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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 10 avril 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Souhaits de bienvenue à une délégation

2. Questions au Gouvernement

Desserte aérienne outre-mer

M. Jean-Philippe Nilor

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Intégration et formation des personnes handicapées

M. Ary Chalus

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Affaire Cahuzac

M. Claude Goasguen

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Moralisation de la vie politique

M. Bruno Le Roux

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Moralisation de la vie politique

M. Patrick Ollier

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

OGM

Mme Brigitte Allain

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Affaire Cahuzac

M. Thierry Solère

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Retrait des troupes françaises du Mali

M. Philippe Nauche

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Situation économique de la France

M. Franck Reynier

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Politique familiale

M. Charles de La Verpillière

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Moralisation de la vie politique

M. Jean-Louis Borloo

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Choc de simplification

M. Lionel Tardy

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Prix du lait

Mme Viviane Le Dissez

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Éco-contribution

M. Franck Gilard

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Contribution exceptionnelle à 75 %

M. Jean-Marie Beffara

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

3. Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et modification du calendrier électoral

Vote solennel

Explications de vote

M. Gilles Bourdouleix, M. Paul Molac, M. Alain Tourret, M. Marc Dolez, Mme Carole Delga, M. Olivier Marleix

Vote sur l’ensemble

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Suspension et reprise de la séance

4. Mission temporaire d’un député

5. Prorogation du régime social du bonus exceptionnel outre-mer

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

Présentation

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Mme Gabrielle Louis-Carabin, rapporteure de la commission des affaires sociales

Discussion générale

Mme Véronique Louwagie

M. Yves Jégo

M. Ary Chalus

M. Alfred Marie-Jeanne

M. Patrick Lebreton

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

M. Bruno Nestor Azerot

Mme Monique Orphé

Mme Ericka Bareigts

M. Bernard Lesterlin

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Article 1er

M. Boinali Said

M. Ary Chalus

M. Victorin Lurel, ministre

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

6. Infrastructures et services de transports

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d'un projet de loi

Présentation

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Fabrice Verdier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

7. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue à une délégation

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à Mme Claudette Tardif, présidente de la section canadienne de l’Association interparlementaire France-Canada. (Mmes et MM. les députés et Mmes et MM. les ministres se lèvent et applaudissent longuement.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Desserte aérienne outre-mer

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. Monsieur le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, des transports, depuis plus de trente ans, tous les gouvernements de droite et de gauche nous baladent sur la thématique de la desserte aérienne en outre-mer.

Le 1er avril dernier, la compagnie Air Caraïbes a proposé des billets d’avion à 100 euros pour un aller-retour entre Paris et les Antilles-Guyane. Au bout de cette loterie de mauvais goût où des milliers d’hommes et de femmes ont été traités comme du bétail, on ne voit guère que désillusion et désespoir.

Cet épisode malheureux illustre bien l’acuité des problèmes, mais aussi la désinvolture avec laquelle certaines compagnies aériennes traitent cette question pourtant vitale pour notre économie et notre population. Personne n’a le droit de jouer avec l’espoir des gens, encore moins avec celui des peuples.

Malgré le passeport mobilité et la dotation de continuité territoriale, les dispositifs prévus sont largement insuffisants. Et pour nous, l’urgence, ce n’est pas le mariage pour tous, mais le voyage pour tous. (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Après quelques mois d’exploitation, Air France annonce la fin prochaine de la desserte des Antilles au départ du hub de Roissy. Cette décision unilatérale nous replonge dans cette vieille relation exclusive et coloniale avec la France.

Par ailleurs, toutes les compagnies ont réduit de moitié leur franchise bagage au départ des outre-mer, limitant ainsi la possibilité d’acheter et de transporter nos productions locales.

Plus incompréhensible encore, le prix d’un billet d’avion Fort-de-France – Cayenne est parfois plus élevé que celui d’un billet Fort-de-France – Paris. Cette différence constitue donc un frein objectif à l’émergence de relations transversales. Le transport doit être non pas un facteur de blocage du développement, mais bien un vecteur d’ouverture. Et s’agissant de l’avion, nous n’accepterons plus d’être menés en bateau ! (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, à quand de réelles obligations de service public instituant des tarifs réduits pour les étudiants et les personnes âgées, un prix plafond en haute saison et, comme pour la Corse, un billet territorial annuel pour tous nos ressortissants ?

M. le président. Mes chers collègues, je vous demanderai d’être un peu plus calmes, s’il vous plaît.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Puisque j’ai le plaisir de m’adresser à un député de l’outre-mer, permettez-moi tout d’abord de saluer, au nom du Gouvernement et du Premier ministre, l’arrivée parmi vous du député de Wallis et Futuna, M. Napole Polutélé, ici présent.

Monsieur Nilor, je partage totalement vos propos concernant l’offre commerciale qui a fait grand bruit le 1er avril dernier et les conditions scandaleuses dans lesquelles elle s’est appliquée ; je l’ai d’ailleurs fait savoir à ce moment-là.

Votre question porte sur deux problèmes : la franchise bagage et la différence de prix entre les liaisons régionales et les liaisons long-courriers au départ de l’outre-mer.

Pour ce qui est de la franchise bagage, les différentes compagnies ont aligné leurs pratiques sur celles de l’ensemble de leur réseau. J’ai eu l’occasion de m’en entretenir avec des responsables d’Air France et Corsair. Plusieurs compagnies ont d’ailleurs baissé leurs prix pour prendre en compte cette modification. Nous restons toutefois extrêmement attentifs à cette situation.

Quant au prix de la desserte entre la Martinique et la Guyane, je tiens à vous signaler qu’il n’est pas sensiblement différent de ceux qui peuvent être pratiqués en Europe continentale sur des distances comparables et dans des conditions semblables. Avec Victorin Lurel, nous avons demandé la réalisation de deux rapports à la fois sur la structuration des prix du transport aérien et sur les conditions tarifaires appliquées. Sachez que ce sujet est extrêmement important à nos yeux, notamment dans le cadre de la lutte contre la vie chère dans les départements et les territoires d’outre-mer.

En outre, Victorin Lurel et moi-même, avec le soutien du Gouvernement, avons maintenu la dotation de continuité territoriale, sanctuarisé les sommes qui permettent une meilleure mobilité et le versement d’une aide sociale. C’est vrai tant pour les étudiants que pour les personnes en formation professionnelle. Votre préoccupation, vous le voyez, est aussi celle du Gouvernement.

M. le président. Mes chers collègues, l’hémicycle est trop bruyant. Je suis certain que vous avez des choses importantes à vous dire les uns les autres, mais je vous prierai de respecter les orateurs.

Intégration et formation des personnes handicapées

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Ary Chalus. Ma question d’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Madame la ministre, les personnes en situation de handicap rencontrent de grandes difficultés pour trouver un emploi ou se maintenir dans l’emploi, cela à un double titre.

Première difficulté : trop souvent encore, un ou plusieurs éléments de la chaîne du déplacement, qui comprend le bâti, la voirie, les espaces publics et les transports, leur restent inaccessibles. À cela viennent s’ajouter les difficultés d’accès au lieu de travail.

Seconde difficulté : le taux de chômage des personnes en situation de handicap est deux fois supérieur à celui de la population générale. Elles rencontrent des difficultés pour rester en activité, faute d’une adaptation appropriée des rythmes de travail et d’accès à la formation professionnelle, dont elles sont quatre fois moins nombreuses que l’ensemble des travailleurs à bénéficier.

La loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie ne prévoit pas d’accompagnement pour ces personnes. Du coup, certaines offres d’emploi ne trouvent pas preneur, par manque de candidats suffisamment qualifiés.

Ces difficultés sont persistantes en dépit de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont l’objectif est d’atteindre dans les entreprises de plus de vingt salariés un taux d’emploi de 6 %, tant dans le privé que dans le public. Malgré les efforts fournis par le secteur privé et la fonction publique, nous restons en deçà de ce taux.

Toujours avec la noble idée de lutter contre l’exclusion, cette loi prévoit l’accessibilité totale au 1er janvier 2015 des établissements recevant du public, et au 1er février des transports publics. Mais la France ne sera pas à ce rendez-vous, compte tenu des difficultés budgétaires.

Madame la ministre, pouvez-vous exposer votre plan de mobilisation pour maintenir dans l’emploi les personnes en situation de handicap, notamment en améliorant l’accès à la formation professionnelle ? Il conviendrait aussi de corriger les fortes disparités territoriales en ce qui concerne le taux d’emploi de ces personnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. L’emploi, c’est effectivement l’objectif de notre Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est le sens de toutes les politiques que nous menons en direction de l’ensemble des citoyens, plus particulièrement des personnes en situation de handicap.

Le Président de la République s’est engagé à ce que le taux de 6 % de travailleurs handicapés soit respecté dans les entreprises privées mais aussi dans le secteur public – car nous devons donner l’exemple –, faute de quoi nous aggraverions les sanctions.

C’est dans ce cadre que nous avons travaillé avec Michel Sapin en marge de la conférence sociale. La feuille de route qui en est issue prévoit d’ailleurs une négociation interprofessionnelle en matière d’emploi des personnes handicapées.

Nous y travaillons donc en ce moment même, sur plusieurs axes : il s’agira d’abord de renforcer l’accès et physique et pédagogique à la formation professionnelle ; il faudra ensuite maintenir dans l’emploi ces personnes, et la meilleure façon d’y parvenir est de favoriser la négociation entre partenaires sociaux ; enfin, pour améliorer l’accès à l’emploi, nous soutiendrons, bien sûr, les entreprises adaptées et les établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, mais nous favoriserons aussi les passerelles entre entreprises adaptées et entreprises ordinaires.

Toutes ces décisions seront précisées par le Premier ministre lors du comité interministériel du handicap, qui se tiendra avant l’été. Cela constituera l’une des priorités de mon action ces trois prochains mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Affaire Cahuzac

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse au Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Il ne répondra pas !

M. Claude Goasguen. Oui, c’est au Premier ministre de la France et à lui seul que je m’adresse : celui qui ne répond jamais, bien que cela fasse partie de ses devoirs, aux interpellations de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, je veux vous poser des questions précises et je souhaiterais que vous puissiez y répondre. Votre ministre de l’économie a reconnu avoir posé des questions aux autorités suisses concernant Jérôme Cahuzac à partir des faits révélés par Mediapart. Or dès le mois de décembre, cet organe de presse faisait référence à la banque Reyl et à des transferts possibles vers Singapour. Puisque votre ministre reconnaît s’être appuyé sur l’enquête de Mediapart, pourquoi avez-vous limité les recherches de l’entente fiscale à la seule banque UBS ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Première question !

M. Claude Goasguen. Dès la réponse des autorités suisses, votre gouvernement s’est cru en mesure de blanchir Jérôme Cahuzac, avec le succès que l’on connaît. Cet enchaînement m’amène à poser d’autres questions : aviez-vous tous les éléments en main ? De la même manière, lorsque le parquet a décidé d’ouvrir rapidement une information, avez-vous disposé d’informations approfondies par l’intermédiaire de la garde des sceaux, et si oui, quand ? Enfin, en avez-vous discuté avec le Président de la République ?

Les Français attendent une réponse à ces questions précises. Mais vous vous bornez à faire le dos rond. Nous avons affaire à un scandale sans précédent dans l’histoire de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Sans précédent ! (Mêmes mouvements.)

C’est la première fois qu’un ministre du budget, nommé régulièrement par un gouvernement, fraude le fisc alors qu’il est chargé de réprimer la fraude fiscale. C’est la première fois ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

De nombreux députés du groupe UMP. Ayrault ! Ayrault !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, vous posez une question précise, à laquelle je voudrais apporter une réponse.

Dans l’affaire que vous évoquez, la justice a fonctionné de façon tout à fait indépendante puisque c’est un magistrat du parquet qui a ouvert cette enquête et qui a engagé une enquête préliminaire. Cela signifie qu’aucune pression ne s’est exercée sur un magistrat du parquet, ce qui – cela n’aura pas échappé à votre sagacité – n’a pas toujours été le cas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Par ailleurs, cette affaire…

Plusieurs députés du groupe UMP. Affaire Cahuzac !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …a été mise en évidence par un organe de presse qui n’a subi aucune pression. (« Non ! » sur quelques bancs du groupe UMP) Je vous rappelle qu’il fut une époque où l’on interrogeait, par des moyens assez peu convenables, les journalistes sur les sources. Cette époque, monsieur Goasguen, est totalement révolue. Ce qui s’est passé le prouve : les institutions de la République ont fonctionné de manière exemplaire,…

M. Julien Aubert. Répondez à la question !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …c’est-à-dire des institutions judiciaires qui ont fait leur travail en toute indépendance et des journalistes qui ont enquêté librement, ce qui est bon pour la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Encore heureux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous m’avez posé des questions précises concernant la manière dont le Gouvernement avait interrogé les autorités suisses.

M. Gérald Darmanin. Démission !

M. Claude Goasguen. Et Singapour ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Comme vous le savez, il existe une convention qui lie la France et la Suisse.

M. Claude Goasguen. Nous le savons !

M. Julien Aubert. Répondez à la question !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Elle date de 1966 et a fait l’objet d’une modification en 2009 – sous le précédent gouvernement –, qui restreint les conditions dans lesquelles on peut interroger la Suisse. Cette convention dit très clairement qu’il est impossible de pratiquer le fishing, c’est-à-dire d’interroger la Suisse sans préciser la banque dont il est question et sans indiquer le nom de l’auteur de la faute incriminée.

M. Claude Goasguen. La banque Reyl est en Suisse !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement a choisi d’interroger non seulement les autorités suisses sur la banque, mais aussi sur tout transfert auquel il aurait été procédé, ce qui était pour nous un moyen d’être garantis de connaître toutes les interventions. Cela a été fait de façon exemplaire par l’administration du ministère des finances.

Monsieur Goasguen, ce que vous essayez de faire – instiller partout le soupçon – n’est pas très digne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Pin-pon ! Pin-pon !

M. le président. Mes chers collègues, cessez ce genre de comportement, indigne de l’Assemblée nationale. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous le répète : il s’agit de questions au Gouvernement et non de questions au Premier ministre. Et si toutes vos questions sont adressées au Premier ministre, il revient à M. Ayrault de choisir le ministre qui répondra à chacune d’entre elles.

Moralisation de la vie politique

M. le président. La parole est à Le M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, ce matin, à l’issue du conseil des ministres, le Président de la République a présenté des mesures fortes et cohérentes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Elles se fondent sur un principe fort : le service de la République, que l’on ne sert pas pour s’enrichir – les Français doivent pouvoir en être assurés.

M. Bernard Deflesselles. Allô !

M. Bruno Le Roux. Les mesures annoncées marquent une double rupture. La première se résume d’un simple mot : indépendance. Indépendance de la justice, sur laquelle nulle pression ne s’exerce, contrairement ce qui se passait auparavant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste) ; indépendance de la presse, qui elle non plus ne doit pas être l’objet de pression ; indépendance enfin des instances de contrôle, avec la création, annoncée ce matin, d’une haute autorité.

La seconde rupture, c’est que la France renoue enfin avec la lutte contre la fraude fiscale et toutes les formes de délinquance financière, après dix années d’une complicité passive au cours desquelles notre pays a reculé dans tous les classements internationaux. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

Pendant dix ans, notre pays a conduit une politique complaisante à l’égard de la fraude fiscale et des fraudeurs, madame Pecresse !

Mme Valérie Pecresse. C’est faux !

M. Bruno Le Roux. Complaisante avec la délinquance financière, monsieur Fillon ! (Très vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – tumulte couvre les propos de l’orateur.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues ! Écoutez les propos de l’orateur !

M. Bruno Le Roux. La droite s’est montrée si complaisante qu’elle proposait encore, il y a quelques jours, l’amnistie pour les fraudeurs fiscaux !

La lutte contre la délinquance financière se voit désormais dotée des moyens nécessaires : un parquet spécifique, un office dédié, des outils renforcés.

M. Claude Goasguen. Aucune crédibilité !

M. Bruno Le Roux. Je veux, monsieur le Premier ministre, vous assurer du soutien de votre majorité sur un sujet qui devrait faire l’objet, sur tous nos bancs, d’un consensus républicain, si un côté de cet hémicycle n’avait fait le choix, depuis dix ans, de petits arrangements avec les délinquants financiers, quand il ne s’agissait pas tout bonnement de les couvrir ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Céleste Lett. Carton rouge !

M. Bruno Le Roux. Vous voici aujourd’hui face à vos responsabilités, mesdames et messieurs ! Ce que vous avez fait pendant dix ans ne sera plus possible demain. (Exclamations indignées sur les bancs du groupe UMP.) Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons de tenir bon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. (« Démission ! démission ! » sur les bancs du groupe UMP.)

S’il vous plaît, mes chers collègues, un peu de tenue ! Laissez le Premier ministre s’exprimer.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Bruno Le Roux, le Président de la République m’a demandé de préparer des mesures fortes, claires, courageuses et ambitieuses, qui ont pour objectif de redonner à nos concitoyens confiance dans les institutions de la République et dans les représentants du peuple, quel que soit le niveau des responsabilités qu’ils exercent.

J’ai rempli ce mandat devant le conseil des ministres ce matin, puisqu’il me l’avait demandé. Ce mandat, mesdames et messieurs les députés de tous bords, qui exige dignité et respect ! (Les députés du groupe UMP se lèvent et protestent violemment.)

M. le président. Asseyez-vous, chers collègues ! Attention à l’image que nous donnons !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Votre comportement, mesdames et messieurs de la droite, est lamentable et indigne ! Vous portez atteinte à la fonction que vous prétendez représenter ! (Huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Dehors !

M. le président. Monsieur Geoffroy, s’il vous plaît !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Les principes de notre action sont clairs : la transparence la plus grande possible, mais aussi des sanctions plus rigoureuses et plus efficaces contre tous ceux, élus, fonctionnaires ou responsables publics, qui auront manqué à leur mandat ou à leurs fonctions.

M. Claude Goasguen et M. Bernard Accoyer. Et la vérité !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le troisième enjeu enfin, c’est d’aller aux racines du mal. Les racines du mal, ce sont la délinquance financière, les trafics, l’économie souterraine, les montages inacceptables et les paradis fiscaux, que nous combattrons avec la plus grande énergie : c’est le sens du projet de loi qui vous sera proposé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mesdames et messieurs les hurleurs de la droite, serez-vous au rendez-vous de la transparence ? (« Ayrault démission ! Ayrault démission ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Un peu de tenue, mes chers collègues ! Pensez à l’image de notre assemblée !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Serez-vous au rendez-vous de la sévérité ? Serez-vous au rendez-vous de la lutte contre la fraude fiscale, les montages frauduleux et les paradis fiscaux ? Je prends date, et nous verrons bien : chacun sera face à ses responsabilités.

Une déclaration de patrimoine de tous les responsables publics, au premier rang desquels les élus, oui ; mais aussi une déclaration d’intérêts, pour parer aux risques de conflits d’intérêt. Afin que ces mesures aient du sens, il faut qu’elles puissent être contrôlées ; c’est l’objet de la création d’une Haute autorité pour la transparence, qui pourra demander des précisions, enquêter et vérifier les déclarations. C’est la garantie de la confiance.

Je sais que les déclarations de patrimoine en heurtent certains, car la quasi-totalité des personnes concernées sont évidemment d’une profonde honnêteté et consacrent l’essentiel de leur énergie à la mission qui leur a été confiée.

M. Philippe Le Ray. On veut la vérité !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Dès lundi prochain, le Gouvernement donnera l’exemple, en rendant publiques les déclarations de patrimoine faites par les ministres en début de mandat. Ce sera désormais, vous aurez à en décider, la règle pour tous, membres du Gouvernement, parlementaires et responsables des exécutifs locaux. Mesdames et messieurs de la droite, vous aurez à décider si, oui ou non, vous voulez la transparence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.)

Il faudra enfin mettre fin au cumul entre un mandat parlementaire et certaines fonctions. Vous aurez évidemment à déterminer ce qui relève du bon sens et de l’exigence démocratique.

M. Guy Geoffroy. Démission !

M. le président. Monsieur Geoffroy, s’il vous plaît !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mais est-il acceptable qu’un parlementaire soit aussi consultant ou avocat d’affaire ? Je dis non ! Ce sera terminé ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Tumulte sur les bancs du groupe UMP.) Et l’on verra bien ce que vous serez capables de décider !

M. Claude Goasguen. Repris de justice !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. En matière de lutte contre la délinquance économique et financière, on a instauré par le passé un parquet financier. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons constaté que ce parquet financier avait perdu tous ses moyens humains et techniques, et qu’il était incapable de mener à bien des enquêtes qui exigent compétences et persévérance.

M. Guy Geoffroy. C’est nul !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous allons donc créer un parquet spécialisé, ayant une compétence nationale et disposant de moyens, de magistrats et de policiers enquêteurs. Il pourra s’appuyer sur l’administration fiscale et ses moyens seront doublés pour qu’on n’en reste pas aux intentions mais qu’il apporte de vraies réponses aux exigences éthiques de nos concitoyens.

M. Claude Goasguen. Perroquet !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Un office central de lutte contre la fraude et la corruption sera également institué au sein de la direction centrale de la police judiciaire. Comment voulez-vous en effet que les policiers et les enquêteurs fassent leur travail alors qu’ils sont si peu nombreux Le renforcement et la réorganisation de leurs moyens seront une garantie.

Un mot enfin sur les sanctions pénales. Lorsqu’on exerce une fonction publique et que l’on sera convaincu de fraude fiscale ou de corruption, c’est au minimum dix ans de condamnation que l’on encourra, les magistrats ayant en outre la liberté de décider, en toute indépendance, d’étendre à vie l’interdiction d’exercer des responsabilités publiques. Voilà ce que nous proposons au Parlement !

Je terminerai par la lutte contre la délinquance financière internationale. Monsieur Goasguen, vous avez cherché à salir le ministre de l’économie et des finances et le Gouvernement, mais nous allons faire en sorte, et vite, qu’il ne soit désormais plus possible de détenir un compte à l’étranger sans que cela se sache. Cela devra être automatique : nous n’avons pas à le demander : voilà les règles nouvelles que la France veut instaurer dans toute l’Europe. L’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie se sont déjà engagées à se battre pour que, demain, nous obtenions sans difficulté la vérité sur la situation des contribuables français ou européens !

M. Claude Goasguen. Ah bravo !

Plusieurs députés du groupe UMP. Zéro ! Zéro !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous voulons également élargir la question des paradis fiscaux. Que cela plaise ou non, il faut se battre pour en réduire la liste au minimum, et d’abord au sein de l’Union européenne – c’est le sens de l’engagement que vient de prendre le Luxembourg.

Mais les choses doivent également changer en Suisse, qui ne fait pas partie de l’Union, et partout dans le monde. C’est tout le travail que nous allons faire : s’attaquer à la racine du mal !

Mme Claude Greff. Mais cela fait combien de temps qu’il parle ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, je recevrai demain les présidents de groupe, même M. Jacob… (Les députés du groupe UMP se lèvent et protestent violemment.)

M. Yves Nicolin. Comment osez-vous !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je lui demanderai ce qu’il est capable d’accepter, jusqu’où il est capable d’aller pour faire reculer la délinquance financière et assurer la transparence. (« Démission ! Démission ! » sur les bancs du groupe UMP. – Le tumulte couvre les propos du Premier ministre.)

Voilà ce sur quoi vous aurez à vous prononcer, mesdames et messieurs les députés. La confiance passe par le courage ; chacun sera face à ses responsabilités. (Les députés du groupe SRC se lèvent pour applaudir. – « Démission ! Démission ! » sur les bancs du groupe UMP. – Plusieurs députés du groupe UMP quittent les travées et tentent de s’approcher du banc du Gouvernement.)

M. le président. Monsieur Geoffroy, veuillez regagner votre place !

M. Guy Geoffroy. C’est une honte !

Moralisation de la vie politique

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Patrick Ollier. Monsieur le Premier ministre, j’ai le sentiment que vous venez de perdre votre sang-froid ! (Approbations sur les bancs du groupe UMP.) Il est proprement inacceptable que vous parliez dans ces termes de notre président de groupe, Christian Jacob.

Dignité, dites-vous en nous regardant ; mais, que je sache, M. Cahuzac était dans votre gouvernement, M. Cahuzac était socialiste, M. Cahuzac était votre ministre du budget ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Plusieurs députés du groupe UMP se lèvent pour applaudir.) Ce n’est donc pas de notre côté qu’il faut regarder, car c’est bien au sein de votre Gouvernement que se trouve des personnes ayant eu affaire avec la justice. Et ce n’est pas en essayant d’esquiver que vous parviendrez à vous exonérer de votre responsabilité ! (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe UMP.)

Un journaliste d’investigation, avec peu de moyens, a réussi à débusquer un ministre, et un mensonge… Et vous soutenez que, avec tous les services de l’État, vous n’avez pas été informé, vous n’étiez pas au courant !

M. Jean-Claude Perez et M. Bernard Roman. Et Ben Ali ? Et la Tunisie ?

M. Patrick Ollier. Aucune loi ne peut empêcher un tricheur de tricher, mais nous avons tout un arsenal répressif. L’article 40 du code de procédure pénale, par exemple, exige que toute autorité – vous en êtes une, comme le Président de la République – dénonce au procureur de la République tout délit dont il aurait eu connaissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) L’article 2 de la loi de 2011 que nous avons fait voter rend inéligible un député qui a omis de déclarer une partie de son patrimoine !

Qu’avez-vous fait depuis le 4 décembre 2012 ? Rien ! C’est le procureur de la République qui a engagé des poursuite. Depuis, nous attendons des réponses aux questions que nous vous avons posées. Nous n’en avons eu aucune. M. Hollande, ce matin, n’a pas répondu. Pourquoi M. Moscovici n’a-t-il demandé une enquête qu’à partir de 2006 ? On vous a posé des questions, vous devez y répondre, monsieur le Premier ministre !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur Ollier, merci pour votre question. Merci surtout de saluer le travail de la presse sur l’affaire Cahuzac, notamment celui du journaliste qui a mené cette enquête : c’est le même qui, il y a de cela quelques années, enquêtait sur certaines affaires, et que vous qualifiez alors de représentant de la presse fascisante. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vois que vous avez changé d’avis… Vous avez bien fait parce que, lorsque la presse est libre et qu’elle enquête, elle accomplit un travail magnifique.

Je me souviens d’ailleurs qu’à cette époque, ce même journaliste enquêtait sur une affaire dont j’ai eu à connaître dans cet hémicycle : l’affaire Karachi. Et alors que les parties civiles, pour une bonne part des ayants droit de salariés disparus, cherchaient à savoir la vérité, le parquet faisait systématiquement appel des ordonnances prises par les juges qui se proposaient d’enquêter.

M. Patrick Ollier. Répondez à la question !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je me souviens, monsieur Ollier, vous qui êtes si soucieux de vérité, que, lorsque j’ai souhaité, comme parlementaire, faire toute la lumière sur l’affaire Karachi, vous avez interdit la création d’une commission d’enquête parlementaire, au prétexte qu’une information judiciaire était en cours ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Claude Goasguen. Avocaillon !

Mme Marie-George Buffet. Bravo !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Lorsque j’ai demandé au Gouvernement de l’époque de bien vouloir nous transmettre toutes les pièces nécessaires à l’élucidation de la vérité, le seul document qui m’a été transmis, c’est une revue de presse émanant du Quai d’Orsay, en langue anglaise !

M. Philippe Cochet. Ce n’est pas possible !

M. Patrick Ollier. Vous esquivez !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Lorsqu’il a été demandé à M. Bernard Accoyer de bien vouloir transmettre au juge, pour qu’il fasse toute la vérité, les documents de la commission d’enquête parlementaire, il s’y est refusé !

M. Bernard Accoyer. Mais ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas possible ! Voilà votre conception de la transparence et de la vérité. Lorsque l’on a de telles pratiques, on s’abstient de donner des leçons ! (Les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent pour applaudir. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

OGM

M. le président. Mes chers collègues, essayons de retrouver un peu de calme.

La parole est à Mme Brigitte Allain, pour le groupe écologiste.

Mme Brigitte Allain. Ma question – qui sera très terre à terre – s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Elle a trait aux nouvelles procédures d’évaluation des OGM.

Suite à la publication, il y a quelques mois, de l’étude de M. Séralini, les scientifiques et les représentants politiques s’accordaient sur la nécessité d’évaluer sur le long terme la toxicité des OGM.

Le 25 février 2013, les ministres des États membres, à travers le Conseil de l’Union européenne, ont adopté un règlement révisant les lignes directrices des processus d’évaluation sanitaire et environnementale des OGM, jugées insuffisantes !

Les lignes directrices laissaient trop de place aux études des firmes semencières, à la communication des informations selon leur bon vouloir. Il y a des avancées, mais trop peu. Les études de toxicité ont notamment été portées de dix-sept à quatre-vingt dix jours. Quelle ne fut pas ma surprise, cependant, de constater que ces nouvelles règles ne s’appliqueront pas aux demandes déjà déposées ni à celles qui le seront dans les six mois suivant la publication du texte européen ! Plus de soixante demandes échapperont ainsi à l’évaluation, dont celle sur le maïs Monsanto 810, sur lequel l’Italie vient d’adopter une clause de sauvegarde pour demander à l’Union européenne d’en interdire la culture.

Si l’Europe a réellement pris conscience de l’importance qu’il y a à assurer la sécurité des citoyens, pourquoi n’applique-t-elle pas cette procédure immédiatement et à toutes les demandes ? Pourquoi ne pas réévaluer les anciennes autorisations ?

De surcroît, les OGM à gènes empilés ne seront pas concernés par les analyses de toxicologie. Monsieur le ministre, pourquoi la France a-t-elle voté ces dispositions ? Pouvons-nous encore infléchir le règlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Madame la députée Brigitte Allain, vous avez évoqué un certain nombre de questions que l’étude de M. Séralini a soulevées. À l’époque, le Gouvernement s’est engagé à modifier la réglementation qui régit, à l’échelle européenne, l’évaluation des OGM.

Vous avez souligné les progrès accomplis en février dernier. S’ils demeurent insuffisants, les durées d’évaluation des risques de toxicité et des risques sanitaires sont tout de même passées de dix-sept à quatre-vingt dix jours. Nous devons à présent faire évoluer la réglementation à l’échelle européenne concernant les conséquences environnementales du recours aux OGM.

Vous vous êtes enfin étonnée du vote de la France. La situation a progressé et nous devons continuer à travailler dans le sens du progrès.

Vous avez aussi évoqué l’orientation de l’Italie sur le maïs Monsanto 810. La position de la France ne change pas et ne changera pas : elle est celle d’un moratoire sur l’utilisation des OGM. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Affaire Cahuzac

M. le président. La parole est à M. Thierry Solère, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Thierry Solère. Monsieur le Premier ministre, la manière dont vous vous adressez au président du principal groupe de l’opposition est indigne et nous vous demandons des excuses officielles. Ce n’est pas ainsi que vous allez réhabiliter la fonction que vous occupez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, je citerai les propos de votre ancien ministre Jérôme Cahuzac rapportés ce matin par la presse : « On me dit que je ne peux pas redevenir député car j’ai menti à l’Assemblée Nationale. Cela veut dire quoi ? Qu’il y aurait des mensonges dignes et des mensonges indignes ? Quand on ment sur ordre et pour des raisons politiques à l’Assemblée, est-ce digne ? ».

Plusieurs députés UMP. Tiens, tiens…

M. Thierry Solère. Monsieur le Premier ministre, votre ministre du budget révèle ainsi avoir également menti une deuxième fois, sur ordre cette fois-ci, à la représentation nationale quant à la possibilité de réaliser 3 % de déficit en 2013.

J’ai donc deux questions simples à vous poser et une demande à vous faire.

Depuis quand, en totale transparence, saviez-vous que la France ne respecterait pas les 3 % de déficit en 2013 ?

Avez-vous donné, et le cas échéant quand, l’ordre à Jérôme Cahuzac de défendre à l’Assemblée une position mensongère ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. N’importe quoi !

M. Thierry Solère. Vous tentez depuis cinq jours une opération désespérée, et pour tout vous dire assez désespérante, de diversion.

Ne croyez pas que les Français soient dupes de cette manœuvre qui n’a qu’un but : exonérer votre gouvernement de toute responsabilité en faisant porter le soupçon sur tous les parlementaires et les élus locaux de ce pays. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Le soupçon, monsieur le Premier ministre, c’est sur vous qu’il pèse. Les Français vous soupçonnent de ne pas avoir dit toute la vérité depuis le début de cette affaire.

Ma demande, monsieur le Premier ministre, est solennelle et dépasse, j’en suis certain, les seuls bancs de l’opposition : pouvez-vous, les yeux dans les yeux, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) assurer à la représentation nationale que jusqu’aux aveux de M. Cahuzac vous ne saviez rien ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC, Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député Thierry Solère, je ne sais pas qui tente d’instaurer dans ce pays une logique du soupçon,…. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. David Douillet. C’est vous !

M. Pierre Moscovici, ministre. …ou plutôt si. Je sais qui ne le fait pas : c’est cette majorité ! Et je sais qui tente ici de mener une gigantesque opération de diversion, qui consiste à essayer de tout rapporter à cette faute qui, comme l’a dit le Président de la République, est la faute impardonnable d’un seul, qui n’est pas la faute du Gouvernement, qui n’est pas la faute de la vie politique que vous représentez. Cette faute, c’est maintenant à la justice d’en établir les conséquences.

M. Guy Geoffroy. Le Gouvernement s’en lave les mains !

M. Pierre Moscovici, ministre. Pour le reste, toutes les informations, je dis bien toutes les informations, ont été données à la représentation nationale, notamment par l’intermédiaire du président de la commission des finances de cette Assemblée, Gilles Carrez, ainsi que du rapporteur général Christian Eckert.

M. Claude Goasguen. C’est faux !

M. Yves Nicolin. Vous mentez !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous devriez donc vraiment cesser d’agir ainsi.

J’en viens à vos deux questions.

Concernant la faute, personne au sein du Gouvernement ne savait, jusqu’aux aveux de Jérôme Cahuzac, qu’il avait détenu un compte en Suisse ou à l’étranger. Personne ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Quant à votre seconde question relative aux 3 %, je vous conseille de ne pas trop me la poser car je serais alors contraint de vous rappeler dans quelle situation nous avons trouvé les finances publiques, comment nous sommes obligés de réduire les déficits et quelle est la situation en matière de croissance dont nous avons héritée.

Mesdames et messieurs les députés, l’effort de redressement, nous le poursuivons qu’il s’agisse du redressement politique, du redressement moral, du redressement financier ou du redressement économique.

Mme Valérie Pecresse. C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. Telle est la vérité de l’action du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Retrait des troupes françaises du Mali

M. le président. La parole est à M. Philippe Nauche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Nauche. Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense.

À l’heure où nos troupes accomplissent, à la demande de l’État malien et avec le soutien de la communauté internationale, un travail exemplaire salué sur la totalité des bancs de cette assemblée, chacun prend conscience, même s’il est habituellement éloigné des questions de défense, du rôle majeur pour la souveraineté et le rôle de la France dans le monde, des capacités de nos armées.

Il faut ici rendre hommage à nos soldats engagés sur le terrain. Certains ont sacrifié leur vie au service de la France et un certain nombre ont été blessés.

Dans ce contexte, après les annonces du Président de la République du 28 mars dernier, susceptibles de rassurer la communauté de défense sur l’avenir, le conseil de défense de ce jour revêt une importance capitale.

Vous vous exprimez régulièrement sur l’évolution de la mission Serval devant les commissions compétentes de nos assemblées et nous vous en remercions.

La mission première de restauration de l’intégrité du territoire malien s’achève avec succès. Désormais, le processus de réconciliation nationale malienne semble s’engager. Nos troupes, aux côtés des troupes maliennes, des troupes africaines de la MISMA et du Tchad, avec l’aide logistique d’Européens, des Américains et des Canadiens, sont en phase de consolidation de la sécurité intérieure du Nord-Mali et de lutte contre les groupes terroristes.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, exprimer devant la représentation nationale les étapes qui sont devant nous et le rôle que nos armées seront amenées à tenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député Philippe Nauche, je peux effectivement faire le point sur notre engagement au Mali à cet instant.

D’abord, le retrait de nos forces a commencé puisqu’une centaine de militaires ont quitté, ces dernières heures, le théâtre malien. Ce retrait sera progressif, sécurisé et pragmatique. Il se poursuivra dans les semaines et les mois qui viennent, selon le calendrier indiqué par le Président de la République. Nos forces seront à moins de 4 000 soldats au début du mois prochain, à environ 2 000 dans le courant de l’été et il restera 1 000 militaires français d’une manière un peu plus pérenne à la fin de cette année.

Nous le faisons de manière sécurisée, car simultanément, en ce moment même, nous menons des opérations à Gao contre le Mujao, opérations qui sont couronnées de succès. Nous menons également des opérations dans le Timétrine, dans le nord-ouest à Taoudénit. Les opérations de sécurisation se poursuivent, toujours marquées par les succès et la qualité professionnelle dont ont fait preuve nos forces depuis l’engagement du 11 janvier.

Pendant ce temps, les forces africaines s’installent vers le nord puisque les troupes du Burkina vont se positionner à Tombouctou dans les heures qui viennent et les troupes du Niger dans la région de Ménaka, en attendant la résolution des Nations unies qui permettra la mise en place d’une opération de stabilisation dans ce pays, qui a beaucoup souffert.

Laurent Fabius s’est rendu sur place vendredi. Il a été rassuré pour ce qui touche au processus politique à la préparation des élections pour le mois de juillet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Situation économique de la France

M. le président. La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Franck Reynier. Monsieur le Premier ministre, ma question concerne la situation économique de la France et l’incapacité de votre gouvernement à y faire face. Vous persévérez toujours plus loin dans l’erreur. Les jours passent et nous ne pouvons que constater que vous n’avez toujours pas pris la mesure de la crise.

Les preuves du dérapage budgétaire de la France s’amoncellent : le déficit public s’envole, le déficit commercial se creuse dramatiquement, la croissance est en berne, le chômage explose. Tous les voyants sont au rouge, monsieur le Premier ministre !

Après le renoncement de François Hollande à sa promesse de campagne de ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013, nous craignons que celui-ci ne soit malheureusement pas de 3,7 % comme nous l’assure Bercy, mais bien supérieur.

Quand le Gouvernement va-t-il réagir ?

Monsieur le Premier ministre, vous devez vous ressaisir ! Vos erreurs dans les secteurs du bâtiment et du logement vont conduire à la destruction de milliers d’emplois, alors même que 100 000 chômeurs de plus impactent le déficit public à hauteur de 2,5 milliards d’euros.

Vous entraînez la France dans une spirale infernale, et c’est sans parler des services à la personne, que vous matraquez systématiquement depuis votre arrivée au pouvoir.

Malgré les nombreuses propositions du groupe UDI, vous n’avez malheureusement rien repris de ce que nous espérions lors de l’examen du projet de loi sur la sécurisation de l’emploi. Nous espérons que vous vous déciderez enfin à agir pour ce secteur créateur de milliers d’emplois en France lors du passage de ce texte au Sénat.

Monsieur le Premier ministre, ma question est très simple : quand allez-vous enfin prendre la mesure de la gravité de la situation et réagir dans l’intérêt de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député Reynier, quand allons-nous allons réagir, me demandez-vous. Je vous répondrai très simplement : c’est tous les jours que nous agissons pour redresser la situation de ce pays ! (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.) C’est tous les jours, nous agissons pour redresser l’appareil productif qui se trouve dans une situation de compétitivité dégradée ! C’est tous les jours que nous agissons pour réparer la situation d’endettement et de déficit excessif que vous nous avez laissée, vous, l’ancienne majorité, vous, l’opposition d’aujourd’hui ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Yves Nicolin. Ça suffit !

M. Yves Jégo. Trois millions de chômeurs !

M. Pierre Moscovici, ministre. Rappelons simplement quelques chiffres. En 2011, le déficit public avait fortement chuté pour s’établir à 5,2 %. Si le gouvernement de Jean-Marc Ayrault n’avait pas pris les mesures correctrices indispensables, nous aurions été au-delà de 5,5 % pour l’année 2012 compte tenu de la croissance européenne que nous connaissons.

Plusieurs députés du groupe UMP. Non ! C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous avons agi et le déficit a été ramené à 4,8 % – en incluant d’ailleurs une mauvaise fortune concernant la recapitalisation de Dexia.

Nous allons poursuivre dans le sens du redressement des finances publiques, parce que c’est une question de crédibilité et de souveraineté. Je préfère que la France continue d’emprunter à un taux d’intérêt compris entre 1,7 % et 1,8 % plutôt que de voir sa situation déraper si nous suivions la politique que vous avez menée. Nous allons poursuivre en maintenant en même temps le bon équilibre entre la réduction indispensable des déficits et la croissance.

Je veux dire ici, notamment à la majorité, que non, nous ne menons pas une politique d’austérité. Nous menons une politique sérieuse et crédible. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.) C’est la condition, comme l’ont dit le Président de la République et le Premier ministre, pour pouvoir obtenir ensuite la réorientation de la construction européenne dans laquelle nous croyons.

M. Alain Chrétien. C’est du blabla !

M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur le député Reynier, vous êtes un homme de bonne foi ; vous nous ferez des propositions. Nous agissons. Soyez avec nous pour redresser le pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique familiale

M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Charles de La Verpillière. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, depuis votre arrivée au pouvoir sous l’égide de M. Hollande, vous avez aggravé la crise et additionné les échecs : chômage, déficits publics, activité économique à l’arrêt, perte de notre influence en Europe et bien entendu crise morale qui nous frappe aujourd’hui. Mais le plus incroyable, c’est que vous vous acharnez à casser tout ce qui marche dans ce pays ! L’exemple le plus flagrant en est la politique familiale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mise en place à la Libération et poursuivie depuis par tous les gouvernements de droite comme de gauche, elle nous a donné la démographie la plus dynamique d’Europe et a favorisé l’émancipation des femmes ainsi que le libre choix de leur mode de vie. Dans la loi de finances pour 2013, vous lui avez porté les premiers coups. Vous voulez maintenant aller plus loin et avez demandé à M. Fragonard d’étudier quatre mesures qui sont une véritable agression contre les familles de la classe moyenne : réduction des allocations familiales jusqu’à 75 %, plafonnement plus sévère du quotient familial, suppression des réductions d’impôt pour les enfants scolarisés en collège et en lycée, diminution de la prime de naissance.

Le Haut conseil de la famille a fortement critiqué vos projets, en particulier l’union nationale des associations familiales. D’où ma question, monsieur le Premier ministre : allez-vous renoncer à cette entreprise de démolition de la politique familiale en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député Charles de la Verpillière, convenons que la politique familiale est l’un des grands atouts de notre pays. Grâce à elle, nous avons une démographie vivante que bien des pays européens nous envient et les femmes peuvent y travailler plus confortablement, car il existe des structures pour accueillir les enfants de moins de trois ans.

M. Hervé Mariton. Alors ne la cassez pas ! Arrêtez la casse !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais convenons aussi, monsieur le député, que la société a changé depuis sa mise en place et que de nouvelles attentes se font jour. Un enfant sur deux n’a pas de lieu d’accueil avant l’âge de trois ans, il est donc temps de faire un effort accru pour les accueillir. C’est ce que fait le Gouvernement en ouvrant les écoles dès l’âge de deux ans et en multipliant les places de crèche. Convenons enf in, monsieur le député, que les prestations versées aujourd’hui aux familles peuvent être réévaluées. Tel est le sens de la demande adressée à Bertrand Fragonard, qui a remis, comme vous l’avez indiqué, un rapport faisant état des solutions envisageables de réaménagement de l’ensemble des prestations qui existent dans notre pays.

M. Hervé Mariton. Rapport désavoué par le Haut conseil !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce rapport a été remis au Premier ministre hier et va maintenant faire l’objet d’un examen attentif par le Gouvernement, qui fera des propositions dans quelques semaines. Je vous le dis, monsieur le député, nous avons la volonté de conforter les familles des classes moyennes et des catégories populaires,…

Mme Anne Grommerch. Mensonge !

Mme Marisol Touraine, ministre. …de favoriser le dialogue et de permettre à la politique familiale de se développer dans le sens de la justice, de la redistribution et de la reconnaissance de toutes les familles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Moralisation de la vie politique

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Louis Borloo. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, dont je ne doute pas que, conformément à la tradition républicaine de notre maison, il voudra bien répondre à un président de groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Je ne sais pas si vous mesurez, monsieur le Premier ministre, le traumatisme que nous vivons. Nous avons dans cette affaire – vous savez laquelle – été d’une extrême modération. Nous avons demandé une commission d’enquête parlementaire, non sur l’affaire elle-même mais sur l’action ou les dysfonctionnements de l’État, car la rumeur est un poison – ce n’est pas un acte d’accusation. J’ai par ailleurs proposé qu’elle soit présidée par le président de l’Assemblée nationale, qui ne m’a pas donné de réponse. La rumeur, je le répète, est le pire poison de notre République ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’aimerais que le président fasse respecter la discipline des deux côtés de l’hémicycle !

Vous souhaitez, monsieur le Premier ministre, rencontrer demain à Matignon les présidents des groupes parlementaires pour discuter de vos projets de loi. Je me demande quel est l’ordre du jour de cette réunion dès lors que le Président de la République, à l’issue du conseil des ministres, en a donné l’intégralité du programme. S’il s’agit d’une mise en scène, monsieur le Premier ministre, et si vous vous autorisez à considérer qu’un autre président de groupe ne serait pas même reçu, je ne me rendrai pas demain à Matignon, à moins que vous n’exprimiez vos regrets ! (Mesdames et messieurs les députés des groupes UDI et UMP se lèvent et applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le président Borloo, de votre question. Je vous remercie même du ton sur lequel vous l’avez posée, exempt de caractère polémique, en dépit de la gravité de l’affaire qui nous a tous profondément blessés et qui continue à nous blesser. Bien au-delà des convictions de chacun, je me suis exprimé dès l’annonce du désaveu de M. Cahuzac et j’ai répondu ici aux questions le lendemain. Je crois qu’il nous faut tous être à la hauteur. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Goujon. C’est mal parti !

Mme Claude Greff. Il faut surtout répondre, maintenant !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est pourquoi tous les moyens doivent être mis en œuvre pour répondre aux questions posées, et vous avez parfaitement le droit, monsieur le président Borloo, comme parlementaire président de son groupe, de prendre l’initiative d’une commission d’enquête. Ce n’est pas à moi d’en décider, mais j’y suis pour ma part favorable et le Gouvernement aussi, sous réserve qu’il n’y ait pas d’obstacle du point de vue de la garde des sceaux mais je crois qu’il n’y en a pas, si j’en crois les informations qu’elle m’a données et les réponses qu’elle a apportées.

M. Alain Chrétien. Répondez à la question !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je n’ai donc aucun doute que l’Assemblée nationale décidera de la création d’une commission d’enquête à votre initiative. L’élection du Président de la République au suffrage universel n’empêche pas que notre régime ait aussi un caractère parlementaire. Votre rôle de contrôle, mesdames et messieurs les députés, doit donc être totalement respecté.

J’en parle avec d’autant plus de facilité que j’ai défendu, lorsque j’étais dans l’opposition, la même approche que celle que vous venez d’exposer, monsieur le président Borloo, et qu’il ne m’a pas été facile de la mettre en pratique puisqu’on m’en avait empêché, ainsi que mon groupe. Eh bien, telle ne sera pas l’attitude, j’en suis convaincu, de la majorité de cette assemblée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Dino Cinieri. Démission !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ce n’est pas par l’invective que nous restaurerons la confiance ! Si je me suis permis un petit trait d’esprit à l’égard de M. Jacob, je ne lui ai conféré aucun caractère désagréable.

M. Hervé Mariton. Excusez-vous !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Chacun se souvient des propos qu’il a tenus en dehors de cet hémicycle. Chacun a sans doute pensé qu’ils étaient peut-être un peu excessifs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Cela étant dit, je vous recevrai demain avec plaisir, monsieur le président Borloo.

M. Bruno Le Roux. S’il ne vient pas, ce n’est pas grave !

M. Yves Censi. Comme ça, vous serez seuls !

M. Claude Goasguen. Profitez-en ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je vous recevrai avec M. Jacob, bien sûr, ainsi que les autres présidents de groupe de cette assemblée ainsi que ceux du Sénat et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Je vous connais : vous me parlerez avec franchise, j’en suis sûr.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il rame !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est de la brasse coulée !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous voulons absolument, à ce stade de la vie de notre démocratie, que toutes les institutions et tous les contre-pouvoirs soient respectés. C’est pourquoi certaines allusions et certains commentaires me désolent, car au fond vous allez nous aider à répondre à toutes les questions posées, en particulier par l’initiative parlementaire que vous venez de prendre, monsieur le président Borloo.

M. Hervé Mariton. C’est à vous de répondre !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Néanmoins, le gouvernement que je dirige s’honore de ne jamais intervenir pour influencer la presse ni les affaires de justice ! Ce temps-là est révolu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Vous abîmez la démocratie !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est pourquoi je vous redirai demain, monsieur le président Borloo, en dépit de vos hésitations qui sont parfaitement respectables, mon souhait est qu’au-delà de la majorité parlementaire, une large majorité des membres du Parlement réuni prochainement en congrès vote l’indépendance de la justice et la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Ainsi, nos institutions seront complétées et la confiance des citoyens dans la République renforcée.

Nous y ajouterons, à l’issue d’un débat qui, je l’espère, nous permettra de progresser, les projets de loi que présentera le Gouvernement après le 24 avril. Ils compléteront notre arsenal juridique en faveur de la transparence et de la lutte contre la corruption et les paradis fiscaux. Ainsi, nous aurons fait progresser ensemble, je le souhaite, la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Choc de simplification

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Lionel Tardy. Monsieur le Premier ministre, après le choc de moralisation – elle est belle, la République exemplaire ! –, voici le choc de simplification. Décidément, que de chocs dans la majorité !

Le 28 mars dernier, sur France 2, le Président de la République a annoncé aux Français un choc de simplification. Des annonces avec beaucoup de bonnes intentions et finalement assez peu de concret ont été faites le 2 avril. Rien de neuf, car ces mesures s’inscrivent tout simplement dans la continuité de la politique menée par la précédente majorité.

Depuis 2003, des textes de simplification du droit ont été régulièrement adoptés sous forme d’ordonnances. Puis, à partir de 2007, sous forme de propositions de lois, notamment portées par Jean-Luc Warsmann, qui a abattu un travail colossal que je tiens à saluer.

La dernière proposition de loi sur le thème de la simplification, qui date du 21 février 2013, vient de nos bancs : elle a été adoptée à l’unanimité dans le cadre d’une niche parlementaire UMP. Parmi les mesures annoncées figure celle de la suppression de 101 « comités Théodule ». Vous connaissez le combat que je mène à ce sujet. Je tiens juste à vous rappeler qu’en 2009, notre majorité en a supprimé 225 !

Vous annoncez une évaluation de toutes les politiques publiques, une rationalisation des achats publics et des fusions de structures administratives dans le but de réaliser des économies. Vous poursuivez ainsi la RGPP mise en place sous la précédente majorité sans le dire, en changeant simplement le nom de cette politique.

Au regard des déclarations et des ambitions affichées par le Président de la République, le compte n’y est pas. Monsieur le Premier ministre, un choc implique des résultats visibles. Pour l’instant, c’est très flou, et les mesures annoncées le 2 avril ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées. Quelles mesures d’envergure comptez-vous prendre dans les prochains mois et dans quels domaines précis ? En particulier, monsieur le Premier ministre, comptez-vous créer un choc de simplification ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député, j’ai été chargée, sous l’autorité du Premier ministre, de conduire le comité interministériel de modernisation de l’action publique. Quarante politiques publiques sont en cours d’évaluation. Nous avons déjà réalisé des économies conséquentes, notamment en matière d’aide aux entreprises, avec l’accord de la plupart des organisations patronales, ce qui n’est pas sans intérêt.

Je vous rappelle, monsieur Tardy, que nous avions publié en 2000 une demande de simplification administrative relative aux entreprises. Nous avons retrouvé la même liste de demandes de simplification cette année et, avec Mme Fleur Pellerin, nous avons confié une mission à Thierry Mandon, qui a d’ores et déjà effectué un certain nombre de constats au sujet des normes relatives aux entreprises.

Les personnes concernées nous ont proposé quatre-vingts mesures dans ce domaine, dont plus de quarante sont actuellement en application. Vous pourrez, si vous le souhaitez, être invité à un bilan que nous avons l’intention d’organiser à mi-chemin en y associant les parlementaires intéressés.

D’autre part, je vous rappelle qu’un passage sur la loi de décentralisation relatif aux normes a été intégré dans une proposition de loi Sueur-Gourault, qui va revenir devant cette assemblée dans quelque temps. Nous avons permis aux entrepreneurs de disposer d’un portail « Dites-le nous une fois », grâce auquel ils n’ont besoin d’effectuer qu’une seule transmission de leurs documents. Nous avons permis aux particuliers d’avoir accès à leurs papiers d’identité sans avoir à demander un extrait d’acte de naissance. Enfin, avec le ministre de l’intérieur, nous avons mis en place le système des pré-plaintes.

Comme vous le voyez, un grand nombre de mesures concrètes ont été annoncées. Mais le plus important, monsieur Tardy, c’est que toutes ces simplifications sont liées à l’évolution des politiques publiques, qui permettent le redressement de la France. Nous devons rester attentifs à préserver des services efficaces, plutôt que des mesures inutiles.

Prix du lait

M. le président. La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Viviane Le Dissez. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. J’y associe les parlementaires socialistes costarmoricains ainsi que Jean-Luc Drapeau, député des Deux-Sèvres.

Monsieur le ministre, une table ronde s’est tenue hier dans les locaux de votre ministère pour tenter de trouver une issue à la crise qui sévit dans la filière laitière française. En effet, la situation est devenue intenable pour les producteurs. L’ensemble des acteurs du monde agricole est soumis à une crise structurelle due, d’une part, à l’augmentation des coûts de production, d’autre part, à une rémunération insuffisante de ces produits, spécialement dans les filières animales et particulièrement dans la vente du lait.

Cet écart tient à des raisons conjoncturelles, certes, mais pas seulement. Si les matières premières, le soja, les céréales, l’énergie coûtent plus chers, un problème de fond demeure : le déséquilibre entre les producteurs et la grande distribution. La loi de modernisation de l’agriculture, votée en 2010, a bien créé un observatoire des marges et des prix, mais n’a pas corrigé le parti pris libéral de la LME qui a fait la part belle aux centrales d’achat de la grande distribution.

Vous avez, monsieur le ministre, le courage de vous saisir de cette question, sans tabous et avec la volonté de construire, avec les différents partenaires, des solutions durables pour préserver la filière laitière. Nous en sommes convaincus que ce qui est en jeu autour de la question laitière, c’est également une conception de l’activité économique.

Si nous voulons redonner de la vigueur à notre appareil productif, il est indispensable de rééquilibrer les rapports de force entre ceux qui produisent et ceux qui vendent. Préserver la filière laitière, c’est répondre à une nécessité pour nos terroirs, c’est permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer la suite de votre programme de travail ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Madame la députée, avec Guillaume Garot, nous avons réuni hier les acteurs de la filière laitière. Je dis bien les acteurs de la filière laitière, c’est-à-dire la grande distribution, la transformation, l’industrie laitière et les producteurs.

M. François Rochebloine. Et les vaches ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. La vraie question qui nous est posée, et depuis très longtemps, c’est celle de l’incapacité, dans notre pays, à accepter un dialogue et des négociations prenant en compte, quand c’est nécessaire, des discussions et des augmentations des coûts de production, ce qui est le cas aujourd’hui avec la production laitière et l’ensemble des productions animales. C’est pourquoi Guillaume Garot et moi-même prendrons à nouveau part à des réunions similaires le 15 et 18 avril, portant respectivement sur la filière porcine et la filière volaille.

La réunion relative à la filière laitière avait pour objectif de secouer le dialogue et d’offrir aux producteurs, dès le mois d’avril, des augmentations de prix du lait, ce qu’ils réclament depuis plus de huit mois. L’engagement du Gouvernement, du ministère de l’agriculture, du ministre de l’agro-alimentaire, va permettre d’ouvrir les négociations et, surtout, de vérifier que ce qui a été proposé par un certain nombre de grands distributeurs sera effectivement redistribué aux producteurs dès ce mois-ci. Voilà quel est l’engagement pris le 8 avril dernier, voilà quels sont le rôle et la place du Gouvernement : forcer à la négociation pour rassurer et surtout permettre aux producteurs laitiers de franchir cette passe difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Éco-contribution

M. le président. La parole est à M. Franck Gilard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Franck Gilard. Ma question s’adressait initialement à M. Montebourg, ministre du redressement productif, mais je crois savoir que c’est Mme Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui va me répondre.

Ma question concerne la mise en œuvre du programme national de recyclage du mobilier – je suis désolé s’il ne s’agit pas d’une question polémique. Pour financer la filière, la loi de finances pour 2013 prévoit la répercussion à l’identique de la contribution environnementale jusqu’au consommateur final et à toutes les étapes de la chaîne de distribution, ce qui se traduit par une obligation d’affichage des coûts en trois montants : prix du produit, contribution environnementale et prix total.

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes envisage un affichage du prix total avec simple mention du montant de la contribution. Cette interprétation revient à considérer que cette contribution peut être prise en charge par les entreprises, alors que l’objectif de la loi est d’en assurer la répercussion jusqu’au consommateur, et cela en cascade. L’affichage en trois montants garantit au consommateur que la contribution n’aura fait l’objet d’aucune marge et c’est le seul moyen d’éviter que les acteurs économiques absorbent le coût de traitement de ces déchets.

Si cette modalité d’application de la loi n’est pas respectée, cela pourrait avoir des conséquences directes pour les industriels. À titre d’illustration, le groupe COFEL va, dans mon département, ce qui est une bonne nouvelle pour ce dernier qui souffre, créer 200 emplois.

Du fait du coût très élevé de cette contribution environnementale – 4 % de leur chiffre d’affaires –, les entreprises du secteur de l’ameublement qui investissent en France pourraient se trouver très fragilisées si cette contribution devait être prise en charge exclusivement par le fabricant.

Pouvez-vous, madame la ministre, vous que la réindustrialisation de la France tient à cœur – j’avais, je le répète, prévu de m’adresser à Arnaud Montebourg –,…

Mme Delphine Batho, ministre. La réindustrialisation me tient à cœur également !

M. Franck Gilard. C’est notre cas à tous.

Pouvez-vous donc réaffirmer le principe de répercussion complète et à l’identique de la contribution selon les modalités décrites, et garantir une stricte application de la disposition législative adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2013 ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Si nous pouvons nous rassembler sur ce sujet, monsieur le député, j’en suis heureuse. La responsabilité élargie des producteurs est en effet un principe très simple qui permet de transférer les coûts de gestion des déchets au producteur en favorisant le recyclage et l’éco-conception s’agissant des produits en fin de vie.

Il existe seize filières de responsabilités élargies des producteurs pour les emballages, les papiers, les déchets d’équipements électriques, les pneus, les textiles. Cela représente des milliers d’emplois, contribue à ce que l’on appelle l’économie circulaire que nous voulons développer puissamment, et permet en outre de répondre à la crise avec de nouveaux procédés économes en matières et intensifs en emplois non-délocalisables.

En ce qui concerne les déchets d’ameublement, les producteurs doivent en effet soit adhérer à un éco-organisme en lui versant une contribution financière, soit mettre en place un système individuel de collecte et de traitement. Nous avons fait voter, dans la loi de finances pour 2013, la répercussion automatique de l’éco-contribution du metteur sur le marché sur le consommateur final, afin de protéger les producteurs et les distributeurs et sécuriser la mise en place de cette filière.

L’agrément des éco-organismes date du 1er janvier 2013. Cet éco-mobilier et VALDELIA sont agréés. Tous les metteurs sur le marché doivent se mettre désormais en conformité avec la réglementation de façon progressive et soutenable. Et ils doivent se préparer à l’application de l’éco-contribution dans les factures et à l’affichage à compter du 1er mai 2013 entre les professionnels et à l’adresse du client final.

Pour ce qui est de votre question qui fait suite à une prise de position du ministère du budget, je vous confirme très clairement que l’affichage en deux ou trois lignes ne change rien au principe même de la répercussion automatique. Il est en tout état de cause très clair, je le répète, que la loi prévoit la répercussion intégrale, celle-ci ne devant pas faire partie de la négociation commerciale.

M. Franck Gilard et M. Alain Marleix. Très bien !

Contribution exceptionnelle à 75 %

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Beffara, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Marie Beffara. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, le combat pour la justice fiscale est au cœur de l’engagement de notre majorité. Nous en sommes tous convaincus : la France ne peut réussir à se redresser, à renouer avec la croissance et avec une grande ambition sociale sans la mobilisation de tous.

Dès le début de cette législature, des mesures fortes ont été adoptées pour répartir justement l’effort de redressement : instauration d’une tranche de 45 % pour les revenus au-delà de 150 000 euros ; alignement de la fiscalité frappant les revenus financiers sur celle des revenus d’activité. Il était temps !

Quel contraste avec la majorité précédente qui, de manière absurde, pensait qu’au cœur de la crise, il n’y avait rien de mieux à faire que d’offrir 75 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux plus fortunés.

M. Marcel Rogemont. Il est bon de le rappeler !

M. Jean-Marie Beffara. Cette politique a eu des effets dramatiques dans l’explosion des écarts des revenus : selon l’observatoire des inégalités, entre 2008 et 2010, les 10 % les plus pauvres ont perdu 520 millions d’euros de revenu pendant que les 10 % les plus riches ont gagné 14 milliards d’euros supplémentaires.

Contrairement à ce que pensent des esprits chagrins, sans doute influencés par les divagations de certains exilés fiscaux, nombre de nos concitoyens les mieux lotis sont conscients de la nécessité de contribuer au redressement de la France. Nous apprenons ainsi aujourd’hui que Bernard Arnault restera Français parce qu’il a confiance en l’avenir de la France. Nous aussi, nous avons confiance en notre avenir. Nous aussi, nous sommes certains que la France sera plus forte parce qu’elle sera plus solidaire.

Monsieur le ministre, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions fiscales proposant l’instauration d’une tranche exceptionnelle à 75 % pour les revenus supérieurs…

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Merci, monsieur le député, pour cette question qui renvoie à cette dimension très forte de l’impôt : il est un instrument de redistribution dans la République. Vous avez raison de rappeler que de nombreuses mesures ont été prises au cours des dernières années, transformant l’impôt en instrument du renforcement des injustices avec un bouclier fiscal, une réforme de l’impôt sur la fortune qui conduisaient certains, une petite minorité, à bénéficier de chèques alors que d’autres étaient appelés à contribution.

M. Nicolas Dhuicq. Cela fait déjà un an !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous le savons, il n’y aura pas de redressement du pays…

M. Nicolas Dhuicq. Avec vous, c’est bien vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …si l’impôt n’est pas utilisé comme un instrument de justice. C’est la raison pour laquelle le Président de la République avait indiqué, pendant la campagne présidentielle, vouloir instaurer un impôt à 75 % qui permettait de matérialiser, pendant le temps du redressement, cette contribution de chacun à l’effort de redressement dans la justice.

Vous avez vous-même souligné que le Conseil constitutionnel a rendu difficile l’application de ce taux de 75 % aux contribuables qui percevaient des revenus supérieurs à un million d’euros, considérant qu’il fallait conjugaliser cette taxe, le Conseil d’État rappelant pour sa part qu’elle devait être adossée à l’ensemble des revenus et pas seulement aux revenus d’activité.

C’est pourquoi le Gouvernement a décidé, comme l’a récemment précisé le Président de la République, de prévoir cette taxe non pas pour ceux qui perçoivent plus d’un million d’euros de revenus, mais pour les entreprises qui seraient tentées de donner de telles rémunérations.

Les entreprises qui ne distribueront pas ces rémunérations indécentes ne se verront pas appliquer la taxe. Les autres, oui. Elle s’appliquera à toutes les entreprises, tous les revenus et tous les salariés. Elle sera pour nous, j’y insiste, la matérialisation de notre ambition de redressement dans la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et modification du calendrier électoral

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseilleurs communautaires, et modifiant le calendrier électoral (nos 878, 883).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Gilles Bourdouleix, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Gilles Bourdouleix. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, avec le vote de cet après-midi, le Gouvernement donnera, sur ce texte, le dernier mot à l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues socialistes, êtes-vous réellement prêts à piétiner ainsi les votes de rejet successifs du Sénat, la chambre qui, aux termes de notre Constitution, représente les collectivités territoriales et au sein de laquelle vous disposez pourtant, a priori, d’une majorité ? Ce sera tout simplement une première dans l’histoire de la Ve République, s’agissant d’une modification des modes de scrutin des collectivités territoriales.

Comment pouvez-vous porter une telle réforme, alors que votre vision de l’aménagement du territoire reste introuvable ? Le projet de décentralisation que vous avez mis des mois à préparer fait l’unanimité contre lui. Le président de l’Association des départements de France parle même ce matin, dans le journal La Croix, d’un « échec collectif des socialistes ».

M. Marcel Rogemont. C’est l’un des vôtres !

M. Gilles Bourdouleix. En le saucissonnant en trois blocs, vous nous confirmez qu’en matière d’aménagement du territoire, vous faites tout à l’envers. Alors que nous attendions un acte III de la décentralisation, vous préférez tripatouiller les dates des élections et les modes de scrutins, en imaginant ainsi donner, à terme, un coup de pouce au parti socialiste.

Quand votre projet arrive enfin, plutôt que d’engager une réforme globale, vous préférez commencer par discuter des compétences particulières des agglomérations, puis des régions, en renvoyant la clarification générale des compétences et la redéfinition des solidarités territoriales aux calendes grecques. On marche sur la tête !

Monsieur le ministre, je vous le rappelle avec une certaine gravité : la défiance des Français vis-à-vis de la classe politique a rarement été aussi forte. Elle ne s’explique pas seulement par les agissements inqualifiables de l’un de vos anciens collègues, mais aussi par l’incapacité de votre gouvernement et de votre majorité à répondre aux préoccupations quotidiennes de nos compatriotes.

M. Marcel Rogemont. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

M. Gilles Bourdouleix. Nous avons fait mieux que vous pour l’instant !

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Restez modestes !

M. Gilles Bourdouleix. Alors que nous devrions traiter des sujets essentiels que sont l’emploi, le logement ou la sécurité…

M. Patrick Lemasle. Ces problèmes résultent de votre bilan !

M. Gilles Bourdouleix. Eh bien, vous êtes lents à réagir, depuis dix mois !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous avez fait beaucoup de dégâts !

M. Gilles Bourdouleix. …vous passez en force avec un texte électoraliste écrit par le parti socialiste, pour le parti socialiste, et qui ne sera d’ailleurs voté que par le parti socialiste. Je vous le dis sans esprit de polémique, mais avec tristesse : vous êtes en train de creuser un peu plus le fossé qui nous sépare des Français.

Mme Claude Greff. Absolument.

M. Gilles Bourdouleix. Ressaisissez-vous ! Il est encore temps d’admettre que vous vous êtes trompés. Errare humanum est, perseverare diabolicum !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous êtes lettré !

M. Gilles Bourdouleix. Renoncez, plutôt que de persister à devenir les fossoyeurs officiels des territoires ruraux. Car c’est bien le sens de votre projet : par la voix de notre collègue François Sauvadet, le groupe UDI n’a cessé de le démontrer.

Vous êtes parvenus à réunir, en un seul texte, tous les ingrédients du tripatouillage électoral le plus abouti.

Vous prononcez la mise à mort politique des territoires ruraux, à travers le charcutage généralisé des 4 000 cantons de France sur la seule base démographique – du jamais vu depuis deux siècles !

Vous instituez une espèce d’hybride unique au monde, un homme et une femme élus ensemble, qui exerceront leur mandat indépendamment l’un de l’autre. Aucun autre pays n’a mis en place un tel binôme.

M. Marcel Rogemont. Et alors ?

M. Gilles Bourdouleix. Alors que cela devrait vous interpeller, vous vous enorgueillissez d’avoir décroché le monopole de l’absurde.

Vous reportez les élections départementales et régionales à 2015, uniquement par peur des prochaines échéances. Mais ne rêvez pas : que ce soit l’année prochaine ou en 2015, les électeurs ne manqueront pas de sanctionner vos manœuvres.

Vous modifiez le mode de scrutin des municipales. Et encore, il aura fallu trois lectures pour vous faire enfin entendre que, pour les scrutins de liste, c’est le seuil de 1 000 habitants, et pas celui de 500, qui correspond à la réalité de nos communes rurales, et à leur attente.

Enfin, palme du tripatouillage, vous allez jusqu’à ajouter des conseillers de Paris dans les arrondissements de gauche, pour en retirer dans ceux qui ne votent pas convenablement, selon vos critères.

On est au moins sûr d’une chose, c’est que la République irréprochable du candidat Hollande a officiellement rejoint l’immense fosse commune des promesses non tenues par votre majorité.

Mes chers collègues, vos petites manœuvres ne seraient pas si graves s’il ne s’agissait de l’administration territoriale de notre grand et beau pays, un pays dont les principaux atouts sont contenus dans la diversité de ses territoires, un pays qui a la chance de pouvoir s’appuyer sur un réseau de dizaines de milliers d’élus locaux dévoués et compétents, un pays qui ne peut pas se permettre d’opposer ainsi agglomérations urbaines et territoires ruraux.

Monsieur le ministre, avec ce texte, vous affichez une vision dogmatique, parisienne et électoraliste du territoire. Vous êtes dans l’erreur et si ce n’est le Conseil constitutionnel, ce sont les électeurs de France qui se chargeront de vous le rappeler en vous sanctionnant.

Dans ce contexte, le groupe UDI votera contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

M. Paul Molac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après cette nouvelle lecture du projet de loi sur la réforme des modes de scrutins locaux, nous demeurons dans l’expectative. Nous estimons qu’il était possible de faire mieux pour la représentation de la pluralité politique.

Commençons par le seuil d’accès au second tour de l’élection départementale. Dans le texte initial du projet de loi, ce seuil avait été fixé à 10 % des inscrits, comme cela avait toujours été le cas jusqu’en 2008. M. le ministre qualifia d’ailleurs ce seuil d’historique. Il s’agit du même seuil que pour les autres élections locales. Mais face à l’émotion de la droite qui avait modifié ce seuil sous la précédente législature, il a été décidé en deuxième lecture de revenir en arrière, créant ainsi autant de seuils qu’il y a d’élections. La logique bipartisane a fonctionné à plein sur ce point, et nous ne pouvons que le regretter pour la lisibilité des élections et la représentation de la pluralité politique.

Celle-ci a également été mise à mal par l’adoption hier d’amendements prévoyant le relèvement du seuil à partir duquel le scrutin de liste proportionnel s’appliquera aux communes. D’un seuil de 500 habitants, adopté à trois reprises par notre commission des lois et soutenue par l’Association des maires ruraux de France, nous passons désormais à un seuil de 1 000 habitants. Ce seuil exclura 74 % des communes du scrutin de liste, c’est-à-dire plus de 20 000 d’entre elles. Ce sont autant de communes dans lesquelles l’opposition n’aura pas de représentation structurée. La pratique du tir aux pigeons, souvent faite au détriment des élus les plus actifs, aura encore de beaux jours devant elle.

Ce sont également autant de communes dans lesquelles il n’y aura pas de représentation paritaire dans les conseils communaux. Les débats ont montré une certaine condescendance vis-à-vis du milieu rural. Vous le savez comme moi : il y a autant de femmes que d’hommes dans le milieu rural. Alors pourquoi les femmes ne seraient-elles pas prêtes à y entrer en politique ? Les chiffres montrent d’ailleurs que les femmes s’investissent davantage dans la vie de la communauté en milieu rural, que la vitalité et l’ouverture d’esprit des ruraux n’ont rien à envier à celles des urbains, contrairement à une idée reçue, y compris sur les bancs de cette assemblée.

Mais sur le fond, vous le savez, nos réticences concernaient le scrutin binominal, qui est, en fait, un scrutin majoritaire. Reconnaissons que ce scrutin a le mérite de faire un grand pas en faveur de la parité lorsque l’on sait la place qui est aujourd’hui faite aux femmes dans les assemblées départementales. Mais nous étions favorables au scrutin de liste proportionnel. Nous avons le regret de constater que notre proposition, partagée par deux autres groupes sur ces bancs et par un certain nombre de députés, n’a pas été retenue. Ce mode de scrutin nous aurait évité le douloureux redécoupage des cantons, douloureux quoique nécessaire, tant les disparités en termes de population sont, dans certains cas, criantes. Pourquoi l’élection départementale serait-elle la seule à ignorer la proportionnelle, alors qu’elle sera partiellement introduite pour les prochaines élections législatives ?

En ce qui concerne l’intercommunalité, saluons l’avancée consistant en l’adoption d’un dispositif de fléchage au moyen d’une liste intercommunale séparée de la liste communale. Mais, par cohérence, nous aurions dû aller plus loin dans cette logique visant à faire clairement émerger l’échelon intercommunal en donnant la possibilité d’avoir un ordonnancement différent.

Il nous paraît en effet essentiel de faire émerger au plus tôt le couple intercommunalité-région afin de conjuguer cohérence et efficacité de l’action territoriale. Bien loin de précéder l’effacement des communes, il nous semble au contraire que cela les renforcerait en leur permettant de mettre en commun leurs forces, d’établir des synergies et de développer des projets collectifs à l’échelle du territoire.

Les communes rurales et les territoires ruraux ont besoin d’intercommunalités fortes pour faire face au poids des nouvelles métropoles, qu’il ne nous est d’ailleurs pas permis de remettre en cause au nom de la sacro-sainte compétition des villes mondialisées.

Ce darwinisme territorial nous inquiète. Nous craignons que ces compétitions ne conduisent finalement à une négation de l’aménagement du territoire, auquel nous sommes évidemment très attachés et sur lequel s’est construite la trame urbaine de nombreuses régions. C’est le fameux polycentrisme urbain, différent de la métropolisation.

Enfin, nous regrettons une nouvelle fois le fait que notre assemblée n’ait pas jugé utile d’interdire la présentation de binômes familiaux, bien que cela n’eût pas tout réglé. Compte tenu de la crise morale que nous traversons, je ne comprends toujours pas pourquoi nous n’avons pas adopté cette mesure pourtant simple.

Malgré les avancées que présente ce texte par rapport à ce qui existe actuellement, compte tenu du retour au scrutin majoritaire pour le scrutin départemental, qui porte atteinte au pluralisme démocratique et qui est au cœur de ce projet de loi, le groupe écologiste continuera à s’abstenir.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le ministre, vous vous attaquez à un texte qui date de 1801. Bonaparte avait alors 32 ans ! Je ne sais si votre avenir sera comparable au sien en termes de réformes des institutions ! (Sourires.) Arcole vous attend ! Je ne sais pas ce qui se passera, mais Paul Giacobbi, président du conseil exécutif de Corse, qui est assis derrière moi, boit ces remarques comme du petit-lait !

M. Paul Giacobbi. Je souhaite ce destin à notre ministre de l’intérieur !

M. Alain Tourret. Après ce clin d’œil à l’histoire et à vous-même, monsieur le ministre, j’en viens au texte. J’ai le sentiment qu’il s’est bonifié suite aux différentes lectures. Mais nous attendons encore une prochaine étape.

Ce texte s’est d’abord bonifié parce que, incontestablement, vous avez pris en compte le risque d’inconstitutionnalité qui pesait sur le texte avec ce fameux tunnel de 1,2 à 1,3 – ou de 0,2 à 0,3, tout dépend de la manière de compter. Je pense que le Conseil constitutionnel n’aurait pas manqué de sanctionner cette référence qui était contraire à sa jurisprudence.

En revanche, vous nous avez proposé, et c’était la sagesse, de prendre pour référence des critères essentiellement démographiques. Le terme « essentiellement » est bien évidemment très important. Il reprend mot pour mot la jurisprudence du Conseil constitutionnel et permet une interprétation très large, en particulier lorsque les découpages seront soumis au juge administratif, c’est-à-dire au Conseil d’État. Incontestablement, c’est un premier progrès.

Le deuxième progrès concerne le seuil de population pour l’application de la parité dans les communes. Nous voulons la parité, nous estimons que c’est un progrès incontestable de ce principe qui a désormais valeur constitutionnelle. En revanche, je ne crois pas que l’on puisse passer de rien à tout. La sagesse le montre : dans le cadre de l’évolution des institutions, des étapes doivent être franchies une à une.

Nous avons retenu le seuil de 1 000 habitants. Vous en aviez toujours été convaincus, l’Association des maires de France et le Sénat l’étaient aussi, et nous l’avons toujours soutenu. Je tiens à remercier mes collègues socialistes, qui ont accepté de retenir cette proposition, alors qu’ils s’étaient prononcés contre dans un premier temps. C’est incontestablement à l’écoute de nos propositions qu’il y a eu une telle évolution. Merci, chers collègues !

M. Patrice Verchère. Il aura l’investiture !

M. Alain Tourret. Une dernière chose, monsieur le ministre. Je voudrais vous proposer une amélioration portant sur le respect des circonscriptions législatives. Vous nous avez expliqué, avec raison, que cinquante-trois cantons répartis sur vingt-trois départements ne respectent pas actuellement les circonscriptions législatives.

Je comprends parfaitement que, compte tenu de ces exceptions, à l’impossible nul n’est tenu. Mais ne serait-il pas possible d’accepter en dernière lecture un amendement indiquant que les circonscriptions législatives doivent être respectées, « sauf exception » ? M. le rapporteur, dont je souligne la sagacité, et M. le ministre, dont je souligne l’écoute, ont indiqué que c’était exactement leur interprétation du texte. Je souhaiterais, dès lors, qu’un amendement futur permette de retenir, pour les cantons, le contour des circonscriptions législatives, « sauf exception ». Voilà pourquoi, monsieur le ministre, dans un premier temps, nous nous abstiendrons de manière positive en attendant de vous cette dernière étape.

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès le début de la discussion de ce texte, notre groupe avait indiqué combien il lui semblait incohérent de décider d’un mode de scrutin avant de connaître le nouveau paysage institutionnel annoncé avec l’acte III de la décentralisation.

La révision du calendrier s’imposerait encore plus aujourd’hui, du fait de l’étalement dans le temps de l’examen du projet de décentralisation, mais aussi de l’échec retentissant, dimanche dernier, du projet de collectivité territoriale d’Alsace, qui rappelle l’attachement de nos concitoyens aux départements et à la proximité.

Oui, il faut prendre le temps du débat et de l’écoute des élus locaux. Un temps d’autant plus indispensable pour respecter le choix des citoyens lors des prochaines consultations électorales. Il serait en effet incompréhensible que la volonté populaire et les choix exprimés pour l’avenir de chaque commune au printemps 2014 soient contredits par une réforme donnant presque tous les pouvoirs aux métropoles à partir du 1er janvier 2015.

Ce sont autant de raisons qui plaident au moins pour différer l’application de la partie du texte relative au mode de désignation des conseillers départementaux, afin que celui-ci ne soit déterminé qu’une fois connu le sort réservé aux départements, et afin que la reprise du dialogue avec les associations d’élus puisse aussi porter sur la proposition du binôme, rejetée à deux reprises par le Sénat et par cinq groupes sur six de notre assemblée, et qui suscite perplexité et scepticisme sur le terrain.

Ce serait la voie de la sagesse. Faute de l’emprunter, le Gouvernement, par son intransigeance, ne peut que nous amener à réaffirmer, lors de cette troisième lecture, notre opposition aux deux points majeurs du texte.

D’abord la création de ce curieux binôme dont le premier effet sera de renforcer le bipartisme sans permettre une réelle représentation des territoires. Je veux une nouvelle fois rappeler ici qu’il est possible de conjuguer la parité, le pluralisme et la représentation des territoires tout en évitant les aléas d’un découpage toujours sujet à caution. Il suffit pour cela de s’inspirer, comme nous l’avons proposé, des modes de scrutin en vigueur pour les municipales et les régionales.

Nous sommes également opposés au nouveau mode de désignation des délégués des communes à l’intercommunalité. Ils doivent rester les représentants des conseils municipaux. À terme, le fléchage ouvre inéluctablement la voie à un scrutin séparé, synonyme de mort programmée des communes. C’est d’ailleurs pourquoi l’appellation de « conseillers communautaires » retenue par la commission mixte paritaire dans le projet de loi organique nous convient encore moins que celle de « conseillers intercommunaux ».

À ces deux motifs d’opposition s’ajoute désormais un troisième, la remontée à 1 000 habitants du seuil d’application du mode de scrutin des municipales. Nous restons favorables au seuil de 500 habitants, qui permettrait de garantir la parité et d’éviter le panachage dans 7 000 conseils municipaux supplémentaires, afin que le débat porte davantage sur les projets que sur les personnes.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que, tout en appelant à un nouvel âge de la démocratie locale qui respecte pleinement la souveraineté populaire, les députés du Front de gauche voteront une nouvelle fois résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Olivier Marleix. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Carole Delga, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Carole Delga. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée s’apprête à voter pour la troisième fois ce projet de loi relatif aux élections locales. Le long chemin parcouru par ce texte depuis sa première lecture par nos collègues du Sénat, il y a maintenant près de trois mois, doit être vu comme la preuve la plus évidente de son importance pour l’avenir de nos institutions républicaines locales.

En s’intéressant aux organes chargés de représenter les citoyens, on touche au cœur même de l’exercice de la démocratie. Dans ce cadre, je considère qu’il est parfaitement normal que ce projet de loi ait suscité autant de débats au sein de notre assemblée, mais également sur les bancs du Sénat. En somme, c’est un signe de bonne santé de nos institutions.

Je tiens à saluer le travail du rapporteur, Pascal Popelin, qui a veillé à concilier les différents points de vue – ils ont été nombreux. Nos débats se sont déroulés dans un esprit constructif d’écoute et de dialogue apaisé. Le ministre de l’intérieur a eu l’occasion, une fois de plus, de faire la preuve de son écoute en prenant en compte les remarques et propositions des parlementaires, sans remettre en cause l’économie générale du texte et les avancées réelles qu’il introduit. Je tiens d’ailleurs à rappeler que parmi les nombreux amendements adoptés, plusieurs sont issus de l’opposition.

Si nos travaux ont été, somme toute, de bonne tenue, je regrette néanmoins l’attitude de certains de mes collègues, dont les interventions ont parfois eu pour seul but de ralentir nos travaux. Mais, au final, la démocratie ne peut sortir que renforcée de ces longues heures de discussions. Renforcer la démocratie, c’est justement l’objectif poursuivi par ce texte. La démocratie est renforcée car, avec cette réforme, le visage de nos institutions sera plus en phase avec la réalité de la société actuelle.

Première avancée majeure de ce texte : la consécration de la parité. Elle a été rappelée avec talent par beaucoup de mes collègues avant moi, mais je tiens à insister sur ce point, tant je considère qu’il s’agit là d’un véritable bond en avant démocratique. Désormais, avec cette loi, les conseils départementaux seront enfin paritaires. Comment peut-on encore justifier qu’en 2013, les femmes ne représentent que 13,5 % des conseillers départementaux ? Le but de cette réforme n’est pas d’ouvrir des postes, comme j’ai pu l’entendre ici ou là, mais d’ouvrir les esprits, en contribuant à démonter les stéréotypes sociaux et les réflexes de pensée. Avoir des instances représentatives à l’image de la société, dont je rappelle qu’elle est composée à parité d’hommes et de femmes, c’est renforcer durablement le lien qui unit le citoyen à ses élus.

Seconde évolution indispensable de ce projet de loi : le renforcement du lien entre le territoire et l’élu chargé de le représenter. La consécration du scrutin majoritaire pour les élections départementales, sur la base de cantons modernisés, est la garantie de la préservation de ce lien de proximité. Bien que deux fois centenaire, le canton est encore une réalité très concrète pour nos concitoyens, notamment dans les territoires ruraux et de montagne comme celui dont je suis l’élue. C’est pourquoi il faut maintenir le scrutin majoritaire, qui correspond à l’échelon de proximité qu’est le département. Mais il fallait recréer des cantons, après leur suppression par la loi sur le conseiller territorial, en conciliant l’évolution démographique que notre pays a connue depuis deux siècles et l’identité des territoires ruraux et de montagne.

Troisième et dernière innovation de ce texte, sur laquelle je veux insister : le renforcement de la légitimité des instances. Et je pense plus particulièrement ici aux conseils municipaux et intercommunaux. Le fait intercommunal est une réalité indépassable. La carte intercommunale sera bientôt achevée : nous devons nous en féliciter. C’est un juste compromis entre l’exigence d’une gouvernance efficace au niveau local et la préservation du poumon démocratique que constituent nos 36000 communes, qui doit être considéré comme une chance plutôt que comme une contrainte. Il fallait néanmoins améliorer la relation démocratique entre le citoyen et l’intercommunalité : c’est chose faite.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons et pour bien d’autres, l’ensemble du groupe SRC votera une troisième fois ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Olivier Marleix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s’ajoute à la désormais trop longue liste des textes de diversion que le Gouvernement propose depuis des mois à la représentation nationale, et qui sont aux antipodes des attentes des Français. Incapable de résoudre les vrais problèmes des Français, le Gouvernement ne s’attaque qu’à de faux problèmes.

Monsieur le ministre, ce texte sera marqué d’une tâche indélébile : celle du passage en force. Vous avez totalement ignoré l’opposition que le Sénat – où vous êtes pourtant majoritaires – a exprimée à deux reprises. Mes chers collègues, c’est la première fois dans l’histoire de la Ve République qu’une réforme concernant les collectivités locales sera adoptée en passant outre l’opposition du Sénat, qui représente les collectivités territoriales. Cela n’a été le cas ni en 2010, avec la réforme territoriale que vous avez pourtant tant raillée, ni en 2004 avec l’acte II de la décentralisation, ni en 1981 et 1982 avec les lois Defferre. C’est, franchement, peu glorieux pour un gouvernement qui se fait le chantre d’une démocratie exemplaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Au terme de ces longues heures passées en séance, nous, députés UMP, n’avons finalement obtenu qu’une seule satisfaction : le ralliement de la majorité à un amendement de notre groupe et du président de l’AMF, Jaques Pélissard, qui rejoignait votre position personnelle, monsieur le ministre, et ramenait à 1 000 habitants le seuil applicable pour le scrutin de liste aux élections municipales. Cela permettra plus de parité dans les conseils municipaux, plus de stabilité dans de nombreuses communes, mais préservera également des pratiques électorales plus consensuelles dans les communes de moins de 1 000 habitants.

Si votre texte nous paraît fondamentalement inacceptable et mérite d’être combattu – et continuera à être combattu –, c’est parce qu’il casse la représentation des territoires ruraux. Oui, dans le passé, il y a eu des redécoupages cantonaux. Oui, il était nécessaire d’en prévoir à l’avenir. Mais aucun gouvernement, même de gauche, ne s’était jamais cru autorisé à supprimer ainsi la représentation des territoires ruraux, en rayant d’un trait de plume les trois quarts des cantons ruraux dans notre pays. Aucun gouvernement, même de gauche, n’avait osé s’attaquer à ces cantons qui, pour être peu peuplés, n’en constituent pas moins des entités géographiques qui ont besoin d’être représentées. Oui, le découpage actuel des cantons assure l’égalité de chacun à faire entendre sa voix au sein de l’assemblée départementale, quel que soit le canton où il habite et quels que soient la vallée reculée, le village isolé ou le territoire peu dense où il vit. Avec vous, tout cela va disparaître.

Ce que vous faites est d’autant plus grave que cette réforme intervient au moment où une crise économique sans précédent frappe aussi les territoires ruraux et donne à nos concitoyens un véritable sentiment d’abandon, que votre réforme va aggraver.

Nous, députés UMP, n’acceptons pas le mépris que vous affichez envers les 3 000 conseillers généraux ruraux que vous allez renvoyer dans leurs foyers, parce qu’ils ont le seul tort à vos yeux d’être des élus trop peu politisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

Nous, députés UMP, n’acceptons pas le système électoral délibérément illisible que vous proposez : un binôme de candidats qui, une fois élus, pourront devenir rivaux. Comment le citoyen pourra-t-il s’y retrouver ? Au moment même où nous proclamons tous, ici, notre attachement à la responsabilité politique des élus, vous vous ingéniez à créer des élus à la responsabilité insaisissable.

Nous, députés UMP, n’acceptons pas l’injustice que vous inscrivez dans la loi, qui consiste à ce que des départements de même taille aient des effectifs d’élus totalement différents. Le lien de proximité entre l’élu et ses électeurs sera plus ou moins fort d’un département à l’autre, sans autre raison que votre arbitraire.

Nous, députés UMP, n’acceptons pas l’absence totale de concertation locale autour de votre projet. En quelques semaines, monsieur le ministre, vous allez redéfinir tout seul, place Beauvau, une carte des cantons modelée à travers les siècles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les conseils généraux n’auront que six petites semaines, en plein été, pour émettre un avis sur votre projet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous, députés UMP, déplorons votre persistance, malgré les demandes répétées de l’opposition, à refuser la mise en place d’une instance de contrôle de votre redécoupage. La transparence est un mot à la mode chez vous – ces derniers jours en tout cas –, mais elle ne vaut visiblement pas en matière électorale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Nous, députés UMP, ne pouvons donc pas nous empêcher de voir dans ce texte autre chose qu’une vulgaire opération de bidouillage électoral (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC) conçue par le seul parti socialiste au bénéfice du seul parti socialiste et votée par le seul parti socialiste. (Mêmes mouvements.)

Nous nous indignons de voir un gouvernement qui, de manière froide et cynique, utilise son temps et son énergie à modifier toutes les règles électorales dans notre pays – sénatoriales, cantonales et demain législatives – quand l’urgence, pour les Français, c’est l’emploi et le pouvoir d’achat.

Les députés du groupe UMP rejetteront donc une nouvelle fois votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 527

Nombre de suffrages exprimés 502

Majorité absolue 252

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Je remercie la majorité – et chacun d’entre vous, d’ailleurs – pour sa participation à ces débats, qui se poursuivront.

Je remercie le groupe socialiste, car, contrairement à ce que j’ai entendu, il n’existait aucune majorité alternative à un texte qui changera en profondeur nos territoires. D’un côté, il y avait les partisans de la proportionnelle intégrale, et de l’autre, ceux qui refusaient la parité. Ce texte permettra la parité partout dans nos cantons, une meilleure représentation des territoires (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Céleste Lett. Comment peut-on dire cela ? Ce n’est pas possible !

M. Manuel Valls, ministre. …et l’élection des représentants intercommunaux au suffrage direct. La parité sera également instaurée dans nos communes, au-delà d’un seuil de 1 000 habitants.

Il s’agit d’un changement qui correspond à l’attente de nos compatriotes. Je remercie le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

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Mission temporaire d’un député

M. le président. Le Président a reçu du Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger M. Patrick Lebreton, député de La Réunion, d’une mission temporaire auprès du ministre des outre-mer.

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Prorogation du régime social du bonus exceptionnel outre-mer

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à proroger jusqu’au 31 décembre 2013 le régime social du bonus exceptionnel outre-mer (nos 880, 903).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, vous êtes appelés aujourd’hui à vous prononcer sur un texte important qui a la particularité d’être autant attendu par les salariés dans les outre-mer que par les chefs d’entreprises qui les emploient.

Cette proposition de loi issue du Sénat, qui l’a d’ailleurs approuvée sans opposition la semaine dernière, doit permettre que soient traduits dans les faits deux engagements du Premier ministre. Oui, deux engagements pris solennellement, le 10 décembre dernier, en faveur des outre-mer. Deux engagements qui concernent l’avenir des dispositifs qui furent mis en place il y a quatre ans afin de permettre le versement de compléments salariaux pour sortir des graves crises sociales qui secouaient alors la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion, ainsi que Mayotte quelques mois plus tard. C’était en 2009, personne ici ne peut avoir oublié cette période troublée.

Les accords de sortie de crise signés avec les syndicats prévoyaient que ces compléments salariaux devaient être pris en charge par l’État, les collectivités et les entreprises. C’est ce qui fut fait sur chaque territoire.

Ainsi fut créé le revenu supplémentaire temporaire d’activité – le RSTA – et la loi d’orientation pour le développement économique des outre-mer du 27 mai 2009 transposa dans la loi la possibilité de versement par les employeurs d’un bonus exceptionnel de 1 500 euros par an et par salarié, et son exonération de toutes cotisations et contributions, hors CSG, CRDS et forfait social. Aux côtés du RSTA, cette exonération fut l’une des modalités de prise en compte par l’État du coût des accords de sortie de crise.

Ces dispositifs, annoncés dès le départ comme temporaires, car ne devant durer que trois ans, ont été prolongés d’un an par le précédent gouvernement, dans la loi de finances pour 2012. Cette décision, que l’on peut comprendre, fut cependant prise sans offrir de visibilité quant aux conditions de retour vers le droit commun.

Dès la nomination de Jean-Marc Ayrault à Matignon, c’est ce gouvernement qui s’est retrouvé menacé d’un choc salarial brutal pour les entreprises et pour le pouvoir d’achat des salariés : la fin de la participation de l’État au RSTA, conjuguée à celle, presque simultanée, de l’exonération de charges des bonus versés par les employeurs.

Cette contrainte, nous n’avons pas souhaité qu’elle s’impose à l’économie, en particulier dans un contexte où entreprises et salariés souffrent des conséquences de la crise. Pour autant, nous ne voulions ni nous engager dans une prolongation à l’infini, qui aurait transformé le temporaire en définitif, ni nous contenter de prévoir une simple extinction.

Nous savons que nous devons donner des perspectives aux entreprises et à leurs salariés. C’est la raison pour laquelle, je l’ai dit, le Premier ministre a pris un double engagement :

Le premier est la prolongation du RSTA jusqu’à la fin du premier semestre 2013, assortie d’une action vigoureuse pour faciliter la transition des bénéficiaires éligibles vers le dispositif national du revenu de solidarité active.

Le second est la prolongation, jusqu’au 31 décembre 2013, de l’exonération de charge du bonus « employeurs » afin de donner aux entreprises un délai nécessaire pour s’organiser à la faveur de la mise en œuvre d’un nouveau dispositif national, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – le fameux CICE –, dont les modalités de préfinancement permettront aux entreprises éligibles d’en percevoir le bénéfice dès cette année.

Le premier engagement a été immédiatement tenu, par la voie réglementaire. Pour le second, en revanche, nous ne pouvions plus, en décembre, le traduire dans le projet de loi de finances pour 2013. C’est la raison pour laquelle nous avons présenté très rapidement un amendement au projet de loi créant le contrat de génération. Hélas, le déféré du texte par l’opposition a entraîné la censure de cette disposition par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de procédure, en fait d’absence de lien, direct ou indirect, avec le texte.

Les sénateurs de La Réunion, Paul Vergès et Michel Vergoz, ont donc pris leurs responsabilités afin de permettre la concrétisation des engagements du Gouvernement. Ils sont à l’origine du texte qui vous est soumis aujourd’hui.

Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le Gouvernement l’accueille favorablement, sensibles que nous sommes à la compétitivité des entreprises et au pouvoir d’achat des salariés outre-mer.

Nous souhaitons cependant un retour harmonieux vers le droit commun. Les outre-mer ont besoin de dispositifs adaptés à leurs réalités, mais dans un cadre cohérent et stable. C’est le sens de la politique que nous conduisons depuis onze mois. Une action qui privilégie des interventions sur les structures des économies des outre-mer.

La loi de régulation économique en est un exemple. Elle est aujourd’hui effective, et les accords de modération des prix pour les produits de consommation courante qu’elle a instaurés recueillent des résultats encourageants, si j’en crois la presse ultramarine de ces derniers jours.

Nous continuerons tout au long de cette année à nous pencher sur les problématiques de financement de nos économies afin de favoriser la création de valeur et d’emplois durables dans nos territoires.

M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, rapporteure de la commission des affaires sociales.

Mme Gabrielle Louis-Carabin, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, suite à la grave crise sociale et aux manifestations contre la vie chère qui ont ébranlé les quatre départements d’outre-mer en 2009, des accords régionaux interprofessionnels ont été conclus le 26 février en Guadeloupe, le 11 mars en Martinique, le 25 mai à La Réunion et le 19 novembre en Guyane.

Ces accords ont notamment institué une « prime exceptionnelle de vie chère » appelée « BINO » aux Antilles, « COSPAR » à La Réunion. Elle est d’un montant mensuel de 200 euros.

À l’origine, elle était financée pour moitié, soit 100 euros, par l’État au travers du revenu de solidarité temporaire d’activité ; pour un quart par les conseils régionaux et généraux, soit 25 euros pour chacune de ces collectivités ; le dernier quart, soit 50 euros, restait à la charge des employeurs.

L’article 3 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite LODEOM, a transposé et consacré le dispositif mis en place par les accords interprofessionnels.

En effet, il dispose qu’un accord régional ou territorial interprofessionnel peut autoriser les entreprises, quelle que soit leur taille, à verser un bonus exceptionnel d’un montant maximal de 1 500 euros par salarié et par an.

Le montant de ce bonus peut être modulé selon les salariés, sous réserve de deux conditions : la modulation doit être prévue par l’accord régional ou territorial interprofessionnel ; elle ne peut s’effectuer qu’en fonction de critères limitativement énumérés, à savoir la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, le niveau de salaire, la qualification et l’ancienneté.

Enfin, l’article 3 de la LODEOM prévoit que le bonus est exclu de l’assiette de toutes les cotisations ou contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi, à l’exception de la CSG, la contribution sociale généralisée, de la CRDS, la contribution au remboursement de la dette sociale, et du forfait social. En revanche, il ne bénéficie pas d’exonération fiscale au titre de l’impôt sur le revenu.

Mais si le bonus est en lui-même pérenne, la durée de l’exonération de cotisations sociales était initialement limitée à trois ans. En outre, l’article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a exclu la compensation par l’État de la perte de recettes résultant, pour les régimes de sécurité sociale, de cette exonération. Les montants en cause ont été de 26 millions d’euros en 2011 et de 19 millions d’euros en 2012 et 2013. Depuis sa création en 2009, le dispositif du bonus exceptionnel a peu évolué.

Alors que l’exonération de cotisations sociales devait arriver à échéance courant 2012, sa durée a été prolongée d’une année par l’article 60 de la loi de finances pour 2012. En outre, l’article 95 de la loi de finances rectificative pour 2011 a fait en sorte que le bénéfice de l’exonération de cotisations sociales soit prolongé dans le cas où l’accord régional interprofessionnel était arrivé à échéance, mais où le bonus était versé par les employeurs en application d’un accord régional de branche ou d’un accord d’entreprise.

Cependant, malgré cette prorogation, le dispositif d’exonération est amené à s’éteindre courant 2013, en mars dans les Antilles, en mai à La Réunion et en décembre en Guyane.

Compte tenu de la situation économique et sociale des outre-mer, qui reste tendue, cette extinction brutale porterait gravement atteinte à nos départements. Car chers collègues, ce dispositif concerne 51 600 salariés de 8 500 entreprises en Guadeloupe, 24 400 salariés de 4 900 entreprises en Guyane et 94 400 salariés de 9 400 entreprises à La Réunion.

Dans mon rapport, je rappelle quelques chiffres que nous devons avoir présents à l’esprit. Au deuxième trimestre 2012, le taux de chômage s’élevait à 22,9 % en Guadeloupe, 22,3 % en Guyane, 21 % en Martinique et 28,5 % à La Réunion, contre 9,7 % pour l’Hexagone.

En 2010, le produit intérieur brut par habitant pour l’ensemble des départements d’outre-mer ne s’élevait qu’à 18 324 euros, contre 30 135 euros pour l’Hexagone. En 2009, la part des revenus inférieurs à 9 400 euros par an – de 24,2 % dans l’Hexagone – atteignait 47 % à la Martinique, 50,5 % à La Réunion, 51,8 % en Guadeloupe et 53 % en Guyane. La proportion de salariés du secteur privé couverts par une convention collective est inférieure à 60 % en outre-mer – pour l’ensemble de la France, elle est de 85 % –, ce qui explique que la proportion de salariés rémunérés à moins de 1,2 SMIC y est supérieure à 20 %, contre 15 % dans l’ensemble du pays.

Certes, la nouvelle majorité issue des élections présidentielles et législatives a déjà adopté des mesures importantes. Certaines bénéficient à tout le territoire de la République : c’est le cas des emplois d’avenir, des contrats de génération et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. D’autres sont spécifiques aux outre-mer, en particulier la loi sur la régulation économique outre-mer, que nous avons adoptée à votre initiative, monsieur le ministre, en novembre dernier.

Toutefois, les effets de ces lois ne peuvent être immédiats, de telle sorte qu’une ultime prolongation de l’exonération du bonus exceptionnel s’avère indispensable.

C’est pourquoi le Premier ministre, à l’occasion de la conférence économique et sociale sur les outre-mer, le 10 décembre dernier, a effectué deux annonces. D’une part, il a indiqué que le RSTA s’appliquerait jusqu’à la fin du premier semestre 2013. D’autre part, il s’est engagé à ce que le dispositif d’exonération du bonus exceptionnel soit prolongé jusqu’au 31 décembre de cette année.

Cet engagement a été honoré sans délai, puisque, dès le mois de janvier, lors de l’examen par le Sénat du projet de loi portant création du contrat de génération, le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens, qui est devenu l’article 9 de cette loi. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 février dernier, a toutefois censuré cette disposition, considérant qu’elle était dépourvue de lien avec l’objet de la loi. Bien entendu, il ne s’est prononcé ni sur l’opportunité ni même sur le fond de cette mesure.

Il était donc urgent qu’une initiative permette au Parlement de la rétablir. Cette initiative est venue des sénateurs Paul Vergès et Michel Vergoz, qui ont déposé deux propositions de loi identiques au mois de mars 2013, pour lesquelles le Gouvernement a demandé l’application de la procédure accélérée.

Adopté mardi 2 avril dernier en séance publique au Sénat, le texte nous parvient donc très rapidement. Notre commission des affaires sociales s’est réunie deux jours seulement après son adoption au Sénat, et nous l’avons adopté sans modification. J’espère qu’il en sera de même aujourd’hui.

Le dispositif comprend deux mesures : d’une part, la prorogation jusqu’au 31 décembre 2013 de l’exonération de cotisations sociales attachée au bonus exceptionnel ; d’autre part, la compensation de cette exonération par le budget de l’État.

Compte tenu de l’échéance initialement prévue pour ce dispositif dans les différents départements concernés, le coût de cette prolongation est évalué à 12 millions d’euros. Il sera pris en charge par la mission « Outre-mer ».

Je vous invite, chers collègues, à adopter sans modification cette proposition de loi, car elle assure dans de bonnes conditions, l’articulation entre la fin d’un dispositif – celui du bonus exceptionnel – et la montée en puissance de la loi de régulation économique outre-mer, dont la vocation première est de préserver le pouvoir d’achat de nos compatriotes.

Pour finir, je tiens à remercier la présidente de notre commission, Mme Catherine Lemorton, et tous mes collègues présents. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, à la suite des mouvements sociaux intervenus à La Réunion et dans l’ensemble des départements d’outre-mer en 2009, notre majorité avait instauré, dans le cadre de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, un bonus exceptionnel qui a permis de soutenir le pouvoir d’achat des ultramarins les plus modestes.

Ce dispositif est, rappelons-le, subordonné à un mécanisme d’accord interprofessionnel régional qui autorise les employeurs implantés dans un département d’outre-mer – à l’exception de Mayotte –, à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, à verser à leurs salariés une prime mensuelle d’un montant maximal de 1 500 euros par an et par salarié dit « bonus exceptionnel ».

Afin d’inciter les entreprises à verser ce complément de revenus, cette prime est assujettie à une exonération de charges fiscales et sociales, à l’exception de la CSG, de la CRDS et du forfait social. Le dispositif devait initialement s’appliquer pendant une durée limitée à trois ans. Cependant, prenant en considération la constance des difficultés économiques et sociales dans les collectivités d’outre-mer, la loi de finances pour 2012 a porté de trois à quatre ans la durée de ces accords, soit à compter de la date de versement prévue par l’accord, soit, à défaut, à compter de la date de la conclusion de l’accord.

Au cours de l’année, nous arriverons au terme de cette prorogation. En application du droit en vigueur, le régime d’exonération dont bénéficient aujourd’hui des dizaines de milliers d’ultramarins est donc appelé à disparaître.

Il va sans dire qu’une sortie brutale du dispositif aurait des conséquences désastreuses sur le pouvoir d’achat de ces populations et ne ferait qu’attiser des tensions sociales déjà aiguës.

Les collectivités ultramarines connaissent régulièrement des mouvements sociaux qui visent à dénoncer un climat social et économique extrêmement difficile. Il faut savoir que dans ces régions, les prix des produits alimentaires sont de 30 % à 50 % plus élevés qu’en métropole alors que le revenu moyen des ménages domiens est inférieur de 38 % à celui des ménages hexagonaux.

Outre la cherté de la vie, marquée par les prix élevés de l’ensemble des biens de consommation, ces territoires sont durement touchés par la crise, par le chômage, avec les risques d’exclusion que cela représente. Pour ne citer qu’un exemple, le taux de chômage s’élevait à 28,5 % à La Réunion en 2012 contre 9,7 % en métropole. Qui plus est, la perspective d’une croissance proche de zéro en France métropolitaine et d’outre-mer ne fait qu’assombrir ce tableau.

La situation économique de Saint-Martin est préoccupante. Les commerces ferment. Le tourisme, fleuron de son économie pendant de longues années, voit ses résultats se dégrader. Ce déclin a de lourdes conséquences sur l’emploi local : le taux de chômage est de 25 % et les moins de vingt-cinq ans représentent 15 % des demandeurs d’emploi.

Si j’ai pris l’exemple de Saint-Martin, c’est que mon collègue Daniel Gibbes, député de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, retenu dans sa circonscription par le vote en ce moment même du budget 2013 de la collectivité d’outre-mer, m’a demandé d’être son relais dans l’hémicycle pour exprimer son avis sur la proposition de loi et faire part de son inquiétude quant à la situation économique de Saint-Martin.

Cette proposition de loi a le mérite de soutenir l’économie ultramarine en grande difficulté. Elle conforte les secteurs en péril et encourage les entreprises à embaucher les demandeurs d’emploi, qui sont toujours plus nombreux à s’inscrire mais beaucoup trop peu nombreux à retrouver une activité.

Le souci de préserver le pouvoir d’achat de nos concitoyens ultramarins constitue aujourd’hui une préoccupation constante, unanime et majeure, au-delà même des appartenances politiques. Nous ne pouvons qu’approuver la prorogation du régime social du bonus exceptionnel car elle va permettre d’alléger le coût du travail pour quelques mois encore, d’encourager l’alternance et la formation, et donner aux entreprises les moyens d’embaucher.

Je note toutefois que le Gouvernement a agi avec une grande maladresse. À l’occasion des débats sur le projet de loi de finances pour 2013, il a en effet repoussé un amendement du sénateur Vergès, qui visait précisément à proroger ce dispositif, pour finalement revenir sur sa position et réintroduire la prorogation dans le projet de loi portant création du contrat d’avenir. Quelle perte de temps !

Sur la forme, le Conseil constitutionnel a jugé que ce dispositif avait été adopté selon une procédure contraire à la Constitution, compte tenu du fait qu’il ne présentait pas de lien avec les dispositions du projet de loi initial. Quel manque de cohérence dans la méthode !

Le Gouvernement donne trop souvent l’impression d’une action en escalier alors que sur des sujets importants et urgents comme le pouvoir d’achat, il serait utile que l’examen parlementaire puisse emprunter un escalier mécanique.

Quel est votre sentiment, monsieur le ministre, sur ces subtilités qui échappent à la compréhension de nos concitoyens ? Au lieu de tergiverser, ne faudrait-il pas plutôt envisager des mesures pérennes et structurelles pour pallier durablement les difficultés en outre-mer et soutenir l’activité économique ?

Notre assemblée examine cet après-midi une proposition de loi qui vise à proroger d’une année, soit jusqu’au 31 décembre 2013, le régime social du bonus exceptionnel outre-mer créé en 2009 par la majorité précédente. Au Sénat, la commission des affaires sociales a prévu de compenser l’exonération par le budget de l’État, plus précisément par les crédits du programme « Emploi outre-mer » de la mission « Outre-mer ». Notre commission a examiné, sans modification, cette proposition de loi.

Compte tenu du contexte économique et social difficile qui prévaut en outre-mer, il nous paraît indispensable de maintenir ce dispositif dont l’intérêt social est incontestable. Pour ces raisons, le groupe UMP est favorable à la prorogation de ce dispositif et votera donc ce texte.

M. Ary Chalus. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, vous imaginez bien que c’est avec émotion que je monte à cette tribune pour évoquer le sujet qui nous rassemble aujourd’hui. Le dispositif que le Gouvernement se propose de prolonger est issu des mesures que l’ancienne majorité a mises en place à la suite de la crise de 2009 pour répondre aux attentes engendrées par les difficultés économiques de nos outre-mer. Je pense en particulier à la question lancinante des charges pesant sur les entreprises ultramarines, lesquelles créent un différentiel important avec les territoires voisins de la France dans les océans. Cela nécessitait qu’un effort spécifique soit consenti.

Je me réjouis bien évidemment de la prorogation de ce dispositif, même si elle ne porte que sur quelques mois. Comme vous l’avez annoncé, monsieur le ministre, au-delà du 31 décembre de cette année, les entreprises d’outre-mer entreront dans le dispositif de droit commun, autrement dit le fameux crédit d’impôt compétitivité et emploi. Je ne suis absolument pas persuadé que les 4 % du crédit d’impôt compenseront les 1 500 euros du bonus. Je crains même que cette diminution ne s’accompagne d’une régression de l’activité et de l’emploi pour de nombreuses entreprises.

Vous avez dit, monsieur le ministre, que ces entreprises devaient s’habituer à la sortie du dispositif, c’est vrai. Mais en période de crise, c’est beaucoup plus compliqué qu’en période de croissance. Nous savons bien, nous parlementaires, que sortir d’un dispositif de baisse de charges est toujours extrêmement compliqué et génère beaucoup de tensions.

J’attire donc votre attention sur la nécessité d’informer ces entreprises de la meilleure manière possible. Le dialogue social devra éviter qu’à l’occasion de la transition vers le CICE ne ressurgissent des tensions sociales qui viendraient prendre pour argument le changement de pied de l’État.

À côté du bonus, avait été instauré un autre dispositif, le RSTA, qui a suscité la satisfaction des organisations syndicales et des représentants des salariés. Il avait pour but de lisser le RSA et de l’unifier pour la majorité des travailleurs de ces départements.

Là encore, j’attire votre attention sur le fait que la transition vers le régime commun du RSA risque de créer bien des troubles et bien des déceptions : en effet, ceux qui auront moins considéreront que c’est injuste, tandis que ceux qui auront plus, parce que le nouveau RSA leur appliquera une formule différente, ne s’exprimeront pas.

La mutation que vous engagez est indispensable, je le reconnais. Les accords de 2009 avaient prévu une durée limitée, et je regrette, tout comme vous, monsieur le ministre, que cette mutation n’ait pas été engagée plus tôt. Le calendrier amenant les deux dispositifs à prendre fin en même temps, vous devez avoir conscience que la prolongation que vous nous demandez de voter aujourd’hui risque d’entraîner d’ici quelques mois de fortes difficultés.

En effet, la situation économique des outre-mer n’est pas bonne. D’autres orateurs avant moi l’ont souligné à cette tribune, le chômage et l’absence de croissance sont au rendez-vous. Alors que le taux de chômage est important, l’on ne voit pas venir, dans la politique du Gouvernement, les mesures ambitieuses que nous aurions pu espérer. Nous sommes loin des grands discours en faveur de l’outre-mer, loin des grands engagements.

Le groupe UDI a voté une loi relative à ce que vous appelez la vie chère, monsieur le ministre. Certes, elle a porté quelques fruits, mais vous avouerez qu’ils sont bien maigres comparés au différentiel pesant sur le pouvoir d’achat de nos compatriotes ; or nous espérions une ambition stratégique pour l’économie des outre-mer.

Je reste persuadé que nous ne parviendrons pas à changer la donne si nous restons dans le modèle actuel, celui qui a été géré tant par la gauche que par la droite ces cinquante dernières années. Si nous ne changeons pas de modèle, si nous n’avons pas le courage de susciter un certain nombre de débats sur le modèle économique, sur l’organisation territoriale, sur l’ambition stratégique pour ces territoires, alors nous ne ferons qu’apporter des pansements et soigner quelques blessures.

C’est bien de soigner les blessures, mais il faut également saisir la chance que représentent nos outre-mer pour notre pays. Disposant d’un potentiel d’expérimentation et de développement, ces territoires au cœur de la mondialisation sont les plateformes avancées de la France dans bien des secteurs en pleine croissance, que ce soit dans l’océan Indien, dans les Caraïbes ou dans le Pacifique. Ils doivent devenir de véritables territoires d’ambition nationale, d’expérimentation des politiques en matière de développement durable et de soutien renforcé au développement touristique, représentant pour chacun de ces territoires des mannes d’emplois et de croissance considérables, que nous n’exploitons pas assez – même si, il est vrai, le dispositif actuel, en baissant les charges des entreprises, leur permet d’être plus concurrentiels en matière touristique.

De plus, nous devons développer une ambition en matière agricole et agroalimentaire, afin que le développement endogène, la production agricole et la pêche soient aussi au rendez-vous de l’avenir.

Ce que vous nous présentez manque de souffle, monsieur le ministre. Je veux bien croire que cette mesure d’adaptation est due à la position du Conseil constitutionnel – on la prendra comme telle – mais, trois ans après la LODEOM, dans un monde où les lois doivent être récrites et recalées en fonction d’évolutions très rapides, il nous manque le souffle et l’ambition pour nos outre-mer, il nous manque la vision économique, politique et sociale qui, en changeant le modèle, en l’adaptant au monde qui change, offrirait un espoir à nos compatriotes.

On a le sentiment de courir après la difficulté : gouvernement après gouvernement, on tente de rattraper la misère et la colère, mais sans anticiper, sans se montrer visionnaire, sans capacité de travailler ensemble à un nouveau modèle pour les outre-mer. Pourtant, si tel était le cas, et si telle était la volonté du Gouvernement, le groupe UDI et moi-même serions à votre disposition, monsieur le ministre, pour défendre cette ambition pour nos outre-mer, ce changement de cap, ce changement de modèle économique et social, qui demeurent indispensables pour offrir à nos compatriotes des perspectives d’avenir positives.

Il faut montrer à notre pays dans son ensemble, et notamment à nos compatriotes de métropole, combien les outre-mer sont des terres d’avenir, porteuses d’espoir, de croissance, d’emplois et de potentialités ; combien elles sont au carrefour des évolutions de l’époque, du développement durable, de la mondialisation.

Il est nécessaire d’affirmer pleinement cette vision et cette dimension de notre pays, sans attendre le nouveau clash social ou le nouveau conflit, afin d’apporter des réponses pérennes et durables, comme nous avons essayé de le faire en 2009, plutôt que des réponses partielles, partiales, limitées dans le temps, créant des difficultés, et qu’il faut au bout du compte reconsidérer.

N’avons-nous pas aujourd’hui l’occasion d’apporter ces réponses durables, d’y travailler, afin que l’« après-prime », l’« après-RSTA » soient marqués du sceau d’une volonté profonde de mutation ? Nous ne devons pas nous contenter d’un discours affirmant que l’on tient ses promesses – c’est bien le moins que l’on puisse attendre d’un gouvernement –, ni de quelques mesurettes disséminées ici ou là. Nous devons au contraire porter une ambition profonde, l’ambition d’un nouveau modèle.

Permettez-moi de le dire avec toute la force de conviction de celui qui a vécu des périodes difficiles et qui, avec le recul, a pris le temps de réfléchir et d’examiner la situation, je suis persuadé que nous pouvons faire de nos outre-mer un exemple pour la France. Nous pouvons en effet apporter à nos compatriotes des réponses fortes, puissantes, durables. L’emploi peut être au rendez-vous de l’avenir, à condition de s’en donner les moyens, de sortir du débat droite-gauche et, évitant les mesurettes, d’avoir une ambition puissante.

Le groupe UDI, vous l’avez compris, monsieur le ministre, votera ce texte, mais il considère que l’on peut mieux faire ; qu’il faut aller plus loin, plus vite, plus fort ; qu’il faut avoir plus d’ambition. Si jamais cette ambition était au rendez-vous de l’avenir, sachez que vous me trouveriez, tout comme vous trouveriez le groupe UDI, à vos côtés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus.

M. Ary Chalus. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi tendant à proroger jusqu’au 31 décembre 2013 le régime social du bonus exceptionnel outre-mer, mis en place par l’article 3 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite LODEOM.

Ironie de l’histoire ou choix délibéré, il vous faut savoir, chers collègues, que le 27 mai est une date hautement symbolique et chargée d’histoire pour les Guadeloupéens. C’est en effet à cette date que chaque année, en Guadeloupe, nous commémorons l’abolition de l’esclavage. C’est également un 27 mai, en 1967, que des événements tragiques se sont déroulés lors d’une grève d’ouvriers du bâtiment.

Nos concitoyens porteront donc une attention spéciale au sort de cette loi. L’article 3 de la LODEOM formalisait les accords interprofessionnels signés en 2009 dans les quatre départements d’outre-mer, accords qui tentaient de clore, par la négociation, l’un des épisodes les plus marquants de notre histoire ultramarine.

Un retour sur la séquence des événements de 2009 s’impose ici, car il permet de souligner le caractère indispensable et urgent de la mesure visée par la présente proposition de loi.

Le 20 janvier 2009, une grève générale débute en Guadeloupe et s’étend à la Martinique le 5 février 2009. Les principales revendications de ce mouvement sont la baisse des prix, notamment des carburants et de l’alimentation, jugés abusifs, et une demande de revalorisation des bas salaires.

La caractéristique la plus marquante de ce mouvement social est qu’il est porté par des collectifs regroupant certes des syndicats, mais aussi des organisations associatives, culturelles et politiques représentant légitimement une importante frange de la population : le désormais célèbre LKP de la Guadeloupe, qui regroupait une cinquantaine d’organisations ; le Collectif des organisations syndicales et politiques de La Réunion, ou COSPAR, créé en février 2009 ; le Collectif du 5 février pour la Martinique.

Le 26 février 2009, un accord interprofessionnel est signé pour une augmentation des bas salaires : il s’agit de l’accord Bino, du nom du syndicaliste Jacques Bino, tué par balle le 18 février au cours des nuits d’émeutes que nous ne souhaitons plus revivre. J’y étais personnellement, M. le ministre peut en témoigner ; nous avons vécu des moments très difficiles.

À l’issue de quarante-quatre jours de grève générale en Guadeloupe, un accord est signé le 5 mars 2009 entre le LKP, les collectivités territoriales et l’État. Un protocole de fin de conflit est signé le 14 mars à la Martinique, après trente-huit jours de grève.

Le 10 avril 2009, le Gouvernement annonce l’extension à toutes les entreprises guadeloupéennes de l’accord du 26 février garantissant une hausse de 200 euros sur les bas salaires, jusqu’à 1,4 fois le SMIC, à l’exception de l’article 5 qui prévoyait que ces 200 euros seraient à la seule charge des employeurs au terme des trois ans de l’accord.

La LODEOM a donc repris l’esprit de ces accords, en mettant notamment en place le régime social du bonus exceptionnel. Elle a en outre étendu le dispositif à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.

Ce dispositif incitatif, qui cible les bas salaires, s’appuie sur le versement par les employeurs d’un bonus exonéré des charges sociales à l’exception de la contribution sociale généralisée, de la contribution au remboursement de la dette sociale et du forfait social.

Cela a permis l’abondement, sous conditions et de manière encadrée, des salaires de plus de 200 000 travailleurs ultramarins, le montant de la prime pouvant atteindre 200 euros par mois, contribution de l’État incluse. Or selon l’article 3, ce dispositif est appelé à s’arrêter en 2013, entre les mois de mars et de décembre, selon les dates de signature des accords.

Pourtant, les conditions sociales et économiques à l’origine de la crise sociale de 2009 ne sont pas très différentes de celles qui ont cours aujourd’hui dans les départements et les collectivités d’outre-mer. Le revenu médian des ménages d’outre-mer reste encore inférieur de 38 % à celui des ménages de la métropole.

De plus, parmi les causes du mécontentement d’alors, la faiblesse de l’activité économique et son corollaire, un taux de chômage supérieur à 20 % dans l’ensemble des départements d’outre-mer, font encore partie de la réalité ultramarine.

Notons au passage qu’à l’instar de la métropole, la hausse du chômage semble résister à toutes les mesures prises jusqu’ici. J’ai récemment alerté le Gouvernement sur les conséquences de l’application des règles de recouvrement des dettes sociales des entreprises qui, nombreuses en outre-mer, se retrouvent en situation de dépôt de bilan. Certaines, au premier trimestre de cette année, y ont déjà été contraintes : au cours des trois dernières semaines, une cinquantaine d’entreprises guadeloupéennes ont été liquidées.

De toute évidence, l’interruption, même programmée, de ce dispositif, provoquerait une baisse instantanée et significative du pouvoir d’achat de près d’un quart des familles d’outre-mer, la part des salariés à faible revenu y étant nettement plus élevée qu’en métropole. Cette baisse sensible des revenus des ménages modestes ne fera qu’aggraver une situation plus que précaire, augmentant d’autant le risque d’explosion sociale.

Nous ne souhaitons pas, cette fois-ci, être pris au dépourvu ! Le Gouvernement s’est d’ores et déjà engagé à proroger le dispositif, dans l’attente des effets positifs espérés, sur le coût de la vie, de la loi sur la régulation économique en outre-mer et de la montée en charge des nouvelles mesures prises pour lutter contre le chômage telles que les emplois d’avenir et le contrat de génération.

Bien entendu, ces mesures, pour pertinentes qu’elles soient, ne nous exonèrent pas d’une réflexion plus approfondie et, je l’espère, pragmatique, sur la réalité de nos territoires.

L’examen à venir des textes se référant à l’acte III de la décentralisation devra nous permettre de définir sans tabou ni arrière-pensée les conditions d’une refondation du pacte social dans les territoires d’outre-mer.

Aujourd’hui, il y a urgence. La pertinence du maintien jusqu’au 31 décembre 2013 du dispositif mis en place par l’article 3 de la LODEOM est avérée au vu de la situation économique et sociale des départements et collectivités d’outre-mer.

D’autres éléments contribuent à alourdir le climat économique : la situation du secteur du bâtiment, en panne de commandes publiques ; l’avenir incertain de la défiscalisation et les conséquences du recouvrement immédiat des charges sociales qui pourraient entraîner la disparition de près de 8 000 entreprises et de 20 000 emplois.

Les accords Bino ont une symbolique forte. La non-prorogation constituerait le prétexte attendu pour relancer un mouvement social de plus grande ampleur, dont les conséquences seraient sans doute plus graves et plus désastreuses pour l’outre-mer.

Je vous invite donc, chers collègues, à adopter sans délai la proposition de loi pour la prorogation jusqu’au 31 décembre 2013 du régime d’exonération de cotisations sociales appliquée au bonus salarial exceptionnel versé par les employeurs installés en outre-mer.

Il est vraiment dommage que la Constitution nous empêche d’aller un peu plus loin car sinon, nous vous l’aurions proposé. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la prorogation envisagée jusqu’au 31 décembre 2013 du régime social baptisé « bonus exceptionnel outre-mer » semble faire consensus. J’y souscris également.

Cependant, ce qui me paraît exceptionnel, c’est l’année 2009, une année de mobilisation à nulle autre pareille des peuples de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion.

Si bonus il y a, il n’est pas en tout cas une manne tombée du ciel. C’est plutôt la résultante d’un certain nombre de revendications essentielles cristallisées autour de la vie chère, des conditions de travail, du chômage et de l’attitude provocatrice notoirement affichée de certains patrons d’entreprises. On a frôlé l’embrasement.

Et là, en dehors de l’État, il faut aussi rendre un hommage signalé aux élus, quand bien même il faut déplorer l’utilisation par certains d’entre eux d’une surenchère démagogique peu appropriée à la gravité de la situation.

Cela étant dit, sans les politiques, il n’y aurait pas eu d’accords de sortie de grève. En Guadeloupe, c’est l’accord Jacques Bino, nom de celui qui fut tué par une arme à feu lors des manifestations. À La Réunion, c’est le COSPAR, collectif des organisations syndicales, politiques et associatives réunionnaises. En Martinique, c’est le K5F, collectif du 5 février. Ce rappel n’est pas superflu. Il démontre la symbiose entre toutes les parties pour trouver une solution, ou une sortie honorable à la crise.

À l’époque, le conseil régional de Martinique a fait voter à l’unanimité une dotation rondelette de 17 846 640 euros. Quant au conseil général, sa participation a été de 4 900 000 euros. Je vous laisse juger vous-mêmes de l’effort qui a été réalisé par ces collectivités.

Aujourd’hui, il est fait amplement référence à la loi sur le développement des outre-mer, la LODEOM. L’article 3 de cette loi du 27 mai 2009 reprend les accords signés, reconnaissant par là même de façon implicite le fait syndical martiniquais et guadeloupéen.

La LODEOM se situe donc dans la suite logique des événements qui se sont déroulés. Nécessité a fait loi. Et ce n’est pas le ministre qui pourra dire le contraire puisqu’il était, comme moi, dans la mêlée.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’au moment même où nous nous exprimons, toutes les études, tous les rapports, toutes les enquêtes, toutes les missions, toutes les statistiques aboutissent aux mêmes conclusions : le chômage continue de flamber. En Martinique, aux dernières nouvelles, le nombre de chômeurs avoisine les 52 000. Et ce sont les jeunes qui sont toujours les plus touchés. 52 000 sur une population d’à peine 400 000 habitants : faites le rapport vous-mêmes ! Et on va me dire que la situation s’améliore, alors qu’elle s’aggrave.

La violence s’accroît de façon inquiétante. Le vieillissement de la population s’accélère. Il atteindra tous les records dans deux à trois décennies. Tous les rapports le disent. Chaque jour qui passe voit augmenter le biyé lanterman, c’est-à-dire les avis d’obsèques des entreprises liquidées.

Monsieur le ministre, vous rappelez, pour la circonstance, toute une panoplie de mesures. Permettez que j’en cite quelques-unes : l’observatoire des prix, le bouclier qualité-prix, la priorité au recrutement sur place à compétences égales, l’instauration de davantage de concurrence, la coopération avec les pays riverains tant décriée jusqu’alors – je suis bien placé pour le dire puisqu’on m’a intenté un procès –, la lutte contre les monopoles et l’économie de rente. C’est un pari que vous prenez. Je doute du plein rendement immédiat de ces mesures. Car un pari reste un pari, par ces temps ô combien incertains et imprévisibles.

En conclusion, il manque à ce programme un atout déterminant, celui de la responsabilité martiniquaise, responsabilité pour laquelle je continue d’œuvrer. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Gabrielle Louis-Carabin, rapporteure. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Lebreton.

M. Patrick Lebreton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis aujourd’hui pour procéder à l’examen de la proposition de loi initialement portée par notre collègue sénateur Michel Vergoz.

Je souhaite, en préambule, le remercier de son initiative et de sa ténacité sur ce sujet qui concerne, pour la seule île de La Réunion, 95 000 salariés parmi les plus modestes. Sur tous les outre-mer, trois salariés du secteur sur quatre sont concernés.

Il s’agit d’un sujet majeur. Aussi, je vous remercie, madame la rapporteure, chère collègue Gabrielle Louis-Carabin, de poursuivre ce travail en le portant au bénéfice de tous les ultramarins.

Je souhaite également vous remercier, monsieur le ministre, pour votre détermination à désamorcer une situation explosive.

Contrairement à ce qui a été dit et répété par certains lors de votre dernier déplacement à La Réunion, au mois de novembre 2012, vous n’avez jamais reculé sur cette question du bonus sur les bas salaires dans les outre-mer et des dispositifs qui sont appelés à lui succéder.

Je sais que vous avez même pesé de tout votre poids pour que cette mesure soit examinée en urgence dès lors qu’était connue la décision du Conseil constitutionnel d’annuler, à la demande de l’UMP, pour des raisons de procédure, la décision de prolongation précédente.

Pour que chacun comprenne l’importance de cette démarche, il convient de faire un peu d’histoire – je ne remonterai pas trop loin – et de revenir sur les origines de ce bonus.

Février 2009 : la Guadeloupe s’embrase, suivie de La Réunion, de la Martinique et de la Guyane.

Ce mouvement social est l’un des plus durs de ces trente dernières années. Les ultramarins ont crié leur exaspération face à la vie chère et au véritable racket dont ils estimaient, à juste titre, être les victimes.

Le système des monopoles, des oligopoles, des abus, des marges folles de certains importateurs, distributeurs, des banques, des assurances, des établissements parmi les moins vertueux, étouffait les ultramarins, par ailleurs durement frappés par la crise.

Vous étiez alors à nos côtés, monsieur le ministre, en votre qualité de député et de président de région dans le territoire où avait démarré la crise. Et je me souviens qu’il nous avait fallu faire preuve d’une énergie considérable, d’un véritable acharnement pour être reçus par l’exécutif d’alors, en catimini, et à peine écoutés par le précédent gouvernement.

Cet acharnement, l’intensité du mouvement social, mais aussi et surtout, malheureusement, un drame humain ont conduit à la mise en place de ce bonus temporaire, prévu pour une durée de trois ans.

Je souhaiterais que nous tous ici, comme l’ont fait un certain nombre de nos collègues, ayons une reconnaissance sincère et une pensée émue pour le regretté Jacques Bino, ce syndicaliste, ce militant qui a donné sa vie à son combat.

Cette solution n’était pas pérenne, le gouvernement Sarkozy n’ayant pas l’ambition d’apporter une réponse durable au problème de la vie chère. Mais elle avait pour principale vertu d’apaiser des souffrances trop aiguës, trop anciennes.

Malheureusement, de 2009 à 2012, ce bonus n’a fait qu’accompagner l’immobilisme du pouvoir précédent et que renforcer les positions de quelques grandes fortunes.

N’oublions pas, n’oublions jamais que les représentants de ces grandes fortunes voyageaient à cette époque dans l’avion présidentiel – j’ai eu à souffrir personnellement, dans mes fonctions d’élu de la République, de cette collusion. N’oublions jamais que ces grandes fortunes étaient davantage écoutées et entendues que le courageux ministre des outre-mer d’alors, notre collègue Yves Jégo, qui s’est exprimé tout à l’heure.

Mai 2012 : n’en déplaise à certains, le changement arrive. N’en déplaise à certains, celui-ci est une réalité pour les ultramarins, même si les choses sont dures.

Monsieur le ministre, vous avez, dès votre prise de fonction, fixé le cap, fidèle aux engagements présidentiels, en faisant adopter dans les tout premiers mois de la législature la loi sur la régulation économique dans les outre-mer.

La lutte contre la vie chère était une priorité sur laquelle s’était engagé le Président de la République. Vous avez tenu cette promesse.

Cette loi courageuse est une véritable loi de progrès pour les outre-mer et le pouvoir d’achat des ultramarins. Sans entraver brusquement l’initiative privée et le potentiel de développement de nos territoires, sans stigmatiser la grande majorité des petits entrepreneurs, des PME, des TPE, des producteurs, des agriculteurs ou des petits commerçants, qui se battent courageusement pour exister, vous avez offert les instruments qui doivent permettre, dans la concertation mais aussi dans la raison, de mettre fin aux grands désordres dans les économies et sur les marchés des outre-mer.

La lutte contre la vie chère, vous en avez courageusement posé les bases. C’est maintenant à tous les acteurs de la faire vivre pour que nos territoires puissent enfin entrer dans la normalité, en dépit de leur insularité et de leur éloignement.

La transformation d’un système hérité du colonialisme ne peut se faire en un jour, dit-on souvent. En tout cas, elle ne peut pas se faire sans volonté ni détermination. C’est la raison pour laquelle l’initiative du sénateur Vergoz était fondamentale. Et la quasi-unanimité qui a été obtenue au Sénat est un signe positif.

Chacun l’admet, prolonger le système de bonification était une obligation. Car la vie est encore trop chère dans les outre-mer. Les dispositifs complémentaires n’ont pas encore atteint leur rythme de croisière.

Malgré les critiques et les caricatures mais aussi les accidents, c’est l’ensemble du Gouvernement qui est mobilisé pour l’emploi et le pouvoir d’achat de tous les Français et de tous les ultramarins.

Je sais que vous travaillez actuellement à la montée en puissance et l’adaptation aux particularités des outre-mer du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Le CICE, dont la portée est plus large que le bonus puisqu’il concerne les salariés percevant jusqu’à 2,5 SMIC, est cet instrument qui peut donner de la souplesse aux entreprises et la possibilité de renforcer la rémunération des salariés.

Là encore, vous faites le pari de la responsabilité de tous les acteurs économiques et sociaux. Nous serons à vos côtés pour vous aider à les mobiliser positivement, pour le pouvoir d’achat des ultramarins.

Nous pourrons être à vos côtés car vous avez fait, monsieur le ministre, le choix de la concertation, de l’intelligence collective et de la responsabilité. Cette méthode est en rupture avec les pratiques clientélistes du passé, qui préservaient peut-être le pouvoir d’achat de quelques-uns, mais certainement pas celui de la majorité des Français des outre-mer, constamment appauvris, stigmatisés et insultés.

Monsieur le ministre, le progrès pour les ultramarins est pour nous tous, ici, sur ces bancs, un objectif, une quête, un idéal. Nous travaillerons avec vous pour mettre les outre-mer sur le chemin du progrès réel, celui que chacun, dans nos territoires, appelle de ses vœux. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Mme Sandrine Mazetier remplace M. Christophe Sirugue au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Sandrine Mazetier
vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Nestor Azerot.

M. Bruno Nestor Azerot. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nul n’ignore la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les outre-mer, tant sur le plan économique que sur le plan social. Plusieurs mouvements sociaux importants s’y sont déroulés ces dernières années. Ils nous ont avertis. L’effervescence continue régulièrement de s’y manifester. Les outre-mer sont aujourd’hui, de plus en plus, des poudrières. Monsieur le ministre, vous avez tenté d’apporter une première réponse avec la loi de lutte contre la vie chère, et c’est très bien.

Le Gouvernement a traité spécifiquement la question qui nous occupe aujourd’hui dans la loi instituant les contrats de génération. Malheureusement, le Conseil constitutionnel, pour des raisons purement formelles, a remis en question le dispositif. Il est pourtant essentiel. Et il est surtout urgent.

Institué après les émeutes et mouvements populaires de 2009, cette mesure reste d’actualité. Elle répond à une revendication légitime, reconnue dans les accords de sortie de crise de 2009 et à une situation sociale exceptionnelle.

C’est d’ailleurs pourquoi le dispositif a déjà été prolongé d’un an par l’article 60 de la loi de finances pour 2012. Il risque de s’interrompre aujourd’hui. Une mesure de transition est donc nécessaire pour sortir du provisoire à la fin de l’année 2013.

D’ici là, la loi de régulation économique outre-mer dite « loi de lutte contre la vie chère » sera entrée en application, avec des effets escomptés sur le pouvoir d’achat outre-mer. Le contexte sera-t-il pour autant plus favorable ? Nous ne le croyons pas, car la cherté outre-mer n’est pas un ressenti ou un simple problème conjoncturel. Le retard de développement, cette cherté de la vie, sont intrinsèquement liés à notre situation.

L’originalité de celle-ci a d’ailleurs été reconnue par l’Union européenne, qui nous donne un droit constitutionnel de dérogation en raison de notre insularité, de notre éloignement et de notre retard de développement. Droit d’ailleurs reconnu plus problématiquement par l’État français, au sein duquel on avance vite l’idée d’assistanat, quand il ne s’agit que de retrouver une certaine égalité ou de recourir à la solidarité nationale.

« Maigre rééquilibrage d’équité », diront certains : en effet, le revenu des ménages outre-mer reste inférieur de 35 % en moyenne à celui des autres ménages français. Les produits alimentaires sont 30 à 50 % plus chers dans les DOM qu’en France métropolitaine. Le PIB, lui, reste inférieur de 75 %. Enfin, 60 % des jeunes y sont au chômage : c’est deux fois plus que le taux hexagonal.

Alors, mes chers collègues, votons cette prolongation de mesures temporaires ; assurons cette transition aménagée dans l’intérêt de nos compatriotes des outre-mer ; remercions le Premier ministre de respecter à nouveau son engagement pris le 10 décembre 2012, lors de la Conférence économique et sociale sur les outre-mer. Remercions aussi M. le ministre pour son engagement au service des outre-mer, ainsi que la rapporteure pour la qualité de son travail, et disons clairement que nous voterons cette disposition, sans changement.

Elle apportera un soulagement temporaire à 75 % des salariés des outre-mer et à près de 20 000 entreprises.

Cependant, monsieur le ministre, il ne s’agit là que d’une mesure transitoire, en attendant que la loi de lutte contre la vie chère soit mise en œuvre activement et que les décrets d’application soient tous publiés.

Certes, j’ai déjà noté avec satisfaction que le bouclier qualité-prix est en œuvre depuis mars. Certes, j’ai aussi noté que des mesures sont à venir sur l’ouverture des marchés insulaires à la concurrence, et c’est bien. Mais où en est-on du suivi de l’application du texte à ce jour ?

Enfin, au-delà de ces avancées partielles, je réitère mon souhait de voir rédiger d’urgence une grande loi globale de développement économique pour l’outre-mer. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Orphé.

Mme Monique Orphé. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le texte examiné cet après-midi concrétise une des annonces faites par le Premier ministre lors des ateliers de restitution de la Conférence économique et sociale sur les outre-mer qui se sont tenus le 10 décembre dernier. Une annonce accueillie, il faut le dire, avec satisfaction et soulagement chez les bénéficiaires des dispositifs RSTA et COSPAR.

Vous l’avez rappelé, ces bonus ont été mis en place en 2009 dans les territoires ultramarins à la suite de mouvements sociaux d’ampleur : des manifestations qui ont traduit un malaise social lié entre autres au coût de la vie et à la faiblesse des revenus. Il faut rappeler que le revenu moyen des ménages domiens est en effet de 38 % inférieur à celui des ménages hexagonaux, quand les prix alimentaires sont supérieurs de 30 à 50 % : deux inégalités, parmi beaucoup d’autres, qui minent nos territoires et sont de plus en plus mal supportées par la population.

Ces inégalités se sont aggravées aujourd’hui dans un contexte de crise sociale et économique mondiale qui touche de plein fouet nos territoires. Les troubles survenus à La Réunion depuis le début de l’année nous l’ont rappelé. L’urgence est devenue permanente.

Une urgence à l’égard de notre jeunesse, en plein désarroi, touchée par le chômage : un taux de 60 %, c’est insoutenable. Le Gouvernement a déjà montré sa volonté d’agir en mettant en place de nombreux dispositifs : 5 000 emplois d’avenir et les contrats de génération. J’insiste à nouveau dans cet hémicycle pour demander une solidarité pleine et entière avec notre jeunesse.

Une urgence, ensuite, à l’égard de nos entreprises, qui tirent la sonnette d’alarme. Nous connaissons tous, là encore, les spécificités de nos entreprises réunionnaises : 90 % sont de moyenne et petite, voire de très petite taille. Et ce sont elles qui sont les plus touchées par la crise. Ce ne sont certes pas les grands plans sociaux que nous connaissons ici, dans l’Hexagone, mais une à une, en silence, elles ferment leurs portes, détruisant encore un peu plus le tissu économique et social.

En 2011, 2 400 entreprises ont été radiées du registre du commerce. Selon la Caisse générale de sécurité sociale, près de 8 000 entreprises réunionnaises doivent 1,2 milliard d’euros à divers organismes fiscaux et sociaux. Elles devraient profiter d’un accompagnement par la Banque publique d’investissement et, là encore, elles attendent la déclinaison du pacte compétitivité emploi dévoilé par le Gouvernement. Ces mesures doivent se concrétiser rapidement dans nos territoires, si nous voulons stopper l’hémorragie des fermetures d’entreprises.

Une urgence sociale, enfin, à l’égard de la moitié de notre population qui vit avec moins de 800 euros par mois et qui doit faire face au coût de la vie.

C’est ce contexte qui justifie la volonté de ce gouvernement de prolonger ce bonus jusqu’à la fin 2013. Ce bonus représente en effet une bouffée d’oxygène pour les 165 000 salariés d’outre-mer qui en bénéficient. À La Réunion, cela concerne trois salariés sur quatre. Ce bonus contribue aussi à soutenir nos économies locales. À La Réunion, cela représente, d’après une source syndicale, près de 100 millions d’euros injectés chaque année dans l’économie.

Arrêter brutalement ce dispositif aujourd’hui, alors qu’il n’y a aucune amélioration du côté de l’emploi ou de la croissance, aggraverait encore davantage les tensions sociales.

Bien sûr, nous sommes conscients que le proroger indéfiniment n’est pas satisfaisant non plus et ne règle rien à long terme. On ne résout pas les problèmes de l’emploi et de la croissance en ajoutant de manière superficielle des primes aux revenus.

Pour assurer la transition, le Gouvernement a donc ouvert plusieurs chantiers, dont le crédit d’impôt compétitivité emploi, que j’ai déjà cité, mais aussi celui sur la vie chère et la lutte contre les monopoles.

Certaines initiatives ont déjà porté leurs fruits, puisque les accords boucliers qualité-prix signés en mars ont permis des baisses de l’ordre de 10 à 15 % des prix outre-mer. À La Réunion, les quelques données disponibles montrent que les ventes sur les produits ciblés ont progressé d’au moins 50 %, encourageant ainsi la production locale.

Mais il faut, sur ce sujet du coût de la vie, aller plus loin. Il faut agir sur ce qui impacte fortement les revenus des ménages : le coût du logement social, qui devient de moins en moins accessible aux ménages les plus modestes et les plus pauvres, le coût de l’énergie, de la téléphonie... Les négociations en cours sur le prix du carburant aboutiront, je l’espère, à diminuer les coûts de manière globale.

Ces efforts doivent être associés à une réflexion plus générale sur le niveau des revenus à La Réunion. L’INSEE fait apparaître que la proportion de salariés du secteur privé couverts par une convention collective est inférieure à 60 % en outre-mer, contre 80 % pour l’ensemble de la France.

Il faut aussi réfléchir à des solutions plus pérennes pour relancer l’activité économique dans nos territoires et soutenir l’emploi. Les pistes sont connues. Au cours de ce mois, notre collègue Serge Letchimy devrait rendre son rapport sur les échanges commerciaux entre le marché intérieur des collectivités d’outre-mer et ceux des États voisins. Nous aurons, je l’espère, des propositions concrètes pour faciliter au sein des grandes régions du monde, Caraïbes, Pacifique, océan Indien, Océanie, des échanges directs avec nos territoires d’outre-mer.

Plus généralement, nous devons trouver des pistes, et le courage de refonder notre modèle économique en promouvant des filières économiques nouvelles, écologiques et non délocalisables.

Il est difficile de prévoir les effets liés à la fin du dispositif COSPAR en décembre 2013 et de savoir si les mesures prises par le Gouvernement suffiront à pallier ceux-ci. Néanmoins, ce qui est sûr, c’est que nous devons poursuivre nos engagements envers l’outre-mer afin de relancer de manière durable et efficace l’activité économique dans nos territoires, garantissant ainsi un retour à l’emploi et une plus grande cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, en 2009, une vingtaine de policiers blessés, une vingtaine d’interpellations : le résultat d’une frustration grandissante, qu’on ne peut plus contenir suite aux problèmes de pouvoir d’achat.

Pour mettre fin à cette situation, le bonus COSPAR a été mis en place, une mesure significative d’une réunion inédite, en tout cas nouvelle sur nos territoires, avec le MEDEF et les syndicats de salariés, qui ont signé le 25 mai 2009 un accord régional interprofessionnel relatif à la revalorisation salariale à La Réunion.

Il prévoit un bonus de 50 à 60 euros, en partie exonéré de charges sociales. À La Réunion, 45 000 salariés du secteur privé étaient concernés par cette mesure.

C’était un acte politique par lequel un gouvernement faisait un geste de solidarité à l’égard des populations ultramarines, en apportant son soutien à des négociations entre partenaires sociaux. C’était un accord transpartisan, au regard des difficultés importantes et récurrentes de nos territoires, qui a porté ce bonus. C’est un accord transpartisan qui devrait aussi, je l’espère, permettre aujourd’hui de le prolonger.

Malgré la censure constitutionnelle, pour des raisons de forme, du dispositif de reconduction de ce bonus, la volonté du Gouvernement, celle du Premier ministre et la vôtre, monsieur le ministre, de se tenir aux côtés des populations des outre-mer dans cette crise n’ont jamais été démenties.

C’est en effet ce gouvernement qui, avec la loi de régulation économique outre-mer, s’est attaqué aux monopoles et oligopoles dont les marges importantes dévorent le pouvoir d’achat des Domiens. C’est ce gouvernement qui se bat pour maintenir l’octroi de mer. Il s’est saisi de la question de l’aide aux investissements et, aujourd’hui, du bonus COSPAR.

Bien souvent, l’origine des émeutes qui secouent nos îles réside dans la désespérance des familles, dans la frustration d’une partie de la population d’être exclue de nos sociétés qui avancent.

Le nouveau gouvernement a pris toute la mesure de ces difficultés ; c’était d’ailleurs un engagement du Président de la République de travailler pour plus de justice entre l’hexagone et les outre-mer.

Chers collègues, je voudrais appeler votre attention sur un indicateur : l’indice de développement humain, qui fait état d’un décalage de vingt et une années entre le développement de La Réunion et celui de l’hexagone. Ce même indicateur place La Réunion en sixième position des régions ultrapériphériques sur un total de sept régions.

En tant qu’élue de la République, je suis blessée et indignée de voir des citoyens français qui ne peuvent manger à leur faim, qui ne peuvent profiter de la culture, qui, malgré qu’ils travaillent, ne peuvent se loger dans des conditions dignes parce que, comme l’a indiqué ma collègue, nous avons un véritable problème de coût des loyers pour les familles en outre-mer.

Avant-hier encore, j’ai été profondément attristée, en regardant un reportage diffusé sur le site Internet d’un grand média, de voir des Réunionnais contraints de fouiller dans les ordures pour trouver de quoi se nourrir. Ceux qui fouillaient étaient aussi des travailleurs pauvres victimes à la fois de leurs salaires trop bas et des prix trop élevés des produits de consommation courante.

Alors certes, on peut nous reprocher que le COSPAR soit un bonus et qu’il s’agisse d’un dispositif temporaire. Mais la situation économique et sociale de La Réunion, malgré les efforts sans précédent du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, n’est pas encore stabilisée.

De nombreuses mesures ont été prises : la loi relative à la régulation économique outre-mer, la loi portant création des emplois d’avenir et bientôt, je le souhaite, la garantie jeunes, mais aussi, en faveur des entreprises, des dispositifs tels que le CICE ou la Banque publique d’investissement, attendue avec beaucoup d’impatience par les TPE et PME.

En attendant les effets bénéfiques de ces lois, il faut maintenir ce dispositif transitoire. Nous devons travailler encore et encore pour que le temporaire ne soit plus nécessaire.

Je tiens à remercier le Gouvernement, en particulier le ministre Victorin Lurel, d’avoir posé cet acte politique fort de solidarité, mais surtout de s’être saisi des problèmes structurels de nos territoires, ce qui nous permettra, une fois que la situation se sera stabilisée, de mettre fin à un dispositif transitoire insupportable pour la dignité de nos territoires. Bien entendu, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, ceci est une « session de rattrapage ». Espérons qu’il ne faudra pas déposer un projet ou une proposition de loi chaque fois qu’un amendement gouvernemental intégré dans un texte et considéré comme indispensable sera jugé hors sujet par le Conseil constitutionnel. Il est vrai qu’on aurait peut-être pu inscrire cette mesure dans le budget de la mission outre-mer au sein de la loi de finances pour 2013 plutôt que d’utiliser un véhicule législatif hasardeux. Tâchons d’en tirer les leçons.

L’essentiel est toutefois que la prorogation jusqu’à la fin de l’année 2013 du régime social du bonus exceptionnel outre-mer soit bien votée, et qu’elle le soit rapidement. À cet égard, mes chers collègues, je vous invite à suivre la sagesse de Mme la rapporteure en procédant à une lecture conforme et, bien sûr, unanime du texte adopté par le Sénat puis par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Il s’agit aussi d’un engagement du Premier ministre, qui est venu l’annoncer en personne devant nous le 10 décembre dernier lors de la restitution de la conférence économique et sociale des outre-mer. Le contexte est cependant resté difficile dans les outre-mer après les mouvements sociaux qui se sont exprimés en 2009 et poursuivis en 2010 à La Réunion, à l’automne 2011 à Mayotte puis de nouveau au début de l’année 2012 à La Réunion et aux Antilles.

Quel était le premier facteur déclenchant de ces mouvements ? La vie chère. Oui, mesdames, messieurs les députés, nous ne pouvons pas rester sourds au fait que dans les outre-mer, où vivent 2,5 millions de nos compatriotes, les prix à la consommation soient prohibitifs alors que le PIB par habitant dépasse difficilement la moitié de celui de l’hexagone et que le taux de chômage global oscille entre le double et le triple du taux métropolitain.

En outre, cela ne doit pas nous faire oublier que le taux de chômage des jeunes atteint souvent 60 % dans plusieurs de nos collectivités ultramarines ; nous pouvons qualifier une telle situation de véritable bombe à retardement.

Faible niveau des revenus, infériorité de la production intérieure, forte supériorité du taux de chômage : tous ces indicateurs ont un impact direct sur le pouvoir d’achat de nos compatriotes d’outre-mer. Ajoutons que les bas revenus touchent une part beaucoup plus importante de la population dans les outre-mer que dans l’hexagone : les revenus inférieurs à 9 400 euros concernent entre 47 % et 53 % de la population active outre-mer, contre 24 % de la population active en métropole.

Cela ne veut pas dire que la vie est plus facile ici. Je serais moins légitime que mes collègues représentants les collectivités ultramarines et que Mme la rapporteure pour dire la difficulté de la vie des couches populaires dans la Caraïbe, l’océan Indien ou le Pacifique. En revanche, en tant que député du territoire de l’Allier, situé au centre géographique de l’hexagone, et représentant à ce titre, comme chacun d’entre nous, la République tout entière, je suis légitime pour affirmer que l’objectif d’égalité dans la République doit être le même pour tous.

Certes, le chemin pour y parvenir est plus ou moins long selon les territoires. La longue marche pour l’égalité sociale a commencé depuis plus longtemps aux Antilles ou à La Réunion qu’à Mayotte, par exemple. Mais quel que soit le statut institutionnel des territoires, l’objectif doit rester le même : l’égalité des citoyens dans la diversité de notre République. Et si parfois il faut des coups de pouce, ils relèvent de notre responsabilité collective. Les problèmes de l’outre-mer sont les problèmes de la République tout entière. Cela s’appelle la solidarité.

Puisque je suis sorti voilà quelques instants des auditions de la délégation aux outre-mer sur la défiscalisation – c’est la raison pour laquelle je suis arrivé en retard en séance –, permettez-moi d’anticiper sur la suite en gardant à l’esprit les débats du mois de novembre dernier. Oui, les outre-mer bénéficient de dispositifs dérogatoires pour encourager les investissements – notamment dans le logement, domaine dans lequel on connaît leurs besoins immenses –, et donc l’emploi. Oui, certains riches contribuables utilisent ces dispositifs pour payer moins d’impôts : ce sont les niches fiscales.

En cette période de grande moralisation et de rappel de la responsabilité de chacun devant l’impôt, prenons garde de ne pas confondre nos collectivités d’outre-mer, des territoires français, avec les vrais paradis fiscaux voisins, même si la végétation y est la même. Les avantages fiscaux de nos territoires, qui sont la contrepartie de handicaps réels – distance, héritage des économies de comptoir, etc. – ne sauraient être considérés comme des dispositifs de dissimulation fiscale. Il faut les réduire progressivement au bénéfice de la production locale, mais nous ne pouvons les supprimer brutalement au nom de je ne sais quelle bonne conscience : ce serait recréer les conditions des émeutes de 2009.

Pour conclure, comme je vous invitais au début de mon intervention à voter ce texte à l’unanimité, j’en appelle à notre sagesse collective pour que les outre-mer ne subissent pas les conséquences des turpitudes de quelques contribuables métropolitains indélicats.

Depuis l’arrivée de la nouvelle majorité, la bonne approche a été initiée : s’attaquer aux causes structurelles des déséquilibres des économies d’outre-mer. C’était l’objet de la loi sur la régulation économique, dont la promulgation a été immédiatement suivie de la publication d’un décret d’application ; c’est suffisamment rare pour que nous en rendions hommage à Victorin Lurel. Les résultats ne se feront toutefois ressentir ni tout de suite ni tous seuls : les citoyens, les consommateurs, les producteurs doivent s’emparer des nouveaux outils que la loi leur a donnés, et ce au bon rythme, c’est-à-dire sans immobilisme ni précipitation. En attendant, veillons à ne pas dégrader un pouvoir d’achat déjà si fragile outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais simplement répondre à M. Jégo, un collègue sur lequel on peut compter, puisque, comme nous, il a voté la proposition de loi visant à prohiber la différence de taux de sucre entre les produits de l’outre-mer et ceux de l’hexagone.

Il disait tout à l’heure qu’on avait besoin d’une ambition pour l’outre-mer ; je souhaitais lui indiquer qu’il pouvait nous faire confiance. Nous savons pouvoir compter sur lui, mais il peut compter sur nous pour être ambitieux dans ce domaine : outre les mesures conjoncturelles comme celle que nous nous apprêtons à voter aujourd’hui, des réformes structurelles ont été entreprises qui bénéficieront à l’outre-mer, comme l’ont rappelé plusieurs orateurs de la majorité. Je pense aux contrats de génération, aux emplois d’avenir, mais également aux circuits courts dans la distribution – Mme Orphé les a mentionnés dans la discussion générale – puisqu’un espace sera désormais réservé aux produits locaux dans une logique de développement durable. M. Jégo peut donc nous faire confiance…

M. Alain Chrétien. Ne parlez pas aux absents !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …même s’il n’a pas toujours été au rendez-vous lorsqu’il était aux affaires. Nous savons en tous les cas que nous pouvons compter sur lui, comme il l’a montré lors du vote de la proposition que j’ai mentionnée ; je regrette d’ailleurs que l’UMP ne l’ait pas votée. Chers collègues de l’opposition, vous avez manqué un rendez-vous sur le plan de la santé publique et je ne peux que le déplorer…

M. Alain Chrétien. Ne mélangez pas tout !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Une politique, c’est un tout, monsieur le député. Quand on veut une République une et indivisible, cela passe aussi par des taux de sucre équivalents dans les produits vendus dans l’hexagone et dans ceux qui sont vendus outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Mesdames, messieurs les députés, j’aimerais remercier l’ensemble des parlementaires présents, l’ensemble des groupes qui ont décidé de voter ce texte. Il a été, je le rappelle, voté à l’unanimité au Sénat. J’espère que nous aurons à connaître le même bonheur dans cet hémicycle.

Je remercie tous les orateurs qui ont dit leur fait et exprimé leur conviction profonde ; je comprends cela.

Je ne voudrais pas tirer à moi toute la couverture : je rappelle qu’un certain nombre d’entre vous, parlementaires, anciens présidents de région ou anciens membres d’exécutifs locaux, ont été aussi des acteurs importants des mouvements sociaux de 2009, auxquels j’ai également participé, de ma petite place.

Je tiens à prendre le temps de répondre aux orateurs car, au-delà du texte que vous vous apprêtez à voter, c’est une part de l’histoire de France, de l’histoire de toutes nos régions dont il est question, et dont le moteur a été proprement interne.

Quand j’entends le ministre qui était en exercice à l’époque monter à la tribune et – je m’exprime ici avec quelque émotion – pratiquer, si j’ose dire, l’histoire contrefactuelle en donnant l’impression qu’on a tout inventé, je ne peux que le contredire, car c’est la lutte des travailleurs qui a été à l’origine de ce texte. D’ailleurs, lorsqu’on a mis en place le fameux RSTA, le revenu supplémentaire temporaire d’activité, c’était pour remédier au fait que le RSA n’existait pas dans les départements d’outre-mer et les collectivités d’outre-mer. Cela avait été décidé à l’époque contre toute attente et malgré l’énergie et l’ardeur déployées à gauche de cet hémicycle. Pour que le RSA s’applique dans les outre-mer, on a dû attendre plus d’une année, et les modalités de l’aide n’ont d’ailleurs pas été similaires à celles qui étaient appliquées en métropole. Un parlementaire en mission avait été nommé à cette fin et il a fallu attendre la publication de son rapport. Il n’y avait donc pas véritablement de sortie.

Quand j’entends cet ancien ministre affirmer que la mesure était partielle, que ce que nous proposons aujourd’hui est partiel, partial et insuffisant, mais c’est lui qui l’a inventée. Je rappelle qu’il y a eu quarante-quatre jours de grève en Guadeloupe, trente-huit en Martinique, autant à La Réunion et, un peu plus tard, quarante-six jours de grève à Mayotte. Le ministre en exercice avait alors attendu quatorze jours pour se rendre en Guadeloupe puis en Martinique ; on oublie cela.

M. Alain Chrétien. Puisque vous voulez que nous votions, ne faites pas de procès !

M. Victorin Lurel, ministre. Il faut le rappeler, c’est l’histoire, monsieur ! Je sais en effet que des ouvrages ont été écrits sur le sujet et qu’ils sont fictionnels. On n’a pas dit la vérité !

M. Alain Chrétien. N’engagez pas la polémique !

M. Victorin Lurel, ministre. Lorsqu’on se donne ici, si j’ose dire, le beau rôle, lorsqu’on dit que l’actuel gouvernement manque de souffle, c’est qu’on ne manque pas d’air, monsieur ! Je le dis comme je le pense. Il faut rétablir la vérité. On n’avait en effet pas prévu la sortie de ce dispositif.

Dans la LODEOM – la loi d’orientation sur le développement économique des outre-mer – qui compte 76 articles, le premier, qui s’inspirait de l’article 410-2 du code de commerce n’est tout simplement pas applicable. On l’a fait astucieusement – si j’ose dire – pour tromper les élus. Ce texte étant inapplicable, nous avons dû reprendre et sa rédaction et sa philosophie pour l’intégrer dans la loi de régulation économique. Nous avons même dû ajouter un autre chapitre, inventer les injonctions structurelles et instiller une belle dose de concurrence dans ces économies de rente que sont les économies d’outre-mer.

Nous allons changer tout cela. Ce sont certains amis qui viennent aujourd’hui faire jouer les intérêts corporatistes pour empêcher certains décrets de sortir. Je rappelle que la LODEOM a été promulguée en 2009, deux ans après l’élection de Nicolas Sarkozy. Elle nécessitait une cinquantaine de décrets d’application. En 2012, à la veille de l’élection présidentielle, les décrets n’étaient pas encore pris ; certains arrêtés et circulaires ne le sont toujours pas. Le résultat ? Trois milliards de dettes sociales, dont un milliard en Guadeloupe, 800 millions en Martinique et à peu près un milliard à la Réunion ! Quant à la concurrence, les lobbies et les rentiers sont plus nombreux que jamais. Et l’on vient nous donner des leçons et nous dire que cela manque de vision et de souffle ?

M. Alain Chrétien. C’est hors sujet !

M. Victorin Lurel, ministre. Pas du tout. J’ai lu qu’il faudrait une ambition : elle existe, elle est même à l’œuvre depuis onze mois ! Mais pour transformer les structures, la volonté politique, ici, ne suffit pas : il faut aussi que des propositions émanent du terrain et que des initiatives soient prises sur place.

Je rappelle que d’aucuns ont demandé que les zones franches d’activité soient efficientes. Elles ont donc été exonérées de taxe professionnelle. Mais cela relevait du virtuel, voire du fictionnel. Les zones franches d’activité n’ont aucune existence réelle.

Et après cela, on viendrait nous donner des leçons ? Je me tiens là, devant vous, avec – pardonnez-moi de le dire – quelque fierté. En ce début de législature, nous avons très rapidement présenté un texte de fond, qui a du souffle, une ambition, qui porte une vision. Cette loi-là sera réellement appliquée si les élus de vos régions s’en emparent, si les organisations de consommateurs, les clients, la font leur. Elle nécessite seulement quatre décrets d’application : un premier est déjà sorti, le décret sur l’observatoire des prix sera bientôt signé. Je vous remercie tous pour votre compréhension et pour votre sagacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Nestor Azerot. Très bien.

M. Alain Chrétien. Nous ne sommes pas venus pour recevoir des invectives. Je m’abstiendrai !

Mme la présidente. J’appelle maintenant dans le texte de la commission l’article de la proposition de loi.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Boinali Said.

M. Boinali Said. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, la prolongation de ce bonus est une avancée sociale pour les salariés ultramarins qui en sont bénéficiaires.

Dès lors que sa mise en place nécessite la validité d’un accord interprofessionnel signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, l’extension de ce dialogue social, indispensable pour les parties concernées, trouverait pleinement son écho à Mayotte.

En effet, l’article L. 132-11 du code du travail applicable dans ce département s’inspire de l’article L. 2232-2 du code du travail de droit commun. Les organisations syndicales représentatives de Mayotte et les employeurs pourraient parvenir à un accord afin de créer ce bonus.

Il va de soi que son extension soulagerait beaucoup de ménages mahorais compte tenu de l’augmentation continue des prix, et ce malgré les négociations annuelles obligatoires instaurées par la loi « contre la vie chère » du 20 novembre 2012.

Par ailleurs, ce bonus étant financé par le programme « Emploi outre-mer » sur les crédits de l’État de la mission « Outre-mer », les salariés mahorais sont en droit d’attendre l’attribution d’une telle prime.

De plus, la tolérance dont l’administration fait preuve à l’égard des entreprises de petite taille, qui peuvent accorder de manière unilatérale ce bonus, montre que Mayotte pourrait appliquer ce dispositif préalablement à un accord interprofessionnel.

Toutes les conditions sont donc remplies pour étendre ce bonus, ou une mesure similaire, dans ce département. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ary Chalus.

M. Ary Chalus. Madame la présidente, je souhaite simplement remercier et féliciter les députés qui ont pris la parole dans l’intérêt des outre-mer. Je veux aussi rappeler à notre rapporteure, que je félicite, que régions et départements avaient contribué, à l’époque, à cette prime, sans compter les 12 millions d’octroi de mer consentis par les communes pour calmer le jeu.

Je dois aussi dire la tristesse qui est la mienne de constater le manque d’intérêt porté ici à l’outre-mer. Sur la représentation d’outre-mer, qui compte 63 élus, nous ne sommes même pas une vingtaine dans l’hémicycle. Je souhaiterais qu’à l’avenir, nous portions plus d’attention à l’outre-mer, une richesse pour la France, et un atout gagnant lors des sénatoriales et de la présidentielle.

J’espère que, dans l’intérêt de l’outre mer, ce texte sera adopté à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Victorin Lurel, ministre. Monsieur Said, il n’y a pas eu d’accord interprofessionnel signé à Mayotte. Mayotte n’est devenue un département qu’en 2011, me semble-t-il, et vous observerez que cet accord interprofessionnel ne s’applique pas dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie. Il existe aussi à Mayotte un dispositif spécifique qui fait que les charges sociales – 7,6 % – sont nettement plus faibles que dans l’ensemble des autres territoires – 22 % en moyenne. Enfin, le RSA, étendu à Mayotte, a vu son montant très sérieusement revalorisé cette année, avec pour objectif la convergence des prestations sociales, conformément à l’engagement pris par le Président de la République.

Monsieur Chalus, je m’offusquais moi aussi lorsque j’étais député du peu d’assiduité de nos collègues sur les textes relatifs à l’outre-mer. Mais c’est parfois un nombre très limité de députés, les spécialistes de la question, qui examinent les textes importants. En tout cas, je note que, depuis le début de cette législature, beaucoup de parlementaires élus de l’hexagone viennent discuter les textes de l’outre-mer. Merci à vous tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je rappelle que la commission a maintenu la suppression de l’article 2.

Sur l’article 1er de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’article unique de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 44

Nombre de suffrages exprimés 38

Majorité absolue 20

(L’article 1er est adopté et la proposition de loi est ainsi rédigée.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Infrastructures et services de transports

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports (nos 728, 850, 844).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, messieurs les présidents de commission, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les parlementaires, je m’adresse à vous aujourd’hui pour vous présenter le projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transport. Il s’agit là du premier texte que je soumets à la représentation nationale. Nous avons déjà eu l’occasion, en commission du développement durable, d’examiner le texte sur le fond. J’ai pu y apprécier l’implication des parlementaires. Je vous en remercie mais, vous le savez bien, l’examen en séance donne corps à notre travail et à notre action. C’est important car ce projet de loi a une vraie ambition politique, illustrant notre volonté d’agir dans ce domaine.

De par sa mesure phare, la mise en place effective de l’écotaxe poids lourds, il poursuit avant tout l’objectif de renforcer la prise en compte du développement durable dans le secteur des transports.

Ce texte revêt également une dimension sociale sur laquelle je reviendrai.

Il ne s’agit pas là d’un texte simplement technique même si bon nombre de dispositions revêtent ce caractère. C’est véritablement un texte d’orientation portant une véritable ambition politique.

Entrons, puisque le débat nous y conduira rapidement, au cœur du sujet : le fameux article 7 et l’écotaxe poids lourds. Au vu du nombre d’amendements qui ont été déposés sur cet article, j’ai cru remarquer l’intérêt parlementaire pour cette disposition précise. C’est le premier sujet qui vous mobilise.

M. Thierry Benoit. Vous avez bien noté.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il s’agit, par cette disposition, de mettre concrètement en place une mesure du Grenelle de l’environnement, votée à l’unanimité en 2009 par le Parlement et qui devait initialement entrer en vigueur en 2011. Elle a cependant été repoussée à plusieurs reprises.

Vous le savez, puisque nous souhaitons tous soutenir cette disposition votée à l’unanimité, le principe de l’écotaxe tend à ce que les transporteurs et les utilisateurs paient le juste prix de l’infrastructure. Nous le savons aujourd’hui, les transporteurs et les utilisateurs de poids lourds ne couvrent pas tous les coûts d’usage de la route. C’est un fait. Le transport routier coûte dès le premier kilomètre parcouru et la différence est supportée par le budget de l’État et celui des collectivités. Aussi, en laissant les poids lourds rouler avec un signal prix trop faible par rapport au coût réel qu’ils engendrent, on a peut-être favorisé le développement excessif du transport routier…

M. Marc Le Fur. Et l’augmentation du gazoil ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …sans chercher à mobiliser toutes les possibilités d’optimisation – en termes de logistique, d’organisation des tournées, de recherche d’une meilleure combinaison entre les modes de transport. Une forte ambition s’est affirmée mais elle ne s’est que peu concrétisée sur le terrain. L’écotaxe poids lourds vise en particulier à corriger cette situation. Il s’agit, avant tout, d’une fiscalité écologique.

M. Bertrand Pancher. Nous verrons bien.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. C’est la première et il était temps ! Si la France a fait, ces dernières années, de très nombreuses et louables déclarations d’intentions en la matière, rien, concrètement, n’a été mis en place et notre pays connaît aujourd’hui beaucoup de retard sur ce sujet.

Rappelons que nous étions, en 2010, à l’avant-dernière place des pays de l’Union européenne pour ce qui concerne le poids de la fiscalité environnementale dans la richesse nationale, soit 1,86 % pour une moyenne au sein de l’Union européenne, de vingt-sept pays, à 2,37 %. D’ailleurs, six pays ont d’ores et déjà mis en place l’écotaxe poids lourds.

M. Bertrand Pancher. Ce n’est pas beaucoup.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il en est ainsi de la Suisse depuis 1999. Elle ne fait pas partie de l’Union européenne mais nous sommes voisins et nous partageons des enjeux de transports importants.

M. Thierry Benoit. Des transports de fonds. (Sourires)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Elle fut suivie par l’Autriche en 2004, l’Allemagne en 2005, la République Tchèque en 2007, la Slovaquie en 2010 et la Pologne en 2012. La France n’a pas agi à ce niveau. Il est donc temps pour nous de passer de l’affichage à la concrétisation.

Il s’agit d’une fiscalité écologique parce que, précisément, son barème dépend de critères comme la taille et la performance environnementale du véhicule. Cette taxe va donc inciter à la modernisation du parc des poids lourds – je tiens à le réaffirmer ici, comme je l’ai fait devant les commissions, car j’entends certains d’entre vous, d’ailleurs à l’origine de cette mesure, dire, peut-être par calcul et parce que le contexte a changé, que l’écotaxe s’est éloignée de son objectif initial.

M. Martial Saddier. C’est la vérité !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je vous apporterai la démonstration du contraire, monsieur Saddier. J’ai l’ambition de vous convaincre et de vous ramener à vos propres déclarations d’il y a quelques temps.

L’écotaxe poids lourds n’est cependant efficace que si elle est équilibrée, et je ne souhaite pas que cette nouvelle fiscalité pèse sans discernement sur les petites entreprises du transport routier de marchandises. Cette nécessité de répercuter l’écotaxe a d’ailleurs été identifiée dès le début de notre réflexion ; elle était d’ailleurs inscrite dans la loi Grenelle I – M. Saddier l’a rappelé en commission, la semaine dernière.

Les marges des entreprises de transport routier de marchandises, sont déjà extrêmement faibles, et ces dernières ne peuvent supporter de charges nouvelles si elles n’ont pas la garantie de pouvoir les répercuter sur leurs clients.

M. Thierry Benoit. Mais qui paie ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. La difficulté dans laquelle se trouvent les entreprises de transport routier est réelle. Elles ont connu en 2012 un repli d’activité substantiel, une baisse de près de 10 % en tonnes-kilomètres sur les trois premiers trimestres de l’année par rapport à la même période en 2011. Il aurait donc été injuste socialement et dangereux économiquement de faire peser l’écotaxe sur les seuls transporteurs routiers. C’est un secteur important de notre économie qu’il faut aider à se moderniser et à relever les défis qui sont les siens ; ce sont quarante mille entreprises, qui représentent quatre cent mille salariés et contribuent à l’aménagement de notre territoire en irriguant jusqu’à ses portions les plus éloignées.

Le mécanisme de répercussion prévu par le précédent Gouvernement, dans un décret publié – ça ne s’invente pas ! – le 6 mai 2012, n’était pas satisfaisant.

M. Martial Saddier. Nous avons travaillé jusqu’au dernier moment !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Sans doute est-ce dû à la précipitation dans laquelle a été publié ce décret, marque de confiance que vous adressiez à la future majorité…

En effet, le dispositif qu’il proposait était complexe, coûteux et difficile à mettre en œuvre. Il a d’ailleurs rencontré l’hostilité unanime de tous les professionnels, transporteurs et chargeurs.

Trois modes de répercussion étaient prévus dans le décret initial, et chaque transporteur, qu’il s’agisse d’une grande flotte ou d’une petite entreprise, devait présenter à son chargeur le coût de l’écotaxe correspondant au transport effectué pour lui, alors qu’on sait bien qu’un même véhicule peut livrer plusieurs clients, qui n’achètent pas le transport pour les mêmes parcours ni les mêmes destinations. Bref, il était impossible de mettre matériellement en œuvre ce dispositif tel qu’il nous a été légué.

Ma volonté sur ce dossier est donc claire : il s’agit de mettre effectivement en place l’écotaxe poids lourds. Le principe en a été adopté par la représentation nationale, à l’unanimité, et, ce qui devait être fait ne l’ayant pas été, sa mise en œuvre pratique incombe à l’actuel Gouvernement. J’en assume désormais la responsabilité, en respectant les principes qui nous avaient, à l’époque, rassemblés.

Mais si l’écotaxe poids lourds a été pensée comme une fiscalité écologiquement responsable, la volonté du Gouvernement est de la rendre économiquement supportable et de vérifier qu’elle soit techniquement réaliste et solide.

M. Philippe Duron. Très bien !

M. Thierry Benoit. Ah !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. C’est tout le sens de la politique de transport que j’entends mener, qui alliera fermeté des principes, pour faire progresser le droit de tous à la mobilité durable, et pragmatisme, pour faire avancer concrètement des solutions qui marchent.

C’est dans cette perspective que j’ai échangé avec les différents acteurs du secteur, pas uniquement les transporteurs mais également les chargeurs. Au vu des débats que nous avons eus en commission, il me semble utile en effet de rappeler que c’est ensemble, avec les chargeurs et les transporteurs, que nous avons convenu de revoir totalement les modalités de répercussion de cette taxe et d’aller dans le sens que je propose aujourd’hui, c’est-à-dire vers un dispositif permettant une majoration du prix des prestations de transport par l’application de taux établis en fonction des régions de chargement et de déchargement.

C’est un mécanisme qui envoie un véritable signal-prix à destination des chargeurs et qui répond donc directement à l’objectif de la taxe : modifier les comportements et inciter au report sur des modes de transport plus durables.

C’est aussi un mécanisme simple, qui doit permettre à tous, aux transporteurs et aux chargeurs, d’intégrer la taxe et son fonctionnement dans les meilleures conditions, préalable indispensable au succès de cette écotaxe.

C’est enfin un mécanisme de répercussion protecteur des transporteurs, profession que l’on accable volontiers de tous les maux dès lors qu’il s’agit du développement durable, mais qui, je veux le souligner, ne refuse pas d’avancer ni d’évoluer, à condition que l’on tienne compte de ses difficultés, de ses contraintes et du contexte économique.

Pourquoi ai-je choisi de protéger les transporteurs ? Parce qu’ils seront les premiers à subir le triple choc de la mise en place de l’écotaxe poids lourds.

M. Martial Saddier. Nous n’avons pas la même définition du verbe protéger !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je parle d’abord d’un choc économique : j’y réponds par ce mécanisme de majoration, qui rend l’écotaxe économiquement supportable et constitue une véritable protection juridique pour les entreprises de transport routier de marchandises ; je parle ensuite d’un choc commercial, car les donneurs d’ordre vont vouloir renégocier les contrats, et certaines fédérations de chargeurs appellent déjà à contourner la répercussion en jouant sur les hauts de facture – il faudra, dans ce cas, pouvoir contrôler et sanctionner les abus ; je parle enfin d’un choc en termes d’organisation.

Il fallait donc accompagner les professionnels avec un mécanisme stable et lisible. Ainsi, des observatoires régionaux de suivi de l’écotaxe ont déjà été créés en Rhône-Alpes ou en Bretagne, et j’entends demander aux préfets de les généraliser dans toutes les régions.

Pourquoi enfin ai-je décidé de reporter le calendrier de mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds du 20 juillet au 1er octobre 2013 ? Tout simplement parce que le dispositif présenté par Écomouv, le partenaire de l’État chargé de la conception du dispositif destiné à la collecte, à l’information et au contrôle automatique de l’écotaxe poids lourds, n’est pas suffisamment abouti et qu’il nécessite des travaux complémentaires avant de passer à la phase de test d’ensemble. Compte tenu de ce décalage, et afin de s’assurer du caractère pleinement opérationnel du dispositif, le Gouvernement a décidé, comme le lui proposait un amendement déposé par le sénateur Roland Ries, de remplacer l’expérimentation du dispositif en Alsace par une phase d’essai du dispositif à l’échelle nationale, à compter du mois de juillet, sur la base du volontariat et sans perception de la taxe.

Je l’ai déjà dit, devant vous comme au Sénat, je ne défendrai pas un dispositif qui ne soit pas sécurisé, stable et efficace et qui risquerait de miner les fondements mêmes de l’écotaxe poids lourds. Nous attendons donc que l’opérateur Écomouv nous fournisse, dans les prochaines semaines, toute les garanties requises. Pour que la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds soit une réussite, il faut qu’elle intervienne dans un cadre sécurisé, solide et cohérent.

Pour parvenir à un équilibre, j’ai donc souhaité privilégier la concertation, dans un secteur où le rapport de forces dans les négociations commerciales n’est pas toujours équilibré.

Je compte donc sur l’Assemblée nationale, sur vous, mesdames et messieurs les députés, pour permettre l’adoption d’un dispositif qui, en son temps, sous une autre majorité, avait été voté à l’unanimité.

Le texte que je vous présente comporte d’autres dispositions, destinées à réduire les risques pour l’environnement, à sécuriser la navigation, ou encore à protéger socialement nos professionnels, notamment nos marins.

Ce ne sont pas des dispositions mineures, toutes ont leur importance, mais l’une d’elles me tient particulièrement à cœur, car elle vise à assurer des conditions de concurrence équitables entre entreprises maritimes opérant sur une même ligne.

L’article 23, sur lequel je m’arrêterai quelques instants car il semble avoir été parfois mal interprété, élargit le champ d’application des règles de l’État d’accueil s’appliquant aux entreprises maritimes qui pratiquent le cabotage, tel que défini dans la réglementation de l’Union européenne, ainsi qu’à celles qui assurent une prestation de service dans les eaux intérieures et territoriales.

L’objectif est d’affirmer que, si la concurrence est normale lorsque les marchés sont ouverts, elle ne peut jouer à n’importe quel prix, notamment en matière sociale. Il s’agit d’éviter que des navires d’autres pavillons viennent opérer des lignes nationales, en pratiquant une politique sociale inacceptable et dans des conditions de concurrence déloyales.

La situation de notre pavillon national n’est pas facile, même si nous connaissons de belles réussites, dans des créneaux spécialisés, à forte valeur ajoutée. Une réflexion est en cours sur le sujet, puisque j’ai proposé au Premier ministre de confier à l’un d’entre vous une mission chargée de faire des préconisations sur la compétitivité du pavillon français. Je crois profondément qu’on peut être compétitif tout en respectant des règles sociales à bord des navires. Cet enjeu répond aussi à l’ambition maritime qui est la nôtre. Il répond à une certaine vision, qui est l’honneur de ce gouvernement, d’une politique maritime intégrée reconnue de tous.

J’ai reçu un représentant de la Banque mondiale qui m’a informé de la tenue d’une convention internationale en septembre, en précisant combien il tenait à ce que la France soit présente, car celle-ci a désormais valeur d’exemple, s’agissant de sa vision maritime et des initiatives prises ces derniers mois. L’existence du ministère de la mer n’est pas étrangère à cette forme de consécration.

Mesdames, messieurs les députés, ce premier projet de loi que je présente devant le Parlement s’inscrit dans une politique de transports globale que je mets en place depuis maintenant onze mois. Elle est la traduction législative de ce que doit être notre politique de transports.

Je m’étais engagé, en conseil des ministres, le 3 octobre dernier, à mettre en place une politique des transports qui reposerait sur trois grands axes.

Le premier axe est une politique favorisant la transition écologique. L’écotaxe s’inscrit dans ce cadre.

Je rappelle que je m’apprête à engager un nouvel appel à projets de transports en commun en site propre. Le Gouvernement a dégagé 450 millions d’euros en faveur de la mobilité urbaine qui doit permettre de donner un nouvel élan au développement des transports collectifs de province. Pas uniquement des projets de tramways, mais aussi de nouvelles politiques innovantes d’intermodalité.

Dans ce cadre, sera prévu un soutien aux modes de développement alternatifs, comme le vélo. J’y reviendrai.

Parallèlement à l’appel à projets, j’engagerai prochainement une démarche pour aboutir, avant la fin de l’année, à un plan ambitieux de développement des modes de déplacement actifs : vélo, autopartage, covoiturage… C’est le premier pilier de la politique de transports et de mobilité voulue par ce gouvernement.

Le deuxième axe est une politique construite à partir d’une volonté protectrice d’un point de vue social.

Dans le domaine du transport routier, j’ai pris une position très ferme en novembre dernier devant la Commission européenne : aucune nouvelle étape d’ouverture du cabotage ne sera acceptable pour nous, à défaut d’une harmonisation préalable des conditions sociales d’exercice de la profession.

J’ai engagé également sur le plan national une action vigoureuse pour lutter contre la concurrence déloyale et je continuerai à le faire. Sur ce point également, je reviendrai.

Il est important de prendre la mesure du contexte de libéralisation à outrance auquel sont confrontés les travailleurs de la route : les traitements sociaux sont inexistants et le coût de la main-d’œuvre négligeable, du fait même de l’absence d’harmonisation sociale de la législation. Nous sommes en droit d’exprimer des revendications, notamment au niveau européen, je m’en suis clairement entretenu avec le commissaire Kallas. C’est pour nous le préalable à toute réflexion sur les transports routiers.

Dans le domaine maritime, mon action depuis que je suis arrivé au ministère des transports il y a onze mois, a été de défendre du pavillon français et de l’économie maritime française. Je l’ai montré avec les batailles que j’ai menées parce que d’autres ne les avaient pas menées ! Puisque M. Capet est là, je signalerai dans quelles conditions nous avons eu à traiter le dossier SeaFrance et les 1 500 personnes concernées par des vagues successives de licenciements. Le Gouvernement, aujourd’hui, a créé les conditions d’une sortie honorable. Peut-être y serions-nous parvenus si nous avions été aux responsabilités plus tôt, mais nous aurions souhaité pouvoir mieux défendre le pavillon français de cette grande compagnie qu’est Sea France.

Nous soutenons aujourd’hui My Ferry Link, notamment à la veille de menaces suite à la position – qui n’est pas définitive – de l’autorité de la concurrence britannique.

M. Yann Capet. C’est vrai !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je le fais également pour Brittany Ferries.

Le pavillon maritime français est attaqué de toutes parts et je n’évoquerai pas la SNCM tant elle est présente dans nos réflexions,…

M. André Chassaigne. Très bien, monsieur le ministre !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …dans nos préoccupations et dans notre quotidien.

L’article 23 de mon projet de loi va dans ce sens. Il doit permettre au pavillon français de jouer toute sa carte en imposant des règles de droit du travail et de protection sociale identiques pour tous les navires faisant du cabotage, quel que soit leur pavillon. Actuellement, dans le cadre de la réglementation européenne, nous ne pouvons pas imposer un pavillon. Mais nous pouvons, nous devons imposer – et le Gouvernement le fera avec votre confiance – des conditions de concurrence équitables. Jamais un gouvernement n’est allé aussi loin pour défendre le pavillon français et l’emploi maritime français !

Dans le domaine ferroviaire, j’ai immédiatement mis un coup d’arrêt aux projets d’accélération de l’ouverture à la concurrence des TET – les trains d’équilibre du territoire – en janvier 2014.

M. Martial Saddier. C’est un coup d’arrêt, effectivement !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. J’ai dit clairement que si je n’entendais pas remettre en cause les engagements d’ouverture à la concurrence de nos marchés de transport ferroviaire en 2019, je ne souhaitais pas pour autant les anticiper dès 2014 – comme d’autres l’avaient prévu, revenir sur le règlement de 2007 sur les obligations de service public – les OSP – ni ouvrir les marchés dans n’importe quelles conditions pour l’exploitant historique.

Il faut un cadre social commun et modernisé, pas comme sur le fret. Nous en voyons aujourd’hui les conséquences, avec une perte de compétitivité, une absence de report sur ce mode de transport et des résultats qui sont bien loin de l’objectif affiché dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Il nous appartient de sauver le fret ferroviaire, car il est malade, il est en crise, compte tenu de la façon dont vous avez libéralisé le marché du fret, sans même préparer cette libéralisation, sans même y préparer l’exploitant historique. De ce fait, il existe aujourd’hui deux cadres sociaux d’exercice de l’activité de fret, l’un pour l’exploitant historique, l’autre pour les opérateurs privés. Ce qui aboutit à une concurrence destructrice, car dans le même temps, vous ne créez pas d’emplois supplémentaires dans le ferroviaire. Par cette démarche, vous affaiblissez la part de marché du ferroviaire dans le mode de transport des marchandises.

Avec la confiance de la majorité, et peut-être plus largement le bon sens parlementaire, j’entends agir différemment. J’entends réunir toutes les parties prenantes, avec mon collègue Michel Sapin, pour arriver, en sus d’un décret socle fixant les bases d’exercice de l’activité, à un système cohérent nous permettant d’aborder de façon optimale l’ouverture à la concurrence.

Le troisième axe est une politique de transports tournée vers le développement économique.

Nous voulons que ce qui est une vitrine, une puissance, une réalité, un savoir-faire français puisse servir au développement économique.

Je rencontre nombre d’entrepreneurs, de responsables et de chefs d’entreprise qui, dans tous les secteurs des transports, innovent. Ils cherchent un accompagnement par un État stratège, mais aussi les conditions de la mise en place de ces innovations. L’emploi fait partie de ces enjeux qui doivent tous nous rassembler.

J’ai lancé plusieurs chantiers d’infrastructures pour un montant de 4,4 milliards d’euros : la LGV du contournement de Nîmes et Montpellier a été confirmée. C’est bien la signature de ce gouvernement qui est apposée.

M. Martial Saddier. Et Notre-Dame des Landes ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. J’ai également lancé le chantier de la L2 à Marseille. J’y ai découvert des infrastructures réalisées depuis dix ans qui ne fonctionnaient toujours pas alors que nous savons quel enjeu représente la mobilité à Marseille. C’est une revendication légitime. Les habitants de Marseille et de la région côtoyaient cette réalisation depuis dix ans sans qu’un seul véhicule ait pu emprunter cette infrastructure. Nous avons donc relancé la L2.

M. Martial Saddier. Vous nous provoquez, monsieur le ministre !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Nous avons également décidé le déplacement de l’A9 à Montpellier.

Enfin, nous préparons l’avenir en donnant toutes leurs chances à des projets qui ont été malmenés jusqu’ici, comme le canal Seine-Nord, que je veux voir prêt…

M. Jean-Marie Sermier et M. Martial Saddier. Parlons-en !

M. Florent Boudié. On est prêts à en parler !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Oui, nous allons en parler ! Nous allons parler de l’état dans lequel vous nous avez laissé ce dossier avec une impasse financière de 3 milliards, alors que nous aurions pu légitimement demander des subventions à l’Union européenne. Vous auriez pu bénéficier d’un financement à hauteur de 20 %, mais vous n’avez demandé que 6 % ! Ce qui est un axe majeur du fluvial est aujourd’hui dans une situation telle que nous ne sommes même pas en mesure de donner suite au partenariat public privé.

M. Yann Capet. Oui, vous l’avez plombé !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Ce n’est pas moi qui le dis, ni vos collègues, d’ailleurs. Ce sont les acteurs privés qui, aujourd’hui, avouent, dans l’état actuel du dossier, leur incapacité à mobiliser les financements.

Mais je ne veux pas généraliser. Un certain nombre d’entre vous refusent cette réalité et veulent donner une impulsion nouvelle au fluvial. J’ai confié à Rémi Pauvros la mission de reconfigurer le projet pour être, au premier semestre 2014, autant que faire se peut, au rendez-vous pour solliciter des financements européens, tout en organisant une vision stratégique d’aménagement du territoire pour ne pas perdre de temps. Je pense notamment à l’organisation des places portuaires qui doivent être un enjeu majeur de rayonnement économique.

Il n’est pas normal qu’au sud et au nord, ce soient les places portuaires européennes qui tirent le bénéfice des grands flux de transport maritime, alors qu’en France, nous avons de nombreux ports, qui pourraient être plus efficaces s’ils venaient à être mieux desservis par des réseaux d’infrastructures de transports. Nous devons aussi avoir cette ambition.

J’ai installé une commission présidée par M. Duron…

M. Martial Saddier. Et il y a déjà presque un an que vous êtes installés !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.…en faisant, une fois encore, confiance aux parlementaires. Car je le sais, les parlementaires se saisissent des dossiers avec leur connaissance des cadres réglementaire et législatif, mais aussi avec leur connaissance du terrain. Philippe Duron assume la présidence de la commission d’évaluation du SNIT – le schéma national des infrastructures de transport, la commission Mobilité 21.

M. Philippe Duron. Avec l’excellent M. Pancher.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Dois-je revenir sur le SNIT, sur l’état dans lequel nous avons trouvé ce dossier ? Sur les 245 milliards de promesses que vous avez distribués sur l’ensemble du territoire, alors que vous n’étiez même pas en situation de les financer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et que vous ne receviez chaque année de l’AFITF que 2 milliards d’euros pour financer des infrastructures ? Vous avez pris des engagements électoraux là où il y avait un déplacement ministériel, là où vous aviez un meeting de campagne électorale ! Vous promettiez des autoroutes, des voies ferrées, l’électrification ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.) Et maintenant, vous venez tous me voir, avec de beaux courriers qui ont engagé la signature de l’État, pour me demander des comptes.

Vous vous tournez aussi vers les collectivités locales qui devaient financer elles-mêmes à hauteur de 90 milliards ce grand plan qui n’avait de stratégique que le nom, car il n’avait ni hiérarchie ni vision ni complémentarité des modes de transport.

Nous qui sommes en responsabilité, nous allons, avec courage – comte tenu de la situation que vous nous avez léguée, il en faut ! – mener cette politique avec une vraie vision d’aménagement du territoire. Nous avons la volonté de donner toutes les chances à l’ensemble des territoires en gommant la fracture territoriale. Nous devons ce respect républicain à ces territoires, à leurs populations et à leurs représentants.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. À transmettre à NKM !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Telle est, cher Philippe Duron, la mission qui est la vôtre. Elle est difficile, je le sais, car il faudra expliquer à ceux qui réclament qu’ils doivent être eux-mêmes en mesure d’avancer les 90 milliards d’euros de financement relevant des collectivités locales. Ils devront les mettre en cohérence avec des critères complémentaires qui sont environnementaux, sociaux et d’aménagement du territoire pour mettre les atouts économiques au service de la lutte contre la fracture territoriale. Une telle vision, qui manquait au SNIT, sera mise en oeuvre et je souhaite qu’elle le soit avec l’accord des collectivités et de la représentation nationale le plus large possible.

Je rappellerai également que le Gouvernement a débloqué vingt milliards d’euros pour le financement de nouvelles infrastructures à taux privilégié par le biais de la Caisse des dépôts. Cela financera le matériel roulant dans le cadre du troisième pilier de la politique des transports, celui du développement économique précisément.

M. Michel Issindou. Très bien, monsieur le ministre !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. C’est pourquoi des carnets de commande pourront être honorés par les collectivités, les régions en particulier, par exemple pour le matériel roulant des TER. Les collectivités obtiendront des financements à des taux privilégiés sur des durées très longues, ce qui n’existait pas auparavant. Ainsi, nos industries, qui sont performantes, disposeront d’une visibilité et d’une certaine solidité leur permettant d’accéder aussi aux marchés extérieurs. Ce gouvernement, vous le voyez, est loin d’être un gouvernement du renoncement !

M. Martial Saddier. C’est un gouvernement passif ! Un gouvernement du repli qui a engagé la marche arrière !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Ce n’est pas un gouvernement de la science-fiction accumulant promesses et autres milliards, mais un gouvernement du réel et de l’avenir menant une politique solide et engagée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) L’écotaxe que nous votons aujourd’hui est au service de cette politique.

M. Martial Saddier. Elle n’est pas encore votée !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Elle doit rapporter plus de 1,2 milliard d’euros par an. La part provenant de la circulation sur les routes départementales ou communales représente 160 millions d’euros. Ils seront reversés aux collectivités concernées qui pourront dès lors assumer leurs engagements de financement des infrastructures et donc, par le biais des commandes publiques, assurer l’emploi.

M. Martial Saddier. Et les coûts de gestion ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous gérons votre héritage !

M. Martial Saddier. Et toutes vos lettres demandant des financements ? Nous les avons conservées !

M. Fabrice Verdier, rapporteur pour avis. Et qui a fait le choix d’Écomouv ?

M. Martial Saddier. Voilà un an que vous êtes au pouvoir !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Environ 760 millions d’euros seront reversés à l’État pour les kilomètres parcourus sur les routes nationales. Tout cela permettra à l’AFITF de financer les infrastructures d’avenir. Financer la construction d’infrastructures de transport est notre obsession, en particulier celles des modes de transport durables, ferroviaire et fluvial. Nous en avons besoin ! Chacun ici comprend quel est l’intérêt de trouver des ressources durables mais aussi d’assurer la desserte efficace du territoire.

Au-delà des chantiers d’infrastructures, je souhaite également dynamiser toute l’industrie du transport et la structurer en filières là où elle ne l’est pas. Nous accompagnons le redressement des compagnies aériennes. Je m’adresserai aux milieux économiques du transport afin que la somme d’1,5 milliard d’euros du CICE dédiée directement au transport soit mobilisée dans les meilleurs délais. Ainsi, nous accompagnons le développement d’EADS en poursuivant le financement par avances remboursables de l’A350 et en étudiant avec Eurocopter les moyens de l’aider dans ses futurs programmes de renouvellement. Nous venons avec Arnaud Montebourg de lancer un appel doté de 100 millions d’euros pour l’innovation dans la filière navale, le fameux bateau du futur.

M. Marc Le Fur. Au gasoil ? (Sourires.)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Bref, nous constituons des filières, tant ferroviaires que maritimes et aéronautiques.

Quatrièmement enfin, nous menons une politique de transports qui vise à faciliter le développement du territoire en luttant contre la fracture territoriale. J’ai lancé, conformément aux orientations fixées par le Président de la République, plusieurs réformes visant à passer d’une politique basée uniquement sur les infrastructures à une politique intégrant nécessairement les services, prenant en compte les besoins de déplacement des usagers et appréhendant mieux l’intermodalité et la mobilité. Nous devons traiter ces enjeux qui sont importants pour nos territoires, pour nos villes et pour nos métropoles.

Pour cela, quelques mois après ma prise de fonctions, un certain nombre de mesures ont été engagées. J’ai demandé à RFF pour les semaines à venir un plan de modernisation du réseau ferroviaire.

M. Martial Saddier. C’est nous qui l’avons lancé, avec Dominique Perben ! Guillaume Pepy l’a reconnu en commission !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Le constat de la dégradation continue des infrastructures ferroviaires dressé par l’école de Lausanne est éloquent. Aucune solution aux problèmes du fret, des voyageurs ou des dessertes ne peut être mise en œuvre tant que nous n’aurons pas une volonté politique ambitieuse de renouvellement coordonné des infrastructures ferroviaires. Il faut renforcer la qualité du service et la régularité, en concentrant les efforts de modernisation sur le réseau classique, à l’inverse du « tout grande vitesse » qui a eu pour effet les dégradations que nous connaissons dans nos territoires et tant de retard en matière de modernisation des réseaux existants !

Nous devons aussi renforcer la sécurité du réseau ferré. J’ai annoncé une première tranche d’investissement de 400 millions d’euros pour le renouvellement du matériel roulant des trains d’équilibre du territoire. M. le Premier ministre a présenté ses décisions pour le schéma des transports du nouveau Grand Paris.

M. Jean-Marie Sermier. Reporté sine die

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Outre 23 milliards euros destinés aux projets de nouvelles infrastructures eux-mêmes figure dans ce schéma un plan de mobilisation des transports en Île-de-France pour une amélioration de la qualité des transports existants, le RER tout particulièrement, d’ici 2017. C’est une contribution immédiate de l’État et de la région de sept milliards d’euros, mobilisés pour la modernisation des lignes existantes, présentée par le président Huchon il y a quelques jours.

Je prépare enfin une grande réforme ferroviaire dont vous serez saisis dans les toutes prochaines semaines.

M. Jean-Marie Sermier. Une de plus !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Ce n’est pas une réforme de plus, puisqu’il n’y en a pas eu depuis si longtemps que nous avons un système aujourd’hui à bout de souffle ! La séparation de l’infrastructure et de l’opérateur induit des pertes d’efficacité alors même qu’il nous faut gommer les dysfonctionnements actuels, trouver des solutions, permettre aux cheminots d’avoir confiance en leur avenir et aux usagers de voir leurs conditions de déplacement améliorées. La réforme ferroviaire que je souhaite ne sera pas axée sur l’ouverture à la concurrence mais sur une meilleure qualité de service grâce à la réunification du grand gestionnaire d’infrastructures unifié et de la SNCF en un pôle public intégré. Cela se fera dans le respect de l’indépendance du GIU pour l’accès au réseau et les fonctions essentielles bien sûr, en conformité avec le droit européen, mais surtout en ayant pour obsession l’efficacité du système ferroviaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

J’entends qu’il reste un peu de voix à l’opposition…

M. Martial Saddier. De plus en plus !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Le premier bilan de ce gouvernement, après quelques mois, montre pourtant qu’il a mis le transport au cœur de ses préoccupations ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bertrand Pancher. Une autre ! Une autre !

Mme Brigitte Bourguignon. Vu votre bilan, un peu d’humilité !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Les projets doivent être créateurs de dynamisme économique et nous concrétisons une volonté, celle qui vous a manqué et qui ne nous a laissé que promesses et autres projets non financés. Nous assumons la responsabilité qui nous a été confiée. Et je dis à ceux qui ne voient pas une politique des transports suffisamment affirmée qu’elle est réfléchie, guidée par des orientations ambitieuses, précises et concertées et non, comme cela a trop souvent été le cas, faite de décisions à brûle-pourpoint laissées sans suite.

Vous le voyez, ce texte général qui embrasse des questions environnementales, de transport routier et ferroviaire, de sécurité, d’environnement fluvial et maritime, comporte toute une vision et la volonté d’un dispositif le plus efficace possible. C’est un projet de loi qui a été débattu de façon extrêmement intéressante, ici au sein de votre commission et au Sénat les 11 et 12 février dernier, longtemps et de façon très constructive. Cette discussion a permis de l’améliorer et peut-être de lever un certain nombre d’interrogations. Les débats à venir le permettront également. Il a été voté à l’unanimité par l’assemblée sénatoriale et je m’en félicite.

Nous avons eu la semaine dernière, en commission du développement durable, des discussions argumentées marquant l’intérêt de tous les parlementaires, quelle que soit leur appartenance, pour ces questions stratégiques comportant des enjeux majeurs. Je pense par exemple à la mise en place d’un dispositif d’évaluation de l’écotaxe poids lourds que vous avez demandé. Je ne puis que soutenir cette initiative et vous en féliciter. Je souhaite que nous aboutissions à un texte le plus sécurisant et le plus adapté possible à la réalité du transport, routier en particulier.

M. Martial Saddier. Il y a du travail !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je tiens à saluer également le travail de madame et monsieur les rapporteurs dont l’implication, l’attention et l’intérêt ont permis d’arriver à un texte de qualité en discussion aujourd’hui. J’espère que le débat qui s’ouvre réservera le même sort à ce texte que celui qu’il a connu au Sénat. Les enjeux sont désormais soumis à la discussion avec la volonté d’aboutir à un dispositif efficace.

M. Jean-Marie Sermier. Il ne tient qu’à vous !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Faisons en sorte de répondre aux attentes des Français, des acteurs économiques mais aussi de nos populations qui attendent de nous de l’efficacité dans la décision et les choix politiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. Thierry Benoit. Moins de paroles, plus d’action !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Beaubatie, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Le projet de loi que vous venez de nous présenter, monsieur le ministre, porte sur l’ensemble des modes de transport : ferroviaire, routier, maritime, fluvial et aérien.

Nous le savons, des réformes et décisions majeures vont intervenir dans le domaine des transports au cours des prochains mois, en particulier la réforme du système ferroviaire dont vous avez présenté les grands axes le 30 octobre dernier et les décisions qui suivront les travaux de la commission « Mobilité 21 » sur le schéma national des infrastructures de transport ou SNIT. Ces chantiers sont menés avec toute la concertation et la réflexion nécessaires.

Mais en attendant de débattre de réformes de grande ampleur, il nous appartient, mes chers collègues, d’adopter ce projet de loi qui semble, au premier abord, d’une portée essentiellement technique mais qui traduit de vraies ambitions politiques. L’œuvre du législateur ne passe pas uniquement par l’élaboration de textes fondateurs ou de réformes d’ensemble. Nous avons aussi le devoir de perfectionner, clarifier et compléter le droit en vigueur et d’apporter des améliorations concrètes pour remédier aux difficultés rencontrées dans la pratique. C’est ce à quoi s’attachent, par exemple, les articles du texte relatifs au transport ferroviaire.

L’un des objectifs principaux de ce projet de loi est la sécurité juridique : conforter celle des contrats de concession d’autoroutes qui comportent des clauses d’indexation sur le niveau général des prix, et refonder celle du dispositif de répercussion qui va accompagner la mise en place de la taxe poids lourds.

Plusieurs autres dispositions du projet visent, par ailleurs, à apporter des précisions ou des compléments utiles au droit existant, dans l’intérêt d’une bonne application de la loi. C’est le cas, par exemple, des articles 9 et 11, qui renforcent les moyens juridiques dont disposent les contrôleurs des transports terrestres pour assurer le respect du code de la route et des règles de droit du travail spécifiques au transport routier.

Les dispositions des titres III, IV et V du projet de loi, relatifs respectivement aux transports fluvial, maritime et aérien, viennent corriger un certain nombre d’imperfections et de lacunes. L’article 16, par exemple, clarifie et actualise le régime de responsabilité civile en cas de pollution marine par des hydrocarbures, en le rendant totalement conforme aux engagements internationaux de la France.

Deux autres articles du titre IV auront un impact positif sur la qualité et la compétitivité des infrastructures et des services de transport maritime en France. Il s’agit de l’article 15, relatif aux navires abandonnés, et de l’article 23, qui traite du cadre social des entreprises maritimes pratiquant le cabotage.

Le double sujet de la taxe poids lourds et de sa répercussion a concentré la quasi-totalité des débats, tant au Sénat que lors de l’examen par notre commission.

Mme Isabelle Le Callennec et M. Marc Le Fur. C’est le plus important !

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure. Certes, mais avant d’y venir, je vais vous présenter les principales modifications apportées au texte par notre commission sur les autres sujets traités. En ce qui concerne le transport ferroviaire, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée a modifié la rédaction de l’article 3 bis, qui avait été créé par le Sénat afin de renforcer la transparence des comptes des lignes ferroviaires régionales.

S’il faut saluer la démarche de transparence qu’a engagée la SNCF depuis 2011, il convient aussi de la pérenniser en lui donnant une base législative, pour répondre à une demande forte et légitime des régions. Nous connaissons tous, mes chers collègues, l’importance des liaisons TER dans nos régions, et l’intérêt majeur qu’il y a à ce que les conseils régionaux puissent connaître très précisément leurs comptes d’exploitation, donc l’usage qui est fait de leur participation financière.

La commission a adopté deux nouveaux articles additionnels qui concernent les transports en commun en Île-de-France, pour améliorer le régime juridique du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, en définissant plus précisément les chantiers dans lesquels il doit exercer une maîtrise d’ouvrage conjointe, pour lui permettre de disposer d’un outil juridique dont il était dépourvu, celui des servitudes d’ancrage. Enfin, la commission a ajouté à ce texte qui porte sur chacun des modes de transport, un article préconisant l’élaboration d’un document national de planification sur la logistique.

J’en viens à présent au sujet de la taxe poids lourds, dans sa double dimension. Le projet de loi initial ne comportait aucune disposition portant sur le régime de la taxe elle-même, ce régime juridique étant déjà établi. Il s’est constitué sur la base de l’engagement figurant dans le Grenelle de l’environnement, traduit dans l’article 11 de la loi Grenelle I, et dont je rappelle avec insistance le caractère parfaitement consensuel à l’époque. La loi de finances pour 2009 a créé le dispositif juridique, codifié aux articles 269 et suivants du code des douanes. Auparavant, la loi de finances pour 2007 avait introduit l’idée d’une taxe expérimentale en Alsace. On le sait, ni la taxe alsacienne ni la taxe nationale ne sont à ce jour en vigueur.

Ce retard est préjudiciable. Le produit attendu de la taxe est estimé en année pleine à 1,2 milliard d’euros. La majeure partie de cette recette ira à l’Agence de financement des infrastructures de France, l’AFITF, qui en a bien besoin. Le solde sera rétrocédé aux collectivités territoriales, dont une partie du réseau routier est taxable. Le retard accumulé implique un manque à gagner significatif pour l’AFITF. La loi de finances pour 2013 prévoyait que cette taxe procurerait à l’Agence environ 235 millions d’euros cette année. Il est probable qu’elle n’en recevra que 80 millions, voire moins, sur les toutes dernières semaines de l’année 2013.

Je relève à cet égard, monsieur le ministre, une interrogation à laquelle je n’ai pas obtenu de réponse : ce manque à gagner sera-t-il compensé d’une manière ou d’une autre ? Il n’est pas certain que la trésorerie de l’Agence permette de le faire.

Ce retard est préjudiciable, je l’ai dit, mais il est compréhensible. Il est dû pour partie à la complexité juridique de cette nouvelle taxe, qui a nécessité de nombreux décrets préalablement à sa mise en œuvre. Il est lié également au défi technologique correspondant, que la France va relever et qui va faire de notre « écotaxe poids lourds » le premier, et à ce jour le seul système conforme aux directives européennes sur l’interopérabilité. Il a découlé pour partie d’un contentieux qui a bloqué pendant de nombreux mois la conclusion du partenariat avec le consortium Ecomouv.

Il est compréhensible, enfin, parce qu’il manquait une pièce essentielle : le mécanisme de répercussion. La répercussion est un élément structurant de l’écotaxe. Elle permet de facturer au chargeur la taxe payée par le transporteur routier. Ainsi, c’est bien le bénéficiaire du transport routier qui supporte la charge de la taxe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La répercussion est la traduction du principe « pollueur-payeur », ou « utilisateur-payeur ». Sans la répercussion, la taxe ne serait pas une fiscalité écologique.

L’entrée en vigueur de la taxe poids lourds est désormais prévue pour le mois d’octobre 2013. Au préalable, il faudra, d’une part, obtenir l’assurance que le système technologique est prêt, testé et validé et, d’autre part, créer enfin un dispositif de répercussion opérationnel. Il pourra ensuite être mis fin à cette longue période de retard, de confusion et d’incertitude.

Il est donc indispensable et urgent de créer le mécanisme de majoration forfaitaire obligatoire qui constitue la pièce manquante du dispositif de la taxe poids lourds. Je dis bien créer un mécanisme : le gouvernement précédent a, nous le savons, élaboré un système de majoration d’une complexité absurde, unanimement rejeté, inapplicable et donc dépourvu de toute crédibilité.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Tout à fait !

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure. Une telle « usine à gaz » n’est pas modifiable : il faut repartir à zéro ! Le choix qui a été fait de calculer la majoration tantôt de manière forfaitaire, tantôt « au réel », c’est-à-dire au cas par cas, s’est révélé impraticable et donc peu judicieux.

Il faut revenir dessus : c’est ce que nous allons faire en adoptant l’article 7 du projet de loi. Il faudra logiquement repousser toute velléité de revenir à un dispositif de calcul « au réel », de même qu’il faudra, comme nous l’avons fait lors de l’examen en commission, maintenir la cohérence et la solidité juridique de la taxe elle-même.

L’adoption de l’article 7, condition préalable à l’entrée en vigueur de la taxe poids lourds, est également une condition de la crédibilité de celle-ci. Et c’est au législateur lui-même, plutôt qu’au pouvoir réglementaire, d’instaurer la répercussion par majoration pour doter celle-ci du degré de sécurité juridique nécessaire.

Monsieur le ministre, j’ai malheureusement constaté, au cours des auditions que j’ai menées pour préparer l’examen de ce texte, ainsi que pendant la discussion en commission, l’existence d’un certain nombre de malentendus tant au sujet de la taxe elle-même que de la majoration proposée. Des inquiétudes ont été exprimées…

M. Jean-Marie Sermier. Il y a de quoi !

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure. …et relayées par mes collègues. J’en tire une double conclusion. D’une part, même si le Sénat, en ajoutant plusieurs articles additionnels portant sur la taxe elle-même, a rouvert le débat sur celle-ci, il faut impérativement que notre Assemblée préserve la cohérence de cette taxe, de son assiette et de son champ.

J’ai entendu les nombreuses demandes sectorielles d’exonération et j’y ai prêté toute l’attention qu’elles méritent.

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure. Nous en avons examiné un grand nombre en commission et nous allons en examiner de nouvelles en séance. Il convient, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’être très vigilants. Toute exonération catégorielle, qu’elle soit justifiée ou non, introduit un élément de complexité qui constitue un risque de fragilisation du système,…

M. Philippe Duron. C’est vrai.

Mme Catherine Beaubatie, rapporteure. …et d’autre part – mais on n’en parle guère – le risque d’un coût financier pour l’État. En effet, dans le contrat qui lie l’État à Ecomouv, toute modification par l’État du cadre législatif et réglementaire sous forme d’exonérations peut donner lieu à des surcoûts de conception et à des frais financiers que l’État devra assumer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Fabrice Verdier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis des dispositions relatives à l’écotaxe poids lourds, c’est-à-dire des articles 6 bis à 7 ter.

Comme vous le savez, le principe de cette éco-redevance kilométrique et de sa répercussion sur les donneurs d’ordres a fait l’objet d’un large consensus. Comme M. le ministre l’a rappelé, la loi Grenelle I a été votée à l’unanimité et, sur le texte qui nous est soumis, seules quatre abstentions se sont manifestées au Sénat.

Les travaux de la commission des affaires économiques et les auditions que j’ai conduites en son nom ont permis de constater que le dispositif de l’article 7 était mieux accepté par les transporteurs routiers et les chargeurs que le décret du 4 mai 2012.

La simplicité a un prix et, au gré des itinéraires choisis, le transporteur sera tantôt favorisé, tantôt pénalisé vis-à-vis de son donneur d’ordre. Si ces écarts sont inévitables, ils sont du moins d’une ampleur très limitée et permettent de protéger les transporteurs routiers.

De surcroît, selon différentes estimations, il ne devrait pas y avoir d’effets inflationnistes notables. L’écotaxe devrait donc être porteuse d’effets positifs sur notre économie, parmi lesquels on peut citer le financement des routes et des infrastructures innovantes, la rationalisation du transport et la prise en compte des externalités, notamment environnementales.

En ce qui concerne le transport routier pour compte d’autrui, un secteur extrêmement fragile, la taxe devrait être relativement neutre. Quant aux entreprises pratiquant le transport pour compte propre, en particulier les grossistes-distributeurs, elles ne pourront pas toujours répercuter l’écotaxe. Mais il faut relativiser cette question : le surcoût lié à la taxe représentera au maximum 0,7 % du montant de la prestation globale.

Il conviendra toutefois de s’assurer des conséquences du dispositif en dressant un bilan global de son application. C’est l’objet d’un amendement adopté à l’unanimité, tant par la commission des affaires économiques que par la commission du développement durable, qui étend le champ d’application du rapport du Gouvernement au Parlement mentionné au III de l’article 7.

Les débats au Sénat avaient permis une première avancée, en demandant au Gouvernement la remise d’un rapport évaluant « la correspondance entre les montants obtenus par les transporteurs au moyen de la majoration et les montants acquittés par eux au titre de la taxe ». Compte tenu des interrogations, voire des inquiétudes qui se sont manifestées, nous avons souhaité développer le contenu de ce rapport afin qu’il aborde les difficultés rencontrées par les transporteurs et les donneurs d’ordre ; les effets de l’écotaxe et de la majoration sur les prix du transport, les négociations tarifaires et les parts de marché des transporteurs routiers français en Europe ; les exemples européens ; les effets inflationnistes ; enfin, les effets sur le report modal.

La date proposée pour la remise du rapport est celle du 31 décembre 2014, afin que l’on dispose de suffisamment de recul pour analyser d’éventuelles difficultés et proposer des mesures correctrices. La discussion en commission a conduit à l’adoption d’un sous-amendement de M. Joël Giraud prévoyant la consultation des comités de massif dans le cadre de l’évaluation des reports de trafic.

Nous avons également eu des discussions approfondies sur le niveau de l’écotaxe et de la majoration en Bretagne et, par extension, dans les autres régions dites périphériques : l’Aquitaine et le Midi-Pyrénées. Nous connaissons les spécificités de la Bretagne, chère à M. Le Fur : une forte tradition d’élevage et des exportations importantes vers le reste du pays, effectuées quasi exclusivement par le réseau routier.

Il a été rappelé que des efforts avaient d’ores et déjà été déployés en faveur de ces régions, puisque l’écotaxe fait l’objet d’un abattement de 40 % pour la Bretagne et de 25 % pour l’Aquitaine et la région Midi-Pyrénées. Par ailleurs, la RN 164, qui traverse le centre de la Bretagne sur 160 km, a été exonérée du paiement de la taxe.

Toutefois, comme cela a été souligné en commission des affaires économiques et en commission du développement durable, la Bretagne et les régions périphériques sont particulièrement affectées par l’application du taux inter-régional dans le cas où l’itinéraire du poids lourd le conduit hors de sa région de chargement.

Mme Valérie Lacroute. Merci de le reconnaître !

M. Fabrice Verdier, rapporteur pour avis. Aussi la commission des affaires économiques a-t-elle donné un avis favorable à un amendement prévoyant, dans ce cas de figure, l’application successive du taux régional et du taux interrégional unique.

M. Yves Albarello. Ça va coûter plus cher !

M. Fabrice Verdier, rapporteur pour avis. Je sais le ministre attentif aux réalités des territoires et je suis certain que nos débats vont permettre d’apporter un certain nombre de réponses aux inquiétudes manifestées.

Pour le reste, la commission des affaires économiques a repoussé un certain nombre de demandes d’exonération et s’est refusée à retoucher les taux, l’affectation et la date d’application de la taxe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Sous le bénéfice de ces observations et de ces compléments, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption des articles 6 bis à 7 ter du présent texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Martial Saddier. Et les producteurs de lait ?

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné au fond le projet de loi adopté par le Sénat en première lecture, après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports.

Les débats en commission, mercredi 27 mars dernier, se sont tenus dans une atmosphère particulière dans la mesure où la disposition emblématique du projet de loi – l’écotaxe poids lourds – est le fruit du Grenelle de l’environnement et notamment de la loi de 2009, adoptée dans un très large consensus, et qu’elle représente une première étape dans la mise en place d’une véritable fiscalité environnementale.

Nous n’avons pas évité les discussions animées autour des dérogations ou des régimes particuliers. Mais les explications de la rapporteure, Catherine Beaubatie, comme l’engagement du ministre tout au long de nos débats, ont permis d’apporter les éclaircissements attendus.

Ce n’est donc pas le principe même de cette taxe qui a été contesté puisque les discussions ont porté uniquement sur les modalités de sa mise en œuvre.

M. Jean-Marie Sermier. C’est exact !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. Le principe retenu par la commission des affaires économiques a été de rejeter tous les amendements qui auraient pu tendre à dénaturer le système mis en place ou à risquer qu’il ne devienne inefficace ou illisible, en exonérant telle ou telle catégorie de transporteurs en raison de leur statut ou de la catégorie des produits transportés.

M. Martial Saddier. Et le lait, monsieur le ministre ?

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. Certes, et les difficultés de mise en œuvre de l’écotaxe depuis trois ans l’ont confirmé, certaines interrogations demeurent et elles ont animé les débats en commission.

Selon le secteur d’activités, quelques-uns de nos collègues ont souligné les conséquences sur les PME voire les TPE…

M. Jean-Marie Sermier. Exact !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. …qui agissent en qualité de transporteurs en compte propre et qui ne pourront pas récupérer le montant de la taxe sur un chargeur mais sur le client final au risque de réduire leur compétitivité. De même, certains élus des régions périphériques de notre pays ont souhaité une prise en compte complémentaire de leur situation géographique et de la nature des produits à la base de l’économie régionale.

M. Jean-Marie Sermier. Le ministre ne nous a pas entendus !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. Avec ce texte, nous introduisons un nouvel outil de fiscalité écologique visant à développer les modes de transport de fret les plus vertueux et à promouvoir une politique de transports durables.

M. Thierry Benoit. Là où c’est possible !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. Comme le montrent déjà les expériences conduites dans les pays voisins, cette taxation devrait favoriser un meilleur taux de chargement ainsi que le report modal.

De plus, la modulation de son montant en fonction de la classe de pollution du véhicule intégrera la lutte contre les émissions de particules fines et permettra l’application du principe pollueur-payeur, tout comme le renouvellement à terme des flottes de poids lourds.

Enfin, il est fondamental que les recettes de cette éco-redevance, qui alimenteront le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France, l’AFITF, présidée par notre collègue Philippe Duron, soient en priorité affectées aux infrastructures alternatives à la route ainsi qu’au transport combiné.

Je souhaite également rappeler que le projet de loi contient de nombreuses autres dispositions relatives aux services ferroviaires, au transport routier, au transport fluvial, au transport maritime ou à l’aviation civile.

Le reclassement des routes, le renforcement des moyens de contrôle des fonctionnaires, la situation des navires abandonnés dans nos ports ou dans les voies d’eau, les sanctions auxquelles s’exposeront les armateurs en cas de non-respect de leurs obligations méritent toute notre attention. Ces mesures, souhaitables pour certaines, attendues pour d’autres, ont été un peu oubliées par les interrogations sur la seule écotaxe poids lourds et c’est regrettable.

J’évoquerai rapidement trois points.

D’abord, le présent texte n’est pas le seul consacré aux transports.

M. Jean-Marie Sermier. Ni le meilleur !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. La prochaine étape concernera la réforme du système ferroviaire sur laquelle la commission du développement durable s’est déjà engagée à travers un cycle d’auditions et de tables rondes et pour laquelle pas moins de quatre missions ont été confiées par le Gouvernement à d’éminentes personnalités. Un autre jalon reposera sur les compétences qu’un futur projet de loi de décentralisation transférera aux collectivités territoriales. (« Hou, là ! » et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Martial Saddier. Ce qui nous fera trois textes !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. Ensuite, la mise en œuvre des dispositions les plus emblématiques du texte appelle un bilan dans dix-huit mois à venir. C’est le sens du rapport demandé au Gouvernement et qui se propose, avant la fin de 2014, de dresser un bilan d’étape sur l’écotaxe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marie Sermier. Encore de l’enfumage !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. Ce rapport permettra de répondre aux interrogations sur les conséquences économiques et sociales des mesures adoptées, de mesurer les éventuels effets d’aubaine ou les distorsions de concurrence afin de pouvoir y remédier.

Enfin, monsieur le ministre, j’évoquerai les contrôles techniques des transporteurs routiers puisque les fonctionnaires qui en sont chargés devront également demain mener des actions de contrôle concernant l’écotaxe.

M. Martial Saddier. Un choc de plus ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. En effet, plusieurs questions se posent dans la mesure où, compte tenu de ses nouvelles missions, certains pensent que les effectifs de ce corps de contrôle seront insuffisants et que leur rattachement à la catégorie des secrétaires d’administration et de contrôle n’est pas le plus pertinent pour des agents qui doivent régulièrement intervenir sur le terrain.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Voilà les conséquences de la RGPP !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. Leurs syndicats nous ont interrogés. Dans le cadre de l’examen de ce texte, il serait opportun, monsieur le ministre, que vous puissiez répondre à leurs interrogations.

Le Gouvernement ayant engagé la procédure accélérée afin que les mesures essentielles puissent être mises en œuvre dans les meilleurs délais et que la phase d’expérimentation de l’écotaxe poids lourds puisse se dérouler au cours des prochains mois, de juillet à septembre, et, en accord avec M. Raymond Val, président de la commission du développement durable du Sénat, nous sommes déjà convenus d’une date pour réunir la commission mixte paritaire que demandera très certainement le Gouvernement.

Pour toutes ces raisons, j’invite donc l’Assemblée à adopter le projet de loi en discussion, lequel intègre, vous ne l’avez pas noté, la dimension du développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

7

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)