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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 10 octobre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Rapport sur la refondation de l’école

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

PLFSS

M. Christian Paul

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Abolition universelle de la peine de mort

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Cotisations patronales

M. Marc Dolez

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Procédure législative

M. Bertrand Pancher

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Politique vis-à-vis des entreprises

M. Laurent Furst

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Compensation de la fermeture de la base aérienne de Cambrai

M. François-Xavier Villain

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Heures supplémentaires

Mme Virginie Duby-Muller

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

Mme Monique Iborra

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Grand Paris

M. Jean-François Lamour

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Actions en faveur de l’égalité entre filles et garçons

Mme Maud Olivier

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Politique scolaire

M. Frédéric Reiss

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Ligne à très haute tension Cotentin-Maine

Mme Isabelle Attard

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Agression contre des sapeurs-pompiers à Carpentras

M. Julien Aubert

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Financement des collectivités territoriales

M. Serge Janquin

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

2. Éloge funèbre d’Olivier Ferrand

M. le président

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Suspension et reprise de la séance

3. Programmation et gouvernance des finances publiques

Explications de vote

M. Gaby Charroux, M. Pierre-Alain Muet, M. Gilles Carrez, M. Charles de Courson, M. François de Rugy, Mme Annick Girardin

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

4. Mobilisation du foncier public en faveur du logement et renforcement des obligations de production de logement social

Présentation

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission mixte paritaire

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Motion de rejet préalable

M. Martial Saddier

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, M. Henri Plagnol, M. André Chassaigne, Mme Annick Lepetit

Discussion générale

M. Jean-Christophe Fromantin

Mme Michèle Bonneton

Mme Jeanine Dubié

M. André Chassaigne

Mme Annick Lepetit

M. François de Mazières

M. Daniel Goldberg

M. Jacques Bompard

Explications de vote

M. Henri Plagnol, Mme Annick Lepetit

Vote sur l’ensemble

5. Régulation économique outre-mer

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que je prononcerai, immédiatement après la réponse à la dernière question, l’éloge funèbre de notre regretté collègue Olivier Ferrand. Il n’y aura pas de suspension de séance après les questions au Gouvernement.

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Rapport sur la refondation de l’école

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ma question, à laquelle j’associe mes collègues Xavier Breton et Frédéric Reiss, s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Hier, la commission pour la refondation de l’école a remis son rapport et c’est peu de dire qu’il nous a laissés sur notre faim. En effet, s’il y a quelques objectifs dont on peut se satisfaire, comme la priorité donnée au primaire ou l’association des parents à la vie de l’école, il reste beaucoup de trous dans la toile, si je puis dire : les méthodes pédagogiques, le traitement de la violence à l’école, l’enseignement libre, auquel pas une ligne n’est consacrée. Quant à l’administration, si elle est qualifiée de « verticale » et d’ « autoritaire », rien n’est dit de son éventuelle réforme.

Le rapport évoque les collectivités territoriales comme des partenaires habituels avec lesquels il convient de renforcer la coopération. En apparence, elles semblent bien traitées. En réalité, le Président de la République a signifié son accord avec les préconisations du rapport, notamment l’ajout d’une demi-journée d’école pour les enfants des écoles primaires dans toutes les communes de France, alors même qu’il y a eu une absence totale de concertation préalable avec les collectivités locales. Or, personne n’ignore que l’ajout d’une demi-journée d’école aura pour les communes un impact majeur, qu’il s’agisse du personnel communal, de la charge des agents d’entretien, des transports scolaires, de l’enseignement des sports, des activités périscolaires, de la musique, des piscines, et j’en passe.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment envisagez-vous d’organiser la concertation avec les collectivités locales ? Et faut-il considérer d’ores et déjà que les enfants seront scolarisés le mercredi matin dans toutes les communes de France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, je vous remercie pour la qualité de votre intervention et, dans le fond, pour l’approbation qui est la vôtre par rapport aux lignes principales de refondation de l’école (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP) : priorité donnée au primaire, remise en place d’une formation des enseignants. Puisque vous avez évoqué l’enseignement libre, vous aurez noté que le secrétariat général de l’enseignement catholique comme la principale association des parents de l’enseignement libre ont eux-mêmes reconnu que ces orientations étaient les bonnes et que c’étaient celles qu’ils demandaient depuis plusieurs années déjà.

À cela s’ajoute la reconquête du temps scolaire. Pour apprendre comme pour enseigner, il faut du temps. Nous sommes le seul pays d’Europe – et cela nous coûte – où les enfants n’ont que cent quarante jours de classe. Il y a quatre ans encore, avant que le gouvernement que vous avez soutenu ne supprime cette demi-journée, nous avions bien neuf demi-journées de classe. Et quand il a supprimé cette demi-journée, il n’a pas changé les programmes, ce qui a abouti à des journées surchargées.

Vous me dites qu’il n’y a pas eu de discussions avec les collectivités locales. C’est inexact. J’ai reçu à plusieurs reprises l’ensemble des associations d’élus, les représentants des régions, des conseils généraux, des maires ruraux, l’AMF et je les recevrai encore la semaine prochaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Ils ont été aussi reçus par ma collègue qui prépare l’acte III de la décentralisation.

Car dans la mesure où les collectivités locales en France participent pour plus de 25 % à l’investissement éducatif, nous considérons que nous devons les reconnaître pleinement et les associer à l’ensemble de cette réforme.

Je vous ferai observer, enfin, que lorsque l’éducation nationale décide de reprendre en charge une demi-journée de classe, sans doute le mercredi matin, elle soulage aussi d’autant les collectivités locales. (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Le vrai problème est celui qui concernera la journée de classe et si vous vous étiez vraiment intéressé à ce sujet, vous sauriez que c’est cela que nous demandent aujourd’hui les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

PLFSS

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen. Je vous remercie de bien vouloir faire silence pour l’écouter.

M. Christian Paul. Pour tous les Français, la santé est un droit inscrit dans la Constitution. Mais pour des millions de nos concitoyens, se faire soigner est devenu difficile et parfois ils doivent y renoncer.

Remettre debout notre système de santé dans un souci d’égalité, c’est l’un des plus grands défis que le Gouvernement et notre majorité s’engagent aujourd’hui à relever.

La première des inégalités devant la santé, c’est l’argent. Pendant dix ans, les remboursements ont diminué. Les dépassements d’honoraires ont explosé chez les spécialistes, mais aussi dans l’exercice libéral au sein des hôpitaux publics. La protection sociale s’est rétrécie.

La deuxième inégalité est géographique. Le désert médical s’est répandu, non seulement dans le monde rural, mais aussi dans les petites villes et les banlieues, voire au cœur même des agglomérations.

Les conséquences sont visibles : les généralistes sont très mal répartis sur le territoire. Il faut les soutenir et les remettre en première ligne. Les spécialistes ne sont accessibles parfois que huit à dix mois plus tard, et souvent trop tard. Les hôpitaux ont été restructurés brutalement, les urgences sont trop éloignées à la campagne ou saturées dans les villes.

La troisième inégalité est celle qui sépare de l’information sur la santé et de la prévention ; elle est tout aussi profonde.

Madame la ministre, nous sommes désormais à vos côtés dans le temps de l’action. Dans le budget pour la sécurité sociale, que vous défendez cette semaine devant notre commission, et dans quelques jours dans cet hémicycle, quelles réformes et quels moyens urgents indispensables mobiliserez-vous pour engager efficacement le combat essentiel pour le droit à la santé et l’égalité d’accès aux soins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – « Allo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député Christian Paul, vous avez raison de souligner l’attachement de nos concitoyens à la politique de santé et de sécurité sociale. Nous devons le réaffirmer : il n’y a pas de pacte républicain qui tienne sans pacte social fort et cohérent. Or, depuis des années, nous avons assisté à la multiplication des irresponsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Irresponsabilité financière, qui a plongé la sécurité sociale dans le déficit ; irresponsabilité sociale, qui a abouti à la multiplication des déremboursements et à la diminution des prises en charge ; irresponsabilité également à l’égard des familles, dont les ressources ont diminué, et irresponsabilité à l’égard des retraités, dont les pensions ne sont pas assurées.

Aujourd’hui, il nous appartient d’engager une réorientation de la politique sociale, et notamment de la politique de santé. Nous le faisons en marquant clairement dans ce projet de loi de financement la priorité que nous accordons et la volonté que nous avons de protéger davantage nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Barbier. Et concrètement, vous faites quoi ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous le faisons avec un budget en hausse pour la politique de santé (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.), puisqu’il sera en évolution de 2,7 %, soit 4,5 milliards de plus consacrés à la santé de nos concitoyens et à l’investissement dans l’hôpital et la médecine de ville.

Nous le faisons en affirmant que non seulement il n’y aura aucun déremboursement nouveau, mais que des droits nouveaux seront créés, avec la prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse à 100 % (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) et avec l’engagement de la politique en faveur de la prise en charge de l’autonomie.

Nous affirmons aussi que nous n’accepterons pas l’inflation des dépassements d’honoraires, et que nous interviendrons de manière ferme pour que nos concitoyens puissent continuer à se soigner, sans rencontrer d’obstacle financier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Lucien Degauchy. On en reparlera…

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous engageons une politique de lutte contre les déserts médicaux, et ce faisant nous répondons aux attentes sociales de justice et de proximité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Abolition universelle de la peine de mort

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le combat pour l’abolition de la peine de mort vient de loin.

Ici même, en 1834, un député déclare : « L’échafaud ne peut pas être la dernière raison de la justice ». Il s’appelle Lamartine.

Ici même, en 1848, un autre député affirme : « La peine de mort est le signe spécial et permanent de la barbarie ». Il s’appelle Victor Hugo.

Ici même, en 1908, Briand, Clemenceau et Jaurès poursuivent le même combat, en vain.

M. Guy Geoffroy. Vous y étiez ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Il faut attendre 1981 pour que la peine capitale soit enfin abolie, à l’initiative de Robert Badinter, homme de conscience et de courage à qui je tiens à rendre hommage. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Je veux saluer aussi l’action du président Jacques Chirac qui, par la révision de 2007, a introduit dans la Constitution un article qui dispose que « Nul ne peut être condamné à mort ». (Applaudissements sur tous les bancs.)

Cependant, si l’abolition l’a emporté en France et dans beaucoup d’autres pays depuis trente ans, quatre-vingt-douze États conservent encore la peine capitale dans leur législation pénale, et cinquante-huit l’appliquent effectivement. Parmi eux, la Chine, l’Iran, l’Arabie Saoudite, mais aussi de grandes démocraties comme les États-Unis et le Japon.

M. le président. Merci, monsieur le député…

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. L’universalité des droits de l’homme doit conduire à agir pour l’abolition universelle de la peine capitale… (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, GDR et écologiste.)

M. le président. Merci, monsieur le député, nous avons compris l’essentiel.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur Schwartzenberg, il y a, sur tous les bancs de cette assemblée, des femmes et des hommes qui depuis très longtemps se sont battus pour la suppression de la peine de mort en France. Vous êtes parmi ceux-là, et je voudrais rendre hommage aux uns et aux autres.

En 1981, vous l’avez rappelé, la peine de mort a été supprimée en France et, en 2007, cette abrogation a été si je puis dire introduite dans la Constitution.

Le mouvement d’abrogation existe dans beaucoup de pays à travers le monde. Il y a dix ans, un tiers seulement des pays avait abrogé la peine capitale ; aujourd’hui, ce sont deux tiers des cent quatre-vingt-treize pays. Mais il reste aujourd’hui – écoutez bien ce chiffre ! – 20 000 personnes dans les couloirs de la mort.

C’est la raison pour laquelle la France – c’est sa tradition, vous l’avez rappelé – a décidé de faire de l’abrogation universelle de la peine de mort un de ses combats principaux.

Il y a de cela deux semaines, aux Nations Unies, j’ai réuni cinquante États pour soutenir ce combat et aujourd’hui, nous poursuivons dans ce sens en nous associant à une campagne internationale pour l’abolition de la peine de mort. Des instructions sont données à tous nos postes diplomatiques pour lancer des actions en ce sens. Je pense que ce faisant, la France est fidèle à sa tradition.

La peine de mort est inefficace, la peine de mort est, par définition, irréversible, la peine de mort est évidemment inhumaine. Je vous remercie donc de vous associer tous à ce beau combat qu’est l’abrogation universelle de la peine de mort. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR, RRDP et sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)

Cotisations patronales

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le ministre délégué chargé du budget, le commissaire général à l’investissement va remettre prochainement son rapport pour relancer la compétitivité française. Mais il se dit déjà, avec une certaine insistance, que le Gouvernement envisage de basculer une partie des cotisations patronales sur l’impôt et les taxes, en particulier la CSG, pour financer la sécurité sociale. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Même étalé, le transfert évoqué de 40 milliards d’euros serait aussi injuste qu’inefficace et affecterait encore un peu plus un pouvoir d’achat en recul constant depuis plusieurs années. Une telle mesure ne répondrait pas non plus à la question posée car ce n’est pas le travail qui coûte cher, mais la rémunération du capital.

Alors que les plans sociaux se multiplient, l’offensive du MEDEF sur ce sujet mêle à dessein coût du travail et lutte contre le chômage. Pourtant, ce n’est ni le coût du travail, ni le manque de flexibilité qui, par exemple, explique la décision de Mittal de fermer les deux hauts fourneaux de Florange, mais, à l’évidence, sa recherche du profit immédiat.

La compétitivité d’un pays, c’est d’abord sa capacité à produire de la richesse et de la valeur ajoutée, ce qui suppose recherche, innovation, investissement. Le Premier ministre lui-même a récemment estimé qu’expliquer le retard de compétitivité par la question du coût du travail était une facilité.

C’est pourquoi je vous remercie de nous préciser les intentions du Gouvernement, en nous indiquant notamment si vous écartez dès aujourd’hui tout transfert des cotisations patronales et si, comme le propose le Front de gauche pour sortir de la crise et retrouver une croissance soutenue, vous avez l’intention de vous attaquer vraiment au coût du capital. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, avant de s’assurer des conséquences, encore faut-il s’assurer des causes.

Vous avez raison de le souligner, le commerce extérieur de notre pays, qui est un bon indicateur de la compétitivité de nos entreprises, est aujourd’hui dans une situation alarmante.

Équilibré ou excédentaire jusqu’en 2002, il était déficitaire l’année dernière de près de 70 milliards d’euros. Le constat est donc unanime sur tous ces bancs : la compétitivité des entreprises françaises s’est effondrée ces dix dernières années.

Plusieurs députés du groupe UMP. La faute aux 35 heures !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il est vrai que la compétitivité souffre de la comparaison avec l’Allemagne, une Allemagne qui a mené, seul cas en Europe, une politique de compression de sa masse salariale car, quand on examine l’évolution du coût du travail dans notre pays, force est de constater que nous sommes dans la moyenne européenne tandis que c’est l’Allemagne qui fait figure d’exception. Il y a dix ans, le coût du travail était inférieur en France par rapport à l’Allemagne, alors qu’aujourd’hui il est au même niveau, encore que ce constat mérite d’être nuancé.

Le coût du travail est nettement plus élevé en France qu’en Allemagne dans l’industrie agroalimentaire. Première puissance exportatrice agroalimentaire il y a dix ans, la France est aujourd’hui troisième, ce qui n’est pas à l’honneur du bilan de ceux qui nous ont précédés sur ces bancs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

En ce qui concerne les services, il est également vrai que le coût du travail est probablement supérieur à celui des Allemands. Mais dans l’industrie, le constat n’est pas celui-là, si en revanche on peut s’accorder sur le fait qu’il est équivalent en France et en Allemagne pour des produits qui semblent de meilleure qualité et d’une gamme supérieure en Allemagne.

En vérité, et le récent rapport de Mme Sophie de Menthon au nom de l’association ETHIC le montre bien, nous avons un problème d’organisation à l’export. Nous avons multiplié les structures d’aides quand l’Allemagne n’en a qu’une. Nous avons également un problème de recherche et d’innovation, et un problème d’articulation entre les grandes entreprises et les PME et les ETI. En Allemagne, les grandes entreprises jouent à un jeu incontestablement patriotique alors que ce n’est pas, hélas ! ce que nous constatons en France.

Ainsi donc, le débat va s’engager, et je compte sur vous, monsieur le député, pour le nourrir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Candelier. Il a répondu à côté !

Procédure législative

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, la gravité des crises que nous traversons depuis plus de quatre ans appelle, de la part de tous, des solutions aussi urgentes que puissantes.

S’il est un domaine sur lequel les députés du groupe UDI peuvent vous suivre, c’est bien celui de l’environnement car c’est un enjeu fondamental pour l’avenir du pays, qui nécessite de réunir l’ensemble des acteurs pour parvenir à des solutions innovantes, partagées et durables s’inscrivant dans le long terme.

Nous avons été nombreux à soutenir le processus du Grenelle de l’environnement, initié par Jean-Louis Borloo. Cette belle machine à créer des consensus s’est imposée dans notre paysage.

Nous nous sommes associés à la démarche de continuité que vous sembliez vouloir adopter à travers la Conférence environnementale et le prochain débat sur la transition énergétique, bien que le démantèlement du ministère, la baisse du crédit d’impôt développement durable et des éco-prêts à taux zéro, ainsi que le recul sur les grandes infrastructures ferroviaires nous inquiètent vivement.

Plus grave, la semaine dernière nous avons examiné en séance publique la proposition de loi instaurant un bonus-malus énergétique dans des conditions qui n’étaient pas dignes des enjeux. En effet, la procédure d’urgence a été engagée sur un texte qui ne sera appliqué qu’en 2014 ; la commission du développement durable n’a pas été consultée ; les travaux ont débuté avant l’ouverture de la Conférence environnementale censée s’emparer de ces sujets ; la concertation a été inexistante, ce qu’un grand nombre d’organisations ont dénoncé ; aucune étude d’impact n’a été effectuée ; enfin, nous avons vu l’apparition surprise de cavaliers législatifs à deux heures trente du matin sans aucune concertation préalable.

Que le Gouvernement piétine les droits du Parlement avec la bénédiction passive de la majorité est grave. Qu’il s’exonère de toute concertation sur des questions aussi essentielles est une faute.

Vous avez rompu avec la méthode participative du Grenelle de l’environnement et nous avons bien compris que le grand débat sur la transition énergétique était clos avant d’avoir commencé.

Monsieur le ministre, ma question est simple : quand allez-vous exiger de votre majorité qu’elle adopte une attitude plus respectueuse du travail parlementaire et de celui de la société civile ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et sur divers bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, le Gouvernement est naturellement très attentif lorsqu’un parlementaire, surtout de l’opposition, se plaint des conditions dans lesquelles un texte aurait été examiné. Aussi, il s’est penché de près sur les incidents survenus la semaine dernière, à deux heures du matin, lors de l’examen de la proposition de loi instaurant une tarification progressive de l’énergie.

Vous avez évoqué très rapidement évoqué le fond. Je le ferai tout aussi rapidement. Il s’agissait d’un débat important…

M. François Rochebloine. Engagé à deux heures et demie du matin !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …puisque les amendements portaient sur deux points qui auraient pu faire consensus, me semble-t-il.

Mme Laure de La Raudière. Ces amendements étaient des cavaliers législatifs !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. La première question était de savoir comment limiter les normes en matière d’installation d’éoliennes en France, nombre d’élus se plaignant de cette situation. Le second point, à partir de cette simplification, c’était les initiatives que l’on pouvait prendre pour sauver une filière en danger qui représente tout de même 11 000 emplois en France.

M. Patrick Ollier. Mais ces amendements n’avaient rien à voir avec le texte !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il y avait donc là une nécessité politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mais votre question concerne la procédure. Vous permettrez au parlementaire expérimenté que j’ai été d’avoir regardé de près ce qui avait pu se passer.

Vous avez indiqué dans la presse, et vous répétez aujourd’hui, que le Gouvernement aurait présenté, à deux heures du matin, des amendements qui n’auraient pas été examinés préalablement en commission, ce qui justifierait votre courroux. Je veux simplement, en toute objectivité, vous renvoyer au compte rendu de la réunion de la commission des affaires économiques qui s’est tenue le lundi 1er octobre 2012 à quinze heures trente sous la présidence de Mme Frédérique Massat – c’est la seule chose que le Gouvernement pouvait faire, puisqu’il n’est pas partie prenante dans le travail parlementaire à ce stade. Il y est précisé que l’ensemble des amendements du Gouvernement qui occasionneront l’incident survenu le jeudi suivant ont été examinés en commission. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous n’y étiez pas, mais la réalité c’est que la procédure a été respectée. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas vrai ! Il n’y a eu aucun débat en commission !

Politique vis-à-vis des entreprises

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Laurent Furst. Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, depuis 2008 la France vit une crise économique majeure. Cette crise, vous l’avez découverte fort opportunément après le second tour des élections législatives. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Cette crise, nous ne la nions pas, mais elle s’ajoute désormais à une autre difficulté : votre action qui met l’économie française à l’arrêt.

Ce sont nos entreprises agricoles, artisanales, commerciales, industrielles et de services qui créent la richesse et l’emploi. Face à leurs difficultés, quel discours tenez-vous ? Il peut se résumer en cinq mots : impôts, charges, contraintes, pénalités et réglementations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) À ce cocktail on peut ajouter les propos blessants de certains de vos ministres.

Le coût de tout cela est violent : dans le bâtiment, des dizaines de milliers d’emplois sont supprimés ; dans l’industrie, des investissements sont reportés ou annulés : dans le commerce, l’artisanat et l’agriculture, la confiance a été entamée.

Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, ouvrez les yeux ! Sans la confiance des chefs d’entreprise et de leurs cadres, la croissance déjà faible de notre pays va s’effondrer. Ouvrez les yeux ! En fustigeant celles et ceux qui créent la richesse et l’emploi, vous ferez exploser le chômage et souffrir les Français. Ouvrez les yeux ! Et dites-nous ici clairement ce que vous allez faire pour rétablir la confiance des entrepreneurs de France, si vous en avez l’intention.

Il est temps d’ouvrir les yeux et de répondre au vrai défi de la création de richesses et d’emplois afin d’éviter le Waterloo économique vers lequel vous nous dirigez. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, je ne pense pas que quiconque sur ces bancs (« Montebourg, Montebourg ! » sur les bancs du groupe UMP),…

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …ait jamais pensé fermer les yeux face aux difficultés de notre pays. Ouvrir les yeux sur la situation présente suppose d’être lucide sur les situations passées. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous êtes un peu courts concernant votre bilan, et je devine à vos exclamations, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, que le rappeler vous gêne tant il est vrai que cela vous renvoie à des responsabilités que vous n’assumez pas (Protestations sur les bancs du groupe UMP), alors que nous assumons pleinement les nôtres depuis quelques mois que nous sommes aux responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

C’est très gentil de votre part de rappeler que la crise existe et très aimable de sembler comprendre qu’elle n’est pas née en France mais sur un autre continent ; très aimable, j’y insiste, de rappeler qu’elle n’est pas le fruit des décisions de ce gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) mais des errements d’une politique publique menée aux États-Unis, comme en France ou au Royaume-Uni, qui faisait la part belle à ceux qui, dans le secteur bancaire et financier, estimaient que les privilégiés, eux, serviraient la cause de l’intérêt général, à savoir l’ensemble de nos concitoyens.

Qu’avez-vous donc fait, vous qui donnez des leçons depuis quelques semaines ? Qu’avez-vous donc fait pour ensuite nous reprocher les 900 milliards d’euros de dette supplémentaires à mettre à votre débit ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste. – Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP.) Qu’avez-vous donc fait, pour nous reprocher, à nous qui n’y pouvons rien, les trois millions de chômeurs qui sont aussi à inscrire à votre débit et certainement pas au nôtre ? (Mêmes mouvements.) Qu’avez-vous donc fait, monsieur le député, pour que l’Europe s’enfonce dans la crise, sommet après sommet – tous décisifs mais jamais utiles ? Qu’avez-vous donc fait sinon soutenir en permanence un gouvernement qui a mené la France au chaos et au déclin ?

M. Julien Aubert. N’importe quoi !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La France a vu sa parole se dégrader au sein de la communauté des dirigeants et dans le concert des nations. Qu’avez-vous donc fait pour me donner des leçons de la sorte ?

M. Philippe Meunier. Et vous, que faites-vous pour les trois millions de chômeurs ?

M. Lucien Degauchy. Du vent !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Réfléchissez donc à votre bilan, attendez de voir quelle sera notre action et quels résultats elle permettra d’obtenir pour la France. Alors, nous comparerons nos bilans et peut-être serez-vous un peu plus modeste. (Les députés des groupes SRC, écologiste, et RRDP se lèvent et applaudissent vivement. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Compensation de la fermeture
de la base aérienne de Cambrai

M. le président. La parole est à M. François-Xavier Villain, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. François-Xavier Villain. Monsieur le Premier ministre, en juillet 2008, le Gouvernement a décidé la fermeture de la base aérienne de Cambrai : 1 500 personnels civils et militaires dans un arrondissement de 150 000 habitants, soit 1 % de la population.

Conscient de l’impact de cette décision, le Gouvernement a mis en œuvre des mesures de compensation dans le cadre d’un contrat de redynamisation de sites de défense et a décidé l’implantation, à Cambrai, d’un établissement dépendant du commissariat général des armées.

Ces mesures ont été longues à appliquer mais ont fini par se concrétiser le 9 février 2011 par la signature du contrat et par la pose de la première pierre du centre administratif des armées par deux ministres, celui de la défense et celui de l’aménagement du territoire, accompagnés des préfets du Nord et du Pas-de-Calais – comment mieux symboliser l’engagement de l’État ? L’opération était prête et pouvait démarrer à l’été 2012, pour s’achever, comme il nous était demandé, le 1er septembre 2013.

Or, le 31 juillet 2012, le ministre de la défense a semble-t-il décidé de mettre un terme à ce projet, reniant ainsi les engagements antérieurs. Je dis « semble-t-il » car, à ce jour, le ministre n’a pas cru devoir m’en informer, marquant ainsi une forme de désinvolture à l’égard d’une collectivité qui n’a pas démérité. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Rochebloine. Scandaleux !

M. François-Xavier Villain. Ceci m’amène, monsieur le Premier ministre, à vous poser une seule question : que vaut, sous votre gouvernement, la parole de l’État ?

Votre réponse sera écoutée avec intérêt par les millions de Français qui entendent des promesses ; écoutée avec intérêt par les habitants de la région Nord-Pas-de-Calais qui ont pris acte de l’engagement de l’État de créer le canal Seine-Nord ; écoutée avec intérêt par les habitants du Cambrésis qui demandent au Gouvernement de garantir l’équité entre les territoires et l’impartialité de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que c’est le précédent gouvernement qui a décidé la fermeture de la base aérienne de Cambrai en 2008. Vous avez raison également de rappeler que, à l’issue de cette fermeture, des mesures de compensation ont été préparées, en particulier un centre de facturation commun au ministère de la défense et au ministère des finances et que ce projet se délitait au fur et à mesure que passaient les mois, à tel point que lorsque j’ai pris mes fonctions il ne restait plus qu’un centre d’évaluation des coûts d’environ 200 personnes.

J’ai fait étudier ce projet avec une grande attention, notamment son utilité puisqu’il s’agissait d’une création ex nihilo. Il ne m’a pas paru pertinent. Or en période de redressement des comptes publics il importe que les investissements soient pertinents. J’ai par conséquent décidé de suspendre et d’abandonner ce projet fondé sur une hypothèse pour le moins fantaisiste.

M. Guy Geoffroy. Oh !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous avez estimé nécessaire de contester cette décision auprès du tribunal administratif de Paris et vous avez été débouté. (Murmures.)

Nous avons en revanche mis en place une cellule de reclassement pour l’ensemble des personnels susceptibles d’être intéressés. À cette date, l’ensemble des personnels a trouvé une solution et les organisations syndicales ont toutes rendu hommage à la méthode que nous avons utilisée. Je vous rappelle enfin que vous avez été reçu par mon cabinet et que je suis tout prêt à vous recevoir prochainement…

M. François-Xavier Villain. Enfin !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …si des questions n’ont pas encore été réglées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Heures supplémentaires

M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Virginie Duby-Muller. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, qui apparemment n’est pas là. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous ne pouvez pas l’ignorer, la grogne monte fortement chez les travailleuses et les travailleurs qui avaient décidé de travailler plus pour gagner plus. En effet, par pure idéologie, vous avez supprimé, en juillet dernier, la défiscalisation des heures supplémentaires. Et cela, les Français le ressentent fortement, dans les petites entreprises comme dans les grands groupes, surtout depuis qu’ils ont reçu leur fiche de paie du mois de septembre, avec un manque à gagner de 50, 80, voire 100 euros ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Dans les faits, cette mesure a d’ailleurs généré une inégalité de traitement entre les salariés, puisque les personnes qui travaillent en équipe ont moins perdu que celles qui travaillent en journée, du fait des heures de pause non rémunérées.

Au total, ce sont neuf millions de personnes qui ont vu leur pouvoir d’achat amputé d’environ cinq cents euros par an : de quoi se permettre quelques extras ou de payer un crédit automobile.

M. Lucien Degauchy. Voilà quelle est la politique sociale de la gauche !

Mme Virginie Duby-Muller. Bref, vous prenez la responsabilité de vous attaquer au pouvoir d’achat, moteur de la consommation, et donc de la croissance.

J’ajoute que notre économie ne se portera pas mieux avec l’abrogation de la défiscalisation des heures supplémentaires. C’était une soupape, qui permettait de contrer les effets néfastes des trente-cinq heures. Cette mesure de partage du temps de travail témoignait déjà de votre conception économique éculée. Elle n’a pas eu les effets escomptés, notamment en matière de créations d’emploi. Et vous réitérez les mêmes erreurs aujourd’hui : une fois de plus, vous renchérissez le coût du travail !

Que se passe-t-il à présent ? Des donneurs d’ordres préfèrent déjà, quand ils ont le choix, envoyer leurs commandes en Allemagne plutôt qu’en France. On l’a compris : pour financer les promesses démagogiques du candidat Hollande, vous avez décidé de faire les poches des Français modestes,…

M. le président. Merci.

Mme Virginie Duby-Muller. …des retraités et des travailleurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, ce n’est pas la première fois que vous posez une question de cette nature : vous l’avez déjà fait la semaine dernière.

M. Bernard Deflesselles. C’est sa première question !

M. Michel Sapin, ministre. À votre question, j’aimerais répondre par une autre question.

Plusieurs députés du groupe UMP. Nous voulons une réponse !

M. Michel Sapin, ministre. Connaissez-vous, madame la députée, un seul pays en Europe qui, face à la crise économique et financière, et face à la montée du chômage, ait maintenu, et même amplifié un système d’encouragement aux heures supplémentaires ? Il n’en existe pas un seul ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît ! Écoutez la réponse du ministre !

M. Michel Sapin, ministre. Vous avez pris l’exemple de l’Allemagne en disant, ce qui me paraît imaginaire, que certains auraient choisi d’y réaliser leurs commandes ou leurs fabrications. Existe-t-il, en Allemagne, un dispositif d’encouragement aux heures supplémentaires ? La réponse est non ! En Allemagne, il existe des dispositifs qui permettent de mobiliser le chômage partiel.

M. Yves Censi. En Allemagne, il n’y a pas les trente-cinq heures !

M. Michel Sapin, ministre. Dépenser de l’argent public pour permettre à des salariés de maintenir un lien avec leur entreprise et de conserver leur emploi, c’est compréhensible. En revanche, dépenser autant d’argent public, non pas au profit des salariés, mais au profit des entreprises, pour créer du chômage, cela, ce n’est pas admissible.

Madame la députée, parmi les trois millions de chômeurs que vous nous avez laissés, combien sont au chômage à cause de ce dispositif d’encouragement et de subventionnement du chômage ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. C’est inadmissible !

M. Michel Sapin, ministre. Répondez à cette question, et vous verrez qu’il vaut mieux, dans notre pays comme dans tous les autres, privilégier l’intérêt général plutôt que la démagogie et l’intérêt particulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP)

Établissements d’hébergement
pour personnes âgées dépendantes

M. le président. La parole est à Mme Monique Iborra, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Monique Iborra. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, mes chers collègues, on reconnaît le degré d’avancement d’une société au sort qu’elle réserve aux jeunes générations et aux personnes âgées.

Alors que certains préfèrent occuper l’espace avec des polémiques stériles, ou en stigmatisant certaines populations, comme nous l’avons vécu récemment avec l’épisode des pains au chocolat, votre Gouvernement agit. Il agit pour l’emploi des jeunes, notamment avec les emplois d’avenir aujourd’hui, et les contrats de génération très bientôt. Il agit également à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que vous nous avez présenté, madame la ministre, et duquel nous aurons à débattre prochainement. Celui-ci témoigne d’une grande ambition : protéger les Français, notamment les plus vulnérables, en assurant la pérennité de notre système de soins, alors qu’une partie d’entre eux renonce à se soigner. Pour cela, le redressement de nos comptes sociaux, qu’on a laissés partir à la dérive ces dernières années, est indispensable.

C’est dans ce contexte difficile que la santé des personnes âgées et des personnes handicapées reste une préoccupation pour l’ensemble de nos concitoyens, au même titre que l’emploi. C’est aussi dans ce contexte qu’aujourd’hui, les établissements médico-sociaux sont soumis, par les agences régionales de santé, à de fortes contraintes en matière de fonctionnement. C’est dans ce contexte, enfin, que les établissements pour personnes âgées en perte d’autonomie font face à de réelles difficultés de recrutement et de fonctionnement, qui sont préoccupantes.

Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quelles mesures comporte le plan de financement de la sécurité sociale pour pallier ces difficultés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Censi. La création d’une taxe !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Madame la députée Iborra, je ne peux que souscrire à chacune de vos paroles.

L’allongement de la vie, qui a été le plus grand progrès du XXe siècle, constitue aujourd’hui le plus grand défi du XXIe siècle, et c’est nous qui allons le relever !

M. Yves Censi. Avec une nouvelle taxe ?

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale démontre qu’une politique de l’âge novatrice est une priorité de notre gouvernement.

M. Yves Censi. Vous allez taxer les retraités !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Ainsi, les expérimentations des parcours de santé pour les âgés, qui seront mises en place dès 2013, vont constituer la clé de l’avenir de notre système de santé.

Disons-le aussi, ce PLFSS s’inscrit résolument dans la bataille de l’emploi. Le budget consacré aux âgés augmentera de 4,6 % en 2013. Au sein de cette enveloppe, nous ouvrons 147 millions d’euros pour la médicalisation, c’est-à-dire, très concrètement, pour qu’un plus grand nombre de personnes, et de personnes plus qualifiées, soient auprès des âgés en établissement.

De plus, un nouveau fonds de restructuration de 50 millions, en direction de l’aide à domicile, permettra de sauver plusieurs milliers d’emplois et de nous préparer à répondre aux besoins – 300 000 emplois seront nécessaires pour cela, selon la DARES.

Enfin, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie inscrit dans la loi…

M. le président. Merci…

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. …le financement de la perte d’autonomie,…

M. Yves Censi. Et voilà ! Ce sera un prélèvement de 700 millions d’euros sur les retraités !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. …qui améliorera concrètement la vie de tous les Français : aidants, professionnels,…(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Merci, madame la ministre.

Grand Paris

M. le président. Chers collègues, écoutez les orateurs en silence, les cris ne servent qu’à détériorer l’image de notre institution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

La parole est à M. Jean-François Lamour, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-François Lamour. Monsieur le Président, j’espère que le respect auquel vous appelez sera de mise sur les bancs de la gauche durant mon intervention.

Monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, dans votre réponse à la question de notre collègue Bertrand Pancher vous faites la part belle à votre expérience, mais également au mensonge ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il n’est pas nécessaire de continuer dans cette voie dans cet hémicycle. En effet, tous les amendements concernant l’éolien ont été déposés en application de l’article 88 de notre Règlement, c’est-à-dire juste avant la séance, empêchant tout débat au sein de la commission des affaires économiques, et vous le savez très bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Cher collègue, venez-en à votre question.

M. Jean-François Lamour. Ma question s’adresse à Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Madame la ministre, après l’été des dépenses nouvelles et de l’endettement supplémentaire, voici l’automne du matraquage fiscal et de la décroissance. Ce que vous préparez, c’est l’effondrement de la compétitivité française. La vérité est que vous abandonnez tous les investissements structurants et tous les programmes de long terme.

Je veux parler du Grand Paris. Ce projet porte d’abord sur les transports : il prévoit 200 km de lignes pour désenclaver la capitale et rapprocher les Franciliens de leur travail. Le Grand Paris, c’est aussi un territoire dont la taille permettra plus de constructions de logements, plus de créations d’entreprises, plus d’innovations, donc évidemment plus d’emplois. C’est un projet essentiel pour Paris, pour sa région et pour la France. C’est ainsi que Nicolas Sarkozy l’avait dessiné en avril 2009. Et pourtant, par un tour de passe-passe inacceptable, votre Gouvernement a fait disparaître le milliard d’euros indispensable à son démarrage. De quoi faire bondir tous les élus franciliens sur leurs sièges, à droite comme à gauche.

Sans cet argent, pas de Grand Paris, et sans Grand Paris, la capitale française quittera définitivement son rang dans la compétition mondiale. Madame la ministre, allez-vous nous dire si le Gouvernement va budgéter ce milliard d’euros et réaliser le Grand Paris ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le député, je crains que vous n’ayez pas été très attentif. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Mais ça ne me dérange pas de me répéter encore.

Le Grand Paris, c’est certes le Grand Paris express, mais pas uniquement. Le Gouvernement aura l’occasion de présenter un plan pour le Grand Paris qui intègre bien d’autres dimensions, en particulier celle du logement.

Pour cette infrastructure, le Gouvernement a choisi d’assumer la réalité de ce projet en totalité, sans en modifier le tracé ni le choix des gares, issus d’une très large concertation avec les élus locaux et l’ensemble des habitants d’Île-de-France.

Assumer ce projet et sa faisabilité, cela implique d’aller au bout de son chiffrage et de le phaser, et non pas de dire : « On fera ce qui sera prêt », comme je l’ai entendu dans la bouche de certains. Nous ferons ce qui est nécessaire et qui répond aux besoins des Franciliens, des zones les plus densément peuplées et des territoires les plus enclavés. Une mission d’expertise rendra ses conclusions le 30 novembre.

M. Guy Geoffroy. Nous allons enfin avancer alors !

Mme Cécile Duflot, ministre. À l’issue de cette mission, nous connaîtrons le coût exact de ce projet.

Monsieur le député, je veux dire à l’ensemble des habitants d’Île-de-France que le Grand Paris express se fera. S’il faut une dotation en capital d’un milliard d’euros en plus des ressources propres de la SGP en 2015, elle sera faite. Ainsi, ce projet aura encore plus de chances de se réaliser, parce qu’il sera assumé, pensé, phasé, structuré, et non pas seulement idéalisé. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) La volonté du Gouvernement permettra de réaliser ce projet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

Actions en faveur de l’égalité entre filles et garçons

M. le président. La parole est à Mme Maud Olivier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Maud Olivier. Madame la ministre des droits des femmes, vous étiez en Seine-et-Marne il y a quelques jours en compagnie du ministre de l’éducation nationale pour y présenter les prochaines mesures relatives à l’égalité entre filles et garçons.

Les chantiers sont importants pour venir à bout de la construction sexuée des parcours scolaires, de la différence de regard sur les filles et les garçons, et des violences sexistes et sexuelles.

Pour que l’égalité devienne une réalité, c’est dès l’enfance que tout se joue. C’est là que se trouvent les leviers en matière d’égalité professionnelle et de déconstruction des préjugés sur les filles et les garçons, fondements des violences faites aux femmes. C’est dès le plus jeune âge qu’il faut agir pour nous déconditionner et modifier notre société en profondeur et à long terme.

L’éducation à la sexualité ne doit pas être oubliée. L’obligation légale de trois heures d’éducation à la sexualité de l’école pré-élémentaire à la terminale n’est pas appliquée sur tout le territoire. Certaines collectivités – comme la ville des Ulis, dont j’ai été maire jusqu’à ces dernières semaines – ont choisi de pallier ces insuffisances en luttant contre les grossesses précoces avec un dispositif éduquant les filles à porter un autre regard sur leur corps, à construire leur citoyenneté et leur donner l’exigence – ô combien légitime – de vivre leur sexualité sans violence, en mettant en place des formations pour sensibiliser les personnels de la petite enfance et des centres de loisirs à lutter contre les stéréotypes de genre. Mais il existe une inégalité de fait dans tous les territoires où aucune mesure de cette nature n’a été prise.

Madame la ministre, de concert avec le ministre de l’éducation nationale, pouvez-nous préciser les actions qui seront menées en matière d’égalité entre filles et garçons, et plus précisément en ce qui concerne l’éducation à la sexualité, ainsi que le calendrier de leur mise en œuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, je sais votre attachement à la lutte contre les violences faites aux femmes et au combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes, je sais ce que vous avez fait sur le terrain, et je tiens à vous dire combien je suis heureuse de vous voir porter ce message haut et fort au sein de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je ne peux que vous donner raison : toutes les inégalités entre les sexes, toutes les violences sexistes qui malheureusement subsistent encore dans notre société trouvent leurs racines dans des stéréotypes, dans ces rôles que la société assigne aux unes et aux autres. L’école devrait normalement combattre ces stéréotypes et apprendre à les déconstruire, mais elle ne le fait pas toujours. Souvent, elle les conforte faute de suffisamment les mettre en question.

La refondation prochaine de notre école conduite par mon collègue Vincent Peillon sera l’occasion inespérée de travailler sur ces sujets. Le Président de la République a rappelé hier les valeurs au cœur de l’école républicaine, au centre desquelles figure l’égalité.

Tout le monde doit bien comprendre sur ces bancs que lorsque nous parlons des stéréotypes ou des inégalités entre filles et garçons, il ne s’agit pas simplement d’un phénomène dont les filles seraient victimes. Les garçons en souffrent aussi. Lorsque l’on voit qu’en primaire, l’un des principaux problèmes est le retard pris par les garçons pour la lecture ; lorsque l’on sait que l’une des raisons pour lesquelles les Japon ou la Corée du Sud figurent si bien dans le classement PISA, c’est que les filles et les garçons y ont un même niveau de goût pour la lecture ; on réalise alors la nécessité de travailler sur ce sujet.

Quel est ce travail que nous allons conduire avec Vincent Peillon ? À tous les âges de la vie, dès la maternelle, nous allons mettre en place des programmes nommés ABCD de l’égalité.

M. le président. Merci, madame la ministre…

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre Ils apprendront de façon ludique l’égalité aux enfants.

M. le président. Merci !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre Je termine en deux mots… Au collège, il faudra lutter contre les violences faites aux filles…

M. le président. Merci !

Politique scolaire

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Frédéric Reiss. Chers collègues, en l’absence du Premier ministre, j’adresse ma question à M. le ministre de l’éducation nationale.

Monsieur le ministre, hier, à la Sorbonne, avec la grande majorité du Gouvernement, vous avez écouté le Président de la République lors de son grand discours qui devait marquer les esprits en donnant le top départ de la refondation de l’école, la « priorité absolue » de son mandat.

Comme Jean-Frédéric Poisson il y a quelques minutes, et comme nombre de mes collègues, je suis resté sur ma faim. Au-delà des constats et du diagnostic désormais bien connus, aucun des fondamentaux n’a été remis en question. Aussi cette refondation est-elle pour l’instant une ambition déçue.

Le socle n’est pas remis en cause, la scolarisation des élèves handicapés progresse, la personnalisation de l’enseignement pour les élèves en difficulté avance, la mastérisation et l’intégration de la formation des maîtres à l’université est acquise. En tout cas, c’est ce que mentionne le rapport Refondons l’école de la République.

Monsieur le ministre, il est bon que le Parlement débatte de l’école, mais faut-il une nouvelle loi alors que tous les outils existent dans la loi Fillon du 23 avril 2005 ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Certes, 40 000 recrutements, dont 22 000 créations de postes, sont prévus en 2013. Mais malheureusement, en vous focalisant une fois de plus sur les moyens, vous faites fausse route.

Tout le monde s’accorde à dire – et vous l’avez encore répété tout à l’heure, monsieur le ministre – que les efforts sont à faire dans l’enseignement élémentaire et pré-élémentaire. Encore faut-il des enseignants préparés, formés et respectés. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. C’est l’UMP qui dit ça ? Quel culot !

M. Frédéric Reiss. Il faut agir sur le qualitatif et non sur le quantitatif.

Je crois au rôle décisif du directeur d’école, à la fois leader pédagogique pour ses collègues et interlocuteur privilégié des familles et des collectivités. Je crois à l’effet « chef d’établissement ».

M. Guy Geoffroy et M. Marc Le Fur. Bravo !

M. Frédéric Reiss. Alors, monsieur le ministre, allez-vous améliorer la formation des directeurs d’école…

M. le président. Merci.

M. Frédéric Reiss. …et leur proposer un véritable… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, il est étrange que vous puissiez poser une telle question. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Elle est l’aveu non seulement d’une ignorance stupéfiante, mais aussi d’une mauvaise foi accablante, qui déshonore votre fonction. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Faites-vous élire, on verra après !

M. Vincent Peillon, ministre. Comment pouvez-vous, d’abord, traiter avec un tel mépris le recrutement des professeurs ? Chacun le sait : pour qu’un élève puisse apprendre quelque chose, il faut qu’il y ait un professeur devant lui. Or ce qui a été conduit depuis des années – tous les parents d’élèves qui nous entendent le savent –, c’est le dépérissement de l’éducation nationale et l’impossibilité de mettre des professeurs devant des élèves. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Deuxièmement : il faut non seulement mettre des professeurs…

M. Philippe Meunier. Faites-vous élire !

M. Vincent Peillon, ministre. …mais il faut également les former. Vous avez détruit la formation des maîtres. (Mêmes mouvements.)

Le Président de la République a annoncé précisément que ces moyens supplémentaires serviraient aussi à la formation des maîtres.

Troisièmement : la priorité au primaire et à l’accueil des tout petits.

M. Philippe Meunier. En couches-culottes !

M. Vincent Peillon, ministre. À notre départ en 2002, 30 % des enfants de France pouvaient être accueillis à l’école lorsqu’ils avaient moins de trois ans. À notre retour, cette proportion était de 10 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Comme l’OCDE vient de le rappeler, les moyens pour le primaire ont été encore diminués. Notre taux d’encadrement en primaire est le plus faible des pays européens ; nous avons aussi le moins grand nombre de jours de classe.

M. Lucien Degauchy. On va vous voir à l’œuvre !

M. Vincent Peillon, ministre. Le Président de la République a annoncé hier des réformes qui sont dans l’intérêt de tout le pays.

Je préférais l’intervention de votre collègue Jean-Frédéric Poisson. Car il faut comprendre qu’au-delà des joutes partisanes, il y a l’intérêt des élèves, l’intérêt de la République, l’intérêt de la France, et que nous pouvons nous rassembler. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ligne à très haute tension Cotentin-Maine

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.

Mme Isabelle Attard. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

La ligne à très haute tension Cotentin-Maine acheminera l’électricité produite par le futur EPR de Flamanville. Elle est installée par Réseau de transport d’électricité, filiale à 100 % d’EDF, elle-même possédée à 84,5 % par l’État français, qui est donc responsable de ce chantier.

Dans ses brochures grand public, au chapitre « Les lignes très haute tension sont-elles dangereuses pour les riverains ? », RTE écrit : « Sous les lignes, prudence, restons à distance ». Du propre aveu de RTE, les lignes THT sont donc dangereuses – ce que suggèrent les trop rares études épidémiologiques sur le sujet. Pourtant, RTE construit cette ligne THT sans concertation avec les riverains, en n’hésitant pas à bafouer la loi.

Mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, si demain une entreprise venait chez moi, ou chez vous, abattre vos arbres, défoncer votre terrain, et construire un pylône de quatre-vingt-dix mètres de haut sans en avoir reçu la moindre autorisation, que feriez-vous ? Comme moi, comme n’importe quel citoyen, vous vous placeriez devant les bulldozers. C’est ce que les propriétaires ont fait : ils ont fini en garde à vue. Il est intolérable que des citoyens qui s’opposent légalement à un déni de leurs droits soient traités comme des criminels.

Jeudi 13 septembre 2012, la justice a condamné RTE pour voie de fait sur un agriculteur de la Manche. Demain, 11 octobre, d’autres propriétaires seront au tribunal face à RTE pour pénétration illégale sur une propriété privée. Quand nous parlons d’éoliennes, on nous oppose des problèmes d’acceptabilité largement fantasmés. En matière d’acceptabilité et d’impact sur le paysage, on fait preuve de beaucoup moins de précautions quand il s’agit de la THT. Nous refusons ce deux poids, deux mesures.

Madame la ministre, je pense que comme moi, vous désapprouvez la méthode de travail agressive de RTE. Mais quand annoncerez-vous la mise en place d’une réelle concertation entre RTE et les riverains, qui n’a que trop tardé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Madame la députée, permettez moi d’abord de me saisir de votre question pour renvoyer M. Lamour au compte rendu officiel de la réunion de la commission des affaires économiques du 1er octobre dernier, que le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement a évoquée.

Madame la députée, vous savez que le Gouvernement ne peut commenter une décision de justice. L’infrastructure à laquelle vous faites référence est nécessaire. Vous avez évoqué l’EPR ; on peut évoquer dans ce secteur le développement¸ demain, d’hydroliennes qui rendront nécessaire le transport d’électricité.

Quant aux oppositions et aux contentieux en cours, le dialogue doit reprendre sous l’égide du préfet coordinateur.

En ce qui concerne les effets sanitaires, votre question concerne toutes les lignes à haute tension. Les études épidémiologiques montrent des associations statistiques entre l’exposition aux champs magnétiques de très basse fréquence et certaines pathologies, notamment les leucémies infantiles. Il s’agit d’un lien de corrélation, sans qu’un lien de causalité n’ait été établi d’un point de vue scientifique. Mais c’est ce qui à conduit le Centre international de recherche sur le cancer à classer les champs magnétiques de très basse fréquence dans le groupe 2B, ainsi qu’à la prescription d’une bande de cent mètres autour des lignes à très haute tension.

Vous le savez, trois rapports scientifiques avaient été établis en 2010 par l’ANSES, par l’Office parlementaire des choix techniques et scientifiques, et par le CGEDD. Aucune conclusion n’en avait été tirée. Tout cela a été discuté lors de la conférence environnementale. Nous avons souhaité que l’ANSES procède d’ici à la fin de l’année 2012 à une mise à jour de l’ensemble de l’expertise scientifique sur ce sujet, et d’ici à 2014, à l’actualisation des travaux scientifiques concernant notamment les conséquences pour la santé animale. Le Gouvernement tirera bien sûr les conséquences de ces études dans la mesure où, comme vous le savez, le développement des énergies renouvelables rendra nécessaire la création de plusieurs milliers kilomètres de lignes à haute tension. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Agression contre des sapeurs-pompiers à Carpentras

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Julien Aubert. Ma question s’adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Madame le ministre, le week-end dernier, une équipe de sapeurs-pompiers de Carpentras a été sciemment attirée dans un véritable guet-apens dressé par une quarantaine de sauvageons de la cité des Amandiers, un des quartiers les plus défavorisés de ma circonscription.

Je sais que je me fais le porte-parole de l’ensemble de mes collègues parlementaires en condamnant cette agression gratuite et en apportant solennellement notre soutien aux sapeurs-pompiers de Carpentras et de la France entière. (« Inutile de hurler ! » sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous en prie, chers collègues.

M. Julien Aubert. Ces événements ne sont malheureusement pas un épiphénomène et viennent amplifier un mouvement qui s’est accéléré depuis plusieurs semaines. Tirs en pleine rue, embuscades urbaines contre des automobilistes, rodéos nocturnes, voitures béliers. Des pompiers qu’on agresse, des écoles qu’on prend d’assaut, des policiers qu’on provoque. C’est le visage de la république qu’on cherche à défigurer. (« Tout à fait » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Les habitants vivent barricadés chez eux, et, quelles que soient leurs origines, n’espèrent souvent qu’une chose : déménager.

À Carpentras, petite ville de 30 000 habitants, les habitants connaissent très bien la petite centaine d’individus qui gangrène la vie de leur commune, des délinquants qui attendent bien souvent les policiers munis d’armes à feu et de gilets pare-balles.

Comment expliquez-vous, madame le ministre, que systématiquement, les victimes de ces agressions, quelques jours, parfois quelques heures après leur arrestation, retrouvent leurs agresseurs libres de leurs mouvements, avec le sourire goguenard de celui qui a compris que l’impunité est devenue la règle ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer et Mme Valérie Pecresse. Très juste !

M. Julien Aubert. Les policiers et les gendarmes sont-ils contraints à être des Sisyphe devant éternellement rouler la pierre de la sécurité sur la pente de la permissivité judiciaire ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Merci, monsieur le député…

M. Julien Aubert. Les Français ne comprennent pas cette société… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. le président. Merci !

La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (« Taubira ! Taubira ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous invite à retrouver un peu de calme, chers collègues.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, nous pourrions tous nous retrouver pour saluer ceux qui représentent nos services publics et qui interviennent dans tous nos territoires, quartiers urbains ou territoires ruraux : policiers, gendarmes – j’ai déjà eu l’occasion de le dire hier – et sapeurs-pompiers, à qui j’ai rendu hommage en me rendant au nom du Gouvernement au congrès d’Amiens.

Oui, trop de policiers, trop de gendarmes, trop de sapeurs-pompiers sont aujourd’hui attirés dans des guets-apens. Ils sont insultés, caillassés et on leur tire dessus. Mais pourquoi vociférer, monsieur le député ? Pourquoi mettre en cause la justice ? Vous êtes un parlementaire, je l’ai été, pourquoi mettre en cause la séparation des pouvoirs, le rôle de l’État, le rôle de la police, le rôle de la justice ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pourquoi à tout prix vouloir les affaiblir par vos propos ? Alors que près de vingt lois en matière de sécurité et de justice ont été votées, on est arrivé au résultat que vous êtes en train de décrire ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ne croyez-vous pas qu’il faut une autre politique en matière de sécurité et de justice qui permette à la fois la fermeté, la sévérité, la règle républicaine et la justice, une justice adaptée qui doit être sévère ? Et dans le code pénal, quand il s’agit de personnes dépositaires de l’autorité, la justice doit et peut être impitoyable.

M. Julien Aubert. Ce n’est pas le cas !

M. Manuel Valls, ministre. Au lieu de vociférer, monsieur le député, au lieu de mettre en cause l’état de droit, rejoignez-nous quand il s’agit d’augmenter les postes de policiers et de gendarmes que vous avez vous-mêmes mis en cause ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert. Scandaleux !

M. Manuel Valls, ministre. Rejoignez-nous…

M. Jacques Myard. Non !

M. Manuel Valls, ministre. …quand il faut créer des zones de sécurité. Rejoignez-nous pour dire que dans ce Gouvernement, contrairement à ce qui se faisait dans le passé, la garde des sceaux et le ministre de l’intérieur travaillent ensemble pour l’intérêt général. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Mmes et MM les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent vivement.)

Financement des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Serge Janquin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Serge Janquin. Ma question concerne l’économie, les finances et le budget.

La semaine dernière, mon collègue Pietrasanta a interrogé le Gouvernement sur la nécessité d’assurer la sortie de crise des collectivités et établissements publics qui ont été victimes, je dis bien victimes, des prêts toxiques du système bancaire, notamment de Dexia. Dans le moment, elles se trouvent dans l’impossibilité de se projeter dans l’avenir, notamment pour leur budget 2013. Mais ceci n’est qu’un aspect des problèmes qu’elles rencontrent.

À l’heure actuelle, les élus, les cadres des collectivités locales et établissements publics font le tour des acteurs du crédit pour financer leur programme d’investissements et ils n’y parviennent pas. L’engagement de la Caisse des dépôts et celui de la Banque postale qui, pour le moment, ne peut proposer que des lignes de trésorerie, ne suffisent pas : on ne finance pas des investissements avec du crédit à court terme.

Quand on sait la part que représente l’engagement des collectivités territoriales dans le financement de l’économie, on peut nourrir des inquiétudes sur le niveau des investissements dans nos territoires, ses conséquences sur les entreprises et sur l’emploi.

Lors des états généraux de la démocratie territoriale, le 5 octobre, le Président de la République a certes appelé tous les acteurs publics à la restauration de nos équilibres financiers. Mais je ne parle pas ici du fonctionnement, mais bien des investissements indispensables à la croissance.

Il a bien précisé qu’il veillerait à ce qu’il n’y ait aucune rupture dans le financement des investissements des collectivités locales. Il a ajouté deux choses importantes : l’aide aux collectivités qui subissent les conséquences des emprunts toxiques et un renforcement de la péréquation financière.

Aussi je vous demande, monsieur le ministre, par quelles dispositions précises le Gouvernement entend honorer les engagements que le Chef de l’État vient de renouveler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. La question que vous posez, monsieur le député, est fondamentale. J’imagine qu’elle intéresse au plus haut point les élus des collectivités locales qui sont confrontées à une crise du financement de leurs investissements tout à fait préoccupante. Cette crise est ancienne. Vous l’avez souligné, elle est née avec la faillite de la banque des collectivités locales, la banque Dexia. Cette faillite ne fut pas le fruit du hasard, mais la conséquence d’une politique délibérée…

M. Pascal Terrasse. De privatisation !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …fondée non sur l’intérêt général ou le souci des collectivités, mais sur la doctrine et l’idéologie.

Il ne fallait pas qu’une banque restât dans le domaine public, c’est-à-dire la Caisse des dépôts. Il fallait l’en sortir, puis la privatiser, et accepter que son siège fût transféré à Bruxelles ou ailleurs, sans aucun contrôle.

M. Jean Glavany. Il fallait des retraites chapeaux !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il fallait au moment de sa faillite accepter que ses deux principaux dirigeants qui avaient largement failli, eux aussi, puissent partir, l’un avec une retraite-chapeau, l’autre avec des indemnités scandaleuses.

M. Jean Glavany. Scandaleux en effet !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cette banque ayant fait faillite, les collectivités locales se sont retrouvées fort dépourvues car le secteur bancaire traditionnel qui avait sa part n’a pu l’augmenter pour les raisons que l’on sait. Il a fallu que la Caisse des dépôts se substitue. Récemment, Pierre Moscovici a donné son accord à celle-ci pour qu’une enveloppe supplémentaire soit débloquée au profit des collectivités locales.

Le fond n’est pas là. Le fond est qu’il faut recréer une banque des collectivités locales. Vous savez que tel est le projet que mènent conjointement la Caisse des dépôts et la Banque postale, pour refaire une banque des collectivités locales. En attendant, il faut parer aux urgences.

L’urgence, c’est assurer la trésorerie. L’urgence, c’est assurer les investissements. Car n’en déplaise à certains, la commande publique contribue pour beaucoup au traitement de la crise et à la relance de l’économie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Vaillant. Très bien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Oui, les collectivités locales se doivent de pouvoir financer leurs projets. Il y va de l’emploi, de la survie des entreprises, il y va du maillage territorial auquel les uns et les autres nous sommes particulièrement attachés.

Monsieur le député, vous le savez, le Gouvernement travaille à ce que les collectivités locales puissent remplir leurs missions, des missions auxquelles nous sommes tous particulièrement attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

2

Éloge funèbre d’Olivier Ferrand

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.)

M. le président. Madame, chère Carole, mademoiselle, chère Ariane, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, mesdames, messieurs, il est des hommages que l’on ne devrait pas avoir à prononcer parce que l’avenir ne devrait jamais disparaître avant d’avoir succédé au passé.

Olivier Ferrand était notre avenir. Impatient de servir la République, il était à l’image de ces nouveaux députés qui siègent parmi nous aujourd’hui, quel que soit leur parti, quelles que soient leurs idées. Il est mort au seuil d’une vie nouvelle, une vie parlementaire qu’il avait tant voulue et pour laquelle il avait tant donné.

Ses premiers mots dans cet hémicycle, Olivier Ferrand n’aura jamais eu le temps de les prononcer.

Tout est allé si vite.

Le dimanche 17 juin, Olivier Ferrand était élu député de la huitième circonscription des Bouches-du-Rhône. Le lendemain, il accordait une interview au quotidien La Provence. Le journal raconte qu’Olivier Ferrand avait téléphoné à l’Assemblée nationale et dit de manière simple, directe, spontanée : « Allô l’Assemblée nationale ? Je suis Olivier Ferrand. Je suis nouveau député et je cherche à savoir comment ça marche. » Ces mots en disent long sur sa détermination, sa volonté de comprendre, son impatience à se mettre au service des Français.

La nouvelle législature s’est officiellement ouverte le mardi 26 juin. Olivier était parmi nous, ici, dans cet hémicycle.

Le destin a voulu que le samedi 30 juin au matin, la mort le terrasse, lui, le sportif, l’homme d’action qui détestait l’immobilisme, au retour d’une course à pied, à l’image de la vie qu’il avait choisie : aller vite, s’éprouver, se dépasser. Il a trouvé la mort à Velaux, le berceau de sa famille paternelle où habitaient ses grands-parents, dans le sud de la France où il avait vécu toute sa jeunesse et qu’il chérissait tant. La veille encore, il assistait au dîner annuel de ses amis les Gracques.

Fidèle à sa famille, fidèle à ses amis, fidèle à ses convictions et à ses ambitions, qu’il avait grandes, jamais il ne se sera économisé.

À vingt ans, il avait quitté le Midi pour poursuivre ses études à Paris. Après HEC, Sciences Po et l’ENA, Olivier Ferrand avait commencé sa carrière de haut fonctionnaire comme administrateur civil au ministère de l’économie. Il avait débuté à la direction générale du Trésor, où il suivait les négociations financières internationales. Il était ensuite devenu conseiller technique pour les affaires européennes auprès du Premier ministre, Lionel Jospin.

Responsable pour les questions européennes et internationales au sein de son organisation politique, maire-adjoint du troisième arrondissement de Paris entre 2001 et 2007, Olivier Ferrand avait créé en 2008 Terra Nova, un laboratoire d’idées à l’échelle française et plus encore européenne. Précurseur, il souhaitait rénover le débat démocratique et faire émerger de nouvelles idées. Terra Nova s’était entouré d’experts au niveau international, national et local. Pas question de rester entre soi, au sein d’une élite de privilégiés, il s’agissait de faire appel à toutes les forces de notre pays : aux parlementaires, aux universitaires, aux dirigeants d’entreprise, aux acteurs de la société civile, dans toute leur diversité.

Passionné par l’analyse de notre société, Olivier Ferrand était convaincu que c’était par les idées que sa famille politique retrouverait la confiance des Français. Cet homme aux dons multiples était reconnu pour ses tribunes dans la presse et ses interventions percutantes dans les débats. Tour à tour expert, journaliste ou chroniqueur, son visage était devenu familier pour beaucoup de Françaises et beaucoup de Français.

Mais pour que son action prenne tout son sens, Olivier Ferrand avait décidé de l’inscrire désormais dans un cadre institutionnel, démocratique et républicain. L’élection au suffrage universel et le mandat de député constituaient les suites logiques de ses engagements politiques et personnels.

Le soir de son élection à l’Assemblée, Olivier Ferrand avait eu le succès modeste : « Ma victoire tient en trois mots : chance, courage et porte-à-porte. »

Du courage, il n’en aura jamais manqué. Il s’était battu pour gagner une circonscription législative réputée ingagnable, où aucun député de sa famille politique n’avait été élu depuis plus de trente ans. Par son travail, par son courage, il avait gagné la confiance d’une partie des Français. Il savait qu’il devrait désormais, comme nous tous, se partager entre l’Assemblée nationale et sa vie en circonscription. Heureux de pouvoir mettre en pratique les projets dont il fourmillait, il souhaitait créer une « maison de la circonscription » ouverte à tous les habitants. Il voulait que ceux-ci viennent y débattre avec des personnalités sur les sujets qui pouvaient les toucher ou simplement les intéresser. Engagé, il voulait agir, s’impliquer et, enfin, rendre compte du mandat qui lui avait été confié.

À l’Assemblée nationale, Olivier Ferrand s’était inscrit comme membre de la commission des finances. Il aurait tant aimé participer aux débats qui sont les nôtres en ce moment sur l’avenir de l’Europe et sur le traité de stabilité. Nous aurions tant aimé l’écouter.

La bataille législative avait été rude ; elle l’est bien souvent. Mais, malgré une campagne éprouvante, jamais il n’avait envisagé d’interrompre ce rythme trépidant. Olivier Ferrand avait hâte, c’était un homme pressé, c’était un homme impatient, un jeune député promis à une carrière éclatante. Il voulait moderniser et réformer notre pays, améliorer la vie de ses habitants. Comme pour les Gracques à l’époque de la Rome antique, sa destinée aura été à la fois tragique et brillante.

Sans doute sommes-nous beaucoup ici à nous souvenir du moment exact où nous avons appris sa disparition. Car, à cet instant, nous avons su que nous ne perdions pas seulement un collègue, un représentant de la nation, un député, mais aussi une part de notre avenir, quelle que soit notre famille, quelles que soient nos idées.

À vous Carole, son épouse, à vous Ariane, sa fille, dont je connais l’autre cordon ombilical qui reliait vos sens à ceux d’Olivier, à ses parents, à sa famille politique, à ses amis, j’adresse, au nom de tous les députés de l’Assemblée nationale et en mon nom personnel, mes condoléances profondément émues et attristées.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Madame, chère Carole, chère Ariane, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les députés, la disparition brutale d’Olivier Ferrand, le 30 juin 2012, à Velaux, dans le mas familial, nous a tous bouleversés. C’est une perte immense pour sa femme, Carole, pour sa fille, Ariane, pour sa famille, pour ses proches, pour ses amis, ses amis socialistes, et aussi pour le débat démocratique.

Il a été fauché en pleine jeunesse, à l’âge de quarante-deux ans, lui qui était animé d’une énergie peu commune.

Il est mort dans sa circonscription, celle qu’il venait de conquérir de haute lutte. Il aimait cette magnifique région. Il était particulièrement attaché à la ville de Marseille, qui l’a vu naître en 1969.

Son parcours brillant force le respect. C’est le parcours d’un responsable politique, mais aussi d’un intellectuel qui aimait par-dessus tout le débat d’idées. Diplômé d’HEC, de Sciences Po Paris et de l’ENA, il a toujours pris plaisir par la suite à enseigner, à transmettre, dans ces écoles prestigieuses où il avait été lui-même étudiant, l’économie, les finances publiques – il est l’auteur d’un manuel connu de tous les spécialistes – ou encore les questions européennes qui le passionnaient.

Olivier Ferrand était un Européen convaincu. Conseiller pour les affaires européennes auprès de Lionel Jospin de 1999 à 2002, délégué général à partir de 2004 du club de réflexion « À gauche en Europe », il fut aussi le rapporteur général de la mission « l’Europe dans la mondialisation ». Il s’est constamment engagé pour la construction d’une Europe politique, pour une Europe capable de défendre son modèle et qui puisse jouer pleinement son rôle sur le plan international.

Passionné par l’action politique, il a très vite voulu se frotter au suffrage universel. D’abord élu dans le 3e arrondissement de Paris de 2001 à 2007, il impulse avec son maire, Pierre Aidenbaum, des pratiques démocratiques innovantes, par exemple dans le cadre du projet de rénovation du Carreau du Temple. En 2007, il échoue à se faire élire député dans la quatrième circonscription des Pyrénées-Orientales, mais il démontre, dans ce premier combat électoral particulièrement difficile, une ténacité et un courage remarquables. Et en 2008, il est élu dans la commune de Thuir où il devient maire adjoint.

En juin 2012, il y a quelques mois, c’est au terme d’une campagne particulièrement rude qu’il est élu député de la huitième circonscription des Bouches-du-Rhône. Cette victoire, il est allé la chercher par une campagne de terrain déterminée, mais aussi en suscitant des débats de fond très appréciés des électeurs, en donnant en quelque sorte une image rénovée de la politique.

Nous avons tous la conviction qu’il aurait été un député actif, un député respecté dont la parole aurait compté. Il était devenu un symbole du renouvellement de la classe politique et de la volonté de concilier l’engagement politique et le débat intellectuel.

Olivier Ferrand était un intellectuel social-démocrate, qui s’assumait comme tel. Il creusait son sillon, produisait des idées innovantes, poursuivait un objectif clair : dépasser les vieilles recettes, chercher de nouvelles solutions pour surmonter la crise et repartir de l’avant.

Le laboratoire d’idées qu’il a créé en 2008 et dont il était le président, Terra Nova, s’est imposé très vite comme l’un des plus productifs et des plus écoutés. Terra Nova, c’est plus de 60 rapports publiés depuis 2008 sur des sujets essentiels comme l’avenir des retraites, la lutte contre la pauvreté, la maîtrise de l’énergie, les services publics, la compétitivité, la santé, ainsi que des centaines de notes d’analyse couvrant l’intégralité des politiques publiques. C’est un réseau remarquable d’un millier de chercheurs, d’intellectuels et d’experts. Son indépendance à l’égard de tout appareil, sa capacité à susciter le débat sans tabou, en refusant tout carcan idéologique, en ont fait une référence incontournable.

C’est dans ce cadre qu’Olivier Ferrand a contribué à faire avancer le projet de primaire ouverte en vue de la désignation du candidat socialiste à l’élection présidentielle. Ce n’était pas gagné d’avance tant il y avait de scepticisme. Il a mené sans relâche un travail de conviction, publié des essais qui ont rencontré un très large écho : Pour une primaire à la française, en 2008, avec Olivier Duhamel ; Primaire : comment sauver la gauche ?, en 2009, avec Arnault Montebourg. Le succès populaire incontestable des primaires citoyennes, en octobre 2011, lui a donné raison, à lui comme à tous ceux qui ont été les précurseurs de cette révolution démocratique.

Nous gardons le souvenir d’un homme débordant d’énergie et de projets, d’un homme rigoureux et capable de déployer une force de travail exceptionnelle. Il était un grand sportif aussi, un homme épanoui dans sa vie personnelle et familiale. Il était un homme heureux d’entamer une nouvelle vie d’élu de la nation. Il faisait honneur à l’Assemblée nationale tout entière.

À son épouse Carole, à sa fille Ariane, à ses parents, à sa famille, à ses proches, et aussi aux élus du groupe socialiste, j’exprime, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, mes sincères condoléances.

M. le président. En hommage à la mémoire de notre collègue décédé, j’invite l’Assemblée à respecter une minute de silence.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

M. le président. Je vous remercie.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Programmation et gouvernance
des finances publiques

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (n° 244).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie et des finances, chers collègues, nous achevons le débat sur ce projet de loi organique avec le sentiment que l’austérité sera malheureusement au rendez-vous budgétaire.

Avec le traité, puis avec ce texte organique, nous ne définissons pas des règles temporaires afin de « redresser la situation » : nous faisons le choix de nous enfermer pour une longue période dans un carcan budgétaire qui n’aura pour effet que de briser l’activité et d’interdire les politiques propres à relancer l’économie et à créer des emplois.

Ce projet de loi organique ne propose que de définir des procédures. Ce n’est pourtant pas un texte technique.

Certes, il n’est pas question de « règle d’or » et le texte peut sembler apporter des éléments de souplesse. Il ne faut pourtant pas se méprendre sur sa portée. Il va très certainement corseter la discussion budgétaire. Il ne comporte en effet, comme le soulignait le ministre lui-même, « aucune échappatoire » aux règles aberrantes mais très strictes formulées par le traité.

Ce texte organique exige que l’ensemble des administrations publiques, y compris la Sécurité sociale et les collectivités territoriales, présentent une situation budgétaire en équilibre ou en excédent. Il prévoit même d’encadrer le recours à l’emprunt.

Cette logique comptable est un non-sens économique. De même qu’il est dangereux de se fixer pour objectif la norme arbitraire de 3 % de déficit alors que tous les indicateurs économiques sont dans le rouge, tous les économistes ou presque le disent, de même il est économiquement dangereux de vouloir un objectif d’équilibre s’appliquant de manière uniforme à l’ensemble des administrations publiques, sans tenir compte de leurs spécificités ni du contexte économique et social dans lequel s’inscrit leur action.

L’argument selon lequel il nous sera heureusement possible de tenir compte de la conjoncture et de dévier de la trajectoire en fonction de circonstances exceptionnelles me paraît illusoire. C’est la Commission européenne qui définira les règles du jeu et elle n’a jamais fait preuve, nous le savons, de particulièrement de souplesse. En toile de fond de ce texte figurent en effet les pouvoirs contraignants dont dispose désormais la Commission pour imposer ses vues tant au Gouvernement qu’au Parlement.

Son bras armé sera cette nouvelle institution indépendante que crée la loi organique : le Haut conseil des finances publiques. Celui-ci ne donnera, certes, que des avis qui ne seront formellement assortis d’aucune sanction. Il n’est toutefois pas inutile de le rappeler : le texte précise que, si le Haut conseil venait à constater un « écart important » appelant une « correction », il en serait « tenu compte » par le Gouvernement.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Jean-Jacques Candelier. C’est un carcan !

M. Gaby Charroux. De quelles marges de manœuvre disposera alors l’exécutif ? Il ne sera libre, me semble-t-il, que de définir la méthode à employer pour corriger la trajectoire. Le Parlement, quant à lui, ne sera libre de débattre que sur la question de savoir si la méthode envisagée est la bonne ou non.

L’objectif, lui, ne souffrira aucune discussion, aucune contestation. Il demeurera intangible et sera dûment contrôlé par ces nouveaux gardiens de l’orthodoxie budgétaire. Le Haut conseil des finances publiques s’érigera de fait en arbitre des choix politiques les plus élémentaires de la vie démocratique et empiétera sur la souveraineté budgétaire du Parlement. Celui-ci ne conservera plus, aux termes de ce texte, que des bribes des maigres compétences budgétaires qui sont déjà les siennes.

Si certains s’efforcent de minimiser la portée de ce texte, nous constatons pour notre part qu’après avoir lâché les rênes de la politique monétaire, nous nous apprêtons à nous dessaisir de notre politique budgétaire. Il nous semble que c’est la voie inverse qu’il fallait emprunter. Il fallait renégocier le traité et réorienter l’Europe en se fixant notamment pour objectif de la doter d’institutions démocratiques et de remettre collectivement la main sur la politique monétaire afin d’alléger le fardeau de la dette, qui pèse injustement sur nos concitoyens, de rétablir notre déficit commercial et de relancer la croissance de notre pays et de notre continent.

Nous continuerons donc de tenter de vous convaincre que la France doit avoir le courage et l’audace d’engager avec ses partenaires une discussion franche, en partant du constat d’évidence que la voie que nous empruntons est sans issue. Les députés du Front de gauche voteront évidemment contre le présent texte, si peu conforme à l’exigence du changement et aux attentes des femmes et des hommes de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre-Alain Muet. Ce projet de loi organique a trouvé un juste équilibre entre le respect des engagements européens de la France et du traité et le respect scrupuleux de la souveraineté du Parlement en matière budgétaire.

M. Pascal Terrasse. C’est vrai !

M. Pierre-Alain Muet. François Hollande avait défini pendant la campagne un agenda européen fondé sur trois principes : pas d’inscription de règle budgétaire dans la Constitution ; rééquilibrage de la politique européenne par l’ajout d’un programme de croissance communautaire ; redressement des comptes publics de notre pays en ramenant le déficit à 3 % du PIB en 2013 et en atteignant l’équilibre en 2017. Les trois termes de ce contrat proposé aux Français et validé par les élections présidentielle et législatives trouvent leur traduction dans les votes de la majorité, hier sur le traité européen, aujourd’hui sur la loi organique et demain sur la loi de programmation des finances publiques et le projet de loi de finances pour 2013.

Ce projet de loi organique ne comporte aucune règle d’or. Il comporte seulement un ensemble d’instruments et de procédures dédiés à un meilleur pilotage de notre politique budgétaire. C’est l’objet d’une loi organique.

Inscrire dans une Constitution une règle de déficit structurel ou conjoncturel, cela n’a pas de sens. Une telle règle peut avoir un sens dans une situation donnée, c’est le cas en l’occurrence : l’objectif de 0,5 % de déficit structurel est parfaitement adapté à une situation dans laquelle nous devons réduire notre déficit, mais cela n’a pas de sens de l’inscrire dans une Constitution ni dans une loi organique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Deuxièmement, cette loi organique s’inscrit dans une réorientation de la construction européenne qui est plus qu’un codicille au traité. On aurait pu y mettre un mot de plus mais, en matière de politique européenne, ce ne sont pas les mots qui comptent, ce sont les décisions. Le fait que l’Europe ait décidé un programme d’investissement coordonné de 1 % du PIB par mobilisation à la fois des fonds structurels inutilisés et des capacités de la Banque européenne d’investissement, c’est une vraie réorientation de la politique européenne.

Troisièmement, cette loi organique n’impose aucune contrainte à nos choix de politique économique. La réduction du déficit inscrite dans le projet de loi de programmation que nous allons discuter à partir de mardi correspond exactement aux annonces faites par François Hollande pendant la campagne présidentielle : ramener le déficit à 3 % du PIB en 2013 et à 0 % en 2017. Nous savons que c’est parfaitement compatible avec l’objectif d’un déficit structurel ramené à 0,5 % du PIB. C’est même un objectif plus ambitieux de réduction du déficit public, et nous devons l’atteindre car, depuis dix ans, la dette publique explose. Il est temps d’arrêter l’hémorragie.

La notion de déficit structurel préserve enfin le rôle de stabilisateur automatique du budget de l’État. Il est important que les lois de programmation visent un tel objectif.

Ajoutons que ce projet de loi organique ne confère pas un caractère automatique au mécanisme de correction. Seul son déclenchement l’est. En cela, le Gouvernement et le Parlement conservent leur rôle ; le Haut conseil des finances publiques n’a pas vocation à définir les politiques économiques à leur place mais à donner une appréciation sur la situation budgétaire.

Enfin, les débats au sein de la commission spéciale ont permis de préciser et d’améliorer le texte. Ainsi, un rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques présentera les modalités de calcul du solde structurel et la constatation des écarts entre les résultats de l’exécution de l’année écoulée et les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation trouvera naturellement sa place dans la loi de règlement, de même que l’annonce des mesures de redressement dans le débat d’orientation budgétaire. Le texte insiste aussi sur l’audition du président du Haut conseil des finances publiques par les commissions – toutes les commissions du Parlement –, chaque fois que cela nous paraîtra nécessaire. Enfin, s’agissant de la composition du Haut conseil, un consensus s’est formé, au sein de notre commission spéciale, sur son élargissement au directeur général de l’INSEE et à un spécialiste de macroéconomie désigné par le président du Conseil économique, social et environnemental.

Cette loi organique, mes chers collègues, est une bonne loi, une loi durable au sens où ses articles auront une longévité supérieure à celle du traité qui l’a inspiré. Elle fait référence au traité, mais elle donne des règles qui peuvent s’appliquer de tout temps.

En votant cette loi organique, c’est aussi l’ensemble de la réorientation de la politique européenne engagée par le Président de la République François Hollande que nous confortons.

Le groupe socialiste votera évidemment ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gilles Carrez. Mes collègues du groupe UMP et moi-même allons voter ce projet de loi organique car il va dans le sens de l’intérêt national. C’est la précédente majorité, c’est nous-mêmes qui avons élaboré ces dernières années les règles de bonne gouvernance publique que reprend aujourd’hui ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. –Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

J’en rappelle les étapes. En 2008, c’est nous qui avons révisé la Constitution pour y introduire les lois de programmation pluriannuelles. C’est nous qui avons mis en place le groupe de travail dit « groupe Camdessus » – auquel participait l’actuel ministre du budget – qui a défini la méthodologie et les différentes règles pour, petit à petit, réduire nos déficits publics. C’est nous qui, l’an dernier, avons voté, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, le projet de loi constitutionnelle dont la méthodologie pour revenir à l’équilibre est largement reprise par ce projet de loi organique.

M. Jean-Christophe Cambadélis. C’est vous qui avez été battus !

M. Gilles Carrez. Enfin, c’est nous qui avons signé il y a quelques mois le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Gilles Carrez. J’observe que nous en avons autorisé hier la ratification sans y toucher le moindre mot, sans en changer la moindre virgule. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

À partir de ces éléments et sur le fondement de la décision rendue le 9 août dernier par le Conseil constitutionnel, le Gouvernement avait le choix entre réviser la Constitution et faire une loi organique. Il a préféré cette seconde option, ce qui a permis à l’instant un remarquable numéro d’équilibre à notre collègue Muet. Il nous a expliqué pendant cinq minutes que cette loi ne servait à rien pour conclure que c’est une excellente loi. Eh bien, moi, cohérent avec les convictions qui sont les nôtres depuis des années, je n’hésite pas à le dire : cette loi de bonne gouvernance, elle sert à quelque chose !

Si jamais elle ne servait à rien, il y aurait le traité : notre collègue Charroux a bien expliqué les choses. Le traité est d’une extrême précision et va jusqu’à mettre en place, en son article 3 que la loi organique décline en droit national, des mécanismes de correction automatique. Alors, chers collègues, cessons le double jeu. Il est nécessaire de rééquilibrer nos comptes publics, et j’ai apprécié la position, complètement nouvelle, du ministre de l’économie : il faut absolument réduire le déficit à 3 % du PIB en 2013. Ainsi reprend-il très exactement l’engagement qui avait été pris par la précédente majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. Vous avez fait très exactement le contraire !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues. Seul M. Carrez a la parole.

M. Gilles Carrez. Je vous remercie, monsieur le président, d’autant que je vais tenir des propos sympathiques.

Ce projet de loi organique va donc dans la bonne direction, et la commission spéciale a bien travaillé. Je rends hommage à son rapporteur, Christian Eckert. Nous avons pu progresser sur la notion de solde structurel, qu’a évoquée à l’instant Pierre-Alain Muet, sur la sincérité des lois de programmation, sur la composition du Haut conseil des finances publiques – je pense que c’est une très bonne chose d’y intégrer le directeur général de l’INSEE –, enfin sur la mesure des écarts au titre de la loi de règlement.

Il n’y a qu’un point sur lequel nous avons encore des réserves : le texte ne prend pas assez en compte la nécessité de corriger les écarts constatés dès la loi de finances suivante.

M. Bernard Accoyer. Effectivement!

M. Gilles Carrez. Cela dit, le texte a été amélioré et, de manière parfaitement conforme à nos convictions et, comme toujours, parfaitement cohérente, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie et des finances, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, au nom du groupe UDI, je tiens tout d’abord à souligner combien nous sommes heureux que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire ait été ratifié hier, à une écrasante majorité. Le nouveau Président de la République – contrairement à ses promesses de campagne, mais ce n’est qu’un début, je vous rassure – n’a pas obtenu la moindre modification de ce texte : pas un mot, pas un iota, pas une virgule. C’est donc bien le traité signé par son prédécesseur qui s’appliquera.

Notre collègue Pierre-Alain Muet s’est livré à un numéro extraordinaire. Après en avoir voté la ratification, il a critiqué le traité au motif que, dans son article 3, il prévoit un plafond de déficit structurel, pour nous expliquer ensuite que la loi organique, elle, est excellente, parce qu’elle ne comporte pas ce plafond de déficit structurel, alors même qu’elle renvoie audit article 3. Comprenne qui pourra !

Le groupe UDI a bien entendu voté pour ce traité, puisqu’il représente une avancée pour la construction européenne et pour notre pays. Nous sommes aujourd’hui appelés à nous prononcer sur le projet de loi permettant la mise en œuvre dans le droit français de ce traité, le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Ce projet de loi va dans la bonne direction : le groupe UDI votera également pour son adoption.

Bien sûr, comme nous l’avons maintes fois répété, nous aurions préféré que les principes de bonne gouvernance des finances publiques contenus dans le traité soient inscrits dans la Constitution, sous la forme de la règle d’or. Toutefois, l’interdiction de dépasser la norme de déficit structurel de 0,5 % ou de 1 % du PIB et celle relative à la limitation de l’endettement public de 60 % du PIB sont, pour le cas de la France, pratiquement équivalentes à la règle d’or préconisée par le groupe UDI, puisque les investissements de l’État – je vous le rappelle, mes chers collègues – n’atteindront plus que 0.8 % du PIB en 2013.

Contrairement aux affirmations mensongères du Gouvernement, qui affirmait que la règle d’or ne s’appliquerait pas si elle n’était pas intégrée dans la Constitution, la vérité est toute simple : peu importe que les règles qui figurent dans le traité soient intégrées dans la Constitution ou dans la loi organique, elles s’appliquent aux lois de programmation des finances publiques comme aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

Bien sûr, ce texte n’est pas parfait, et nous avons relevé un certain nombre de points faibles en soutenant nos amendements au cours des débats en commission spéciale puis en séance publique.

Ces points faibles ont trait en premier lieu au champ d’application de la loi organique. Il est regrettable que les exigences de l’article 4 du TSCG, relatives au plafonnement de l’endettement public à 60 % du PIB, ne figurent pas dans le projet de loi organique aux côtés des exigences de l’article 3 qui, elles, y figurent, alors même que l’article 4 renvoie à l’article 3 !

M. Jacques Myard. Quelle erreur !

M. Charles de Courson. Là encore, comprenne qui pourra !

Notre démarche en ce sens était positive et constructive : ce que nous voulions, c’est un renforcement du texte permettant un retour à des finances publiques saines. Hélas, votre majorité a repoussé cette extension.

D’autre part, le champ d’intervention du Haut conseil aurait, à notre sens, dû être élargi, en retenant les mêmes procédures pour les lois de finances et de financement de la sécurité sociale rectificatives que pour les lois initiales. En effet, une dégradation rapide de la conjoncture peut appeler des lois rectificatives très importantes : il est dommage que l’avis du Haut conseil des finances publiques, qui est précieux, ne soit pas obligatoire dans ce cas.

En deuxième lieu, et c’est essentiel, nous avons défendu la démocratie sociale et la démocratie locale auxquelles nous, membres du groupe UDI, sommes fortement attachés. Le projet de loi organique, dans son article 4, menace en effet directement le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il menace aussi la démocratie sociale, en l’espèce les administrations de sécurité sociale gérées par les partenaires sociaux, c’est-à-dire les régimes complémentaires. Nous sommes en train d’étatiser la couverture complémentaire obligatoire ! Le Conseil constitutionnel se prononcera certainement sur la conformité aux principes constitutionnels de cette évolution.

Le Conseil constitutionnel, conformément à sa décision du 9 août 2012, pourra également contrôler la sincérité des actes budgétaires par rapport aux hypothèses macroéconomiques retenues, en tenant compte de l’avis du Haut conseil. Il pourra annuler ces dispositions sur ce fondement : c’est dans la décision du 9 août.

M. le président. Il faut conclure !

M. Charles de Courson. Nous savons que nos collègues du groupe GDR, constants dans l’erreur depuis près de soixante ans, ne voteront pas ce texte, tout comme ils n’ont pas voté la ratification du traité. En revanche, la position de nos collègues du groupe écologiste est quelque peu confuse…

M. le président. Veuillez maintenant nous donner la position de votre groupe, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. …et relève du contorsionnisme politique ! Refuser la ratification du traité parce qu’il prévoit le retour au quasi-équilibre et voter pour la loi organique qui inclut la règle de retour à l’équilibre, vous avouerez que c’est plus qu’un double salto arrière ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quant à lui, le groupe UDI votera ce texte, comme il a voté en faveur du traité. Soyez assurés, chers collègues de la majorité, messieurs les ministres, que nous serons très vigilants quant à son application et que nous resterons les défenseurs de la règle d’or et du redressement des comptes publics de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Le précédent orateur ayant déclaré qu’il était impatient d’entendre mon explication de vote, je vais satisfaire son impatience !

Je lui indique d’abord que je suis assez heureux d’intervenir après les orateurs des deux groupes de l’opposition, et notamment M. Carrez, qui a dit tout à l’instant : « C’est nous qui avons négocié le TSCG. » À sa place, je ne m’en serais pas vanté, vu le résultat ! Vous nous avez également dit, mon cher collègue, que vous aviez tenté d’introduire la règle d’or dans la Constitution. Franchement, si vous étiez allé au bout de votre raisonnement avec honnêteté, vous auriez surtout dû reconnaître : « C’est nous, la droite, qui avons creusé les déficits pendant dix ans ; c’est nous qui avons fait exploser la dette comme jamais depuis la Seconde guerre mondiale ! » Voilà la réalité que nous avons à traiter aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Notre assemblée a adopté hier le traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Ce traité s’appliquera donc. Nous n’avons pas l’intention de jouer les prolongations. Le débat parlementaire a eu lieu et s’est conclu par un vote massif de 477 voix en faveur de la ratification.

Il est de bon ton de faire un lien presque automatique entre le TSCG et la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. C’est un point commun entre ce que l’on pourrait appeler, si vous me passez l’expression, les intégristes du oui et les intégristes du non, qui établissent le même parallélisme entre le traité et la loi organique.

Nous avons combattu la logique qui est à l’œuvre dans ce traité : celle d’une règle intangible limitant les déficits publics à 0,5 % du PIB – alors que nous sommes, en France, à plus de 4,5 % – et de sanctions automatiques prises par des instances non élues. Il n’y a rien de tel dans la loi organique. Un Haut conseil des finances publiques est bien mis en place, mais son seul pouvoir est de donner des avis. Le pouvoir budgétaire et fiscal reste aux mains des élus que nous sommes, puisque le Conseil constitutionnel n’aura pas la possibilité d’abroger un budget sur le fondement de cette loi organique.

Nous voterons ce texte parce qu’il n’instaure pas la règle d’or qu’on nous avait tant et tant annoncée et que nous avions combattue au cours de la précédente législature. Contrairement au projet de loi constitutionnelle élaboré par la majorité précédente, qui gravait dans le marbre de notre loi fondamentale des objectifs chiffrés et soumettait le pouvoir législatif du Parlement à la censure du Conseil constitutionnel, le texte élaboré par le Gouvernement ne contient aucune contrainte automatique appliquée aveuglément hors de toute délibération démocratique.

Le texte gouvernemental dessine une trajectoire et instaure un outil pour éclairer les politiques budgétaire et fiscale. Cette trajectoire est celle du désendettement et du retour à l’équilibre des finances publiques. Nous l’avons dit et nous le redisons : nous souscrivons à cette trajectoire !

L’outil du Haut conseil des finances publiques peut être utile. Comme l’a expliqué hier ma collègue Barbara Pompili avant le vote sur le TSCG, l’opposition des écologistes à la logique mécanique du traité n’est pas synonyme d’une quelconque addiction de notre part à la facilité de l’endettement qui a caractérisé les années passées, notamment celles du sarkozysme ! Rien n’est plus étranger à l’écologie, qui vise à préserver les conditions de vie des générations futures, que l’endettement destiné à assurer le financement des dépenses de fonctionnement de l’État.

Nous nous réjouissons de l’adoption, au cours de la discussion de ce projet de loi organique, de certaines de nos propositions. La prise en compte, dans l’analyse que sera amené à réaliser le Haut conseil des finances publiques, de l’ensemble des engagements européens de la France et non seulement de ses engagements budgétaires et financiers est une avancée. Les règles sont une chose, l’instance chargée d’en vérifier la mise en œuvre, le Haut conseil des finances publiques, en est une autre. Sa composition inclut désormais, comme nous l’avions souhaité, un représentant du Conseil économique, social et environnemental, ainsi qu’un économiste de l’INSEE. C’est là le gage d’une pluralité de points de vue, et donc un rempart contre un suivi purement comptable de l’évolution de la situation de nos finances.

Nous reconnaissons le caractère non contraignant de cette loi organique. Nous prenons acte des prises de position des ministres, au nom du Gouvernement, affirmant que le Conseil constitutionnel ne pourra pas censurer un projet de loi de finances sur le fondement de cette loi. Nous sommes prêts à saisir les opportunités qu’elle offre pour assurer le retour à la raison financière. Voilà pourquoi, mes chers collègues, les députés du groupe écologiste voteront en majorité le projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Annick Girardin. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le projet de loi organique vise à mettre en œuvre le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé le 2 mars 2012 par vingt-cinq États membres de l’Union européenne. Il a été ratifié, à ce jour, par treize d’entre eux, dont neuf appartenant à la zone euro. La France rejoindra bientôt le peloton de ces États. Le TSCG entrera en vigueur dès lors que douze États membres de la zone euro l’auront ratifié. Après la France, il ne manquera que deux ratifications souveraines pour que le traité entre en vigueur au plus tôt à partir du 1er janvier prochain.

Ainsi qu’il a été dit, ce traité précise un engagement : stabiliser et maîtriser nos finances publiques. Cela correspond déjà à nos obligations et ne fait que les renforcer. Si un État partie manque à ses obligations, nulle sanction automatique ne lui sera infligée, contrairement à ce qui a été allégué. Il restera possible à un État, et pas à la Commission européenne, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne pour faire constater le manquement. Ainsi, pour l’instant, nul besoin de constitutionnaliser une quelconque règle d’or budgétaire.

Le Gouvernement l’anticipe déjà dans son projet de loi de programmation de finances publiques que nous examinerons en séance la semaine prochaine. Ce texte prévoit un objectif à moyen terme de solde structurel des administrations publiques. Notre endettement public étant supérieur à 60 % du PIB, l’objectif est dorénavant de moins 0,5 % au lieu du 1 % initial prévu par le pacte de stabilité et de croissance de 1997. Dont acte : le Gouvernement s’est engagé à atteindre un déficit structurel nul dès 2 016. Il devance ainsi l’objectif fixé par le TSCG.

Je préfère d’ailleurs, pour ma part, me concentrer sur cet objectif plutôt que sur celui de 3 % de déficit public en 2017, qui fait l’objet d’une glose incessante. Il nous appartient de définir les moyens de parvenir à la réalisation de cet objectif fort et ambitieux. Je suis sûre que le Gouvernement saura l’atteindre.

Les radicaux de gauche, fervents défenseurs d’une Europe fédérale, approuvent ce texte en toute logique, de manière cohérente avec le choix qu’ils ont effectués hier lors du vote du traité. Nous sommes pour une Europe plus politique, plus sociale. Nous nous félicitons de la politique que mène aujourd’hui le Gouvernement et de la ténacité de notre Président de la République, pour qu’il y ait demain plus de croissance, plus de social et plus de démocratie en Europe.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre : les radicaux de gauche voteront ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 542

Nombre de suffrages exprimés 524

Majorité absolue 263

(Le projet de loi organique est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Mobilisation du foncier public en faveur
du logement et renforcement des obligations
de production de logement social

Commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (n° 247).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre de l’égalité des territoires et du logement, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, l’actualité, en matière de logement, a été particulièrement chargée, ces dernières semaines, avec le congrès de l’Union sociale pour l’habitat auquel s’est rendu le Premier ministre lui-même pour marquer son attachement à cette priorité politique qu’est le logement et avec, bien sûr, ce texte dont nous achevons l’examen. Ce hasard du calendrier est heureux, car, au fil des travaux de la commission des affaires économiques, des débats en séance publique et des discussions avec nos collègues sénateurs en commission mixte paritaire, le projet proposé par le Gouvernement s’est vu enrichir de plusieurs dispositions répondant aux attentes des partenaires sociaux et associatifs en matière de logement. Je voudrais vous dire le plaisir et la fierté que j’ai de vous présenter ce texte finalisé, fruit de nombreuses heures de travail législatif aux côtés des administrateurs de la commission des affaires économiques, fruit également des réflexions menées par certains de mes collègues lors de la précédente législature.

Je veux saluer les collègues, de la majorité comme de l’opposition, qui ont été présents en séance jusque tard dans la nuit pour alimenter nos échanges. À l’exception de quelques interventions un tantinet caricaturales, je crois que l’on peut dire que nos débats ont été constructifs et empreints des réalités du terrain social. Nous avons cheminé ensemble pour prendre un certain nombre de mesures : je pense par exemple aux baux emphytéotiques qui s’appuient sur des réflexions issues de tous les bancs. J’avais, pour ma part, abordé ce sujet dans le rapport relatif à ce projet de loi. La mesure a ensuite été mûrie collectivement et, pour finir, nous avons permis, ensemble, que la décote s’applique également dans le cadre d’un bail emphytéotique. Je tiens à saluer cette avancée confirmée par la commission mixte paritaire.

D’une manière générale, la commission mixte paritaire a d’ailleurs, sur l’essentiel du texte, validé les options initiales prises par le Gouvernement et les améliorations issues tant du Sénat que de l’Assemblée nationale. Les échanges avec les sénateurs, utiles et enrichissants, me permettent de vous proposer aujourd’hui un texte tenant compte au mieux des attentes de nos concitoyens en matière de construction de logements et de mixité sociale.

J’en viens donc aux débats de la CMP et j’en profiterai pour rappeler brièvement les améliorations que nous avons apportées au texte, ici même, en séance publique, sur la mobilisation du foncier public d’abord, sur le renforcement des obligations de production de logement social ensuite.

Au titre Ier, relatif au foncier, nous avons introduit, en séance, la possibilité pour certaines communes de bénéficier d’une décote sur le prix de cession non seulement pour les parcelles destinées au logement, mais également pour celles qui accueilleraient certains établissements publics du type école ou structure de petite enfance. Il nous est, en effet, apparu important que la qualité des services publics de proximité puisse être préservée et développée à l’arrivée des nouveaux habitants pour que la mixité fonctionnelle rejoigne la mixité sociale. Cette disposition a également été soutenue par la CMP, comme l’a noté hier soir Claude Dilain dans son intervention au Sénat.

Autre sujet évoqué en commission mixte paritaire : les clauses anti-spéculatives. Nous avions, lors des débats en commission des affaires économiques, allongé le délai au terme duquel le propriétaire peut vendre son logement sans indemnité à verser. La CMP a confirmé cet allongement en le portant à dix ans, ce qui était d’ailleurs la suggestion initiale de votre rapporteure.

Pour éviter d’ajouter des possibilités de recours qui bloqueraient la cession effective des terrains publics, la CMP a, par ailleurs, précisé la disposition adoptée en commission concernant le patrimoine naturel des terrains en question.

Enfin, sur un point qui nous tenait tous particulièrement à cœur, la commission mixte paritaire a approuvé le cadre proposé pour mieux suivre et mieux évaluer la mobilisation des terrains publics en faveur du logement social. Elle a validé le principe d’une décote vertueuse et progressive, ainsi que la création d’une commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier. Elle a aussi, au passage, validé les modalités relatives à l’avis du maire en cas de vente de logements HLM.

Toujours au titre Ier, la commission mixte paritaire a, en revanche, souhaité revenir sur l’article visant à ce qu’il n’y ait qu’un établissement public foncier d’État dans chaque région, compte tenu des inquiétudes locales exprimées ici ou là. Le prochain texte sur le foncier permettra peut-être de reprendre cette disposition.

J’en viens maintenant à la seconde partie de ce texte qui, je le rappelle, relève de 20 à 25 % dans les zones tendues l’obligation de production de logements sociaux faite aux communes de plus de 3 500 habitants – 1 500 habitants pour l’Île-de-France – communes situées dans une agglomération ou EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants. En séance, à l’Assemblée nationale, comme en commission mixte paritaire, nous avons validé le relèvement du taux, validé le quintuplement possible des sanctions et validé la distinction à opérer entre PLS, PLAI et PLUS, afin de ne pas construire n’importe quel logement social n’importe où.

Dans le même état d’esprit, nous avons souhaité, en séance comme en CMP, élargir, dix ans après, le périmètre de la loi SRU. Ainsi avons-nous, en premier lieu, demandé à toutes les communes, hors Île-de-France, de plus de 1 500 habitants et de moins de 3 500 habitants situées en zone tendue et comprises dans une agglomération de participer à l’effort collectif en atteignant le seuil de 10 % de logements sociaux. Je dis bien 10 % et non 20 ou 25 % comme pour les autres communes concernées. Je tiens à rappeler que, comme dans l’article 55 de la loi SRU, ne sont concernées que les communes situées dans une agglomération ou un EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants. Je crois nécessaire de souligner que cette mesure ne concernerait, approximativement, que 300 communes en tension avec une obligation de production d’environ deux à quatre logements par commune et par an. J’ai bien noté, hier, les réactions de quelques sénateurs au moment du vote. Il ne m’appartient pas de les commenter, mais sachez que la commission mixte paritaire a majoritairement et sereinement accepté cette extension dont parlent depuis longtemps les professionnels et les associations, extension qui figure également dans plusieurs propositions de loi. Cet effort n’est pas insurmontable, mais ces deux à quatre logements par commune et par an représenteront beaucoup pour les familles qui en bénéficieront.

Nous avons, en second lieu, élargi le périmètre de l’article 55 de la loi SRU en intégrant dans le dispositif les villes dites « champignons » qui n’appartiennent pas à une agglomération, mais dont la rapide croissance démographique nécessite pourtant de construire davantage de logements sociaux pour répondre aux besoins des nouveaux habitants. Nous avons revu en CMP le seuil de définition de ces villes champignons pour le porter à 15 000 habitants, ce qui correspond mieux, je crois, à notre intention initiale commune.

Tant pour l’élargissement aux communes de plus de 1 500 habitants, hors Île-de-France, que pour les villes champignons, nos délibérations en CMP ont précisé que les prélèvements éventuellement issus de ces dispositions nouvelles ne s’appliqueraient qu’à partir de 2017.

Enfin, sur un sujet plus général, et en écho à des risques de contentieux, la CMP a clarifié les dispositions adoptées en commission des affaires économiques concernant les SCOT en précisant qu’il convenait que le document d’orientation et d’objectifs assure la cohérence d’ensemble des orientations.

Telles sont les améliorations apportées au texte par l’Assemblée nationale, puis par la commission mixte paritaire, dont je veux souligner à nouveau la convergence sur la plupart des sujets que j’ai eu l’honneur de rapporter.

Je me réjouis donc que le Sénat ait adopté hier l’ensemble de ce texte et j’espère qu’il recueillera ici la majorité la plus large possible pour montrer aux Français que nous voulons agir rapidement face à la crise du logement.

Pour conclure, permettez-moi de dire qu’à l’issue de ces débats, il est clair que des différences d’appréciation subsistent, dix ans après la loi SRU. Je pense en particulier à l’accession sociale à la propriété, que beaucoup ici soutiennent mais que, majoritairement, nous considérons comme devant intervenir en complément et non en substitution au logement locatif social.

En dépit des débats houleux qui ont eu lieu dans cet hémicycle il y a dix ans, je suis convaincue, après ces semaines de travail et de délibération apaisée, que la loi SRU est aujourd’hui acceptée par le plus grand nombre et que la construction de logement social partout sur le territoire national est reconnue comme un enjeu majeur de solidarité et de mixité.

Ce texte, dès lors qu’il sera définitivement adopté, et j’espère que nous serons nombreux à le voter, constituera donc la première étape législative de votre feuille de route, madame la ministre. Nous nous retrouverons très vite puisque nous allons examiner la semaine prochaine le projet de loi de finances pour 2013 qui, j’y insiste, tient d’ores et déjà deux engagements que vous aviez pris auprès de nous, à savoir le renforcement de la taxe sur les logements vacants et l’inversion de la fiscalité sur les plus-values immobilières pour lutter contre la rétention foncière à visée spéculative. Viendra ensuite l’autre grand projet de loi sur le logement et l’urbanisme au printemps 2013.

Ainsi va la mobilisation générale pour répondre à l’urgence sociale et économique que crée la crise du logement. Dans cette mobilisation générale, la représentation nationale est aux côtés du Gouvernement, solidaire et exigeante à la fois. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, c’est avec une grande joie mais aussi une certaine solennité que je vais m’exprimer devant vous ce soir puisque, dans quelques minutes, vous serez appelés à vous prononcer sur un texte qui marque une nouvelle étape dans l’histoire de la mixité sociale de notre pays. Ce projet de loi visant à renforcer les obligations des communes en matière de production de logement social et à mobiliser le foncier public doit permettre d’apporter une réponse à nos concitoyens, pour qui le logement doit être non plus une source d’inquiétudes mais bien un droit, accessible à tous, et adapté aux moyens de chacun.

La loi que je vous propose de voter s’inscrit dans la droite ligne du travail réalisé par Jean-Claude Gayssot, Claude Bartolone et Louis Besson il y a douze ans. Elle réaffirme, en les renforçant, les mêmes valeurs et les mêmes principes qui fondent la loi votée en 2000 : solidarité et partage, développement durable et qualité de la vie, démocratie et décentralisation.

M. François Brottes, président de la commission mixte paritaire. Très bien !

Mme Cécile Duflot, ministre. En douze ans, la loi SRU aura été l’objet de toutes les controverses. Chacun se souvient de l’âpreté des débats dans l’hémicycle, des passions et des excès que cette loi avait déchaînés tout au long de l’année 2000,…

M. Marcel Rogemont. Eh oui, monsieur Apparu !

M. Benoist Apparu. Je n’étais pas là !

Mme Cécile Duflot, ministre. …des tentatives de ses détracteurs pour la faire annuler, puis en diminuer la portée. Ces passions se sont aujourd’hui atténuées, au profit des nombreux échanges sur le fond que nous avons connus depuis un mois, un grand nombre d’entre vous se félicitant de l’existence même de cette loi.

Reste qu’en matière de logement social, « nous avons devant nous un défi majeur : transformer son image et sa réalité, pour que sa vocation soit reconnue dans sa dimension la plus noble et qu’il ne soit plus synonyme de ségrégation ou de relégation ». Ce chantier reste ouvert. C’étaient les mots de Louis Besson ici même, le 8 mars 2000.

Le projet de loi soumis à votre approbation finale se nourrit de cette ambition.

À l’occasion de l’examen du texte par le Sénat puis dans cet hémicycle, un certain nombre d’amendements sont venus enrichir le projet initial du Gouvernement. Les travaux de la commission mixte paritaire qui a réuni les représentants des deux chambres pour arriver à une position commune ont permis d’aboutir, ce dont je me félicite, à un texte qui renforce, de manière équilibrée, les principes et la portée de ce projet de loi.

S’agissant de la mobilisation du foncier public, je salue l’adoption des mesures qui permettront aux communes de disposer beaucoup plus facilement des terrains nécessaires à l’équilibre d’opérations de logement social qui, sans cette cession pouvant aller jusqu’à la gratuité, ne pourraient pas voir le jour.

Désormais, une décote sur le prix du foncier public sera obligatoire pour construire des logements sociaux, à condition que le terrain concerné soit inscrit sur une liste dressée par le préfet, à partir de données fiables et partagées entre tous les services chargés d’inventorier et d’évaluer les propriétés de l’État.

Vous avez également voulu, à juste titre, confier le pilotage du dispositif à une instance interministérielle dédiée à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier. Vous y siégerez, aux côtés de représentants de l’État désignés notamment par les ministres chargés du logement et de l’urbanisme, de représentants du ministre chargé du Domaine, de représentants des associations des collectivités locales, des organismes de logement social, des professionnels de l’immobilier et des organisations de défense de l’environnement. C’est l’ensemble des personnes concernées qui seront autour de la table pour évaluer la pertinence du dispositif et la mobilisation des uns et des autres. Les délais, les conditions et les prix de cession des terrains feront en outre l’objet d’un rapport annuel au Parlement.

Le texte qui vous est soumis prévoit également des garanties renforçant la bonne utilisation du foncier ayant fait l’objet d’une décote. Les acquéreurs devront rendre compte de l’avancement du programme de construction, et vous avez allongé à dix ans la durée des clauses antispéculatives imposées aux acquéreurs en cas de revente des immeubles concernés. Vous avez aussi expressément fait entrer dans le champ du nouveau régime de décote les baux emphytéotiques, ce qui permettra de débloquer les situations les plus complexes.

Le dispositif législatif est donc prêt, et les décrets utiles seront pris sans délai pour que l’État et ses établissements publics participent à l’effort considérable de construction de logements qui s’impose à nous.

Il reviendra ensuite aux communes de construire davantage de logements sociaux. C’est là l’objet du titre II du projet qui vous est soumis.

Je suis convaincue que le renforcement de la loi SRU est aujourd’hui non seulement indispensable, face à la pénurie de logements et aux difficultés croissantes de nos concitoyens pour se loger, mais également marqué du sceau de la justice, car l’effort de mobilisation pour le logement social doit être l’affaire de tous.

Dix années après le débat houleux autour de la loi SRU, les échanges au sein de votre assemblée ont montré votre attachement, très largement partagé sur l’ensemble des travées, à cette disposition garante du développement mixte de l’offre de logements. J’ai également noté votre attachement à ce que les dispositions proposées soient réalistes et applicables, et votre souci permanent de tenir compte des réalités du terrain auxquelles vous faites face dans l’exercice de votre mandat.

Tel est l’équilibre du texte résultant des travaux conjoints de votre assemblée, du Sénat et de la commission mixte paritaire. Loin d’infirmer, d’atténuer ou de vider de son contenu le projet initial du Gouvernement, vous l’avez renforcé et enrichi, ce dont je me félicite.

Vous avez renforcé le régime des obligations qui pèsent sur les communes, témoignant par là même de votre volonté que l’objectif de mixité sociale ne soit pas qu’un vœu pieu, mais bien une réalité qui s’impose à chaque collectivité. Désormais, dans les communes faisant l’objet d’un constat de carence, marquant le fait qu’elles n’ont pas contribué à l’effort de solidarité, il faudra prévoir, dans toute opération de construction d’immeuble de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés, une part minimale de 30 % de logements sociaux.

Vous avez aussi décidé, au sein de l’obligation triennale, de limiter à 30 % la part de logements de type PLS, voire à 20 % si la commune comporte peu de logements sociaux, et, à l’inverse, de fixer un plancher à la part de PLAI, qui devra atteindre au minimum 30 %. L’obligation de production de logements sociaux n’est donc plus seulement quantitative, elle est désormais qualitative, au service des ménages les plus modestes. C’est une amélioration fondamentale.

Renforcé, le dispositif de la loi SRU sera aussi, demain, plus équilibré et plus juste.

Les efforts des communes actives pour combler leur retard seront mieux pris en compte. Les possibilités de déduction du prélèvement annuel de dépenses engagées pour la construction de logements sociaux ont été élargies. La dépollution ou les fouilles archéologiques y sont désormais éligibles, et les déductions pourront être étalées sur trois années.

C’est bien l’esprit du projet de loi que j’ai eu l’honneur de porter devant vous au nom du Gouvernement : obliger à faire, en sanctionnant celles parmi les communes qui choisissent délibérément de ne pas respecter la loi, tout en tenant mieux compte des situations locales et des efforts réels engagés par la grande majorité des communes depuis douze ans maintenant, qu’il nous faut simplement encourager et développer.

Je me félicite enfin que vous ayez approuvé le titre III du projet de loi, qui permet de remettre en cohérence et en compatibilité les contrats de développement territorial et le schéma directeur de la région Île-de-France, de prendre le temps de la signature pour les contrats qui le nécessitent et d’y associer, quand ils le souhaitent, le conseil régional d’Île-de-France et les conseils généraux concernés. Je me réjouis de l’apport parlementaire, unanime, à la sécurisation juridique de cette mise en cohérence, rendue nécessaire entre le moment où le conseil régional adoptera son nouveau SDRIF et celui auquel le SDRIF sera mis en œuvre à l’issue de son enquête publique.

Je saisis ce moment pour réaffirmer, au nom du Gouvernement, comme je l’ai fait hier devant le Sénat, mon attachement au projet de métro automatique Grand Paris express. J’ai eu l’occasion de l’indiquer lors des questions au Gouvernement, mais il semble qu’il faille parfois répéter. Pour être mis en œuvre, ce projet de nouveau réseau de transport, indispensable aux déplacements des Franciliens, demande à être priorisé et financé. L’État sera au rendez-vous des financements et son engagement de doter le capital de la Société du Grand Paris d’un montant permettant de lever les premiers emprunts nécessaires aux travaux, d’un montant d’un milliard d’euros s’il le faut, sera tenu.

M. Guy Geoffroy. Quand ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Mesdames, messieurs les députés, vous avez, quelle que soit votre sensibilité, la possibilité de voter aujourd’hui un texte de justice sociale, que vous avez enrichi, renforcé et équilibré tout au long des débats très riches que nous avons menés ensemble depuis quelques semaines.

Ce texte, qui traduit concrètement deux engagements très forts de la campagne du Président de la République, nous pouvons en être fiers.

Je souhaite aussi vous dire à quel point je suis fière de voir, douze ans après l’adoption de la loi de solidarité et de renouvellement urbain, Louis Besson présent dans la tribune présidentielle de l’Assemblée nationale pour suivre nos échanges et votre vote. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Au-delà des aventures politiques, il est des constantes. Ce texte tend à rendre plus concrète encore, jour après jour, l’exigence de fraternité de notre pacte républicain. Le droit à un logement décent pour tous ne doit pas demeurer un simple idéal, il doit s’incarner dans la vie quotidienne de nos concitoyens, en leur donnant un toit à la mesure de leurs moyens.

Cette loi est une étape sur ce chemin, c’est la première pierre de ce chantier fondamental que nous allons mener tout au long de la législature, au service de tous les Français et en particulier des plus modestes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, permettez-moi, au terme de cette procédure législative, de remercier l’ensemble de nos collaborateurs, des groupes et des commissions, car cela fait maintenant quatre semaines que nos commissions sont en première ligne sur de nombreux textes. Même si nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout, nous pouvons l’être sur le plan humain.

J’ai l’honneur de défendre au nom de mon groupe une motion de rejet du projet de loi relatif au logement social.

Lors de l’examen de ce texte en commission et en séance publique, les députés du groupe UMP se sont inscrits dans une logique d’opposition constructive.

M. Daniel Goldberg. En matière de logement, c’est utile ! (Sourires.)

M. Martial Saddier. Je crois que personne ne peut prétendre le contraire et je vous remercie d’ailleurs pour l’esprit dans lequel nous avons travaillé, aussi bien en commission qu’en séance.

M. François Brottes, président de la commission mixte paritaire. Merci !

M. Martial Saddier. Au-delà de ces bons mots, nous nous opposons à ce texte à la fois pour des raisons de forme et de fond, et le vote hier soir, in extremis, du Sénat, en dit long sur son contenu.

M. François Brottes, président de la commission mixte paritaire. C’est le résultat qui compte !

M. Martial Saddier. Sur la forme, les conditions d’examen n’ont pas été optimales, et je tiens à rappeler ce que nos collègues sénateurs ont subi. Le projet de loi a été adopté en conseil des ministres le mercredi 5 septembre, l’examen en séance publique programmé pour le mardi 11.

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas vous qui allez nous donner des leçons !

M. Benoist Apparu. Sauf que vous, vous nous en donniez à l’époque !

M. Guy Geoffroy. C’est vrai que c’était un peu accéléré !

M. Martial Saddier. Sauf que vous aviez oublié, madame la ministre, vous ou le ministre chargé des relations avec le Parlement, qu’avant la séance publique, un texte doit être examiné en commission. Telle est la procédure parlementaire. Au Sénat, la commission des affaires économiques s’est donc réunie en catastrophe le mardi 11 septembre au matin et, situation inédite, n’a pas procédé à l’examen du projet de loi. Nos amis sénateurs ont été privés de leur droit d’amendement en commission, le texte qu’ils ont examiné en séance publique n’était donc pas celui issu de la commission.

M. Benoist Apparu. Scandaleux !

M. Martial Saddier. Vous me direz que nous ne sommes pas le Sénat mais l’Assemblée nationale. Certes, mais d’abord nous représentons toutes et tous le Parlement, et le Gouvernement a en quelque sorte récidivé ici même.

Le texte adopté par le Sénat a été mis à notre disposition le vendredi 14 septembre dans l’après-midi. La commission s’est réunie le jeudi suivant ; cette réunion s’est tenue, oserai-je dire, normalement ; le groupe UMP le reconnaît, monsieur le président Brottes. Mais le nouveau texte a été mis à disposition le vendredi 21 septembre à dix-neuf heures, et nous entamions l’examen en séance publique dès le lundi suivant. Ainsi, entre la réunion de la commission et la séance, nous avons eu moins de soixante-douze heures. C’est un peu court…

M. François Brottes, président de la commission mixte paritaire. C’est énorme !

M. Martial Saddier. …pour effectuer consciencieusement notre travail de députés, prendre connaissance du texte attentivement, consulter les acteurs du logement, les associations et leur demander leur expertise,…

M. Guy Geoffroy. Aucune importance, voyons !

M. Martial Saddier. …c’est-à-dire travailler en concertation, comme nous l’avons, nous, toujours fait, et comme nous voulons continuer à le faire. De quoi s’agit-il si ce n’est d’un véritable déni des droits du Parlement et in fine de la démocratie ?

Mme Catherine Coutelle. Oh !

M. Martial Saddier. Pourtant, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social nécessite un réel travail de « commissions », au pluriel, de la commission des affaires économiques, certes, puisque le sujet du logement relève de sa compétence, mais aussi, nous semble-t-il, de la commission des finances et de la commission des lois.

Les parlementaires de ces trois commissions méritaient d’examiner le texte. Pourquoi ? Ce projet de loi a des conséquences sur les finances de l’État et modifie les règles applicables aux communes éligibles à la loi SRU. Qui mieux que les commissaires aux finances, sous la houlette de leur président Gilles Carrez, pouvait calculer la perte de recettes induite par ce texte pour le budget de l’État ? Qui mieux que les membres de la commission des lois pouvait envisager les implications directes du texte sur le fonctionnement de nos communes, de nos territoires ? Un examen approfondi, avec des auditions publiques des acteurs concernés, aurait révélé l’inopportunité de ce projet de loi, voire, nous le craignons très sincèrement, son effet contre-productif.

La mise à disposition gratuite des terrains de l’État aux collectivités territoriales pour libérer du foncier conduira à brader le patrimoine de l’État. La suppression des recettes liées à la vente de ces terrains réduira considérablement les recettes du budget de la nation. L’étude d’impact estime ainsi que les produits de cession du foncier public pourraient s’établir à environ un milliard d’euros sur cinq ans. Le manque à gagner sera donc considérable.

M. François Brottes, président de la commission mixte paritaire. Il faut vraiment que vous changiez de commission ! Vous n’êtes dans aucune des trois que vous avez citées !

M. Martial Saddier. Je sais que je vous manque en commission mais, ne vous inquiétez pas, vous allez souvent m’y voir !

La cession gratuite va en outre décourager la vente des terrains appartenant à des personnes publiques. Dans un contexte de baisse des dépenses de l’État, les personnes publiques pourraient souhaiter augmenter leur budget en vendant des terrains inutilisés ; or, avec une décote allant jusqu’à 100 %, elles n’auront aucun intérêt à le faire.

M. Benoist Apparu. Eh oui !

M. Martial Saddier. Le projet de loi aura donc un effet contre-productif. Nous l’avions déjà, en toute modestie, vécu nous-mêmes, et nous avons lutté contre ce phénomène.

J’ai parlé d’opposition constructive, monsieur le président Brottes, et nous reconnaissons donc que l’article 2 bis, issu d’un amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale, apporte un peu de soulagement. Il répond aux préoccupations des députés UMP en permettant la mise à disposition de terrains grâce au bail emphytéotique, dans le prolongement de la loi du 17 février 2009 relative à l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés.

Comme Mme la rapporteure l’a souligné, nous avons aussi, en CMP, fait bouger les lignes sur les établissements publics fonciers. C’étaient des mesures très importantes ; je parle devant l’ancien ministre du logement, Benoist Apparu, spécialiste en la matière.

Le second titre du projet modifie le dispositif de la loi SRU. Fort heureusement, la CMP est revenue sur des dispositions adoptées en séance publique qui augmentaient considérablement le nombre de petites communes rurales éligibles aux obligations SRU. C’était, là encore, une demande des députés UMP. Cela s’est passé vers une heure du matin – décidément, depuis quelques semaines, il se passe beaucoup de choses sous le coup d’une heure du matin ! –, nous étions, en séance, montés au créneau, compte tenu des difficultés de mise en œuvre pour ces petites communes rurales.

Ainsi, vous aviez adopté un amendement imposant aux communes de 1 500 à 3 500 habitants qui appartiennent à une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, d’atteindre un taux de 10 % de logements sociaux. En CMP, avec l’aide des sénateurs, nous avons réussi à limiter l’application de cette obligation aux seules communes en zone tendue à partir du 1er janvier 2017.

De même, vous aviez adopté un amendement pour imposer un taux de 20 % de logements sociaux à toutes les communes de plus de 3 500 habitants qui, même sans faire partie d’une agglomération ou d’un EPCI, sont en situation de forte croissance démographique. La CMP, là encore, a fort heureusement modifié cette disposition, qui concernera uniquement les communes de plus de 15 000 habitants à compter du 1er janvier 2017.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission mixte paritaire. À la suite d’un amendement présenté par les rapporteurs de la CMP !

M. Martial Saddier. Et soutenu par l’UMP.

Il s’agit de deux avancées qui, pardonnez-moi l’expression, limitent la casse, mais ce n’est pas pour autant que nous soutenons ce texte. En effet, la combinaison – c’est là que le bât blesse et que l’effet contre-productif se fera le plus durement sentir – du relèvement du taux de 20 à 25 %, de l’accélération du rythme de rattrapage et de la multiplication par cinq des pénalités pour les communes en carence, déstabilisera de nombreuses communes.

Depuis l’adoption de la loi SRU, les maires et les conseils municipaux ont pris conscience de la nécessité de construire des logements sociaux.

M. Alexis Bachelay. Excellent !

M. Martial Saddier. La part des communes réalisant leur objectif de rattrapage de production de logements locatifs sociaux n’a cessé de croître depuis 2002,…

M. Henri Plagnol. Excellent !

M. Michel Piron. Il faut le dire !

M. Martial Saddier. …pour atteindre 63 % au dernier bilan triennal. L’engagement des communes se traduit également par le niveau de production de logements locatifs sociaux : de 87 000 entre 2002 et 2004, nous sommes passés à 130 000 sur la période 2008-2010, et nous approchons 17 % de logement social au niveau national, ce qui signifie que nous n’étions plus très loin de l’objectif de la loi SRU.

M. Henri Plagnol et M. Guy Geoffroy. Exactement !

M. Martial Saddier. Votre projet de loi va donc mettre inutilement la pression sur des maires et des conseils municipaux qui étaient déjà dans l’effort et avaient décidé de le poursuivre. Il conduira de surcroît à une augmentation des prélèvements supportés par les communes qui sont déjà, pour un grand nombre d’entre elles, fortement endettées. Plus d’amendes pour les communes signifie plus d’impôts locaux pour leurs habitants.

M. Henri Plagnol. Évidemment !

M. Martial Saddier. Par ailleurs, la juxtaposition des trois nouveaux taux : 25 %, 20 % et 10 %, réduira fortement la lisibilité du dispositif SRU et accroîtra l’insécurité juridique des communes, à cause des effets de seuil et de la croissance de la population : plus de six millions d’habitants supplémentaires sont attendus dans notre pays d’ici à 2025.

Je souhaite bon courage à l’administration pour déterminer les critères applicables à chaque commune. Et en décidant, en CMP, pour vous en sortir, de renvoyer beaucoup de choses à des décrets, vous avez privé le Parlement, aussi bien le Sénat que l’Assemblée nationale, de leur pouvoir d’intervenir sur un texte fondateur de l’urbanisme dans notre pays.

M. Benoist Apparu. Scandaleux !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission mixte paritaire. Aucun décret supplémentaire n’a été décidé en CMP !

M. Martial Saddier. Tout au long des débats, les députés du groupe UMP ont mis en garde contre un autre danger. Afin de ne pas être pénalisées financièrement, les communes qui peinent à trouver du foncier pour construire des logements privilégieront la construction de logements tout sociaux dès qu’un terrain sera disponible. Cela va à l’encontre de la mixité sociale,…

M. Marcel Rogemont. C’est gentil d’y penser maintenant !

M. Martial Saddier. …et nous risquons de relancer un phénomène de ghettoïsation des habitants de logements sociaux.

Nous regrettons que vous n’ayez pas de vision d’ensemble pour le logement social. Il ne faut pas uniquement considérer cette problématique à travers le prisme du nombre de logements locatifs sociaux construits ; il convient également de considérer la qualité de ces logements ou encore les outils en faveur de l’accession sociale à la propriété.

Vous l’avez compris, les députés du groupe UMP, qui, encore une fois, se sont inscrits dans une logique constructive et ont grandement participé, au sein de la CMP, à la définition d’un certain nombre d’équilibres, ne soutiendront pas, malgré tout, ce projet de loi. Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter notre motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Henri Plagnol. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, je dirai un mot de réponse au sujet des questions de constitutionnalité qui ont été soulevées ces dernières semaines, y compris dans les débats au Sénat, et qui viennent d’être abordées au début de son propos par M. Saddier.

Devant le Sénat, le texte examiné en séance n’était pas le texte adopté par la commission mais celui qui avait été déposé par le Gouvernement. Il y aurait là, compte tenu des nouvelles dispositions de l’article 42 de la Constitution, un vice de procédure, dont le droit d’amendement aurait été affecté. C’est, à notre point de vue, une lecture erronée des raisons qui ont conduit à la révision constitutionnelle de 2008, et je souhaite, à l’appui de ce point de vue, apporter quelques arguments.

Le principe de l’examen en séance du texte issu de la commission connaît trois exceptions, prévues par la Constitution. Ce principe est la règle pour tous les textes, sauf pour les plus importants : pour les révisions constitutionnelles, les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, le même article constitutionnel indique que c’est le texte d’origine qui continue à être soumis à examen, comme dans l’ancienne procédure. Ce n’est donc pas pour renforcer le droit d’amendement dans les situations importantes que cet article a été pensé. L’examen des travaux préparatoires montre que l’objectif de la rédaction de l’article 42 était en réalité la rationalisation du travail parlementaire.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas incompatible !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le seul objectif qui ait jamais été évoqué, c’est la nécessité que des amendements adoptés par la commission ne soient pas à nouveau examinés en séance, c’est-à-dire un allègement du travail parlementaire.

M. Benoist Apparu. Il faudra améliorer vos arguments devant le Conseil constitutionnel !

M. Marcel Rogemont. C’est une excellente argumentation !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. C’est pour cette raison que le texte apporte une précision, dont il faut bien nourrir les cas de figure. L’article 42 précise en effet qu’« à défaut » – sans autre explication – c’est le texte soumis par le Gouvernement qui est examiné en séance, comme cela s’est passé au Sénat. Ce dernier a préféré, pour des raisons de temps – nous en discuterons sans doute devant le Conseil constitutionnel –, discuter sur le texte du Gouvernement plutôt que de se trouver dans la difficulté d’adopter un texte dans des conditions très différentes.

Regardons en outre le temps que le Sénat a consacré au débat et le nombre d’amendements présentés. En affirmant que le droit d’amendement n’a pas été respecté parce que le texte de l’article 42 aurait été conçu comme devant protéger ce droit, vous êtes dans un raisonnement complètement inversé par rapport à ce qui s’est passé à la Haute assemblée : en recourant à l’exception prévue à l’article 42, les sénateurs ont retrouvé pleinement l’exercice de leur droit d’amendement en séance,…

M. Benoist Apparu. Ils l’ont retrouvé après l’avoir perdu !

M. Martial Saddier. Ils l’ont retrouvé de justesse !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …puisqu’il y a eu dix-huit heures et quelques de discussion. Jamais personne n’a soutenu que la rédaction de l’article 42 obligeait une assemblée à examiner le texte de la commission : elle prévoit une exception. J’ajoute, pour ceux qui veulent travailler sur ces questions, que le règlement du Sénat a lui-même prévu une exception : sur les propositions de loi, c’est le texte déposé et non celui issu de la commission qui est examiné.

M. Guy Geoffroy. C’est un raisonnement très laborieux !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ainsi, interpréter l’article 42 dans une vision purement intellectuelle, qu’aucun travail préalable à la réforme n’étaye aujourd’hui, c’est se tromper. Le seul argument utilisé pour justifier la révision, c’est celui de la rationalisation. La Constitution a été respectée, tout comme le droit d’amendement. Je pense donc que c’est uniquement pour des raisons d’opportunité et sans aucun fondement juridique que vous tenez ce discours, afin d’exploiter la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Henri Plagnol, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Henri Plagnol. J’ai trouvé très intéressant le plaidoyer pro domo que vient de nous livrer un orfèvre de toutes les questions parlementaires, le ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Marcel Rogemont. C’est bien pour cela qu’il est ministre !

M. Henri Plagnol. Très intéressant, parce qu’il a répondu indirectement à un article particulièrement cruel pour la majorité qui s’intitule « Brusqué par l’exécutif, le Parlement cafouille sur le logement social ».

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est pas gentil, ça !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. On n’est pas à un club de la presse !

M. Henri Plagnol. Si je l’évoque, c’est pour dire le bien-fondé de la motion défendue par notre collègue Saddier, que j’ai trouvée excellente.

Que dit cet article auquel vous avez essayé de répondre de façon très embarrassée, monsieur le ministre,  disant vous-même que vous construisiez la défense du Gouvernement devant le Conseil constitutionnel ? Eh bien que, par exception, ce texte, que l’on nous dit emblématique de la politique du logement et dont Mme Duflot n’a cessé de nous rappeler le caractère stratégique pour le Gouvernement, n’a pas été examiné en commission. C’est tout de même énorme !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il a été examiné !

M. Henri Plagnol. Il ne s’agit pas du droit d’amendement, monsieur le ministre. Il s’agit d’un principe constant, valable dans toutes les assemblées parlementaires, qui veut que les textes à caractère technique soient examinés en commission. C’est donc le texte issu de la commission saisie au fond au Sénat qui aurait dû être débattu, et non le texte présenté en conseil des ministres.

Mais il y a plus grave. Hier, vous avez réalisé que vous risquiez de ne pas avoir de majorité en CMP car certains sénateurs, y compris de la majorité, refusaient de voter une disposition issue d’un amendement rédigé sur un coin de table par le groupe écologiste étendant l’obligation de construction de logements sociaux aux petites communes de 1 500 habitants. Dans la nuit, le Premier ministre – et je ne connais pas de précédent en la matière – aurait été jusqu’à dire à ces sénateurs récalcitrants de ne pas s’inquiéter, car un projet de loi ultérieur permettrait d’annuler la disposition en question. Si c’est vrai, ce serait extrêmement grave et attentatoire à toutes les traditions parlementaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. C’est le règne de l’à peu près !

M. Daniel Goldberg. Comment croire des choses pareilles ?

M. Henri Plagnol. Est-ce vrai ou est-ce faux ? Je le demande solennellement.

Tout cela démontre le bien-fondé de la motion défendue par Martial Saddier et nous prenons date dès aujourd’hui : voyons si, dans un projet ultérieur, le fameux projet relatif au logement que vous nous annoncez, vous oserez revenir sur une disposition que vous avez imposée en bafouant en pleine nuit les droits de l’opposition et les traditions parlementaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, je n’irai pas me perdre dans toutes ces arguties. Il est important que chacun puisse s’exprimer sur le texte de la CMP. Par conséquent, je ne voterai pas cette motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Lepetit, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Annick Lepetit. Les explications de Mme la ministre ont été extrêmement claires.

M. Benoist Apparu. Ah bon !

M. Martial Saddier. Vous voulez nous les exposer à nouveau ?

Mme Annick Lepetit. M. Saddier a remercié et félicité les collaborateurs des commissions pour les quatre semaines de travail qu’ils ont consacrées à ce projet de loi, quatre semaines de travail constructif : nous avons eu le temps de travailler, …

M. Guy Geoffroy. Au pas de charge, oui !

Mme Annick Lepetit. …que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, pour améliorer le texte.

Je voudrais aussi rappeler à mes collègues de l’opposition, à M. Plagnol en particulier, que jeudi dernier la commission mixte paritaire s’est réunie dans la sérénité et dans un esprit constructif, ce qui a permis d’améliorer encore le texte.

M. Martial Saddier. Grâce à nous !

Mme Annick Lepetit. Nous avons retravaillé la disposition qu’évoquait M. Plagnol, qui vise à étendre le périmètre de la loi SRU aux communes de 1500 à 3500 habitants, et avons trouvé collectivement un équilibre en la rendant effective dans les zones les plus tendues. Le Sénat a adopté le texte de la CMP et je ne vois pas pourquoi nous devrions accepter cette motion de rejet préalable. Nous voterons bien évidemment contre car j’estime qu’il est urgent d’adopter cette loi.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Fromantin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vais pas revenir sur les éléments de forme qui viennent d’être pointés car je préfère garder l’esprit constructif qui a présidé à nos discussions, comme l’ont souligné les uns et les autres. Dans la perspective de la loi-cadre sur le logement social, que nous examinerons dans quelques mois, il importe de contribuer à faire avancer le débat, en faisant entendre différents points de vue et en faisant valoir la diversité des réalités territoriales.

Au nom du groupe UDI, j’exprime le regret que tous les leviers qui permettraient le développement du logement social n’aient pas été pris en compte dans nos discussions. J’aimerais revenir sur trois leviers en particulier, qu’il nous faudra garder à l’esprit dans nos futures discussions sur ce sujet.

Le premier levier est la gestion dynamique du parc HLM.

En mettant à contribution l’ensemble des acteurs du mouvement HLM dans ce projet de loi, nous aurions pu essayer de construire une dynamique économique nouvelle.

M. Henri Plagnol. Effectivement !

M. Jean-Christophe Fromantin. Cela aurait présenté trois avantages.

Tout d’abord, par la vente d’appartements, cette gestion dynamique aurait permis de développer un aspect qui manque à ce projet de loi, l’accession à la propriété. Le monde HLM compte près de 4,5 millions de logements et faire travailler ce parc aurait été un élément innovant.

M. Henri Plagnol. Bien sûr !

M. Jean-Christophe Fromantin. Ensuite, la vente de logements permettrait de financer de nouveaux logements. On sait qu’un logement vendu équivaut à deux logements financés. Et les effets de levier que l’on peut tirer de cette gestion active seraient extrêmement bénéfiques dans le contexte économique difficile que nous connaissons actuellement.

Ensuite, ces éléments combinés auraient donné un coup de fouet significatif à la filière du bâtiment, laquelle souffre de difficultés économiques qui se solderont à terme par de graves difficultés en termes d’emplois.

Nous réaffirmerons dans les débats à venir notre volonté de mettre à contribution le mouvement HLM dans une gestion dynamique de son parc, avec, à terme – pourquoi pas ? –, des comités départementaux associant l’État, les communes et les organismes HLM.

Le deuxième levier repose sur la prise en compte des nouvelles échelles urbaines.

Depuis plus de dix ans que la loi SRU a été votée, les choses ont évolué. Nous avons intégré la réalité des métropoles : de nouvelles échelles urbaines ont bouleversé le paysage territorial, de nouvelles mobilités se sont fait jour. L’évolution économique a fait naître de nouveaux usages qui incitent à prendre en considération de nouveaux bassins d’emploi. Enfin, des orientations nouvelles en matière de transports ont reconfiguré la carte territoriale.

Dans nos débats, nous avons introduit l’idée de revoir les échelles et les bassins de vie auxquels appliquer les dispositions de la loi SRU ainsi que les objectifs assignés aux communes. Le travail de reconfiguration des bassins de vie, certes compliqué, aurait mérité d’être mené pour faire entrer la modernité au cœur de nos discussions. Nous espérons que ces questions pourront être reconsidérées lors d’un prochain débat.

Ce deuxième levier repose aussi sur la souplesse.

Nous avons déposé plusieurs amendements destinés à assouplir la mise en œuvre des objectifs. À cet égard, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir pris en compte mon amendement sur l’indice de potentiel foncier.

M. Henri Plagnol. C’est un point positif !

M. Jean-Christophe Fromantin. Il ne sera pas intégré au texte, certes, mais les échanges que nous avons eus montrent que vous avez pris conscience du fait qu’il y avait différentes manières d’envisager cette souplesse. Ces indices permettront de distinguer les maires de bonne foi qui, malgré une configuration urbaine difficile, essayent de faire avancer les choses de ceux qui font délibérément le choix de ne pas faire progresser le logement social.

La souplesse renvoie également à l’optimisation de la dépense publique, comme j’ai eu l’occasion de le dire dans ma première intervention. Inciter les communes à faire coûte que coûte du logement social, c’est prendre le risque que l’achat de foncier soit privilégié au détriment de l’augmentation du nombre de logements. On sait en effet que, dans certaines communes, notamment celles qui se situent en zones denses, le foncier est rare et donc cher.

J’avais introduit l’idée qu’il serait bon de raisonner en termes d’unités logements pour une même surface en mètres carrés afin de ne pas handicaper les maires qui ont des arbitrages à faire en termes de taille de logements pour coller à leur PLH ou à leurs objectifs de développement.

M. Henri Plagnol. C’est une bonne idée !

M. Jean-Christophe Fromantin. Il s’agit d’éviter que les maires soient tentés de faire des petits logements alors que les besoins démographiques impliqueraient de construire des logements de deux, trois ou quatre pièces, notamment pour développer une offre familiale.

Le troisième levier concerne la mise en cohérence dans la perspective du projet de loi sur décentralisation que nous allons examiner dans quelques mois.

Il y a un paradoxe dans ce projet de loi. Sa volonté de mettre toutes les communes sous la même toise, très centralisatrice, est contradictoire avec l’esprit de la décentralisation, qui consiste à coller davantage aux réalités locales. Quoi de commun dans la situation du logement en Île-de-France, dans le Limousin, en Rhône-Alpes ou en Aquitaine ? N’aurions-nous pas avantage à décentraliser la loi SRU en laissant travailler les acteurs à l’échelle régionale sur des objectifs correspondant à des réalités démographiques, comme les spécificités des pyramides des âges, mais aussi à des réalités économiques, car la politique du logement doit coïncider avec des politiques économiques et des politiques d’aménagement du territoire.

Ces trois leviers – gestion dynamique du monde HLM, souplesse, éléments d’adaptation à des réalités territoriales et locales – n’ont malheureusement pas été intégrés à ce projet. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI votera contre, tout en restant dans un esprit constructif par rapport à cette grande ambition du logement. Tous nos compatriotes méritent d’avoir un toit. Sur un tel sujet, ce sont la dignité, la sérénité, la qualité du dialogue qui doivent l’emporter. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

Mme Michèle Bonneton. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le logement est l’un des grands chantiers de notre législature. Avec 3 millions de mal-logés et les conséquences sociales que cela implique, il était temps de rompre avec la politique menée depuis dix ans.

Les décisions qui se dessinent aujourd'hui constituent une véritable avancée, et la loi qui nous est proposée est un élément clair et concret de la volonté du Gouvernement, de Mme la ministre et de la majorité des parlementaires, de mobiliser les énergies en faveur du logement social.

Depuis des années, la droite avait fait du logement social une politique qui ne venait qu'en complément de l'accession à la propriété. Or la crise financière mondiale venue des États-Unis montre les dangers de ce type de politique. La quasi-faillite de l'économie espagnole provient elle aussi de la priorité donnée à l'accession à la propriété au détriment du logement social locatif.

M. Guy Geoffroy. Les deux sont complémentaires !

Mme Michèle Bonneton. Contrairement à ce que d’aucuns prétendaient, ces politiques n'ont pas réduit le nombre de mal logés en France. Elles n'ont eu qu'un seul effet tangible : la spéculation, qui a conduit au renchérissement des prix, tant pour l'accession à la propriété que pour les loyers.

Il était temps de rompre avec cette logique. Le premier pas consiste aujourd'hui à adopter définitivement ce projet de loi. D'autres viendront dès le printemps prochain.

Ouvrir le chantier du logement par la question du foncier permet de répondre à la fois au manque de terrains, bien réel en particulier dans les zones tendues, et au coût des terrains, devenu préoccupant du fait de la spéculation que l'on a laissée se développer ces dix dernières années. C'est cette spéculation qui exclut des millions de personnes du droit au logement, droit pourtant reconnu par la Constitution.

De plus, le logement social ne doit plus être relégué à l'écart des centres villes ou des lieux de travail. L'accès aux transports collectifs doit être un élément déterminant pour l'implantation de ces logements. À cet égard, la mobilisation du foncier de l'Etat ou des entreprises nationales, dont la localisation est souvent intéressante, ouvre des perspectives positives.

Nous apprécions que la cession puisse aller jusqu'à la gratuité. Les critères posés, largement détaillés et illustrés tout au long de la discussion nous semblent pertinents, notamment en ce qui concerne la proportion de logements sociaux dans les projets et l’extension à certains établissements de services publics.

J’en viens maintenant au type de logements sociaux à construire. Encore une fois, la nouvelle orientation proposée est clairement dessinée. Près de 70% des demandes concernent le logement très social : PLAI et PLUS. Or, ce n'est pas ce type de logement qui a été construit ces dernières années.

Ce texte, grandement amélioré lors de la discussion parlementaire en accord avec Mme la ministre, limite désormais la proportion de logement intermédiaire – les PLS – à 30 %, voire 20 % dans les communes très déficitaires en logements sociaux.

Soyons clairs : nous aurions préféré fixer ce taux à 20 % pour toutes les communes. Néanmoins, cela traduit un réel changement de politique de l'État en faveur du très social. En effet, construire du PLS ne coûte à peu près rien au budget national,…

M. Benoist Apparu. C’est faux ! C’est de la dépense fiscale !

Mme Michèle Bonneton. …ce qui explique sans doute en partie la politique menée depuis 2002. En revanche, pour les PLUS et davantage encore pour les PLAI, l'État intervient financièrement.

Cette mesure de limitation du nombre de PLS dans chaque projet contribue à favoriser la mixité sociale. Il est en effet indispensable de rompre avec le développement des inégalités sociales par le logement et l'urbanisme. La relégation de populations entières à la périphérie des villes pose souvent des problèmes démocratiques et environnementaux. Il n’est pas besoin de revenir sur les événements de ces dernières semaines, à Marseille comme à Grenoble ; chacun comprendra.

En choisissant de renforcer la loi SRU et son application, la mixité sociale redevient une priorité.

L'obligation faite aux communes par l'article 55 de la loi SRU de posséder au moins 25 % de logements sociaux, contre 20 % actuellement, reçoit l'appui sans retenue du groupe écologiste. L'agenda qui doit nous conduire à sortir du mal-logement en 2025 laisse réellement le temps d'atteindre cet objectif.

De même, l'application à certaines communes de 1 500 à 3 500 habitants hors Île-de-France des dispositions relevant de la loi SRU est un élément positif. Notre groupe avait proposé cet amendement lors de la première lecture de cette loi, la CMP a ensuite permis de trouver l’accord le plus large possible, ainsi que l’a rappelé Mme la rapporteure.

Nous attendons de cette disposition une meilleure répartition territoriale de l'habitat social. Cela répond aussi à une demande réelle de ménages modestes qui vivent et travaillent dans des localités de cette taille.

Cette mesure n'est pas généralisée mais bien encadrée. Elle ne concernera que les communes appartenant à une communauté de communes de plus de 50 000 habitants ayant une ville centre d'au moins 15 000 habitants, et ne disposant pas de 10% de logements sociaux en zone tendue, étant rappelé que l’éventuel prélèvement ne serait opéré qu’en 2017.

J'aborderai aussi un autre aspect de la loi SRU. Force est de constater que, depuis dix ans, certains maires – très minoritaires – n'ont pas joué le jeu. Cela représente tout à la fois une perte de chances pour notre pays, une profonde injustice envers ceux qui sont mal logés, mais aussi une remise en cause difficilement acceptable du respect de la loi et de l'État de droit par ceux-là mêmes qui devraient être les plus irréprochables de nos concitoyens.

C'est pourquoi nous souhaitions que les pénalités et les sanctions soient renforcées et servent à la construction de logement social. Elles le seront, sans doute, même si cela n’est pas encore suffisant à nos yeux.

Nous souhaitons que toutes les communes et leurs élus aient dorénavant à cœur de respecter la loi, car nous sommes convaincus que la mixité sociale est le plus sûr moyen d'enrayer les phénomènes d'exclusion et de violence.

Parallèlement, et parce que nous faisons confiance aux élus locaux et à l'initiative locale, nous approuvons les modifications apportées au projet du Grand Paris. Le report de la date butoir du 31 décembre 2012 au 31 décembre 2013 était indispensable du fait de la censure du SDRIF par le Conseil d'État.

De même, les mesures redonnant aux élus d'Île-de-France l'initiative pour le développement de leur région reçoivent tout notre soutien. Cette rupture avec la politique précédente de recul de la décentralisation envoie un signal fort avant le lancement de la troisième étape de cette décentralisation. Elle devra permettre d'associer plus largement les citoyens aux décisions locales.

Notre seul regret vient de la décision de la commission mixte paritaire d'abandonner la mise en place d'un établissement public foncier au niveau de chaque région. En effet, lorsque de telles structures existent, par exemple en Rhône-Alpes ou en Île-de-France, leur efficacité est bien réelle. Nous souhaitons donc que la réflexion sur cette question se poursuive dans les mois à venir.

Avec ce texte de loi, le Gouvernement et vous-même, madame la ministre, proposez une nouvelle orientation politique en matière de logement et d'aménagement du territoire. Nous souhaitons que le chemin tracé par cette première loi soit poursuivi par les suivantes. C'est pourquoi les membres du groupe écologiste voteront avec enthousiasme en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, permettez-moi, au nom de l'ensemble des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, de me féliciter de l'accord intervenu en commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

Son adoption définitive permettra la mise en place rapide du dispositif tant attendu par les millions de personnes mal logées et par toutes celles qui rencontrent des difficultés liées au logement dans notre pays.

En effet, ce texte répond aux engagements pris par le Président de la République de porter la production de logements, en cinq ans, à 2,5 millions de nouveaux logements intermédiaires et sociaux, dont 150 000 logements très sociaux et étudiants.

Cet objectif nécessitera la mobilisation de nouvelles ressources foncières, par la mise à disposition par l'État de terrains et immeubles avec une forte décote, pouvant aller jusqu'à la gratuité. Ce sont ainsi plus de 100 000 logements, dont la moitié en Île-de-France, qui pourront être construits sur des terrains publics d'ici 2016.

Le relèvement de 20 à 25% de l'objectif de logement social par commune ainsi que le quintuplement des pénalités pour les communes qui se refusent à participer à cet effort national permettront également de favoriser la mixité sociale.

Enfin, au-delà de l'urgence sociale, ce projet de loi répond aussi à une urgence économique en relançant l'activité dans le secteur du bâtiment, lequel connaît de grandes difficultés liées à la crise.

Toutefois, il est à regretter que ce texte ait suivi la procédure accélérée, n’autorisant qu'une seule lecture dans chacune des chambres. Néanmoins, un travail parlementaire de qualité a permis de l'enrichir.

Tout d'abord, il n’oublie pas les ménages les plus modestes, en déterminant la part de logements destinés aux populations les plus en difficulté, financés au moyen de prêts locatifs aidés d'intégration, les PLAI.

Il supprime ensuite le prélèvement sur le potentiel financier des organismes HLM. Ce dernier, en affectant les capacités d'investissement de ces organismes, constituait un frein à la réhabilitation des logements dégradés et à la construction de nouveaux logements. Aussi était-il utile de le supprimer.

Ce texte garantit également une participation financière de l'État aux opérations de logements sociaux, et réserve le Fonds national de développement d'une offre de logements locatifs sociaux au financement exclusif de la construction de logements à destination des ménages dont la situation justifie un accompagnement social ou une minoration de loyer.

Il impose par ailleurs, dans les communes en état de carence, un minimum de 30 % de logements locatifs sociaux dans toute opération de construction d'immeubles collectifs de plus de douze logements.

Enfin, le texte prévoit que la décote s’appliquant à la cession des terrains de l'État sera également étendue à ses établissements publics, et il désigne nommément les trois établissements publics qui seront concernés : Réseau ferré de France, la SNCF et Voies navigables de France.

Nous nous réjouissons que l'amendement défendu par le RDSE au Sénat lors du dernier collectif budgétaire, amendement portant sur les différents taux de la taxe sur les logements vacants, ait été repris dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.

La commission mixte paritaire a prolongé ce travail, en supprimant notamment l'amendement relatif à l’existence d'un unique établissement public foncier de l'Etat par région. Cet amendement prévoyait en effet la dissolution, dans les 18 mois suivant la publication de la loi, des autres établissements publics fonciers existant au sein de chaque région. Il aurait ainsi atteint certains territoires sans considération pour les réalités locales, et risqué de remettre en cause l'action d’établissements publics fonciers qui fonctionnent.

Cependant, comme le groupe RDSE l'a remarqué au Sénat, la disposition obligeant les communes de 1 500 à 3 500 habitants à compter 10 % de logements sociaux, dans les agglomérations et établissements publics de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants, hors Île-de-France, n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact. Un travail d'analyse doit donc être mené pour en évaluer les conséquences. Le Premier ministre s'est engagé à revoir cette mesure lors du prochain texte sur le logement : nous y serons attentifs.

Néanmoins, ce projet de loi ainsi que les mesures déjà prises concernant l'encadrement des loyers à la relocation, la suppression des droits à construire et le relèvement du plafond du livret A, constituent une première réponse à la hauteur de la grave crise du logement que traverse notre pays.

Par conséquent, les élus du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste apportent leur soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, à l’occasion du passage de ce texte devant la CMP, les députés que je représente réitèrent leur soutien au projet de loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement social.

Dans la dynamique du travail collectif de notre assemblée sur ce texte, les parlementaires du Front de gauche ont contribué à une amélioration du projet de loi, et ainsi permis de donner davantage de muscle à un texte quelque peu modeste dans ses ambitions.

Il n’est certes pas devenu le petit livre rouge…

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas un mal !

M. Guy Geoffroy. C’est plutôt une bonne nouvelle !

M. André Chassaigne. …ni la bible du logement, mais je veux ici rappeler quelques avancées que les sénateurs et députés communistes du Parti de gauche ont obtenues.

Tout d’abord, un rapport sur la régulation foncière, qui a le mérite de poser la question de la spéculation effrénée existant sur le foncier : vous le savez, les députés que je représente sont partisans d’un encadrement des prix par la création d’une Agence nationale foncière ; le renforcement de la sanction prévue pour l'acquéreur des terrains publics cédés au cas où il ne réaliserait pas de construction ; la limitation à 30 % de la part maximale de PLS dans l'effort de construction des communes carencées qui ne sont pas couvertes par un PLH ; la réduction du délai de dix-huit à douze mois pour mettre en œuvre la taxation ou la réquisition des logements vacants ; enfin l'impossibilité faite aux propriétaires de logements vides de s'opposer à la réquisition ou de s'exonérer de la taxe en prétextant des projets d'aménagement.

Certes, il reste encore des possibilités, pour les resquilleurs patentés, de contourner la taxe ou la réquisition. Mais avec ce texte nous légiférons dans le bon sens, comme l'a d'ailleurs signalé l’association Droit au logement. Elle s’est félicitée de l'adoption des amendements du Front de gauche lui permettant de demander l’application de la procédure de réquisition. Selon cette association, 30 à 40 000 logements pourraient être concernés. Ce chiffre est loin d'être négligeable alors que l'hiver approche à grand pas.

Face à l’urgence sociale, l'objectif est bien de permettre l'application de la procédure de réquisition dite avec attributaire. Elle consiste dans la réquisition de biens vacants appartenant à des personnes morales, pour une durée maximum de six ans. Un attributaire, lié par convention avec l’État, par exemple un organisme HLM, une collectivité locale, effectue les travaux de mise en état d'habitabilité et s'occupe de la gestion locative des logements. Bien évidemment, le propriétaire est indemnisé. Cette procédure avait été mise en place en 1997 mais n'a jamais pu être mise en œuvre, précisément parce que les sociétés visées par les procédures présentaient des projets d'aménagement pour y échapper. Cela ne sera plus possible et nous avons donc à portée de main un important gisement de logements. Vous comprendrez, madame la ministre, que nous vous demandions instamment de mettre en application cette procédure. L’hiver 2012 sera sans aucun doute particulièrement difficile du fait de la situation économique, du nombre de chômeurs et de familles précarisées par la crise, d'autant que l'hébergement d'urgence, tragiquement sous-financé, est dans une situation catastrophique.

Il faut des actes. La taxe sur les logements vacants, aujourd'hui moribonde, pourra s'appliquer plus rapidement et sera plus difficilement contournable. La réquisition avec attributaire que nous vous demandons de mettre en œuvre sanctionnera la malveillance de personnes morales ou de propriétaires richissimes qui laissent volontairement vides des surfaces considérables dans une optique spéculative. Alors au travail, madame la ministre !

L'hiver à venir, je l'ai dit, focalise toutes nos craintes. C'est la raison pour laquelle nous déplorons que notre amendement proposant l'interdiction des expulsions des familles en grande détresse financière n'ait pas été adopté. Cette disposition complétait celles sur les logements vacants. À quoi sert de reloger des familles prioritaires si, dans le même temps, on continue à expulser à tout va les plus précaires ?

Les arguments qui nous ont été donnés pour motiver un vote négatif nous ont d'autant moins convaincus que cette proposition était encore portée, il y a quelques mois, par bon nombre de parlementaires de l'actuelle majorité. Certains sont même devenus ministres. Vérité en deçà des élections, erreur au-delà !

Et, puisque j'aborde les points de désaccord des députés que je représente, permettez-moi de regretter certains aspects de ce projet de loi. Je déplore en effet que les décotes sur la cession du foncier public puissent bénéficier à des opérateurs privés, que l'accession sociale à la propriété soit considérée comme un motif valable de décote sur ces cessions, ce qui pourrait préfigurer que ce type de logements soit comptabilisé dans le taux SRU des communes, que l'horizon d'applicabilité du taux de 25 % de logement social dans les zones tendues ait été repoussé non à 2015 ou 2020 mais à 2025, ce qui revient à donner quitus à certaines municipalités malveillantes.

Certains se sont aussi étonnés de notre pugnacité à militer pour des sanctions plus fortes à l’encontre des communes qui refusent de créer du logement social.

Comme je l'ai affirmé à plusieurs reprises, 70 % des financements publics du logement finissent dans la poche du privé. Nous sommes passés d'une logique de subventionnement de la construction au dogme de l'incitation des promoteurs à travers la défiscalisation. Le seul bilan de ces politiques, c'est le chiffre actuel de 8 millions de mal logés. Sans rupture forte, sans sanctions dissuasives, aucune solution réelle ne pourra être trouvée en matière de logement.

Nous demandions non seulement que les pénalités financières des villes insuffisamment dotées en HLM soient multipliées par dix, mais aussi que les préfets ne puissent plus différer ces versements. Enfin, nous proposions que ces mêmes préfets puissent se substituer aux maires récalcitrants pour lancer des programmes de construction. C'était du reste la revendication de très nombreuses associations spécialistes de ces questions. Nous n'avons pas été suivis sur ces points et nous le regrettons.

Si nous nous satisfaisons des contours de ce projet de loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement, le moment est venu de vous faire part des inquiétudes du Front de gauche quant à ce qui nous attend dans les mois à venir.

Je pense bien entendu au budget 2013. Les aides à la pierre, qui ont subi un manque à gagner d'un milliard d'euros ces cinq dernières années, ne sont réévaluées que de 50 millions d'euros. On pourrait parler d’une goutte d'eau, et je suis sûr que vous partagez mes propos. Comment exiger des communes qu'elles bâtissent plus de logements très sociaux si l’État ne rehausse pas réellement sa participation financière dans les programmes de construction ? C'est condamner nos collectivités territoriales à l'impuissance.

Autre inquiétude : je pense aux fameux dispositifs de défiscalisation qui font reposer la construction sur le bon vouloir des promoteurs et des propriétaires. La précédente majorité, pourtant peu suspecte de progressisme, a dû supprimer le fameux Scellier, qui engage encore les crédits de l’État pour des années. Pourtant, sorti par la porte UMP, le Scellier revient par la fenêtre de votre ministère avec un nouveau cadeau aux propriétaires sous la forme d'avantages fiscaux. Ne faudrait-il pas sortir de ces fausses solutions ?

En ce qui nous concerne, nous proposons un encadrement des loyers par bassin d'habitat ainsi qu'une refonte totale du financement du logement : reconstitution du 1 % logement, recentralisation du livret A à la Caisse des dépôts, augmentation massive des aides à la pierre.

Enfin, troisième inquiétude, mère de toutes les autres : je songe au funeste traité européen d'austérité que vous venez d'adopter.

Il corsettera les dépenses publiques, non seulement celles de l’État et de ses administrations, mais aussi celles des collectivités territoriales. Comment respecter l'engagement présidentiel de 150 000 nouveaux logements par an si le garrot de Bruxelles est placé sur tous les budgets locaux de ce pays ? N'y a-t-il pas quelque hypocrisie à se réjouir bruyamment, dans cet hémicycle, d'un renforcement de la loi SRU, alors même que son application pourra être mise en cause ?

Mes chers collègues, il n’y a pas de suspense : les députés du Front de gauche voteront ce texte, comme d'ailleurs l'ensemble du groupe GDR. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il comporte de nombreux signaux positifs. Mais il ne constitue à l'évidence qu'un premier pas dont la portée pourrait être réduite par les nombreux orages qui se préparent. Nous ne devons pas nous illusionner : pour en finir avec la crise du logement, les gestes forts n'ont pas encore eu lieu.

Aussi, madame la ministre, je vous renouvelle notre appel : mettrez-vous en œuvre la réquisition des logements vides que nos amendements rendent possible ? Voilà une question essentielle au regard de l’urgence sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, après plusieurs semaines d'échanges fructueux entre l'Assemblée, le Sénat et le Gouvernement, nous clôturons aujourd'hui l'examen du projet de loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement. Je tiens à saluer le travail effectué aussi bien en commission des affaires économiques que dans l’hémicycle. Nos débats ont été riches et le Parlement a apporté une véritable valeur ajoutée.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, que nous allons voter, est d'ailleurs la synthèse de ce que le Sénat et l'Assemblée ont imaginé de plus efficace et de plus utile.

Ce texte, qui se situe dans la continuité de la loi SRU adoptée il y a douze ans, permettra d'améliorer la mixité sociale et territoriale. C'est une nécessité aujourd'hui, face à l'urgence que connaissent plus de trois millions et demi de nos concitoyens qui ne sont pas logés ou qui le sont dans de très mauvaises conditions.

Ainsi, en dehors des outils techniques et juridiques, cette loi apporte avant tout un souffle nouveau pour la politique du logement. Elle constitue un changement radical avec ce qui a été fait ces dernières années et une ambition nouvelle pour traiter ce grave problème trop longtemps sous-estimé. Elle entraînera un mouvement puissant de construction de logements abordables pour le plus grand nombre.

J'entends certaines interrogations sur la mise en œuvre d'une telle réforme. Mais je suis convaincue que nous avons raison d'être aussi exigeants. Si nous demandons autant aux communes, aux services de l’État et aux opérateurs publics, c'est justement parce que la situation l'exige et que nous devons enfin apporter des réponses concrètes à nos concitoyens.

À travers ce projet de loi, vous avez voulu, madame la ministre, commencer par la question de la construction. Vous avez eu raison car elle est au cœur du problème.

Nous disposerons désormais d'outils puissants pour mobiliser le foncier public, davantage encore que ce qui a été fait jusqu'à présent. La décote consentie sur les terrains pourra atteindre 100 % de leur valeur, comme s'y était engagé le Président de la République. Ce pourcentage évoluera en fonction de plusieurs critères tels que la part de logements sociaux construits dans l'opération, leur proportion dans le parc existant sur le territoire et, bien sûr, les circonstances locales. Ce système de décote a fait l'objet de discussions entre le Sénat et l'Assemblée. Je me réjouis qu’un consensus ait été dégagé sur la version votée dans notre hémicycle.

Je pense que nous sommes parvenus à une rédaction équilibrée, qui soutient les maires vertueux construisant du logement social, sans pour autant brader le patrimoine de l’État.

Pour atteindre les ambitieux objectifs fixés, la mobilisation du foncier public doit être forte. L’État doit en effet revoir sa conception du patrimoine public et sortir de sa logique de rentabilité financière. Les parlementaires seront présents pour jouer leur rôle de contrôleurs de l'action publique, notamment à travers plusieurs rapports que nous avons introduits dans le texte, mais aussi pour accompagner les administrations dans leur nécessaire évolution.

Pour encourager ces administrations à vendre leur patrimoine, nous avons prévu qu'un contingent de 10 % des logements sociaux construits sur les terrains qu'elles ont cédés pourra leur être attribué. Cela permettra par exemple de loger des policiers ou des instituteurs, qui souffrent eux aussi du coût trop élevé du logement dans les zones tendues.

J'ai également bien noté durant le débat que la ministre s'était engagée à ce que tous les établissements publics sans exception participent à cet effort collectif et figurent donc logiquement dans le décret du Conseil d'État. Ce sujet a été soulevé tant au Sénat qu'à l'Assemblée, ce qui montre l'attachement particulier des parlementaires à cette question. Cet engagement nous a un peu rassurés et nous serons, soyez en sûrs, très attentifs à sa concrétisation.

Autre amélioration apportée par les députés socialistes : les terrains destinés à la construction d'équipements publics, comme des crèches ou des écoles, devenus nécessaires du fait de l'accroissement du parc de logements, pourront eux aussi bénéficier d'une décote.

Autres outils puissants de cette loi : le passage de 20 % à 25 % du taux de logement social dans les communes situées dans les zones SRU et la multiplication par cinq des pénalités pour les villes récalcitrantes. Voilà deux engagements présidentiels tenus.

Il y a dix ans, la loi SRU a enclenché le mouvement ; nous l'accélérons. Cette mesure marque un véritable tournant dans la politique du logement en France en faisant de la construction une réelle priorité. Les efforts consentis par une grande partie des villes ne sont pas encore suffisants pour répondre à la crise que nous connaissons. Avec le nouveau calcul du taux de rattrapage, elles seront poussées à accroître massivement leurs investissements. La gravité de la situation l'impose.

La réalité, c'est que 980 communes soumises à la loi SRU n'ont pas encore atteint les 20 % de logements sociaux. Parmi elles, 190 font l'objet d'un constat de carence. L'heure est à la mobilisation générale, pas à la recherche permanente d'excuses ou de moyens de contourner la loi. C'est précisément ce que ce texte met en place.

Grâce à ce texte, les municipalités devront assumer leurs responsabilités. Les maires qui, pour des raisons idéologiques, refusent la construction de logements sociaux, verront leurs pénalités augmenter fortement au point de devenir enfin dissuasives.

Au cours des débats, nous avons apporté plusieurs ajouts importants au texte initial. Les communes en situation de carence ne pourront ainsi désormais plus construire uniquement du PLS et seront contraintes de construire des PLAI et des PLUS, c’est-à-dire des logements réellement abordables pour les ménages modestes.

Nous avons également trouvé en CMP une formulation équilibrée permettant d’élargir le périmètre de la loi SRU là où c’est nécessaire. Dans les zones tendues, les communes de 1 500 à 3 500 habitants – situées dans une agglomération de plus de 50 000 habitants et contenant une ville de plus de 15 000 habitants –, devront disposer d’au moins 10 % de logements sociaux d’ici à 2025. D’une part, les maires qui voulaient construire des logements sociaux, mais n’étaient pas soutenus par les pouvoirs publics, deviendront aussi prioritaires que les villes voisines plus peuplées. D’autre part, je rappellerai à tous ceux qui ont semblé l’oublier pendant la discussion, que, en Île-de-France, l’obligation de construire 20 % de logements sociaux ne s’arrête pas au seuil de 3 500 habitants, mais descend déjà à 1 500 habitants.

Nous avons également trouvé en CMP la rédaction la plus adaptée concernant les villes champignons. Désormais, les villes de plus de 15 000 habitants qui ont vu leur population augmenter de manière très importante en peu de temps devront elles aussi disposer de 25 % de logements sociaux. Leur liste sera établie par décret.

Autre bonne nouvelle : l’abrogation de la ponction sur les HLM mise en place par la précédente majorité. Cette ponction a eu des répercussions graves sur les capacités de financement des offices. Nous avons été nombreux sur ces bancs à nous élever contre ce prélèvement et c’est une bonne chose que ce soit aujourd’hui le Parlement qui y mette fin.

Enfin, la dernière partie du texte concerne le Grand Paris. J’ai bien vu l’agitation qui a saisi la droite ces derniers jours sur cette question. Je veux donc la rassurer : si le Grand Paris figure dans le projet de loi, c’est donc qu’il n’est pas mort. Nous sommes justement en train d’accomplir le travail qui n’avait pas été fait pour passer concrètement des promesses d’hier au réseau de transports de demain. Inclure la région et les départements dans les CDT, comme nous le faisons, va justement dans ce sens.

Pour finir, ce texte marque un vrai changement de politique. Il met enfin la question du logement à la place qu’elle aurait dû occuper depuis longtemps : celle d’une véritable priorité de la nation. Cette première étape pose les bases d’une politique volontariste et donne des outils puissants pour enclencher le mouvement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Madame la ministre, vous nous avez déclaré avoir fait une grande loi. Je crains, hélas, que, dans le catalogue des normes très difficilement applicables sur le terrain, votre texte ne figure à une bonne place : il prévoit un système d’une extrême complexité, conçu dans la précipitation, voire parfois dans une véritable improvisation.

Dès le premier jour, vous avez annexé à votre communication en conseil des ministres une liste de terrains à céder où les maires découvraient, stupéfaits, que vous proposiez de leur offrir gratuitement des terrains qu’ils avaient parfois achetés depuis des années. Certes, vous ne pouvez pas tout contrôler, nous en convenons aisément, mais nous aurions pensé que cette bévue – vous soupirez, mais admettez-la – vous aurait conduite à une plus grande écoute des élus de terrain.

Hélas, ce n’était que le début des surprises. Au Sénat, la commission des affaires économiques fut consultée après le début de l’examen en séance publique. Une première du genre pour nos collègues sénateurs, censés pourtant représenter les communes, que vous avez l’intention de taxer davantage. À l’Assemblée, c’est par un amendement déposé en séance, dans la nuit, par le groupe écologiste, que le dispositif a été étendu aux communes hors Île-de-France comptant de 1 500 à 3 500 habitants, avec un nouveau taux de 10 %. Une mesure présentée sans étude d’impact, sans consultation des associations de maires, tellement approximative que vous avez dû la corriger par un nouvel amendement en commission mixte paritaire pour en limiter l’application aux zones tendues.

Toujours en séance publique, par un autre amendement, vous avez fait approuver un nouveau taux de 20 % pour toutes les communes de plus de 3 500 habitants mais, là encore, parce qu’il fallait tout de même tenir compte de certaines réalités, en CMP, ce niveau a été relevé à 15 000 habitants. Reste que ce dispositif est applicable aux communes en croissance démographique. Un nouveau casse-tête pour la mise en place sur le terrain, cette notion de croissance démographique.

Et parce que sans doute l’accumulation de ces nouveaux taux, nouvelles dérogations, nouvelles complications ne suffisaient pas, vous avez imaginé ce qui deviendra à n’en pas douter le tristement célèbre article 4 ter. Pour tous les programmes de plus de douze logements, dans les zones dites tendues, cet article oblige à réaliser au moins 30 % de logements sociaux. Vous avez même réussi au fil des débats à rendre son application encore plus impossible pour les communes où le foncier est très cher, en excluant la catégorie des logements sociaux PLS qui sont, comme chacun sait, les seuls à pouvoir équilibrer financièrement certaines opérations.

Un article assez digne du tristement célèbre impôt sur les portes et fenêtres. Une mauvaise mesure qui suscitera à n’en pas douter une foultitude de contournements comme le partage des parcelles, la réalisation de très grands appartements, tout pour éviter de tomber sous le coup de votre loi.

Madame la ministre, en réalité, vous savez parfaitement que, dans certaines villes, c’est en raison de spécificités locales liées aux zones de crues, à des protections naturelles ou patrimoniales, et d’un très grand nombre d’autres raisons spécifiques qu’il y a peu ou qu’il n’y a plus de possibilité de construire.

M. Marcel Rogemont. La ville se construit sur la ville !

M. François de Mazières. Vous nous répondez toujours : « Les préfets sont là pour en moduler l’application. » Pauvres préfets ! Tout au long de ce débat, le mot « préfet » aura été le gimmick de vos interventions. Chaque fois que nous avons souligné une difficulté réelle de terrain, vous nous avez répondu que le préfet adapterait la loi à la situation locale. On se demande franchement à quoi sert de faire une loi si c’est pour la rendre tellement impraticable que seul le représentant de l’État sur le terrain est capable de s’en dépatouiller.

Nous savons tous, hélas, ce qu’il va advenir, dans les prochains mois, au sein des services d’urbanisme de nos villes. Je peux vous le décrire : tout d’abord, une vraie panique ; on la ressent d’ailleurs déjà. Faut-il revoir tous les documents d’urbanisme dans les communes frappées par les dispositions de cette nouvelle loi ? Les PLH certainement, même ceux qui viennent d’être actualisés, voire certains PLU. Cela signifie que tout le processus de construction, là où vous voulez que l’on aille vite, va être de fait ralenti ; sans compter l’effet inhibant de la menace du quintuplement des sanctions.

Quelle commune sera véritablement sanctionnée et quand ? Pour certains maires, le budget va devenir impossible à boucler.

M. Marcel Rogemont. Ça leur apprendra ; c’est exactement pour cette raison que nous avons renforcé les pénalités !

M. François de Mazières. Plusieurs de mes collègues m’ont dit avoir gelé un ou plusieurs projets d’investissement en attendant de savoir à quelle sauce vous allez les manger.

Pour une relance rapide de la construction et de l’économie, c’est plutôt un désastre.

M. Pascal Popelin. Les dispositions en question ont été instaurées en 2000 !

M. François de Mazières. Parce qu’après la première panique viendra le cortège des interrogations.

M. Marcel Rogemont. Pourquoi n’avez-vous rien fait depuis 2000 ?

M. François de Mazières. La commune voudra être sûre d’avoir bien interprété les nouvelles dispositions ; on interrogera la préfecture, qui elle-même interrogera le ministère, qui lui-même, compte tenu de la complexité de la question, demandera des compléments d’informations à la préfecture qui se retournera vers la ville, qui se retournera vers le promoteur et ainsi de suite, jusqu’à ce que le promoteur, découragé, abandonne son projet.

Mme Annie Genevard. Eh oui !

M. François de Mazières. Alors le fonctionnaire répondra qu’il n’est pas responsable mais que c’est à cause de la nouvelle loi, car la première erreur fondamentale de votre texte réside bien dans le fait que vous donnez l’impression que vous n’aimez pas les maires de France.

M. Alexis Bachelay. Nous aimons les maires qui respectent la loi.

M. Alain Chrétien. Les maires ne vous aiment plus !

M. Marcel Rogemont. Si c’était le cas, nous ne serions pas majoritaires au Sénat !

M. François de Mazières. Vous ne leur faites pas confiance. Et parce que vous ne leur faites pas confiance, ce texte, qui affiche l’ambition de relancer la construction, va se retourner comme un boomerang et entraîner le ralentissement des mises en chantier, y compris de logements sociaux.

Les maires ne sont pas des irresponsables. Vous l’avez d’ailleurs reconnu vous-mêmes. La très grande majorité d’entre eux savent que la ville a besoin d’un équilibre entre logements libres, logements intermédiaires et logements sociaux. Vous nous avez répondu : « Nous faisons cette loi pour les récalcitrants. »

M. Marcel Rogemont. C’est exact !

M. François de Mazières. Vous-mêmes avez estimé ce nombre à moins de 1 000 sur 36 000 communes. Était-il vraiment raisonnable de créer un tel imbroglio administratif pour quelques communes réticentes qu’avec le dispositif déjà existant vous aviez parfaitement la possibilité de cibler, un dispositif du reste appliqué avec de plus en plus d’efficacité par les préfets ? Si vous aviez envie de faire des exemples, les moyens existaient.

M. Henri Plagnol. Tout à fait !

M. François de Mazières. Pourquoi faire une loi uniquement fondée sur la sanction et non sur l’incitation ? Quand je vous ai posé, avec mes collègues, cette question, vous nous avez plusieurs fois répondu : « C’est politique. » Avec le mot « préfet », c’est votre deuxième gimmick. Toutefois, madame la ministre, la bonne politique consiste à regarder d’abord ce qui se fait ailleurs. En Europe, aucun pays n’a adopté une obligation de logements sociaux supérieure à 20 %, excepté l’Espagne qui, compte tenu de son grand retard dans le domaine du logement social, qui ne représente que 2 % du parc total de logements, s’est fixé un taux de 30 % mais qui ne porte que sur le flux des nouvelles constructions, et non sur le stock comme avec la loi SRU.

M. Henri Plagnol. Bien sûr !

M. François de Mazières. D’ailleurs, avec un taux national de 17 % de logements sociaux, la France fait déjà partie des cinq meilleurs élèves de l’Europe.

On peut toujours aller plus loin, mais alors vous auriez au moins dû profiter de cette occasion pour corriger les lacunes du marché actuel, répondre par la carotte et non toujours par le bâton.

M. Guy Geoffroy. Bien sûr !

M. François de Mazières. Le problème du logement social en France, point sur lequel nous pouvons nous accorder, porte notamment sur les catégories les moins aisées, sur ceux qui ne peuvent se loger qu’aux conditions du PLAI. Le mouvement PACT mais aussi le père Devert, président d’Habitat et humanisme, le digne successeur de l’abbé Pierre que vous avez souvent cité, ont proposé que l’on compte les PLAI pour deux dans le décompte de la loi SRU. C’eût été une mesure simple, efficace, véritablement sociale.

De même, nous vous avons proposé de prendre en compte des situations choquantes, comme celle des logements militaires, exclus de ces quotas, et qui se trouvent privés de tout financement social, ce qui entraîne, sur le plateau de Satory, dans le plus grand camp de gendarmes de France, un état de délabrement indigne.

Il fallait par ailleurs en profiter pour traiter de la difficile question de l’amélioration thermique des logements sociaux, un sujet auquel vous êtes pourtant sensible, en déduisant ces dépenses des pénalités versées par les communes.

Ce qui nous différencie fondamentalement, c’est que nous croyons au parcours résidentiel, nous croyons que, si nous avons besoin de logements sociaux, les Français aspirent aussi à devenir propriétaires.

M. Marcel Rogemont. Mais c’est incroyable d’entendre cela, croyez-vous que nous n’en sommes pas conscients ?

M. François de Mazières. C’est pourquoi il nous paraît tellement important de soutenir aussi l’accession à la propriété.

M. Guy Geoffroy. Très juste !

M. François de Mazières. C’est pourquoi nous sommes inquiets, compte tenu de la complexité effrayante de ce texte, du ralentissement de la construction.

Parce que, madame la ministre, après nous avoir fait croire pendant la campagne présidentielle que vous pourriez d’un coup de baguette magique relancer la construction et atteindre ce fameux niveau de 500 000 logements par an, la vérité est que la construction s’effondre et qu’il faut absolument la soutenir.

M. Marcel Rogemont. On a bien vu en cinq ans ce qu’est devenue votre promesse d’augmenter le pouvoir d’achat !

M. Pascal Popelin. Et votre promesse à tous de devenir propriétaires.

M. François de Mazières. La vérité est que pour tous les professionnels du secteur, les principaux freins à la construction sont, en France, l’accumulation des contraintes réglementaires et les délais qui en découlent. Or vous proposez de continuer.

La vérité est que l’étude d’impact de votre projet de loi initial évalue le coût budgétaire du passage de 20 à 25 % du taux de logements sociaux à 2,7 milliards d’euros annuels sur la période 2014-2016.

Mme Annick Lepetit. Vos dix minutes sont écoulées !

M. François de Mazières. Comme vous n’obtiendrez pas ces crédits, cet effort pèsera en réalité sur les fonds propres des bailleurs et sur les finances des collectivités territoriales.

Vous êtes partie d’une idée juste, madame la ministre : la mobilisation du foncier disponible ; mais à trop vouloir politiser ce sujet d’intérêt général…

M. Marcel Rogemont. Mais c’est bien sûr !

M. François de Mazières. C’est pourtant une réalité. Nous gardons en mémoire le sauvetage in extremis, en CMP, des quatre établissements publics fonciers départementaux qui rendent des services avérés dans le domaine du logement social. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI). Eh bien, à partir de cette idée juste, malheureusement, vous avez créé une usine à gaz.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la CMP. Elles sont bien longues, ces dix minutes.

M. François de Mazières. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe UMP et apparentés voteront contre le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Laurent Furst. Ce texte sera de toute façon abrogé dans quatre ans et six mois.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Marcel Rogemont. Nous allons changer de musique !

M. Daniel Goldberg. Madame la présidente, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le logement est devenu la priorité de l’État.

C’est une priorité du Gouvernement, et je partage pleinement cet objectif, car il y a urgence. Une urgence sociale d’abord, puisque plus de 1,3 million de familles sont dans l’attente d’un logement décent. Une urgence économique ensuite – et c’est peut-être sur ce point que nous pourrions nous retrouver –, tant le monde du bâtiment et des travaux publics a souffert, ces dernières années, de ne pouvoir construire suffisamment. Il y a aussi urgence en termes d’aménagement, parce que les difficultés que connaît notre pays en matière de logement pèsent aussi sur le développement de la France et sur ses perspectives d’aménagement. C’est enfin une urgence écologique, car en construisant des logements au bon endroit, c’est-à-dire à proximité des lieux de travail, on participe aussi au développement durable de notre société.

C’est pour toutes ces raisons que les parlementaires du groupe SRC et, plus largement, l’ensemble de la majorité de cette assemblée, approuvent ce dispositif, notamment la décote de terrains de l’État pouvant aller jusqu’à 100 %.

À M. de Mazières, qui nous demandait à l’instant pourquoi nous manions seulement le bâton, je répondrai que la situation actuelle nous l’impose. Vous me permettrez d’évoquer la figure de Louis Besson, qui se trouvait ici même, il y a plus de dix ans, pour faire avancer les choses selon la même logique.

Nous avons besoin de cette mobilisation. Nous avons besoin que tout le monde soit sur le pont aujourd’hui, l’État aussi bien que les établissements publics, pour avancer et définir les terrains qui permettront de construire du logement. Il ne s’agit pas de construire uniquement du logement social, mais il faut construire aussi du logement social. C’est pourquoi je me félicite, madame la ministre, que vous ayez proposé, à la suite des débats que nous avons eus dans cet hémicycle, la création d’une commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier, qui pourra évaluer le degré d’engagement des uns et des autres.

Je me félicite également qu’avec le soutien d’une partie de l’opposition – je songe notamment à Michel Piron et Benoist Apparu – nous ayons pu faire en sorte que la mobilisation des terrains publics puisse se faire aussi par l’intermédiaire de baux emphytéotiques. De la même manière, je me réjouis que la possibilité nous soit désormais donnée de lier construction de logements et construction publique, pour venir enfin en aide aux maires bâtisseurs, à ceux qui croient à la dynamique porteuse du logement : c’est un point sur lequel le texte initial a été amélioré.

L’enjeu pour nous, sachez-le bien, c’est de faire de la ville, de repenser la ville, et finalement de reconstruire la ville sur la ville. En écoutant notre collègue député-maire de Versailles, je songeais du reste que c’est ce qui a été fait avec les plus beaux monuments de notre pays. Il convient de reconstruire et de penser la ville dans sa globalité, de créer une ville intense, par la multiplicité de ses fonctions, une ville robuste, parce que pensée dans toutes ses dimensions – le domicile, le travail, les loisirs, ou encore l’éducation – ; une ville robuste qui résiste à la ghettoïsation par le haut, que l’actuelle opposition n’a malheureusement pas empêchée, et a parfois même encouragée,…

Mme Annie Genevard. Et vous ?

M. Daniel Goldberg. …une ville épanouissante, car adaptée à la vie quotidienne de ses habitants. C’est tout l’enjeu du débat que nous avons aujourd’hui.

Cent ans après la loi Bonnevay, qui a créé les premiers organismes de logement social, je ne peux qu’approuver les améliorations que le présent texte apporte à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, notamment la décision de porter à 25 % en 2 025 le taux de logement social que devront atteindre toutes les communes de 2 500 habitants en Île-de-France, et de 3 500 habitants sur le reste du territoire. Je suis par ailleurs satisfait que nous disposions enfin, avec l’observatoire statistique du logement, d’un outil qui permettra de mieux connaître la situation et, peut-être aussi, d’apaiser nos débats.

Il a été longuement question hier, lors du débat au Sénat, des établissements publics fonciers : étant porteur d’une modification qui avait été approuvée par notre assemblée, avant d’être repoussée par la CMP, je tiens à vous dire, en paraphrasant les propos de notre collègue et de mon ami Claude Dilain, que si l’article 3 bis A de ce projet de loi n’existe plus, le problème reste entier.

Si l’État veut pouvoir mener une politique efficace, notamment dans la région qui connaît le plus de tensions en matière de logement, de logement social et d’aménagement, il faut qu’il ait des outils dont les compétences ne se recoupent pas. Mme la ministre reviendra sur ce sujet, ainsi qu’elle l’a annoncé.

Construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, c’est une grande ambition : nous y reviendrons dès la loi de finances pour 2013, ainsi qu’au printemps prochain, avec une nouvelle avancée législative. En tout cas, ce qui est clair, c’est qu’en votant cette loi, nous prendrons la question du logement par le bon bout. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Marcel Rogemont. Après le bon bout, voici le mauvais bout !

Mme la présidente. Monsieur Rogemont, seul M. Bompard a la parole.

M. Jacques Bompard. Madame la présidente, madame la ministre, il m’aurait plu, ô combien ! de venir à cette tribune pour adresser de vives félicitations au Gouvernement à propos de l’action qu’il se propose de mener. Ne serait-ce pas, en effet, un moment de bonheur parlementaire, une sorte de grâce républicaine, que de nous accorder, comme cela nous arrive parfois, au-delà de nos différences, sur la poursuite d’un bien commun ?

Hélas, pour être d’accord avec une action, encore faut-il qu’il y ait amorce, embryon, lueur d’action. Or, précisément, sur le dossier du logement, comme sur d’autres, et notamment les emplois d’avenir, en fait d’action, il n’y en a qu’une : celle qui consiste à tenter de faire croire à l’opinion publique qu’on travaille à régler un problème, alors même qu’on ne fait guère plus qu’avant, guère différemment qu’avant, et que rien, ou si peu, ne changera, comme avant.

Prenons un exemple : le Gouvernement a annoncé, dans sa présentation du projet de loi, un objectif de 150 000 logements sociaux par an. Or le gouvernement précédent en construisait 120 000 : le progrès ne porte donc que sur 30 000 logements. Cela justifie-t-il tant de trompettes médiatiques ? Et surtout, qu’en est-il de la nécessaire réhabilitation des logements sociaux existants ? Pour beaucoup d’entre eux, c’est une dramatique nécessité !

S’agissant maintenant de la mobilisation du foncier public en faveur du logement, vous laissez entendre que le Gouvernement va mettre en place un dispositif original et de grande ampleur. Or, il n’en est rien : cette mobilisation existait déjà sous la précédente majorité, et son impact éventuel n’atteindra, au mieux, que 4,5 % de l’objectif annuel de construction de logements. En d’autres termes, 95,5 % de cette construction ne devront rien au foncier public : là encore, beaucoup de bruit, mais très peu d’action.

De l’action, ce gouvernement sait pourtant en demander aux autres, notamment aux collectivités : la seule vraie nouveauté de ce projet de loi consiste d’ailleurs dans l’extension du domaine de coercition, puisque les communes seront désormais dans l’obligation de compter 25 % de logements sociaux, contre 20 % actuellement. Celles qui ne se plieront pas à la loi subiront une amende cinq fois plus élevée qu’aujourd’hui, représentant jusqu’à 10 % de leurs dépenses de fonctionnement. Ce montant est colossal, puisqu’il représente deux fois la marge de manœuvre habituelle des communes.

Si les Français attendent toujours le changement en matière d’emploi et de pouvoir d’achat, en revanche, pour eux comme pour les communes, la trique fiscale, quant à elle, est bien arrivée. Pourquoi tout cela ? Et pour qui ? Parce que la France manque de logements, et notamment de logements sociaux ? C’est ce que l’on nous dit, mais est-ce l’exacte réalité ?

Le Gouvernement cultive jusqu’à l’obsession, dans le texte qu’il nous propose, l’argument selon lequel le vivre ensemble est un besoin, et pas une fois n’apparaît dans ce texte le mot « immigration ». Pourtant, dans un reportage du 5 septembre, France 2 constatait que la majorité des logements sociaux sont aujourd’hui attribués aux ménages gagnant moins de 1 000 euros par mois, et que les familles monoparentales et immigrées y sont surreprésentées. À mots couverts, le texte du Gouvernement confirme ce constat, puisqu’il explique la nécessité de nouveaux logements sociaux par une hausse démographique, laquelle ne provient que de l’immigration familiale.

M. Marcel Rogemont. Ces propos sont scandaleux !

Mme Annick Lepetit. Il vaut mieux ne pas réagir à la provocation !

M. Jacques Bompard. Surtout, dans sa vision angélique du vivre ensemble, le Gouvernement ignore la réalité de la ghettoïsation des logements sociaux : des Français intégrés contraints de partir à la suite de pressions communautaristes, l’apparition de zones de non-droit.

La fiction du besoin de vivre ensemble s’efface devant le fait communautariste. La mixité n’en finit plus de reculer et elle a complètement disparu dans de nombreux quartiers. Si le Gouvernement voulait encourager la mixité dans les banlieues de l’immigration, il devrait non seulement faire en sorte que les Français restent dans ces quartiers, mais également et surtout les faire revenir. En voulant augmenter et répartir le vivre ensemble, vous allez, mesdames et messieurs, favoriser les conditions de création de nouveaux ghettos, faire croître le communautarisme, et contraindre au départ les Français qui vivent dans ces territoires, ou à côté d’eux.

M. François Pupponi. Il n’y a qu’à naturaliser tous ces étrangers : ils seront Français !

M. Jacques Bompard. En répartissant ce que vous appelez le vivre ensemble, vous pensez en diluer les conséquences, mais vous allez en fait contribuer à les aggraver. La vérité que vous refusez de voir, c’est que la France n’a pas besoin d’avoir plus de logements sociaux. Elle a besoin de moins de pauvres ; elle a besoin de moins en importer, comme elle a besoin d’en finir avec la mondialisation, qui exporte nos emplois.

Voilà, brièvement exposées, les raisons pour lesquelles je ne voterai pas une loi de faux-semblant, une loi de communication, une loi d’aveuglement, une loi sans envergure, qui va à l’encontre du problème qu’elle est censée régler. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Un peu de calme, s’il vous plaît.

La discussion générale est close.

Explications de vote

Mme la présidente. J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Henri Plagnol, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ah !

M. Marcel Rogemont. Il en redemande !

M. Henri Plagnol. Au cours de ce débat, madame la ministre, chers collègues, il y a eu d’incontestables avancées. J’en citerai deux, que d’autres ont soulignées avant moi : la possibilité de recourir à des baux emphytéotiques pour la mise à disposition des terrains de l’État et, à l’initiative de Jean-Christophe Fromantin, la définition d’un indice de potentiel foncier, que vous vous êtes engagée, madame la ministre, à définir par voie de circulaire.

Cependant, au-delà de ces avancées, certes utiles, mais relatives, les défauts fondamentaux d’un projet bâclé demeurent.

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

M. Henri Plagnol. Parmi eux, et le ministre chargé des relations avec le Parlement a tenu à s’en expliquer il y a quelques instants, il y a les conditions dans lesquelles le projet a été déposé au Sénat. Alors même qu’il s’agit de l’un des textes emblématiques de la nouvelle majorité, ce n’est pas le projet examiné en commission qui a été débattu, mais le projet tel qu’il a été déposé en conseil des ministres.

Il y a beaucoup plus grave encore : hier, au cours de la commission mixte paritaire, pour tordre le bras à des sénateurs de gauche qui n’étaient pas d’accord avec certaines dispositions, le Premier ministre aurait été jusqu’à prendre l’engagement de revenir sur ces questions lors d’un débat postérieur. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alexis Bachelay. Il ne faut pas croire tout ce qui est écrit dans la presse ! Ce n’est pas le Journal officiel !

M. Guy Geoffroy. Apportez un démenti !

Mme la présidente. Je vous prie d’écouter l’orateur !

M. Henri Plagnol. Et je n’ai pas eu de réponse à ma question. Sur le fond, ce projet est entaché de contradictions majeures : par conséquent, il n’a aucune chance de produire des logements en grand nombre. La première contradiction de ce texte réside dans le fait qu’il s’agit d’un projet d’essence jacobine, dans lequel l’État demande à toutes les communes de réaliser 25 % de logements sociaux, alors même, et c’était le point de départ du projet, que certaines d’entre elles n’ont même pas réussi à atteindre la barre des 20 %. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Plagnol.

Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

M. Henri Plagnol. C’est une première contradiction, de la part d’un gouvernement qui se veut décentralisateur. Je finirai en exposant la deuxième contradiction : ce n’est certainement pas en employant des moyens aussi coercitifs, en multipliant par cinq le montant des amendes et en opérant des prélèvements pouvant aller jusqu’à 10 % de leur budget de fonctionnement…

M. François Pupponi. Et ce n’est qu’un début !

M. Henri Plagnol. …que vous parviendrez à convaincre les collectivités locales et les maires de faire leur part du chemin ! Ce n’est pas en dessaisissant les maires de leurs compétences fondamentales en matière d’urbanisme que vous atteindrez votre but, mais en respectant les collectivités locales, et en mettant en œuvre des dispositifs incitatifs, respectueux de la démocratie…

M. Marcel Rogemont. Parce que nous ne respectons pas la démocratie ? C’est extraordinaire !

M. Henri Plagnol. …puisque, je vous le rappelle, mes chers collègues, tous les maires sont élus au suffrage universel.

Voilà les raisons pour lesquelles le groupe UDI votera résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Lepetit, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Annick Lepetit. Tout a été dit, mais après l’intervention de M. Plagnol, je voulais confirmer que le groupe SRC votera évidemment ce projet de loi de mobilisation du foncier. J’utilise l’adverbe évidemment car il y a pour nous une certaine cohérence et une grande satisfaction à voir enfin inscrites dans une loi des idées que nous défendons sur ces bancs depuis des années. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(Le projet de loi est adopté.)

5

Régulation économique outre-mer

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer (nos 233, 245, 243).

Hier soir, l’Assemblée a fini d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Madame la présidente, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames et messieurs les députés, la discussion générale a été très riche et témoigne du grand intérêt que la représentation nationale porte aux outre-mer, à la problématique de la vie chère dans ces territoires, et au-delà, aux questions parfois très pointues de régulation économique et de droit de la concurrence.

Je tiens donc d’abord à saluer l’ensemble des orateurs pour leurs interventions remarquables de qualité et de pertinence et pour l’atmosphère constructive qu’ils ont contribué à installer avant que nous entrions tout à fait dans le vif de nos débats. J’adresse en particulier des remerciements à M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, pour son soutien et son implication.

Ce texte, dont j’ai dit qu’il est le résultat d’une intelligence collective en mouvement, poursuit sa route et s’apprête à connaître de nouvelles améliorations.

Le Gouvernement en est forcément satisfait car ce que nous recherchons, c’est précisément à promulguer une loi qui soit la plus efficace, la plus opérationnelle possible et, surtout, la plus adaptée aux réalités qui existent sur chaque territoire. Nombre de ces réalités sont partagées, on l’a vu, mais le pluriel des outre-mer est bien là pour rappeler que chaque territoire a ses spécificités et son identité propre.

Madame la rapporteure, je veux d’abord vous remercier pour vos mots de soutien. Vous avez utilement rappelé, en les détaillant, les chiffres qui disent la souffrance des populations des outre-mer. Vous avez aussi rappelé que cette souffrance a régulièrement produit des troubles, en 2009, en 2010, en 2011, et il y a encore quelques mois, chez vous, à La Réunion. Ces troubles, aucun gouvernement ne peut souhaiter les voir se reproduire. Vous avez enfin rappelé, et c’est tout à fait juste, que tous les acteurs économiques, ménages comme entreprises, pâtissent des prix élevés.

Je veux vous dire que j’accueille très favorablement votre proposition de renforcer les moyens et les pouvoirs des observatoires des prix et des revenus, qui doivent devenir, comme dans l’hexagone, des observatoires des prix, des revenus et des marges. Le Gouvernement soutiendra cette proposition.

Le Gouvernement partage tout à fait votre préoccupation quant à la jeunesse des outre-mer et vous avez parfaitement compris que cette loi est un levier pour une ambition plus large qui vise à remettre les outre-mer sur les bons rails : ceux du développement solidaire créateur d’emplois et d’avenir pour nos concitoyens.

Plus que des promesses, ce sont des engagements qu’a pris le chef de l’État envers les outre-mer. Et mandat m’a été donné pour les mettre en œuvre. Tous.

Hier, vous disiez que courageux ne veut pas dire dogmatique. Le Gouvernement y souscrit et en a même fait son crédo.

Monsieur le rapporteur pour avis, comme vous l’avez fort justement souligné, le projet de loi vise à restaurer le libre jeu de la concurrence et à consolider la législation applicable dans les outre-mer. Je note l’attention que vous portez à la question migratoire à Mayotte, ainsi qu’à l’accès au statut de région ultrapériphérique de l’Union européenne. Je puis vous garantir que le Gouvernement entend prendre les mesures qui s’imposent.

Monsieur Jean-Claude Fruteau, je veux d’abord saluer votre première intervention en séance en tant que président de la toute nouvelle délégation aux outre-mer. Votre instance aura, M. le président, un rôle majeur à jouer durant cette législature, car le Gouvernement a bien l’intention d’agir dans de nombreux domaines en faveur des outre-mer, aussi bien dans des textes qui leur seront spécifiquement consacrés que dans des textes nationaux qui auront leur volet outre-mer.

Vous avez souligné la célérité avec laquelle le Gouvernement s’est attelé à la tâche. C’est vrai que c’est une rupture. Et vous l’avez bien compris, ce n’est pas un point d’aboutissement mais bien le point de départ d’une lutte acharnée, sans relâche, contre la vie chère.

J’ai écouté les préoccupations et les neuf recommandations que vous avez soumises sur les produits de première nécessité, les facilités essentielles, l’information des consommateurs, les coûts de l’itinérance téléphonique, les problèmes d’électricité à Wallis, les tarifs bancaires, la connaissance des prix et le transport aérien. Sachez, monsieur le président, que j’en ferai bon usage. Ce texte préfigure d’autres textes, notamment en termes de développement économique et de fiscalité rénovée.

Monsieur Serge Letchimy, merci pour vos compliments sur la méthode qui, je vous l’avoue, m’ont beaucoup touché. Merci également de votre implication personnelle dans l’élaboration de ce texte. Je profite de cette réponse à votre intervention pour remercier les élus locaux des outre-mer d’avoir joué le jeu de la concertation, malgré les délais contraints. Ils ont, dans leur quasi-totalité, compris l’urgence qu’il y avait à agir.

Oui, je veux vous rassurer : les dispositifs qui figurent dans ce projet de loi seront bien mis en œuvre, et le plus vite possible. J’ai comme vous le souci de ne pas décevoir l’espérance que nous avons soulevée. Cela supposera un travail important pour rédiger les décrets, organiser les négociations autour du bouclier qualité-prix, mais nous nous y préparons d’ores et déjà, et nous travaillons à réveiller la société civile.

Je partage en très grande partie les préoccupations que vous avez exprimées, notamment quant à la production locale. Mais, j’ai eu à le dire, si j’ai le souci de défendre notre production locale, celle-ci doit aussi être en mesure de jouer le jeu de la vérité et de la transparence sur les prix. Nous devrons nous y employer, avec patience, avec bienveillance, mais également avec fermeté.

Oui, il faudra bien s’intéresser au fret aérien et maritime, et à son poids sur la formation des prix. Je confirme que nous avons entamé une évaluation du dispositif de l’octroi de mer, non pas pour le faire disparaître, mais pour le rendre plus efficace tout en défendant le pouvoir d’achat et les ressources des collectivités locales. Je soumettrai avant la fin de l’année les premières grandes orientations aux parlementaires, aux présidents des conseils régionaux et généraux et aux maires.

Je répondrai en même temps à M. Didier Quentin et à notre présidente, Catherine Vautrin, qui se sont exprimés pour le groupe UMP.

Monsieur Quentin, vous êtes un député de grande expérience qui s’intéresse depuis toujours aux outre-mer. Vous faites votre travail de parlementaire, mais je tiens néanmoins à vous remercier d’être resté jusqu’au terme de la discussion générale hier soir, et d’être à nouveau parmi nous aujourd’hui.

J’aimerais vous rassurer sur ma position vis-à-vis de la LODEOM et des actions qui ont suivi. Elle n’est pas uniformément négative ni polémique. Elle est lucide.

Vous nous disiez que le texte qui nous est soumis n’est ni approprié, ni utile, et qu’il eût d’abord fallu faire un bilan de la LODEOM en mobilisant la toute nouvelle délégation aux outre-mer, présidée par Jean-Claude Fruteau. J’entends cela, mais ce bilan a eu lieu, il a été fait. C’est même l’un des membres de votre groupe qui l’a fait : l’excellent Gaël Yanno, qui ne siège plus au sein de cet hémicycle, accompagné de Jérôme Cahuzac. Ce rapport dépassait les clivages partisans et avait été adopté par la commission des finances. Ses conclusions étaient fort négatives pour les zones franches d’activité, pour les groupes d’intervention régionaux, pour les observatoires des prix et des revenus. Ce n’est d’ailleurs pas la LODEOM qui a créé les observatoires des prix et des revenus, c’est la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000, sous le gouvernement de M. Jospin.

Nous pouvons débattre de tous ces points. Suite à la réforme fiscale, les zones franches d’activité ont perdu, si ce n’est de leur pertinence, du moins de leur efficacité fiscale et économique. Lorsque la taxe professionnelle a été remplacée par d’autres dispositifs fiscaux, les ZFA ont perdu de leur intérêt. Mais nous ne rejetons pas tout en bloc, tout n’était pas négatif.

Je vous rejoins sur la nécessité de maintenir les outils de défiscalisation, bien qu’ils aient été un peu affaiblis par la LODEOM, y compris les exonérations de charges patronales de sécurité sociale. Des économies de 180 millions d’euros ont été faites au nom d’une certaine conception du lissage. J’espère que votre groupe aura la même position quand ces sujets seront évoqués lors de l’examen du projet de loi de finances.

Vous avez aussi évoqué la mise en place d’une économie sur-administrée. Permettez-moi de récuser cela. Pour voir plus de concurrence, il faut bien se donner des dispositifs de constat, de contrôle et de sanctions. Est-ce un surcroît d’administration de l’économie ? À suivre cette position, il n’y aurait pas de droit de la concurrence.

Vous avez évoqué le caractère cosmétique, ou d’affichage, du projet de loi que je vous présente. C’est un peu contradictoire : comment peut-on déclarer que cette loi est lourde, bureaucratique et nous engage vers une économie sur-administrée, et dans le même temps affirmer qu’elle est cosmétique, d’affichage, et n’apporte rien du tout ? Il y a quelque contradiction dans vos propos et votre position. Mais je ne désespère pas de vous convaincre de l’utilité des nouveaux outils, et peut-être du nouveau volet du droit de la concurrence que nous ajoutons aujourd’hui à la panoplie qui existe.

Madame Vautrin, je vous ai écoutée attentivement. Chacun connaît dans cet hémicycle votre expertise en matière de droit de la concurrence et de la consommation. Sur certains points je vous rejoins : oui, écrire l’article 5 a été et reste un travail délicat qui demande beaucoup de précision sur le plan juridique. Il me semble que nous avons obtenu un bon résultat.

Oui, décider si l’on doit viser les prix, les marges, ou les deux, pour être efficace demande de la réflexion et de l’anticipation. Je suis d’accord avec vous sur ce diagnostic, mais je ne vous suis pas sur les solutions et je m’en expliquerai en détail lors de l’examen des amendements que vous avez déposés.

Je soutiens, madame la présidente, que nos concepts sont clairs, stables et intelligibles, et qu’ils ne poseront pas de problèmes d’interprétation aux juridictions ni à l’Autorité de la concurrence.

Mais j’aimerais également vous dire que nous avons déjà engagé le débat sur la notion de prix et de marge élevés en commission. L’emploi du qualificatif « élevés » n’est pas une erreur : les prix et les marges sont élevés en comparaison de la moyenne habituellement constatée dans le secteur. Après réflexion et expertise, nous estimons que cela ne souffre pas non plus de difficulté de compréhension ou d’interprétation. En effet, il s’agit d’un nouveau volet du droit de la concurrence, qui est bien pesé et qui se justifie aujourd’hui. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus en détail à l’occasion des amendements que vous avez déposés.

Vous déploriez une confusion de la part du Gouvernement entre les produits de première nécessité et les produits de consommation courante : cette double formulation vous semble l’indice d’une hésitation, si ce n’est d’une confusion. Les produits de première nécessité sont une formulation issue de la LODEOM dont nous avons hérité. Ni le Gouvernement ni moi-même n’avons donc inventé cette formulation. Nous ne la rejetons pas, mais elle nous semble trop étroite. L’eau, l’électricité, le pain, l’huile, le riz sont sans doute des produits de première nécessité : ils doivent être accessibles à tous à des prix décents. Mais est-ce le seul ou même le principal problème ? Les outre-mer n’ont-ils pas aussi besoin de fruits et légumes, de viande, de café, de produits d’hygiène, de carburants, de pièces automobiles, de téléphone, d’internet ou de services bancaires, qui sont des produits du quotidien de tous les Français, des produits de grande consommation ou de consommation courante ? Alors oui, le Gouvernement vise plus large que les simples produits de première nécessité. Croyez bien qu’il ne s’agit pas d’une confusion, mais d’un choix politique que nous assumons. Nous aurons l’occasion d’approfondir ce sujet.

J’évoquerai par ailleurs quelques concepts que vous avez mentionnés, notamment l’intensité de la concurrence, un peu plus tard dans le débat, sinon je serais beaucoup trop long maintenant.

Madame Sonia Lagarde, monsieur Philippe Gomes, de Nouvelle-Calédonie, je vous remercie pour le soutien que vous avez bien voulu apporter au nom du groupe UDI au texte du Gouvernement, et pour votre appel au consensus. Telle est notre méthode : respecter les parlementaires au-delà de leur appartenance partisane et travailler avec toutes celles et tous ceux qui l’acceptent. Nous appartenons bien entendu à une majorité, mais nous ne voulons pas être fermés et tyranniques.

M. Didier Quentin. Dont acte !

M. Victorin Lurel, ministre. Nous restons ouverts.

Ce soutien et les mots forts que vous avez employés ont été à mes yeux justes et importants. Nos concitoyens ultramarins sont captifs de situations figées héritées du passé. Malheureusement, comme vous l’avez rappelé, la fracture sociale s’est aggravée outre-mer ces dernières années. Je salue le travail intelligent et efficace que nous avons pu mener avec les députés de votre groupe pour améliorer la loi et apporter très concrètement des solutions aux problèmes rencontrés par les Néo-Calédoniens.

L’exemple de l’indice big mac est édifiant, car il offre – et c’est rare – une comparaison parfaite et objective du pouvoir d’achat dans l’hexagone et dans les outre-mer. Cet indice est un parfait substitut de la méthode de la parité des pouvoirs d’achat, que connaissent très bien les économistes. Il est plus éclairant et plus parlant.

Je concède que les nouveaux outils ne doivent pas amener nécessairement à rejeter les anciens. Je viens de le dire : toute la LODEOM n’est pas à jeter, mais les mesures alors présentées comme les plus emblématiques, tel l’article 1er, n’ont jamais été appliquées. Pourtant, la précédente majorité n’a pas manqué de temps pour le faire. Si elles n’ont jamais été appliquées, c’est qu’elles étaient précisément inapplicables et qu’il n’y avait pas de volonté politique pour changer les choses.

En disant cela, je ne veux pas agresser Didier Quentin et ses amis. Pensez un instant : face à des mouvements sociaux d’une ampleur exceptionnelle dans tous les territoires, sur de longues années, avec un raptus en 2009, le Gouvernement rédige un texte sous le coup de l’urgence et, à la demande de M. Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, décide qu’un décret en Conseil d’État pourra réglementer le prix de produits ou de familles de produits en cas de difficulté d’approvisionnement. Très bien : tout le monde attendait cela ! Cependant, les bureaux sont passés par là et ont écrit : « En application du deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce… ». Cette disposition est alors devenue inapplicable, parce que les conditions citées, cumulatives, ne sont jamais réunies.

Face à des mouvements sociaux d’une grande ampleur, il a été impossible d’appliquer un texte qui était pourtant d’ordre public, d’urgence mobilisatrice. L’État n’a rien fait au-delà du SIOM, qui relevait du contractuel, de la négociation, du politique, du symbolique, de l’émotionnel, mais n’a jamais été appliqué. Aucun autre article de l’arsenal du droit de la concurrence n’a jamais été appliqué. Face à des émeutes ou, comme certains l’ont dit, à des grèves générales, insurrectionnelles, l’État est resté l’arme au pied, inerte. Nous ne voulons plus de cela : l’État doit revenir. Sans sombrer dans l’économie suradministrée, nous devons réarmer l’État et le doter de moyens pour agir vite, bien et efficacement. Voilà l’objet et la philosophie de ce texte. C’est peut-être aussi notre faiblesse à vos yeux, mais nous voulons travailler.

Le Gouvernement a tenu à ne pas ignorer nos compatriotes du Pacifique. Plusieurs dispositions permettront l’intervention des prochains transferts de compétences dans les meilleures conditions. Je pense aussi aux dispositions qui renforceront les droits des personnes de statut civil coutumier dans les procédures pénales. Sur ce sujet, M. Gomes et M. Nidoïsh Naisseline m’avaient alerté.

Nous serons attentifs aux suites données localement au rapport de l’Autorité de la concurrence. Je vous confirme de nouveau la bienveillance et la disponibilité de l’État pour travailler avec vous et avec le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, notamment pour la création d’une autorité de la concurrence locale, après avoir modifié la loi organique et avoir soumis ces dispositions au comité des signataires.

Monsieur François-Michel Lambert, je tiens sincèrement à vous remercier chaleureusement pour l’accompagnement du groupe écologiste tout au long du parcours parlementaire de ce projet de loi. Oui, il était capital d’assurer le retour de l’État outre-mer. Vous avez raison : les outre-mer ont été trop souvent abandonnés aux oligopoles et aux cartels.

J’adhère pleinement au concept de développement soutenable que vous mettez en avant. Je tiens à vous rassurer au sujet de l’article 8 : il ne s’agit pas de construire à tout prix, mais bien de viser l’efficacité et de privilégier les investissements dans le développement social et le développement durable. Le traitement des déchets en Guyane en fait partie.

Vous proposez de consacrer dans la loi l’existence des observatoires des prix et des revenus. Je tiens à vous préciser que cela a déjà été fait en 2000 : il faut le mettre à l’actif du gouvernement de Lionel Jospin. L’initiative de la commission, que je salue, est de faire de ces observatoires le comité de suivi local que le groupe écologiste appelait de ses vœux. J’ajoute : il convient de réactiver la Commission nationale d’évaluation des politiques publiques outre-mer. Cela figure dans la LODEOM : vous voyez que nous ne récusons pas ce qui est bon !

Vous le disiez : il y a aussi dans nos régions et dans nos territoires des pratiques prohibées, des marges arrière qu’il faudra combattre. Un amendement est proposé par l’un des vôtres : le Gouvernement l’examinera avec bienveillance.

Madame Annick Girardin, je vous remercie pour votre soutien et pour celui du groupe RRDP. Je suis très sensible à la situation particulière de Saint-Pierre-et-Miquelon, et j’ai décidé de m’y rendre en février, lorsque la température est de -30°C. Je montrerai ainsi que je veux participer au vécu de nos compatriotes ! (Sourires.)

Vous contribuez beaucoup à nous faire mieux comprendre – en tout cas pour ce qui me concerne – les spécificités de votre territoire. Nous avons engagé ensemble un travail sur la plupart des sujets que vous avez soulevés dans votre intervention. Ce travail a d’ores et déjà porté ses fruits pour les aides au logement et pour l’action sociale à destination des familles. Comme vous l’avez dit, nous nous inscrivons dans la durée et nous agirons très vite en faveur des Saint-Pierrais et des Miquelonais.

Nous reviendrons plus tard sur le nouveau mode de calcul du PIB, les primes aux cuves, le fret et l’aide aux intrants.

Madame Huguette Bello, je suis d’accord avec vous : la vie chère n’est pas une fatalité. Notre démarche l’illustre : la régulation est possible même si ces économies font face à des difficultés particulières liées à l’éloignement et à l’insularité, mais qui ne suffisent pas à justifier le maintien de monopoles et d’oligopoles. Au-delà de la loi, nous travaillons d’ores et déjà à dessiner les contours d’une nouvelle politique de grand voisinage que vous appelez de vos vœux, et qui est incontestablement une voie à explorer pour le développement des outre-mer. Nous avons déjà engagé une réflexion sur leur développement agricole, sur leur fiscalité, sur leur ouverture au voisinage, sur la contractualisation en matière de logement et de développement économique – les fameux contrats territoriaux de développement. Tout cela est engagé.

Madame Chantal Berthelot, vous avez souligné les réponses concrètes apportées par le projet de loi et les règles d’équité qui en constituent la base. Je vous remercie pour les qualificatifs employés. Vous avez évoqué une écriture « pertinente et équilibrée » : cela nous touche. Vous vous inquiétez à juste raison de l’insécurité sociale et économique qui prévaut dans les outre-mer. Le Gouvernement ose proposer avec ce projet de loi des réponses courageuses face aux prix excessifs et aux marges abusives. Je retiens vos propositions sur l’observatoire des prix et des revenus, sur la nécessité de renforcer l’information des consommateurs, de protéger notre production locale, et de débusquer les marges arrière.

Monsieur Daniel Gibbes, je vous remercie d’avoir confirmé que ce projet de loi fait consensus sur ces bancs, et d’avoir reconnu qu’il était nécessaire d’améliorer certains dispositifs de la LODEOM, que je ne pare pas de tous les défauts. J’ai bien entendu vos regrets quant à la méthode, mais il m’a fallu allier la concertation et l’action immédiate. Je vous rappelle que le projet de loi a été mis en ligne dès les premiers jours du mois d’août : j’ai travaillé à livre ouvert en ayant très clairement annoncé dès ma prise de fonction en mai que ce texte était prioritaire. Je ne crois pas avoir exagéré, ni négligé les élus locaux et les parlementaires. Nous avons fait pour le mieux dans un court laps de temps.

Vous l’avez rappelé fort justement : je connais bien votre circonscription et les spécificités de ce marché où cohabitent deux législations nationales différentes et difficiles à harmoniser, même si elles sont européennes. Pour autant, le Gouvernement ne pouvait pas exclure Saint-Martin et Saint-Barthélemy de mesures qui doivent concourir à l’amélioration du pouvoir d’achat, d’autant que l’autonomie de Saint-Martin n’est pas forcément la même que celle de Saint-Barthélemy. Vous êtes pour une part essentielle de votre législation dans le droit commun, et ce texte s’applique bien entendu à Saint-Martin.

J’ai beaucoup de mal à entendre et à comprendre les raisons que vous avez évoquées, qui feraient fuir les entreprises de la partie française de l’île de Saint-Martin. Il me semble qu’inviter des entreprises pour discuter d’un bouclier qualité-prix et faire baisser les prix ne devrait pas être de nature à les faire fuir. Vérifier dans quelles conditions fonctionne le marché à Saint-Martin n’est pas de nature à effrayer les consommateurs.

Qu’il faille un autre texte, plus adapté, plus spécifique au développement de Saint-Martin, pour tenir compte de sa « bi-nationalité » comme vous le disiez, sur deux zones monétaires différentes où se pose le problème de la parité entre l’euro et le dollar, je le conçois. Si vous me faites des propositions et si la collectivité veut bien nous en faire part, je resterai ouvert.

Monsieur Thierry Robert, vous avez rappelé la situation économique et sociale, ainsi que le coût de la vie à La Réunion, que nous connaissons tous. Le Gouvernement en est parfaitement conscient et a donné des instructions claires au nouveau préfet afin que les priorités de la politique nationale soient déclinées localement avec célérité, en liaison étroite et en bonne intelligence avec les élus locaux.

Vous voulez voir réglementer les prix des billets d’avion, des tarifs bancaires, des tarifs des télécoms. Sur tous ces sujets, des amendements ont été préparés par vos collègues et le Gouvernement. Certains seront, je l’espère, votés par votre assemblée.

Monsieur Bruno Nestor Azerot, merci pour votre constant soutien et votre détermination. Vous posez la question du mode de développement de nos territoires. C’est une question essentielle que cette loi n’épuise pas, tout comme elle n’épuise évidemment pas la question du logement, de l’emploi des jeunes, des personnes âgées, des hôpitaux, autant de sujets que vous avez évoqués. Cependant, certains ont déjà été traités, et les textes votés s’appliquent dans nos régions.

Le Gouvernement est engagé dans un travail de longue haleine qui vise à promouvoir outre-mer un développement solidaire. Cela nous amènera à proposer, comme nous avons déjà commencé de le faire, des politiques publiques dans chaque domaine d’action de l’État. À cet égard, je suis heureux de pouvoir vous compter parmi les forces de proposition, qui nous aideront, je l’espère, tout au long de cette législature.

Monsieur Ary Chalus, merci d’abonder le constat unanime sur la vie chère et la nécessité pour les pouvoirs publics d’agir résolument pour changer les choses. J’ai apprécié votre formule « agir vite, mais agir durable ». Nous pourrions en faire notre slogan.

Vous avez mis en exergue le pouvoir élargi de saisine de l’Autorité de la concurrence confié aux collectivités locales, singulièrement aux régions aux côtés des organisations de consommateurs. Telle est l’articulation recherchée : pallier, quand il le faudra, l’inertie ou la défaillance. Il faut réveiller la société civile, ai-je dit. Les consommateurs et leurs organisations doivent se mêler de ce qui les regarde. Les élus pourront peut-être les aider.

Vous avez également évoqué un renforcement du pouvoir des consommateurs. Oui, nous voulons instituer un contre-pouvoir des consommateurs, telle une vigie démocratique dans le domaine de la consommation. La société civile est un contre-pouvoir qui doit jouer un rôle salutaire d’aiguillon. La rédaction de l’article 5 est suffisamment claire pour emporter l’adhésion. Nous en parlerons ultérieurement.

Monsieur Gabriel Serville, le projet de loi traduit très concrètement les engagements du chef de l’État et ne doit pas être un rendez-vous manqué. Nous avons, je viens de le dire à Daniel Gibbes, écouté et, autant qu’il est possible, associé en amont l’ensemble des députés dans la préparation de ce texte, et nous continuons à les écouter. Nous sommes d’accord sur l’essentiel, et en tout état de cause sur les intentions. En revanche, je ne crois pas que l’Autorité de la concurrence soit lointaine des outre-mer. Le dernier avis sur la Nouvelle Calédonie rendu le 2 octobre ainsi que d’autres travaux antérieurs sur les outre-mer ont à chaque fois démontré leur justesse et leur pertinence.

Vous avez effectué un important travail d’amendement, que je salue et qui nourrira nos débats. Je me permets de vous dire, et j’espère que je ne vous blesse pas, qu’il ne paraît pas toujours judicieux de mélanger le droit des contrats, le droit des obligations et le droit de la concurrence. Mais nous y reviendrons.

Vous avez émis ce qui était presque un regret, en disant qu’il n’était pas possible de donner des suites civiles, notamment en cas d’infraction. Dans le droit de la concurrence, il y a trois types de sanctions et des textes conséquents sur les sanctions administratives, pénales et civiles. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Monsieur Jean-Jacques Vlody, j’ai entendu l’urgence de la situation et la nécessité d’y remédier. Les conditions d’une saine concurrence, vous l’avez rappelé, ne sont pas réunies dans votre département, comme dans d’autres, partout dans les outre-mer. La souffrance de la population face à la réalité économique a été aggravée par la crise. Je retiens votre demande de poursuivre dans les années à venir la voie des réformes et je sais pouvoir compter sur votre soutien vigilant. Quant au développement agricole, j’ai déjà répondu. Il y aura un texte, porté par Stéphane Le Foll, qui comportera un volet agricole consacré aux outre-mer.

S’agissant des niches fiscales, vous aurez à faire votre travail de parlementaire très bientôt, puisque la loi de finances initiale viendra en discussion prochainement. Il vous faudra être présent en commission. Votre serviteur a quant à lui fait son travail de ministre.

Chère Gabrielle Louis-Carabin, vous savez combien j’aime votre franc-parler, qui vous fait vous exprimer avec cœur et responsabilité. Je partage très largement les préoccupations que vous avez formulées sur les registres du commerce et des sociétés, sur les délais de paiement, sur l’approvisionnement dans les pays voisins des outre-mer et, plus largement, sur l’évaluation régulière des dispositifs que nous examinons et que nous souhaitons créer par cette loi. Sur l’urbanisme commercial, le Gouvernement examinera avec bienveillance les amendements que vous avez déposés.

Je répondrai conjointement à Pascale Got, Marie-Lou Marcel, à François Pupponi, à Frédérique Massat et Audrey Linkenheld pour les remercier chaleureusement pour leur soutien et leur présence qui illustrent l’intérêt de la représentation nationale pour les débats sur les outre-mer. Cher François Pupponi, je salue votre attachement au sixième DOM, celui des compatriotes qui vivent sur le territoire de l’hexagone, et l’attention que vous accordez à nos thématiques.

Vous, députés élus dans l’hexagone, n’avez pas tardé à comprendre les mécanismes et les enjeux de la vie chère dans les territoires d’outre-mer. Vous avez compris combien ces territoires souffrent de certains clichés, véhiculés parfois dans les médias et jusque dans cette enceinte. Le ministre des outre-mer que je suis ne peut que se réjouir de pouvoir compter parmi les députés des parlementaires soucieux de défendre les outre-mer en contribuant à les faire mieux connaître et mieux comprendre.

En matière de lutte contre la vie chère, nous partageons avec le groupe SRC la conviction du nécessaire recours à la régulation. Et cela va jusqu'à agir de manière volontariste dans le domaine du logement, qui est aussi une priorité.

Je remercie enfin Pascale Got pour son amendement de précision sur la défense de l'intérêt des consommateurs, sur le partage équitable du profit en faveur des consommateurs. Je remercie Frédérique Massat d’avoir découvert le nouveau concept de « profitation » et d’avoir dit que les outre-mer ne doivent pas être considérés comme un centre de coûts, pour ne pas dire de déficits. J’avais très rarement entendu cela. Oui, Audrey Linkenheld, il faudra bien réguler les marchés fonciers et immobiliers.

Monsieur Jean-Philippe Nilor, je mesure comme vous combien l'espérance de nos concitoyens nous oblige aujourd'hui. Et je tiens à vous dire que l'État, sous l'autorité de François Hollande, ne sera jamais du côté des profiteurs.

Merci de reconnaître dans la démarche du Gouvernement une volonté et, mieux, une action de rupture avec les politiques qui ont été menées ces dernières années.

J'ai été sensible à vos mots sur la défense de la production locale et du petit commerce de proximité, que d'autres députés ont également évoquée. Il faut savoir où placer le curseur, ce qui n’est pas toujours évident. J'y souscris très largement en vous rappelant que je ne perds pas de vue l'objectif qui est le nôtre de favoriser la création de plateformes locales d'achats mutualisés pour le petit commerce. On peut le faire sans loi, certains ont d’ailleurs déjà commencé. J’ai bien compris que vous avez dénoncé l’hyperconcentration verticale et horizontale. À cet égard, cette loi pouvait être une bonne boîte à outils que vous avez tous contribué à enrichir. Nous saurons mériter votre confiance.

Monsieur le député de Wallis et Futuna, David Vergé, vous avez parlé de bilan et vous avez raison. L'esprit constructif qui anime nos discussions ne doit tout de même pas nous faire oublier l'essentiel : il y a urgence car pas grand-chose, hélas, n'a été fait.

L'exemple que vous avez mentionné est effectivement frappant et nous oblige : je me suis ouvert hier du prix de l'électricité à Wallis et Futuna au président de la commission, François Brottes : 13 500 personnes, des Français, 3 200 compteurs, et un prix six fois plus élevé que ceux pratiqués dans l’hexagone. Je veux bien qu’il relève d’un statut de 1961 organisé par le général de Gaulle, mais ce sont des Français comme les autres. Il y a une difficulté juridique à trouver le bon dispositif pour tenter d’améliorer les choses, mais je comprends l’impatience des élus. J’ai reçu une délégation très digne, qui a posé le problème en reconnaissant que leur statut les empêche de bénéficier de la péréquation nationale et que l’ordonnance, qui a été étendue à Mayotte pour le service public de l’électricité, ne saurait être en l’état étendue à Wallis et Futuna. Nous devrons, dans le respect des finances publiques, trouver une solution digne, respectable et marquée d’une valeur qui figure en lettres de feu au fronton de nos mairies, l’égalité. Nous nous y attaquerons et j’espère très rapidement trouver une solution.

Monsieur Boinali Said, de Mayotte, j'ai entendu vos regrets quant à une insuffisante concertation avec les associations de consommateurs.

Je vous redis que le Gouvernement a conduit la concertation la plus large possible eu égard aux délais contraints qui étaient les nôtres. Et je sais que vous, probablement mieux que quiconque, savez l'urgence de la situation et l'urgence à agir. Nous avons reçu de nombreuses organisations de consommateurs au niveau national. À cette occasion, il avait été demandé aux préfets d’organiser la concertation. En outre, nous aurons l’occasion de voir tout le monde à la faveur de la Conférence économique et sociale qui devrait débuter bientôt.

Je partage avec vous et avec d'autres parlementaires qui se sont exprimés en ce sens la nécessité de définir avec chaque territoire des stratégies de développement économique local, en cohérence avec l'environnement régional.

Je remercie M. Alfred Marie-Jeanne pour son soutien au texte – du moins à l’intention du texte, et j’espère qu’au-delà de l’intention nous passerons à un soutien réel – et pour les mots qu’il a prononcés. Je comprends, monsieur le député, votre souci de préserver cet impôt qu’est l’octroi de mer, mais je dois apporter quelques précisions. Le texte qui vous est soumis n'est nullement un texte fiscal et ne concerne pas l'octroi de mer. Le Gouvernement s'est d'ailleurs déclaré défavorable à tous les amendements qui voulaient ouvrir ce sujet important. Il existe déjà un rapport important sur le dispositif fiscal de l’octroi de mer. J’espère pouvoir, avant la fin de l’année, vous présenter un texte d’orientation, présentant les grandes orientations sur une possible réforme de l’octroi de mer, à condition que vous le vouliez.

Il faudra aussi une bonne concertation en amont avec les élus, les présidents de région qui en décident, mais aussi avec les maires qui en profitent à travers leur budget. Il n’est pas question de démanteler l’octroi de mer, de l’affaiblir, mais d’en faire une arme qui pourrait tout à la fois défendre le pouvoir d’achat, les recettes des collectivités et la compétitivité des entreprises, à condition toutefois que la baisse de fiscalité et des marges soit répercutée en aval, sur les différents maillons de la chaîne. Certains de vos collègues, je pense à Serge Letchimy, et vous-même avez déposé des amendements sur la répétition de l’indu, mais le vôtre porte spécifiquement sur l’octroi de mer. Je comprends votre préoccupation, et croyez que je la partage tout à fait.

J’ai évidemment entendu le souhait de M. Ibrahim Aboubacar de voir les moyens de l’État renforcés à Mayotte. La départementalisation et la rupéisation conduisent naturellement à un tel renforcement, mais celui-ci devra s’accompagner d’efforts concomitants de la part des collectivités mahoraises. Nous avons déjà contribué au renforcement de l’État à Mayotte depuis l’arrivée de François Hollande aux affaires et la constitution de ce gouvernement, en particulier en matière de vie chère. Ainsi, et j’en suis fier, le Gouvernement a décidé de geler le prix de l’essence à la pompe et de baisser très fortement le prix de la bouteille de gaz. Tenez-vous bien, mesdames, messieurs les députés : c’était 36 euros la bouteille ! Alors qu’à côté, à La Réunion, le prix de la bouteille, certes subventionné, est de 15 à 16 euros. En Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, il est de 22 à 23 euros. Pourtant, le revenu médian est beaucoup plus faible à Mayotte que le revenu médian national. Après discussions avec les deux sociétés concernées, Total et SOMAGAZ – d’origine mauricienne –, nous avons pu faire baisser le prix de 10 euros, soit 26 euros la bouteille de gaz. Ce n’est pas rien et cela prouve que le volontarisme de l’État permet d’obtenir des résultats.

Madame Hélène Vainqueur-Christophe, je vous remercie pour votre soutien. À l’injustice ressentie outre-mer dans plusieurs secteurs économiques s’est ajoutée, pour nos compatriotes ultramarins, l’impression que l’État les abandonnait. Oui, je souhaite résolument me situer dans le cadre d’une action globale à tous les échelons de la formation des prix, en ramenant l’État à sa responsabilité vis-à-vis de nos concitoyens : c’est la feuille de route que le Premier ministre a bien voulu m’assigner, ce sont les engagements pris en lettres de feu par le Président de la République. Je retiens particulièrement votre amendement de bon sens. Vous avez rappelé la faiblesse des moyens dont disposent les directions départementales de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes. Un consommateur averti et informé est une garantie que les prix seront connus et surveillés.

Je veux rassurer Mme Monique Orphé : le Gouvernement ne se résout pas au fatalisme. Par son projet de loi, il a décidé de prendre à bras-le-corps le problème de la vie chère. L’État ne sera plus impuissant, grâce à la boîte à outils dont il se dote. Je note la nécessité de faire vivre la loi, et je puis vous affirmer que l’action ne s’arrête pas à ce projet de loi et que le Gouvernement abordera les difficultés des outre-mer avec tous les instruments à sa disposition.

En tout cas, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de cette discussion générale qui a été de très grande qualité, et par avance pour les améliorations que vous ne manquerez pas d’apporter lors de la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le ministre, je voulais, au nom de la commission, vous remercier à la fois pour l’attention qui a été la vôtre pendant le débat en commission et pour la qualité de vos réponses à l’instant. De mémoire de député, j’ai rarement vu un ministre qui prenait le temps de répondre d’une manière aussi précise à chacun de ceux qui se sont exprimés dans la discussion générale. Aussi, je pense que mes collègues comprendront bien qu’au cours du débat de ce soir, vos réponses soient beaucoup plus concises, puisque vous avez pris le temps de leur apporter dès maintenant les éléments qu’ils attendaient.

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)