année, 8 000 encore pour l’année prochaine.

C’est ce qui justifie aussi 43 000 recrutements, puisque nous recruterons au mois de juin de jeunes enseignants qui ne seront pas mis directement sur le terrain au mois de septembre, mais qui le seront en 2014, en ayant bénéficié, ce sera une première, des écoles supérieures du professorat et de l’éducation pendant un an. Ces jeunes enseignants auront, bien entendu, une décharge de service de neuf heures et pourront se former à la fois à leur discipline, à la didactique de leur discipline et à la pédagogie, qui n’est pas un gros mot. Dans ces écoles aussi, nous réunirons tous les professeurs, ceux qui doivent enseigner en maternelle, ceux qui doivent enseigner à l’université, les professeurs et les éducateurs, parce que nous voulons rassembler dans l’intérêt des élèves. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Entreprises du bâtiment

M. le président. La parole est à M. Fernand Siré, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Fernand Siré. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Sur la question du logement, on l’a vu, vous vous êtes pris les pieds dans le tapis ! Votre projet de loi vient d’être retoqué par le Conseil constitutionnel, et déjà vous voulez le faire repasser, dans la précipitation.

Plus grave encore : hier, vous avez annoncé l’augmentation de la TVA dans le bâtiment, qui passera ainsi de 7 à 10 % ! Par cette annonce vous avez signé hier la fin de 20 000 emplois, majoritairement dans des TPE et des PME, comme l’ont dit les professionnels du secteur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Comment avez-vous calculé cela ?

M. Fernand Siré. Rendez-vous compte : c’est l’équivalent de six fois l’usine d’Aulnay !

Bref, vous faites tout à l’envers ! Alors qu’une vraie TVA anti-délocalisation doit frapper les produits fabriqués à l’étranger, la plus forte hausse de TVA que vous envisagez est réservée aux activités non délocalisables, comme le bâtiment et la restauration ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

L’impact sur le secteur de la restauration est de 10 000 emplois par point de TVA. Trois points de TVA en plus, c’est donc 30 000 emplois !

Vos ministres auront beau faire les plus belles déclarations sur votre action en matière d’artisanat ou de logement, cela ne changera rien au fait que vous n’êtes plus crédible ! François Hollande renie les engagements qu’il avait pris. Lui Président, c’est le reniement permanent ! Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous vous recadrer vous-même, et renoncer à cette mesure injuste et inefficace ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bruno Le Roux. Quel talent !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le député, je crois qu’il est plus qu’exagéré de dire que la question du logement n’est pas une priorité pour le Gouvernement. Au contraire, nous avons pris dès notre arrivée un certain nombre de mesures extrêmement volontaristes en faveur du secteur de la construction et du logement.

M. Bernard Deflesselles. On sait comment ça s’est terminé !

Mme Cécile Duflot, ministre. Le plan en faveur de la rénovation énergétique qui sera bientôt présenté n’a jamais été lancé, et il est absolument nécessaire. Il sera d’autant plus utile qu’il donnera du travail à des milliers d’entreprises, au plus près des territoires, pour rénover des habitations, logement par logement. Pour ce qui concerne les habitations privées, ce plan permettra en particulier à celles et ceux qui souffrent de précarité énergétique de disposer de moyens plus importants pour rénover leur logement.

Vous verrez, puisqu’en la matière, il suffit de juger sur pièces, que tant les engagements en faveur du foncier que ceux en faveur de la construction de logements seront tenus.

Vous avez opportunément évoqué le fait que dans quelques jours nous débattrons à nouveau de cette question essentielle. Nous ne voulons pas donner la priorité au logement uniquement dans le discours, mais aussi dans les actes ! Je serai donc heureuse que vous ayez, cette fois-ci, la chance de voter en faveur du projet de loi sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement social. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Plus précisément, pour ce qui concerne le monde du bâtiment, le problème essentiel est celui de la mise en place des formations adaptées, afin de satisfaire la demande de main-d’œuvre qui découlera du plan de rénovation thermique : …

M. Bernard Deflesselles. Il y a 20 000 emplois qui sont menacés : voilà la réalité ! Ce sont les artisans qui en souffriront !

Mme Cécile Duflot, ministre. …100 000 entreprises devront pouvoir, dans les mois qui viennent, disposer de la certification qui leur permettra de réaliser les travaux nécessaires.

M. Bernard Deflesselles. Cela leur fera une belle jambe !

Mme Cécile Duflot, ministre. Vous verrez au cours de l’année prochaine combien ces moyens permettront d’œuvrer efficacement en faveur de cette priorité qu’est le logement. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

Scolarité à l’étranger

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen

M. Philip Cordery. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger. J’y associe tous les députés des Français de l’étranger qui appartiennent à la majorité.

Comme dans tant d’autres domaines, le bilan dont nous héritons en matière d’enseignement français à l’étranger est calamiteux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Dix ans de droite au pouvoir ont mis en péril notre réseau éducatif à l’étranger, tant envié à travers le monde.

La très coûteuse prise en charge des frais de scolarité, la fameuse PEC, qui a été mise en place par le gouvernement précédent et n’a bénéficié qu’à un très petit nombre de familles, a eu pour conséquence le dérapage des frais de scolarité, l’exclusion des classes moyennes et l’explosion de l’enveloppe des crédits alloués aux bourses. Dix ans de cadeaux à quelques-uns, au mépris de la majorité des Français !

Aujourd’hui, le budget sert en grande partie à payer l’incompétence de la droite. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a fait de l’éducation sa priorité. L’enseignement à l’étranger n’échappe pas à cette règle. Depuis quatre mois, nous tentons de sauver le réseau éducatif, indispensable pour les Français vivant hors de France, qui sont, du fait de l’essor de la mobilité, de plus en plus nombreux. Il est également un vecteur essentiel de la langue et de la culture françaises à travers le monde, et participe directement à la diplomatie d’influence de notre pays.

François Hollande s’est engagé pendant la campagne à supprimer la prise en charge des frais de scolarité : nous l’avons fait l’été dernier. Il s’est engagé à reverser les crédits ainsi dégagés dans le système des bourses : le projet de loi de finances pour 2013 respecte cet engagement. Il s’est engagé à revoir le système pour qu’il soit plus juste, plus lisible et plus équitable : madame la ministre, vous y travaillez.

Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous garantir que le nouveau système de bourses sera plus juste et plus équitable, et qu’il continuera à aider les familles les plus modestes, tout en élargissant le nombre de bénéficiaires ? Quelles mesures pérennes envisagez-vous par ailleurs pour enrayer la hausse des frais de scolarité, pour réformer et diversifier le réseau de l’enseignement français à l’étranger afin de le rendre enfin accessible au plus grand nombre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger. Monsieur le député, je vous remercie pour votre question. Je vous rassure : les engagements du Président de la République en matière d’éducation et de justice sociale seront bien tenus, et ce qui vaut pour les Français de l’hexagone vaut aussi pour les Français établis hors de France.

À mon arrivée, j’ai annoncé une réforme du dispositif d’aide à la scolarité à l’étranger. Les deux premières étapes de cette réforme sont d’ores et déjà accomplies. La première étape était la suppression de la prise en charge des frais de scolarité, que vous avez mentionnée. Cette mesure phare du programme de Nicolas Sarkozy était un cadeau fait aux plus riches, qui nous avait entraînés dans une impasse budgétaire. La seule issue possible était sa suppression. Nous savons aujourd’hui que 90 % des familles qui bénéficiaient de cette aide de l’État n’en avaient pas besoin.

Dans un deuxième temps, nous avons revu les critères d’attribution des bourses, après avoir mené une concertation nourrie au sein de la Commission nationale des bourses. Nous avons voulu que le nouveau système soit plus démocratique et ouvert à davantage de familles : c’est réussi ! Nous avons également voulu qu’il soit plus équitable et tienne mieux compte de la réalité des coûts de la vie locaux : c’est fait ! Enfin, il est plus lisible pour les familles, puisqu’il ne repose que sur les revenus nets, les frais de scolarité et la composition de la famille.

De plus, ce système est compatible avec l’enveloppe budgétaire : il offre une visibilité, absente jusqu’alors, sur le triennum.

Aucun modèle n’est parfait, surtout quand il doit s’appliquer de manière uniforme à l’échelle de la planète. C’est pourquoi je tiens à ce qu’une attention particulière soit portée aux situations individuelles et aux pays où les corrections induites toucheraient brutalement les familles. Des mesures transitoires pourront donc être appliquées. Je compte sur les commissions locales des bourses pour les mettre en œuvre.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault n’a pas peur de prendre des décisions courageuses pour le redressement des finances publiques. Nous le faisons en répondant aux impératifs de justice et d’équité sociale qui animent notre action.

Enfin, je veux vous redire ma détermination à mener jusqu’au bout cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

2

Communication de M. le président

M. le président. Mes chers collègues, avant de suspendre la séance, je vais vous demander quelques instants d’attention.

Je voudrais revenir à l’incident qui a eu lieu hier. À la demande du président Jacob, nous avons réuni la Conférence des présidents pour évoquer la manière dont s’était déroulée la séance d’hier matin. Je pense que, comme l’a indiqué le président Sauvadet, nous avons trouvé les moyens de régler la difficulté rencontrée.

Je profite de cette occasion pour rappeler que la tradition a toujours été, au cours des différentes législatures, et quelle que soit la majorité, de veiller au respect dû à la présidence, qu’elle soit assurée par un député de la majorité ou de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

Je souhaitais rappeler ce mode de fonctionnement nécessaire, surtout lorsqu’un incident a été clos en Conférence des présidents.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, sur le même ton que celui que vous venez d’employer, vous m’obligez à dire ici que l’attitude de notre collègue Denis Baupin, très respectable dans la fonction qui est la sienne (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste)… Cela vous dérange d’écouter ce que je vais vous dire ?

Notre collègue Denis Baupin, disais-je, est très respectable dans la fonction qui est la sienne. Mais la manière dont il a exercé la présidence hier a suscité beaucoup de réactions. Cela vous a d’ailleurs obligé, monsieur le président, à convoquer une Conférence des présidents extraordinaire. Si nous avons eu un débat, c’est parce qu’il y a eu une interprétation qui est allée bien au-delà du cadre du règlement. Aussi, lorsque notre collègue est intervenu tout à l’heure, cela a-t-il suscité un certain nombre de réactions, tout le monde ne partageant pas l’attitude qui a été la sienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Nous pouvons considérer que l’incident est clos, mais nous pouvons aussi continuer à en débattre si vous le souhaitez…

M. le président. Monsieur le président Jacob, c’est justement la raison qui nous a amenés, hier, à tenir cette Conférence des présidents.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le président, je voudrais d’abord saluer la manière dont vous avez voulu régler ce problème.

Les groupes de l’opposition ont souhaité – et je crois que ce souhait est partagé par les groupes de la majorité – avoir des règles du jeu démocratiques, des règles d’expression qui permettent, bien sûr, de respecter le fait majoritaire, mais aussi la capacité de l’opposition, dans le cadre de notre règlement, à travailler sérieusement et à éclairer l’opinion publique sur les positions qu’elle est amenée à prendre.

La question soulevée par le président Jacob était légitime. Vous êtes vous-même convenu qu’il fallait la régler en convoquant la Conférence des présidents. Aujourd’hui, la question est tranchée.

Ce que je souhaite, et je le dis au nom du groupe UDI, c’est qu’il n’y ait pas d’interprétation du règlement liée à la personnalité de tel ou tel collègue en charge de la présidence de séance, mais des règles démocratiques respectées par tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, je voulais vous remercier de cette mise au point et de ce qui n’est qu’un rappel des règles de bon fonctionnement de notre assemblée. D’autant que nous avons hier, par deux fois, réuni la Conférence des présidents, et que par deux fois nous avons évoqué – vous l’aviez fait vous-même, monsieur le président, lors d’une récente séance de questions au Gouvernement – le comportement particulièrement intolérant, incorrect et, pour tout dire, inacceptable, de certains députés de l’opposition qui couvrent systématiquement les propos d’un certain nombre d’intervenants de la majorité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues de l’opposition, vous devriez m’écouter jusqu’au bout. Vous montrez, une fois de plus, votre intolérance ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Laissez parler M. de Rugy !

M. François de Rugy. J’ai siégé pendant cinq ans dans l’opposition. Jamais je n’ai vu une question couverte par un bruit tel que celui qui, aujourd’hui, empêchait quiconque – moi y compris, qui étais tout près de lui – d’entendre ce que disait Denis Baupin. Jamais cela n’est arrivé au cours des précédentes législatures.

C’est un précédent inacceptable pour tous les députés, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous ne devons jamais accepter cela. Chacun doit pouvoir poser sa question en étant entendu de l’ensemble de l’hémicycle. C’est pourquoi j’estime que chacun doit revenir à un comportement beaucoup plus respectueux, en pensant, comme M. le président nous y a souvent invités, à celles et ceux qui, dans la France entière, nous regardent et en ont assez de cette image de cirque que donne parfois notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin. Monsieur le président, je voudrais saluer la hauteur avec laquelle vous vous êtes exprimé pour assurer une présidence que nous apprécions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Une Conférence des présidents a eu lieu et la façon dont vous avez réglé ce problème a montré que notre collègue n’avait pas mal agi.

Nous saluons Denis Baupin et la façon dont il exerce sa fonction. Vous auriez pu, mesdames et messieurs de l’opposition, écouter avec un peu plus de calme la question qu’il posait, car celle-ci, contrairement à vos vociférations, était intéressante ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Projet de loi de finances pour 2013
Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2013 (no 235).

Défense

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la défense (n° 251, annexes 10 et 11 ; no 254, tome IV ; n° 256, tomes II à VII).

La parole est à M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour la préparation de l’avenir.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour la préparation de l’avenir. Monsieur le ministre de la défense, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, rapporteur des programmes 144 et 146, je ne me suis pas opposé, à titre personnel, en commission des finances à l'adoption des crédits de la mission défense. Il en sera de même dans cet hémicycle.

Deux raisons dictent ce choix. D’une part, ce budget de transition que vous nous proposez, monsieur le ministre, est largement dans la continuité de ce qui a été décidé au cours des 5 dernières années. D’autre part, dans le contexte extrêmement difficile où nous nous trouvons, j'estime que la majorité et l'opposition ont mieux à faire que l'éternel sketch du bilan, calamiteux ou mirifique selon les uns ou les autres.

De ce point de vue, monsieur le ministre, je vous invite à vous distinguer encore d'avantage de certains de vos collègues du Gouvernement qui semblent avoir du mal à sortir de ce registre. Autant que la situation de nos armées, votre tempérament et votre compétence reconnue créent, et même imposent, les conditions d'un débat de meilleur niveau.

Je souhaite d'abord décrire brièvement le moment très particulier dans lequel nous sommes et valider votre démarche. J'aborderai ensuite trois thèmes majeurs pour l'avenir de nos armées, en soulignant la nécessité d'innover et de changer en profondeur nos méthodes de travail afin de conserver notre excellence.

En d'autres termes, si la rédaction d'un nouveau Livre blanc est indispensable et nécessaire, la démarche n'est selon moi pas suffisante. Elle doit être poursuivie et complétée par un travail intellectuel et politique permettant d'aboutir à un véritable projet pour notre défense.

Chacun connaît ici l'environnement financier de notre défense, que je rappellerai brièvement. En dépit d'efforts non négligeables, l'écart entre la LPM et les budgets votés se monte à 3 milliards d’euros sur la période 2009-2012 et sera de 5 milliards fin 2013. La trajectoire financière de la loi de programmation, qui prévoyait une hausse de 1 % à partir de 2012, n'apparaît plus tenable. Enfin, si rien ne change, ce sont environ 50 milliards d'euros qui manqueront à l'horizon 2020.

Quasi stable, votre budget privilégie le programme « environnement et prospective de la politique de défense » avec une hausse relativement sensible des moyens alloués à la DGSE ainsi qu'aux études en amont. Quant au programme « équipement des forces », avec un peu plus de 10 milliards d’euros en crédits de paiement, il est quasiment identique à celui de 2012 mais enregistre une baisse sensible des autorisations d'engagement d’un peu plus de 14 %.

Cela se traduit par un important report de commandes, y compris sur des sujets majeurs. Scorpion est en effet le programme phare de l'armée de terre ; quant à la rénovation des Mirage 2000, elle conditionne le format même de l'armée de l'air.

Il s’agit donc d’un budget de transition, car vous proposez d'attendre les résultats d'un Livre blanc actualisé pour faire les choix. La méthode n'est pas contestable. Nul doute que l'ancienne majorité eût fait de même. Cependant, qu'on le reconnaisse ou non, encore plus qu'en 2008, la contrainte budgétaire est aujourd'hui telle qu'il est vraisemblable qu'elle contraigne toute la réflexion.

Mettre les acteurs institutionnels face à la réalité financière s'impose évidemment. Mais il y a peu de chance pour que le positionnement des uns et des autres dans la défense des intérêts de leur structure respective aboutisse naturellement à une stratégie. Il est plus probable que l'on obtienne une réduction homothétique des moyens. Compte tenu du niveau historiquement bas de notre effort de défense, plus proche de 1,5 % du PIB que de 2 %, le risque est grand d'un déclassement de nos armées. Le risque est encore plus grand de maintenir sur le papier des capacités que nous serions en réalité en train de perdre.

Que l'on me comprenne bien : je ne critique pas d'avance le futur Livre blanc, dont je ne connais pas la teneur. J'estime au contraire que c'est une démarche utile après un budget de transition. Mais au point où nous en sommes, le cadrage budgétaire du Livre blanc ne peut constituer à lui seul un projet ambitieux pour nos armées. Pour bâtir ce projet qui nécessitera plus de temps, je souhaiterais que le Livre blanc prévoie dans ses conclusions la mise en place de groupes de travail, moins institutionnels et plus politiques, capables d'ouvrir des voies nouvelles.

Je voudrais, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous convaincre de cette nécessité dans au moins trois domaines essentiels pour l'avenir de notre défense.

Le premier d’entre eux, c'est le nucléaire. Plus que jamais, je crois à l'utilité de maintenir et de moderniser notre force de dissuasion dans ses deux composantes qui sont absolument complémentaires. Mais s'imaginer qu'on puisse le faire sans débat est illusoire. Il y aura un débat pour des raisons budgétaires. Le nucléaire représente aujourd'hui un quart des investissements de défense. Si rien n'est fait, il pèsera plus d'un tiers dans quelques années. Il y aura un débat pour des raisons politiques. C'est ce que nous allons voir dans quelques instants avec l'amendement de suppression déposé par nos collègues écologistes. Il y aura un débat pour des raisons diplomatiques, car bien des États se réjouiraient d'une banalisation du rôle de la France dans le monde.

Autrefois, la ligne Maginot avait figé la doctrine militaire, structuré notre outil de défense et ralenti la modernisation de notre industrie. Évitons que la dissuasion, par son emprise budgétaire et doctrinale, ne devienne la ligne Maginot de ce siècle. Non pas qu'il faille sacrifier notre assurance vie. Mais veillons à procéder aux bons placements pour ne pas dilapider notre capital. Depuis des années, des options sont proposées par quelques spécialistes aux différents Présidents de la République. Une transparence totale serait contradictoire avec le principe même de dissuasion.

Il semblerait néanmoins utile, pour refonder dans la durée notre dissuasion, d'élaborer tout d'abord une trajectoire budgétaire crédible et tenable sur le long terme. Si l'on part du principe du maintien des deux composantes, cela suppose des interrogations fines sur l'utilité des performances recherchées et sur le concept de permanence. C'est la mission qui doit dimensionner l'outil et non l'inverse, comme c'est le cas quand une doctrine se fige.

Refonder la dissuasion, c'est aussi sur le plan diplomatique mutualiser certains équipements avec les Britanniques. À terme, n'est-il pas souhaitable, tant sur le plan budgétaire que stratégique, d'aller plus loin ? Peut-on imaginer une crise nucléaire qui ne concernerait qu'une seule de nos deux nations ?

Au-delà du Livre blanc, il faut donc concevoir des lieux moins confinés qu'aujourd'hui où ces questions essentielles puissent être posées et étudiées sérieusement afin d'éclairer utilement les choix du Président de la République.

Il est un second domaine dans lequel il me semble nécessaire d'aller plus loin que le Livre blanc. Il s'agit de la coopération franco-britannique, que je viens d’évoquer pour le nucléaire. Il faut bien comprendre que cette coopération n'est pas une option parmi d'autres. C'est la seule qui puisse être structurante pour l'avenir, compte tenu à la fois de l'effort financier britannique et d'une conception de la défense proche de la nôtre. Bien sûr, à partir de ce noyau dur, d'autres coopérations seront toujours possibles.

Certes, nous ne partons pas de rien. Le projet nucléaire est ambitieux, l'utilisation de matériels communs rapproche nos deux armées, les exercices récents et les opérations en Libye démontrent notre capacité à agir ensemble, le succès industriel de MBDA est évident et, demain, l'utilisation de l'A-400M et du MRTT nous rapprocheront encore, et après-demain, peut-être, les drones. Tout cela est loin d'être négligeable. Mais l'on voit bien que cela reste encore fragile, notamment sur le plan industriel. Ainsi, si l'ANL ne se fait pas, aucun programme commun concret hormis le nucléaire ne serait développé l'année prochaine.

C'est bien pourquoi l'enjeu de ce programme n'est pas simplement militaire et budgétaire, mais bien stratégique. Des deux côtés de la Manche, le poids des habitudes et des préjugés ainsi que la crainte de la nouveauté ne nous empêchent certes pas de progresser. Mais nous n'avons toujours pas franchi le cap décisif véritablement irréversible.

Pour le faire, je crois que le Livre blanc devrait instaurer un suivi politique beaucoup plus approfondi qu'actuellement. Le risque d'enlisement ne se situe pas au niveau des ministres mais à un niveau technique. Aussi nos assemblées devraient-elles s'impliquer de façon beaucoup plus précise et régulière dans ce domaine. Peut-être faudrait-il aller jusqu'à auditionner les groupes de travail franco-britanniques. En tout cas, il est certain que des méthodes plus volontaristes doivent être mises en place.

Le troisième domaine majeur dans lequel il nous faudra impérativement innover et compléter le travail du Livre blanc, c’est l'industrie.

Jusqu'à présent, le lien entre l'État, plus précisément la DGA, et les industries primaient dans la définition des orientations stratégiques de nos industries de défense. Aujourd'hui, ce lien doit être repensé, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la commande nationale ne suffit plus pour assurer la pérennité de notre outil de défense. On peut être inquiet à l'égard de sociétés totalement dépendantes du ministère de la défense. Ces sociétés doivent s'émanciper. Cela suppose pour certaines une évolution de leur statut social, pour d'autres des rapprochements avec des concurrents d'hier. Je suis préoccupé notamment par le devenir de notre industrie d'armement terrestre. Certes, Renault trucks défense et Panhard ont uni leur destinée. Mais que devient Nexter dans ce paysage fragmenté ?

Ensuite, les exportations sont de plus en plus difficiles en raison de la baisse des commandes européennes et l'émergence de concurrents étrangers particulièrement performants. L'inadéquation des produits aux besoins des États clients est également une source de préoccupation. L'excès de technologie peut devenir un obstacle ; je pense notamment aux frégates. Toutes les marines n'ont pas forcément les ressources humaines en mesure de servir des bâtiments à haute valeur technologique.

Enfin, les principales entreprises d'armement qui réussissent ont diversifié leur activité avec un volet civil devenu pour certaines crucial. Je pense aux PME sous-traitantes mais aussi à DCNS, qui s'appuie sur l'énergie marine pour assurer sa croissance future.

Comme souvent, l'organisation de l'État est en retard par rapport à ces évolutions. Ni les états-majors, ni la DGA, ni les services de Bercy ne sont en mesure de répondre à ces enjeux industriels. Car, aujourd'hui, les industries de défense ont besoin, autant que les industries dites civiles, de l'affirmation d'une véritable politique industrielle nationale. Distinguer la défense des autres domaines, c'est oublier les synergies existantes en matière de recherche et développement, d'exportation, de sous-traitance et de PME. En considérant les industries d'armement comme un sujet à part de la politique industrielle, on les fragilise plus qu'on ne les protège.

Cela s'est vérifié lors de l'attribution des crédits du grand emprunt. Le refus, jusqu'à ce jour, d'accorder le bénéfice du grand emprunt pour le projet de supercalculateur alors qu'il s'agit d'un enjeu stratégique tant pour notre dissuasion que pour les développements civils en matière de recherche et d'industrie est totalement incompréhensible. Or il s'agit d'un secteur où la France reste le seul acteur européen crédible. Il nous faut donc imaginer une nouvelle organisation institutionnelle et sans doute interministérielle intégrant la dimension stratégique dans une politique industrielle ambitieuse. Dans ce nouveau contexte, la possibilité d'exporter, l'acquisition d'une capacité d'excellence, y compris dans le civil, et les enjeux diplomatiques doivent également devenir des critères pour engager ou non un programme d'armement.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je conclurai en insistant sur un point. L’accroissement de la pression budgétaire aggrave la propension de chaque structure à se replier sur elle-même. Cela mène inéluctablement au déclin. La facilité consisterait à masquer la perte des moyens et des capacités par un discours lénifiant. Bâtir un projet fort pour la défense suppose une vision large et un regard neuf sur les missions. Cette vision et ce regard ne pourront émerger qu'en dépassant le seul exercice du Livre blanc. Ils doivent porter notamment sur les trois priorités que j’ai brièvement exposées.

Monsieur le ministre, tant sur la méthode que sur ces projets, quels engagements êtes-vous prêt à prendre devant la représentation nationale ? Et puisqu’il s’agit d’un budget de transition, la manière de gérer celle-ci est importante ; je souhaiterais donc que, lors des explications qui vont suivre, vous fassiez le point sur la fin de l’année budgétaire, qui conditionne évidemment le budget 2013 des armées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour le budget opérationnel de la défense.

M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour le budget opérationnel de la défense. Monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, après une rapide présentation des crédits de la défense dans leur ensemble, je concentrerai mon propos sur les programmes « Préparation et emploi des forces » et « Soutien de la politique de la défense » de la mission, et sur les différents enjeux qu’ils recouvrent, des opérations extérieures à l’entretien des matériels, en passant par les nombreuses réformes que le ministère de la défense met en œuvre depuis plusieurs années.

Les moyens prévus pour la défense pour 2013 sont stables par rapport à 2012, du moins en crédits de paiement. Ils atteignent en effet 38,16 milliards d’euros alors que les autorisations d’engagement connaissent une légère baisse, de 3,3 %, pour s’établir à 38,64 milliards d’euros. S’y ajoute 1,27 milliard d’euros de ressources dites exceptionnelles, issues pour l’essentiel des cessions de bandes de fréquences libérées par le ministère.

La reconduction des moyens inscrits en 2012 ne signifie pas pour autant que la défense ne prend pas part aux efforts d’économies réalisés cette année afin de redresser nos finances publiques. La dotation pour 2013 est en effet inférieure à celle qui était prévue en loi de programmation militaire de près de 2 milliards d’euros, ce qui se traduit notamment par le décalage de commandes d’équipements. Sans esprit polémique, je relève que déjà en 2012 le budget était nettement en deçà de l’annuité prévue par la loi de programmation, et qu’au total, entre 2009 et 2012, 3 milliards d’euros manquent par rapport aux prévisions.

Il est donc clair que la trajectoire de la loi de programmation, qui prévoyait une augmentation des moyens de 1 % à partir de 2012, est bien trop optimiste. Elle n’est pas soutenable financièrement, compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur notre pays.

C’est pour tenir compte de cette nouvelle donne budgétaire, mais aussi des importantes évolutions du contexte stratégique international, que le Président de la République a demandé la rédaction d’un nouveau Livre blanc. L’année prochaine, une loi de programmation militaire viendra traduire les orientations de ce Livre blanc. À ce titre, comme l’a dit mon prédécesseur à cette tribune, le budget pour 2013 est bien un budget d’attente, qui vise à n’anticiper aucune décision, mais à préserver tous les choix possibles. Je tiens à souligner le caractère vertueux de cette démarche, qui permet de mener une réflexion approfondie en amont, sans prendre de décisions précipitées qui seraient dictées par le court terme.

J’en viens à l’évolution des crédits.

Au sein d’un budget 2013 dans l’ensemble stable, les évolutions sont relativement contrastées selon les programmes. Parallèlement à la hausse des moyens dévolus à la prospective, le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » enregistre une baisse de ses moyens de 6,4 % en crédits de paiement. En revanche, le principal programme de la mission, le programme 178 « Préparation et emploi des forces », voit ses crédits stabilisés à 22,4 milliards d’euros en crédits de paiement et 23,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement.

Le budget pour 2013 se caractérise par de nombreuses modifications de nomenclature. Pour le programme 178, le nombre de sous-actions a été divisé par deux, passant de quarante-sept à vingt-quatre. De même, la structure du programme 212 est modifiée, par la fusion de quatre actions en une seule, et la réduction du nombre de sous-actions. Tous ces changements de nomenclature constituent une clarification utile, surtout pour le programme 178, que le foisonnement et la diversité des sous-actions rendaient peu lisible. Toutefois, cette évolution, conjuguée à une modification du périmètre des « opérations stratégiques » de chaque action, ne facilite pas la reconstitution des évolutions de crédits au cours des derniers exercices.

Dans le cadre de la diminution des dépenses de fonctionnement demandée par le Gouvernement aux différents ministères, la défense a clairement choisi de préserver les crédits d’activité opérationnelle.

Les dépenses d’entraînement, de carburant et d’entretien des matériels sont privilégiées. Les crédits de maintenance augmentent notamment de 7 %, pour s’établir à 3,31 milliards d’euros en crédits de paiement. En contrepartie, des économies parfois drastiques sont réalisées sur le fonctionnement courant, les dépenses de transport et de communication. Je souhaite souligner les efforts qui seront consentis en la matière, avec par exemple des crédits de soutien individuel et collectif en baisse de 23 à 37 % selon les armées. J’observe à ce propos que les campagnes de recrutement des armées relèvent de leurs dépenses de communication et que, de ce fait, elles sont souvent ciblées par les réductions de crédits en période de difficultés budgétaires. Or les campagnes de recrutement sont essentielles pour répondre aux importants besoins en personnels des armées, et il est dommageable de les soumettre à des restrictions systématiques. Je pense qu’il serait souhaitable de dissocier le financement de ces campagnes de l’agrégat des dépenses de communication.

Venons-en aux opérations extérieures.

Les arbitrages effectués en faveur de l’activité opérationnelle sont d’autant plus pertinents que les opérations extérieures connaissent une nette décrue. Les effectifs déployés en opérations à la fin de l’année 2012 passeront sous la barre des 5 000 hommes, soit près de trois fois moins de personnels qu’au plus fort de l’année 2011, lors de l’opération Harmattan conduite en Libye. La forte diminution des forces projetées, après une longue période d’engagements soutenus, constitue un véritable défi pour les armées, qui doivent s’adapter, que ce soit en termes d’entraînement ou de gestion des personnels.

La diminution du nombre d’hommes déployés en opérations extérieures est pour partie due au retrait d’Afghanistan. Les forces combattantes reviendront d’ici à la fin de l’année ; cependant, des effectifs resteront sur place pour assurer le réacheminement des matériels en France, mais aussi pour achever un certain nombre de missions au sein de l’hôpital et de l’aéroport de Kaboul, ainsi qu’en matière de formation des forces armées afghanes, et cela jusqu’en 2014. Des forces françaises sont par ailleurs toujours déployées au Liban ou encore dans le cadre de l’opération Atalante, qui consiste pour la marine à assurer, en coopération européenne, des missions indispensables de lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes.

En 2012, les surcoûts issus des opérations extérieures devraient atteindre un peu plus de 870 millions d’euros, en forte baisse par rapport à 2011 qui était une année exceptionnelle avec l’opération Harmattan. Dans le budget pour 2013, 630 millions d’euros sont à nouveau inscrits au titre des opérations extérieures. Cette dotation sera sans doute plus proche des surcoûts effectifs pour 2013, mais il faut prendre en compte le coût, difficile à évaluer pour l’heure, des opérations logistiques accompagnant le retrait d’Afghanistan. De plus, compte tenu des différents points de tension actuels dans le monde, il serait pour le moins hasardeux d’anticiper une baisse durable du volume et des surcoûts des opérations extérieures.

En ce qui concerne l’activité des forces armées, j’en reviens à l’entraînement des forces, qui fait l’objet d’un certain nombre d’objectifs définis par la loi de programmation militaire. Les différentes armées rencontrent des difficultés à les remplir pleinement. En 2011, la plupart des objectifs ont été atteints, et même dépassés, en raison de la très forte sollicitation des armées en opérations, mais l’année 2012 a été moins favorable et, de ce point de vue, l’année 2013 ne sera pas meilleure. Parmi les difficultés récurrentes figure la disponibilité insuffisante des équipements, qui ne permet pas aux pilotes d’hélicoptères, d’avions de combat et de transport de remplir totalement leurs objectifs. Or il faut bien garder à l’esprit que la technicité des missions et des appareils impose un entraînement soutenu des personnels, ne serait-ce qu’en termes de sécurité.

L’entretien des matériels constitue donc à mon sens un réel enjeu pour les armées, tant opérationnel que financier. Un récent et épais rapport du contrôle général des armées et de l’inspection générale des finances chiffre les moyens consacrés à la maintenance des matériels militaires à environ 5,5 milliards d’euros en 2010. Il prévoit une hausse de ces coûts de près de 9 % entre 2010 et 2014. Je partage l’essentiel des conclusions de ce rapport.

De fait les armées se trouvent aujourd’hui confrontées à une double contrainte : il y a d’une part, l’entretien d’équipements vieillissants qui requièrent un gros effort de maintenance – l’âge moyen des hélicoptères Puma est par exemple de trente-huit ans, et certains des avions ravitailleurs approchent la cinquantaine –, et d’autre part, l’arrivée de matériels nouveaux, de haute technologie, très coûteux à entretenir à leurs débuts.

Je voudrais maintenant insister sur l’ampleur des réformes que le ministère de la défense conduit depuis 2008 à travers la refonte de sa carte militaire, la baisse sans précédent de ses effectifs ou la réforme de son soutien. Tout cela s’est fait tout en assumant d’intenses engagements opérationnels. Les forces armées ont pris plus que leur part dans la réforme de l’État, et les nouvelles structures doivent désormais être stabilisées pour trouver toute leur place.

En premier lieu, le ministère de la défense s’est engagé dans un plan de réduction de ses effectifs de plus de 54 000 personnels entre 2008 et 2015. En 2013, le plafond d’emplois diminue ainsi de 7 876 équivalents temps plein pour la mission, dont 7 475 pour le seul programme 178, lequel comporte près de 90 % des effectifs. Une bonne part du chemin a déjà été parcourue, et le ministère est en avance par rapport à la trajectoire prévue. Toutefois, les différents chefs d’état-major insistent sur le fait que le plus difficile reste à faire, à savoir identifier les quelque 4 000 derniers postes qui doivent être supprimés. Monsieur le ministre, il conviendra d’être attentif sur ce point.

La diminution substantielle des effectifs ne s’accompagne toutefois pas d’une évolution comparable des dépenses de masse salariale, puisque les crédits de titre 2 restent stables, à 19,39 milliards d’euros pour la mission. Cette discordance trouve plusieurs explications, notamment le poids croissant des dépenses de pensions et d’allocations chômage versées par le ministère, les mesures dites « bas salaires », mais aussi l’évolution de la structure des effectifs, avec la hausse du taux d’encadrement.

Au sujet des dépenses de titre 2, je voudrais dire un mot des difficultés rencontrées avec le calculateur Louvois. Mon prédécesseur dans le rôle de rapporteur spécial, M. Louis Giscard d’Estaing, évoquait « des processus techniques démoniaques » dans un rapport datant de mai 2009 consacré à la performance dans les budgets. Louvois en est un exemple.

Des irrégularités nombreuses sont constatées dans le versement des soldes depuis l’automne 2011 et j’estime que de tels dysfonctionnements ne sont pas acceptables car ils affectent notamment des personnels revenant d’opérations extérieures. Monsieur le ministre, je salue les mesures vigoureuses que vous venez d’annoncer pour mettre un terme à ces difficultés, avec notamment l’instauration d’une enveloppe de 30 millions d’euros. Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur ce point ?

En deuxième lieu, je rappelle que la réforme de la carte militaire s’accompagne de travaux d’infrastructures importants, notamment pour faire face à la densification des implantations. Un dispositif d’accompagnement a été mis en place en 2009 pour les territoires les plus touchés par les fermetures ou les réductions d’implantations, avec le fonds de restructuration de la défense. Toutefois, les crédits prévus à ce titre n’ont pas été consommés à la hauteur des prévisions, ce qui laisse craindre des difficultés pour engager réellement les projets de reconversion.

La refonte du plan de stationnement entraîne également des cessions d’emprises, du fait des fermetures de sites et d’établissements. La loi de programmation prévoyait d’importantes ressources provenant des cessions immobilières. Force est de constater que l’évaluation, de plus de 2 milliards d’euros, était trop optimiste, notamment parce qu’un certain nombre de cessions se sont faites à l’euro symbolique, ce qui est légitime, pour faciliter au niveau local les projets d’aménagement des emprises en question. De plus, la perception de ces ressources a pris du retard, alors qu’une part importante des recettes attendues doit provenir des emprises parisiennes les plus valorisées. Or ces cessions sont tributaires du regroupement des administrations centrales à Balard.

Les travaux à Balard ont débuté en mars dernier, avec un peu de retard sur le calendrier, et le transfert des personnels doit désormais intervenir à l’automne 2014 pour s’achever en février 2015. Je ne rappellerai pas les conditions de ce contrat de partenariat, qui sont bien connues. J’évoquerai seulement les contraintes juridiques qui pèsent sur le déroulement du projet. À la suite du recours de la mairie de Paris contre le permis de construire, les travaux conduits sur la corne ouest ont été interrompus. L’enjeu est le fameux garage à bus de la RATP, aujourd’hui situé sur le site de la Croix Nivert, que la mairie de Paris voudrait déplacer pour construire des logements. Plusieurs solutions sont envisageables et les négociations sont en cours entre le ministère de la défense, la mairie de Paris et la RATP. Monsieur le ministre, il est important qu’elles aboutissent rapidement car, compte tenu du projet de location des bureaux qui doivent être construits sur la corne ouest, une partie du financement du projet en dépend.

En troisième lieu, je voudrais aborder la question spécifique de la mise en place des bases de défense.

Depuis janvier 2011, le soutien des forces s’articule autour de soixante bases de défense de taille très variable. Cette réforme, qui constitue un véritable bouleversement de l’organisation des armées, notamment pour l’armée de terre, s’est accompagnée d’une baisse des effectifs de soutien.

Il est encore un peu tôt pour en dresser le bilan, mais les témoignages que j’ai reçus m’incitent à dire qu’ensemble nous devons toujours considérer avec attention le niveau de nos équipements. Si nous ne le faisions pas, nous prendrions le risque d’un décrochage, y compris dans l’utilisation de nos capacités. Il faut veiller en outre à ce que cette réforme des bases de défense ne se traduise pas par une moindre cohésion des personnels, en instaurant une dichotomie entre les personnes chargées du soutien et celles relevant des forces dites opérationnelles.

Je terminerai mon intervention en évoquant la nécessaire relance de l’Europe de la défense, qui, de l’avis général, est aujourd’hui en panne. Il importe de progresser de façon concrète avec nos partenaires. Je pense à des réalisations très pragmatiques comme le modèle du centre de commandement européen du transport aérien, qui vise à mutualiser l’aviation de transport de plusieurs pays et fonctionne bien depuis son lancement en 2010.

Au regard des contraintes budgétaires, le budget de la défense est relativement préservé tout en participant aux efforts d’économies.

Dans l’attente de la future loi de programmation militaire, je souhaite insister sur la nécessité de fixer une ligne réaliste en définissant un cap clair et crédible pour nos forces armées, tant du point de vue de la trajectoire budgétaire que des contrats opérationnels qui leur sont assignés.

Des projections budgétaires trop optimistes et des contrats opérationnels trop ambitieux, comme dans la précédente loi de programmation, ne peuvent conduire qu’à de nouvelles révisions. Or j’ai compris, en les rencontrant, que les militaires souhaitent une plus grande lisibilité quant à leur place, aux actions qu’ils doivent mener et au cadre budgétaire de leur mission.

Enfin, le travail de la commission du Livre blanc est, je le répète, primordial. Monsieur le ministre, vous aurez à faire, avec le Président de la République et le Premier ministre, des choix importants pour l’avenir de notre pays et la place qu’il entend donner à sa défense dans un contexte international et stratégique mouvant. La situation dans plusieurs points du globe, notamment en Afrique et plus particulièrement en Afrique subsaharienne – je pense à la région du Sahel – ou au large de la Somalie, doit nous inciter à la plus grande vigilance, y compris du point de vue de notre capacité à mobiliser des moyens adéquats si nos interventions devenaient nécessaires, qu’elles se déroulent dans un cadre européen, sous mandat de l’ONU ou sous commandement de l’OTAN.

En conclusion, je formule un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense », que je vous invite à adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard, suppléant M. Guy Teissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Hervé Gaymard, suppléant M. Guy Teissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde s’accorde à reconnaître le contexte particulier dans lequel s’inscrit l’élaboration du budget de la défense pour 2013. Nous entrons en effet dans une période de transition entre deux Livres blancs et deux lois de programmation militaire. Des choix importants vont être faits ; des décisions majeures vont être prises. Le budget que nous examinons ne doit donc pas anticiper sur l’avenir, mais il ne doit pas non plus compromettre l’activité de nos forces. Pour reprendre une expression déjà utilisée à l’envi, nous avons affaire à un « budget d’attente », un « budget de transition ».

Je ne reviendrai pas sur les principaux chiffres de ce budget. Le Gouvernement a entendu maintenir une certaine stabilité par rapport à 2012. Le montant des crédits de paiement est au même niveau que l’année dernière, mais les autorisations d’engagement connaissent une baisse de 3,3 % par rapport à l’année passée. À plus long terme, ces chiffres correspondent à une accentuation du décrochage par rapport à la loi de programmation militaire 2009-2014 : par rapport aux prévisions initiales, le recul devrait dépasser les 3 milliards d’euros. Certes, Michel Rocard a dit un jour que les lois de programmation militaire étaient de la poésie, mais cela fait tout de même beaucoup, et ce gouvernement n’est pas le seul à avoir fait ce type de choix. Néanmoins, je tiens à saluer sa décision de sanctuariser, en dépit du contexte budgétaire contraint et dans la lignée des choix effectués par le président Sarkozy, les deux secteurs très importants que sont la dissuasion nucléaire et le renseignement.

En ce qui concerne les équipements, le projet de budget pour 2013 prévoit notamment la livraison de onze Rafale, de la première Frégate multimissions et de quatre hélicoptères Tigre. La livraison du premier A400M devrait intervenir en juin et, fait notable, le projet de budget contient également les crédits nécessaires au lancement du MRTT, l’avion de transport et de ravitaillement tant attendu. En revanche, il convient de relever que d’autres programmes d’équipement connaissent une évolution moins favorable. Ont ainsi été décalées la commande du quatrième sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda ainsi que celle de la première étape du programme Scorpion. Il en va de même de la rénovation des Mirage 2000D et des Atlantique 2. Au total, le Gouvernement a choisi de décaler près de 4,5 milliards d’euros de commandes.

Par ailleurs, nous sommes préoccupés par les chiffres concernant la disponibilité des matériels et l’entraînement des personnels. Le « bleu » budgétaire contient des chiffres effarants s’agissant, par exemple, des heures de vol des pilotes de l’armée de l’air. Ces lacunes pourraient menacer à terme les compétences de nos armées, leur efficacité et donc leur capacité à faire face aux menaces et à nous protéger. Les inquiétudes dont je viens de vous faire part sont d’autant plus réelles que le contexte stratégique actuel est loin d’être apaisé. L’arc de crise s’étend vers le sud, notamment à la zone sahélienne, qui s’apparente de plus en plus à un nouvel Afghanistan. À cela s’ajoutent les risques de prolifération du fait du programme nucléaire iranien et de la possession d’armes chimiques par le régime syrien.

Je note également que la trajectoire des budgets de défense des pays émergents suit une tendance très différente de celle des pays européens. La faiblesse de l’effort de défense de la plupart de ceux-ci, à l’exception de la France et de la Grande-Bretagne, ne doit donc pas nous laisser penser que le monde entier désarme. Pour conserver notre rang et assurer notre sécurité, il ne faut pas baisser la garde.

De nouveaux textes, je l’ai dit, vont prochainement fixer les grandes orientations de notre défense pour les années à venir, tant en termes de moyens que de missions. Sans anticiper sur leur contenu, le rapport pour avis de la commission des affaires étrangères, que j’ai l’honneur de représenter en suppléant Guy Teissier, évoque quelques pistes qu’il faudra prendre en compte lorsque arrivera l’heure de faire des choix.

J’en citerai deux. D’une part, il faut faire preuve de cohérence : le monde militaire a besoin, et attend que les choix faits soient cohérents. Cela implique de ne pas confier aux armées des missions sans leur donner les moyens de les remplir et, si l’on abandonne des missions, de dire lesquelles. D’autre part, il convient d’accroître l’effort en matière de recherche. Les crédits qui lui sont consacrés s’élèvent à 3,3 milliards d’euros pour 2013, contre 3,8 milliards d’euros quatre ans plus tôt. Nos exportations s’accompagnent de transferts de technologies vers les pays importateurs. La recherche et l’innovation doivent donc nous permettre de garder un temps d’avance pour rester compétitifs par rapport à nos clients émergents.

Telles sont les observations que je voulais formuler sur le budget de la défense pour 2013, auquel la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’environnement et la prospective de la politique de défense.

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’environnement et la prospective de la politique de défense. Monsieur le président, monsieur le ministre, en tant que premier vice-président de l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, j’ai abordé mon rapport sur le programme 144 avec un œil neuf sur les questions de défense et l’expérience des études que j’ai conduites sur des questions scientifiques civiles. Ce rapport analyse les pistes technologiques susceptibles d’améliorer les systèmes d’armes ou de renseignement dans les décennies prochaines. Je me place donc à la frontière des deux mondes, ceux de la défense et de la recherche, qui ont le plus évident intérêt à collaborer étroitement

En préambule, je ferai deux remarques générales.

Tout d’abord, il est clair que le cœur de la démarche d’adaptation de notre défense doit s’appuyer sur une réflexion géopolitique experte, afin d’identifier précisément ce qui est, d’un côté, stratégiquement prévisible et essentiel et, de l’autre, technologiquement nécessaire et possible. Cet objectif impose un travail de veille pour détecter et développer ces technologies de rupture, afin d’éviter tout retard technologique. Ensuite, je constate que les moyens des études amont sont renforcés et ceux de la recherche duale préservés : 736 millions d’euros d’autorisations d’engagement. Merci, monsieur le ministre. Nous gardons ainsi le cap sur l’avenir, car la recherche au service des applications militaires non seulement constitue l’une des voies les plus sûres pour ajuster au plus près l’effort de notre pays à ses besoins de défense, mais renforce notre capacité d’exportation et irrigue un tissu de PME innovantes porteuses d’emplois pour nos jeunes diplômés.

J’en viens au contenu de ces études amont. Quel intérêt peut-on avoir à maîtriser directement les technologies de défense lorsque celles-ci sont déjà disponibles sur les étagères de nos plus proches alliés ? En réponse à cette question, je livre à votre réflexion un exemple particulièrement éloquent. Lorsque la France a pu disposer, en 2005, grâce au système radar GRAVES mis au point par l’ONERA, d’un moyen en propre pour repérer les satellites en orbite basse, il est apparu non seulement que les données fournies jusque-là par les Américains et les Russes étaient incomplètes et délibérément fausses, mais que la NASA a cessé ipso facto de communiquer la position de nos satellites d’observation HELIOS, communication qui permettait à qui le voulait de masquer ses opérations au sol en les effectuant en dehors des horaires de survol. Ainsi, grâce à un investissement limité – 30 millions d’euros –, nous avons pu à la fois nous prémunir contre l’observation des autres et assurer la pleine efficacité de la capacité d’observation que l’expertise du CNES nous a permis d’acquérir. Cet exemple me semble illustrer parfaitement la nécessité, dans un contexte de ressources limitées, de compter sur la recherche pour nous faire respecter dans le monde. La recherche, c’est un peu la potion magique d’Astérix : le moyen de préserver encore et toujours notre indépendance par une force faite d’abord d’intelligence, qui permet d’améliorer portée, rapidité, précision et furtivité.

L’essentiel est de préserver notre indépendance stratégique par la maîtrise scientifique et technologique du cœur des systèmes. Je rappelle qu’une infrastructure aussi importante que notre parc nucléaire a été développée à partir d’une technologie américaine que les ingénieurs français ont su s’approprier, puis améliorer. L’affaire des drones illustre les vicissitudes de notre politique en la matière au cours des quinze dernières années ; j’en parle abondamment dans le rapport. Aujourd’hui, nous serons sans nul doute capables du même rattrapage rapide dans le domaine des drones MALE – moyenne altitude, longue endurance – si nous avons effectivement un droit d’accès au dispositif de pilotage. Tel est l’enjeu essentiel d’une coopération. Les Européens doivent donc conditionner, si vous le décidiez, l’achat sur étagère du Reaper américain par l’accès aux codes sources, qui permet de rester maître de la charge utile et des évolutions de l’électronique embarquée. Hélas ! les Anglais ne l’ont, à ce jour, pas obtenu des Américains.

Les réflexions stratégiques du Livre blanc, en 2008 comme en 2012, soulignent le besoin de faire face à des menaces multiples, qui, de surcroît, changent rapidement. Il nous faut donc des réponses technologiques flexibles, adaptables selon un cycle court de la conception à la fabrication. Notre force de dissuasion montre l’exemple de cette modularité, puisqu’elle évolue depuis 1996 par simulation, sans qu’il soit besoin d’explosions nucléaires.

Il reste essentiel de maintenir une part de recherche ouverte, non directement applicative, en matière civile comme en matière de défense. J’ai constaté avec satisfaction que cette préoccupation était portée par le CEA et l’ONERA, qui, conformément à l’esprit du réseau des instituts Carnot, y consacre une partie de leurs ressources, à côté des recherches sur contrat. C’est ce que j’ai vu au cours de ma visite, en tant que rapporteur, du laboratoire de Thales, à Saclay, au sein duquel travaille Albert Fert, prix Nobel de physique en 2007.

En conclusion, recherche ouverte et collaboration étroite avec l’industrie, soutien aux technologies de rupture, notamment la cyberdéfense : tels sont les piliers de la recherche duale qui maximise l’innovation, telle est la combinaison, portée par le CNES, le CEA et le tissu de leurs contractants, qui est gagnante pour notre technologie et notre défense.

J’ajouterai deux mots : n’oubliez pas, monsieur le ministre, le smart business act et pensons aux investissements d’avenir pour aider notre politique de défense : cela n’a pas été le cas jusqu’à présent, profitons du rapport Gallois pour le faire.

Le programme 144 va dans ce sens, en dépit du contexte budgétaire très difficile. Je vous demande, mes chers collègues, de l’adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marty, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour le soutien et la logistique interarmées.

M. Alain Marty, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour le soutien et la logistique interarmées. Monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, les crédits que j’ai pour mission de vous présenter au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées sont ceux qui contribuent au soutien et à la logistique interarmées ; ils correspondent au programme 212 « Soutien de la politique de défense » et à quatre des sept actions du programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

Les crédits consacrés au soutien et à la logistique interarmées s’élèvent à 9,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 8,960 milliards en crédits de paiement. Comme vous l’aviez indiqué devant la commission, monsieur le ministre, le budget pour 2013 est stable par rapport à celui de 2012. Il s’agit, selon vos propos, d’un budget de transition, en attendant la nouvelle loi de programmation militaire.

J’insisterai sur quatre points. Le premier concerne le projet Balard. Vous avez confirmé le partenariat public-privé et engagé les discussions avec la mairie de Paris pour aplanir les difficultés de ce dossier. Je suis pour ma part satisfait de cette orientation, car nos armées et les services du ministère ont besoin de locaux modernes et adaptés pour pallier l’inconvénient d’implantations dispersées et parfois anciennes.

C’est aussi un signe fort de la réforme en profondeur du ministère, avec une identité architecturale dans le paysage parisien marquant le rassemblement du ministère et de l’ensemble de ses personnels. Je rejoins la présidente de la commission, qui a fait remarquer que la difficulté de ce partenariat résidait probablement dans le suivi des avenants qui risquent d’intervenir avec Opale Défense. Nous devrons être vigilants sur ce point.

Le deuxième point est celui des tensions marquées au niveau du financement des infrastructures, un financement sous-calibré par rapport aux besoins. En 2013, si l’on neutralise l’effet comptable de la procédure des engagements par tranches fonctionnelles, on observe une baisse de 160 millions d’euros des crédits. Cette baisse conduit le ministère à geler plusieurs opérations pour un total de 351 millions d’euros, après un gel de 393 millions d’euros en 2012. Il m’a été confirmé que ces baisses n’entraînaient pas de rupture dans le fonctionnement de nos armées, mais rendaient plus difficile l’utilisation des nouveaux matériels dont disposent les forces – je pense par exemple au VBCI ou encore aux pontons destinés à amarrer les frégates dans les rades de Brest et Toulon. Je prends cependant acte des travaux importants réalisés en vue de l’accueil du NH90 à Phalsbourg, de l’A400M à Orléans ou encore du sous-marin d’attaque à Toulon.

Le troisième point concerne les crédits de fonctionnement des bases de défense. Une réforme considérable a été menée par nos armées dans le domaine du soutien logistique. Dans le budget pour 2013, vous portez la dotation de fonctionnement à 720 millions d’euros, alors qu’un audit du contrôle général des armées fixe les besoins à 770 millions. La nette progression des crédits va cependant dans le bon sens : alors qu’il est important que les personnels disposent de moyens financiers leur permettant de mener correctement leurs actions, ils étaient jusqu’alors quelque peu démoralisés par les conditions de mise en œuvre des bases de défense.

J’en viens au quatrième point. Il m’a paru utile, comme le souhaitait la présidente de notre commission, de faire une évaluation plus approfondie d’une des politiques financées par les crédits que je rapporte. Le rapport public thématique de la Cour des comptes d’octobre 2010 a été jugé sévère, parfois même injuste, par les membres du service de santé des armées. Ce service est, rappelons-le, avant tout un outil militaire. Il s’agit d’un service interarmées dont la vocation première est de pourvoir au soutien sanitaire de nos forces. Fort de ses 16 000 agents, de ses hôpitaux d’instruction des armées, de ses centres médicaux des armées, le SSA assure sa mission au service de nos forces.

Je ne vais pas développer ici les critiques de la Cour des comptes, largement exposées dans mon rapport, ni le détail des mesures prises par le service de santé des armées pour y répondre, mais je tiens à signaler que le SSA a entrepris une adaptation en profondeur : rassemblement de la formation médicale sur un seul site à Lyon ; concentration sur un seul site de la logistique et, bientôt, de la recherche ; services médicaux d’unité regroupés en centres médicaux des armées au sein des bases de défense ; actions importantes en vue de la réduction des déficits des hôpitaux d’instruction des armées, qui ont tous conclu avec la direction centrale du SSA un « contrat de retour à l’équilibre ». Ces contrats se traduisent par une augmentation importante de l’activité, avec une recherche de financement au niveau de l’assurance maladie et des mutuelles, une meilleure insertion dans l’offre de soins territoriale et une réduction des dépenses.

Je salue les efforts accomplis et le dévouement des femmes et des hommes qui servent à tous les niveaux. Toutefois, il me semble que l’on ne peut pas transposer les grilles d’analyse des hôpitaux publics aux hôpitaux d’instruction des armées. Je formule donc trois propositions : premièrement, chiffrer l’impact financier des missions régaliennes des hôpitaux d’instruction des armées, car on m’a fait remarquer que, lorsque des équipes médicales sont absentes, c’est autant d’activité qui ne se fait pas au niveau de l’hôpital, ce dont il convient de tenir compte dans le bilan ; deuxièmement, déconcentrer en partie la gestion des hôpitaux d’instruction des armées pour favoriser les adaptations et les coopérations avec les hôpitaux publics – recourir à un personnel temporaire pour suppléer à des départs en opération est très compliqué : la réponse n’arrive souvent qu’après le retour d’opération des personnels concernés ; troisièmement, enfin, réaffirmer notre attachement au service de santé des armées, qui permet de disposer d’un outil militaire en supportant son coût de possession.

Tels sont les éléments issus de mon rapport, sur lesquels la commission a émis un avis favorable. En conclusion, j’élargirai quelque peu mon propos, en espérant que M. le ministre ne m’en voudra pas. Si la majorité et l’opposition ont d’importantes divergences de vues, elles ont en commun la volonté de maintenir un outil de défense et de sécurité nationale avec des capacités opérationnelles, des moyens matériels et humains permettant à notre pays d’assurer son rang et sa sécurité. J’ai conscience que la tâche est difficile, dès lors que d’autres priorités sont énoncées. Je pense à cette proposition, qui m’apparaît déraisonnable, de recruter 60 000 enseignants supplémentaires pour un ministère comptant déjà un million de fonctionnaires. Chaque fois que vous défendrez notre outil de défense, monsieur le ministre, nous serons à vos côtés.

Permettez-moi, pour finir, d’évoquer les inquiétudes des personnels. Étant un élu de l’Est, je rencontre souvent des militaires de l’armée de terre, qui redoutent que l’armée soit, une fois de plus, une variable d’ajustement à des préoccupations financières. L’armée de terre a déjà connu, dans l’Est, de très fortes réductions de son format après une restructuration vécue difficilement par de nombreux territoires. Comme vous l’avez déjà fait devant la commission, monsieur le ministre, vous nous répondrez certainement sur ce point en nous exposant votre opinion.

Je rappelle les propos de notre rapporteur pour l’armée de terre, qui évoque un format juste suffisant. Après une réforme en profondeur comprenant une déflation des effectifs, les personnels ne comprennent pas le gel des avancements. Sur ce point aussi, sans doute avez-vous des informations à nous communiquer, monsieur le ministre. Dans un contexte morose, nous comptons sur votre détermination et votre engagement pour gagner les fréquents arbitrages ayant lieu au niveau des plus hautes autorités de l’État. J’insiste sur le fait que, bien qu’étant de l’opposition, je vous fais pleinement confiance pour gagner ces arbitrages au service de notre outil de défense.

Je conclurai en rapportant les propos de nos chefs militaires. L’amiral Guillaud a rappelé que l’effort de défense était de 2 % du produit intérieur brut en 1997 pour se stabiliser durant une dizaine d’années entre 1,6 % et 1,7 %. En 2012, il est de 1,55 % – ce qui, j’en conviens, n’est pas de votre responsabilité. À l’horizon 2015, il risque de dépasser à peine 1,3 %, ce qui est préoccupant pour la qualité de notre outil de défense.

Quant au général Ract Madoux, il considère que « toutes les difficultés de l’armée de terre ont pour seule origine la lente et immuable érosion du budget de la défense » et énonce cette mise en garde : « De même que laisser la question de la dette à nos enfants est irresponsable, les laisser sans défense crédible le serait tout autant ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour les forces terrestres.

M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour les forces terrestres. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2013 assurera à l’armée de terre les capacités d’action lui permettant de répondre aux contrats opérationnels fixés par le précédent Livre blanc. L’armée de terre sera en mesure en 2013 de déployer des forces de souveraineté et de présence en plusieurs points du globe, de participer à la protection de la population sur le territoire national au travers des missions intérieures.

Conformément aux dispositions du Livre blanc de 2008 et à la précédente loi de programmation militaire, le « cœur projetable » de l’armée de terre devrait se situer en 2015 à 70 000 hommes, c’est-à-dire moins que le nombre de places dans le Stade de France, pour une population de plus de 63 millions d’habitants. Dans les mois qui viennent, la commission chargée de préparer le Livre blanc devra apporter une réponse à ces deux questions fondamentales concernant le format de nos forces terrestres : quelle défense voulons-nous pour notre pays ? Quel rang la France souhaite-elle tenir dans le concert des nations ?

Nous constatons dans le projet de loi de finances pour 2013 une nette augmentation des crédits dévolus à l’entretien programmé des matériels, ce qui permettra la montée en puissance des équipements de nouvelle génération et la remise aux normes des matériels rentrant d’Afghanistan, pour qu’ils puissent être utilisés sur le territoire national. Néanmoins, cette amélioration ne doit pas masquer les difficultés rencontrées par les forces terrestres ces dernières années. Le poids budgétaire de l’armée de terre n’a cessé de décroître depuis 2003 au sein du programme 146. L’armée de terre ne représente en effet sur la période que 20 % des crédits d’équipement des forces armées. Or il avait été indiqué en 2008 dans le précédent Livre blanc, puis dans la loi de programmation militaire, que les équipements des forces terrestres seraient une priorité. Hélas, cela ne s’est pas traduit dans les faits.

Dans le contexte budgétaire contraint qui est le nôtre actuellement, l’armée de terre contribuera en 2013 à l’effort national de redressement des finances publiques – ni plus, ni moins. Des économies seront notamment réalisées sur les programmes d’équipement des forces terrestres, qui sont pour la plupart décalés de quelques mois, voire d’une année, à l’image du programme Scorpion, essentiel pour la régénération des équipements de l’armée de terre. Mais il nous faudra veiller, dans les années à venir, à ce que les forces terrestres bénéficient de toute notre attention.

Les effectifs de l’armée de terre poursuivront leur déflation en 2013, conformément aux dispositions de la précédente loi de programmation militaire. Dans le contexte actuel, cette déflation ira finalement quelque peu au-delà des objectifs initialement fixés, avec 3 713 postes de moins en 2013, soit une diminution de 3,5 % par rapport à 2012. Pour mémoire, l’armée de terre jouit d’un rapport coût-efficacité incontestable, que ce soit sur le territoire national ou en opérations extérieures, puisqu’elle ne représente que 29 % de la masse salariale du ministère de la défense pour 45 % des effectifs. Elle ne concentre que 20 % des crédits d’équipement, 12 % des crédits d’entretien programmé du matériel, et enfin seulement 10 % des surcoûts OPEX, alors qu’elle représente 80 % des projetés.

Je souhaite également attirer votre attention sur la réserve opérationnelle de l’armée de terre. Elle compte actuellement un peu moins de 16 000 réservistes, alors que la cible est de 22 000 réservistes pour 2015. On peut expliquer cette situation par des obstacles d’ordre budgétaire, mais également d’ordre légal et géographique. En effet, un réserviste étant attaché au territoire où il exerce son activité civile, la dissolution ou le transfert d’unités, ces dernières années, a mécaniquement fait baisser les effectifs. Par ailleurs, je pense qu’il serait nécessaire de faire évoluer le cadre légal afin de rendre la réserve plus souple et plus réactive et de renforcer le lien armée-nation.

En 2013, l’armée de terre devra faire face à un défi de taille : le retour sur le territoire national de nos soldats, du fait du retrait d’Afghanistan. Ce retrait va mécaniquement conduire à une importante réduction des journées d’activité opérationnelle. En 2013, nous atteindrons le seuil des 105 journées de préparation et d’activité opérationnelle, quand la précédente loi de programmation militaire en prévoyait 150. Une baisse plus importante avait été un temps évoquée, mais notre ministre s’y est légitimement opposé, ce que je tiens à saluer.

Les journées de préparation et d’activité opérationnelle sont essentielles pour le bon entraînement de nos troupes et pour le moral de nos soldats. Pour mémoire, l’indemnité de service en campagne est la seule prime que touchent nos militaires du rang quand ils ne sont pas en OPEX. Le rythme d’activité des forces terrestres doit rester significatif pour que notre armée de terre puisse demeurer attractive et rester une armée de premier plan, mobilisable à tout moment.

En conclusion, le budget pour 2013 devrait permettre à l’armée de terre de disposer des ressources nécessaires pour mener à bien ses différentes missions. Dans l’avenir, nous devrons renforcer notre effort de défense en nous concentrant sur la régénération des équipements, sur la disponibilité de nos matériels, et sur un haut niveau de préparation et d’activité pour nos soldats.

La commission de la défense et son rapporteur ont émis un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 178 et 146 consacrés aux forces terrestres. J’invite notre assemblée à se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour la marine.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour la marine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de préparation et d'emploi des forces navales du programme 178 s'élèveront en 2013 à 4,3 milliards d'euros, dans la continuité du budget précédent, où ils s’élevaient à 4,2 milliards d'euros. Les crédits destinés à la marine, hors équipements et hors soutien, constituent toujours un peu moins du cinquième des crédits du programme 178.

L'essentiel des crédits du programme – 2,5 milliards d'euros – est consacré aux dépenses de personnel. La réduction des effectifs se poursuit, suivant la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire, pour que la marine atteigne le format de 39 000 militaires et civils en 2015 : 520 postes sont supprimés dans le projet de loi de finances et 149 sont transférés vers d'autres programmes. Avec 41 145 personnes aujourd'hui – je ne sais quel stade pourrait les contenir (Sourires) –, la marine est très proche de sa cible.

Les crédits d'entretien programmé du matériel qui regroupent, hors dépenses de personnel, les dépenses du maintien en condition opérationnelle – le MCO – des équipements, s'élèvent pour 2013 à 1,4 milliard d'euros en crédits de paiement, dans la lignée du budget de l'année dernière.

Si ces crédits sont stables, j'aimerais attirer votre attention sur deux points. Les crédits de MCO servent toujours de variable d’ajustement lorsque les crédits de la marine sont touchés par des gels ou par des annulations en cours d'année, 42 millions pour l’année 2012. Le report de l'entretien programmé d'un bâtiment à l'année suivante ou l'annulation d'une petite réparation sont souvent indolores dans l'immédiat, puisqu'ils ne remettent pas en cause sa disponibilité à court terme. Mais ces coupes budgétaires fragilisent incontestablement la disponibilité à plus long terme des bâtiments de la marine car la somme de ces petites suppressions entame le « capital » des bâtiments.

Par ailleurs, avec le renouvellement des équipements en cours, la marine dispose à la fois de matériels très modernes, qui nécessitent dans les premières années un entretien plus coûteux, et de bâtiments très anciens, dont le coût d'entretien est également très élevé. C'est ce que les marins appellent la « courbe en baignoire ». La coexistence de plusieurs générations de navires et d'aéronefs, aux technologies très différentes, ne facilite pas leur entretien.

Il est donc important que la prochaine loi de programmation militaire fasse des choix de matériels cohérents, en commandant des séries, afin que l'entretien bénéficie d'un indispensable « effet de parc » et que son organisation soit facilitée par des synergies.

Je voudrais dire quelques mots sur le renouvellement des équipements. Avec les FREMM, les bâtiments de projection et de commandement ou le programme Barracuda de renouvellement des sous-marins nucléaires d'attaque, la marine est en voie de disposer de matériels modernes et performants.

Mais d'autres programmes mériteraient d'être lancés rapidement. Je pense à la flotte logistique : la moyenne d’âge des pétroliers ravitailleurs, clé de voûte de la capacité de projection du groupe aéronaval, est de 27 ans. Or le programme FLOTLOG ne devrait être lancé qu'à partir de 2018.

Les hélicoptères Alouette 3 sont également à bout de course, avec une moyenne d’âge de 45 ans. Il est de plus en plus difficile de trouver les compétences pour assurer leur entretien. Or le programme interarmées de remplacement des hélicoptères légers n'est pas encore lancé. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire part de vos intentions pour ces deux programmes ?

J'ai consacré une partie de mon rapport à l'examen des forces de souveraineté : au 1er juillet 2012, elles comprenaient un peu moins de 10 000 militaires, dont 1 731 marins. Leur format a été réduit de 20 % depuis 2008, à la suite du Livre blanc. Force est de constater que cette évolution est allée à contre-courant des enjeux croissants que représentent les océans. On peut regretter que le Livre blanc de 2008 ait sous-estimé la dimension stratégique des océans, leur importance pour la France, et la « maritimisation » du monde.

Aussi, les moyens nécessaires à l'exercice des missions de souveraineté n'ont pas été prévus dans la loi de programmation militaire. Aujourd'hui, ces forces, sous-dotées en patrouilleurs de surveillance et en avions, doivent faire face à des ruptures temporaires de capacité. Il est urgent de lancer, sans attendre la prochaine décennie, les programmes AVISMAR et BATISMAR. Monsieur le ministre, cette dimension maritime sera-t-elle bien prise en compte dans le futur Livre blanc ?

Pour conclure, je dirai que notre marine se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. Certes, la loi de programmation militaire 2009-2014 a consenti un effort important pour les équipements, mais la crise financière et la participation du budget de la défense à l'effort de redressement des comptes publics ont fait progressivement dévier l'exécution de sa trajectoire. Si nous poursuivons sur la même pente, la marine sera contrainte d'abandonner prochainement certaines fonctions et certains savoir-faire. Si la France renonçait à sa marine océanique à vocation mondiale, elle enverrait un triste signal au moment où le processus de maritimisation du monde s'accélère. Les choix opérés par le futur Livre blanc seront donc déterminants.

À l’issue de ses travaux, la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits « Marine » du programme 178 « Préparation et emploi des forces » pour l'année 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’air.

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’air. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le ministre, il est bien difficile de présenter le budget de l’armée de l’air en quelques minutes. Je me permettrai donc de renvoyer à mon rapport et aux propos plus détaillés que j’ai pu tenir en commission.

Je voudrais situer mon intervention à un autre niveau, complémentaire, je crois, des précédentes, en posant trois questions : quel est le contexte géostratégique aujourd’hui ? Quel est l’enjeu majeur pour le budget de la défense et pour la future loi de programmation militaire ? Quelles réponses apporterez-vous, monsieur le ministre ?

Au plan mondial, le contexte géostratégique se résume en une phrase : la puissance bascule vers l’Asie, au détriment du monde occidental. Comment y faire face ? Au plan européen, nous assistons à une sorte de fatalité, celle de l’émiettement politique et stratégique, alors qu’il nous faut réunir nos forces pour nous porter à l’échelle du monde. Comment y parvenir ? Au plan national, l’outil de défense est opérationnel, au prix d’un formidable effort d’adaptation de nos forces armées consenti depuis vingt ans, peut-être davantage. L’opération Harmattan, que nous avons étudiée dans le détail, l’a montré. Elle impose la reconnaissance de la nation à l’égard de nos militaires engagés. Comment pérenniser l’outil de défense dans un contexte budgétaire particulièrement contraint ?

Cette analyse, très sommaire, je m’en excuse, nous conduit à nous interroger sur l’enjeu auquel vous êtes confronté, monsieur le ministre.

Cet enjeu est simple. Soit l’on réduit dans les années qui viennent les moyens financiers consacrés à la défense, et – il est de notre responsabilité politique de le dire, indépendamment des sensibilités qui sont les nôtres – cela mènera immanquablement à un déclassement stratégique, accompagné de ruptures capacitaires et d’un décrochage technologique, donc à l’abaissement de la France ; soit l’on préserve ce budget, et les fondamentaux de notre défense – la dissuasion et la capacité conventionnelle d’intervention – demeureront intacts, le modèle et le format d’armée définis dans le précédent Livre blanc resteront les mêmes, le risque de rupture capacitaire, bien réel, sera évité et la France sera dotée d’une capacité de remontée en puissance, le cas échéant.

Notre pays serait alors un vecteur crédible de la réunion des forces européennes, essentielle dans le contexte stratégique de basculement de la puissance vers l’Asie.

Face à cet enjeu, votre budget est un budget d’attente. Nous pouvons dire, monsieur le ministre, qu’en maintenant les crédits à 31,4 milliards d’euros, vous préservez le champ des possibles, et c’est une bonne chose. Le véritable rendez-vous sera celui de la prochaine loi de programmation militaire. S’agissant du programme 178, action 4, les autorisations d’engagement sont en augmentation de 5,7 % ; les crédits de paiement sont en baisse de 0,8 %.

Je note des points positifs : l’arrivée des premiers A400M, tant attendus, et le lancement du programme d’avions ravitailleurs en vol, fondamental, comme l’opération Harmattan l’a démontré.

En revanche, je souhaite exercer mon devoir d’alerte. D’abord sur les effectifs, la formation et l’entraînement des forces de l’armée de l’air : nous atteignons l’étiage. Nous ne pourrons plus diminuer les moyens qui y sont consacrés, au-delà de ce qui est prévu par la présente loi de programmation militaire, sans toucher à la compétence de nos militaires. Ensuite sur les équipements : autant j’ai salué les efforts qui avaient été faits, autant j’estime que le risque de rupture capacitaire existe toujours, en matière de transport, de ravitaillement. Je pense aussi au sujet, moins évoqué, de la surveillance du territoire, aux moyens anti-missiles sol-air et aux drones, dont a parlé notre collègue Le Déaut.

Il s’agit d’un budget d’attente. J’ai donc proposé à la commission ce qui ressemblerait à un vote d’attente, dans la perspective de la prochaine loi de programmation : l’abstention.

La France a été capable du meilleur et du pire. Elle a connu l’impréparation de 1870, les erreurs de 1914, le drame de 1940. Mais elle a connu aussi la grande période gaullienne, avec la construction de notre dissuasion, les choix courageux de Jacques Chirac, avec la professionnalisation des forces. Nous sommes confrontés à des choix de même ampleur. J’espère, monsieur le ministre, que vous pourrez les porter comme il convient, pour la France, pour son rang et pour sa crédibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’équipement des forces et la dissuasion.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’équipement des forces et la dissuasion. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2013 intervient dans un contexte de crise, dont nous connaissons tous les causes, mais pas encore les conséquences.

Le précédent gouvernement a laissé aux Français une dette de 1 800 milliards d'euros, qui a doublé en dix ans et qui grève l'ensemble des marges de manœuvre budgétaires de l'État. Il est désormais de notre responsabilité de suivre le cap fixé par le Président de la République et par le Gouvernement : redresser la France dans la justice, lui redonner toute sa crédibilité, en même temps que confiance en son avenir.

C'est dans ce contexte que nous abordons l'étude du budget consacré à la défense nationale, contexte dont la particularité est renforcée par la rédaction d'un nouveau Livre blanc et par la perspective d'une nouvelle loi de programmation militaire, à la fin du premier semestre 2013.

Je qualifierai donc ce projet de projet de transition : il s'inscrit dans la continuité de l'exercice 2012, tout en respectant les objectifs de redressement et de justice mis en œuvre depuis six mois ; il poursuit les orientations adoptées au cours des derniers exercices et honore l'essentiel des engagements antérieurs, sans toutefois engager l'avenir ni anticiper les décisions qui seront prises ; il intègre la réalité de l'exécution de la loi de programmation militaire, en actant le décalage de la consommation constatée des crédits de paiement sur la période précédente – 3,7 milliards – et en recalant la programmation des autorisations d'engagement : 4,5 milliards.

Le décalage dans la consommation des crédits de paiement s'explique d’abord par les difficultés à percevoir, selon le calendrier prévu initialement, les ressources exceptionnelles issues des cessions de fréquences. Il s’explique aussi par l'anticipation hâtive de l'exportation du Rafale, qui n’est toujours pas confirmée. La non-réalisation des contrats export a contraint à avancer dans le temps l'acquisition de cet appareil par nos armées. Enfin, les retards dans la livraison de certains équipements – je pense par exemple à l’A400M – ont conduit à mettre en œuvre des mesures palliatives coûteuses.

Le décalage des crédits de paiement s'est amplifié dès le départ, se creusant chaque année d'environ un milliard, pour atteindre 3,7 milliards aujourd’hui, alors même que le montant des crédits de paiement atteignait un niveau important, de l’ordre de 10 milliards, sans baisse d'une année sur l'autre. J’estime donc que la programmation 2009-2014, conçue par le précédent gouvernement, était trop ambitieuse, dès le départ. La crise de nos finances publiques l’a rendue irréalisable. Je souhaite donc, monsieur le ministre, que le nouveau Livre blanc fixe des ambitions réalistes, cohérentes, responsables et en adéquation avec nos moyens budgétaires.

La consommation anticipée des crédits de paiement a eu pour conséquence des reports de commandes. 4,5 milliards d’euros de commandes auront ainsi été décalées à la fin 2013, sachant que 3,6 milliards l’avaient été à la fin 2012. Au-delà de 2013, les objectifs de la loi de programmation seront très difficiles à atteindre, d'autant que les crédits qui relèvent de la dissuasion nucléaire se trouveront en hausse, sous l'effet du renouvellement et de la modernisation de nos équipements.

Cette situation justifie donc la revue de doctrine et de capacités actuellement en cours au travers de la commission du Livre blanc.

Regardons maintenant le contenu de ce budget pour 2013.

Je commencerai par la dissuasion nucléaire.

Au travers de ce projet de loi de finances, le Gouvernement fait le choix de sanctuariser notre dissuasion nucléaire et de poursuivre sa modernisation, dont les objectifs et les moyens sont au rendez-vous, afin de la conduire dans la durée. Le niveau de consommation des crédits, actuellement de 2,7 milliards, devrait s’établir à près de 3,5 milliards au cours des prochaines années pour maintenir le remplacement progressif de nos missiles sur les deux composantes aéroportée et sous-marine.

Je rappelle que notre dissuasion repose sur deux composantes, toutes deux essentielles, présentant des capacités maintenues à leur stricte suffisance, suivant notre doctrine. Nous devons garder à l’esprit tout l’intérêt de disposer d’une composante aéroportée. Elle permet au Président de la République de disposer d’un maximum d’outils diplomatiques et militaires pour sauvegarder nos intérêts vitaux.

Je noterai également l’impact de votre décision, monsieur le ministre, de passer enfin commande – celle-ci est reportée depuis quatre ans – d’avions ravitailleurs. Cette décision renforce la crédibilité de notre dissuasion en garantissant à notre aviation de combat une élongation suffisante pour pouvoir frapper à très longue distance.

Comme je le rappelle dans mon rapport, sur le plan technique, nos capacités de simulation sont certainement les meilleures au monde. Nous devons rester en tête de peloton.

L’armée de terre est la plus directement concernée par les décalages de commandes. Sur les exercices 2012 et 2013, l’armée de terre supportera 40 % des reports, alors qu’elle ne consomme que 20 % des crédits de ce programme. Je relève notamment le décalage de la commande de missiles moyenne portée, le report d’un an du programme Scorpion, le report de la commande de véhicules légers tactiques ou encore l’annulation de la dernière tranche de petits véhicules protégés. Dans le même temps, je relève un certain nombre de progrès. Vous avez ainsi confirmé la commande d’une seconde tranche d’hélicoptères NH 90 et des crédits importants ont été débloqués pour la rénovation d’appareils essentiels aux opérations : Cougar, AMX 10, VAB, entre autres. En outre, la perspective de renouveler l’équipement en drones tactiques se précise. Dans l’ensemble, je ne constate donc pas de recul, mais plutôt une posture d’attente des conclusions du nouveau Livre blanc.

Je dirai quelques mots sur le milieu maritime qui est également concerné par les nouveaux calendriers. Ceux-ci portent notamment sur le décalage d’un an de la commande du quatrième sous-marin nucléaire d’attaque de type Barracuda et de la rénovation des Atlantique 2. Néanmoins, nous notons avec satisfaction que la marine a pu poursuivre sa modernisation en dépit de la réduction de commandes de frégates multimissions et du remplacement tardif de la flotte logistique.

S’agissant de l’armée de l’air, j’ai relevé d’intéressantes avancées, avec la poursuite de la modernisation de notre flotte de combat. Elle est également touchée par quelques décalages concernant essentiellement, en 2013, le report du traitement d’obsolescences ou de rénovations concernant notamment les C130 et les Mirage 2000D. S’agissant des Mirage 2000D, si nous voulons disposer, à l’horizon 2020, d’une flotte polyvalente de 300 avions de combat, nous devrons reprendre rapidement le plan de modernisation, même si, suivant en cela les conclusions du Livre blanc, nous devons, de nouveau calibrer le programme de rénovation. Enfin, la commande de MRTT d’Airbus est indispensable car ils nous ont manqué en Libye. Je le redis, nous sommes satisfaits de votre décision, monsieur le ministre.

Permettez-moi de m’arrêter quelque peu sur la question des drones MALE, afin de la clarifier, ce qui n’était pas chose évidente jusqu’à présent, et pour dire mon souhait largement partagé par les membres de la commission de l’acquisition d’une capacité francisée ou européenne à long terme. Actuellement équipée de deux systèmes de drones MALE, notre armée a tiré deux conclusions de leur utilisation en Afghanistan et en Libye : ces drones sont un outil indispensable à toute armée moderne et notre équipement de type Harfang est actuellement trop fragile. Ces conclusions doivent s’imposer à notre réflexion pour doter, à terme, nos armées d’une flotte adaptée à ses besoins sans perdre les capacités actuelles ni provoquer de rupture capacitaire. Une action en trois termes sera par conséquent menée : à court terme, agir pour étirer la capacité de notre flotte actuelle jusqu’à 2017 ; à long terme, donc au-delà de 2020, agir pour doter nos armées d’une flotte de conception européenne : après deux tentatives de coopération avec l’Allemagne qui se sont soldées par un échec du fait du retrait de nos partenaires, la seule opportunité réaliste réside dans les accords de Lancaster House avec la Grande-Bretagne, coopération à laquelle l’Allemagne pourrait s’associer suite à la déclaration d’intention signée par nos deux pays voici quelques semaines. Il est indispensable de poursuivre dans cette voie. En revanche, à moyen terme, entre 2017 et 2020, nous avons besoin d’une solution intermédiaire qui repose sur un achat sur étagères de plateformes. Deux types de drones MALE sont aujourd’hui disponibles sur le marché : les drones israéliens Heron TP ou américains Predator dans leur version Reaper. Les deux équipements sont comparables tant sur le plan technologique que financier.

Quelle que soit votre décision, monsieur le ministre, je me fais le porte-parole des membres de la commission pour vous indiquer notre souhait, notre volonté, de voir équiper ces drones de technologie française, voire européenne, afin de garantir à nos armées l’autonomie d’information donc de décision dont elles ont besoin pour accomplir pleinement leurs missions. Il en est, bien entendu, de même pour leur armement si la décision est prise de les armer. Je sais que cette question fait débat au sein de nos états-majors. Ces discussions se poursuivent donc, mais nous voulons appeler votre attention sur la nécessité de prendre une décision, tout report ou prolongation pouvant être préjudiciable à la livraison de ces équipements à nos armées pour 2017. Nous serons donc attentifs aux informations que vous pourrez nous fournir sur l’avancement de ce dossier.

J’ai souhaité, enfin, proposer un développement thématique sur les enjeux technologiques pour la souveraineté nationale. Depuis de nombreuses années, notre pays a su développer un large éventail de capacités industrielles assurant pleinement sa souveraineté, et j’ai pu constater la richesse de notre base technologique et industrielle de défense, qu’il nous faut soutenir principalement en cette période de crise industrielle et financière. Je souhaite que ce soutien soit encore plus renforcé et pérennisé en matière de recherche dans les secteurs indispensables à notre souveraineté. Si notre indépendance demande le soutien de notre industrie et principalement de nos PME, elle réclame également de la vigilance dans le contrôle des investissements étrangers dans nos PME. Notre besoin d’indépendance réclame également une réflexion sur la réorganisation de nos industries, sur les coopérations à développer, réorganisation d’autant plus essentielle que nous vivons les mutations profondes que connaissent leurs marchés.

J’ai aussi souligné la nécessité de nous intéresser aux technologies qui nous permettront de faire face aux nouvelles menaces, et je pense notamment aux cyberattaques

En conclusion, vous l’aurez compris, la commission de la défense est favorable à ce budget. J’invite en conséquence l’Assemblée nationale à voter les crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, mesdames, messieurs, je tiens tout d’abord à remercier mes collègues rapporteurs pour l’excellence de leur travail. Il était essentiel de le préciser à l’occasion de l’examen de ce premier budget de la législature.

J’éviterai donc de répéter ce qui vient d’être excellemment exposé. Je tenterai pour ma part, simplement et humblement, d’éclairer les enjeux en matière de défense dans les mois et les années à venir pour notre pays.

Vous avez tous parlé du Livre blanc. Notre pays est entré dans cet exercice d’actualisation stratégique. Trois d’entre nous y participent avec trois collègues sénateurs. Il me semble utile d’en évoquer les enjeux et de rétablir peut-être un certain nombre de faits. Je m’adresserai tout d’abord à mes collègues de l’opposition. J’ai entendu et j’entends encore, ici ou là, que l’initiative de réécrire un Livre blanc serait hâtive, alors qu’elle est tout de même annoncée depuis 2008, donc depuis l’exercice du précédent Livre blanc. Nicolas Sarkozy, à l’époque Président de la République, en avait décidé ainsi. Vous comprendrez donc ma surprise quand j’entends dire que cet exercice est nouveau ! Je rappelle aussi que le candidat François Hollande l’avait explicitement annoncé lors de la campagne présidentielle. Il ne doit donc pas y avoir de faux débat entre nous. Ne déclassons pas les questions de défense et de stratégie en chicanes politiques. Notre culture de défense commune nous a enseigné, je le pense, mieux que cela !

Je veux vous dire aussi que, sous la présidence de M. Guéhenno, la commission travaille vite et beaucoup, tant en formation plénière qu’au sein des groupes de travail. Mes collègues peuvent vous le confirmer : la charge de travail est réelle. C’est ce qui explique que l’on puisse rendre un document de qualité au bout de cinq ou six mois de travail assidu. Ce rythme est rendu nécessaire par le quinquennat : nous ne sommes plus au temps où un Livre blanc avait une validité de quinze ou vingt ans. Nous devons en prendre acte. C’est à l’image de ce que font nos amis britanniques ou les États-Unis d’Amérique.

J’en viens au fond. J’ai remarqué que certains collègues interprétaient de façon souvent restrictive les termes de la lettre de mission confiée à M. Guéhenno. Là encore, gardons-nous des mauvaises polémiques. Cette lettre, courte par nature, doit au contraire être comprise de façon très large. La commission du Livre blanc a bel et bien pour tâche de rendre un document qui traite de tous les aspects utiles à la définition de la stratégie du pays. Il est vain de tenter de chercher dans la lettre de mission la mention ou les réponses à toutes les problématiques qui devraient être traitées. Ce n’est pas sa fonction. Si le Livre blanc n’est pas un exercice banal, il est néanmoins bien maîtrisé et tout sera abordé, y compris cette question européenne tellement mise en avant dans les discours en 2007 et tellement négligée dans les faits depuis lors. Il n’en va pas de même, et nous devons nous en féliciter, de l’accord de Lancaster, qui nous a permis de progresser avec nos amis britanniques.

Deux postures s’imposent à nous : la sincérité des chiffres et la responsabilité vis-à-vis des militaires et des civils de la défense quant aux missions que nous allons leur confier. J’ajoute que le passé doit être aussi un enseignement : le précédent Livre blanc s’est perdu dans les détails, en raison d’une prétention à l’exhaustivité. Il est certes vrai qu’en 2007 cela faisait très longtemps que nous n’avions pas réalisé cet exercice. Or faire de la stratégie n’est pas se contenter de décrire, c’est définir ce qu’on veut faire. C’est à quoi s’emploie la commission chargée de préparer ce livre.

Je vous livre maintenant quelques réflexions pour les débats et l’action.

Notre pays a des aspirations stratégiques qu’il n’envisage pas d’abdiquer. Néanmoins, nous avons tous conscience des difficultés de l’époque. J’ai suffisamment entendu, lorsque j’étais députée de l’opposition, les ministres nous expliquer que la crise était mondiale et que notre pays devait en prendre la mesure, pour être certaine que cette donnée n’échappe aujourd’hui à personne. La principale surprise stratégique de ces dernières années, c’est cette crise macroéconomique. Nous examinerons un projet de loi de programmation militaire en ayant à l’esprit cette dimension. Il n’est pas possible d’affecter à la défense des ressources qui n’existent tout simplement pas.

La dette publique, qui était de 1 200 milliards d’euros en 2007, dépasse les 1 800 milliards. Notre indépendance et notre souveraineté nationale en sont menacées. La décision du Gouvernement de ramener le déficit public à moins de 3 % du PIB l’an prochain participe de la restauration d’une liberté d’action stratégique, et j’insiste sur ce mot. La contrainte existe donc. Elle n’est pas un renoncement, mais il faut trouver une voie, une synthèse entre les ambitions que nous voulons grandes et les contraintes qui sont très fortes. Je rappelle les chiffres cités par M. François Cornut-Gentille : il manquera, fin 2013, au niveau de la loi de programmation militaire, près de 5 milliards – j’étais arrivée, pour ma part, à 4,5 milliards –, soit 50 milliards lorsqu’on examine la trajectoire financière à l’horizon 2020.

Le temps est venu de regarder la vérité en face et je vais m’expliquer sur ce point afin que chacun me comprenne bien. Refaisons un peu d’histoire. En 1996, le Président de la République Jacques Chirac a annoncé sa décision de suspendre le service national obligatoire. Notre collègue Voisin fut le rapporteur de ce projet de loi. Que s’est-il passé ensuite ? À partir de 1997, il a fallu financer une décision dont les conséquences budgétaires avaient été gravement sous-estimées. Ce fut, à l’époque, l’honneur d’Alain Richard, ministre de la défense, d’énoncer la vérité des chiffres et de mener à bien une réforme immense en douceur. Cela a eu un coût, à l’époque, financé par un transfert des crédits d’investissement vers les lignes de fonctionnement. Une revue de programmes a eu lieu pour tirer les conséquences de l’héritage de cet exercice.

La loi de programmation n’a d’ailleurs pas pu être parfaitement exécutée parce que, même après une revue de programmes, le coût de la professionnalisation, dans tous ses aspects, dépassait les prévisions. Je pense par exemple à la restructuration des services industriels du ministère de la défense.

Qu’avons-nous entendu à partir de 2002 – j’étais dans l’opposition – sur l’état dans lequel nous, socialistes, avions laissé la défense ? Pour ma part, je me souviens que Jean-Michel Boucheron avait qualifié la loi de programmation de Mme Alliot-Marie de lettre au Père Noël. On sait aujourd’hui combien il avait raison : la partie ressources a été défaillante et Mme Alliot-Marie nous a laissé en héritage collectif un monceau de commandes d’équipements (Protestations sur les bancs du groupe UMP) dont le coût dépassait les possibilités du budget de la défense.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. C’est dommage de tenir de tels propos !

M. Nicolas Dhuicq. Dans quel état Jospin avait-il laissé la défense française ?

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense. Ce point est désormais bien connu puisqu’il avait été dénoncé en 2007 par l’opposition mais aussi confirmé par Hervé Morin, ministre de la défense, qui avait dû inventer divers expédients pour faire face à la bosse des paiements laissée en cadeau par son prédécesseur.

M. Alain Chrétien. Vous polémiquez un peu !

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense. Je ne polémique pas, je rappelle des faits.

Depuis, il y a eu une loi de programmation pour les équipements, ambitieuse et indispensable, car il s’agissait d’une loi de livraisons et non de commandes, des recettes exceptionnelles pour équilibrer le budget et la révision générale des politiques publiques pour faire baisser les coûts de rémunération et de fonctionnement, le tout pour permettre de faire un effort sur l’équipement.

Qu’en est-il résulté ? Au bout de trois ans, on assiste à un décrochage des ressources et le ministère est au milieu d’une restructuration de plus en plus difficile à mesure qu’on supprime, coupe et retaille. C’est la situation d’aujourd’hui.

Mes chers collègues, je m’interroge. Est-ce donc le destin de tout gouvernement arrivant au pouvoir, qu’il soit de droite ou de gauche, de devoir toujours apurer les comptes qu’on lui laisse en matière de défense ? Il ne suffit pas de dire aux armées qu’on les aime, qu’on souhaite préserver notre souveraineté et assumer notre place dans le monde. Il est aussi louable de ne pas mentir. Or la situation présente est doublement difficile, en raison de la crise qui touche notre pays et en raison de l’état du budget de ce ministère. Il est donc souhaitable d’unir nos efforts plutôt que de tomber dans la surenchère. La conjoncture est grave. Appeler à des budgets irréels n’est pas à la hauteur des enjeux. Les états-majors, les militaires, les civils de ce ministère le savent, les industriels aussi, et ils attendent de nous des choix clairs et réalistes.

Je voudrais évoquer plusieurs questions sociales, monsieur le ministre.

La mesure de réduction des tableaux d’avancement imposée par les services du budget est à mon avis contre-productive. Elle ne rapporte rien mais tend considérablement une situation sociale déjà très préoccupante.

Au sein du ministère de la défense, le personnel civil se sent plus que jamais laissé pour compte. C’est évidemment l’héritage de dix ans de dialogue social déficient. Il faut y remédier.

Toujours dans le domaine social, la RGPP a créé de graves scories : des agents du ministère ont vu leur pension de retraite liquidée avec une décote alors qu’ils étaient partis en retraite dans le cadre d’un dispositif d’incitation. Cette situation inimaginable est le produit d’un désaccord d’interprétation entre Bercy et votre ministère. C’est la parole de l’État qui est en cause. Il est donc indispensable de régler ces dossiers.

Des centaines de personnes victimes de l’amiante ne peuvent bénéficier d’un départ effectif en retraite en l’absence de mesures de liquidation de leur pension. Cette situation dure depuis plus de deux ans. Quand sera-t-elle réglée ?

Enfin, j’en viens à Louvois, et je me fais la porte-parole de tous les membres de la commission de la défense. Louvois restera dans l’histoire comme un grand ratage de la modernisation de l’État. Qu’on bascule la rémunération d’agents de l’État sur un logiciel défaillant est gravissime. J’ai remarqué la tendance de certains à diluer les responsabilités sur ce dossier, voire à mettre en cause la victime, l’armée de terre. Or cette question de la responsabilité est centrale. Vous avez pris des mesures courageuses, énergiques, pour pallier ces défaillances, mais je souhaite vivement que l’on puisse très rapidement savoir avec précision comment on a pu faire l’erreur de confier cette administration à un logiciel déficient. La commission de la défense engagera, je pense, des investigations de son propre chef.

Pour terminer, je veux vous dire ma conviction personnelle, mais partagée, je crois, par toute la commission, qu’il est nécessaire de renforcer encore et toujours le lien armées-nation et, en particulier, l’un de ses outils privilégiés, la réserve militaire. Je crois que ce fut une grave erreur en 1996 de l’avoir un peu laissée de côté. Nous devons travailler et explorer ensemble cette voie d’avenir.

En conclusion, j’informe l’Assemblée que la commission de la défense a émis un avis favorable sur l’ensemble de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, premier orateur inscrit.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour analyser le budget 2013 de notre défense et de nos forces armées, 2013, cinquième année de la loi de programmation 2009-2014 mais dernière année de cette LPM puisque, du nouveau Livre blanc en préparation, émergera une LPM 2014-2019, loi à mon sens de tous les dangers, mais nous y reviendrons plus tard.

Le Livre blanc avait fixé notre nouveau concept stratégique en 2008 et notre nouvelle doctrine d’emploi de nos forces. Son corollaire, nommé RGPP, avait conduit à glisser le tout dans une enveloppe financière à l’origine de 377 milliards jusqu’à 2020.

La LPM 2009-2014 s’y voyait consacrer 186 milliards, avec une progression annuelle des crédits au rythme de l’inflation réévaluée d’un point à partir de 2012. Cela devait permettre d’assurer la stricte suffisance de notre dispositif.

Ce sont 128,8 milliards qui étaient prévus dans la LPM pour les quatre années 2009-2012. Du fait d’une crise financière et économique sans précédent, seuls 125,5 milliards, soit 3,3 de moins, ont été budgétés.

Nous entendions déjà les craintes des états-majors, et l’amiral Guillaud n’hésitait pas à déclarer en octobre 2010 : « Nous avons pour l’instant des armées cohérentes mais nous sommes au seuil. Si l’on devait connaître une coupe supplémentaire, il faudrait se poser la question du modèle et peut-être changer ce modèle car il pourrait devenir déséquilibré. Les militaires vivraient mal l’incohérence entre l’ambition et l’effort. »

Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous nous présentez un budget 2013 de 31,4 milliards d’euros, soit 1,8 milliard de moins que ce que ce prévoyait la LPM, 33,2, pour 2013. Nous constatons de plus que vous y incluez pour 1,27 milliard de recettes aléatoires, ce qui nous conduirait, si elles n’étaient pas perçues, ce qui est toujours possible, à un déficit de 3 milliards d’euros.

Devant la commission, vous déclariez le 2 octobre que la période post-Livre blanc serait celle des choix décisifs et que, pour l’instant, la défense consentait un gros effort dans un contexte de fortes contraintes mais en nous préservant de mesures irréversibles. Cela signifie-t-il que la LPM à venir sera celle des mesures irréversibles ? Je crains fort d’y retrouver des régressions financières à même de nous amener inexorablement au déclassement stratégique et à la rupture capacitaire.

Les chefs de nos armées nous ont indiqué que le moral des femmes et des hommes qu’ils commandent était en berne, faisant un constat douloureux entre fierté du travail accompli et vives inquiétudes pour l’avenir.

Le budget triennal programme 30,148 milliards pour 2015, soit 29 milliards en valeur 2012, quasiment 10 % de moins qu’aujourd’hui. Cela a amené l’amiral Guillaud à déclarer le 10 octobre devant la commission : « Au résultat, la divergence cumulée atteindra 10 milliards pour 2013-2015, soit presque une année de masse salariale du ministère hors pensions ou la totalité du programme des six sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda. »

Si l’on prolonge la tendance actuelle, on atteindra en 2020 un écart de 40 milliards d’euros en valeur 2012, soit 130 % du budget total d’une année.

Aux normes OTAN, l’effort de défense de la France était de 2 % du PIB en 1997. Nous l’avions retrouvé en 2002 à 1,6 après le passage aux affaires de la gauche, qui n’avait pas su profiter de cette pleine période de croissance pour consolider nos forces et, surtout, entamer la professionnalisation de notre armée. Nous l’avons stabilisé entre 1,6 et 1,7 ces dix dernières années. Il est de 1,55 en 2012. À l’horizon 2015, il dépassera à peine 1,3 %.

Aujourd’hui, la planète se divise en deux parties très inégales : celle qui désarme, l’Occident ; celle qui réarme, le reste du monde, et en particulier les pays que l’on appelait naguère émergents. Durant les cinq prochaines années, les dépenses militaires des pays du BRIC devraient augmenter de 150 % alors que les dépenses mondiales resteront stables. Dans cinq ans, les dépenses militaires de l’Europe ne représenteront plus que 16 %, c’est-à-dire quasiment le niveau qu’aura atteint la Chine, 15 %, contre 5 % aujourd’hui. La Russie sera passée de 2,75 à 4,5 %, l’Inde et le Pakistan de 2 à 4 %, l’Amérique du Sud de 2 à 5 %. Les États-Unis ne représenteront plus que 42 % des dépenses militaires mondiales contre 50 % aujourd’hui.

Devant la commission de la défense, l’amiral Guillaud déclarait d’ailleurs : « L’Europe désarme alors que le monde réarme. L’Europe baisse la garde dans un contexte de crise économique et financière où les risques cumulés sont sources de tensions régionales et internationales. »

Aujourd’hui, de plus, l’espace Asie Pacifique est déjà la première priorité stratégique américaine, ce qui doit nous conduire à admettre que nous devons remettre en cause l’engagement des États-Unis pour la défense de l’Europe.

Aussi, en cette période de crise économique et financière, nous devons nous efforcer de raisonner différemment. Si nous voulons vraiment que l’Europe reste un acteur global capable d’actions stratégiques indépendantes, nous devons abandonner les voies qui nous conduisent à la marginalisation.

Tout d’abord, constatons qu’il est illusoire de penser que nous pouvons construire l’Europe de la défense à partir de l’Union européenne. En ce sens, la volonté de rapprochement entre la France et le Royaume-Uni représente une réelle occasion à saisir. La France et la Grande-Bretagne, qui représentent à elles deux 50 % du budget de la défense de l’Europe, doivent représenter le noyau dur autour duquel pourraient venir s’agglomérer ceux qui consentent encore à faire un effort de défense, et je pense en premier lieu à nos amis allemands et polonais.

La mise en commun des moyens et des efforts doit se faire non pas sur la base de l’Europe institutionnelle, mais autour d’un leadership crédible, multinational pour des raisons de légitimité, et resserré pour des raisons de crédibilité.

La construction reposera alors sur nos capacités à mutualiser nos moyens et, éventuellement, à partager nos capacités, ce que les Anglo-Saxons appellent le pooling and sharing. Chacun des participants à ce groupe pionnier devra avant tout s’être posé la question de savoir par rapport à qui l’on souhaite demeurer indépendant ou, plutôt, quel degré de dépendance on accepte d’avoir et vis-à-vis de qui, car partage capacitaire implique de facto un abandon de souveraineté sur un outil par essence régalien. La mutualisation, elle, n’attente pas à la souveraineté, mais elle en limite l’exercice.

Tout cela doit bien sûr être accompagné d’une industrie de défense solide. Nous devons sans tarder restructurer notre outil industriel de défense afin de donner naissance à une solide base industrielle et technologique de défense européenne.

L’échec du rapprochement EADS-BAE est là pour nous démontrer qu’en l’absence d’une véritable union politique, rien n’est possible, et que cette nécessaire union politique en termes de défense commune ne trouve pas sa place dans le cadre de l’Union européenne telle qu’elle fonctionne actuellement.

Tel est, monsieur le ministre, le défi que nous avons devant nous.

Le Président de la République, François Hollande, déclarait il y a quelques mois : « La France doit à son armée une part éminente de sa grandeur, de son indépendance, de son rayonnement dans le monde aussi. Elle lui doit d’être restée la France, et de pouvoir défendre l’idée qu’elle se fait de la dignité de l’homme. Elle lui doit de pouvoir veiller sur son idéal. »

Nous partageons cette vision. Puisse le futur Livre blanc et, surtout, la LPM 2014-2019 exaucer le vœu du président de disposer d’une armée à même de pérenniser la grandeur de notre nation et de protéger ses habitants et ses intérêts.

Or réduire notre budget de défense, c’est perdre immédiatement notre indépendance et notre crédibilité, fragiliser notre économie et réduire nos capacités d’innovation, réduire nos possibilités d’exporter notre savoir-faire ; c’est aussi affaiblir l’une des rares institutions encore capable d’intégrer dans la communauté nationale des Français en voie de marginalisation.

Quant au budget dit de transition que vous nous présentez aujourd’hui, il ne constitue pas à nos yeux la garantie que la protection de la souveraineté et les intérêts de la France soient en toute situation assurés, et que nos armées soient en capacité d’exercer la totalité de leurs contrats opérationnels.

C’est le constat que nous pouvons faire après avoir entendu en commission les états-majors de nos armées.

Aussi le groupe UMP ne votera-t-il pas ce budget 2013, en espérant que la LPM 2014-2019 nous donnera l’occasion sinon de nous enthousiasmer, du moins de calmer nos inquiétudes et celles de nos armées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite commencer mon propos par une pensée pour ces femmes et ces hommes militaires, dont la conduite exemplaire a démontré la grandeur de la France et son rôle dans la défense des libertés et des droits de l’homme, avec un hommage particulier à celles et ceux qui n’en sont pas revenus indemnes.

Examinons à présent les crédits de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2013. Sans grande surprise, nous avons constaté que les crédits de cette mission subiront une baisse de 0,66 % par rapport au budget 2012, soit 200 millions d’euros de réduction. A priori, il restera ensuite stable jusqu’à l’année 2015. Cette stabilité correspond dans les faits à une baisse des moyens.

La prise en compte des évolutions spontanées de la dépense aurait dû conduire à une revalorisation des crédits pour l’année 2013. Ce sont en réalité 2,2 milliards d’euros supplémentaires qu’il aurait fallu injecter dans la mission « Défense ».

Cette mission est la première touchée par les coupes budgétaires de l’État, et ce à deux titres. D’une part, ce budget réduit les dépenses prévues par la loi de programmation militaire : les dépenses de fonctionnement « support » diminuent de 7 %. D’autre part, ce ministère n’est pas considéré par le Gouvernement comme prioritaire et sera fortement impacté en termes de format des armées. Il devra non seulement faire face – comme tous les autres ministères non prioritaires, pour compenser les créations de postes dans ceux qui sont prioritaires – à des réductions d’effectifs, mais il sera le ministère le plus touché. L’effort demandé représente à lui seul 59 % des réductions de postes globales, avec 7 234 postes supprimés en 2013.

Les dépenses militaires ont augmenté de plus de 50 % dans le monde depuis 2001. En Europe, l’écart entre la défense britannique et française va en s’amplifiant. En Allemagne, le budget augmente.

Nous avons dû faire face à un surcoût des OPEX qui, selon la Cour des comptes, dans son rapport thématique de juillet 2012, s’élève à environ 870 millions d’euros par an, malgré les 630 millions d’euros budgétisés en 2011.

Les conséquences de ce budget seront multiples, mais il me paraît essentiel de souligner certains points.

S’agissant de la dimension de l’armement, le groupe UDI tient à réaffirmer l’importance de la formation de nos armées, notamment en ce qui concerne le nombre d’heures de vol pour les pilotes. Les heures d’entraînement actuellement réalisées sont toutes inférieures aux seuils fixés par la LPM. Comme le rappelle également la Cour des comptes, ce déficit d’heures de vol « pose problème pour le maintien de certaines compétences. Y remédier doit être regardé comme une priorité pour l’affectation des ressources budgétaires au niveau de l’ensemble du ministère. »

Malgré des équipements de grande qualité, fixés par la LPM et livrés à nos armées, il demeure des lacunes, par exemple pour les avions ravitailleurs et ceux de transport, dues au retard du programme A400M, mais aussi pour les drones, facteur essentiel et préoccupant, sans compter le retard du programme Scorpion. Il faut, monsieur le ministre, accorder un intérêt particulier à ces questions centrales.

Deuxièmement, il est à mon sens nécessaire que la défense puisse avoir une action sur la mise aux normes et la rénovation des casernements. Le moral de nos troupes passe par un minimum de confort de vie. À titre d’exemple, nous avons entendu en commission que des bases de défense connaissaient de sérieuses difficultés financières au point d’être conduites à chauffer très peu leurs bâtiments.

L’État doit avoir une action en matière de casernes éco-responsables. Ce n’est pas un effet d’annonce pour paraître exemplaire dans le domaine écologique. Dans le contexte actuel, de telles mesures seraient à la fois source d’économies et vertueuses sur le plan environnemental. Aujourd’hui, 30 % des énergies consommées le sont au titre de la vie courante sur les sites du ministère de la défense. J’ai eu l’opportunité de réaliser un rapport parlementaire sur les Enjeux environnementaux du ministère de la défense, dont je vous invite à prendre connaissance. Pour exemple, je cite le camp de Valdahon qui s’est équipé d’une chaufferie au bois permettant de réaliser plus de 400 000 euros d’économies par an sur le budget du chauffage.

Enfin, la dimension internationale est primordiale. Il est évident que le respect de la France est dû à sa capacité à se défendre. Nos armées sont intervenues de façon décisive en Côte-d’Ivoire et en Libye. Nos militaires rentrent d’Afghanistan avec le sentiment d’une tâche accomplie dans des conditions difficiles.

Regrettons que l’Europe de la défense, que nous appelons de nos vœux, ne soit pas plus aboutie. La mise en commun des moyens à l’échelle européenne conduirait de manière certaine à la formation d’un ensemble véritablement puissant, pouvant prendre toute sa place sur la scène internationale.

Vous l’avez écrit, monsieur le ministre : « Les mois qui viennent ne vont pas être faciles. » Le Livre blanc en cours de rédaction suscite des espoirs dans le monde de la défense et des forces armées, espoirs qui, nous le souhaitons, ne seront pas déçus. Dans cette attente et au regard des éléments en notre possession, les députés du groupe UDI s’abstiendront sur ce budget de la défense pour 2013.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, nous examinons un budget « Défense » de continuation avec la législature précédente.

Le ministère connaîtra 7 234 suppressions nettes de postes en 2013.

L’année prochaine sera également marquée par la poursuite de la modernisation de nos armes nucléaires, qui engloutiront 3,4 milliards, soit 21 % des crédits d’équipement. Nous contestons que la dissuasion nucléaire soit l’assurance vie de la nation. Elle ne correspond pas aux nouvelles menaces. De même, il faut écarter le danger de la disparition de la vie sur terre suite à un conflit nucléaire. La France doit s’engager rapidement dans le soutien à la convention d’élimination des armes nucléaires, actuellement soutenue par 146 États. Elle doit respecter les engagements du traité de non-prolifération, bafoués depuis vingt ans, en gelant le programme de nouveaux missiles à tête nucléaire M51.

S’agissant des opérations extérieures, nous nous réjouissons du départ de nos troupes combattantes d’Afghanistan, ce qui nous permettra d’économiser 90 millions d’euros.

S’agissant des équipements conventionnels, ce budget est loin d’être un budget de désarmement. Il y a effectivement des économies sur l’équipement, mais elles n’ont aucune logique stratégique et répondent à des considérations de réduction du déficit public. Le plan de charge des industriels est maintenu. Le niveau des commandes reste conditionné par les impératifs industriels, comme pour la livraison des Rafale.

Dans la mesure où l’État est contraint par certains achats, notre proposition de création d’un pôle public de l’industrie prend tout son sens. Les industries de défense nationale doivent être nationalisées.

Nous nous opposons aussi au projet de défense antimissile balistique. Ce projet de l’OTAN conduirait à l’accélération de la course à l’armement ainsi qu’à la prolifération d’armes de destruction massive et de missiles balistiques dans le monde, notamment dans les pays déclarés hostiles.

Sur l’OTAN elle-même, alors que le groupe socialiste avait déposé une motion de censure à l’occasion du retour dans le commandement intégré en 2008, cette fois, une simple mission d’évaluation est confiée à M. Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères. C’est un recul très grave. Nous prônons pour notre part la sortie de la France de l’OTAN, organisation qui ne connaît que la logique de la force, qui n’est pas réformable, qui s’oppose à toute défense européenne et se croit investie de la sécurité du monde contre la responsabilité et les compétences mêmes de l’ONU.

De même, nous sommes favorables aux grands projets contribuant à l’indépendance de l’Europe vis-à-vis des États-Unis : l’avion A400M, par exemple, mais aussi le système satellitaire de localisation Galileo.

En matière sociale, là encore, nous déplorons que le ministre applique la même politique que ses prédécesseurs. Dès le mois de juillet, il a signé la décision de restructuration pour 2013. Une décision qui ne fait qu’appliquer à la lettre la RGPP. Pourtant, il est clair que la mise en place des bases de défense à la hache occasionne de trop nombreux dysfonctionnements militaires et de gestion. Cette réorganisation se fait avec un seul objectif : liquider les emplois, dont près de 1 900 emplois civils. N’oublions pas que les civils ont contribué proportionnellement plus que les militaires à la réduction des effectifs. Nous sommes passés de 145 000 personnels civils il y a seize ans à 65 000 aujourd’hui, ce qui est le synonyme d’une externalisation massive.

Le maintien en condition opérationnelle représente environ 70 % du coût global de possession d’un matériel. Forcément, les appétits capitalistes s’aiguisent, et nous déplorons que rien ne soit fait pour calmer les ardeurs du privé. Quel sera l’avenir, pour nos régiments de soutien, nos ateliers industriels aéronautiques, notre service de soutien à la flotte ?

Symbole spectaculaire de la montée en puissance du recours au privé : le projet titanesque Balard-Bouygues, réalisé sous forme d’un partenariat public-privé. Nous sommes toujours opposés à une telle réalisation.

Globalement, la masse salariale diminuera de 0,7 % en 2013. Il s’agira de la pire année pour les personnels civils : il n’y aura aucune augmentation salariale, et les mesures catégorielles, statutaires et indemnitaires seront réduites de moitié. Cela n’est pas satisfaisant.

Enfin, la montée en puissance de la fonction stratégique « connaissance et anticipation » se poursuit en 2013. C’est une bonne chose. Il est primordial d’éclairer correctement l’environnement présent et futur pour la conduite de la politique de défense nationale et d’intelligence économique. En 2003, il me semble que la possession par la France de ses propres moyens de reconnaissance et de renseignement lui a permis de déjouer les mensonges sur les prétendues armes de destruction massive en Irak.

Vous l’aurez compris, les députés du Front de gauche voteront contre ce budget « Défense » pour 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nauche.

M. Philippe Nauche. Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez aujourd’hui est un budget qui a du sens. Il illustre l’esprit de défense, dans un cadre difficile.

Les crédits de la mission « Défense » que nous sommes amenés à examiner s’inscrivent dans un exercice complexe, avec à la fois le caractère contraint du budget, lié à l’état général de notre pays, et son caractère transitionnel. Ces crédits visent donc à préserver l’essentiel de notre outil de défense au service de notre pays.

Caractère contraint car le volume des dépenses a été fixé de la façon la plus rigoureuse. Je tiens d’ailleurs à vous féliciter, monsieur le ministre, pour l’efficacité avec laquelle vous avez permis à ce budget d’être ce qu’il est.

Caractère transitionnel car la gestion des dix dernières années a parfois péché par excès d’optimisme. Je reprends là les propres termes de la Cour des comptes, dans le rapport qu’elle a remis au mois de juillet sur le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire couvrant la période 2009-2014, afin d’éclairer nos choix.

Je ne citerai que les recettes exceptionnelles attendues, qui devaient rapporter 2,5 milliards d’euros et n’ont au bout du compte rapporté que 1 milliard. Que dire par ailleurs des dépenses, elles, prévisibles, mais qui n’avaient pas été prévues, liées à la participation de la France aux structures intégrées de l’OTAN ?

Tout ceci a conduit le Président de la République et le Gouvernement à mettre en route l’élaboration d’un nouveau Livre blanc de la défense. Ce document, qui devrait être présenté en janvier, servira de base à l’élaboration d’une nouvelle loi de programmation militaire que nous examinerons dans les mois à venir. Elle déterminera les missions et les contrats opérationnels des forces armées ainsi que les moyens qui leur seront alloués pour les remplir.

Permettez-moi de faire une parenthèse sur une affaire qui me tient spécialement à cœur, et je sais, monsieur le ministre, à quel point vous vous êtes mobilisé afin de la résoudre au plus vite : il s’agit de la mise en place hâtive et non maîtrisée de nouveaux outils de gestion au sein de nos armées. Le logiciel Louvois, destiné, je cite, à « moderniser les procédures de paiement des soldes des personnels des armées », a été mis en place en octobre 2011 sans avoir été fiabilisé. Dans le même temps, les services de traitement de la solde étaient supprimés pour contribuer à la baisse des effectifs de soutien prévus par la RGPP du précédent gouvernement. On le sait aujourd’hui, 10 000 à l5 000 militaires et leurs familles sont en difficulté.

C’est un héritage dont vous vous seriez bien passé. Depuis des semaines, vous avez travaillé à faire cesser ces dysfonctionnements mais, un an après la mise en service, des erreurs perdurent. Je me félicite de l’efficacité avec laquelle vous êtes intervenu et de l’énergie que vous y avez mise, afin qu’aucune famille ne reste dans une situation intenable et indigne de notre pays.

Cela étant, comme je l’ai dit en commençant, le budget 2013 ne pouvait être qu’un budget de transition. Il vous fallait à la fois maintenir le niveau opérationnel de nos forces et maîtriser la dépense publique, dans un contexte que nous connaissons tous.

Ce difficile équilibre se retrouve au sein des quatre programmes qui constituent la mission « Défense », sur lesquels je ne reviendrai pas en détail, nos rapporteurs les ayant déjà largement et excellemment présentés.

Deux exemples, cependant, pour illustrer la préparation des choix opérationnels que vous allez effectuer comme il se doit.

Le budget 2013 prévoit le lancement du programme d’avions MRTT, attendu depuis 2007, soit plusieurs années. Cet avion de ravitaillement en vol et de transport, pour lequel sont prévus 368 millions d’euros en autorisations d’engagement, permettra de remplacer la flotte vieillissante d’avions ravitailleurs, et sa polyvalence d’assurer un plus large spectre de missions. C’est une décision extrêmement importante.

Le système de drone MALE intermédiaire, destiné à assurer des missions de renseignement de théâtre, est présent dans le budget. Aucune solution industrielle n’a encore été arrêtée, mais un achat sur étagère étant envisagé, je tiens à dire que, si cette solution assurerait certes la continuité de notre capacité de renseignement d’origine imagerie, vitale du point de vue opérationnel, elle poserait cependant la question de la maîtrise des logiciels et de certains capteurs pour assurer l’indépendance de nos moyens. À cet égard, il y a un très grand enjeu technologique et industriel en matière d’industries de défense, en particulier pour le drone MALE, car il faudrait que puisse être lancé en même temps un programme qui serait idéalement européen.

Enfin, monsieur le ministre, à l’heure où le retrait de nos forces d’Afghanistan est engagé, je souhaite conclure mon propos en évoquant la situation des personnels afghans avec lesquels nos forces ont travaillé, et plus spécifiquement celle des interprètes. Leur vie est aujourd’hui menacée pour certains. Tous les membres de la coalition sont confrontés à cette question. Certains pays envisagent d’accueillir ces personnes, si elles le souhaitent, sur leur territoire. Je souhaite savoir ce que la France envisage de faire à leur égard.

En conclusion, à la lumière de tous les arguments que je viens d’exposer, je soutiendrai, comme mes collègues du groupe socialiste, ce budget qui est le meilleur possible dans la période de transition d’aujourd’hui et dans le contexte budgétaire qui est le nôtre. En effet, il prend en compte l’objet essentiel d’un budget défense : le rôle et le sens de l’action que nous voulons voir tenir à notre pays dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Depuis l’élection de François Hollande et de cette majorité, monsieur le ministre, il n’y a pas eu une semaine sans qu’un membre de votre gouvernement ne s’attaque aux mesures prises par la majorité précédente mais aussi à tous les fondamentaux qui définissent notre pays, la France. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Avec les projets de loi et les décisions de votre gouvernement au sujet du mariage homosexuel, du droit de vote des étrangers, des naturalisations massives, du matraquage fiscal, des salles de shoot, de la repentance, tout y passe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Hors sujet !

M. Philippe Meunier. La France n’a jamais subi une telle attaque de la part d’un président de la République.

Après vous en être pris aux familles, à la nation et au bon fonctionnement de notre économie, il ne vous restait plus qu’à vous attaquer aux armées, pour le plus grand plaisir de votre majorité mise sous tutelle d’écologistes dogmatiques et de revanchards qui n’ont pas encore compris que la lutte des classes menait au désastre.

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Tout dans la nuance !

M. Philippe Meunier. Monsieur le ministre, si je ne remets pas en cause votre souhait d’obtenir du Premier ministre des arbitrages plus favorables à l’égard de votre budget, force est de constater que celui-ci servira une nouvelle fois de variable d’ajustement à un gouvernement de gauche.

Mme Émilienne Poumirol. La RGPP, c’est vous !

M. Philippe Meunier. Ce procès, monsieur le ministre, n’est pas un procès d’intention, car c’est bien le Président de la République, François Hollande, qui a déclaré que le budget de la défense nationale ne serait pas un budget prioritaire au cours de ce quinquennat. Comme tous les précédents gouvernements de gauche, vous avez donc décidé de privilégier la dépense publique pour satisfaire votre clientélisme électoral,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Philippe Meunier. …au détriment de nos forces armées et donc de la sécurité de notre pays et de nos compatriotes. Ce ne sont pas les paroles prononcées par François Hollande sur la sanctuarisation budgétaire de la force de frappe qui suffiront à nous rassurer. Car, dès cet été, vous avez pris la décision de reporter plusieurs milliards d’euros de crédits d’équipement prévus initialement pour nos forces armées, au détriment de l’efficacité de notre défense. Votre ministère ne fait pas partie des trois budgets prioritaires de votre majorité. Il sert donc, je le répète, de variable d’ajustement pour respecter l’équilibre général du budget. C’est un fait. Affirmer le contraire est un mensonge.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Allégation scandaleuse !

M. Philippe Meunier. Vous faites ainsi le même choix que Lionel Jospin entre 1997 et 2001. Ce choix, contraire à l’intérêt national, aura les mêmes conséquences, à savoir une armée de moins en moins opérationnelle, des équipements de plus en plus obsolètes et un rayonnement international de la France en berne ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous répondrez, comme à l’accoutumée et comme vos collègues du Gouvernement, que vous n’êtes pas responsable, que tout est de la faute des autres et de Nicolas Sarkozy en particulier, mais cela ne suffira pas, monsieur le ministre ! Argument ultime, vous allez nous expliquer que ce budget est très proche en volume de celui de 2012 même s’il est en baisse, et qu’il faut donc le voter, en oubliant que la situation internationale change et que l’insécurité sur de nombreux continents s’accroît, en oubliant que notre défense, pour être opérationnelle, doit en permanence évoluer en fonction des dangers qui nous menacent.

Aujourd’hui, dans ce XXIe siècle si instable et dangereux, il serait irresponsable de ne pas adapter notre défense pour faire face à la nouvelle situation en consentant les efforts budgétaires nécessaires. Avions ravitailleurs, porte-avions, drones : nous devons accélérer pour améliorer l’opérationnalité de nos forces armées. Cela doit passer par de bons choix mais aussi par un budget qui doit être prioritaire. Et celui-ci ne l’est pas !

Telles sont les raisons pour lesquelles je ne voterai par votre budget, monsieur le ministre, avec le grand regret de voir mon pays faire le choix de baisser sa garde à un moment où, comme l’a dit M. Vitel, les grands pays de ce monde, dont fait encore partie la France, augmentent leur budget de défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en incarnant tant de valeurs chevillées au plus profond de la nation, les hommes et les femmes qui ont participé, dans l’histoire, à la défense de notre pays, de Valmy à Verdun, du chemin des Dames à la vallée de la Kapisa,…

M. Nicolas Dhuicq. À Poitiers ! À Bouvines ! (Sourires.)

M. Philippe Folliot. …en passant par l’Indochine et l’Afrique du Nord, ont toujours illustré, par leur sacrifice et leur engagement au combat, la grandeur de la France.

Aujourd’hui, nous sommes dans une situation spécifique qui nous invite à nous interroger et à réfléchir sur ce que la défense est pour notre pays.

La défense, c’est l’assurance vie de la nation, et comme toute assurance vie, quand elle ne sert pas, certains trouvent qu’elle coûte trop cher. Il est essentiel pour chacune et chacun d’entre nous d’être conscient de cette nature de la défense et de ses enjeux, comme il est essentiel de savoir que si, dans le concert des nations, la France pèse plus que son importance au regard de sa population ou de son poids économique, c’est en grande partie à sa puissance et à son savoir-faire militaires qu’elle le doit. Nous sommes membres du Conseil de sécurité des Nations unies. Cela engendre des droits, mais aussi des devoirs, notamment celui de tenir son rang et celui d’assumer ses responsabilités dans des engagements militaires internationaux, sous l’égide des Nations unies, comme force de la paix.

Mais la défense, c’est aussi un grand enjeu sur le plan technologique parce que notre pays, grâce justement à son industrie de défense, maîtrise des technologies dont les effets induits ne sont pas à négliger pour l’industrie civile.

La défense joue également un rôle essentiel pour notre économie au travers, là encore, de son industrie. Alors que le déficit du commerce extérieur a atteint 70 milliards d’euros en 2011, la balance de la défense était excédentaire de 6,5 milliards. Ce qui a également un impact en interne, parce que si l’on n’exporte pas, les équipements de nos forces nous coûteront beaucoup plus cher.

Enfin la défense joue aussi un rôle majeur pour l’emploi : près de 300 000 emplois directs sans compter tous les emplois induits.

Nous voyons ainsi que la défense doit être au cœur des préoccupations de la nation.

On a beaucoup parlé d’une heure de vérité, d’un moment important, car avec le Livre blanc vont se poser bien des questions. Notre pays a-t-il les moyens de ses ambitions ? Nous verrons, à la parution de ce nouveau Livre blanc, ce qu’il en est de l’adaptation des moyens au regard des contraintes budgétaires et financières.

Je veux, monsieur le ministre, vous rendre hommage pour votre implication personnelle, dans un contexte particulièrement difficile. Mais j’ai plusieurs questions à vous poser.

La première est relative à l’Afghanistan. Quitter ce pays va entraîner notamment des coûts d’accompagnement – pour 88 millions d’euros –, mais je rappelle aussi que les États-Unis nous ont demandé de financer à hauteur de 10 % l’équipement et les soldes des militaires afghans de 2014 à 2016, ce qui pourrait représenter près d’un milliard d’euros. La France répondra-t-elle, oui ou non, à cette demande ? Et surtout, est-ce que cette dépense affecterait le budget de la défense ?

Une autre question, que je vous avais déjà posée, porte sur les recettes exceptionnelles dans le budget 2013. J’ai noté une contradiction entre le vote d’une loi sur le logement qui prévoit des cessions gratuites du foncier public et ses conséquences potentielles pour le budget de la défense.

M. le président. Il faut conclure.

M. Philippe Folliot. J’aurais aimé parler des enjeux de souveraineté par rapport à notre domaine maritime, mais j’en viens, monsieur le président, à ma conclusion

Monsieur le ministre, eu égard à l’action qui est la vôtre et aux circonstances du moment, nous serons, nous, centristes, dans une démarche constructive. Fidèles à notre objectif et conscients que, s’il est un domaine où les ferments de l’unité nationale doivent être encore plus présents qu’ailleurs, c’est bien la défense, nous nous abstiendrons dans le vote sur ce budget.

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Abstention positive !

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, chers collègues, comme chaque année depuis plus d’une décennie, le budget de la défense est le parent pauvre de la loi de finances. La nouvelle majorité poursuit ainsi la politique des précédents gouvernements en pressurant les budgets d’équipement des forces armées. En effet, le budget de la défense est passé de 2 % du produit intérieur brut en 1997 à 1,55 % en 2012.

Dans un tel contexte, je tiens à rendre hommage aux militaires français, qui poursuivent leurs missions avec courage et dévouement en dépit des difficultés matérielles auxquelles ils sont confrontés. Il n’est d’ailleurs pas normal que les pannes à répétition du logiciel Louvois ne soient toujours pas résolues. Monsieur le ministre, vous avez vous-même qualifié ce problème « d’invraisemblable ». Il n’est pas admissible que des hommes et des femmes qui mettent leur vie au service de la France ne soient pas payés dans les temps et soient ainsi exposés à des situations de grave précarité.

Comme de coutume, le programme « Équipement des forces » subit une baisse d’environ 10 % des autorisations d’engagement par rapport à 2012, Les dépenses de personnel – titre 2 – augmentent de plus de 100 millions d’euros alors que les dépenses d’investissement et d’intervention sont fortement diminuées. Ainsi, les autorisations d’engagement en dépenses d’investissement du programme diminuent en 2013 de presque 20 %, soit 1,5 milliard d’euros.

Quant aux dépenses d’intervention, elles diminuent pour leur part de plus de 50 %.

Vous l’avouez vous-même, ce budget 2013 est un budget de transition puisque vous annoncez être dans l’attente des orientations stratégiques issues des travaux du futur Livre blanc. Mais les menaces auxquelles la France est soumise ne vont pas attendre la parution du Livre blanc ni le vote de la prochaine loi de programmation militaire de 2014 à 2019. Les attaques contre les intérêts français dans les zones sensibles et la protection des ressortissants français à l’étranger ne vont pas l’attendre non plus.

Le renouvellement des équipements et l’investissement dans de nouveaux matériels ne peuvent pas continuer à être sans cesse repoussés, alors même que les lois de programmation militaire, toujours de moins en moins ambitieuses, ne sont jamais respectées. Alors que la majorité des pays dans le monde augmentent leur budget militaire, la France, comme d’ailleurs la plupart des pays de l’Union européenne, poursuit dans une voie contraire.

Comme le rappelait l’amiral Guillaud, chef d’état-major des armées, lors de son audition devant la commission de la défense, le report de 4,5 milliards d’euros de commandes d’équipements prévues en 2012-2013 implique la prolongation d’équipements à bout de souffle. Pour maintenir ces équipements, le cannibalisme du matériel est devenu monnaie courante : il faut désosser tel engin pour maintenir un autre en état de fonctionner. Plus grave encore : le déficit d’entraînement de nos pilotes est dramatique et dangereux sur le plan de la sécurité.

La France dépense chaque année toujours moins pour investir dans de nouveaux matériels. Si ces dépenses aux montants très élevés ont un impact sur l’industrie française de l’armement et donc sur l’emploi, elles n’ont pas pour objectif principal de faire fonctionner l’industrie militaire française. Il s’agit en premier lieu de développer nos capacités d’intervention et de projection et de les adapter aux nouvelles menaces, tout en maintenant à haut niveau nos forces de dissuasion qui sont une composante essentielle de la défense du territoire national.

À quoi servent des capacités d’intervention et de projection ? Tout d’abord à défendre nos compatriotes et nos intérêts où qu’ils soient et non pas à être en permanence aux ordres de puissances étrangères pour défendre des causes qui ne nous concernent en rien. Les jeunes Français qui s’engagent dans notre armée le font pour servir la France et non pour servir telle ou telle puissance étrangère, comme les gouvernements successifs ne cessent de le faire.

Combien de centaines de millions d’euros ont-ils été dépensés dans une aventure aussi inconséquente que l’expédition libyenne ? Le Président de la République a évoqué récemment la situation au nord du Mali et on réfléchit à la participation de la France à une action internationale. Or la situation critique dans cette région est une conséquence directe de la désastreuse intervention en Libye.

En réponse à une question écrite que j’ai posée en septembre, vous m’avez répondu, monsieur le ministre, que le groupement médico-chirurgical installé dans le camp de réfugiés de Zaatari en Jordanie induisait un surcoût de 2 millions d’euros par période de six semaines. Ces millions servent en réalité à porter assistance à des djihadistes internationaux, ceux-là mêmes que nos soldats combattent depuis huit ans en Afghanistan. Là encore, où est la cohérence ?

La défense nationale a besoin d’investissements massifs mais surtout d’investissements intelligents car la France a besoin d’être défendue de manière efficace. Notre politique de défense a surtout besoin d’une ligne claire d’indépendance nationale et non d’une politique d’intervention systématique dans des conflits qui ne concernent ni la France ni les Français.

M. le président. La parole est à M. Gwendal Rouillard.

M. Gwendal Rouillard. Monsieur le ministre, nous partageons depuis longtemps la conviction que le temps est venu pour la France de devenir une nation maritime. Vous l’avez d’ailleurs rappelé aux universités d’été de la défense. Permettez-moi d’en dire quelques mots.

Quelles sont les réalités auxquelles nous sommes confrontés ? Quelque 80 % de la population mondiale vit sur les littoraux et 80 % du trafic commercial mondial s’effectue par les mers et les océans. Dans un autre registre, celui des menaces, nous assistons à une multiplication des actes de piraterie et à une montée en puissance de réseaux criminels liés aux trafics de drogue, à la prostitution ou au commerce illégal des armes. Ces réseaux représentent des menaces pour notre pays et les valeurs universelles que nous incarnons.

C’est dans ce contexte que la France doit relever le défit maritime évoqué par le président de la République au cours des derniers mois. J’espère que cet enjeu peut nous rassembler.

Le budget dit de transition que vous présentez incarne cette volonté. Vous proposez le maintien d’un niveau d’investissements comparable à celui des années précédentes – 16 milliards d’euros de crédits de paiement – et vous mettez le paquet, si je puis dire, sur l’industrie de défense, sur les crédits de recherche et d’innovation, et sur l’industrie maritime.

Sans être la seule région concernée, la Bretagne illustre cette réalité et cette volonté de concilier France maritime, industrie de défense et capacité de mobilisation des territoires. La Bretagne concentre 500 acteurs, deux grands groupes industriels, dont DCNS à Lorient et Brest, 440 PME, le CELAR, qui est le premier centre européen en matière de guerre électronique, huit clusters ou pôles de compétitivité, neuf grandes écoles supérieures ou universitaires, neuf centres de ressources et quarante-trois équipes de recherche.

Cette volonté de mettre les acteurs en synergie et d’arrimer République, territoires, recherche et innovation permettra à la France d’être respectée en tant que nation et d’être forte sur le plan de l’industrie et de la compétitivité ; elle permettra aussi à nos territoires d’être debout.

Le discours a singulièrement changé par rapport à celui du précédent président de la République, qui considérait que la défense n’était pas responsable de l’aménagement du territoire.

M. Damien Meslot. La défense, c’est fait pour être défendu !

M. Gwendal Rouillard. Telle n’est pas notre conception. La République des territoires, c’est aussi la défense ; et la défense, c’est la République des territoires.

Depuis longtemps nous nous mobilisons pour la reconnaissance de la « maritimité ». Monsieur le ministre, je connais votre engagement en faveur d’une relance de l’Europe de la défense et votre prise en compte du fait maritime. Je sais aussi que l’industrie de défense comprenant ce volet maritime fait partie de vos priorités à Bruxelles, et même au-delà comme en témoigne votre récent déplacement au Brésil.

J’invite chacun à méditer sur cette stratégie cohérente, lisible, claire et percutante. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles.

M. Bernard Deflesselles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le premier budget de la défense du quinquennat de François Hollande confirme que, pour la gauche, la défense n’est malheureusement pas une priorité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Eh oui, mes chers collègues, elle figurait d’ailleurs à l’avant-dernier rang du programme présidentiel du candidat socialiste. Devenu président, il n’a pas cru bon de l’élever au rang de ses priorités, en n’augmentant pas, comme pour d’autres ministères, ses moyens humains et financiers.

Ce budget se caractérise aussi par une absence de vision stratégique, sous prétexte qu’une loi de programmation militaire est en préparation. Cette absence de vision stratégique s’accompagne pourtant d’une décision lourde de sens pour les armées : une réduction des crédits qui leur sont alloués pour un montant de 1,1 milliard d’euros en 2012, réduction qui est déjà de votre responsabilité puisqu’elle a été opérée dans la loi de finances rectificative. En 2013, vous ferez pire avec un coup de rabot de 2,2 milliards d’euros.

Dans ce contexte, nous ne pouvons qu’émettre interrogations et inquiétudes quant à la capacité de ce gouvernement d’assurer la sécurité des Français et d’être crédible dans ses engagements internationaux au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.

Plus qu’une erreur, votre gouvernement commet une faute : cantonner la défense dans la seule logique comptable, en lui faisant payer le prix de vos promesses et cadeaux électoraux.

À un moment où l’ensemble de la planète, à l’image de superpuissances telles que la Fédération de Russie et la Chine ou de pays en devenir comme l’Inde ou le Brésil, augmente de façon continue les dépenses d’armement malgré la crise, vous nous proposez le choix du repli, qui annonce celui du renoncement puis du déclin.

De grâce, mesdames et messieurs de la majorité, ne prenez pas pour alibi les budgets militaires de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne. La première a renoncé à une dissuasion indépendante depuis plus de cinquante ans et la seconde n’a exercé que peu de responsabilités dans la sécurité mondiale.

M. Christophe Guilloteau. C’est vrai !

M. Bernard Deflesselles. Je veux ici formuler une interrogation incontournable et deux inquiétudes préoccupantes.

Notre interrogation concerne la déprogrammation rampante des crédits militaires. Ce budget dit de transition nous engage dans cette logique, et encore ne savons-nous pas ce qui est sans doute déjà en cours de préparation dans la future loi de finances rectificative pour 2013.

M. Philippe Meunier. C’est Jospin en pire !

M. Bernard Deflesselles. Pourtant, nos armées sont confrontées à l’obligation d’un remplacement généralisé de leurs capacités qui nécessite un important effort d’investissement, de production, de remise à niveau pour les périodes couvrant les deux prochaines programmations militaires.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense. Avec le déficit budgétaire que vous nous avez laissé…

M. Bernard Deflesselles. Je vous entends, madame la présidente.

Et je n’évoque pas les surprises stratégiques qui pourraient intervenir, à l’exemple de celle qui pourrait remettre en cause notre force de dissuasion dans ses capacités actuelles.

Face à cela, pas de volonté d’anticipation, pas de choix d’investissement capacitaires. Votre réponse, la seule qui soit à peu près identifiée, est que la ressource passera de 1,6 % du PIB en 2011 à 1,3 % en 2015. Quelles seront les nouvelles impasses capacitaires dans lesquelles vous allez engager nos armées ? C’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui.

M. Nicolas Dhuicq. C’est catastrophique !

M. Bernard Deflesselles. Nos inquiétudes portent autant sur la dévalorisation de la fonction militaire que sur la rupture programmée de certaines de nos capacités d’action, notamment celles de l’armée de terre.

La fonction militaire, le choix d’embrasser le métier des armes, plus qu’une profession est une vocation. Cet engagement, tous nos militaires et personnels civils de la défense le savent, peut mener jusqu’au don de soi. Ils méritent notre respect, et surtout de pouvoir disposer des meilleurs équipements pour combattre.

L’histoire en train de s’écrire de ce début du XXIe siècle témoigne que la nation va demander plus et plus souvent à ses soldats. C’est l’une des raisons qui ont conduit à la professionnalisation des armées.

Quelle ambition, quelles perspectives, quelles motivations offrez-vous à ceux qui, du simple fantassin, du marin ou de l’aviateur jusqu’à leurs chefs de corps, ont choisi de servir la France ? Quelle place leur accorderez-vous dans le pacte intergénérationnel pourtant emblématique du vivre ensemble républicain, voulu par le Président de la République ? Les militaires en seraient-ils exclus ?

Quant aux parcours professionnels, force est de constater la grande instabilité et le manque de perspectives offertes par l’institution, tant aux soldats qu’à leurs cadres.

Ce budget, malgré quelques mesurettes, n’apporte pas de réponse sérieuse aux attentes de nos militaires et contribue à conforter le sentiment général que, pour la gauche, les armées ne sont vraiment pas une priorité.

Cette affirmation est tout autant justifiée lorsqu’on aborde la question des équipements. Vos prédécesseurs avaient acté, entre la nation et les armées, un niveau de modernisation suffisant en contrepartie de la réduction de leur format. Ce gouvernement applique le double moins : moins de militaires et moins d’équipements. Or la réalité géostratégique conduit immanquablement notre pays à plus d’engagements : Libye, Mali, Corne de l’Afrique, golfe arabo-persique sans parler de la poursuite de notre présence en Afghanistan malgré le processus de retrait engagé.

Pour cela, il faut un volume de forces interarmées suffisant et cohérent. Vous vous apprêtez à consacrer tout le contraire dans un nouveau Livre blanc qui va confirmer les menaces auxquelles la France doit faire face, tout en annonçant qu’elle disposera de moins de forces pour les prévenir ou les combattre.

Cette politique est dangereuse pour notre pays. C’est pourquoi je la réfute et m’oppose à ce budget placé sous le signe du déclin programmé de la défense de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Bays.

M. Nicolas Bays. Monsieur le ministre, je tiens avant toute chose à saluer le travail que vous avez réalisé pour l’élaboration et la présentation de ce budget, ainsi que celui de nos rapporteurs. Je veux également saluer les représentants des différents états-majors qui ont fait part à la commission de la défense, avec la franchise et l’honnêteté qui les caractérise, de leurs réactions face à ce budget. Il ressort de ces auditions un grand sens de l’engagement, une passion pour ce métier si particulier, un attachement inconditionnel à l’ensemble de leurs troupes, mais surtout une même volonté de servir et d’être utile à la patrie.

Les inquiétudes dont ils nous ont fait part – sur le maintien de nos capacités de déploiement, sur l’acquisition de nouveaux matériels, sur la formation des personnels – ont souvent été partagées par les membres de notre commission. Elles sont légitimes, car elles émanent de ceux qui sont prêts au sacrifice ultime pour la défense de notre pays, de nos valeurs et de la conception que nous nous faisons de l’humanité.

Les militaires savent, comme l’ensemble des Français, que le contexte n’est pas facile et qu’il nécessite des sacrifices, sacrifices acceptables s’ils sont raisonnés et justes.

Monsieur le ministre, le budget de la défense que nous voterons aujourd’hui est à la fois un budget d’attente, un budget équilibré et, à mon sens, un budget ambitieux.

C’est un budget d’attente car, au-delà du nouveau Livre blanc qui devra fixer nos priorités et dimensionner nos équipements pour répondre aux menaces, anciennes et nouvelles, pesant sur notre sécurité, nous sommes dans une période de transition où vous avez à gérer l’héritage des commandes passées et des reports de dépenses issus des gestions précédentes.

Nous ne pouvons laisser critiquer ce budget. Le budget parfait, certes, n’existe pas, mais ceux qui ont voté une loi de programmation militaire non finançable et programmé une réduction des effectifs qui s’appliquera jusqu’à l’année prochaine ne peuvent guère avoir l’air crédible lorsqu’ils utilisent le terme d’insuffisance… Le budget actuel est aussi la conséquence des politiques menées depuis cinq ans.

M. Bernard Deflesselles. Ben voyons !

M. Nicolas Bays. Ce budget, ensuite, est équilibré car, au cœur de la crise économique, au moment où des efforts sont demandés à tous et sur tout, vous avez obtenu le maintien en valeur de l’effort financier consacré à la mission de défense. Je suppose, monsieur le ministre, que les 650 milliards de déficit public créés ces cinq dernières années ne vous ont pas aidé à obtenir ce résultat.

Vous ne vous êtes pas résolu à l’armée que nous imposait cet héritage – c’est-à-dire davantage de coupes, d’abandons de programmes, de reculs capacitaires. Certains de nos concitoyens, confrontés dans leur quotidien aux effets de la crise, peuvent avoir du mal à comprendre que 39 milliards et 430 millions d’euros puissent être consacrés aux dépenses militaires plutôt qu’au logement, à l’éducation ou à la santé. Nous faisons l’objet de mouvements d’humeurs compréhensibles. Ces mouvements doivent être entendus et un travail de pédagogie doit être fait afin que le lien qui unit la nation à son armée ne se distende pas.

Vous avez eu, monsieur le ministre, le courage de sanctuariser un budget qui évitera tout renoncement capacitaire, rendant ainsi hommage à la qualité de nos soldats, leur garantissant une qualité de travail et de sécurité à la hauteur de leur engagement. Je ne prendrai pour exemple que deux chiffres : les 10,5 milliards programmés pour l’achat de nouveaux matériels et les 2,9 milliards pour l’entretien du matériel existant.

Il n’y a pas de nation sans armée, et elle doit en permanence lui exprimer sa reconnaissance. Vous le faites avec ce budget.

Enfin, je considère que ce budget est ambitieux. Oui, il est ambitieux car, à l’heure où beaucoup de pays européens réalisent d’importantes coupes budgétaires dans leurs crédits de défense, encourant le risque de perdre des capacités opérationnelles, certes, mais aussi leurs capacités industrielles nationales, la France quant à elle maintient son appareil militaire en l’état, affirmant ainsi sa volonté de demeurer une grande puissance internationale. Le maintien du format actuel de nos troupes, de leurs capacités, de leur réactivité, est un appui essentiel à toutes les décisions que la diplomatie française souhaite prendre à travers le monde. L’action de la France ne peut se réduire au verbe, au risque de se voir rapidement réduite au silence.

Avec ce budget, la France a la possibilité de renforcer son rôle de moteur au sein de l’Europe de la défense.

M. Philippe Vitel. Tu parles !

M. Nicolas Bays. Nos alliés doivent cependant admettre que nous ne pourrons porter seuls l’ensemble de cet effort. Le traité récent de Lancaster House…

M. Alain Chrétien. Signé par qui ?

M. Nicolas Bays. …est un exemple du bien fondé de l’effort de mutualisation et de mise en commun des moyens militaires. Cette mise en commun fonctionne, nous avons pu nous en rendre compte avec la flotte commune d’avions de transport.

Cet effort de mutualisation nous permettra aussi de poursuivre sur la voie de l’innovation et des avancées technologiques. Dans ce budget, ce sont encore 3,3 milliards qui sont consacrés à la recherche et au développement. Nous savons tous quel sera l’impact de ces crédits sur l’ensemble de l’économie française, notamment en termes de création d’emplois et de réindustrialisation. C’est la raison pour laquelle je plaide pour que ces préoccupations soient au cœur du prochain Livre blanc.

Dans ce domaine, monsieur le ministre, nous ne pouvons nous priver de la maîtrise totale de cette technologie d’avenir que sont les drones. Les choix qui doivent être prochainement effectués sont cruciaux. Ils doivent nous permettre d’assurer notre autonomie et de garantir la pérennité d’une filière industrielle européenne.

De la maîtrise de cette technologie découlera notamment notre capacité en matière de cyberdéfense. Nous devons être vigilants et ne pas agir à la hâte, sur la base de besoins qui se sont fait ressentir dans un théâtre d’opérations que nous sommes en train de quitter. En situation d’urgence, il faut savoir ne pas céder à la précipitation.

Moral des troupes, maintien de nos capacités industrielles et militaires, recherche et innovation : tels ont été vos principaux axes de réflexion pour ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Audibert-Troin.

M. Olivier Audibert-Troin. Actualiser la stratégie de défense et de sécurité nationale de la France est sans aucun doute une nécessité. La dernière version du Livre blanc date de 2008. Ce n’est pas si lointain, et le précédent datait de 1994. Cependant, depuis lors, des changements majeurs sont intervenus dans notre environnement international et économique, nous obligeant à procéder à une nouvelle évaluation du contexte géostratégique – évaluation d’ailleurs prévue dans la version de 2008. Nouveau Livre blanc et loi de programmation militaire serviront en quelque sorte de viatique à la réflexion sur les nouveaux enjeux et nouvelles réponses en matière de stratégie de défense.

En période de rigueur budgétaire, chaque mission de l’État doit fournir des efforts pour atteindre la meilleure efficience face aux défis que notre pays doit relever. Les décisions prises aujourd’hui engageront les choix stratégiques de la France pendant les quinze ou vingt prochaines années. Elles seront inexorables, nous ne pourrons plus revenir en arrière. En matière d’armement, de recherche et de développement, le retard pris ne se rattrape pas. Sont en jeu la souveraineté de la France, sa sécurité, sa place et son rôle dans le monde, sa crédibilité sur la scène internationale, son rôle moteur au sein de l’Europe de la défense.

En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, en tant qu’acteur majeur de l’Union européenne et membre du commandement intégré de l’OTAN, la France a des responsabilités. Cela implique des droits et des devoirs sur la scène internationale. Notre pays et le Royaume-Uni sont les seuls États européens à entretenir des forces armées crédibles, au prix d’ailleurs d’un effort budgétaire considérable – 32 milliards par an, soit 50 % du total européen pour les deux États. Il faut préserver cette spécificité.

Le contexte stratégique est tout sauf favorable à une réduction des dépenses militaires. Dans un monde marqué par des bouleversements économiques et géopolitiques majeurs et de plus en plus menaçant – déstabilisation du Sahara, nucléarisation de l’Iran, piraterie dans le golfe d’Aden et au large des côtes somaliennes, terrorisme alimenté et protégé par des États complaisants, montée des intégrismes –, la France, et avec elle le monde occidental, risque de subir des évolutions sans en être un acteur majeur.

Un monde multipolaire a fait suite au monde bipolaire de l’après-guerre. Un monde où, comme le souligne l’excellent rapport sénatorial sur la réduction du format de nos armées, les alliances se font et se défont en fonction des intérêts du moment. La question qui se pose à la représentation nationale est donc à la fois simple et complexe : par quels moyens budgétaires assurer notre sécurité collective, et préserver le rang de cinquième puissance mondiale de la France ?

Nous le savons, monsieur le ministre, vous avez plaidé auprès du Premier ministre et du Président de la République pour que ce budget, que vous avez qualifié de transition, préserve nos capacités autant que faire se peut.

Avez-vous été entendu, en ces temps de contrainte budgétaire ? Nous ne le pensons pas. D’abord parce que votre ministère n’a pas été retenu comme prioritaire au même titre que l’éducation, la justice et l’intérieur. Ensuite, parce que la stabilité affichée n’est due qu’à d’hypothétiques recettes exceptionnelles, pour 1,3 milliard, alors même que des textes présentés par vos collègues du Gouvernement prévoient la gratuité des cessions foncières.

Parce que, encore, la baisse de plus de 14 % des crédits de paiement du programme « Équipement des forces » se traduit par le report de 4,5 milliards d’euros de commandes d’équipement prévues en 2012 et 2013, dont 40 % au titre de l’armée de terre, qui paye là encore un très lourd tribut. Parce que ce budget s’écarte inexorablement de la trajectoire budgétaire définie dans la loi de programmation militaire 2009-2014. Parce que, enfin, alors que le budget de la défense avait pu, au prix de très gros efforts déjà, être stabilisé à 1,6 % de notre PIB, vos prévisions nous amèneront autour de 1,3 % à l’horizon 2015.

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

M. Olivier Audibert-Troin. Votre volonté n’est pas en cause, monsieur le ministre. Force est simplement de constater qu’elle n’est pas partagée au plus haut niveau de l’État. Mais, s’il est louable de ne pas vouloir léguer des dettes qui seront un fardeau insupportable pour nos enfants, nous devons aussi leur assurer un monde sécurisé où ils puissent s’épanouir en toute liberté, un monde où la voix de la France puisse continuer à porter comme par le passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Chabanne.

Mme Nathalie Chabanne. Le budget de la mission « Défense » traduit la volonté politique du Gouvernement et de sa majorité. C’est un budget qui assure un juste équilibre entre la mise à disposition des armements nécessaires aux opérations menées par nos forces armées et le redressement de nos finances publiques, auquel le ministère de la défense participe au même titre que les autres.

Malgré un cadre budgétaire restreint, ce budget va au-delà du simple aspect comptable. Il nous faut être vigilants sur le fonctionnement de nos armées, sur le maintien d’un niveau élevé de technicité de nos équipements, sur leur maintenance et sur le niveau des stocks. C’est en ce sens que l’une des priorités du budget pour 2013 est l’équipement : 16 milliards sont ainsi maintenus afin de poursuivre l’effort d’équipement en matériels neufs, comme l’A400M ou les équipements Félin, d’accueillir de nouveaux équipements ou de garantir le maintien en condition opérationnelle.

Le budget prévoit néanmoins que certains nouveaux engagements soient différés. Depuis plusieurs années, les ressources effectives se sont écartées des objectifs et de la trajectoire initialement prévus. C’est ainsi que près de 3 milliards manqueront fin 2012. Un aménagement du calendrier est donc nécessaire : 4,5 milliards de commandes sont reportés afin de rendre le budget plus réaliste et de limiter les dépenses de l’État.

Mais reporter ne veut pas dire remettre en cause. Ce budget est forcément un budget de transition. En effet, la rédaction l’année prochaine de la loi de programmation militaire pour 2014-2019 s’appuiera sur les conclusions du Livre blanc actuellement en discussion. Les choix budgétaires de cette année ne peuvent donc préjuger des orientations qui seront prises dans les prochains mois. Ces ajournements ne sont pas irréversibles, tant sur le plan industriel que sur le plan capacitaire, comme vous l’avez précisé, monsieur le ministre, en octobre. Les reports, entre autres, de la rénovation des Mirage 2000 ou du programme Scorpion de modernisation de l’ensemble des véhicules blindés de l’armée de terre seront sans conséquence industrielle majeure, puisqu’ils s’étagent entre six et dix-huit mois.

Ce budget répond donc à deux objectifs majeurs : mettre à la disposition des armées les armements et matériels nécessaires au succès de leurs opérations et assurer une efficience maximale de la dépense d’équipement de nos forces. Mais je me réjouis qu’il puisse, outre maintenir l’activité de nos armées, participer aussi au soutien de notre industrie, de la recherche et du développement en France.

Ce budget met en exergue la recherche : 3,3 milliards sont consacrés à la recherche et développement. La défense prend ainsi toute sa part dans la politique menée par le Gouvernement en faveur de la croissance, grâce notamment à une hausse des crédits d’études amont de 10 % par rapport à l’année précédente. Sous l’égide de la direction générale de l’armement, ces travaux de développement des technologies et des composants, utilisables par tous types de forces, permettent de préparer les futurs programmes d’armement. La défense, et la DGA en particulier, assurent l’accès aux innovations technologiques de nos industries de l’armement – ces mêmes innovations qui ont des retombées sur la recherche civile.

Cet effort en faveur de la recherche et de la technologie est essentiel si nous voulons développer notre industrie et créer une réelle dynamique de coopération européenne en passant d’un cadre majoritairement bilatéral, qui s’articule principalement autour d’un axe franco-britannique renforcé par la signature du traité de Lancaster House en novembre 2010, à un dispositif articulé autour de l’Agence européenne de défense.

En effet, c’est de la vitalité de nos groupes industriels qu’il est question au travers de ce budget, des groupes comme Dassault ou Safran, des groupes européens tels EADS, MBDA, Eurocopter. Bien au-delà, leurs sous-traitants, implantés dans nos circonscriptions, notamment dans le Sud-Ouest, sont dépendants du budget de la défense. J’évoquerai, en Aquitaine, plus particulièrement dans les Pyrénées-Atlantiques, un groupe industriel qui vient de conclure, pour une durée de dix ans, un contrat de maintien en condition opérationnelle visant à assurer la disponibilité de 1 400 turbines d’hélicoptère.

Oui, le budget participe également de la volonté d’amélioration de la fonction maintien en condition opérationnelle. Les crédits d’entretien du matériel progressent de 8 % entre 2012 et 2013 afin de préserver les taux de disponibilité. Cela retrace un effort non négligeable, en 2013, de rétablissement des potentiels des équipements après leur engagement dans les opérations récentes, notamment à la suite du retrait d’Afghanistan des hélicoptères, des véhicules blindés de combat d’infanterie et des véhicules de l’avant blindés.

À défaut d’une augmentation irréaliste de ce budget, le maintien à un niveau maîtrisé est un signal fort, à la fois pour nos troupes et pour nos industries de pointe. Ce budget 2013, qui a vocation à être un budget de transition, préfigure, j’espère que vous le confirmerez, monsieur le ministre, les efforts qui seront consentis et inscrits dans la loi de programmation militaire et dans le Livre blanc.

Ce budget est aussi le révélateur de l’importance de l’industrie de défense en France, une industrie innovante qui modernise et dynamise les capacités opérationnelles de nos forces armées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau.

M. Christophe Guilloteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je précise en préambule, que, membre de la commission du Livre blanc, je n’aborderai pas ce sujet, comme je m’y suis engagé pendant nos travaux. Patricia Adam l’a dit : la commission travaille beaucoup. Elle a d’ailleurs travaillé toute la journée d’aujourd’hui.

Il s’agit, monsieur le ministre, du premier budget que vous avez à défendre devant la représentation nationale, et par là même, de celui du chef de l’État.

Lors de votre audition par la commission de la défense nationale, le 2 octobre dernier, vous avez dit : « La défense française ne doit pas devenir une défense d’échantillons. » Vous avez également écrit que le budget 2013 est un budget de transition dans l’attente du Livre blanc et, surtout, de la nouvelle loi de programmation militaire.

La défense nationale est un atout majeur pour la sécurité des Français et l’influence de la France sur la scène internationale.

Ces dernières années, nous avons engagé une grande réforme de notre défense et nous avons renforcé nos alliances, notamment avec la signature d’un accord de défense avec l’Angleterre. En 2008 le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a permis d’adapter notre stratégie aux nouvelles menaces et de moderniser nos forces à hauteur d’un effort de 2 % du PIB. Le budget 2011-2013 prévoyait une hausse de 3 % sur 3 ans. Cette continuité et cette cohérence ont donné à la France une forte crédibilité vis-à-vis de ses partenaires.

Monsieur le ministre, je voudrais que vous me confirmiez l’attachement du Gouvernement aux deux composantes de la dissuasion nucléaire : d’un côté, la composante océanique qui vient d’être remise entièrement à neuf avec la mise en service de quatre sous-marins nucléaires lanceurs, de type Barracuda, et non de trois, comme certains extravagants le proposaient, ce système d’armes représentant 90 % du nombre de têtes nucléaires de nos forces de dissuasion ; de l’autre, la composante de l’armée de l’air.

La France a réintégré le commandement intégré de l’OTAN afin de renforcer son influence et la protection des Français.

La France s’est placée aux avant-postes des initiatives d’intervention européennes, qu’il s’agisse du règlement du conflit en Géorgie ou de la lutte contre la piraterie maritime. Ce fut également le cas en Libye, dans le cadre d’un mandat international, contre un dictateur qui promettait d’exterminer une partie de sa population, tandis que l’opération en Côte d’Ivoire était une action de protection des Français qui se trouvaient en danger dans ce pays à la situation politique instable.

Le précédent président de la République a permis l’adoption du « paquet défense », lequel correspond à deux directives européennes qui encadrent les activités liés aux biens de défense au sein de l’Union européenne.

Un effort d’équipement et de soutien à l’industrie a été déployé, avec un investissement de 14 milliards d’euros par an au profit de l’industrie d’armement.

Le ministère de la défense a joué son rôle de premier investisseur de l’État, de premier employeur et de premier acteur de l’innovation, dans un secteur de haute technologie à forte valeur ajoutée. La France, à la différence de nombreux pays européens, n’a pas utilisé la défense comme variable d’ajustement, alors que ses finances publiques souffraient des conséquences de la crise. Alors, monsieur le ministre, ne le faites pas dans vos prochains budgets. Il nous faut maintenir une défense nationale au service de nos valeurs et de la défense des Français. Être une grande nation a un prix, celui d’être présent quand la paix du monde est menacée, comme en Afghanistan. La défense ne peut faire l’objet d’un simple budget de transition. Les enjeux sont trop importants pour la sécurité de notre pays, de nos concitoyens et pour l’équilibre de la paix, si fragile dans un monde en mutation constante. Voyez cette évolution géopolitique récente, qu’aucun Livre blanc n’avait prévue, avec le printemps arabe et la crise en Syrie.

Les menaces ont changé. Le Sahel est en ébullition, avec des groupes terroristes qui s’attaquent à nos ressortissants et qui s’emparent des institutions des pays d’Afrique pour y appliquer leur propre loi. Des cyber-attaques se déroulent chaque jour. Le monde change, les menaces aussi. Un engagement au Mali se murmure.

Dans un futur proche, n’oublions pas de garantir simplement à nos soldats les moyens nécessaires en termes de transports, d’armement, de communication, d’écoute et de renseignement.

À chacun de mes déplacements en France ou à l’étranger auprès de nos forces, j’ai pu mesurer combien nos soldats sont fiers de leur engagement, conscients de leur mission et du sacrifice qui peut être le leur pour notre sécurité. Je n’oublie pas non plus le personnel civil de la défense et tous ceux qui sont au plus près de cet esprit de défense, comme l’Institut des hautes études de défense nationale, qui vit sa soixante-cinquième session ; j’en salue, ce soir, les représentants ici présents, plus particulièrement le comité 4 et le responsable Philippe Kunter.

Ne les décevons pas. Ces hommes et ces femmes de la communauté de défense ont besoin de savoir que la nation les soutient dans leur mission ; tel est le sens de mon intervention. Qu’ils sachent que nous poursuivrons les efforts pour leur garantir les meilleurs choix possibles.

Monsieur le ministre, ce n’est pas parce que je suis né le 18 juin, que je dois être gaulliste. Je suis gaulliste par conviction, parce que, comme le Général, je me fais « une certaine idée de la France ».

Parce que, je considère que ce budget a minima n’est pas à la hauteur de nos ambitions et ne peut garantir la place de la France en matière de défense sur la scène internationale, c’est avec regret, monsieur le ministre, que je vous indique que je ne pourrai pas voter votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Eduardo Rihan Cypel.

M. Eduardo Rihan Cypel. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de la défense que nous présentons aujourd’hui atteint deux objectifs : celui du maintien du niveau opérationnel des forces et celui de la maîtrise de la dépense publique. Au même titre que les autres ministères, celui de la défense participe aux efforts nécessaires au redressement des comptes de la nation.

L’exercice était difficile, mais je crois, monsieur le ministre, que vous l’avez réussi. Vous avez en effet souhaité concilier la participation à l’effort national et la préservation de nos moyens de défense pour répondre à l’ambition de la France.

Le budget de la mission « Défense » pour l’année 2013 est un budget de transition. Comme vous le savez, le Président de la République a engagé la rédaction d’un nouveau Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale, à laquelle j’ai l’honneur de participer. Ce Livre blanc guidera l’élaboration de la loi de programmation militaire pour 2015-2020, que nous devrions examiner dans cet hémicycle à partir du premier semestre de l’année 2013.

Ce premier exercice budgétaire de la législature respecte les engagements fondamentaux du Président de la République en matière de défense. Il sanctuarise, cela ne vous a pas échappé, mes chers collègues, deux piliers essentiels de notre doctrine : la dissuasion nucléaire et le renseignement.

Nous sommes entrés dans un monde nouveau, caractérisé par une instabilité croissante et des conflits d’une grande intensité, qu’il s’agisse de la Syrie, du conflit toujours persistant au Proche-Orient, de la situation au Mali, plus largement de celle du Sahel, ou encore des enjeux liés à la prolifération nucléaire. Tous ces éléments constitutifs de notre réalité géopolitique font l’objet d’une réflexion rigoureuse au sein de la commission du Livre blanc, dont les travaux permettront de mieux appréhender les risques et les menaces auxquels notre pays devra faire face à l’avenir.

Dans cet ensemble complexe apparaissent de nouvelles menaces liées à l’avènement de nouvelles technologies, qui modifient en profondeur les enjeux de défense et de sécurité collective. Je veux parler en particulier de la cyber-défense et de la cyber-sécurité.

Le cyber est devenu aujourd’hui un nouvel espace de conflictualité. Nous devons faire face aux enjeux nouveaux, inédits, que les technologies de l’information induisent inexorablement dans les domaines de la guerre, de la défense et de la sécurité.

Chacun a en mémoire les attaques récentes contre l’Élysée, Bercy et d’autres entités publiques. Les menaces sont si importantes que Léon Panetta, l’ancien directeur de la CIA et secrétaire d’État à la défense américain, a évoqué la possibilité d’un « cyber-Pearl Harbor ». Aujourd’hui, ce n’est plus de la science-fiction mais une réalité. Il suffit pour cela de rappeler les cyber-attaques subies en 2007 par l’Estonie, celle du virus Stuxnet qui a frappé l’Iran, désynchronisant nombre de centrifugeuses chargées d’enrichir l’uranium,…

M. Nicolas Dhuicq. Heureusement !

M. Eduardo Rihan Cypel. …ou encore l’attaque qui, cet été, en Arabie saoudite, a détruit 30 000 ordinateurs de la compagnie pétrolière nationale Saudi Aramco.

Nous devons donc imaginer des cyber-attaques contre notre système financier, contre la Banque centrale européenne ou Wall Street, contre nos centrales nucléaires, contre notre système de transports, en somme contre chacune de nos infrastructures vitales. Ces menaces sont désormais devant nous et nous devons y faire face. Une large part des travaux de la commission du Livre blanc sont consacrés à ces questions essentielles pour notre sécurité nationale.

La France peut compter depuis quelques années, vous le savez, sur l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, dont les moyens sont fort efficaces pour se prémunir contre toutes les formes de cyber-attaques.

Si le cyber-espace représente des risques et des menaces, il est aussi une occasion de conquérir de nouveaux champs à même de créer des emplois spécifiques. Le potentiel de développement est immense et exponentiel pour la création de nouvelles filières économiques. Le cyber fait totalement partie de ces technologies duales dans lesquelles nous devons investir à l’avenir, comme l’a indiqué ici même notre collègue Jean-Yves Le Déaut.

Le budget que vous présentez, monsieur le ministre, fait du secteur de la recherche et du développement une priorité en augmentant les crédits de 6 % dans le domaine de la prospective et de plus de 11 % pour les études de recherche et technologie. Ces efforts nous permettent de préparer l’avenir et de continuer à approfondir la nécessaire recherche dans le domaine de la cyber-défense.

Ce pas particulièrement important que nous faisons aujourd’hui marque notre volonté de répondre concrètement, et dans la durée, à l’ensemble des défis que la France aura à relever dans les années à venir, en lui donnant des moyens à la hauteur de ses ambitions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel.

M. Luc Chatel. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen des crédits alloués à la défense dans le cadre de ce projet de loi de finances intervient dans un contexte doublement préoccupant.

D’une part, sur le plan géopolitique, des conflits se sont aggravés cette année, notamment dans la zone méditerranéenne et proche-orientale, tandis que de nouvelles formes de menaces, de risques sont apparues. Cela crée une situation plus instable, plus imprévisible.

D’autre part, les finances publiques sont en crise, en France et dans l’ensemble de la zone euro. Nous le savons, la France doit faire un effort considérable de redressement de ses comptes publics ; c’est indéniable. La question de la répartition de cet effort entre les différentes missions se pose donc à votre gouvernement, monsieur le ministre. Or il a fait le choix d’imposer à la défense des restrictions qu’il n’ose pas assumer ailleurs.

M. Bernard Deflesselles. Hélas !

M. Luc Chatel. C’est là, précisément, que le bât blesse. Nous ne pouvons, monsieur le ministre, accepter ce déséquilibre.

Le Président de la République a choisi de redéfinir les orientations stratégiques de la France, c’est son rôle en tant que chef des armées, et il a demandé qu’un nouveau Livre blanc soit rédigé. Il réclame, certes, le maintien de la stratégie de dissuasion nucléaire et il appelle au développement d’une Europe de la défense, mais nous avons le sentiment qu’il demande surtout la justification des coupes budgétaires drastiques que le Gouvernement impose dans ce budget, et qui seront également l’objet, l’an prochain, de la future loi de programmation militaire.

Votre gouvernement, monsieur le ministre, a donc choisi de tailler, de trancher dans les dépenses de la défense, et j’appelle votre attention sur deux sujets qui me préoccupent particulièrement.

D’abord, concernant les dépenses de personnel, je ne vous ferai pas le mauvais procès de vous reprocher le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, puisque nous avons pris l’initiative de cette mesure lorsque nous étions majoritaires. Le problème n’est pas là ! Il tient au fait que vous avez choisi de ne pas remplacer des fonctionnaires partant à la retraite dans la défense, au moment même où vous décidez de recruter à nouveau massivement dans d’autres secteurs de la fonction publique.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Luc Chatel. Cela, nous ne pouvons pas l’accepter ! Nous ne saurions admettre que l’effort de réduction du déficit budgétaire porte sur les personnels militaires, c’est-à-dire sur des fonctionnaires qui s’engagent quotidiennement pour notre nation, alors que des postes sont créés dans l’éducation nationale, qui n’auront aucun impact sur l’efficacité de ce service public ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Deuxième élément concernant les dépenses de personnel : la réorganisation des armées menée depuis plusieurs années exige, de la part des personnels concernés, de la responsabilité et de l’adaptabilité. Mais votre gouvernement a décidé de réduire les mesures catégorielles de 25 %. Il attaque donc l’esprit même de la RGPP, selon laquelle la réduction du nombre de fonctionnaires et la réorganisation de l’administration sont contrebalancées par la revalorisation des rémunérations.

Le second sujet qui me préoccupe est celui des dépenses d’équipement : 16 milliards d’euros seulement prévus en 2013. Le précédent gouvernement en avait fait sa priorité, afin de renouveler les matériels militaires en fin de course. La réussite de certaines opérations en Afghanistan et en Libye a montré le bien-fondé de ce choix. Or la baisse de 5,5 milliards d’euros des engagements pour la période 2012-2013 met clairement en danger plusieurs programmes d’armement, et menace nos capacités industrielles stratégiques.

Tout cela laisse présager que la défense nationale connaîtra des heures sombres dans les prochaines années. Le Gouvernement a choisi de faire peser l’essentiel des économies commandées par la crise des finances publiques sur la défense. Si nous persistions dans cette démarche, le gel des dépenses porterait l’effort de défense à moins de 1% du PIB en 2025, soit un tiers de moins qu’aujourd’hui.

M. Guy Chambefort. Où avez-vous trouvé cela ?

M. Luc Chatel. Cet effort est bien évidemment impossible à concilier avec nos ambitions stratégiques. Nous avons donc le sentiment que nous n’avons plus de marges de manœuvre.

Au moment même où la France s’apprête à désarmer, les dépenses militaires s’accroissent partout dans le monde : elles augmentent de 80% en Amérique du Nord, de 70% en Asie du Sud-Est, contre 4% seulement en Europe de l’Ouest. Cette orientation aura forcément des conséquences graves sur la capacité de la France à peser au niveau géopolitique.

Monsieur le ministre, en période de restriction budgétaire, il est raisonnable que l’État fournisse des efforts sur tous les plans. Il serait cependant injuste et dangereux d’opérer des coupes aussi importantes dans le budget de la défense. La défense est une mission régalienne de l’État : gardons-nous de lui retirer les moyens d’assurer la protection de la Nation et de compromettre l’indépendance de la France, dont la voix est si importante à travers le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gosselin.

Mme Geneviève Gosselin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen du budget de la mission « Défense » est pour nous l’occasion de rappeler ce qu’est la défense nationale. Selon l’article 1 de l’ordonnance du 7 janvier 1959, « la défense a pour objet d’assurer en tout temps, en toutes circonstances, et contre toutes les formes d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population ». La défense n’est donc pas seulement, comme beaucoup le croient, la mise en œuvre des forces armées. Elle a un caractère permanent et universel ; elle s’applique également en temps de paix et contre les menaces non militaires.

Nous vivons dans un monde instable où les États se doivent de garantir à leurs citoyens la meilleure protection qui soit. Sous l’effet de la mondialisation, les crises qui se déclenchent dans une région donnée peuvent rapidement avoir des répercussions à l’échelle planétaire. Dans ce contexte, comme l’a rappelé le Président de la République, la dissuasion nucléaire demeure un outil indispensable pour un pays comme la France.

Les fondements de la doctrine nucléaire française ont été posés par le premier Livre blanc sur la défense de 1972. La dissuasion est un moyen de prévention de la guerre et de défense des intérêts vitaux d’un pays en ce qu’elle menace de provoquer des dommages inacceptables à l’adversaire. Même s’il est par définition impossible de prouver l’efficacité de la dissuasion, puisqu’elle consiste à prévenir la guerre, différents facteurs nous permettent de dire que la possession de l’arme nucléaire a été efficace. On peut rappeler, par exemple, qu’il n’y a pas eu de conflit entre les grandes puissances depuis près de 70 ans et qu’aucun pays disposant de l’arme nucléaire n’a été envahi.

M. Serge Grouard. C’est faux !

Mme Geneviève Gosselin. La possession d’armes nucléaires revêt une dimension plus politique que militaire. Elle demeure, dans notre monde, un facteur de puissance déterminant. Tous les membres du Conseil de sécurité de l’ONU possèdent un armement nucléaire important. La France dispose ainsi d’une liberté d’action politique et demeure un interlocuteur crédible aux yeux des autres possesseurs de l’arme atomique.

Le contexte stratégique ayant subi des évolutions ces dernières décennies, la doctrine de la dissuasion a aussi changé. Au cours des années 1990, les outils utilisés dans le cadre de la dissuasion nucléaire ont été réduits. Aujourd’hui, la dissuasion nucléaire repose sur les missiles aérobies emportés par les aéronefs et les missiles balistiques transportés par des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins.

La fabrication et la maintenance des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins nécessitent des investissements lourds. Le maintien de ce type de matériel illustre la forte volonté politique de poursuivre l’objectif de la dissuasion. L’année 2013 sera très importante pour la modernisation des outils océaniques. Le sous-marin nucléaire lanceur d’engins Le Vigilant verra ainsi sa période d’adaptation au missile M51 prendre fin alors que les autres sous-marins de la classe Le Triomphant entreront à leur tour dans cette phase. La dissuasion nucléaire est renforcée par la dissuasion conventionnelle, assurée par les sous-marins nucléaires d’attaque, qui est indispensable à la sûreté et au soutien de la force océanique stratégique.

La France s’est engagée dans un grand programme de remplacement des sous-marins d’attaque de la classe Rubis. Le premier SNA de la classe Barracuda devrait entrer en service en 2017 et sera suivi de cinq autres bâtiments au rythme d’un tous les deux ans. Ces navires de combat sont de véritables instruments de puissance au service de la dissuasion. Les futurs SNA de la classe Barracuda, dont le premier modèle devrait sortir des chantiers DCNS de Cherbourg en 2017, permettront de collecter des renseignements, de mener des opérations spéciales, de lutter contre les navires de surface et les menaces sous-marines, et enfin de procéder à des frappes contre des objectifs à terre.

Le projet de loi de finances pour 2013 est pour la défense un budget de transition avant la future loi de programmation militaire. Il demeure préservé malgré les contraintes budgétaires auxquelles nous devons faire face. Monsieur le ministre, vous avez rappelé qu’il n’était pas question de sacrifier le budget de la défense ni de toucher à la force de dissuasion nucléaire dans ses deux composantes, sous-marine et aéroportée. C’est ce que nous défendrons dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Damien Meslot.

M. Nicolas Dhuicq. C’est un lion !

M. Gérald Darmanin. Le lion de Belfort ! (Sourires.)

M. Damien Meslot. Monsieur le ministre, la défense ne doit pas être un ministère low cost ! C’est pourtant le sort que vous lui avez réservé dans ce budget 2013 en considérant que la défense nationale n’est qu’une variable d’ajustement pour réduire le déficit. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Caricature !

M. Damien Meslot. Concrètement, le budget de la défense se voit attribuer 31,4 milliards d’euros pour 2013 hors pensions, soit 30,2 milliards d’euros de crédits budgétaires, auxquels s’ajoutent 1,2 milliards de recettes exceptionnelles, tirées principalement de la vente de fréquences hertziennes et de cessions immobilières.

Vous parlez d’un budget stable : c’est inexact. Les crédits de la défense ne sont pas conformes à ce que prévoyait la loi de programmation militaire.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis. Elle n’a jamais été respectée !

M. Damien Meslot. Plus de 2,6 milliards d’euros manquent aux crédits de la défense pour qu’ils soient conformes à ce que prévoyait la loi de programmation militaire. François Hollande lui-même avait déclaré que le ministère de la défense ne contribuerait ni plus ni moins que les autres ministères non prioritaires au redressement des comptes publics. Ainsi, la majorité brade notre défense, ce qui est préjudiciable à notre pays.

Mme Catherine Coutelle. Qu’avez-vous fait, vous, avec la RGPP ?

M. Damien Meslot. À l’heure où le monde est en crise, où les bouleversements sont quotidiens, notre pays se fragilise et devient vulnérable. Les moyens dont nous disposons pour nous protéger et nous défendre enregistrent une baisse sans précédent. D’ailleurs, l’amiral Édouard Guillaud lui-même, chef d’état-major des armées, a mis en garde, dans une interview à un hebdomadaire, contre toute décision irréversible, prise pour des raisons d’économie, qui compromettrait à terme les capacités de la défense française.

Les conséquences de vos décisions se feront sentir douloureusement pour nos armées : 5,5 milliards d’euros de commandes d’équipements militaires seront gelés. Je regrette ce choix de reporter les crédits d’investissement pour la défense. Cela affectera à la hausse le coût d’acquisition et de maintien en condition opérationnelle des matériels et systèmes militaires. Leur capacité à remplir leurs contrats opérationnels est déjà sous tension.

S’y ajoute la suppression de 7 200 emplois : la France perdra 7 200 militaires ! À lui seul, le ministère de la Défense va supporter 58 % de l’effort de réduction des effectifs de la fonction publique, ce qui affaiblira de fait notre force combattante. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis. Propos indignes !

M. Bernard Deflesselles. Non ! Il a raison !

M. Damien Meslot. Ces décisions sont non seulement graves pour nos armées mais aussi pour l’influence de la France dans le monde. Elles risquent à terme de menacer notre siège au sein du Conseil de sécurité de l’ONU.

Une fois de plus, votre gouvernement a menti aux Français. Durant sa campagne électorale, le président Hollande avait déclaré que la défense ne serait pas la variable d’ajustement du budget de la France.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis. C’est l’ardoise magique : on efface tout, et on recommence !

M. Damien Meslot. Ce budget 2013 prouve malheureusement le contraire. Votre décision de réécrire le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et d’adopter une nouvelle loi de programmation militaire est une supercherie (Protestations sur les bancs du groupe SRC) qui prépare, à plus long terme, une diminution significative des moyens de la défense.

Pour vous, monsieur le ministre, il s’agit d’un budget de transition dont le seul but serait de restreindre les ressources de notre armée et de nos soldats et de faire baisser le coût de notre défense dans le budget. Je m’interroge aussi sur l’efficacité de cette politique low cost qui vise à réduire les moyens de notre défense tout en voulant maintenir nos ambitions internationales.

Notre pays traverse une crise économique et financière sans précédent : la réduction de la dette est une priorité que je ne conteste pas.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ah ! À la bonne heure !

M. Damien Meslot. Toutefois, les efforts pour la maîtrise de la dépense publique ne doivent pas se faire au détriment de la force de dissuasion de la France et de notre sécurité nationale.

Or, avec ce budget 2013 de la défense, vous sacrifiez une compétence majeure de l’État. Ce sacrifice affectera notre capacité à agir pour éradiquer le terrorisme au Sahel, rétablir la paix en Syrie, combattre la piraterie au large de la Somalie ou lutter contre les narcotrafiquants en mer des Caraïbes. Dans un passé récent, chacun a pu mesurer le rôle essentiel joué par nos soldats en Libye, en Côte d’Ivoire et en Afghanistan. Les opérations militaires menées dans ces pays ont accompagné la paix. Elles ont, comme en Afghanistan, permis de rétablir la liberté et d’éradiquer un foyer important du terrorisme international. Nos soldats accomplissent leur devoir partout dans le monde et ils sont notre fierté. Nous n’avons pas le droit de les priver de leurs moyens d’action.

Je refuse que la défense nationale soit sacrifiée au profit de promesses électorales inconsidérées. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Nos soldats ont besoin de soutien, de reconnaissance et d’une stratégie claire pour assurer et défendre les intérêts de la France dans le monde. Vos crédits low cost ne présentent aucune perspective d’avenir.

Voilà pourquoi je ne voterai pas ce budget qui fragilise la sécurité de notre pays et représente un danger pour la place de la France dans le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis. C’est surjoué !

M. le président. La parole est à M. François André.

M. François André. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous les conditions dans lesquelles a été bâti le projet de loi de finances 2013 : un PLF élaboré, pour ce qui concerne les crédits de défense, dans le cadre fixé par la loi de programmation militaire en vigueur ; un PLF marqué plus généralement par la volonté du Président de la République de redresser les finances publiques, partant du principe qu'un pays qui ne maîtrise plus sa dette n'est plus tout à fait un pays souverain.

Ce budget se caractérise par la stabilité des inscriptions en crédits de paiement, ce dont on peut, ou plutôt ce dont on doit vous féliciter, monsieur le ministre, car il eût été tentant – pas pour vous, peut-être pour d’autres –, face à la difficile équation budgétaire, de faire des crédits de la défense une variable d'ajustement.

M. Jacques Lamblin. C’est le cas !

M. François André. Votre ministère participe à l'effort d'économie demandé à tous : ni plus ni moins, comme vous l’avez dit.

Ce budget d'attente nous invite néanmoins à réfléchir aux grands enjeux des prochaines années et je souhaite m'attarder sur un point qui me semble essentiel pour l'avenir, à savoir la « maritimisation » du monde, enjeu judicieusement mis en évidence par notre rapporteur pour avis Gilbert Le Bris et par notre collègue Gwendal Rouillard.

La France est à la tête du deuxième domaine maritime mondial, soit 11 millions de kilomètres carrés. Présente dans tous les océans, grâce en particulier à nos territoires d'outre-mer, elle a un besoin impérieux de préserver l'ensemble des voies de communication, à commencer par les voies maritimes.

L'accroissement de leur utilisation pour les échanges de marchandises est considérable : ainsi, le flux de cargaisons, déjà quintuplé depuis trente ans, est amené à doubler dans les vingt prochaines années. Ce développement a entraîné la progression importante des actes de piraterie ou encore la prolifération des mines, phénomènes exacerbés par l'existence de zones de non-droit dans les territoires bordant certaines voies de passage.

Par ailleurs, les progrès techniques et scientifiques permettent d'envisager l'extraction en mer de nouvelles ressources, qu'elles soient halieutiques, énergétiques ou minérales.

Enfin, la présence de plus en plus prégnante des puissances émergentes sur les océans, et en particulier en Asie du sud-est, crée parfois des tensions. Elle conduit également à s’interroger sur le maintien des zones de souveraineté et sur la capacité des forces internationales à préserver la libre circulation en mer.

Autant d'alertes, mes chers collègues, qui exigent dans ces vastes zones la présence de forces armées, réactives et opérationnelles, capable de surveiller, de détecter, de protéger et, si nécessaire, d'intervenir.

Malgré la grande qualité de nos armées, le budget, contraint par la conjoncture ne permet pas de multiplier à l'infini les ambitions. La sauvegarde de notre rang sur les plans stratégique et militaire passe sans aucun doute par le développement de nos coopérations navales.

Tout nous y invite : la contrainte budgétaire, bien sûr, mais aussi l'émergence de zones entières au sein de la nouvelle économie monde. La réorientation stratégique des États-Unis vers l'Asie ne fait que mettre en relief les difficultés de voir émerger une véritable politique européenne de défense.

Si des expériences existent au niveau européen, la coopération est aujourd'hui principalement le fait de l'OTAN. Existent également certains accords bilatéraux, à l'image de celui récemment conclu avec le Royaume-Uni, brillamment mis en œuvre voici quelques jours entre Toulon et la Corse et qui laisse augurer l'émergence d'une force d'intervention commune de qualité.

Les nouveaux enjeux de la maritimisation du monde et de la coopération internationale qui en découle conduisent à un renouveau de notre marine : plusieurs plans nous engagent sur du long terme, jusqu'à plusieurs décennies. Sur le site DCNS de Lorient, nous avons pu récemment mesurer avec vous, monsieur le ministre, l'étendue capacitaire des nouvelles frégates européennes multimissions, dont le programme de construction va se poursuivre sur plusieurs années.

Nous sommes également attentifs, comme vous, à la mise en œuvre, dans les meilleurs délais, du programme Barracuda, ainsi que des programmes de surveillance Batismar et Avismar. Le Livre blanc et la loi de programmation militaire à venir devront respecter un subtil équilibre entre le réalisme budgétaire et des ambitions redéfinies à l'aune des enjeux nouveaux.

Enfin, au regard de l'obligation prégnante de remettre de l'ordre dans nos finances, il nous faut prendre en compte les besoins des personnels civils et militaires de nos armées, rendre leur travail le plus aisé possible, et surtout – car c’est leur attente et ils nous le disent lorsque nous parlons avec eux –, veiller à l’adéquation entre les moyens octroyés et les missions dévolues.

Chers collègues, l’art de gouverner consiste à rendre possible ce qui souhaitable. Ce budget 2013 de la défense et des forces armées y contribue utilement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la défense nationale, c’est plus qu’un outil sous la responsabilité du chef de l’État. C’est l’âme et le cœur battant de la nation. C’est le seul moyen, ultime, que nous ayons d’assurer à nos enfants une place dans l’histoire. Il n’y a pas de grand peuple ni de grande nation qui n’ait respecté le triptyque de l’économie, de la culture et de la puissance.

Quelle est la situation aujourd’hui ?

En mer de Chine, à grandes encablures, la flotte chinoise se développe. La Chine apprend aussi sous les eaux, bientôt dans les airs, à faire respecter sa volonté.

La question de la puissance est bien l’essentiel et la plus grande noblesse de l’acte politique que nous avons aujourd’hui à assumer pour les générations futures.

La stratégie d’influence, mes chers amis, n’est que le masque que les puissants revêtent pour imposer leur volonté aux plus faibles parmi les nations et les peuples.

En Amérique latine, le Brésil, à grands pas, apprend les technologies, avec une jeunesse conquérante, affamée de richesses et de travail.

Le continent africain est livré à une nouvelle colonisation : d’un côté, la Chine ; de l’autre, les États-unis d’Amérique.

Et nous, Européens, que faisons-nous ? Rien ! La défense européenne n’est qu’un leurre. Elle n’existe pas. Notre voisin et premier concurrent économique, la République fédérale d’Allemagne cherche simplement à vendre des chars, comme elle vend des limousines, de haute qualité, certes, fiables, mais sans jamais payer le prix du sang. Nos seuls alliés sont un peu plus à l’ouest sur le continent européen car, depuis l’affaire de Crimée, depuis l’Entente cordiale, le prix du sang est payé par les soldats de Sa Majesté et ceux de la République, dans la boue et dans la souffrance, dans les airs et sur mer.

Que font nos chefs politiques aujourd’hui ? Ils n’ont aucune vision stratégique. Nous avons vexé les Britanniques, en essayant de courir plusieurs lièvres à la fois. Nous ne tendons jamais la main à la Fédération de Russie qui, courageusement, fait face à des défis démographiques inéluctables et majeurs.

Quel plan avons-nous pour la conquête des matières premières, pour assurer notre industrie de défense et notre souveraineté nationale ? Je pense aux terres rares, sans lesquelles il n’y aurait pas d’objets de haute technologie.

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Nicolas Dhuicq. Quelle vision avons-nous de la conquête des matières premières, dans un monde où nous savons qu’il risque de ne pas y en avoir pour tout le monde ? Je n’entends rien. C’est le silence absolu !

Quel est l’état de nos armées ? Le flux aérien de l’armée de l’air et de notre aéronavale se compte sur deux ou trois doigts d’une main. C’est un flux limité qui résulte d’une pensée stratégique défaillante de longue date. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis. C’est l’héritage !

M. Nicolas Dhuicq. Malgré tout, j’entends les critiques ici ou là. Sous le précédent quinquennat, nous avions tenté vaillamment et courageusement de remonter cette pente délétère et inéluctable, héritage des années de M. Mitterrand et de M. Jospin, qu’il ne faut point oublier ce soir.

Oui, mes chers collègues, je fais de la politique, nous faisons de la politique. Je fais de la politique parce que je veux que nos enfants et leurs enfants aient une place et une voix dans l’histoire. Je fais de la politique parce que je sais que, sans la puissance, nos ventres pleins seront bientôt affamés (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), étant acquis qu’une grande partie du monde sera confrontée à des flux démographiques inéluctables et incontrôlables si nous baissons la garde. Le territoire national en est déjà l’exemple frappant et criant dans certaines zones.

Oui, la défense nationale est plus que notre assurance vie, c’est l’âme de la patrie et de la nation.

Alors, monsieur le ministre, malgré vos compétences et vos indéniables qualités humaines, je ne peux voter un tel budget qui signe le déclin inéluctable de la nation, livrée au mondialisme galopant, à l’illusion d’une Europe de la défense qui, je le répète, n’existe pas. Car la défense est assurée par celles et ceux qui sont capables, sur le terrain, de livrer bataille et de donner leur vie pour la patrie.

Voilà les enjeux, mes chers collègues, auxquels nous sommes confrontés ici, maintenant et ce soir, et voilà les raisons pour lesquelles je ne peux que fermement voter contre un tel budget, qui nous entraîne vers le déclin, la désespérance et la disparition de l’histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie Récalde.

Mme Marie Récalde. Monsieur le président, mes chers collègues, ce budget 2013 est un budget d'équilibre et de sagesse. Je salue les positions courageuses défendues par notre ministre de la défense, qui a su préserver l'essentiel dans une période de crise et de restrictions budgétaires où la défense paie, elle aussi, son tribut.

La défense est l'un des éléments qui fondent l'autorité et la crédibilité de la France sur la scène internationale, et en son sein la dissuasion nucléaire demeure le pilier indispensable qui garantit notre souveraineté et préserve la paix. Elle est à la fois la garantie ultime de notre sécurité, de notre indépendance, et une condition nécessaire de notre autonomie stratégique.

Vous l'avez dit, monsieur le ministre, la dissuasion garantit à la France le poids politique nécessaire « pour parler comme elle doit parler sur la scène internationale », et nous nous félicitons, avec l'ensemble des collègues du groupe SRC, que le Président de la République se soit engagé, dès la campagne présidentielle, puis au mois de juin, en marge du sommet de Rio, à maintenir ses deux composantes, sous-marine et aéroportée.

Cet engagement se traduit aujourd'hui par un effort budgétaire de plus de 4 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et de 3,3 milliards d'euros de crédits de paiement.

À l'heure où de nombreuses nations s'engagent dans des programmes nucléaires, sur la base de doctrines peu ou mal connues, ce serait une erreur stratégique de renoncer à la nôtre. Car les dangers qui pèsent sur la sécurité nationale ne manquent pas.

Des crises sévissent partout dans le monde, et des forces d'interposition peuvent toujours être indispensables pour protéger les populations civiles et rétablir la paix.

La France et ses forces armées doivent être prêtes en permanence.

La doctrine française en matière de dissuasion est raisonnable : nous faisons le choix de maintenir nos efforts à niveau constant, et les investissements réalisés obéissent au principe de la stricte suffisance.

Au-delà des discours récurrents demandant un renoncement pur et simple à toute notre doctrine, d'aucuns suggèrent que l'on renonce à la modernisation de la composante aéroportée de la dissuasion, ce qui reviendrait en substance à l'abandonner. Ce serait une lourde erreur. La double composante de la dissuasion est indispensable et répond à des impératifs opérationnels. Cette double opérationnalité offre au Président de la République une souplesse et une réversibilité précieuses à l'instant d'une crise majeure.

Comme l'a souligné le rapporteur, ce budget 2013 confirme la sanctuarisation de la dissuasion en reconnaissant ses deux composantes comme indissociables.

Les engagements budgétaires d'aujourd'hui traduisent une volonté de modernisation de nos équipements.

Nous maintenons l'effort d'adaptation de nos équipements aéronavals avec, par exemple, la poursuite des dotations en missiles M51 ou l'arrivée de la nouvelle ogive TNO, plus performante, qui doit remplacer les ogives actuelles TN 75 à partir de 2015.

Nous poursuivons le remplacement progressif des missiles ASMP par des missiles ASMP-A dans la composante aéroportée.

La permanence de cette dernière exige de disposer d'une capacité de ravitaillement en vol pour nos appareils. L'âge avancé de notre flotte de ravitailleurs divisait notre capacité opérationnelle par deux. Nous engageons aujourd'hui les crédits nécessaires à la commande en 2013 de quatorze appareils multirôles MRTT, renforçant ainsi la crédibilité de notre force de dissuasion. Ces appareils sont de fabrication française, et cette technologie fait aujourd'hui l'objet de contrats avec des pays tiers alliés, qui pèsent lourd dans notre balance commerciale.

Au-delà des questions stratégiques fondamentales, nous voulons aussi répondre aux raisonnements simplifiés qui conduisent à penser que toute baisse des dépenses ou toute suppression pure et simple de crédits seraient une source d'économies. Ce seraient d'abord des économies bien minces, tant nos investissements portent essentiellement sur la modernisation et la maintenance. Ce serait surtout faire bien peu de cas de pans entiers de l’économie nationale qui reposent sur nos stratégies de défense. Parce que la dissuasion relève de notre souveraineté, son économie est tournée vers le tissu industriel et technologique français.

Car nous parlons, mes chers collègues, de recherche et développement : parmi les 750 millions d'euros dédiés cette année aux études amont dans le programme 144, plus de 250 millions sont consacrés à la dissuasion. Et ces crédits vont croître au cours des prochaines années.

Nous parlons de technologies de pointe et de milliers d'emplois directs et indirects dans les grandes entreprises aéronautiques, mais aussi dans le tissu local des nombreuses PME qui remplissent leurs carnets de commande grâce aux contrats de sous-traitance et aux partenariats.

En fin de compte, nous parlons d’excellence technologique et industrielle de la France. Nous parlons d’un savoir-faire reconnu sur la scène internationale. Nous parlons d’entreprises qui font notre compétitivité ainsi que la croissance et la richesse de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-David Ciot.

M. Jean-David Ciot. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la défense, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme l'a indiqué M. le ministre, le budget 2013 qui nous est proposé pour la mission « Défense » est un budget de transition visant à assurer la continuité de nos engagements militaires dans l'attente de la publication des conclusions stratégiques du Livre blanc et de l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire.

C'est également un budget sous contrainte, nécessairement affecté par les difficultés économiques et le poids des déficits qui grèvent les finances publiques. Comme l'ensemble des administrations, l'institution militaire se doit de participer à l'effort national de redressement des comptes publics, et ce budget s'en fait l'écho.

Pour autant, budget de transition ne signifie pas budget sans ambition, comme en témoigne l'examen approfondi du programme 146 concernant l’équipement des forces. Ce programme engage les crédits en faveur des opérations d'armement nécessaires au maintien des capacités de protection du territoire et d'intervention extérieure.

L'effort budgétaire en sa faveur est absolument vital pour la préservation de notre capacité militaire. Vous le savez, la chute du mur de Berlin n'a malheureusement pas eu pour conséquence, comme beaucoup l'espéraient, une pacification des relations internationales. Au contraire, c'est un monde gouverné par l’incertitude qui a surgi des décombres de la bipolarisation, un monde dans lequel les menaces se font plus diffuses, plus immatérielles en particulier avec le développement d'internet et des enjeux liés à la cyber-défense.

Pouvoir intervenir sur les divers théâtres de conflit de par le monde, pour y défendre la stabilité, la paix et souvent nos valeurs, comme c'est le cas en Afghanistan, est donc primordial et exige un équipement toujours plus moderne et plus performant.

Mais l'effort d'équipement, soutenu par la commande publique, c’est également un soutien aux filières industrielles. Dans notre pays, qui a souffert ces cinq dernières années d'une désindustrialisation massive, la préservation des filières nationales devient une priorité en termes d'emploi, de développement économique et surtout de capacité d’innovation. La France doit tenir son rang dans ce domaine car il s'agit d'un enjeu d'indépendance nationale.

C'est au regard de cette double perspective que le budget d'équipement proposé par le ministère de la défense prend tout son sens. Je me félicite ainsi de la stabilisation pour 2013 des crédits consacrés au programme 146, auquel l0,97 milliards d’euros seront alloués en crédits de paiement contre 10,96 milliards en 2012. Ces moyens attribués aux dépenses d'équipement permettront d'honorer les commandes en cours et de livrer aux échéances prévues les programmes dont nos armées ont besoin.

Ces livraisons concernent des équipements majeurs, tels que les véhicules blindés de combat d'infanterie, les hélicoptères Tigre et NH90, les frégates multi-missions FREMM ou encore les Rafale. Au total, 44 % des dépenses d'équipement, soit 3,8 milliards d'euros, sont destinés aux huit programmes majeurs sur lesquels repose une grande partie de notre excellence militaire, garantie de la défense nationale.

Je suis l'élu d'un département où la problématique de la recherche militaire se pose avec acuité, notamment en ce qui concerne la poursuite à Cadarache du programme du réacteur d'essai pour la propulsion nucléaire ou la construction de puces électroniques sur le site de Rousset, enjeux d'avenir dans le domaine de la cyber-sécurité. Je tiens donc à relever l'effort substantiel consacré dans ce budget aux dépenses de prospective stratégique et de recherche publique. L'enveloppe dédiée aux études amont bénéficie d'une augmentation substantielle de 11,7 % qui permettra d'intensifier le financement des programmes de recherche et de développement en matière de nouvelles technologies. Cette impulsion publique est particulièrement salutaire, car nous aurons toujours besoin d’intelligence et de renseignement pour pouvoir nous adapter à un environnement géostratégique de plus en plus complexe. Ce budget se tourne résolument vers l'anticipation et l'avenir. Je m'en réjouis.

Néanmoins, au-delà de ces orientations positives, ce budget est par nature, comme l’a dit M. le ministre, un budget d'attente. La diminution des autorisations d'engagement pour le programme 146 et le report de certaines commandes, qui n’est pas synonyme d’annulation, nous rappellent que les grandes orientations en matière de défense et d'équipement seront prises après la publication du Livre blanc, dans le cadre de la future loi de programmation militaire. À cette occasion, le Gouvernement et la représentation nationale devront trancher définitivement un certain nombre de questions. Nous devrons prendre des décisions dans le cadre d'un contexte de grave crise économique en complémentarité avec nos partenaires européens.

Pour conclure, mes chers collègues, ce budget d'attente n'est pas un budget attentiste. Il remplit, à mon sens, les engagements nécessaires à la poursuite du renforcement de la France en matière de défense, notamment dans les secteurs de la recherche et de l'équipement. C'est également un budget ouvert, qui laisse toute sa place à la concertation et au débat dans l'optique de l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire, à laquelle la représentation nationale devra fortement contribuer avec responsabilité pour assurer notre sécurité et celle de nos enfants à l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Léonard.

M. Christophe Léonard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de budget pour 2013 de la mission « Défense » est un budget de combat.

Il s'inscrit en effet dans un contexte budgétaire épouvantable où, après cinq ans de gouvernement Sarkozy, Fillon et Copé, la dette de la France s'est accrue de 600 milliards d'euros pour atteindre un endettement record de 90 % du produit intérieur brut annuel. Le déficit cumulé de notre balance commerciale a atteint 265 milliards d'euros. Le nombre de chômeurs a augmenté d’un million de personnes quand parallèlement 750 000 emplois industriels étaient détruits ; 330 000 Français sont devenus précaires ; 80 000 postes d'enseignants ont été supprimés.

M. Gwendal Rouillard. Eh oui !

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. Quelle suffisance ! Au fait !

M. Christophe Léonard. Dans ce contexte, avec un modèle social français mis en charpie, nos concitoyens sont nombreux aujourd'hui à s'interroger ouvertement sur l'opportunité du maintien de nos dépenses militaires quand les besoins d'investissement dans l’appareil productif, la santé, l'école et la transition écologique sont criants.

M. Jacques Lamblin. Ça oui, ils s’interrogent !

M. Christophe Léonard. Dans ce contexte, on peut parler d'un budget 2013 de résistance avec des crédits de paiements, stables par rapport à ceux ouverts en 2012, à hauteur de 38,164 milliards d'euros.

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. Ne galvaudez pas les mots ! La Résistance, c’est autre chose !

M. Christophe Léonard. Ce budget 2013 est aussi un budget de transition qui ne préempte aucune option dans l'attente du rendu du Livre blanc en cours d'élaboration. Dès lors, je ne comprends pas, sauf à se perdre dans un registre politicien fondé sur la seule mauvaise foi, que l'opposition parlementaire ne vote pas les crédits de la mission « Défense ».

M. Serge Grouard. Quelle arrogance !

M. Christophe Léonard. D’une part, ce budget répond aux nécessités fondamentales de maintien du niveau opérationnel des forces et de maîtrise de la dépense publique. D’autre part, il stabilise les dépenses militaires françaises à hauteur de 2 % du produit intérieur brut. Ce budget est un budget de combat, de résistance et de transition, quand d'aucuns pourraient être tentés de supprimer nos forces armées qui seraient désormais inutiles, arguant de la crise et du fait qu'aujourd'hui les conflits se sont déplacés sur le terrain de la seule guerre économique.

Si tel était le cas, que deviendrait, dans un monde où les enjeux géopolitiques ont muté avec la chute du mur de Berlin, les attaques du 11 septembre 2001 et les printemps révolutionnaires arabes, la capacité de conviction de la diplomatie française ? Sans capacité militaire, qui entendrait demain la voix de la France au sein du Conseil permanent des Nations unies ?

Force est de constater, bien au contraire, que les grandes nations, actrices incontournables de l'économie mondiale, continuent aujourd'hui à investir dans leurs capacités de défense. Les États-Unis, la Chine et bien d'autres encore consacrent aux dépenses militaires un montant de leur PIB bien supérieur au nôtre. La recherche militaire, par les innovations qu'elle est susceptible d'apporter dans ses applications civiles, est par ailleurs un puissant levier de développement, de croissance économique et donc d'emploi.

Oui, la France doit assumer son rang, son histoire et ses responsabilités vis-à-vis de ceux qui comptent sur elle ! Une observation pragmatique de notre environnement démontre que préserver notre force militaire participe des valeurs humanistes de la France au service de la paix et de la défense du modèle social français.

En fin de compte, la question centrale qui nous est posée est donc de savoir comment renforcer notre capacité militaire dans un contexte budgétaire national restreint et fortement dégradé. À ce titre, une réflexion doit s'engager sur la nature des équipements dont nous souhaitons doter nos forces armées, sur les conditions de leur entretien, sur nos capacités de mobilisation et de projection opérationnelles comme sur notre force de dissuasion nucléaire, mais aussi sur le dimensionnement de notre outil militaro-industriel. Tels sont les enjeux du Livre blanc et de la future loi de programmation 2014-2019.

Répondre à la question de la préservation de notre capacité militaire, c'est aussi se poser, me semble-t-il, la question de l'Europe de la défense. Nicolas Sarkozy l'avait présentée comme sa priorité, voire comme une contrepartie non négociable du retour de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN. Cette promesse n'a pas été tenue.

Dès lors, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu'il est souhaitable et nécessaire de prendre appui sur le constat de crise budgétaire des États membres de l'Union européenne pour que la France, sous votre impulsion et celle du Président de la République, au regard de la légitimité historique qui est la nôtre en ce domaine, lance sans tarder des initiatives fortes pour proposer des mutualisations et des coopérations renforcées à l'échelle européenne en matière de défense ? Je vous sais sensible, monsieur le ministre, à cette ambition nouvelle. À défaut, nos capacités militaires comme notre souveraineté courent le risque d'un déclassement certain et inexorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre, la politique de défense du précédent gouvernement n’est clairement pas celle qui justifie le plus de critiques. On peut dès lors comprendre que vous vous inscriviez dans un certain esprit de continuité. Les cinq dernières années ont permis, dans ce domaine, de clarifier un certain nombre d’enjeux sur les plans politique, stratégique, budgétaire et européen.

Sur le plan politique, il en reste une volonté très claire, à la fois de l’exécutif et de la majorité parlementaire, plus largement de nombre d’entre nous au Parlement, de faire en sorte que les enjeux de défense soient partagés par le plus grand nombre de Français. Vous ne vous inscrivez pas explicitement contre cette idée. Mais quand on écoute, au-delà de votre bonne volonté, qui n’est ni contestable ni contestée, les expressions diverses au sein de votre majorité, quand on regarde comment réagit encore une bonne part de votre base politique, et quand on est, comme nous le sommes, accablés de courriels qui semblent exiger une réduction violente de l’effort de défense, l’interrogation, monsieur le ministre, reste entière. Au-delà de la parole rassurante que le ministre de la défense peut avoir à l’égard de ses troupes et de parlementaires intéressés par ces sujets, il est donc important que l’exécutif partage constamment cet effort de pédagogie auprès des citoyens et fasse preuve de l’énergie nécessaire auprès des forces armées mais aussi du plus large public et au sein de sa propre majorité.

Les approches stratégiques du précédent gouvernement, en particulier avec le Livre blanc, devaient au minimum être actualisées, nous étions les premiers à le dire. Vous avez fait le choix d’aller au-delà de l’actualisation et de poser une ambition plus forte, celle de la rédaction d’un nouveau Livre blanc. Pourquoi pas ? Mais, sur la base de ce que l’on peut comprendre des travaux préparatoires, il ne semble pas que la clairvoyance et l’audace soient tout à fait au niveau de ce qui avait été préparé il y a cinq ans. J’entends que vous souhaitiez conduire votre démarche à un rythme assez rapide ; le travail du Livre blanc d’il y a cinq ans n’était probablement pas au-delà de toute critique.

Moi-même, à l’époque, j’avais trouvé qu’en termes de désignation d’enjeux et d’ennemis, le livre aurait pu être plus explicite, qu’assez curieusement le mot « guerre » n’y figurait qu’entouré d’infinies précautions et qu’un certain nombre de sujets auraient pu être davantage explicités. Mais il y avait une vraie force stratégique dans ce travail. Je ne peux pas dire, d’après ce que l’on comprend de l’approche choisie, que nous soyons tout à fait rassurés et persuadés que le travail que vous allez livrer sera à la hauteur.

Sur le plan des crédits, il n’y a pas, on vous en rendra justice, de rupture budgétaire. Tant mieux ! Mais il y a un certain nombre d’inquiétudes à propos de l’effort d’équipement.

Autant ce budget d’adaptation et de transition n’appelle pas d’inquiétudes extraordinaires, autant les incertitudes et les inquiétudes sont nombreuses pour l’avenir. Vous pouvez renvoyez tous les sujets au Livre blanc ; à ce stade, je vous l’ai dit, nous ne sommes pas convaincus par les travaux d’approche. Vous pouvez les renvoyer à la loi de programmation militaire. Pour ma part, je reste très inquiet, comme nombre de nos collègues de l’opposition, quant à votre capacité à articuler la contrainte budgétaire, la fuite de votre base électorale – car, hélas ! les sondages démontrent que votre base électorale reste, faute de pédagogie suffisante de votre part, extrêmement rétive à l’effort de défense –, et les conclusions que vous pourrez tirer de vos travaux.

J’ai donc une grande inquiétude sur le plan budgétaire.

En matière européenne, j’ai toujours été partisan des démonstrations par l’action. Plutôt que de disserter sur l’Europe et de tenter de mutualiser des moyens sans y parvenir, il est préférable d’agir par la preuve. Quand on sait qu’en dehors du Royaume-Uni, nos partenaires sont extrêmement discrets en matière de défense, le slogan de la mutualisation me parait au mieux vain, au pire de nature à préparer un désengagement.

La réalité est que la coopération doit se faire principalement avec nos amis britanniques. C’est un acquis majeur de la précédente législature que d’avoir fait une démonstration par l’action grâce à l’accord de Lancaster. Tout n’est pas parfait, des progrès restent encore à accomplir, mais des étapes ont déjà été utilement franchies dans le domaine industriel.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas vous accabler car rien ne vient vraiment nous y inciter, mais nous ne pouvons pas non plus vous faire confiance car, hélas ! les contraintes qui sont les vôtres et le poids politique que vous avez à porter n’augurent rien de bon pour l’avenir de la politique de défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous avons fini d’entendre les orateurs inscrits.

La parole est à M. le ministre de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, au moment de prendre la parole, je tiens, avant toute chose, à saluer la qualité de vos interventions. Je veux en particulier rendre hommage au travail des rapporteurs. Ils ont fait une lecture attentive, exigeante et constructive à la fois, du budget qui vous est soumis.

D'une façon générale, je me félicite de la qualité du dialogue que le ministère de la défense entretient avec la représentation nationale, dans toutes ses composantes. J'y vois un signe de plus de la place singulière qu'occupent les armées au sein de la nation.

Le budget que vous examinez ce soir est bien plus qu'un budget. C'est le cœur battant d'une institution forte de 280 000 hommes et femmes, militaires et civils, engagés au service du pays, pour la défense de ses intérêts vitaux.

Le budget de la défense, c'est aussi près de 16 milliards d'euros d'investissements qui vont irriguer nos territoires et contribuer directement à l'emploi et à la santé de nos entreprises. Je rappelle que les industries de défense emploient 180 000 actifs. Au lendemain de la présentation du rapport Gallois, je tiens à souligner que le ministère de la défense est le premier investisseur de l'État. Il a donc tout son rôle à jouer dans le redressement productif engagé par le Gouvernement.

En présentant au Parlement le budget de la mission « Défense » pour 2013, je pense donc aux hommes et aux femmes de la défense, et à toutes celles et ceux qui bénéficient, par un emploi, ou au-delà par la protection qui leur est assurée, de nos capacités de défense. Je ne pense pas exagérer en disant que la communauté de défense rassemble ainsi l'ensemble de nos concitoyens. Comme la présidente de la commission, Mme Patricia Adam, l'a rappelé, c’est aussi le sens de l'attention toute particulière que nous devons porter au lien armée-nation, à ce lien vivant qui unit nos armées au reste de la société et qui est particulièrement précieux pour notre pays.

Avant d’en venir à ce budget, permettez-moi d'abord de vous rappeler de quelle situation nous sommes partis.

L'actuelle loi de programmation prévoyait pour 2009-2012 une ressource cumulée de 128,8 milliards d'euros hors pensions. De manière très ambitieuse, le Livre blanc de 2008 avait conçu une trajectoire financière conservant les ressources, inflation comprise, puis à partir de 2012 une hausse de 1 % supplémentaire chaque année, ce qui devait correspondre à un montant de 33,2 milliards d'euros pour 2013.

Ce n'est pas ce que nous constatons dans la réalité. Les ressources effectives se sont progressivement écartées de la trajectoire initialement prévue. En définitive, la mission « Défense » a bénéficié de 125,8 milliards d'euros. À la fin de cette année, ce sont donc près de 3 milliards d'euros qui auront manqué, au total, pour financer les besoins de la défense. Ce manque de ressources que je trouve en arrivant est corroboré par les travaux de la Cour des comptes. Son évaluation des ressources manquantes est en effet de 4,1 milliards en incluant l'année 2013.

L’équipe précédente n'a donc pas réussi à être au rendez-vous de la programmation qu'elle avait elle-même décidée. Mais je n’en fais pas un instrument de polémique. Je m’en tiens au constat. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Je n’en fais pas un instrument de polémique car il y a probablement des raisons à cette évolution. De plus, il y a des précédents en matière de lois de programmation, toutes initiatives politiques qui finissaient par demander des rattrapages impossibles.

Je n’en fais pas un instrument de polémique, mais je ne voudrais pas que d’autres en fassent un instrument de polémique. J’ai entendu dans la bouche de certains intervenants des propos que je qualifierai d’intempestifs. Je leur rappelle que je dispose, en soute, de munitions de différents calibres (Sourires), que je ne voudrais pas devoir activer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. Ce sont des cartouches à blanc !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Pour le reste, je m’en remets au rapporteur spécial qui se borne au constat sans engager de polémique.

Je tiens par ailleurs à souligner que le budget de la mission « Défense » s'inscrit dans la perspective, souhaitée par le Président de la République et portée par le Premier ministre, visant à revenir à 3 % de déficit à la fin de l'année 2013 et à l'équilibre budgétaire à la fin du quinquennat.

C'est par rapport à cette situation – l’acquis et la volonté de redressement du Gouvernement – que nous avons élaboré l'équilibre de ce budget. La défense consent un effort important, dans un contexte de contraintes fortes, mais cet effort est équitable. Nous tenons nos engagements en nous préservant de mesures irréversibles, tant pour les capacités que pour le tissu industriel.

Concrètement, les ressources totales pour 2013 de la mission « Défense », 31,4 milliards d'euros, sont identiques à celles de 2012. Comme l’a rappelé M. Nicolas Bays, nous n’en sommes pas aux très bas niveaux annoncés par certains. Nous ne sommes pas non plus le reflet de nos voisins européens : M. Hervé Gaymard a cité le cas de pays aussi importants que l'Espagne et le Royaume-Uni, qui ont opéré des coupes sévères dans leur budget de défense – on pourrait y ajouter les États-Unis, contrairement à ce qu’a dit M. Luc Chatel. Ces coupes ne manquent pas d'avoir des effets sur les capacités de ces pays. Ce n’est pas le cas de la France qui maintient en 2013 les crédits de 2012 et garantit les ressources qui sont indispensables à nos priorités essentielles.

En réponse à certains des rapporteurs qui se sont inquiétés du financement, de l'entraînement et de l'activité opérationnelle des forces, je tiens à dire qu’il s’agit bien d’une priorité de ce budget, en particulier dans le contexte du désengagement d'Afghanistan. Il est primordial que le niveau de préparation opérationnelle que les unités ont acquis en opérations extérieures soit préservé. Les crédits d'entretien du matériel, de fonctionnement opérationnel et de carburant progressent ainsi de près de 300 millions d'euros par rapport à 2012, afin de garantir, dans ce contexte du retour de nos forces, le nombre indispensable de journées de préparation et d’entraînement.

La modernisation des équipements des armées se poursuivra. D'autant qu'il y a là des enjeux globaux qui touchent aussi à l'économie et à l'emploi, c'est-à-dire à nos territoires. Cette politique bénéficiera de plus de 16 milliards d'euros de crédits de paiement. Je tiens à signaler que ce montant est stable par rapport à 2012. Cette dotation permet ainsi de financer sans modification majeure la plupart des besoins de paiement que nous héritons des programmes déjà lancés.

De la même façon, ce budget préserve pour l'essentiel les dépenses d'avenir. Le ministère continuera de susciter et d'accompagner l'innovation industrielle et technologique en finançant la recherche et développement à hauteur de 3,3 milliards d'euros en 2013. Les crédits dédiés aux études amont progressent même de 10 % entre 2012 et 2013 pour s'établir à 750 millions d'euros. Nous contribuons ainsi pleinement à la politique de compétitivité du Gouvernement. Et je rejoins les observations de M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis, qui soulignait l'enjeu stratégique que constitue l'investissement dual en recherche et technologie. Il évoque régulièrement ce sujet avec raison.

J'ai aussi souhaité maintenir les volumes financiers consacrés au soutien des PME. C'est un sujet qui me tient à cœur. C'est pour cela que j'ai lancé un Smart Business Act, et je vous remercie du soutien que vous avez apporté à cette initiative. Ce dispositif permettra de favoriser les PME dans une articulation avec les grands groupes. Nous soutenons les dispositifs en faveur des PME. Je pense notamment à RAPID, le régime d'appui pour l'innovation duale, qui sera renforcé par la mise en œuvre du Smart Business Act que je présenterai avant la fin de l’année.

Aux deux priorités que je viens d’évoquer, le maintien en condition opérationnelle et les équipements, je veux en ajouter une troisième.

Lorsque je suis devenu ministre de la défense, les réformes précédemment engagées n'étaient pas toutes achevées. Aujourd’hui, le ministère de la défense doit rester attentif à la mise en œuvre de mesures d'accompagnement économique et social des restructurations engagées bien avant notre arrivée au pouvoir mais toujours en cours. Elles nécessitent une attention toute particulière. C’est pourquoi j’ai décidé de maintenir l’effort d’accompagnement des restructurations sur les territoires à hauteur de 320 millions d’euros, financés pour deux tiers par le budget de la défense. La délégation aux restructurations sera redynamisée afin que les retraits puissent être compensés par la solidarité nationale et par la revitalisation des territoires. Certains orateurs ont d’ailleurs évoqué des régions concernées, je pense en particulier à l’Est de la France.

Puisque nous parlons des territoires, je veux évoquer les bases de défense, mentionnées par plusieurs d’entre vous. Je constate qu’elles ont été mises en œuvre dans la précipitation. Je regrette que l’on ne se soit pas penché avec sérieux sur les expérimentations engagées avant de passer à la phase de généralisation. Cela dit, le processus doit se poursuivre et j’ai décidé de faire progresser les moyens les concernant de 11 % dans le budget pour 2013, afin de pallier ou du moins de limiter les difficultés de fonctionnement que j’ai pu constater.

J'assume donc les économies qui ont été réalisées comme les priorités qui ont été définies, dans un contexte extrêmement contraint, pour que le passif budgétaire ne pèse plus sur nos choix d'avenir. Il est de ma responsabilité de garantir au Président de la République la possibilité de refonder, à partir des conclusions du nouveau Livre blanc, une stratégie de défense qui accorde enfin les missions et les moyens. Une stratégie qui fasse en sorte qu’il y ait une véritable cohérence et une véritable cohésion dans le modèle d’armée et dans le type de défense que nous voulons mettre en œuvre à l’issue des travaux du Livre blanc.

Je constate avec intérêt que ces travaux se poursuivent et que les parlementaires occupent une place significative à la commission du Livre blanc. Je salue ceux d’entre vous qui y siègent et qui consacrent du temps à ce travail. Il est important que la cohérence puisse constituer l’axe central de ce document, qui doit pouvoir être mis en œuvre dans la durée.

L’effort sera long et rigoureux, mais il permettra à la France de garantir sa sécurité et d’avoir un outil de défense digne de sa souveraineté et à la hauteur de ses ambitions.

Je vais maintenant tenter de répondre aux orateurs qui m’ont interrogé, en m’excusant de ne pouvoir évoquer l’ensemble des questions qui m’ont été posées.

M. Cornut-Gentille, rapporteur spécial, a évoqué les avancements. J’ai compris les inquiétudes et la perplexité que cette question a pu engendrer. J’ai donc obtenu que les décrets d’avancement 2012 ne soient pas remis en cause. Pour 2013, le volume des avancements sera, c’est vrai, réduit par rapport à 2012, mais cette réduction a été engagée et négociée par mon prédécesseur, car, encore une fois, les mesures d’économie que le ministère s’impose découlent de problèmes de gestion qui ont commencé dès 2009. Dans la recherche de compromis qui est en cours, la décision n’est pas finalisée. À ce propos, je veux souligner la qualité du dialogue que j’entretiens avec le ministère chargé du budget, pour tenter de résoudre cette difficulté. Les premiers éléments, issus d’une réflexion conjointe de l’inspection générale des finances et du contrôle général des armées, soulignent que le ministère de la défense a de bons arguments à faire valoir. Les efforts seront concentrés sur le haut de la pyramide et, dans tous les cas, inférieurs à 30 % de réduction. Dès que les arbitrages seront rendus, je vous en reparlerai.

Par ailleurs, j’ai engagé un dialogue avec les organisations syndicales dans le cadre du volet « fonction publique » de la concertation qui vient de débuter à l’initiative du Premier ministre. À cette occasion, j’ai décidé d’ouvrir un certain nombre de chantiers, en particulier la formation, l’emploi et la mobilité des personnels civils et, bien sûr, la question des ouvriers d’État. Des interrogations se sont exprimées sur l’évolution de leur statut et, singulièrement, sur la liquidation des pensions complètes, question dont Mme la présidente de la commission a souligné l’importance. C’est un sujet de préoccupation sur lequel nous devrions avoir rapidement des réponses.

S’agissant du système de règlement des soldes Louvois, qui a été évoqué par plusieurs d’entre vous, j’ai hérité d’une situation aussi inouïe qu’inacceptable. L’heure est d’abord à la mise en œuvre des mesures d’urgence que j’ai décidées. J’en profite pour vous confirmer que l’objectif que j’ai fixé sera respecté : tous les militaires en attente de tout ou partie de leur solde recevront ce qui leur est dû d’ici à Noël : 30 millions d’euros d’avances de trésorerie ont été mobilisés à cet effet et les effectifs ont été renforcés. Pour comprendre l’origine de ces dysfonctionnements majeurs, j’ai lancé deux audits – l’un externe, l’autre interne – du système d’information, afin d’apprécier les initiatives à prendre pour qu’ils ne se renouvellent pas. Il est inconcevable que la nation ne puisse verser les soldes de ses soldats, qui mettent leur vie en jeu et ne peuvent accepter, lorsqu’ils sont en opérations extérieures, que leurs familles soient dans l’attente de ce règlement. Il faut mettre de l’ordre là-dedans, et je vais m’y employer très fermement.

La relance de l’Europe de la défense, dont les deux rapporteurs spéciaux ont souligné le caractère stratégique, est une ambition du Président de la République. Tout nous conduit à favoriser cette relance : la nature des menaces, l’évolution de la posture stratégique américaine, les contraintes budgétaires, mais aussi le sens historique du projet européen. Je sais que certains considèrent encore l’Europe de la défense comme une « Arlésienne », voire un « moulin à prières ». Ma conviction profonde est que, loin des grandes déclarations, des incantations parfois, et des élaborations juridiques complexes, l’Europe de la défense ne se construira que par des actions et des projets concrets. En la matière, je suis pour une Europe du pragmatisme, qui s’élabore progressivement grâce à la forte volonté de ceux qui veulent bien y participer.

C’est pourquoi nous allons poursuivre notre collaboration avec les Britanniques sur la base du traité de Lancaster House. Nous avons déjà mis en œuvre un certain nombre de coopérations, même s’il faut, pour chacun des différents sujets abordés dans le traité, apprécier l’intérêt de l’un et l’intérêt de l’autre avant de décider en commun. L’état d’esprit des relations entre la Grande-Bretagne et la France est très bon et nous progressons avec pragmatisme dans la mise en œuvre de ce traité. Parallèlement, je compte aussi beaucoup sur le format « Weimar plus », qui réunit l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Pologne et la France, pour initier l’Europe de la défense, de l’action et du projet concret. Cela doit se faire dans le cadre d’opérations en commun et par la mise en commun de capacités militaires ; dans les deux cas, nous devons agir ensemble, concrètement.

En ce qui concerne les opérations, je pense que nous pouvons nous réjouir de la mobilisation de l’Union européenne pour devenir un acteur, aux côtés des Africains, de la stabilisation de la région malienne. Les préparatifs d’une mission militaire européenne de type EUTM-Mali se poursuivent à un rythme et avec une ambition qui ne faiblissent pas : c’est aussi cela, l’Europe de la défense.

S’agissant des capacités, nous travaillons dans des formats à géométrie variable selon les besoins et les calendriers. Pour ne citer qu’un projet que je sais emblématique, le ravitaillement en vol, plusieurs nations européennes, dont la France, vont conclure, d’ici à la fin du mois, une lettre d’intention dans le cadre de l’Agence européenne de défense pour développer et partager ces capacités au niveau européen. M. Cornut-Gentille a raison lorsqu’il appelle à une mutualisation de certaines capacités. Il s’agit là d’un exemple précis de ces coopérations concrètes qui permettent, brique après brique, de construire l’Europe de la défense.

Toutefois, j’approuve totalement M. Vitel lorsqu’il fait la distinction entre partage capacitaire et mutualisation européenne ; l’un est porteur, l’autre non, et nous sommes très vigilants en la matière. La future flotte d’avions ravitailleurs A330 MRTT française – qui a été décidée par mes soins, comme certains d’entre vous ont bien voulu le rappeler – est ainsi conçue dans une logique de mutualisation européenne qui doit permettre à l’Europe de sortir de la dépendance capacitaire flagrante qui avait été observée lors du conflit libyen. C’est aussi cela, l’Europe de la défense. Les exemples ne manquent pas, mais, encore une fois, je préfère une progression au cas par cas, sujet après sujet, à des déclarations incantatoires.

Le renseignement sera sans doute une priorité du nouveau Livre blanc, comme le Président de la République en a émis le souhait dans la lettre qu’il a adressée au président de la commission du Livre blanc, au mois de juillet dernier. Le renseignement et l’action spécialisée sont des éléments clefs de notre faculté d’appréciation et de décision. Nous devons donc les renforcer pour être capables de réagir à notre environnement stratégique, marqué – nous y reviendrons – par de nombreuses incertitudes et par la possibilité de nouvelles surprises. Il nous faut être très vigilants à cet égard. Beaucoup d’orateurs ont insisté sur les risques de montée des menaces à caractère diffus, comme le terrorisme et les cyber-attaques ; c’est une préoccupation qui sera centrale.

Je voudrais dire un mot de Balard, évoqué par les rapporteurs Jean Launay et Alain Marty. Vous savez que le précédent gouvernement avait fait acter en 2008 le principe du regroupement de l’administration centrale du ministère de la défense sur le site de Balard. Le contrat de partenariat public-privé a été signé en mai 2011 avec le groupement conduit par Bouygues. Il existe des interrogations sur l’opportunité de l’opération, son coût financier et les contraintes qu’elle peut faire peser sur le ministère de la défense. Afin d’y voir clair, j’ai demandé un audit portant sur l’économie générale de cette opération. Conduit par l’inspection générale des finances et le contrôle général des armées, cet audit devrait permettre d’obtenir des garanties quant à la soutenabilité budgétaire à court, moyen et long terme de ce projet très structurant pour la gouvernance du ministère. Les conclusions en seront connues avant la fin de l’année 2012 et je ne manquerai pas de vous en tenir informés.

Concernant le retrait de nos forces combattantes d’Afghanistan, que plusieurs d’entre vous ont évoqué, nous achevons actuellement même la phase 2 de ce redéploiement, qui vise à regrouper sur Kaboul l’ensemble de nos moyens. Dans quelques jours, nous aurons quitté définitivement la Kapisa. Je dois vous dire qu’il s’agit de véritables opérations de guerre, difficiles, mais qu’elles se déroulent bien. À la fin de l’année, il restera 1 500 soldats en Afghanistan, qui seront chargés d’assurer le retour logistique jusqu’au mois de juillet prochain. À l’été 2013, ils ne seront plus que 500, chargés du maintien de l’aéroport de Kaboul et de l’hôpital de Kaia, ainsi que de l’assistance et de la formation de l’armée afghane. Conformément aux engagements pris par le Président de la République, le retrait des unités combattantes s’effectue. Nous restons dans la coalition jusqu’au terme de ses engagements, à la fin de l’année 2014, pour ensuite entrer dans une autre logique. Celle-ci sera dominée par le traité franco-afghan, qui a été approuvé par l’Assemblée nationale et qui fixera les financements de notre participation à l’aide française. Les chiffres sont plus modestes que ceux qu’a évoqués M. Folliot, puisque l’aide française à l’Afghanistan dans le cadre de ce traité s’élèvera à 300 millions d’euros entre 2012 et 2016, dont 89 millions pour la défense.

Puisque j’évoque l’Afghanistan, j’en profite pour rendre hommage – la nation le fera le moment venu comme elle l’a fait dans le passé dans des moments douloureux – à toutes celles et à tous ceux qui auront porté, onze années durant, l’engagement de la France en Afghanistan, où je me suis rendu à plusieurs reprises. Leur professionnalisme est immense ; leur courage et leur dévouement sont plus grands encore. À quelques jours du 11 novembre, j’ai une pensée particulière pour ceux de nos soldats qui sont tombés là-bas. Ils sont morts pour la France. Je pense également à toutes celles et à tous ceux qui sont revenus avec des blessures profondes, visibles ou invisibles. L’institution militaire est à leurs côtés, et j’y veille attentivement.

Par ailleurs, je précise à Philippe Nauche que le sort des personnels afghans est évidemment une préoccupation. C’est pourquoi nous mettons actuellement en place un dispositif d’accompagnement pour leur éviter les désagréments parfois très importants dont il a fait état. Nous sommes très vigilants sur ce point.

J’en viens à la réserve. Je remercie tous ceux d’entre vous qui ont soulevé cette importante question. C’est un sujet que je considère comme crucial, à la fois pour les capacités futures de nos forces et pour l’entretien du lien qui unit nos armées au reste de la nation. Il était donc essentiel que le budget dédié aux réserves soit préservé en 2013 et qu’il ne serve pas, comme ce fut le cas par le passé, de variable d’ajustement dans les lettres de cadrage. En affectant 71 millions euros à cette mission, nous maintenons le niveau d’activité de 2012. Je souhaite vivement que le Livre blanc fasse des propositions novatrices en la matière.

Je sais que le sujet a déjà été évoqué lundi, avec Kader Arif, ministre délégué aux anciens combattants. C’est un sujet important, et je profite de cette tribune pour vous remercier, mesdames et messieurs les députés, d’avoir validé le budget qui vous était présenté pour la mission dédiée aux anciens combattants.

Sur les questions industrielles, vos remarques ont été nombreuses. Je vais tenter d’y répondre, en vous disant en guise de préambule combien je pense qu’on ne saurait avoir d’ambition pour notre défense sans ambition pour nos industries de défense. Je remercie ceux d’entre vous qui ont rappelé – je pense notamment aux interventions de Nathalie Chabanne et Philippe Folliot – que c’est un secteur important qui contribue à la croissance nationale, à l’emploi et aux technologies, y compris civiles.

Les crédits « dissuasion » ont également été évoqués. Il est certain que le domaine de la dissuasion se retrouve aujourd’hui dans une situation particulière, puisque les livraisons majeures sont en cours de finalisation, alors que les prochaines générations démarrent à peine. C’est ce qui explique, comme vous l’avez compris, une baisse continue des crédits de la dissuasion depuis plusieurs années. La remontée initialement planifiée correspond à la montée en puissance des prochaines générations d’équipements, comme les futurs SNLE ou le remplaçant du M51. Tout ceci est en cours d’instruction.

Le rapporteur Jean-Jacques Bridey a rappelé, à très juste titre, la nécessité de maintenir les deux composantes de la dissuasion. Je le rejoins tout à fait sur cet aspect que le Président de la République a lui-même souligné. En ce qui concerne la composante nucléaire aéroportée, sur laquelle le rapporteur attire l’attention, je veux rappeler que l’ASMP-A – missile air-sol de moyenne portée amélioré – a pour objectif de moderniser cette composante. Désormais opérationnel, il équipe nos Mirage 2000 et Rafale, ainsi que le porte-avions Charles-de-Gaulle. Il va désormais faire l’objet d’une rénovation à mi-vie pour éviter des obsolescences, notamment d’ordre pyrotechnique, ce qui permettra la tenue du format de la composante aéroportée sur la durée.

Pour la rénovation des Mirage 2000 D, qui a été mentionnée par plusieurs d’entre vous, nous sommes en avance sur le rythme d’équipement en avions Rafale prévu par la LPM, du fait que nous en avons exporté moins que prévu. Onze avions Rafale devant encore être livrés en 2013, nous avons estimé qu’il était possible de repousser un peu la rénovation des Mirage 2000 D. Entre-temps, nous déterminerons le périmètre de la rénovation et le nombre de Mirage 2000 D à rénover – ceci pour répondre à M. le rapporteur pour l’armée de l’air.

Le programme Scorpion, évoqué par plusieurs d’entre vous, a pour objectif d’assurer le renouvellement des moyens des groupements tactiques interarmes de l’armée de terre de manière cohérente et d’optimiser leur efficacité. Je peux vous dire que nous travaillons activement à la définition du programme et que les conclusions du Livre blanc permettront d’en définir la cible et de préciser le nombre de véhicules blindés qui doivent remplacer nos VAB et nos AMX10.

J’ai bien entendu les préoccupations des rapporteurs Jean Launay et François Cornut-Gentille à propos de l’ANL. C’est bien l’un des éléments importants du traité de Lancaster House et de la consolidation de l’industrie missilière franco-britannique, que j’ai déjà évoqués tout à l’heure. Toutefois, dans la logique de ce que j’ai retenu pour la préparation du budget 2013, il m’a paru prématuré de lancer cette opération alors même que les travaux du Livre blanc, qui en définiront la priorité et la cible, ne sont pas terminés. Je prendrai donc ma décision une fois que le contexte financier aura été clarifié. J’ai eu l’occasion de m’en expliquer très sereinement avec mon homologue britannique il y a quelques jours, et je pense que nous nous sommes compris.

Au sujet des drones, que beaucoup d’entre vous ont évoqués, j’ai dit, lorsque j’ai pris mes fonctions, que je voulais remettre ce dossier à plat, sans a priori et avec pragmatisme. Les opérations militaires récentes ont montré que les drones apportent une capacité indispensable à nos forces armées, que je suis attaché à améliorer encore. Notre capacité intermédiaire, basée sur des drones MALE Harfang, a montré ses limites. Cependant, le contexte budgétaire actuel incite plus que jamais à optimiser nos investissements. Il faut également tenir compte de notre base industrielle et technologique de défense, ainsi que des possibilités de coopération avec nos partenaires européens. J’attache donc la plus grande importance à ce que le dossier soit instruit en détail avant de prendre une position définitive.

À ce jour, le traitement du dossier a bien avancé. J’ai ainsi signé à l’été, avec mon homologue britannique, deux accords portant sur les drones tactiques Watchkeeper et sur les drones de combat UCAS. Au sujet des drones MALE, nous instruisons en ce moment les différentes options que nous avons rouvertes. J’ai en effet besoin d’obtenir un certain nombre d’assurances avant de trancher définitivement sur la voie à suivre, et je souhaite travailler sur ce sujet avec mes homologues anglais et allemands notamment. Ce que plusieurs d’entre vous ont souhaité, nous le faisons, même si nous ne sommes pas encore, à ce jour, en situation de prendre une décision définitive.

Le programme A400M, évoqué par les rapporteurs Serge Grouard et Jean-Jacques Bridey, a pour objectif de participer au rétablissement des capacités de transport aérien stratégique et tactique en assurant la relève des flottes anciennes, en particulier le C160. De par sa conception, cet avion est à même de réaliser une grande variété de missions. Cinq prototypes totalisent plus de 3 000 heures de vol. Les incidents sur le moteur rapportés il y a quelque temps semblent aujourd’hui expliqués et ne retarderont que de quelques semaines les premières livraisons à la France. Je me suis moi-même rendu à Orléans le 8 octobre dernier, ce qui me permet de confirmer que les premières livraisons s’effectueront à la mi-2013.

J’ai visité dernièrement l’usine Airbus Military de Madrid, qui transforme en MRTT les Airbus A330 produits à Toulouse. J’ai annoncé que j’engageais le processus d’acquisition de cet avion de transport et de ravitaillement en vol. Dans le même temps, je souhaite aller au-delà du programme national en soutenant activement l’initiative européenne, portée par l’Agence européenne de défense, de mutualisation de nos capacités d’avions ravitailleurs.

Je remercie les différents orateurs qui ont soulevé la problématique particulière du maintien en conditions opérationnelles, notamment Marie Récalde et le rapporteur Gilbert Le Bris. C’est un sujet prioritaire que la précédente loi de programmation avait largement sous-estimé, comme ils l’ont dit. Cela conduit à des situations souvent aberrantes, par exemple à des matériels achetés et sous-employés par manque d’entretien. Les pistes suggérées par Gilbert Le Bris sont pleinement prises en compte. Nous sommes, en particulier, très attentifs à l’homogénéité des parcs : les nouvelles générations de matériels – Scorpion, FREMM, Rafale – en remplacent souvent plusieurs du fait de leur caractère polyvalent. Cette homogénéité permet de vraies rationalisations pour l’acquisition, pour le soutien, mais aussi pour la formation des personnels.

M. Le Bris, ainsi que Mme Gosselin et M. Rouillard, ont souligné le caractère stratégique des deux programmes FREMM et Barracuda. Je le confirme, ce sont des équipements remarquables qui contribueront de manière déterminante aux missions de la marine nationale. J’ai moi-même eu l’occasion d’assister, à Lorient, au lancement de la nouvelle FREMM Normandie. Le programme de livraison de ces frégates se poursuivra normalement. Pour ce qui est du Barracuda, il y aura un décalage de quelques mois, ne remettant en cause ni le programme ni l’outil industriel destiné à le mettre en œuvre.

Au sujet du Rafale, je veux d’abord dire que c’est un avion remarquable – ce qu’il a démontré lors de l’opération Harmattan en Lybie. L’équipement de notre armée de l’air se poursuit au rythme de onze avions par an et lui permet de développer ses capacités opérationnelles au meilleur niveau mondial. À l’export, il y a eu de nombreux prospects, ce qui a suscité un espoir peut-être un peu trop affiché ; toujours est-il que l’Inde est aujourd’hui entrée en négociations exclusives pour l’achat du Rafale, et je suis avec la plus grande attention ces discussions, qui sont très complexes mais progressent bien et permettront, je l’espère, d’aboutir rapidement à des résultats positifs.

Quelques précisions, maintenant, sur les décalages de certains équipements terrestres dont il a été fait état. En ce qui concerne le Scorpion, je n’ai pas décidé de le décaler d’un an : alors que la programmation actuelle reposait sur un lancement fin 2013, j’ai proposé de décaler ce lancement à juin 2014 au plus tard, ce qui n’entraînera pas de modifications importantes. Je veux également dire à M. Bridey que j’ai décidé de maintenir le missile de moyenne portée MMP au premier semestre 2013, en le plaçant en bonne priorité dans la trajectoire « missiles ».

Eduardo Rihan-Cypel a posé la question des risques liés à la cyberdéfense. Face à cet enjeu crucial, une structure spécifique, le centre d’analyse en lutte informatique défensive, a été mise en place. L’effectif du CALID va passer de 20 à 40 personnes en 2013, ce qui lui permettra d’être opérationnel 24 heures sur 24, sept jours sur sept. En outre, un schéma directeur de la cybersécurité a été préparé, visant à un renforcement important du domaine. Enfin, la DGA a planifié un recrutement de 200 personnes afin d’être en mesure de renforcer cette expertise technique déterminante pour la souveraineté de la France.

Comme le rapporteur Alain Marty, je suis très attaché au service de santé des armées et à ses spécificités institutionnelles et médicales, et je tiens à souligner que ses crédits progressent de 5 %. J’en profite pour saluer l’engagement du SSA et de tous ses personnels au service de nos forces, en particulier en ce moment, à la frontière entre la Jordanie et la Syrie. J’ajoute que j’ai récemment nommé un nouveau directeur central, auquel j’ai demandé de me présenter un projet de service prenant en compte les observations de la Cour des comptes, mais sans fermeture d’hôpital et préservant le soutien opérationnel des unités.

En conclusion, je voudrais replacer ce budget dans le contexte de notre environnement international et de nos intérêts stratégiques dans le monde. Plusieurs d’entre vous ont évoqué ce contexte. Il est clair que nous avons un très fort intérêt au sud de l’Europe, dans une zone qui va de l’Ouest de l’Afrique à l’océan Indien – comme l’a souligné M. Rouillard, il y a là des enjeux maritimes importants. Pour dire les choses autrement et dresser la liste des grandes crises du moment qui justifient une concentration de nos moyens et de nos efforts, de la crise au Sahel aux conséquences des printemps arabes, de la Syrie à l’Iran, du Golfe à l’océan Indien, l’Afghanistan et la zone Asie Pacifique, il y a là un ensemble très sensible, très perturbé, qui doit faire l’objet de réflexions par la commission du Livre blanc. C’est un enjeu essentiel.

Du point de vue de la défense, je voudrais souligner, comme l’ont fait de nombreux intervenants, combien la période que nous traversons est critique, avec une contradiction évidente entre les situations géostratégique et économique.

D’un côté, les menaces évoluent sans cesse : beaucoup augmentent, peu disparaissent. Notre monde reste instable, il est marqué par des conflits nombreux, qui affectent directement notre sécurité, ainsi que par de nouveaux défis liés à la nature même de nos sociétés modernes. Des régimes continuent de martyriser leur peuple et de menacer la stabilité de toute une région – je pense à la Syrie, bien sûr. Des groupes terroristes veulent toucher au cœur nos intérêts et nos valeurs en prenant des otages, en tuant, en imposant des règles d’un autre temps, en préparant des attaques contre nous – je pense au Sahel et à la menace d’AQMI. Avec le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, je suis particulièrement vigilant à ce sujet. Des pays défient notre ordre international et poursuivent des programmes proliférants profondément déstabilisateurs, au mépris de toutes les règles internationales – je pense à l’Iran et à sa course en avant vers l’arme nucléaire. Nos sociétés deviennent plus vulnérables, en se reposant pour des pans entiers de nos vies et de nos activités sur des systèmes d’information et des capacités spatiales encore trop peu protégés – je pense, bien sûr, aux menaces d’attaques informatiques ou d’atteinte à nos systèmes spatiaux. Les querelles classiques, territoriales, n’ont pas pour autant disparu et risquent de se transformer en conflits ouverts – je pense à la mer de Chine du Sud.

D’un autre côté, paradoxalement, l’état des finances publiques nous impose de faire des choix qui peuvent être difficiles.

Il nous faut tenir ensemble ces deux impératifs. Je le redis avec force : j’attends du Livre blanc une mise en cohérence entre les ambitions que l’on formule et les moyens que l’on se donne, notamment pour l’activité et l’équipement de nos forces.

Aujourd’hui, cette cohérence entre les ambitions et les moyens est menacée de rupture. La restaurer passe par une redéfinition de nos priorités, sans déni de réalité. C’est toute la mission de réflexion à laquelle le ministère de la défense participe actuellement, aux côtés de la représentation nationale. Vous serez saisis, le moment venu, des décisions stratégiques. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe RRDP.)

M. le président. Nous en venons à deux questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

La parole est à Mme Marianne Dubois.

Mme Marianne Dubois. Monsieur le ministre, la France se singularise dans le concert des nations par sa capacité opérationnelle, grâce notamment à nos troupes, appréciées sur tous les bancs de cet hémicycle.

Chacun admet les impératifs liés à la situation budgétaire serrée que nous connaissons. Néanmoins, il est important de définir un projet mobilisateur pour les militaires. La défense entrera pour 60 % dans la réduction des effectifs de la fonction publique en 2013, mais le ministère de la défense doit demeurer un ministère prioritaire et moderne.

Dans le département du Loiret, l'armée constitue un point d'ancrage solide. Ainsi, chaque année, 200 personnes sont directement recrutées dans l'agglomération d'Orléans.

La qualité du recrutement des militaires est fondamentale. Il convient de renforcer l'attractivité des métiers, notamment pour l'armée de terre, où près de 72 % des effectifs sont contractuels.

S'engager sous nos drapeaux est une vocation. Je souhaiterais connaître les mesures concrètes que vous entendez prendre pour valoriser davantage le métier de militaire et pourvoir ainsi au renouvellement des troupes, enjeu prioritaire de ces prochaines années. Quels objectifs précis de recrutement allez-vous mettre en place ? Un plan de modernisation des casernes est-il prévu afin que nos troupes puissent exercer leur mission dans des conditions dignes et acceptables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Madame la députée, le bilan du recrutement des militaires sous contrat est aujourd’hui satisfaisant et les objectifs sont remplis à 100 %, y compris pour l’armée de terre.

L’attractivité n’a donc pas atteint le seuil d’alerte. Toutefois, malgré la réalisation des objectifs de recrutement, nous constatons une baisse du niveau des candidats au recrutement d’officiers sous contrat depuis 2011, singulièrement dans certaines filières. Ainsi, la filière « encadrement des formations » reste difficile à pourvoir et nous rencontrons des difficultés récurrentes pour le recrutement de certains militaires du rang et de certains sous-officiers au sein de l’armée de terre, dans des domaines de spécialités bien identifiés, comme l’informatique, la maintenance, le bâtiment – difficultés que l’on retrouve aussi dans la société civile.

L’attractivité repose essentiellement sur la possibilité d’avoir accès à une vraie carrière, pour des missions qui sortent de l’ordinaire. Dans l’armée de terre, 70 % des sous-officiers sont issus des militaires du rang et 70 % des officiers ne sortent pas directement des écoles de Coëtquidan. Il existe donc bien une filière, et la possibilité de mener une carrière. J’y suis très attentif.

En ce qui concerne les rémunérations, j’ai souhaité que la transposition du nouvel espace statutaire de la catégorie B aux sous-officiers des armées soit poursuivie en 2013. Elle permet de créer de nouveaux échelons et contribue à l’attractivité de la filière de formation. Une dépense de 27 millions est inscrite à ce titre au budget pour 2013.

Nous menons aussi une politique de fidélisation, afin de conserver les compétences indispensables, en particulier dans les secteurs où elles risquent de manquer. Plus de 3 millions d’euros seront consacrés à la revalorisation de plusieurs primes de fidélisation, visant à assurer le maintien des carrières et des services dans des compétences plus rares.

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le président, monsieur le ministre, le détachement du 2e régiment du matériel de Salbris emploie actuellement 160 personnes, dont 85 civils et 38 militaires au titre de la défense nationale. Ce sitefait partie des gros dépôts de munitions.

Dans le cadre de la réforme du service interarmées des munitions, le SIMU, la question du maintien du site de Salbris était posée. J'avais interrogé vos prédécesseurs sur l'avenir du détachement de Salbris, en leur demandant que sa situation particulière soit prise en compte dans le cadre de cette réforme. Après la disparition à Salbris de Giat Industries, de MBDA, de Thomson, de Lhotellier, le nouvel effort de restructuration de la défense au titre de la période 2008-20l3 ne pouvait être à nouveau supporté par le bassin d'emplois de Salbris. Ce dernier avait déjà payé un trop lourd tribut.

Alerté par mes interventions, Gérard Longuet avait finalement décidé que le dépôt de munitions de Salbris ne serait pas concerné par la rationalisation interarmées de la fonction munitions, prévue jusqu’en 2013. Je me suis réjoui de cette décision, qui prenait aussi en compte les caractéristiques du site de Salbris : nombre d'emplois, volumétrie, stocks, situation géographique.

La décision du ministre a marqué une étape importante, puisqu'elle a mis Salbris à l'abri de la restructuration jusqu’à 2013. Quelle que soit la décision qui sera prise ensuite, nous pouvons compter sur le maintien du détachement pendant quelques années encore.

Mais il y aura d'autres étapes, puisque le Gouvernement et le Parlement auront à décider, comme leurs prédécesseurs, des orientations stratégiques dans un nouveau Livre blanc et dans une nouvelle loi de programmation, en 2013.

Quelles sont les intentions du Gouvernement, en matière d'organisation du SIMU aux plans national et régional ? Dans ce cadre, quel avenir sera réservé au détachement de Salbris ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le député, l’arrêté portant création du service interarmées des munitions remonte à mars 2011. Dans l’état actuel de sa mise en oeuvre, le schéma directeur fonctionnel 2012-2015 ne prévoit aucune intervention négative sur le site de Salbris. Celui-ci n’est pas concerné par la rationalisation interarmées de la fonction munitions que vous avez évoquée. Je ne peux me prononcer sur ce qui adviendra après 2015. Mais en l’état actuel des choses, je peux vous apporter quelques assurances sur ce calendrier.

M. le président. Nous avons terminé les questions.

Mission « Défense »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Défense », inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Sur ces crédits, je suis saisi d’un amendement n° 244.

La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Monsieur le ministre, il s’agit d’un amendement d’appel, inspiré par une conviction qui, si elle n’a pas cours dans cet hémicycle, est partagée par beaucoup de nos concitoyens et par un certain nombre d’experts. Cet amendement porte sur la question de l’armement atomique.

Le 6 août dernier, M. Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, a appelé à la suppression universelle des armes atomiques, armes de destruction massive. Cet appel faisait écho à celui lancé par M. Barack Obama – dont la réélection a été saluée aujourd’hui par l’ensemble de l’hémicycle – à Prague, en avril 2009, appel à un « monde sans armes nucléaires ». Depuis, les présidents Obama et Medvedev, à l’époque, ont entamé la réduction de leurs armements. Pourtant, le gouvernement français précédent s'est toujours refusé à soutenir cette démarche et à engager un dialogue avec les autres puissances nucléaires.

L’accord signé par Europe Écologie – les Verts et le Parti socialiste en novembre 2011 spécifiait : « La France dira sa disponibilité pour une négociation en vue d'un désarmement nucléaire universel, graduel, négocié et contrôlé. » Nous pensons que la dissuasion nucléaire peut se révéler contre-productive, en pesant négativement sur le budget de la défense conventionnelle, et en donnant une légitimité aux États qui aspirent à la prolifération nucléaire.

D’ailleurs, l'article 6 du traité sur la non-prolifération, signé par la France, vise l'élimination totale de ces armes. En juin dernier, l'ancien Premier ministre Michel Rocard réaffirmait la position qu'il avait prise, dès octobre 2009, en compagnie d'un autre ancien Premier ministre, Alain Juppé, et de l'ancien général Norlain, estimant inutile cette force de dissuasion.

Cet amendement vise donc à remettre au débat la pertinence de la position de la France, qui refuse de s'engager dans des discussions multilatérales. Sortir de l’armement atomique serait non seulement bénéfique pour la pacification mondiale mais permettrait aussi de réorienter une partie de ce budget substantiel vers des politiques plus utiles, comme les opérations de maintien de la paix dans le cadre de l’ONU, l’aide aux pays en voie de développement, dans le but de prévenir des conflits géopolitiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. La commission n’a pas étudié l’amendement. À titre personnel, Jean Launay et moi-même y sommes défavorables. Si M. Baupin avait assisté à l’ensemble de nos débats, il aurait pu constater, au contraire, un certain consensus sur le sujet.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense. Monsieur Baupin, je comprends que votre appartenance au groupe écologiste vous amène à poser cette question. Elle est tout à fait légitime !

M. Nicolas Dhuicq. C’est bien, les alliés !

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense. Je suis prête à ce débat, ce qui ne signifie pas que je sois d’accord avec votre proposition. Lorsque vous dites que sortir de l’armement atomique contribuerait à la pacification, c’est faux. Cela se vérifie malheureusement chaque jour. La dissuasion est d’abord une arme de non-emploi ; la supprimer ne changerait rien, hélas, à la paix, bien au contraire.

Ce sont les armes classiques qui font le plus de victimes dans le monde, et ces victimes sont souvent des civils. Nous l’oublions trop souvent dans nos débats. Il est important de le rappeler, ce que je fais régulièrement lorsque je rencontre des associations militant pour la paix dans le monde.

Historiquement, le nucléaire est en France une arme de dissuasion, qui a toujours été maintenue quels que soient les gouvernements. C’est une bonne chose.

Je vous demanderai tout simplement de retirer cet amendement. Je ne pense pas que l’examen du budget de la défense puisse être le cadre d’une telle discussion. Cet amendement n’a du reste pas été présenté à la commission de la défense. J’émets, s’il n’est pas retiré, un avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis.

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis. C’est dans le cadre de la future loi de programmation militaire et du prochain Livre blanc qu’il faudra débattre de cette question. Rayer 3 milliards d’euros de crédits mérite qu’on y consacre beaucoup plus de temps.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je veux rappeler un certain nombre de faits, que vous semblez ignorer. Aucun État doté de l’arme nucléaire n’a fait autant que la France pour le désarmement nucléaire.

La France a arrêté la production de matières fissiles pour les armes nucléaires et a démantelé ses usines.

La France a cessé tous les essais nucléaires et démantelé les sites d’essais.

La France a signé le traité sur la non-prolifération, le traité d’interdiction complète des essais nucléaires, mais aussi la convention sur les armes à sous-munitions, la convention sur l’interdiction des armes chimiques et la convention sur l’interdiction des mines antipersonnel.

La France a supprimé complètement la composante terrestre et réduit d’un tiers la composante aérienne.

La France applique un principe historique repris par l’ensemble des présidents de la République successifs : celui de la stricte suffisance. Elle maintient son arsenal au plus bas niveau possible compatible avec le contexte stratégique.

La France ne dispose que d’armes stratégiques et elle ne possède pas d’armes tactiques, lesquelles n’ont pas de place dans sa doctrine.

La France soutient activement aux Nations unies la négociation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes.

Telle est l’action de la France en termes de désarmement nucléaire. Que font les autres et en particulier ceux qui protestent, devrions-nous dire ? La France agit, pour sa part, de manière concrète, responsable et irréversible. Nous constatons que la plupart des États disposant de l’arme nucléaire développent, pour leur part, leur programme nucléaire. Vous avez fait allusion au discours de Prague. Or le mouvement de désarmement américano-russe a montré ses limites. La diminution du nombre d’armes déployées est, en effet, très faible et il en existe un stock considérable. Pendant ce temps, les États proliférants, en particulier l’Iran et la Corée du Nord, indifférents aux efforts de réduction de la France et de certains de ses alliés, poursuivent leurs actions déstabilisatrices.

C’est la raison pour laquelle le Président de la République a réaffirmé clairement nos choix en faveur de la dissuasion et de sa consolidation dans la configuration et le périmètre que je viens de vous indiquer. La dissuasion est dédiée à la défense de nos intérêts vitaux. Elle sanctuarise notre territoire. Elle est l’« arme » qui garantit l’autonomie de nos choix. Il importe, par conséquent, de la garder telle qu’elle est et de la moderniser lorsque cela devient nécessaire. Le Gouvernement est donc très défavorable à cet amendement. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gosselin.

Mme Geneviève Gosselin. Au travers de cet amendement, il semble que nos collègues écologistes développent une perception des relations internationales très idéaliste. Si les États-Unis et la Russie ont entamé un processus de désarmement, c’est parce qu’ils ont été, pendant des décennies, les auteurs de la plus grande course à l’armement de l’histoire de l’humanité. En avril 2009, Barack Obama a, en effet, parlé de son objectif de voir un jour « un monde libre d’armes nucléaires ». Cependant, dans les faits, il a adopté une attitude très prudente en freinant la réduction unilatérale entamée par ses prédécesseurs. L’accord New START, signé avec la Russie en 2010, relève plus de la maîtrise de l’armement que du désarmement. Ce revirement se fonde sur des considérations tant stratégiques que politiques et les États-Unis sont conscients, tout comme la Russie, de la valeur centrale de l’arme nucléaire en tant qu’instrument de dissuasion. Aucune des puissances nucléaires actuelles n’est prête à renoncer à son armement, car c’est pour elles un facteur de puissance déterminant et j’irai même jusqu’à parler d’une forme d’assurance vie.

Ensuite, dire que la France a refusé de réduire son armement nucléaire est également une contrevérité.

M. Philippe Vitel. Eh oui !

Mme Geneviève Gosselin. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, depuis les années 1990, la France a diminué de moitié son arsenal nucléaire, elle a démantelé les infrastructures de production de matière fissile et a désinstallé les missiles sol-sol du plateau d’Albion. Elle a, bien sûr, activement participé au processus de désarmement nucléaire mondial en s’appuyant sur le traité de non-prolifération et elle s’est également engagée avec force dans la négociation d’un traité dit cut off qui interdit la production de matières fissiles pour les armes nucléaires.

Enfin, affirmer que les moyens utilisés pour la dissuasion pourraient servir à la prévention de conflits géopolitiques, c’est oublier que, s’ils ne possédaient pas l’arme nucléaire, les pays occidentaux seraient certainement moins enclins à intervenir militairement ou à mener toute action de maintien de la paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau.

M. Christophe Guilloteau. Le ministre et les deux rapporteurs ont donné des explications techniques. Je ne reviendrai donc pas sur le fond, car je ne voudrais pas perturber le débat de ce soir entre les Verts et le Parti socialiste, débat qui devrait plutôt se régler rue de Solférino ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si vous n’avez pas lu les attendus des accords entre le Parti socialiste et les Verts, j’imagine que vous avez tous pris connaissance de cet amendement.

Vous ne devez pas vivre dans le même monde que nous, monsieur Baupin. Vous devez plutôt évoluer dans celui des Bisounours ! Sans doute pensez-vous que la paix s’arrête aux portes du XVIarrondissement de Paris et qu’au-delà le monde est incertain. Regardez une carte du monde, et vous verrez qu’il existe des pays intéressants comme l’Iran !

Rappelons que, grâce au nucléaire, d’immenses progrès ont pu être réalisés dans le domaine de l’espace. Je citerai l’exemple du Laser Mégajoule.

J’imagine donc que vous avez présenté cet amendement parce que votre candidate n’a obtenu que 2,31 % des suffrages aux élections et parce que des accords ont été ensuite signés pour négocier les quelques circonscriptions que vous étiez dans l’incapacité d’obtenir électoralement ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. –« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur Baupin, votre façon d’intervenir face à la représentation nationale est inconvenante, et ce pour des raisons de forme et de fond.

Raison de forme : vous n’avez pas assisté à ce débat ; vous auriez pu prendre part à la discussion mais ne l’avez pas fait. Votre groupe n’a, de plus, jamais participé aux travaux de la commission de la défense. Depuis le début de la législature, ni vous ni aucun membre de votre groupe n’y avez mis les pieds ! Il est tout de même un peu fort de café de venir nous donner des leçons dans le cadre de cette discussion budgétaire, et ce au détour d’un exposé des motifs auquel nous reviendrons, bien entendu, pour en dénoncer le caractère totalement incongru, idéaliste et fantaisiste ! Quand on veut être pris au sérieux, encore faut-il faire tout le travail de fond en commission !

Sur le fond, je ne reprendrai pas les arguments développés et plus particulièrement ceux excellemment exposés par M. le ministre. S’il est un pays qui a consenti des efforts pour lutter contre la prolifération et pour réduire sa dissuasion militaire au strict minimum, c’est bien la France. Votre phobie du nucléaire ne devrait pas vous pousser à de tels égarements ! Comme l’a souligné le ministre, il serait sage de votre part de retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. L’amendement de M. Baupin illustre à merveille, monsieur le ministre, les inquiétudes évoquées tout à l’heure par Hervé Mariton. Vous allez en effet, dans les temps futurs, devoir défendre votre budget contre vos amis ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Seul M. Lamblin a la parole !

M. Jacques Lamblin. Il ne s’agit pas d’une mission régalienne, mais de la plus régalienne des missions de l’État parce qu’elle concerne la sécurité des Français, la souveraineté des territoires et la défense de notre cyberespace, par exemple.

Nous avons dit ce que nous pensions de la loi de finances initiale. Je redoute toutefois, monsieur le ministre, les lois de finances rectificatives qui nous seront immanquablement proposées en 2013. C’est alors que vous devrez vous servir des munitions que vous avez en soute et que vous avez eu le bon sens de ne pas utiliser contre nous.

Enfin, vous avez évoqué, madame Adam, le principe de la non-utilisation de la force de frappe, qui n’est jamais que la version moderne d’un adage qui nous vient de la Haute antiquité : si vis pacem, para bellum ; si tu veux la paix, prépare la guerre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Je tiens d’abord à remercier ceux qui ont donné des arguments de fond.

S’agissant de la forme, je ne sais pas s’il faut remplir des feuilles de présence dans l’hémicycle pour pouvoir déposer des amendements.

Plusieurs députés. C’est mieux quand même d’être présent !

M. Denis Baupin. Je suis présent depuis deux heures. Qui peut le contester ? En écoutant ce débat, j’ai d’ailleurs pu constater le consensus qui existe entre vous. Très bien ! Toutefois, une partie de l’opinion publique ne partage pas ce consensus et elle a le droit de s’exprimer.

M. Christophe Guilloteau. Oui, 2,31 % !

M. Denis Baupin. Je crois que c’est beaucoup plus !

M. le président. Laissez M. Baupin s’exprimer !

M. Denis Baupin. Il y en a peut-être même parmi vos électeurs !

J’entends bien vos arguments. Mais, chers collègues, si vous pensez que la France a tellement fait dans ce sens, pourquoi ne le dit-elle pas dans un cadre multilatéral ? Que ne met-elle pas cela au pot d’une négociation multilatérale ? Si tout ce qui a été accompli par la France en matière de désarmement nucléaire est si important, discutons-en collectivement. Telle est notre conviction.

Je vous ai dit que je présentais un amendement d’appel. J’ai le sentiment que l’appel n’a pas été vraiment entendu. Mais je ne suis pas naïf au point de penser qu’il aurait pu l’être ! Cela étant, certains nous ont traités d’utopistes, de naïfs. Pour ma part, je suis content et je suis même fier d’être utopiste comme Ban Ki-moon, Michel Rocard, Alain Juppé et le général Norlain, lesquels pensent que ces questions sont pertinentes. Nous ne parlons pas d’un désarmement unilatéral, mais d’une négociation multilatérale pour que soient supprimées les armes nucléaires, comme on l’a fait pour d’autres armes de destruction massive.

Au nom de ces convictions, je maintiens mon amendement.

(L’amendement n° 244 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Défense ».

(Les crédits de la mission « Défense » sont adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la défense.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, jeudi 8 novembre à neuf heures trente :

Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2013 : crédits de l’enseignement scolaire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures trente.)