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Première séance du mardi 12 février 2013

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Ma question s’adresse au ministre de l’éducation nationale. Monsieur le ministre, avec votre réforme des rythmes scolaires, vous avez réussi à faire l’unanimité contre vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Pourtant, c’était la réforme qu’on ne devait pas rater, puisque c’est la capacité d’apprentissage et la santé de nos enfants qui sont en jeu. C’était la réforme qu’on ne pouvait pas rater, puisque le constat est largement partagé que les journées des écoliers sont trop chargées. Oui, mais voilà : d’un constat partagé vous êtes passé directement à une réforme imposée sans concertation.

Un député du groupe UMP. C’est moche !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Aujourd’hui les enseignants sont dans la rue, et vous leur proposez une prime pour les amadouer. Les parents d’élèves sont désorientés ; ils ne comprennent pas pourquoi, au lieu d’alléger les journées, vous alourdissez la semaine et vous la désorganisez. Mais vous leur répondez : je continue ! Enfin, l’immense majorité des maires, de gauche comme de droite, vous alertent sur les difficultés de mise en œuvre de votre réforme. Mais vous leur dites : débrouillez-vous !

Monsieur le ministre, quand accepterez-vous l’idée qu’on a rarement raison tout seul ? Quand réfrénerez-vous votre penchant immodéré pour l’idéologie, qui n’a rien à faire avec le calendrier scolaire ? Quand enfin retirerez-vous cette réforme, pour laisser le temps à la concertation et à l’étude d’autres solutions, comme celle qui consisterait, par exemple, à raccourcir les vacances d’été ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Madame la députée Nathalie Kosciusko-Morizet, je voudrais tout d’abord que vous montriez plus de considération pour l’ensemble des élus et de ceux qui vont passer, en septembre 2013, à la semaine de quatre jours et demi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je voudrais également que vous ayez un peu plus de considération pour vous-même, puisqu’avec cette réforme nous ne faisons qu’appliquer une de vos préconisations. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Apprenez la modestie !

M. Vincent Peillon, ministre. Après avoir soutenu un gouvernement qui a supprimé quatre-vingt mille emplois dans l’éducation nationale, qui est passé, contre toutes les recommandations, à la semaine de quatre jours et qui a fait disparaître la formation des enseignants, vous vous êtes rendu compte de votre erreur et vous avez préconisé d’en finir avec l’exception française pour revenir à la semaine de quatre jours et demi. C’est ce que nous faisons.

Après des mois de concertation avec l’ensemble des associations d’élus et les syndicats (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), nous entamons une concertation très ouverte sur le terrain, pour choisir entre la pause méridienne et la pause du soir, entre le mercredi et le samedi (Mêmes mouvements), et entre différents types d’activités, ce qui répond aux demandes qui nous ont été adressées.

C’est la première fois qu’on vous entend parler d’école, madame. Vous essayez d’instrumentaliser ce débat pour une raison simple, c’est que vous êtes candidate à la mairie de Paris. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.) Ce mouvement social ne vous sert pas à défendre l’intérêt des enfants, mais votre intérêt personnel ! Ce n’est pas faire honneur au débat démocratique. (Les députés des groupes SRC et écologiste se lèvent et applaudissent. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Zéro !

Stratégie en matière d’emplois
et de politique industrielle

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, la crise que nous traversons, a des noms : Goodyear, Petroplus, PSA, Arcelor Mittal et d’autres encore ; elle a des visages : ceux de ces femmes et de ces hommes qui se lèvent chaque jour en craignant pour leur emploi et en se demandant si leur territoire pourra encore, demain, offrir une vie de travail à leurs enfants.

Cette crise, il ne faut ni la sous-estimer ni abdiquer face à ses manifestations, ses effets, ses conséquences. La précédente majorité avait choisi, au nom d’une conception inefficace et doctrinaire, de ne pas agir face à cette réalité. Elle s’est abandonnée à un laisser-faire coupable, générant une défaillance de l’État face au délitement de notre tissu industriel et productif. L’honneur de la gauche, c’est de ne pas fermer les yeux ; l’honneur de la gauche, c’est de regarder la réalité en face et d’agir concrètement pour changer la donne ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement a fait le choix de réhabiliter l’intervention de la puissance publique dans l’économie. Sur le front de l’emploi, avec les contrats d’avenir, les contrats de génération, le crédit d’impôt pour la croissance et l’emploi et bientôt la sécurisation des parcours professionnels. Sur le front industriel aussi, (« Blablabla ! » sur les bancs du groupe UMP.) avec la Banque publique d’investissement, les mesures du pacte de compétitivité et l’engagement d’une politique audacieuse de redressement productif. Un premier bilan démontre la pertinence de cette action : 330 dossiers industriels traités, 46 000 emplois préservés. Où en serait la France si nous avions continué, comme nos prédécesseurs, à ne rien faire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Dans les prochains jours, nous déposerons une proposition de loi sur la reprise des sites rentables, tout simplement parce qu’un site viable, menacé par des logiques financières absurdes et morbides, déconnectées des réalités industrielles et économiques, ne doit pas fermer.

Alors, monsieur le Premier ministre, face aux inquiétudes de nos concitoyens, confirmez-nous ici les objectifs et le sens de la stratégie pour l’emploi et l’industrie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) que, contrairement au gouvernement précédent, vous avez choisi de mener ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Bruno Le Roux, l’emploi est la priorité du Gouvernement, mais aussi la première inquiétude des Français.

M. Jean-Luc Reitzer. Quelle découverte !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Face au découragement, face à la désespérance, le Gouvernement ne laissera tomber personne ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) L’objectif fixé par le Président de la République est volontariste, ambitieux et courageux : à la fin de l’année 2013, nous aurons inversé la courbe du chômage. Pour cela, nous devons mobiliser, mobiliser, et encore mobiliser ! Car, après dix ans de renoncement à toute politique industrielle ambitieuse, les dégâts sont là.

La reconstruction est donc nécessaire ; elle est engagée et il faut qu’elle réussisse. La majorité a pour cela déjà appuyé le Gouvernement. C’est vous qui avez voté le pacte pour la compétitivité, la croissance et l’emploi : trente-cinq mesures, dont l’une – le crédit d’impôt compétitivité – doit être mise en œuvre le plus rapidement possible avec l’aide de la Banque publique d’investissement. Il y a là un enjeu stratégique, car ce crédit d’impôt va permettre de dégager des marges de manœuvre pour investir, créer des emplois et innover.

Tous, nous devons nous mobiliser pour réussir. Il y a eu la Banque publique d’investissement ; il y aura, dans quelques jours, la réforme bancaire.

Enfin, vous avez également décidé d’adopter des mesures d’urgence sur proposition du Gouvernement. Je pense aux emplois d’avenir, aux contrats de génération ou encore à cette promesse du Président de la République sur laquelle nous travaillons ensemble et qui doit aboutir à une proposition de loi sur la reprise de sites rentables que le Gouvernement soutiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, il y a cet accord entre les partenaires sociaux, que vous aurez à transcrire dans la loi, mesdames et messieurs les députés, après sa présentation en conseil des ministres le 6 mars prochain. C’est une chance pour l’emploi, parce qu’il s’agit, lorsque des entreprises connaissent des difficultés et qu’elles doivent anticiper des mutations, de faire que le licenciement ne soit pas inéluctable, qu’on lui substitue d’autres solutions, comme, entre autres, la formation ou la sécurisation des parcours professionnels.

J’invite le Parlement à se mobiliser sans attendre. La bataille pour le redressement productif, la bataille pour sauver et créer des emplois, c’est votre bataille, c’est notre bataille, c’est la bataille de la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Réforme des rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Thierry Braillard. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, notre assemblée, à partir du 11 mars, discutera de votre projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, et je veux dire combien ce texte nous apparaît opportun et bien fondé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Par ce texte, vous donnez la priorité à l’école primaire pour assurer l’apprentissage des fondamentaux et réduire les inégalités.

Vous réformez la formation des enseignants et des personnels d’éducation et revaloriser ce magnifique métier qui en a bien besoin, car ce n’est pas vous, monsieur Peillon, qui avez supprimé 80 000 emplois en cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous créez un service public de l’enseignement numérique.

Vous introduisez un enseignement moral et civique.

Vous avez également souhaité que les rythmes scolaires soient modifiés dans les écoles maternelles et élémentaires et que la semaine de quatre jours, que la droite avait imposée sans concertation en 2008, redevienne une semaine de quatre jours et demi. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C’est qu’elle a la mémoire courte, la droite, elle ne sait pas ce que c’est que la concertation ! (Même mouvement.)

Là encore, je veux dire combien cette réforme nous apparaît opportune et bien fondée, tant les journées trop longues et chargées sont sources de fatigue et de difficultés scolaires. Votre projet fait passer l’intérêt de l’enfant en premier, grâce à un meilleur équilibre du temps scolaire et périscolaire.

Cependant, il faudra résoudre de nombreux problèmes : problèmes financiers pour les collectivités malgré l’effort du Gouvernement et la création d’un fonds spécifique, problèmes d’organisation des moyens humains et des transports scolaires, problèmes liés à l’établissement d’un nouveau projet éducatif territorial.

En réponse, vous avez publié la semaine dernière un guide pratique de la réforme des rythmes scolaires clair et exhaustif. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Malgré cela, certaines communes, de crainte de n’être pas prêtes pour la rentrée 2013 ont d’ores et déjà décidé de ne mettre en place cette réforme que pour la rentrée 2014.

Monsieur le ministre, l’aide financière consentie aux collectivités pour la rentrée 2013 pourra-t-elle être reconduite en 2014 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste. –Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

Calmez-vous, mes chers collègues, nous y avons tous intérêt.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, je voudrais que tout le monde prenne conscience de la situation de notre pays, au-delà des polémiques politiques.

De plus en plus d’élèves décrochent. De plus en plus d’élèves – 25 % – sont en difficulté au collège. De plus en plus d’élèves issus de milieux modestes voient leurs destins scolaires contrariés. Notre pays se retrouve, sur le plan européen, à la dernière place pour l’apprentissage des langues étrangères. Toutes les études, aussi bien celles menées au niveau européen que par l’OCDE, y compris l’étude PIRLS, montrent le déclin nos élèves quant à la maîtrise de la lecture, à l’aptitude à construire du sens à partir de textes, et jusqu’à la confiance en eux-mêmes.

Or, nous savons bien que la compétitivité de notre pays, son avenir, sera lié à sa capacité à élever le niveau de qualification de notre jeunesse et à lui assurer un avenir.

La jeunesse représente la priorité de tout le Gouvernement, dans le domaine de l’emploi, bien sûr, comme vient de le rappeler le Premier ministre, mais aussi dans celui de l’éducation.

Les analyses sont simples et partagées : il faut tout d’abord accorder la priorité au primaire, ensuite à la formation des enseignants, enfin aux rythmes scolaires, car nous sommes le seul pays au monde à ne pas donner à nos enfants du temps pour apprendre, du temps suffisant en quantité et en qualité.

Nous sommes engagés dans cette réforme. Personne ne nie qu’elle est difficile, car elle suppose de nous tous un effort. Elle en demande un aux enseignants, elle en demande un aux collectivités locales.

M. Jean-Luc Reitzer. Pour ça, oui !

M. Vincent Peillon, ministre. Mais nous devons avoir l’intérêt général et l’intérêt des élèves en ligne de mire. De l’argent a été prévu. Commençons déjà par l’utiliser, nous parlerons de la suite après. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Évasion fiscale

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, à l’heure de la crise des subprimes, on affichait haut et fort au G8, au G20 et dans les sommets européens, l’ambition de s’attaquer à la fraude et aux paradis fiscaux.

L’OCDE devait combattre les pratiques fiscales agressives des multinationales. Résultat : jamais on n’a vu autant de business restructuring pour délocaliser et optimiser leurs profits.

Face à ces réalités, les conventions d’État à État se résument à écoper un océan de spoliation avec une petite cuillère, et l’Europe est aux abonnés absents. Alors qu’elle peine à élaborer son budget de super-austérité à hauteur de 960 milliards d’euros pour sept ans, l’évasion fiscale s’élève chaque année, dans les 28 pays européens, à 1 000 milliards !

Il est insupportable de constater que l’Europe peut supprimer un milliard d’euros d’aide alimentaire, mais n’est pas capable en revanche d’imposer la levée du secret bancaire à l’Autriche et au Luxembourg !

La Suisse continue impunément de voler nos impôts avec la complicité des institutions bancaires, y compris françaises.

La somme de toutes ces évasions fiscales représente 600 milliards qui manquent à la France : 40 à 50 milliards par an !

M. Yann Galut. Très bien !

M. Alain Bocquet. C’est là qu’il faut aller chercher l’argent en priorité, monsieur le Premier ministre, plutôt que dans la poche des honnêtes contribuables.

Quelles mesures fortes la France va-t-elle prendre, et de quels moyens va-t-elle enfin se doter, pour faire reculer cette triche organisée, imposer la transparence et faire avancer l’harmonisation fiscale en Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, votre question fait évidemment écho à des préoccupations que le Gouvernement partage. Il est totalement inadmissible, dans la situation de crise que nous traversons, alors même que les Français, comme les Européens, sont appelés à faire preuve de sérieux budgétaire et à consentir des efforts, que certains, nombreux – vous avez cité des chiffres –, puissent organiser leur évasion fiscale.

Le Gouvernement, depuis son entrée en fonctions, a placé la stratégie de lutte contre la fraude fiscale au cœur de sa politique. Ce fut le cas, dès cet été, lorsque, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, nous avons élaboré un plan national de lutte contre la fraude qui donne en particulier des moyens à l’administration fiscale. Hier, le Premier ministre a annoncé un plan plus vaste encore, qui comporte un volet international important.

Vous pouvez être certain, monsieur le député – mais je sais que cette préoccupation est partagée sur tous les bancs – que nous poursuivrons nos efforts dans plusieurs directions, à commencer par celle de la connaissance. J’ai déjà, avec Jérôme Cahuzac (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), donné de premiers éléments au président de la commission des finances, Gilles Carrez. Je lui ai annoncé qu’il obtiendrait très vite la totalité des réponses, qui nécessitent une collecte d’informations malaisées à obtenir.

Par ailleurs, nous devons restaurer nos bases fiscales qui sont erronées. C’est dans ce contexte que nous allons engager une discussion avec nos partenaires pour revisiter un certain nombre de nos conventions fiscales qui, aujourd’hui, ne donnent pas toutes les garanties de transparence.

Enfin, il faut que cette question soit posée dans le cadre international, celui de l’OCDE, celui du G20 aussi – une réunion du G20 ministériel se tiendra à la fin de cette semaine à Moscou. Soyez certains que nous irons dans ce sens et que nous prêterons une très grande attention aux travaux que le Parlement mène sur ces questions décisives. Je sais que vous y êtes attaché. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et RRDP.)

Budget européen

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lequiller. Monsieur le Premier ministre, le projet de budget européen qui vient d’être arrêté traduit un manque total d’ambition. Alors que l’Europe est en concurrence évidente avec des pays continents comme les États-Unis, la Chine ou l’Inde, pour la première fois de son histoire, ce budget pour les sept prochaines années est en baisse et les projets d’avenir sont sacrifiés.

Le vainqueur de cette décision est, c’est un comble, David Cameron, appuyé par l’Allemagne – le fruit d’un axe nouveau, Londres-Berlin en l’occurrence. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Pourtant, monsieur Cazeneuve, vous aviez affirmé la semaine dernière, dans cet hémicycle : « Nous ne voulons pas une négociation qui se réduise à des coupes et des rabais, nous sommes convaincus que nous parviendrons à un bon accord pour la croissance et pour l’Europe. »

Quelques jours après, c’est le contraire qui s’est passé. Sur cette décision majeure, la France a plié.

Tout cela provient d’une erreur de stratégie : à force de vouloir contourner l’Allemagne en recherchant des alliances avec d’autres partenaires, la France a perdu le soutien d’Angela Merkel. (« Eh oui ! sur les bancs du groupe UMP.)

Énorme erreur qui a valu au Président de la République plusieurs camouflets de la part de cette dernière. Il avait promis aux Français que jamais il ne ratifierait le traité, mais il a plié.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Pierre Lequiller. Vous l’avez ratifié, mes chers collègues, au prétexte d’un pacte de croissance fictif, puisqu’il recycle des fonds structurels déjà existants. Il avait promis les eurobonds. Il a plié et l’on n’en entend plus parler. Et pour ce qui est du budget européen, il essuie une défaite évidente sur la croissance, parce qu’il est isolé.

M. Yves Fromion. Il a capitulé !

M. Pierre Lequiller. Tous les présidents de la République, et notamment Nicolas Sarkozy, avaient privilégié le dialogue franco-allemand pour être à l’initiative et peser sur les décisions européennes.

Quand François Hollande comprendra-t-il que le couple franco-allemand est incontournable ? Quand comprendra-t-il que, sans l’axe Paris-Berlin, il affaiblit et l’Europe, et la France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur Lequiller, je vous remercie de votre question. Je vous sais trop honnête pour ne pas imaginer que vous n’ayez pas eu toutes les informations avant de la poser.

J’ai ici une lettre, que d’ailleurs nous allons publier – ainsi, ce sera transparent – signée de Nicolas Sarkozy, de David Cameron et de l’ensemble des dirigeants européens conservateurs, qui date de novembre 2010 et dans laquelle ils demandaient des coupes massives dans le budget de l’Union européenne. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est quand, le changement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Les mêmes qui soutenaient cette politique et ce président de la République sont ceux qui, aujourd’hui, s’étonnent qu’il ait été procédé à des coupes dans une Union européenne au sein de laquelle les conservateurs sont majoritaires !

Non seulement vous demandiez des coupes, dans cette lettre que nous allons publier, monsieur Lequiller, mais vous demandiez également que les crédits de paiement nécessaires à l’exécution du précédent budget soient soigneusement rabotés. Vous avez atteint votre objectif. En effet, vous aviez arrêté en 2005 un budget avec 942 milliards de dépenses programmées. Et savez-vous combien vous avez réellement dépensé, à force de raboter les crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l’Union ? 855 milliards ! Voilà la réalité de votre bilan ! (Huées sur les bancs du groupe SRC.) Cela devrait vous conduire à poser des questions avec un peu plus de mesure que vous ne l’avez fait.

Nous avons effectivement dû affronter les conservateurs qui ne voulaient pas du budget que nous souhaitions. Nous avons réussi à cantonner, à contenir la volonté qu’ils avaient de faire, partout, des coupes et des rabais pour eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle si l’ensemble des sommes qui sont actées dans le budget de l’Union européenne sont dépensées, ce sont 50 milliards de plus qui seront dépensés par rapport au budget précédent. Cela permettra de financer la politique agricole commune qui est intégralement préservée (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), les régions en transition et le programme européen d’aide aux plus démunis, que vous aviez décidé de supprimer (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP) et enfin de diminuer la contribution française aux rabais britanniques, ce que vous n’avez jamais obtenu. Alors, un peu plus de modestie ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, dont plusieurs membres se lèvent.)

Mariage pour tous

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Bernard Roman. Monsieur le Premier ministre, nous allons voter cet après-midi en faveur du droit au mariage et à l’adoption pour les couples de même sexe. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous arrivons au terme d’un long débat : l20 heures d’auditions, deux jours de travaux en commission, onze jours, dix nuits et 110 heures en séance, avec une mobilisation importante sur tous nos bancs.

Ce beau débat…

M. Jacques Alain Bénisti. Quelle douleur !

M. Bernard Roman.… nous en devons une bonne part à la manière dont le président de l’Assemblée nationale a conduit nos travaux (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP), mais aussi à nos ministres, Christiane Taubira (Mêmes mouvements. – De nombreux députés de ces groupes se lèvent pour applaudir), Dominique Bertinotti et Alain Vidalies, ainsi qu’à nos rapporteurs, Erwann Binet et Marie-Françoise Clergeau. Qu’ils en soient ici remerciés ! (Mêmes mouvements.)

L’opinion a évolué durant ce débat. Aujourd’hui, une majorité de Français soutiennent cette avancée. Cette réforme renforce la famille comme une valeur structurante de notre société, comme un rempart contre les égoïsmes. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Céleste Lett. Ça fait mal aux oreilles d’entendre ça !

M. Bernard Roman. Mais cette réforme est surtout un acte d’égalité, 1’aboutissement d’un long combat contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle.

L’homosexualité n’est plus un délit dans notre pays seulement depuis 1982, elle n’est plus une maladie mentale seulement depuis 1992. Désormais, elle sera reconnue non plus pour ce qu’elle n’est pas, mais pour ce qu’elle est, une sexualité autre, mais normale, qui justifie l’égalité juridique et qui autorise à fonder un foyer et une famille, au nom du droit au bonheur et du désir de transmettre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Un député du groupe UMP. Et les enfants ?

M. Bernard Roman. C’est le devoir du Parlement de garantir l’égalité. C’est aussi son honneur. (« Stop ! » sur de nombreux bancs UMP.)

Je voulais, monsieur le Premier ministre, vous dire l’immense fierté du groupe socialiste d’y avoir contribué. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent longuement. – « Référendum ! Référendum » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Oui, le vote par l’Assemblée nationale, dans quelques instants, après cette séance de questions au Gouvernement, du projet de loi ouvrant le droit au mariage pour tous et à l’adoption vient conclure, après deux semaines de débat, un grand débat parlementaire dont vous pouvez effectivement être fiers, mesdames et messieurs les députés.

Le Parlement a rempli son rôle avec éclat. Il est au cœur de notre démocratie, et ce débat, vous le savez, a suscité un intérêt exceptionnel chez nos concitoyens.

Vous avez pris le temps de défendre vos points de vue, vous avez pris le temps d’essayer de vous convaincre et, parfois, c’était difficile, je le sais. Mais les Français ont pris le temps d’écouter vos arguments. Et, comme vous, je le dis, le Gouvernement est fier de cette réforme (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), parce que cette réforme, mesdames et messieurs les députés, s’inscrit dans une longue lignée de réformes républicaines pour l’égalité et contre les discriminations. (« Référendum ! Référendum ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Cette loi va étendre à toutes les familles les protections garanties par l’institution du mariage. Et, malgré ceux qui vocifèrent – mais heureusement, ils sont minoritaires – elle va renforcer l’institution du mariage. (« C’est faux ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Je voudrais saluer la solidarité et la fermeté dans les convictions de tous les députés de la majorité, et même parfois au-delà. Mesdames et messieurs les députés, vous avez su vous montrer soudés, concentrés, convaincants d’un bout à l’autre du débat. Merci à vous, à chacune et à chacun d’entre vous !

Permettez-moi de saluer le président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) et votre rapporteur, Erwann Binet (Même mouvement). Et puis, certes parce que c’est mon rôle mais surtout parce que je le pense profondément, je veux remercier trois des membres du Gouvernement. D’abord Christiane Taubira, dont l’éloquence fait la fierté du Gouvernement et du Parlement. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent longuement. Elle l’avait déjà montrée en 2001 à l’occasion de cette proposition de loi où la France reconnaissait enfin que l’esclavage était un crime contre l’humanité. Merci, madame la garde des sceaux !

Je voudrais aussi remercier Dominique Bertinotti qui s’est battue avec courage et conviction (Même mouvement) et Alain Vidalies, ministre chargé des relations avec le Parlement, qui a veillé, lui aussi, au bon déroulement de ce débat. (Même mouvement.)

Monsieur le président de l’Assemblée nationale, vous avez présidé quatre-vingt-douze heures de séance sur 110. Vous avez eu le souci, au-delà des convictions de chacun, de préserver l’intégrité de l’Assemblée nationale et vous avez forcé le respect, même lorsque c’était difficile. (« Référendum ! Référendum ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je voudrais remercier tous les députés de la majorité ainsi que ceux, pour l’immense majorité d’entre eux, de l’opposition – je dis bien l’immense majorité d’entre eux – qui ont su défendre leurs convictions avec dignité. Merci au Parlement, et d’abord à l’Assemblée nationale. Dans quelques semaines, ce sera au Sénat de compléter ce travail législatif. Je n’ai aucun doute, cette loi restera une des grandes lois de la République. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Politique de l’emploi

M. le président. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Sophie Rohfritsch. Ma question s’adresse à M. le Premier Ministre.

Lors de la campagne présidentielle, François Hollande avait promis de « réenchanter le rêve français ». Ce rêve s’avère être un miroir aux alouettes, et la réalité un vrai cauchemar pour les Français. Le candidat prétendait sauver les usines françaises, force est de constater qu’il n’en est rien !

Quelle est la situation de notre pays aujourd’hui ? Le chômage a progressé deux fois plus vite au deuxième trimestre 2012 qu’au premier, et cette accélération perdure. Les plans sociaux se multiplient. À Petroplus et Florange, symboles utilisés pendant la campagne électorale, s’ajoutent désormais Sanofi, Arcelor-Mittal, Goodyear ou PSA. Aujourd’hui encore, de nombreux salariés ont manifesté leur incompréhension d’une politique qui ne tient pas ses promesses ni ne fixe aucun cap. Votre propre ministre de l’intérieur est même allé jusqu’à évoquer le risque d’implosion ou d’explosion sociale !

Face à cette situation, votre gouvernement n’a cessé de se dédouaner en fustigeant soit l’attitude des chefs d’entreprise, soit les investisseurs étrangers et en invoquant sempiternellement l’héritage du précédent gouvernement, alors même que celui-ci avait courageusement pris des mesures fiscales contre les délocalisations, que vous avez abrogées !

Un député du groupe UMP. Malheureusement !

Mme Sophie Rohfritsch. La situation est bien trop sérieuse pour que l’on puisse encore accepter des manœuvres de diversion et le report des mesures de redressement que notre pays attend ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Louis Gagnaire. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

Mme Sophie Rohfritsch. Il faut reprendre les préconisations du rapport Gallois, abaisser le coût du travail, alléger les charges des entreprises et oublier le CICE, véritable usine à gaz qui n’améliorera en rien leur compétitivité ! Il faut réduire la dépense et la dette publiques, qui consomment plus des deux tiers de notre PIB !

L’heure est grave, monsieur le Premier Ministre. Il faut cesser de faire de la petite politique et prendre les mesures courageuses que notre pays attend ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Les difficultés d’un certain nombre de grandes entreprises, madame la députée, ne datent pas d’aujourd’hui. Goodyear, cela ne date pas d’aujourd’hui : cela fait quatre ans ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Petroplus, cela ne date pas non plus d’aujourd’hui : cela fait des mois et des mois ! La montée du chômage ne date pas non plus d’aujourd’hui : en cinq ans, le nombre de chômeurs a augmenté d’un million ! Sur un tel sujet, madame la députée, commencez donc par faire preuve d’un peu de modestie ! (Même mouvement.)

Le Gouvernement mène une politique d’ensemble, décrite à l’instant par le Premier ministre. Elle est marquée par la cohérence et la continuité. Il faut en effet redonner de la compétitivité à notre économie, d’où le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi : 20 milliards d’euros qui permettront à nos entreprises d’investir, d’innover et d’embaucher. Il faut en effet mener des politiques en faveur de l’emploi : c’est ce que nous avons fait, en urgence, avec les emplois d’avenir destinés aux jeunes les plus en difficulté et le contrat de génération qui va être voté cette semaine à l’Assemblée et au Sénat. Votez-le donc, si vous êtes favorables à l’emploi des jeunes et des plus âgés ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. On n’en veut pas !

M. Michel Sapin, ministre. Nous avons également fait une grande réforme de sécurisation de l’emploi, qui va mettre fin – il était temps – à la préférence pour le licenciement qui caractérise aujourd’hui le fonctionnement de l’économie. Attendre qu’une entreprise soit au bord du gouffre et soit contrainte à licencier : ça, c’était vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous, nous allons anticiper, négocier et dialoguer pour prévenir les licenciements plutôt que les mettre en œuvre comme vous le souhaitez ! Voilà la cohérence de notre politique ! Voilà ce que nous faisons, par le dialogue et la recherche d’accords ! Vous vilipendiez les partenaires sociaux, nous travaillons avec eux afin de mettre en place des accords ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Budget européen

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Louis Borloo. Ma question s’adresse au Premier Ministre. Je comprends que Bernard Cazeneuve se soit énervé à la suite de la question de Pierre Lequiller.

M. Jean-Louis Gagnaire. Il ne s’est pas énervé !

M. Jean-Louis Borloo. Que n’avez-vous parlé de l’Europe de l’austérité chère à certains, contre laquelle vous proposiez l’Europe de la croissance ? Vous aviez annoncé la renégociation du traité, vous ne l’avez pas fait ! Vous avez inventé un plan de croissance de 120 milliards d’euros qui n’existe pas dans les comptes de l’Union européenne ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Nous sommes à l’heure de vérité. Lors du sommet européen tenu vendredi dernier, la France a accepté le premier budget d’austérité de l’histoire de l’Europe.

M. Patrick Lemasle. Ce n’est pas ce qu’a dit M. Cazeneuve !

M. Jean-Louis Borloo. Vous avez alors tourné le dos à vos promesses de croissance en Europe, y compris celles faites par le président Hollande au Parlement européen l’autre jour. Un tel budget d’austérité est un changement de cap historique ! C’est une décision lourde, préoccupante et porteuse de conséquences graves qui concernent tous les Français !

M. Jean-Christophe Lagarde. Exactement !

M. Jean-Louis Borloo. Je vous ai écrit, monsieur le Premier ministre, pour vous demander de faire inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale un débat, conformément à l’article 48-2 de la Constitution. J’imagine que, comme nous, vous considérez qu’un tel changement de cap, qui engage les Français pour sept ans sur un sujet aussi important, mérite un débat dans cet hémicycle et devant les Français. Je vous demande donc si vous avez pu fixer la date de ce débat en urgence. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (Vives protestations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Vous savez très bien que c’est au Gouvernement de décider quel ministre répond ! (Mêmes mouvements.) Calmez-vous ! Quelle image de la démocratie donnez-vous aux Français ?

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est scandaleux !

Un député du groupe UMP. Le Premier ministre doit répondre ! (Brouhaha sur les bancs des groupes UDI et UMP, dont de nombreux membres scandent « Ayrault ! Ayrault ! ».)

M. le président. C’est le Gouvernement qui choisit quel ministre répond ! Quelle image de l’Assemblée donnez-vous à tous les Français qui nous regardent ? (Les députés du groupe UDI quittent l’hémicycle, ainsi qu’un certain nombre de députés du groupe UMP.)

Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’il a toujours été de tradition que le Gouvernement choisisse quel ministre répond à une question donnée. Votre contestation n’a pas lieu d’être.

La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Le philosophe Alexis de Tocqueville a écrit, dans De la démocratie en Amérique, que « les centristes sont violemment modérés ». (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Eh bien, les philosophes peuvent parfois se tromper… Je regrette leur départ, car Jean-Louis Borloo m’a interpellé personnellement et j’aurais apprécié qu’il soit là pour entendre la réponse à la question qu’il m’a posée. Il s’est interrogé à plusieurs reprises sur la traçabilité du pacte de croissance.

M. Laurent Wauquiez. Il faut être courageux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous serons en situation, au cours du débat qu’il appelle de ses vœux et auquel le Premier ministre est favorable, de lui en donner tous les éléments. Ce pacte représente pour la France un peu plus de 2,2 milliards d’euros, grâce auxquels des régions pourront engager des investissements retardés en raison de la difficulté d’y mobiliser des fonds structurels. Nous pourrons donner la liste de ces opérations.

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La recapitalisation, négligée par la précédente majorité, de la Banque européenne d’investissement, dont le conseil des gouverneurs s’est réuni au mois de décembre, permettra de prêter 7 milliards d’euros aux investisseurs français prêts à contribuer à la croissance sur notre territoire. Quant aux project bonds, ils permettront de numériser le territoire, en Auvergne ou en Haute-Savoie. Nous pourrons également donner la liste de ces opérations, qui apportera à M. Borloo toutes garanties sur la traçabilité de ce plan de croissance.

Il souhaite un débat, mais son groupe a dû omettre de l’informer qu’il y en a un à 17 heures 30, devant les commissions des affaires étrangères et des affaires européennes ! Il porte précisément sur le compte rendu du Conseil européen. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est ici que nous voulons un débat !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. S’il veut un débat en séance pour faire toute la lumière sur les questions sur lesquelles il nous a interpellés, bien volontiers ! Il se rendra ainsi compte que notre action a assuré tous les retours sur investissements français et fait en sorte que toutes nos politiques soient financées ! Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Suguenot. Monsieur le président, la tradition veut peut-être que le Gouvernement désigne le ministre chargé de répondre aux députés (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC), mais elle veut également que le Premier ministre réponde à un président de groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Noël Mamère. Non !

M. Alain Suguenot. Le refus de M. Ayrault de répondre à M. Borloo est une nouvelle preuve, s’il en était besoin, du mépris que le Premier ministre a pour l’opposition.

J’en viens à ma question, qui porte sur la réforme des rythmes scolaires.

Monsieur le ministre de l’éducation nationale, l’autosuggestion ne suffit pas. Vous ne répondez pas aux questions qui vous ont été posées. Votre réforme est très mal engagée. Vos propres amis – je pense à la ville de Paris – demandent aujourd’hui la création d’un groupe de travail ou, comme le maire de Lyon lui-même l’a fait ce matin – M. Braillard a été mal inspiré lorsqu’il a posé sa question – expriment leurs craintes et leurs inquiétudes.

Réforme précipitée et réalisée sans concertation, réforme non financée : la dotation de l’État est de 250 millions, alors qu’il en faudrait le triple.

Au-delà de l’inquiétude légitime des enseignants sur le bien-fondé de cette réforme – les grèves se multiplient – vous allez affronter celle des parents d’élèves et des élus locaux. La demi-journée supplémentaire va en effet entraîner des coûts supplémentaires importants en matière de transports scolaires, une nouvelle fois en grande partie au détriment des territoires ruraux.

Qui va payer ?

En matière de restauration scolaire, la réforme nécessitera de renégocier les marchés publics, avec une augmentation sensible du nombre et du prix des repas.

Qui va payer ?

S’agissant des activités périscolaires, la réforme entraînera une explosion des coûts pour les collectivités locales. Ainsi, pour l’agglomération que je préside, il va falloir trouver plus de 2 millions d’euros.

Monsieur le ministre, qui va payer votre réforme bâclée ?

Allez-vous reporter son application à 2014 ou prendrez-vous le risque d’un échec cuisant dont les premières victimes seront, hélas ! nos enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, les premières victimes – vous avez raison d’en parler – ce sont nos enfants : ils sont actuellement victimes d’une désorganisation des rythmes scolaires qui a été l’œuvre de la majorité à laquelle vous apparteniez – la semaine de quatre jours – (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), de la suppression de 80 000 postes et de la formation des enseignants, ainsi que d’une pratique qui consiste à prendre les enfants en otages pour des raisons politiciennes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Après-demain, je me rendrai dans votre académie et je rencontrerai l’ensemble des élus de votre agglomération. En Bourgogne, vous aurez noté qu’à Nevers, à Auxerre, à Dijon et dans de nombreuses autres villes, on est en train de passer à la semaine de quatre jours et demi. La majorité des villes et un grand nombre de conseils généraux, lorsqu’ils n’ont pas d’a priori politiques, appliquent la réforme.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Vincent Peillon, ministre. Ainsi, pour employer des arguments qui sont les vôtres, Annecy et Bourges, des villes de droite qui ne veulent pas utiliser ce débat de façon politicienne mais qui se souviennent de ce que vous disiez il y a six mois, sont en train de passer aux nouveaux rythmes.

Si vous avez vraiment en ligne de mire l’intérêt des élèves, utilisez le cadre extrêmement large et souple de ce décret pour faire comme les autres : vous mettre au travail et construire les meilleures solutions, avec les partenaires dans les collectivités locales, avec les conseils généraux, les enseignants, les conseils d’école (« Qui paye ? » sur les bancs du groupe UMP) et, pour la première fois, avec l’aide de l’État. Celui-ci reprend trois heures sur ce que vous deviez faire. Vous n’avez pas une heure de plus à faire, mais l’État vous donne 250 millions d’euros supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pendant toutes ces années, vous n’avez jamais cessé de parler d’argent ; c’était pour faire des cadeaux fiscaux aux plus riches et dépouiller l’école de la République. Nous allons lui rendre ce que nous lui devons, contre vous. Car vous, vous ne pensez qu’à l’argent, jamais aux enfants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Sécurité alimentaire

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pascal Cherki. Monsieur le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, la découverte de viande de cheval mélangée à de la viande bovine dans la préparation de plats cuisinés estampillés « pur bœuf » a provoqué la consternation et la colère légitime de nos concitoyens ainsi que de nos amis d’outre-manche, où ce scandale a été révélé.

Nos concitoyens ont découvert avec stupéfaction les pratiques de certains sous-traitants de l’industrie agro-alimentaire, peu soucieux du respect des règles et des normes en vigueur.

Sous réserve de ce que les services d’enquête établiront prochainement, il semble que nous en soyons arrivés là pour deux séries de raisons. Soit ces comportements résultent d’une absence de scrupules dans la recherche toujours plus frénétique de l’appât du gain sans aucun souci du consommateur. Soit il s’agit d’une suite ininterrompue de négligences coupables qui met en lumière de profondes lacunes dans les contrôles de chacun des opérateurs économiques de la chaîne.

Il apparaît également que ce circuit d’approvisionnement extravagant impliquant des traders établis à Chypre et aux Pays-Bas dissimule une tentative de contourner, si ce n’est d’enfreindre la réglementation en vigueur.

Un montage aussi complexe autour de ce que l’on appelle le marché du « minerai » de viande, destiné à la fabrication de viandes hachées utilisées dans les plats cuisinés, avec industriels et intermédiaires en cascade, ne peut que nous atterrer.

Alors que la France est un pays de production bovine, où une viande de très grande qualité est produite en très grande quantité, les producteurs français sont les victimes de cette fraude.

Les consommateurs français souhaitent disposer de toutes les garanties quant à la qualité de leur alimentation et quant à la véracité des indications affichées sur les emballages s’agissant de la composition des plats ou de la provenance des viandes, de bœuf ou autre.

Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous indiquer quelle est votre analyse de ces faits et, surtout, quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour remédier à cette situation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le député, vous avez rappelé les faits : la découverte de viande de cheval dans des plats cuisinés dont l’étiquette indiquait : « 100 % viande de bœuf ». Dès leur signalement – je veux insister sur ce point –, la DGCCRF, en moins de quarante-huit heures, est parvenue à remonter la filière, jusqu’à un abattoir roumain, et à identifier les intermédiaires sur le marché de la viande, à Chypre et aux Pays-Bas.

Que reste-t-il aujourd’hui à établir ? L’enquête menée par la DGCCRF le dira, je pense, partiellement demain.

Tout d’abord, s’agit-il d’une ou de plusieurs négligences, qui appelleraient une sanction sous la forme d’une contravention lourde, ou, plus grave, s’agit-il d’une tromperie économique, d’une fraude qui justifierait que nous saisissions la justice ?

Ensuite, au-delà de la nature du préjudice, quelle est son étendue ? Hier, avec Stéphane Le Foll, le ministre de l’agriculture, et Guillaume Garot, le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire, nous avons annoncé un plan. Nous étendrons les prélèvements à l’ensemble des plats cuisinés, y compris ceux qui n’ont aucune relation avec la filière Comigel et Spanghero, afin que, à partir d’un échantillon, nous puissions mesurer la réalité du préjudice sur toute la filière.

Nous avons annoncé la mise sous surveillance de la totalité de la filière viande-poisson durant toute l’année 2013, de façon à ce que, s’agissant de la chaîne approvisionnement-transformation-commercialisation, nous puissions mesurer le préjudice.

Enfin, je me rendrai, demain, à Bruxelles avec le ministre de l’agriculture pour discuter avec nos partenaires européens de l’amélioration de la traçabilité. La position de la France est favorable à l’obligation d’afficher l’origine de la viande, y compris pour les plats cuisinés.

Cette affaire est surtout un vivant plaidoyer en faveur de la filière bovine française. La réponse que nous pouvons faire à l’industrie agro-alimentaire française, c’est : achetez du bœuf français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Paradis fiscaux

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, le projet de loi bancaire traduit la volonté de la représentation politique de reprendre la main sur la finance. Protéger l’épargne des déposants, protéger le contribuable face à une éventuelle faillite bancaire, orienter l’épargne vers l’économie durable, vers les entreprises et vers l’emploi, tel est l’enjeu. Pour ce faire, monsieur le ministre, les écologistes sont engagés.

Comme vous l’avez souhaité, nos propositions sont prêtes, déjà intégrées pour partie au projet de loi par la commission des finances. Nous attendons de ce projet qu’il marque notre engagement contre les paradis fiscaux. Dans ce domaine, l’obligation de transparence pour les filiales bancaires constituera à la fois une première et un premier pas. Elle permettra d’évaluer l’activité réelle des banques dans l’ensemble des pays, et d’identifier les paradis fiscaux, où les impôts s’évaporent pour générer ici de l’austérité, où fleurissent les produits financiers risqués qui, tôt ou tard, mettront à bas la finance et l’économie mondiale, et où se perd le contrôle des transactions financières.

L’affaire des lasagnes de Findus a mis en évidence des cheminements tortueux dans trois paradis fiscaux : Chypre, le Luxembourg et les Pays-Bas. Les paradis fiscaux fonctionnent comme des boîtes noires, qui privent de ressources à la fois les États et l’économie. Ce sont de véritables poudrières qui, sous l’effet de la moindre étincelle, pourraient faire sauter toute la finance mondiale.

La France sera la première à faire évoluer les choses. Mais la réussite ne sera réelle que si les projets à l’étude en Europe viennent rapidement conforter et amplifier le nôtre. Alors que l’opposition néglige étrangement ce débat, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer votre détermination à lutter contre les paradis fiscaux, à accorder une attention particulière à la spéculation sur les matières premières agricoles, à mettre la politique au cœur de la finance, à remettre un visage sur la finance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, tout à l’heure, après le vote du projet de loi sur le mariage pour tous, l’Assemblée nationale commencera l’examen du projet de loi portant séparation et régulation des activités bancaires. C’est un engagement très important du Président de la République qui se trouve ainsi concrétisé, et c’est aussi la preuve de notre volonté de tirer les leçons de la crise de 2008, afin d’éviter que de tels errements ne se reproduisent.

Je m’étais, d’emblée, déclaré ouvert à un travail avec le Parlement et à la prise en compte d’amendements, et je m’y suis tenu, notamment sur la question de la lutte contre les paradis fiscaux, si importante pour vous. Ainsi, la commission des finances a adopté, avec le soutien du groupe socialiste, un amendement déposé par le groupe écologiste, qui va permettre à la France de réaliser une première démocratique et, ce faisant, la placer à l’avant-poste de la lutte mondiale contre les paradis fiscaux.

M. Yves Censi. C’était pour trouver une majorité !

M. Pierre Moscovici, ministre. Il existait une liste de huit territoires non coopératifs. Grâce à l’amendement qui, je l’espère, va être approuvé par l’Assemblée nationale tout entière, toutes les banques seront obligées de faire la pleine transparence sur leurs activités et leurs effectifs dans tous les pays, au-delà même des territoires non coopératifs que j’ai évoqués.

Cette avancée, attendue par les ONG et réclamée depuis longtemps par la gauche, me paraît indispensable. Elle s’inscrit dans le cadre d’une lutte menée au niveau international : je reprendrai ce dossier dans le cadre du G20 et de l’OCDE, en évoquant notamment le problème de l’érosion de nos bases fiscales.

Vous m’interrogez également sur la spéculation sur les matières premières agricoles. Comme vous le savez, le projet de loi anticipe également sur cette question, en proposant d’interdire la spéculation sur les marchés dérivés de matières agricoles.

M. Yves Censi. Et les ministres, qu’est-ce qu’ils vont faire ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je suis prêt à aller plus loin, en poursuivant le travail avec l’Assemblée et le Sénat, ainsi que sur le plan international. Le débat va commencer tout à l’heure, et je suis persuadé que, lorsque le texte sera voté, que nous pourrons tous être fiers de cette avancée qui constitue une première mondiale et une avancée historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Avenir du groupe PSA

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Chrétien. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur l’avenir du groupe PSA.

Après les insultes de M. Montebourg (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), voilà maintenant la cacophonie des ministres de l’économie et du budget. Alors que l’un veut l’intervention du Fonds stratégique d’investissement et l’entrée de l’État dans le capital de PSA, l’autre n’en veut pas. À l’heure où le groupe PSA aurait besoin d’un État stratège, visionnaire, et d’un vrai partenaire, il ne trouve qu’un gouvernement dogmatique et incohérent ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Que voulez-vous faire avec PSA ? Souhaitez-vous, ou non, une entrée de l’État dans le capital via le Fonds stratégique d’investissement ? Mes chers collègues, les Peugeot ont besoin de savoir. À Mulhouse, à Rennes, à Vesoul comme à Aulnay,…

M. Jean-Luc Reitzer. À Sochaux !

M. Alain Chrétien. …bref, sur tous les sites, des questions se posent, auxquelles vous ne répondez pas.

Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour aider PSA et ses salariés à surmonter ce cap difficile ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, je trouve votre question totalement déplacée. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Allons, mes chers collègues !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous êtes l’élu d’un territoire où PSA a des actifs importants. Je l’ai été également, et je ne vous autorise pas à dire (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) que ce gouvernement serait incohérent ou inerte face à la crise de l’industrie automobile.

En tant que ministre, j’ai rencontré à maintes et maintes reprises la direction du groupe PSA. Nous entretenons un contact confiant, quotidien, pour faire face à la crise de l’industrie automobile.

La semaine dernière, PSA a annoncé d’importantes dépréciations d’actifs qui, vous le savez, n’entament pas la solvabilité et la liquidité du groupe. Il n’y a pas eu de cacophonie sur cette question. Jérôme Cahuzac a simplement dit que, si nécessaire, nous avions les outils pour intervenir dans le capital, cette intervention n’étant toutefois pas à l’ordre du jour. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce qui est fondamental, c’est que PSA puisse se déployer et poursuivre sa stratégie d’alliance, notamment avec General Motors ; c’est que le groupe puisse modifier sa gouvernance – ce que le Gouvernement a rendu possible en demandant à M. Louis Gallois de devenir administrateur indépendant du groupe.

Nous sommes aux côtés de PSA, et plutôt que de me poser cette question assez mesquine (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP), vous auriez mieux fait de souligner qu’hier la Commission européenne, grâce aux négociations que j’ai conduites, a donné son autorisation provisoire à la garantie de l’État, afin de sauver Banque PSA Finance.

La crise de l’automobile ne date pas d’hier. Alors que vous avez différé les décisions relatives à PSA, nous les affrontons ! Nous soutenons le groupe et ses salariés, et je ne vous autorise pas, je le répète, à poser des questions de cette nature, des questions totalement déplacées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP, dont plusieurs membres se lèvent et quittent l’hémicycle.)

M. Alain Chrétien. Nous ne sommes pas à la maternelle, monsieur le ministre !

M. Charles de La Verpillière. Il faut demander votre autorisation pour poser une question, maintenant ?

M. Guy Geoffroy. C’est incroyable !

Sécurité alimentaire

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, au titre des députés non inscrits.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je voudrais tout d’abord faire remarquer que le Premier ministre de la France préfère s’autoféliciter du mariage homosexuel que répondre à un président de groupe sur l’avenir de l’Europe et de l’emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Je voudrais faire remarquer qu’au moment où le chômage explose, où nos usines ferment, la majorité ne s’occupe que du mariage homosexuel (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et ne prévoit même pas un débat sur les délocalisations.

Ma question porte cependant sur un autre sujet : le scandale alimentaire de la viande de cheval. Celui-ci est le fruit, non pas d’un hasard, mais d’un système européen qui organise la concurrence déloyale, qui favorise objectivement la fraude. Ce nouveau scandale s’explique notamment par un marché unique fondé sur le moins-disant social, environnemental et sanitaire. Ce nouveau scandale s’explique par un élargissement de l’Union européenne à des pays qui ne peuvent pas assumer nos règles. Alors qu’on impose à nos éleveurs une traçabilité maximale, des normes, on laisse entrer sur notre territoire des produits qui sont nocifs et qui ne font l’objet d’aucun contrôle.

Comme chaque fois, vous répondrez qu’il faut plus d’Europe. Mais c’est justement ce que vous avez fait depuis la crise de la vache folle,…

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Nicolas Dupont-Aignan. …c’est justement ce que vous mettez en place depuis des années : vous transférez toujours plus de pouvoirs à des autorités bruxelloises, bureaucratiques, qui ne contrôlent rien du tout.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Ma question est très claire : j’aimerais savoir, au-delà des conciliabules dont a parlé M. Hamon, quelles mesures concrètes que vous allez mettre en œuvre pour vérifier la traçabilité des produits importés, exercer des contrôles réels et défendre nos éleveurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, tout d’abord, pour ce qui est de la défense des éleveurs, le ministre de l’agriculture s’en occupe tout le temps. Je n’ai pas attendu qu’une crise se déclenche pour m’occuper des éleveurs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Ensuite, vous parlez d’Europe. Nous n’allons pas revenir sur le débat général, mais vous dites que nous voudrions encore plus d’Europe. Il ne s’agit pas de vouloir plus d’Europe ; il s’agit d’appliquer des règlements européens qui, par définition, n’ont pas été appliqués par ceux qui ont cherché à frauder, et faire en sorte à l’échelle européenne que ceux qui ont pu frauder une fois ne le fassent pas une deuxième fois. Voilà l’enjeu. Il s’agit non pas d’avoir un grand débat général, mais de mettre en œuvre des mesures concrètes. Et ce débat-là, nous l’aurons. Des règles sur l’étiquetage ont été établies à l’échelle européenne et doivent être appliquées partout : tel est l’enjeu, tel est le sujet dont nous discutons.

Imaginons, comme vous le faites souvent, qu’il n’y ait aucune règle, que l’Europe n’existe pas. Que se passerait-il alors ? Les fraudes cesseraient-elles pour autant ? Je ne le crois pas. La vraie question qui est posée est celle des moyens que nous nous donnons pour améliorer la législation européenne et pour faire en sorte que ce type de fraude ne soit pas reproductible ; voilà l’enjeu ! Nous devons mettre de l’ordre dans un marché dont on a vu la complexité. Nous aurons ce débat dès demain.

Je sais que certains pays chercheront à retarder les solutions. Celles-ci sont pourtant assez simples ; elles ont été évoquées par la filière bovine française, qui est en effet exemplaire. J’appelle chacun à bien penser à cela : cette filière a une traçabilité totale. Il faut qu’il en soit de même pour les plats transformés à l’échelle européenne, d’où la nécessité de faire figurer la référence à l’origine des viandes sur les emballages des produits transformés, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est la bataille que nous allons mener maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Cadre financier pluriannuel de l’Union européenne

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marietta Karamanli. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de demander à mes collègues de l’opposition de ne pas polémiquer sur les questions et les réponses. Nous sommes tous égaux ici et, de mémoire, il me semble qu’une question sur quatre posée par le président du groupe SRC lors de la précédente législature au Premier ministre d’alors, François Fillon, n’a pas reçu de réponse de ce dernier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme Bérengère Poletti. C’est faux !

Mme Marietta Karamanli. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes et concerne le Conseil européen des 7 et 8 février qui a débouché sur un accord préservant, dans ces grandes masses, le budget européen.

Ce budget maintient à un haut niveau, pour les sept années à venir, les dépenses établies comme celles de la politique agricole commune ou de la politique de cohésion. Par rapport aux dépenses actuelles, celles qui sont liées à la croissance et à l’emploi augmenteront de plus de 40 %, passant de 91  à 125 milliards d’euros, et un crédit spécial de 6 milliards d’euros pour l’emploi des jeunes a été dégagé. Quant au programme européen d’aide aux plus démunis, son enveloppe est préservée et passe de 2,1  à 2,5 milliards d’euros.

Avec 94 % de crédits de ce budget qui reviennent directement, mes chers collègues, aux pays, aux régions ou aux personnes concernées, c’est plutôt une bonne nouvelle, même si des interrogations sont nées de la volonté de plusieurs États de limiter encore les dépenses. Je pense aux chefs de gouvernement conservateurs de plusieurs États qui ont encore demandé des diminutions importantes. Malheureusement, nous le voyons, face aux pays et continents extérieurs, baisser la garde n’est pas suffisant et serait même de nature à diminuer la nécessaire solidarité qui ancre les avantages compétitifs de l’Europe.

Les députés socialistes ne peuvent que regretter que les orientations de ces gouvernements conservateurs contredisent une volonté de préparer l’avenir par des investissements qui, grâce à la France, resteront massifs et significatifs.

Monsieur le ministre, de quelle façon le Gouvernement entend donc s’assurer que la coloration volontariste annoncée par la France et le Président de la République sera sauvegardée et que le projet de budget sera bien exécuté avec la volonté…

M. le président. Merci, madame la députée. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Madame la députée, merci de votre agréable question (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), qui va me permettre de donner de façon extrêmement précise et calmement des réponses sur le budget de l’Union européenne.

Tout d’abord, pour ce qui concerne les chiffres – après tout, ce qui compte, ce sont les chiffres –, le précédent cadre budgétaire pluriannuel avait un budget global de 942 milliards d’euros en crédits de paiement. Sur cette somme, seuls 855 milliards d’euros ont été dépensés. Pourquoi ? Parce que, aux termes de la lettre que j’évoquais tout à l’heure, les crédits de paiement nécessaires au financement de la politique de l’Union n’ont pas été alloués. Nous souhaitons pour notre part, avec le concours du Parlement européen, qui demande de la flexibilité et une révision à mi-parcours, mobiliser toutes les sommes actées dans le budget. Si nous agissons ainsi, le budget exécuté sera supérieur de 50 milliards d’euros au précédent.

Cette somme permettra à la France de financer l’intégralité de ses retours sur la politique agricole commune, les régions ultrapériphériques, les régions en transition, mais aussi le budget de croissance, dont vous avez eu raison d’indiquer qu’il augmente de 40 %, madame la députée. Le programme Connecting Europe, qui portera la transition énergétique, les transports de demain, la numérisation du territoire, voit ses crédits augmenter de 140 %, le tout dans un contexte où nous diminuons pour la première fois depuis l’accord de Fontainebleau de 1984 notre contribution au financement des chèques britanniques parce que nous avons engagé une réforme des ressources propres. Et la somme ainsi dégagée permettra enfin de financer la politique en faveur des plus démunis, je pense notamment au programme européen d’aide aux plus démunis.

Pour vous montrer l’effort que cela a représenté, je vous lirai tout simplement la déclaration commune de la France et de l’Allemagne inscrite au procès-verbal du Conseil européen de décembre 2011 concernant ce programme : la France et l’Allemagne « jugent que les conditions ne sont pas réunies pour la présentation par la Commission et l’adoption par le Conseil d’une proposition relative à un nouveau programme pour l’après 2013 ». C’est la raison pour laquelle les deux pays « ne pourront pas accepter les propositions de nature juridique et financière que la Commission pourrait formuler à l’avenir concernant un tel programme ». C’est bien la preuve que ce programme, vous l’aviez abandonné, chers collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Programme européen d’aide aux plus démunis

M. le président. La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Didier Quentin. Puisque M. le Premier ministre ne répond pas,…

M. Christian Jacob. Et en plus, il s’en va !

M. Didier Quentin. …ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

À l’issue des négociations sur le budget européen pour la période 2014-2020, nous sommes nombreux à penser que l’Europe s’éloigne un peu plus chaque jour des préoccupations de nos concitoyens.

Au sommet européen de Bruxelles, la voix de la France a été inaudible. Vous êtes restés sans la moindre initiative, même sur les sujets pour lesquels vous vous prétendiez les meilleurs avocats. Souvenons-nous : « Moi, président… Moi, président… » Eh bien, vous n’avez cessé de vous renier : rien sur l’innovation, rien sur les grands travaux, rien sur la croissance. Pire encore : l’idée même de solidarité européenne recule, avec une baisse de 30 % des aides alimentaires.

Concrètement, à partir de 2014, près de la moitié des 130 millions de repas servis dans notre pays par les banques alimentaires, la Croix-Rouge, les Restaurants du cœur et le Secours populaire français pourraient ne plus être distribués. Vous comprendrez aisément le désarroi et la déception de ces associations caritatives.

Je rappelle que l’aide alimentaire de l’Union européenne à la France a représenté 72 millions d’euros en 2011. Notre majorité d’alors, grâce à l’action déterminée de Bruno Le Maire, avait réussi à sanctuariser le Programme européen d’aide aux plus démunis. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Sébastien Denaja. C’est faux !

M. Didier Quentin. Déjà, certaines initiatives ont été prises pour pallier les effets de ce recul. C’est ainsi que le président de la FNSEA, Xavier Beulin, a annoncé la création d’une fondation. Il importe aussi sans doute de réduire le gaspillage alimentaire.

Alors, monsieur le ministre – à défaut du Premier ministre –, que compte faire le Gouvernement pour répondre aux besoins vitaux de nos compatriotes les plus fragiles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, moi, ministre de l’agriculture (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP), j’ai aussi été député européen et j’ai défendu pendant de nombreux mois le Programme européen d’aide aux plus démunis.

Je me souviens d’ailleurs que l’accord qui avait été passé par le gouvernement français de l’époque avec le gouvernement allemand consistait à mettre fin à ce programme en 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi. Voilà !

Mme Bérengère Poletti. C’est faux !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il n’a jamais été question à cette époque-là d’assurer sa pérennisation ; c’est à notre gouvernement qu’il a incombé de le faire ; c’est l’action que nous avons conduite, avec Bernard Cazeneuve et l’ensemble des ministres concernés, pour défendre cette idée simple d’une solidarité qui doit s’appliquer aux plus démunis, en particulier s’agissant de l’alimentation.

Ce qui était prévu au départ, en termes budgétaires, était encore moins que ce qui a été obtenu en fin de négociation lors de ce compromis, à savoir 2,5 milliards.

M. Julien Aubert. Vous voudriez qu’on vous félicite ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous sommes partis pratiquement de zéro suite aux décisions que vous aviez prises… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Arrêtez donc de dire n’importe quoi ! Soyez sérieux !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …et nous obtenons un budget de 2,5 milliards d’euros.

Ne vous énervez pas, monsieur Jacob, cela ne sert à rien.

Ce programme doit maintenant être mis en œuvre. Alors qu’il a failli disparaître, il existe toujours. L’action que nous devrons conduire conjuguera l’intervention publique et les initiatives d’un certain nombre d’associations, en particulier professionnelles, dont celle que vous avez citée tout à l’heure. Je ne m’interdis pas non plus, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, de faire en sorte que l’on continue à utiliser les stocks existants pour faire des dons aux associations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous voyez que l’engagement est pris et que nous saurons faire face à la solidarité élémentaire qui concerne ceux qui, aujourd’hui, ont du mal à accéder à l’alimentation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Sécurité alimentaire

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Yves Jégo. La séance d’aujourd’hui montre à quel point le besoin de débattre de l’Europe est important. Les questions posées sur ce sujet, la vigueur qu’elles ont permis de montrer, prouvent, s’il en était besoin, que la demande – que je réitère officiellement au nom du groupe UDI – d’un débat sur le budget européen est une nécessité démocratique pour que chacun puisse s’exprimer et être éclairé.

Il est vrai, monsieur le président, que le groupe que je représente ici a quitté l’hémicycle, face au refus du Premier ministre de répondre à notre président. Quand, dans une séance, le Premier ministre répond au président du groupe socialiste et à un autre élu socialiste, il pourrait au moins répondre à notre président, et ce d’autant plus que la question n’était pas polémique.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Yves Jégo. Monsieur le président, lorsque mon groupe a quitté librement cet hémicycle, nous avons entendu prononcer le mot « abrutis ». J’espère qu’il n’y a pas, derrière ces propos, une quelconque mise en cause de la qualité des élus. Nous sommes tous des élus du peuple ; nous avons tous la liberté de siéger ou de ne pas siéger, mais aussi de manifester notre mécontentement.

M. Jean Launay. Quelle est la question ?

M. Yves Jégo. Ma question porte sur Findus. Elle s’adressait au Premier ministre, mais je pense que le plat cuisiné de lasagnes avec de la viande roumaine achetée par des traders chypriotes, de la sauce tomate chinoise et un certain nombre d’autres ingrédients inconnus lui est resté sur l’estomac !

Monsieur le ministre de l’agriculture, pourriez-vous répondre clairement aux questions suivantes : rendrez-vous publiques les conclusions de l’enquête que vous avez demandée sur ce qui s’est passé ? Quand et comment allons-nous nous battre pour que l’Europe impose enfin le marquage de l’origine des produits vendus sur son territoire qui entrent dans les plats cuisinés, afin que les consommateurs disposent d’informations sur l’origine de ce qu’ils consomment ? Ce serait la moindre des choses. Nous serons derrière vous, même si, dans cette séance de questions au Gouvernement, nous avons le sentiment d’avoir été particulièrement maltraités par la majorité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Avant de donner la parole au ministre pour sa réponse, je dois vous dire que, si j’ai employé cette expression, elle me qualifiait ; j’étais, comme le disait Guy de Maupassant, « abruti de souffrance et de méconnaissance » – je crois que c’était là son expression. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Lamour. Il ne faut tout de même pas nous prendre pour des idiots !

M. le président. Je n’ai pas compris cette réaction, compte tenu du nombre de fois où le Premier ministre précédent n’a pas répondu aux présidents de groupe. Par ailleurs, je ne suis pas certain que nous ayons intérêt à donner de notre hémicycle et de ce que nous représentons une image comme celle-là. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le député, je compléterai ce qui a été dit tout à l’heure par M. le ministre de l’agriculture en vous indiquant que notre système a, jusqu’ici, proposé de bonnes réponses aux menaces sanitaires et bactériologiques. Malgré cela, nous renforcerons la traçabilité – M. le ministre de l’agriculture l’a dit tout à l’heure, comme je l’ai fait moi-même – en exigeant que la législation européenne évolue pour que, demain, figure l’origine des viandes qui sont utilisées dans la préparation des plats cuisinés.

Qu’il me soit aussi permis de dire qu’hier, lors de la réunion que nous avons tenue avec les professionnels, ceux-ci ont montré de l’intérêt pour le fait de renforcer les points d’autocontrôle et d’être en mesure de réagir à un certain nombre de signaux d’alarme quand il s’agit d’une menace, non pas sanitaire ou bactériologique, mais potentiellement liée à une tromperie économique.

Quels sont ces signaux ? Un prix sensiblement plus bas que la moyenne du marché européen quand on acquiert des pains de viande, ou encore des défauts d’étiquetage manifestes : autant de points sur lesquels les professionnels se sont engagés à avancer. Ils ont également accepté de tenir une réunion autour du ministre de l’agriculture la semaine prochaine pour voir de quelle manière la France pourrait anticiper une évolution de la législation européenne.

Qu’il me soit enfin permis de dire que nous avons été bien inspirés de sanctuariser, dans le budget de cette année, les moyens humains de la DGCCRF, qui avaient diminué de 15 % sous le précédent quinquennat. Celle-ci, dans l’Aude, en 2008, avait seize employés, qui ne sont plus que dix aujourd’hui pour contrôler Comigel ; en Moselle, ils ne sont plus que vingt, contre quarante-cinq auparavant. Il était donc important de préserver les moyens de la DGCCRF.

M. Razzy Hammadi. Bravo !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est ce qui nous permet, à côté de la capacité des professionnels à améliorer les points de contrôle, de faire en sorte que la puissance publique dispose elle aussi des moyens de contrôler la traçabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

Explications de vote

M. le président. Nous en arrivons aux explications de vote sur l’ensemble du projet de loi. Conformément à l’alinéa 3 de l’article 54 du règlement, je donnerai la parole à un orateur par groupe, pour cinq minutes.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin pour le groupe socialiste, républicain et citoyen. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après deux semaines de débats intenses, des moments de tensions, des moments de fierté, des moments de fous rires même, nous sommes arrivés au bout de ces 5 000 amendements. Nous nous apprêtons maintenant à voter une loi essentielle.

Le groupe socialiste est resté ferme et soudé autour de l’engagement 31 du Président François Hollande, porté par une même conviction : l’égalité des droits pour tous et toutes, quelle que soit l’orientation sexuelle.

La cohérence et la cohésion ont été exemplaires et c’est bien l’ensemble de la majorité qui a défendu sans ambiguïté ce projet. Le travail parlementaire a été de grande qualité, avec des auditions riches et intéressantes en amont, dans les commissions ensuite, en séance publique enfin.

Je veux saluer ici le travail de grande envergure du rapporteur Erwann Binet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Je tiens également à remarquer l’importante contribution de la rapporteure pour avis, Marie-Françoise Clergeau. (Mêmes mouvements.)

Aujourd’hui, nous votons en faveur de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe.

Un député UMP. Un scandale !

Mme Corinne Narassiguin. Cette loi apportera un changement concret dans la vie de nombreuses familles.

Enfin, après plusieurs années de lutte, une des dernières discriminations institutionnelles sera rayée de nos lois, pour une reconnaissance pleine et entière de l’existence des familles homoparentales et de leur réalité. Parce que, en tant que députés, nous n’oublions pas que nous nous battons pour que toutes les familles de France soient protégées par la République, aucune exception ne peut être tolérée.

Je veux, au nom de tous les députés socialistes, rendre hommage aux membres du Gouvernement pour leur engagement, leur dévouement et leur sincérité. Madame la garde des sceaux Christiane Taubira, (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) madame la ministre déléguée à la famille Dominique Bertinotti, (Mêmes mouvements.) je vous adresse un grand merci pour avoir défendu ce projet de loi avec ferveur.

Mme la garde des sceaux, Christiane Taubira (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), Mme la ministre déléguée chargée de la famille, Dominique Bertinotti (Mêmes mouvements), un grand merci pour avoir défendu ce projet de loi avec ferveur.

Il est regrettable que l’opposition se soit adonnée à la désinformation et aux amalgames en tout genre, provoquant chez nos concitoyens une certaine confusion. Mais, et je tiens à le souligner, l’opposition a également participé à la bonne tenue des débats. La ténacité dont ont fait preuve nos collègues fut symbolique. Symbolique de nos différences, car ce sont bien deux visions de société qui se sont opposées tout au long de nos échanges.

Le choix que font les socialistes aujourd’hui, c’est de porter l’égalité comme étendard, la justice comme guide pour une grande réforme de progrès.

Cette loi est un premier pas nécessaire, une évolution sociale qui profite à la société dans son ensemble.

M. Jean-Sébastien Vialatte. L’enflure des mots !

Mme Corinne Narassiguin. Le débat a permis de lever d’autres questions, sur la filiation et les différentes façons de faire famille,…

M. Philippe Meunier. On l’a dit !

Mme Corinne Narassiguin. …notamment sur l’anonymat des dons.

Ce débat, nous l’aurons en temps voulu, dans le cadre d’un projet de loi qui concernera toutes les familles françaises, qu’elles soient homoparentales ou hétéroparentales. Nous faisons confiance au Gouvernement pour présenter, avant la fin de cette année, un projet de loi rationnel mais ambitieux.

L’ouverture du mariage et de l’adoption pour les couples homosexuels est une très belle avancée. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de nous exprimer solennellement. C’est un vote emblématique, un vote qui marquera l’histoire.

C’est avec une grande fierté et une conviction forte que le groupe socialiste votera ce texte de loi.

Et comme, selon une partie de l’opposition, la crise économique nous poussait à croire que n’était pas venu le temps de parler d’amour, je tiens à les rassurer.

M. Philippe Cochet. C’est grotesque !

Mme Corinne Narassiguin. Après le mariage, nous allons discuter dès aujourd’hui de séparation… Bancaire, soit, mais ce n’est que pour mieux nous retrouver dans cet hémicycle. Car nous, socialistes, ne hiérarchisons pas les priorités !

Dans une démocratie représentative, la majorité parlementaire a toute légitimité à mettre en œuvre les engagements pris devant le peuple.

Nous nous devons d’être exemplaires. En tant qu’élus de la nation, il est de notre responsabilité de faire respecter la devise de la République : « Liberté, égalité, fraternité », rien de plus, rien de moins. (Les députés des groupes SRC, écologiste et GDR se lèvent et applaudissent vivement.)

M. le président. Pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Hervé Mariton.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Pour un rappel au règlement ? (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Nous allons, vous allez voter contre le projet de loi du Gouvernement.

Ce projet repose sur un constat erroné, oublie la famille, cellule de base de la société. Il est construit autour d’une proposition inadaptée car dogmatique avec des conséquences mal maîtrisées : la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui.

Nous, nous regardons vers l’avenir.

M. Patrick Ollier. C’est vrai !

M. Hervé Mariton. L’avenir s’écrit mieux avec notre engagement pour la famille, pour les enfants et nous continuerons notre combat.

M. Patrick Ollier. Oui, nous le continuerons !

M. Hervé Mariton. Quelles sont nos différences ?

Nous innovons avec le projet d’union civile quand vous vous enfermez dans une réponse standard.

Nous proposons une réponse pragmatique quand votre projet est dogmatique.

Nous regardons l’avenir quand vous vous enfermez dans un symbole.

Nous célébrons le mariage comme institution quand vous le ravalez au rang de contrat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous garantissons l’égalité des enfants quand vous risquez un nouveau droit à l’enfant.

Nous célébrons l’enfant comme un don quand vous le réclamez comme un dû. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous lui devons notre responsabilité quand vous le soumettez à votre liberté.

Nous parlons d’amour quand vous êtes sur la pente glissante de l’enfant objet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Claude Perez. Zéro !

M. Hervé Mariton. Nous comprenons la filiation comme naturelle et culturelle quand vous l’entendez comme essentiellement culturelle.

Nous voulons réussir l’adoption…

M. Jean-Claude Perez. Tu parles !

M. Hervé Mariton. …quand vous la fragilisez.

Nous voulons une politique familiale forte quand vous en rognez les moyens.

Nous défendons de nouveaux droits pour les personnes homosexuelles quand vous vous y êtes opposés lamentablement l’autre jour en séance.

Nous sommes cohérents et nous regardons les conséquences de la loi quand vous tentez d’esquiver et masquez mal vos contradictions envers la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous voulons une loi intelligible quand vous proposez la construction factice de l’article-balai.

Nous voulons une loi lisible. Vous allez mentir puisque vous n’osez pas corriger l’article 310 du code civil qui précise les conditions de la filiation et allez mettre les couples homosexuels dans une situation impossible.

Nous aimons les mots de père et mère quand vous torturez la langue française (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI) et vous oubliez le nom du père.

Nous assumons notre opposition quand vous vous alignez sur le Président de la République et avez masqué souvent votre propre choix. Vous-même, monsieur le président Bartolone, dans votre profession de foi il n’était pas question du mariage et de la filiation des personnes de même sexe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous voulons une voie que la France pourrait ouvrir quand vous imitez les copies inadaptées des pays à religion d’État.

Nous aimons la force et le sacré…

M. Jean-Claude Perez. Amen !

M. Pascal Deguilhem. Voilà le futur pape ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. …de la cérémonie républicaine – l’enfant doit honorer ses père et mère – quand vous la désincarnez.

Nous sommes pour la famille solidaire quand vous êtes individualistes.

Nous avons une vision charnelle de la famille quand vous êtes matérialistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous voulons transmettre au fil des générations quand vous ne connaissez que l’instant.

Nous voulons réécrire un texte plus beau, plus heureux, plus fécond quand vous voulez une loi irréversible.

Nous rassemblons quand vous clivez.

Nous voulons donner par référendum la parole aux Français quand vous la leur refusez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous sommes unis et libres quand vous êtes divisés et contraints.

M. Jean-Michel Clément. Ah bon !

M. Hervé Mariton. Nous voulons donner du sens au monde quand vous le subissez.

Pour nous, la politique est honneur quand vous êtes les greffiers d’un monde desséché. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Que serait la France sans Marcel Pagnol et son père, sans Albert Cohen et sa mère ? Oui, libérez-vous ! N’abîmez pas l’avenir de la France. La France mérite un tout autre projet. (De très nombreux députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent vivement – Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Pascal Deguilhem. Ce n’est pas le président du groupe UDI qui intervient ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais à mon tour rendre hommage à tous ceux qui, au cours de ce débat, ont défendu des positions de bonne foi. Je pense que toutes les positions de bonne foi sont respectables et qu’elles méritent d’être respectées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

C’est en conscience et dans le respect des nuances et des positions différentes des députés du groupe UDI que je m’exprime, dans le respect également des couples homosexuels qui attendent beaucoup de ce texte, mais avec la ferme conviction de la très grande majorité d’entre nous que ce projet de loi n’est pas acceptable car il remet en cause les fondements de la famille. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)

Nous avons très rarement l’occasion de débattre et de voter pour ou contre un texte qui marque autant le sens de notre engagement politique. Cela donne à chacun de nous, à chacun de nos votes, une portée particulière, une responsabilité particulière car non seulement il nous engage, mais surtout il engage toute la société. Le Président de la République ne s’est pas trompé d’ailleurs quand, il y a quelques mois, il a évoqué cette liberté de conscience.

Les débats que nous avons eus depuis plusieurs jours ont porté sur le sens que nous donnons, les uns et les autres, au mot « égalité ». Nous avions deux interprétations différentes : l’égalité pour les couples et la possibilité qui leur est donnée de fonder une famille, l’égalité pour les enfants et la chance qui leur est donnée d’avoir un père et une mère, la vérité ou la fiction, l’égalité au service des plus forts ou l’égalité au service du plus faible, le droit à l’enfant ou le droit de l’enfant.

Ce débat a été tranché dès le vote de l’article 1er, le 2 février dernier, et toutes les solutions que nous avons alors proposées comme celles de l’union civile et le statut de beaux-parents, alors même qu’elles répondaient à la réalité des situations vécues par les couples homosexuels et aux attentes de la plupart d’entre eux, ont été balayées d’un revers de la main.

Car la victoire que vous recherchiez était probablement d’abord d’ordre symbolique.

Mais ce symbole engage l’avenir bien au-delà de ce que pense la grande majorité des Français qui ne réalise peut-être pas aujourd’hui la portée de ce texte, bien au-delà de ce que vous leur avez dit et promis.

Vous créez trois nouveaux droits : celui de se marier pour les couples de même sexe, celui d’avoir des enfants – un droit à l’enfant –, celui surtout de rompre la filiation et de priver un enfant de ses origines.

Les réponses que vous devrez donner pour rendre effectifs ces droits, au-delà de l’adoption plénière déjà prévue dans le texte mais qui ne suffira pas, seront inévitablement la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui.

Malgré vos hésitations, malgré les débats et les consultations que vous nous avez promis sur le recours, ou non, à ces modes de procréation médicalement assistés, la Cour et probablement la jurisprudence européennes risquent de vous mettre rapidement, vous le savez, face à vos responsabilités.

M. Jean-Pierre Barbier. Très bien !

M. Jean-Christophe Fromantin. Vous avez refusé l’union civile, vous avez choisi le mariage. Ce choix est le vôtre, vous devrez l’assumer car le droit européen risque, je le crains fortement, de faire le reste du chemin à votre place si d’aventure vous n’osez pas aborder cette question ici devant la représentation nationale.

Faibles sont les motifs qui nous permettront, mes chers collègues, d’éviter la PMA et la GPA, ni la légitime attente des couples de même sexe, ni le sens, ni le principe d’égalité que beaucoup d’entre vous brandissent dans les débats au mépris des différences et de la richesse de ces différences.

Sachez que la quasi-totalité des députés du groupe UDI se mobiliseront avec détermination contre cette évolution qui marquerait une étape supplémentaire dans le droit à l’enfant.

Les Français ont-ils réalisé vers quoi ce texte nous emmène ? Je n’en suis pas du tout convaincu.

Votre projet de loi aboutira finalement à deux questions que poseront inévitablement les enfants : « D’où je viens ? » et « Pourquoi je n’ai pas de papa ou pourquoi je n’ai pas de maman ? » Vous estimez que ces questions ne méritaient pas de réponses. Elles sont pour nous essentielles. C’est la raison pour laquelle la majorité des députés du groupe UDI votera contre ce texte. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe Écologiste.

M. Sergio Coronado. Vingt-quatre séances, dix jours, 110 heures de débat et 4 999 amendements auront été nécessaires à l’examen du texte portant ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.

Majorité et opposition, nous avons bataillé, nous nous sommes affrontés, nous avons confronté nos arguments et défendu nos convictions. Nous avons ainsi fait la preuve que c’est dans cet hémicycle que bat le cœur de notre démocratie. C’est un acquis commun.

Après quinze pays, la France s’apprête enfin à ouvrir le mariage civil et l’adoption à des citoyennes et des citoyens qui en étaient privés du simple fait de leur orientation sexuelle.

Ce texte donne satisfaction à une revendication ancienne, apparue aux heures les plus sombres d’une pandémie qui sévit encore. Longtemps, elle fut tenue en lisière du débat politique. Le Pacs lui-même ne fut acquis qu’au prix du renoncement à cette exigence d’égalité. Le législateur d’alors crut bon d’ignorer l’histoire sociale et politique qui se déploie sous nos yeux, celle de la sortie du placard, de la volonté d’être simplement soi et des nouveaux dilemmes ouverts dès lors en matière de conjugalité et d’homoparentalité.

Il eut tort, car les arguments d’hier alimentèrent les conservatismes d’aujourd’hui.

Ce texte, chers collègues, rendra désormais possible ce qui, pour une majorité de nos concitoyens, est une évidence. Une évidence, parce que pour tout citoyen, la possibilité de se marier est un droit et une liberté. Une évidence, parce que la majorité de la population désapprouve aujourd’hui que la loi prive encore de ce droit et de cette liberté les gays et les lesbiennes.

Ce projet de loi donne corps à la belle promesse d’égalité que la République fait à chacun de ses enfants. Il permet à la majorité de renouer avec une tradition d’émancipation parfois oubliée en route.

« Changer la vie », disait-on, si je me souviens bien – et je sais que nous sommes nombreux, sur ces bancs, à partager cette ambition de la politique. Ce que nous allons voter dans quelques minutes va en effet, chers collègues, changer la vie d’hommes et de femmes tenus à l’écart de cette institution républicaine qu’est le mariage civil. Ce que nous allons voter va changer la vie de dizaines de milliers de couples qui se voient ainsi reconnus en dignité et en droits. Ce texte va changer la vie de familles et d’enfants qui n’auront plus à bricoler avec la loi. La loi désormais les protégera.

Membre de la majorité, le groupe écologiste est fier de ce que nous allons accomplir. Cette réforme ne saurait cependant se faire à nos yeux au prix d’une ultime crispation.

Vous le savez, différentes modalités pour établir le lien de filiation existent. La filiation repose en effet sur la procréation, sur l’adoption ou sur l’engendrement avec tiers donneur. La filiation d’hier n’était pas biologique, mais instituée sur le socle du mariage. Telle était d’ailleurs la volonté des codificateurs de 1804. Et la filiation de demain ne sera pas une négation de l’altérité des sexes, mais la conjugaison harmonieuse de ce qui existe déjà, lorsque le législateur ouvrira la procréation médicalement assistée aux couples de femmes.

Votre Gouvernement, monsieur le Premier ministre, a pris ici même des engagements et cette parole donnée nous engage tous.

Je voudrais, en concluant mes propos, m’adresser à Mme la garde des sceaux. Vous avez fait preuve, madame, de talent, de détermination pour porter ce texte. Nul ici ne saurait le contester. Presque neuf ans après le mariage célébré par Noël Mamère à Bègles, vous venez de faire tomber les murs d’une discrimination. Il fut à l’époque sanctionné ; vous êtes aujourd’hui célébrée et applaudie dans les rangs de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Que de chemin parcouru ! Ce n’est que justice. C’est donc un mot simple, un mot très simple qui me vient à l’esprit : merci, madame, merci d’avoir apporté votre pierre à ce bel édifice qu’est l’égalité. Dans la majorité, nous pouvons être fiers du vote que nous allons émettre. Nous pouvons aussi être fiers de compter parmi les membres de l’opposition des hommes et des femmes libres qui permettront que des couples aient accès au mariage. (Les députés du groupe écologiste et plusieurs députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, la loi sur le mariage et l’adoption par les couples de même sexe marquera l’histoire de la République.

Cette loi met fin à une discrimination vieille de plus de deux siècles. Cette loi rend justice aux homosexuels qui, de tout temps, ont été victimes d’une homophobie persistante et prégnante. Ce n’est que le 10 décembre 1981 que la dernière loi sanctionnant pénalement l’homosexualité a été abolie. Abolie par la gauche et pas par la droite ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Cette loi a été l’occasion pour la droite et pour la gauche d’opposer leurs visions de la société. D’un côté le passé, certes respectable mais qui reste le passé.

M. Lionnel Luca. Arrêtez !

M. Alain Tourret. De l’autre côté l’avenir, porté par vous monsieur le Premier ministre (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP), porté en particulier par la jeunesse de France qui croit plus que quiconque aux principes d’égalité et d’humanité.

Mais cette loi restera dans notre histoire car, pour la première fois, des amendements communs ont été signés par la droite et par le Front national. Que ce rapprochement honteux se soit fait sur une loi sociétale en dit long sur le délitement d’une certaine droite. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Le groupe RRDP, les radicaux quasi-unanimes, voteront cette loi. Mais ils ont fait valoir avec force, monsieur le Premier ministre, qu’ils s’opposeront frontalement à toute recherche de légalisation de la gestation pour autrui. Ils souhaitent, madame la garde des sceaux, que la France prenne des initiatives pour qu’une convention internationale vienne interdire et sanctionner tout recours à la gestation pour autrui.

Au cours de ces débats, les radicaux ont rappelé avec force leur attachement aux institutions républicaines, à la célébration du mariage républicain, au rôle du procureur de la République, garant des libertés et de l’état civil. Amendements présentés par les radicaux que vous avez, à droite, refusé de voter !

M. le premier ministre anglais David Cameron l’a dit : « Avec cette loi, une nation est plus forte ».

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous sommes en France !

M. Alain Tourret. M. l’ancien Premier ministre d’Espagne Zapatero l’a dit : « Avec cette loi la France sera plus républicaine. » (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

Ce sont donc les fondements mêmes de la République qui sortiront renforcés de cette loi si magistralement portée par vous, notre amie Christiane Taubira. Merci ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, GDR et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, la loi que nous allons adopter ce soir va permettre à la France de franchir une étape nouvelle dans l’égalité d’accès pour toutes et tous aux droits garantis par notre République. C’est pour moi une grande fierté de vivre ce moment.

Après un long débat, le vote de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe va donner à voir la capacité de la représentation nationale à se saisir d’aspirations nouvelles et à leur donner légitimité par la loi.

Notre assemblée s’honorera ainsi de contribuer à une avancée humaine, comme elle a su le faire lors de l’abolition de la peine de mort avec la loi Badinter, ou lors de l’autorisation de l’interruption volontaire de grossesse, avec la loi Veil.

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas le même niveau !

Mme Marie-George Buffet. Que nous dit le projet de loi soumis à notre vote ? Il nous dit que le mariage est un droit, le droit à un projet de vie partagé entre deux êtres humains, à un engagement basé sur l’amour et le respect de l’autre.

Mme Barbara Pompili. Tout à fait !

Mme Marie-George Buffet. Il nous dit qu’il n’est pas acceptable que des hommes et des femmes soient écartés de ce droit, car ils vivent ce projet, cet engagement entre personnes du même sexe.

Ce texte met fin à une discrimination. Une discrimination qui s’appuie sur un ordre, la domination patriarcale, et un code aujourd’hui dépassé, réduisant le mariage à un modèle familial unique où amour et sexualité sont liés à procréation et filiation. Un modèle qui serait, selon des orateurs de l’opposition, fondé sur la loi de la nature. Mais les droits acquis par les êtres humains leur ont permis heureusement de dépasser l’état de nature. Aujourd’hui, les femmes disposent de leurs corps et maîtrisent leur fécondité ; elles ne doivent plus enfanter dans la douleur. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) La liberté sexuelle se conjugue avec l’exigence de la non-marchandisation du corps. (« Ah ! » et « Très bien » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Écoutez, pour une fois !

Une exigence qui dicte notre refus de la gestation pour autrui, qui utilise le corps des femmes. Une exigence qui appelle aussi l’abolition de la prostitution. La famille se conjugue aujourd’hui en famille monoparentale, famille recomposée, famille homoparentale. L’amour, le projet de vie commun se sont libérés d’un modèle unique, et c’est bien ! Car en en finissant avec l’hypocrisie, bien des frustrations, bien des souffrances sont levées.

Le projet de loi ouvre aussi, en lien avec le mariage, le droit de fonder famille, en instaurant l’adoption pour tous les couples. Contrairement à ce qui a été dit par les opposants au projet, il ne s’agit pas d’un « droit à l’enfant » (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP) mais, au contraire, d’ouvrir les mêmes droits à tous les enfants, quel que soit le foyer au sein duquel ils vivent. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, RRDP et écologiste.)

Car ce qui importe le plus pour les enfants, c’est bien l’amour qui les entoure, la démarche éducative comme la protection accordée par leurs parents : permettez-moi de penser que tout cela ne dépend pas de l’identité sexuelle de ces derniers.

Permettre l’adoption pour les couples homosexuels comme hétérosexuels, appelle que la France ne se plie pas aux exigences conservatrices de certains pays mais, au contraire, agisse au plan international, lors des conventions bilatérales et des sommets internationaux, contre l’homophobie d’État.

Nos collègues de l’opposition ont, tout au long du débat, opposé les droits des enfants à ce projet de loi, mais ce projet est une avancée pour les droits des enfants ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il lève toute instabilité pour leur avenir en leur permettant d’avoir des parents dont la responsabilité est reconnue à part entière. Si des enfants, parfois, souffrent du regard extérieur, n’est-ce pas justement parce que la loi ne leur permet pas de vivre à égalité avec les autres enfants ?

Mme Marie-Odile Bouillé. Tout à fait !

Mme Marie-George Buffet. La loi qui nous est soumise ce soir leur permet d’avoir des parents de plein droit pour être des enfants de plein droit.

Ce dont nous décidons par ce vote, c’est en fait de notre capacité à vivre ou non ensemble, à gagner ou non en humanité par la pleine égalité et la liberté de chacun.

L’Assemblée n’a pas retenu l’inscription dans cette loi de la PMA, le Gouvernement s’est engagé à l’inscrire dans la « loi famille » à venir. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.) Le débat permettra alors, je l’espère, de répondre aux attentes légitimes de toutes les femmes.

Mesdames les ministres, merci à vous pour la qualité de vos apports et pour votre engagement.

Merci aussi à tous ceux qui ont défendu leurs convictions avec sincérité.

Chers collègues, il y a des rendez-vous à ne pas manquer. La loi que nous allons adopter ce soir peut permettre à des hommes, des femmes et des enfants de vivre enfin un vrai bonheur dans la plénitude de leurs droits. C’est la raison pour laquelle les députés du Front de gauche voteront ce projet de loi. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, RRDP et écologiste.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 568

Nombre de suffrages exprimés 558

Majorité absolue 280

(Le projet de loi est adopté.)

(Mmes et MM. les membres des groupes SRC, GDR, RRDP et écologiste se lèvent, applaudissent longuement et scandent « Égalité ! Égalité ! ».)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mesdames et messieurs les députés, après ce vote solennel vous nous avez permis de franchir une étape. Ce n’est pas la dernière, mais elle est extrêmement importante. Après le Premier ministre, je voudrais remercier les présidents des quatre groupes de la majorité et les quatre responsables du texte pour leur engagement constant sur ce texte.

Je voudrais aussi exprimer ma gratitude aux députés de la majorité qui furent constamment nombreux, actifs, qui m’envoyaient une très belle énergie. Je veux saluer les députés de l’opposition, en particulier ceux qui, du premier au dernier jour, ont bataillé avec une très belle ténacité. C’est parce que chacun des députés ici a montré avec quel sérieux il considérait cet effort que nous avons réussi à élever le débat à cette hauteur.

Merci très chaleureusement à Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, si présente, si impliquée, si combative. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Merci à Alain Vidalies, pour sa présence vigoureuse et efficace. (Mêmes mouvements.) Merci à vous, monsieur le président de l’Assemblée et aux vice-présidents, pour avoir si bien su tenir ces séances. (Mêmes mouvements.) Merci à tous pour ces jours et ces nuits passés ensemble. (Rires sur de nombreux bancs.) Merci pour ces sourires, pour ces rires, pour ces confrontations aussi, convictions contre convictions.

Les protections et les sécurités que promet ce texte concernent évidemment les conjointes et les conjoints mais, par-dessus tout, les enfants. En cas de séparation, le juge pourra s’en mêler, il pourra donc protéger la plus vulnérable ou le plus vulnérable des conjointes ou conjoints mais, surtout, préserver l’intérêt des enfants.

Je reviens rapidement sur l’outre-mer pour rappeler que c’est au nom de la liberté, des libertés individuelles que les Marrons se sont insurgés, que les esclaves se sont rebellés, et que Louis Delgrès a proclamé que la lutte contre l’oppression était un droit naturel. Les collectivités d’outre-mer n’ont donc aucune raison ni historique ni culturelle d’être en retrait sur les libertés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, ainsi que sur de nombreux bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

Évidemment, il y a des choses que ce texte ne pourra pas accomplir. Notamment, il ne supprimera pas les jeux amoureux ni chez les hétérosexuels ni chez les homosexuels. (Rires sur de nombreux bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Il restera toujours beaucoup de femmes pour vous regarder, messieurs, pour vous observer, pour essayer de percevoir, sous vos carapaces, la tendresse qui parfois vous habite (Rires et applaudissements sur les mêmes bancs.), pour essayer de percer les défauts qui se cachent parfois sous des dehors affables et pour discerner dans l’entrelacs de vos talents et de vos faiblesses si vous êtes capables de « tracer des chemins sur la mer », comme l’écrivait Antonio Machado. Et, une fois qu’elles vous auront jaugés, les femmes décideront soit de vous faire languir, soit de vous séduire. (Sourires sur les mêmes bancs.) Ce texte n’y pourra rien : vous serez toujours soit en grâce, soit en péril. (Mêmes mouvements.)

En définitive, ce projet de loi nous a conduits à penser autrui, à consentir à l’altérité. Penser autrui, disait Emmanuel Levinas, relève de l’irréductible inquiétude pour l’autre. C’est ce que nous avons fait tout au long de ce débat. (Les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent vivement et longuement.)

3

Coprésidence paritaire
pour les groupes politiques

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale afin d’instaurer la faculté pour les groupes politiques de se doter d’une coprésidence paritaire (nos 484, 651).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Barbara Pompili pour le groupe Écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le Président, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, il est difficile, après un moment aussi fort, de passer à la suite. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Nous allons tout de même continuer à parler d’égalité.

J’ai l’honneur – car c’en est réellement un – de vous appeler à voter la proposition de résolution déposée par l’ensemble des députés écologistes, qui vise à adapter le règlement de l’Assemblée à deux impératifs qui nous sont chers : la collégialité dans l’animation des groupes politiques et la parité.

Reconnaissons-le, ce texte n’a pas la portée du texte précédent, nos travées dégarnies en sont la preuve. Nous nous apprêtons pourtant à modifier un document qui a souvent été brandi ces derniers jours. De quoi s’agit-il, et pourquoi voulons-nous donc changer le texte de ce petit livre violet devenu familier aux internautes qui ont suivi nos débats ?

Alors que les écologistes ont, depuis le mois de juin dernier, fait le choix d’une coprésidence paritaire de leur groupe, que j’exerce avec François de Rugy, le règlement de l’Assemblée ne connaît, dans sa rédaction actuelle, qu’un seul et unique président pour les groupes politiques. C’est doublement dommageable. D’une part, en effet, le fonctionnement de cette coprésidence informelle n’est possible, en pratique, qu’en bricolant, en marge du règlement, ce qui n’est pas très satisfaisant et pourrait un jour être source d’incertitude juridique. D’autre part, en droit strict, les groupes qui souhaitent être coprésidés sont contraints de s’en remettre à un pis-aller : la présidence alternée. Ainsi, sur le plan juridique, seul François de Rugy a été président du groupe écologiste jusqu’au 14 janvier 2013, date à partir de laquelle je lui ai succédé.

Cinquante-cinq ans après la fondation de la Ve République, je suis ainsi la première femme présidente en titre d’un groupe politique à m’exprimer devant vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.) J’ai eu l’occasion de le souligner lors de la discussion du texte que nous vous proposons, je ne tire aucun titre de gloire de cette bizarrerie, bien au contraire : la présidente que je suis vient vous appeler à faire en sorte que ce statut puisse être, pour les groupes politiques qui en feront le choix, tout simplement partagé, et que la parité puisse ne pas être une simple option résultant de situations successives, mais bien une réalité permanente.

J’ai lu qu’un de nos collègues centristes s’était ce matin offusqué de ce projet devant la presse : un artifice pour régler les problèmes de ménage entre Pompili et de Rugy, a-t-il élégamment commenté.

M. Régis Juanico. Des noms !

Mme Barbara Pompili. Eh bien j’engage M. Jean-Christophe Lagarde – qui n’est pas présent – à discuter avec Mme Sonia Lagarde – la seule femme députée de son groupe – non pour régler une question de ménage, comme il dit, mais pour prendre un peu en compte son avis, qu’elle a courageusement exprimé au cours de nos débats, et en fonction duquel elle soutient ce texte. Mme Lagarde a en effet bien compris que c’est avec de petites avancées qu’on facilitera progressivement, pour les femmes et pour les personnes jeunes, l’accès à de réelles responsabilités politiques.

Nos débats en commission puis dans l’hémicycle nous ont permis de répondre aux objections légitimes qui avaient pu naître ici ou là : faire de cette ambition de la collégialité et de la parité assurées une règle conforme à notre règlement, sans la rendre unique et obligatoire pour tous, bref, inscrire l’innovation dans notre fonctionnement. C’est cela que nous allons faire aujourd’hui.

Cette volonté de changer concrètement les règles de la vie politique se traduit dans de nombreuses décisions mises en œuvre par la majorité présidentielle : composition paritaire du Gouvernement, efforts de transparence sur les revenus et les moyens de fonctionnement des élus, réforme de la réserve parlementaire, désormais équitable et bientôt transparente.

Il y aura d’autres étapes, d’autres rendez-vous auxquels les écologistes seront présents. François de Rugy et moi-même nous en entretiendrons dans quelques minutes avec le Premier ministre dans le cadre de ses consultations sur la réforme constitutionnelle annoncée par le Président de la République.

Sur l’indépendance de la justice, sur le non-cumul des mandats, sur le droit de vote des étrangers aux élections locales, nous lui dirons notre engagement et notre disponibilité. Toutes ces réformes seront des réformes communes, qui caractérisent une République moderne, ouverte et en phase avec la société.

Au-delà, il y a des modes de fonctionnement qui appartiennent à chacun, qui sont en quelque sorte inscrits dans l’ADN politique de chacune des composantes de cette assemblée. La coprésidence paritaire est aux yeux des écologistes un facteur de modernisation politique ; elle appliquée au Parlement européen et nos collègues du Bundestag, nous l’avons constaté il y a quelques jours, l’ont également adoptée.

En approuvant notre proposition, vous ne ferez pas du mode de fonctionnement choisi par le groupe écologiste une règle à laquelle chaque groupe devra se plier. Vous vous contenterez d’ouvrir un droit, vous rendrez ce mode de fonctionnement pleinement légitime. Vous lui assurerez une stabilité réglementaire et juridique, utile à tous, et en premier lieu à l’administration de l’Assemblée. C’est la raison pour laquelle je vous invite à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, proposer la modification du règlement de notre assemblée n’est jamais une démarche anodine. S’il en était besoin, l’importance du règlement s’est rappelée à nous au cours des débats qui ont eu lieu dans l’hémicycle ces quinze derniers jours. Brandi lorsqu’il s’agit de revenir au bon déroulement des débats, utilisé pour savoir avec précision quelles sont les prérogatives de l’un ou l’autre des organes qui animent notre assemblée, examiné après chaque modification par le Conseil constitutionnel pour en apprécier la conformité avec la Constitution, le règlement est évidemment la pièce essentielle sur laquelle reposent l’organisation et le fonctionnement de notre institution.

Cette pièce doit cependant évoluer, comme elle peut contribuer à faire évoluer les autres textes qui régissent nos institutions. Les groupes parlementaires ont pour la première fois été reconnus et institutionnalisés dans notre règlement en 1910, alors qu’il s’agissait de régler le problème crucial de la composition des commissions permanentes. Les groupes parlementaires ne se doteront d’un statut constitutionnel qu’en 1946, pour le perdre en 1958, et le retrouver un demi-siècle plus tard, à la faveur de la réforme constitutionnelle de 2008.

Les groupes parlementaires sont la condition sine qua non de la représentation démocratique qui incombe aux assemblées parlementaires. Ils permettent, par le regroupement qu’ils opèrent des élus partageant la même sensibilité, de rendre plausible l’adoption ou le rejet d’un texte avant que le scrutin ait lieu. Ce qui est un gage de transparence dans l’acte de représentation et l’assurance d’une efficacité accrue dans l’action publique.

C’est pour cela que les présidents de groupe, qui les représentent à l’intérieur et à l’extérieur de l’hémicycle, ont des prérogatives et des pouvoirs nominaux. La proposition de résolution déposée par le groupe écologiste a ainsi, principalement, pour objet de « partager les responsabilités » et de « reconnaître une culture plus collective de l’exercice du pouvoir », tout en organisant une solidarité entre deux présidents d’un même groupe : une présomption irréfragable d’accord entre les deux coprésidents existerait, sauf pour l’acte constitutif par excellence, l’adhésion, l’apparentement ou l’exclusion d’un député.

Cette présomption est évidemment la conséquence logique du fonctionnement de l’Assemblée : comme je l’ai rappelé, le président représente son groupe, il en est l’incarnation. Deux coprésidents ne peuvent être qu’un président à deux têtes. Quant à un éventuel désaccord entre les deux coprésidents, il ne pourrait être réglé « que par la voie politique », pour reprendre les propos tenus en commission des lois le 23 janvier par notre collègue Barbara Pompili, présidente en titre du groupe écologiste depuis le 14 janvier. En effet, selon vous, ma chère collègue, « il n’appartient pas au règlement de l’Assemblée nationale de s’immiscer dans le fonctionnement des groupes pour prétendre, à l’avance, faire face à d’éventuels différends ». Je suis en tous points d’accord avec vous, mais ne peut-on renverser l’argument et répliquer, par symétrie, qu’il n’appartient pas à un groupe politique de faire institutionnaliser par le règlement une pratique politique qui lui est propre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Car cette coprésidence serait paritaire, et c’est en cela que cette proposition de résolution trahit, d’une certaine manière, son origine. Je suis bien évidemment favorable à une meilleure représentation des femmes à l’Assemblée nationale et à un meilleur partage des responsabilités politiques en son sein. Malheureusement, cette coprésidence facultative mais obligatoirement paritaire risque de faire peu d’émules. Elle reste, cependant, intéressante. Elle peut constituer une soupape…

M. Lionel Tardy. Ce n’est pas le rôle du règlement de servir de soupape !

Mme Dominique Orliac. …et permettre d’éviter la scission d’un groupe en installant à sa tête deux coprésidents qui partageraient ainsi les responsabilités qui leurs échoient. Si elle avait trouvé à s’appliquer il y a quelques mois, le groupe UMP aurait peut-être échappé à la constitution du groupe RUMP.

Pour cette raison, et dans la continuité de ce qu’avait déclaré notre collègue Alain Tourret en commission des lois, le groupe RRDP ne s’opposera pas à l’adoption de cette résolution, même s’il doute fortement de son applicabilité.

L’expérience menée par le groupe écologiste est intéressante, je le répète, mais l’empirisme a des limites, surtout dans cette enceinte : si une modification du règlement peut aider le groupe écologiste à mieux fonctionner, sans nuire à l’organisation des autres, alors pourquoi pas ?

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, notre groupe est engagé depuis longtemps dans le combat pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes. Il comprend donc l’esprit de ce texte, qui propose d’offrir aux groupes qui le souhaitent la possibilité de se doter d’une coprésidence constituée d’un homme et d’une femme. Si nous comprenons aussi le souhait des auteurs de la proposition de faire reconnaître pleinement la coprésidence de leur groupe, nous estimons cependant qu’il n’est ni nécessaire, ni opportun, de modifier le règlement de notre assemblée.

M. Lionel Tardy et M. Philippe Cochet. Bravo !

M. Marc Dolez. Les exemples qui ont été avancés, celui du Bundestag et celui du Parlement européen, sont probants à cet égard, puisque les coprésidences n’y sont pas nécessairement paritaires et ne résultent pas d’une modification du règlement de ces assemblées, mais d’une convention.

Nous considérons également, comme l’a excellemment démontré le président de la commission des lois, qu’il n’appartient pas au règlement de l’Assemblée nationale de régir le fonctionnement interne des groupes, prolongements des partis politiques, dont l’indépendance et la liberté sont garantis par la Constitution. Nous craignons enfin que, dans la pratique, la coprésidence d’un groupe ne constitue immanquablement une source de dysfonctionnement, des droits spécifiques et des prérogatives étant accordés aux présidents de groupes.

Le texte propose, certes, de présumer l’accord entre les deux coprésidents et de privilégier le règlement politique d’éventuels différends, l’accord conjoint n’étant requis que pour l’adhésion, l’apparentement ou la radiation du groupe. Il n’en est pas moins probable que des désaccords entre coprésidents auraient des conséquences directes sur le fonctionnement de l’Assemblée nationale.

Compte tenu de ces différentes réserves, les députés du Front de Gauche s’abstiendront sur cette proposition de résolution.

M. Nicolas Sansu. Très bien !

M. Franck Gilard. C’est très dur !

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Dominique Raimbourg pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Raimbourg. Monsieur le président, mes chers collègues, après avoir un peu hésité, le groupe SRC va finalement voter pour cette proposition de résolution.

Si nous avons hésité, c’est parce que nous nourrissions plusieurs craintes. La première était que cette proposition, par le poids idéologique que représente le thème de la parité, ne s’impose avec force à tous. La deuxième crainte était évidemment celle de l’excès de réglementation. La troisième, c’était de voir, comme l’a dit notre collègue Marc Dolez, l’Assemblée nationale imposer sa loi aux groupes politiques. La quatrième crainte, enfin, nous était plus personnelle. Les groupes politiques sont des appareils fragiles, qui comptent une majorité, une minorité et des sensibilités différentes, et nous avons craint, pendant un moment, qu’une présidence collégiale ne nous amène à une cohabitation entre un courant majoritaire et un courant minoritaire.

Puis, la réflexion aidant, nous avons abouti à d’autres considérations. Nous avons d’abord remarqué que ce texte constitue une avancée incontestable en matière de parité – et nous avons bien besoin de ce type d’avancées. Il constitue également une avancée en matière de direction collégiale. Or, dans une Ve République où le Président de la République a tendance à concentrer beaucoup de pouvoir entre ses mains, c’est une bonne chose d’expérimenter des modes de direction collégiaux. L’examen du texte nous a démontré, enfin, que celui-ci n’avait pas de caractère obligatoire, qu’il s’agissait d’une résolution et qu’il exprimait seulement un souhait, celui de nous voir avancer, en donnant à chaque groupe politique la possibilité de faire, ou non, un pas en avant, et même de le différer dans le temps.

En conséquence, et parce que la question du règlement doit aussi faire l’objet d’une réflexion menée par la présidence de notre assemblée, le groupe SRC votera en faveur de cette résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, vous m’excuserez de ne pas monter à la tribune, mais franchement, ce texte n’en vaut pas la peine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

La proposition de résolution sur laquelle nous sommes appelés à nous prononcer cet après-midi vise à modifier le règlement de l’Assemblée nationale, afin de permettre aux groupes politiques de se doter d’une coprésidence. C’est un texte d’affichage, qui est mal ficelé juridiquement, mais qui offre une belle exposition médiatique, puisqu’il paraît promouvoir la parité.

M. Henri Jibrayel. Vous n’avez aucun respect pour la République !

M. Lionel Tardy. Il n’y a là rien d’étonnant, venant du groupe écologiste, qui s’est fait une spécialité de ce genre de proposition. Ce texte, le premier du groupe écologiste examiné à l’Assemblée nationale, donne une bonne idée des priorités de ce groupe, alors que nous sommes en pleine crise économique.

M. Michel Vergnier. Goujat !

M. Lionel Tardy. Ce qui nous a surpris, sur les bancs de l’opposition, c’est la position du groupe socialiste.

Mme Chaynesse Khirouni. Regardez le nombre de femmes sur vos bancs !

M. Lionel Tardy. Après avoir rejeté ce texte en commission sans la moindre hésitation, il annonce finalement en séance, par une volte-face inattendue, qu’il votera ce texte. Chercher la cohérence dans ce vote est sans doute inutile, car il n’y en a pas.

Le vote de ce texte est seulement le résultat d’une négociation de couloir et de la stratégie du donnant-donnant : le groupe majoritaire a baissé pavillon face à un allié turbulent, pour mieux retoquer, dans la même journée, le texte relatif à l’application du principe de précaution aux ondes électromagnétiques, ce dont nous nous félicitons du reste, tant ce texte était, lui aussi, mal ficelé.

M. Henri Jibrayel. Provocateur !

M. Lionel Tardy. Depuis le début de cette législature, on se demande s’il y a un pilote dans l’avion. Avec ce texte, une fois encore, force est de constater que non.

Mes chers collègues, la proposition de résolution qui est aujourd’hui soumise au vote est un texte bancal, très probablement non conforme à la Constitution, et qui n’était pas nécessaire : c’est le sens de l’argumentation, remarquablement développée en séance par le président de la commission des lois lui-même, et à laquelle le groupe UMP adhère totalement.

Ce texte est certes rempli de bons sentiments et vise un objectif, la parité, que nous partageons,…

Mme Barbara Pompili. On en a la preuve en regardant vos bancs !

M. Lionel Tardy. …mais il est techniquement inopérant, et c’est finalement ne pas rendre service à la cause que l’on prétend faire avancer, que de présenter un texte aussi mal ficelé.

Le groupe UMP votera donc contre ce texte d’affichage, essentiellement destiné à permettre à un groupe minoritaire de soigner son image. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Mme Sonia Lagarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, si certains ne veulent pas monter à la tribune, pour ma part, j’y monte avec beaucoup de conviction, croyez-moi. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Il y a deux manières de lire le projet de résolution qui est aujourd’hui soumis au vote de notre assemblée. Derrière les apparences, celles d’une simple modification technique du règlement de notre Assemblée, c’est une question de fond qui se pose, celle de la parité, c’est-à-dire de la place des femmes dans le fonctionnement de notre institution parlementaire et, plus largement, de la place qui leur est faite dans la République.

Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est de permettre aux groupes politiques constitués au sein de notre assemblée de se doter, à rebours des usages en vigueur, d’une coprésidence paritaire. Mais cette réforme renvoie en réalité à un débat de plus grande ampleur, celui de savoir s’il faut se contenter de proclamer l’égalité entre les hommes et les femmes, puis d’attendre patiemment l’avènement de la parité, ou s’il faut mobiliser toute la force de la loi pour hâter notre marche vers la complète réalisation de cet objectif.

Mme Laurence Dumont. Combien y a-t-il de femmes à l’UDI ?

Mme Sonia Lagarde. À la question que je pose, le constituant a déjà répondu par deux fois, en 1999 et en 2008, lorsqu’il a inscrit dans notre loi fondamentale que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

Depuis 1999, les gouvernements et les majorités qui se sont succédé, quoique de sensibilités politiques différentes, ont poursuivi la mise en œuvre de dispositifs contraignants, destinés à permettre aux femmes de jouer enfin tout leur rôle, non seulement dans notre vie politique, mais aussi, plus récemment, dans les conseils d’administration des grandes entreprises et dans la haute fonction publique.

Ce texte, qui s’inscrit dans leur sillage, a les défauts de ses qualités. Sa principale qualité, c’est qu’en faisant de la coprésidence paritaire une possibilité, il privilégie la souplesse et renvoie la question de la parité à la responsabilité de chaque groupe politique. Mais on sait, malheureusement, de quel côté penche la balance de certaines formations politiques, lorsque la parité relève d’un simple choix.

Mes chers collègues, la question qui nous est posée aujourd’hui est bien celle-ci : en avons-nous fait assez pour la parité ?

M. Alain Suguenot. On a fait le mariage !

Mme Sonia Lagarde. En avons-nous fait assez, alors qu’il manque plus de cent femmes sur nos bancs pour que la représentation nationale soit réellement paritaire ? Le constat s’impose à nous de manière flagrante : en dépit d’avancées chèrement acquises, dont certaines ont été déterminantes, la stricte parité, l’égalité entre les femmes et les hommes, reste encore aujourd’hui à conquérir. Nous ne sommes que 26 % de femmes dans cet hémicycle, et la situation est encore pire au Sénat, puisqu’on ne compte que 22 % de sénatrices.

Comme je l’ai déjà souligné dans une précédente intervention, ces chiffres attestent à la fois de la lente progression de la parité à l’Assemblée nationale – au rythme où nous allons, la parité ne serait effective que dans quinze ans –, mais surtout du travail qu’il nous reste à accomplir pour faire évoluer les mentalités.

Cela étant dit, le groupe UDI regrette que cette proposition de résolution vise à régler un problème interne au groupe écologiste, comme nous l’a expliqué tout à l’heure Barbara Pompili.

M. Jean-Luc Reitzer. Eh oui !

Mme Sonia Lagarde. C’est pour cette raison qu’une grande majorité de notre groupe ne participera pas au vote. Quant à moi, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer ici sur ce sujet, et c’est avec une profonde conviction que je voterai en faveur de cette proposition de résolution, à la fois en tant que députée de la nation et en tant que femme qui ne renonce pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et sur quelques bancs du groupe UDI.)

Mme Chaynesse Khirouni. Bravo !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix la proposition de résolution.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 388

Nombre de suffrages exprimés 368

Majorité absolue 185

(La proposition de résolution est adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Dépôt du rapport annuel
de la Cour des comptes

M. le président. L’ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.

Je souhaite, en votre nom à tous, la bienvenue au Premier président de la Cour des comptes.

Vous le savez, monsieur le Premier président, le contrôle et l’évaluation occupent une importance croissante dans nos activités. Les députés se sont particulièrement investis dans le suivi de l’exécution des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

M. Dominique Baert. C’est vrai !

M. le président. Dans ces domaines, l’institution que vous présidez assiste le Parlement, selon les termes mêmes de la Constitution, et les commissions des finances et des affaires sociales, mais aussi le Comité d’évaluation et de contrôle, ne peuvent que se féliciter de travailler aussi régulièrement avec la Cour.

Cette collaboration prend cette année une dimension particulière puisque désormais les comptes de l’Assemblée nationale seront certifiés par la Cour des comptes.

Je me réjouis tout particulièrement de cette réforme décisive qui illustre une nouvelle fois, s’il en était besoin, notre souci constant de garantir la transparence de notre fonctionnement, et qui ouvre une nouvelle étape dans les relations privilégiées qu’entretiennent nos deux institutions.

Au-delà de nos échanges quotidiens, les rapports publics, s’ils contribuent naturellement à l’information du Parlement, sont progressivement devenus une mine d’information de nos concitoyens, la publicité méritée que lui donnent les médias en atteste.

Vous comprendrez dès lors que, chaque année, le dépôt de ce rapport devant la représentation nationale soit un moment particulièrement important.

Nouvelle manifestation de l’intérêt que l’Assemblée nationale porte au rapport public, la Conférence des présidents réunie ce matin a souhaité lui donner un prolongement en prévoyant un débat qui lui serait spécifiquement consacré et qui pourrait avoir lieu au cours de la semaine de contrôle du 18 mars.

Monsieur le Premier président, je vous donne maintenant la parole.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président, j’ai l’honneur de vous présenter le rapport public annuel de la Cour des comptes, en application de l’article L. 143-6 du code des juridictions financières.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, c’est pour moi un plaisir – et toujours un moment d’émotion – de présenter le rapport public annuel de la Cour des comptes à la représentation nationale.

Ce rituel a des racines anciennes dans l’histoire du Parlement et de la Cour : il a été instauré en 1832. Il prend aujourd’hui un sens renouvelé, car les évolutions récentes ont considérablement rapproché la Cour du Parlement, afin de lui permettre de l’assister dans le contrôle de l’action administrative, de l’exécution du budget de l’État, dans l’appréciation de la situation et des perspectives des finances publiques, dans l’amélioration de la qualité des comptes publics à travers ses missions de certification et bien sûr, dans l’évaluation des politiques publiques.

Ce travail pour le Parlement représente un enrichissement considérable de nos missions dans le respect du rôle de chacun – pour vous de décideur, pour nous d’expert – et de notre liberté de programmation, afin que nous puissions assumer nos missions en toute indépendance.

Je me réjouis de voir que les rapports qui vous sont livrés, par les observations et les recommandations qu’ils contiennent, alimentent les travaux de vos commissions. Vous pouvez compter, mesdames et messieurs les députés, sur notre concours, sachant que le dernier mot vous revient, comme il se doit.

Le rapport public annuel est notre publication emblématique. Il illustre notre mission d’information du citoyen qui est inscrite dans la Constitution. Cette mission est également remplie, tout au long de l’année, par la publication de rapports et de référés sur des sujets variés, en complément de celui-ci.

Le rapport public de cette année traite quarante-cinq sujets. Le premier répond à la préoccupation constante de la Cour d’éclairer sur la situation de nos finances publiques et de contribuer à leur redressement.

La Cour fait deux constats sur la situation des finances publiques. Le premier est que le redressement des comptes engagé en 2011 s’est poursuivi et a progressé en 2012. Mais une partie toujours importante du chemin reste à faire. C’est pourquoi l’effort entrepris doit être poursuivi sans relâchement.

En 2009, le déficit public avait atteint le niveau historique de 7,5 % du PIB, dont seule une partie limitée était directement imputable aux effets de la crise. Ce niveau de déficit a placé la France dans une situation très préoccupante, en raison de la forte progression de sa dette. Le respect par la France des engagements pris devant ses partenaires européens en 2011 et en 2012 constitue un progrès certain. Il contribue à expliquer la faiblesse des taux d’intérêt dont bénéficie, pour le moment, la France.

Ce début de redressement d’une crédibilité profondément dégradée demeure toutefois fragile. Malgré les mesures supplémentaires prises l’été dernier, le risque que le déficit pour 2012 se révèle un peu plus élevé que l’objectif, fixé à 4,5 % du PIB, ne peut être écarté, en raison de l’effet sur les recettes de la dégradation de la conjoncture. Mais l’effort structurel de réduction du déficit en 2012 a été très significatif : il devrait représenter 1,4 point de PIB.

Toutefois, selon toute vraisemblance, la situation relative de la France en 2012 sera restée moins bonne que la moyenne de la zone euro. Cela est particulièrement vrai par rapport à l’Allemagne qui a quasiment retrouvé l’équilibre de ses comptes publics.

Le deuxième constat de la Cour est que les mesures annoncées pour 2013 représentent un effort considérable, et même sans précédent. Cependant, l’objectif de déficit effectif de 3 % n’a que peu de chances d’être atteint, en raison notamment d’un niveau de croissance vraisemblablement inférieur aux prévisions.

Les prévisions de recettes du Gouvernement pour 2013 sont probablement trop favorables, en raison notamment de la fragilité du scénario macroéconomique retenu.

M. Lionel Tardy. Nous n’avons pas cessé de le dire !

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Une hypothèse de croissance de 0,8 % apparaissait déjà optimiste au moment du débat budgétaire. Elle est désormais supérieure d’au moins un demi point de PIB à la plupart des prévisions économiques les plus récentes, qu’elles viennent du FMI, de la Commission européenne, de l’OCDE ou des instituts de conjoncture.

L’atteinte d’un objectif de déficit effectif peut soulever des difficultés importantes dans un contexte de stagnation économique prolongée. L’effet récessif des mesures de redressement, lorsqu’elles s’accumulent et sont mises en œuvre simultanément dans plusieurs États à la fois, ne peut être négligé.

Cela ne signifie pas que le déficit effectif et son évolution soient sans importance, car ils contribuent à l’accroissement de la dette, mais il doit également y avoir place, dans l’analyse, pour un raisonnement complémentaire, que privilégient d’ailleurs le nouveau traité européen et la loi organique du 17 décembre 2012.

Ces textes conduisent les États à viser des objectifs de déficit structurel, c’est-à-dire de déficit calculé indépendamment de l’effet de la conjoncture économique. Pour faire face à leurs engagements, les États fixent chaque année un effort structurel qu’ils doivent réaliser par la hausse des recettes et/ou la maîtrise des dépenses.

Pour l’année 2013, les augmentations de recettes et les économies sur les dépenses programmées représentent un effort de 38 milliards d’euros, soit presque deux points de PIB. Un tel montant n’a jamais été réalisé dans l’histoire récente de notre pays. À condition de réaliser concrètement cet effort, la France serait en mesure de tenir ses engagements en termes de déficit et d’effort structurels.

Selon toute vraisemblance, le respect de l’objectif effectif des 3 % appellerait quant à lui de nouvelles et importantes mesures d’ajustement.

Dans ce contexte, la Cour considère qu’il y a nécessité, pour les autorités responsables de l’Union européenne, de préciser le poids respectif qu’il importe de donner aux critères de solde effectif et de solde structurel. Elle invite les politiques à choisir quel critère ils entendent privilégier, sachant que les deux ont un sens et une importance.

En tout état de cause et quelle que soit l’évolution de la situation économique, la Cour insiste – et c’est son premier message de fond – pour que l’effort structurel programmé en 2013 soit effectivement et intégralement réalisé.

Or la Cour constate que la réalisation des deux points de PIB d’effort structurel n’est pas totalement assurée en raison d’incertitudes sur le produit des recettes ainsi que sur la réalisation des mesures d’économies sur les dépenses.

M. Lionel Tardy. Et oui !

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Concernant les recettes, la Cour estime que le Gouvernement a retenu des hypothèses d’élasticité du produit des impôts à la croissance trop favorables. La Cour avait déjà fait un constat identique en 2012. Si des hypothèses plus prudentes étaient retenues, les recettes publiques pourraient être, par exemple, inférieures de près de cinq milliards d’euros aux prévisions actuelles.

Par ailleurs, les dernières lois financières ont introduit de très nombreuses mesures fiscales nouvelles : la Cour en a répertorié soixante-dix ayant chacune un impact sur l’exercice 2013 supérieur à cent millions d’euros. La multiplicité de ces mesures rend l’évaluation de leur produit d’ensemble fragile, le rendement de chacune d’entre elles étant susceptible d’influencer celui d’autres. En outre, il en résulte une complexification et une instabilité accrue de notre système fiscal qui peut être préjudiciable aux entreprises et aux investisseurs.

L’augmentation des dépenses de l’État votée pour 2013 est de 1,2 milliard d’euros par rapport aux dépenses exécutées en 2012. Cet objectif apparaît moins ambitieux qu’en 2012, où les dépenses avaient été réduites de 2,1 milliards d’euros par rapport à l’exécution de l’année précédente. Encore le respect de cet objectif pour 2013 suppose-t-il de réaliser effectivement les économies nécessaires pour contenir la croissance tendancielle des dépenses.