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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 13 février 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Filière aluminium

Mme Michèle Bonneton

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Filière automobile

M. Philippe Vigier

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Pacte national pour la croissance, la compétitivité et L’emploi

M. Laurent Grandguillaume

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Réponses du Gouvernement

M. Christian Jacob

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Réforme des rythmes scolaires

M. Michel Terrot

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Plan d’aide à la relocalisation d’entreprises

M. Patrice Prat

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Rapport de la Cour des comptes

Mme Valérie Pecresse

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Retraite des salariés agricoles

M. Jean-Philippe Nilor

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Accord interprofessionnel sur l’emploi

M. Jean-Pierre Decool

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Stratégie nationale de santé

M. Christian Paul

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Francophonie

M. Jacques Krabal

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée chargée de la francophonie

Grand Paris

M. David Douillet

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Emploi des jeunes à La Réunion

Mme Monique Orphé

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Entreprises du bâtiment

M. Julien Aubert

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme

Dépendance

M. Jean-Luc Drapeau

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

2. Séparation et régulation des activités bancaires

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale (suite)

M. Thomas Thévenoud

M. Guénhaël Huet

M. Alain Fauré

Mme Frédérique Massat

M. Yves Censi

M. Marc Goua

M. Jean-Luc Laurent

M. Razzy Hammadi

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. 

Discussion des articles

Avant l’article 1er

Amendement no 163 deuxième rectification

Mme Karine Berger, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendement no 14

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Laurent Baumel

Suspension et reprise de la séance

Article 1er

M. Éric Alauzet

M. Jean-Jacques Cottel

M. Jean Launay

M Gwenegan Bui

Mme Corinne Narassiguin

Mme Anne-Yvonne Le Dain

M. Charles de Courson

M. William Dumas

M. Michel Liebgott

Mme Sandrine Mazetier

M. Christian Paul

M. Pierre-Alain Muet

Amendements nos 110, 250, 302, 251, 142, 178, 343, 202, 73, 252, 143, 79, 109, 310, 78, 75, 74, 111, 126, 108 rectifié, 127, 144, 97, 13, 107, 179, 289, 58, 214, 316, 318

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe écologiste.

Filière aluminium

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse au ministre du redressement productif.

Dans un contexte industriel et de l’emploi difficile, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur la filière de l’aluminium et ses alliages, qui est stratégique dans l’aéronautique, les transports, l’isolation thermique, etc.

Certes, l’aluminium dispersé dans l’environnement a des effets négatifs incontestables : il est source de pollution et a des conséquences néfastes sur la santé. Des progrès sont à faire dans ce domaine. Néanmoins, il présente un avantage certain, celui d’être facilement recyclable, avec un gain énergétique considérable. Or, dans notre pays, la filière de l’aluminium est fortement menacée, alors que les prévisions de besoins sont en hausse constante.

Il ne subsiste plus en France que deux sites de production de ce métal : Dunkerque et Saint-Jean-de-Maurienne. Le groupe Péchiney, ancien numéro un français du secteur, démantelé, depuis sa privatisation en 1995, par ses repreneurs successifs, appartient depuis 2007 au groupe minier anglo-australien Rio Tinto. Celui-ci menace de fermeture et de licenciements le site de Saint-Jean-de-Maurienne et, à terme, celui de Dunkerque. Il en est de même pour les sites de Voreppe, en Isère, qui regroupent les emplois des fonctions de recherche et support, malgré les 20 millions de crédit impôt-recherche reçus ces trois dernières années. Cette filière est rentable, mais pas assez aux yeux de Rio Tinto. Notre aluminium risque à l’avenir d’être entièrement produit hors de l’Union européenne, dans de moins bonnes conditions sociales et environnementales.

Monsieur le ministre, quels moyens le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour maintenir et développer une filière aluminium en France et pour sauver des milliers d’emplois, dans une optique d’excellence de la filière en termes de recyclage et de transition écologique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame la députée, vous posez la question des menaces qui pèsent aujourd’hui sur nos sites de fabrication d’aluminium : Dunkerque et Saint-Jean-de-Maurienne. Depuis vingt ans, la France a vu disparaître vingt sites de production d’aluminium, qui représentaient une capacité totale de 1 million de tonnes, au point que nous sommes désormais obligés d’en importer 307 000 tonnes par an, alors que c’est la France qui a inventé l’aluminium, si je puis dire, et qui est à l’origine de la révolution métallurgique qui en a découlé.

C’est la raison pour laquelle nous avons décidé – et je veux saluer l’unité des élus derrière le Gouvernement, quelle que soit leur sensibilité, les élus savoyards d’abord, du Nord ensuite – de trouver une solution face aux menaces de fermetures explicitement formulées par Rio Tinto.

Rappelons au passage que si nous n’avions pas laissé dans le passé les OPA hostiles de ces grands groupes miniers s’abattre sur l’acier et l’aluminium nous n’en serions pas aujourd’hui à lutter contre des décisions de fermetures qui sont prises à 8 000 ou 10 000 kilomètres. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.) Mais c’est le passé ; nous nous occupons désormais de l’avenir. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous organisons, avec un positionnement central de l’État, une offre permettant la reprise des sites menacés de fermeture.

Les emplois, nous en avons perdu beaucoup ; mais c’est la question du prix de l’énergie qui est tout à fait centrale pour permettre de conserver ces installations électro-intensives. Il y a 10 euros d’écart par mégawattheure entre l’Asie et l’Europe. À nous de faire en sorte que l’électricité industrielle soit toujours au prix bas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Vive le nucléaire…

Filière automobile

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Union des démocrates et indépendants

M. Philippe Vigier. Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif, et j’y associe mon collègue Arnaud Richard.

Pendant la campagne présidentielle, monsieur le ministre, vous avez multiplié les promesses dans toutes les usines de France : « Non aux délocalisations, non aux licenciements boursiers, non à la mondialisation », disiez-vous. Aujourd’hui, une crise très grave frappe l’industrie automobile. La réalité vous rattrape et vous condamne à oublier une à une ces promesses. Pire : personne ne sait où vous allez ni ce que vous comptez faire pour protéger ces emplois.

Suppression annoncée de huit mille emplois chez PSA en juillet dernier ? « Inacceptable ! », disiez-vous. Pourtant, dans le même temps, celle annoncée de sept mille cinq cents emplois chez Renault recevait, elle, la bénédiction de l’État actionnaire ! Quant au plan que vous avez lancé l’été dernier, s’il était certes nécessaire, monsieur le ministre, il était totalement insuffisant vu l’accumulation des plans sociaux, semaine après semaine !

Alors il y a urgence. Ce matin même, PSA a annoncé une perte historique de 5 milliards d’euros. Toute la filière automobile est menacée. Or, il n’y a pas de fatalité, mes chers collègues : aux États-Unis, alors que la faillite était annoncée chez General Motors en 2008, l’État a pris ses responsabilités et dix-huit mois plus tard, cette entreprise gagnait à nouveau de l’argent.

Préserver des emplois passe à nos yeux par la mise en place d’un fonds stratégique ciblé pour l’automobile et s’il le faut – pourquoi pas ? – par une prise de participation minoritaire et temporaire par augmentation de capital par l’État. Vous le voyez, quand l’emploi est en jeu, quand l’essentiel est en jeu, le pragmatisme doit l’emporter.

Monsieur le ministre, entendez-vous ces salariés dont la colère monte ? Quelle est votre stratégie industrielle ?

M. Jean-Pierre Barbier. Aucune !

M. Philippe Vigier. Quel est votre projet ? Quels moyens allez-vous mobiliser pour sauver la filière automobile en France et répondre à ces femmes et à ces hommes qui travaillent dans ce secteur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, nous sommes dans la tempête. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Marcangeli. La France coule !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : moins 22 % de ventes pour Renault en 2012, moins 13 % pour PSA, moins 16 % pour Fiat, moins 15 % pour Opel. Globalement, l’Italie connaît moins 19 % de ventes de véhicules, l’Espagne moins 14 %, la France moins 13,8 % et l’Allemagne elle-même moins 3 %.

Que faire, dans ces conditions ? D’abord, lutter contre la tentation permanente en France de la préférence pour le licenciement et le démantèlement. C’est le sens de l’accord qui se négocie aujourd’hui chez Renault. Pas de fermetures de site, pas de licenciements, pas de plans de départ volontaire : au contraire, un travail avec des efforts communs de l’actionnaire et des salariés. Surtout, monsieur le député, le Gouvernement actionnaire a demandé que Renault relocalise sur le sol industriel national des productions de ses partenaires, mais avant tout ses propres productions.

Je vous donne donc rendez-vous la semaine prochaine, lorsque l’accord sera, je l’espère, signé avec la majorité des organisations syndicales, pour qu’on regarde si Renault revient en France malgré la tempête.

Quant à PSA, nous avons – je l’ai déjà dit devant cette Assemblée – obtenu, en contrepartie de la garantie accordée à la banque PSA Finance, certaines concessions : une présence au conseil d’administration, la fin des dividendes et des mesures financières de confort,…

M. Jacques Alain Bénisti. Ça ne sert à rien !

M. Arnaud Montebourg, ministre. …mais surtout un reformatage du plan qui, dans son ampleur et sa cruauté, était particulièrement inacceptable. Je veux remercier les partenaires sociaux qui travaillent à le reformater avec l’aide du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guillaume Larrivé. Ce n’est pas crédible !

Pacte national pour la croissance,
la compétitivité et L’emploi

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume., pour le groupe socialiste, républicain et citoyen

M. Laurent Grandguillaume. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances, et j’y associe mon collègue Thierry Mandon.

Nous revenons de loin. Les plans sociaux laissés dans les cartons par l’ancienne majorité, le déficit commercial record, la perte de plus de 700 000 emplois industriels du fait de l’absence de vision stratégique, un chômage massif, une dette publique abyssale : c’est le résultat de l’amateurisme de l’ancienne majorité, de son impuissance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans ce contexte, nous avons un cap clair, une ambition pour notre pays, une volonté inépuisable de lutter contre les injustices car cette volonté est aussi vieille que notre conscience.

Pour relancer notre économie, nous devons soutenir nos TPE et PME, ancrées dans les territoires. La récente mise en place par le Gouvernement du crédit d’impôt compétitivité-emploi, du crédit d’impôt innovation et de la Banque publique d’investissement témoigne d’une réelle volonté d’agir pour le redressement.

M. Philippe Meunier. Blablabla !

M. Laurent Grandguillaume. Le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, qui reprend en grande partie les recommandations du rapport Gallois, contient trente-cinq mesures concrètes engagées sur huit leviers de compétitivité.

Les récents accords sur la sécurisation de l’emploi traduisent une volonté d’agir de concert pour redresser notre pays en retrouvant des compromis.

Vous avez décidé de renouer avec le rôle d’État stratège. C’est l’ambition du nouveau Conseil national de l’industrie, véritable parlement de l’industrie.

Notre pays a de grands atouts, ce sont ses entrepreneurs, ses chercheurs, ses salariés et ses territoires. Il nous faut rouvrir le chemin de l’espérance.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire un point d’étape sur la mise en œuvre de la Banque publique d’investissement dont le premier conseil d’administration se tiendra à Dijon, et du crédit d’impôt compétitivité-emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député Laurent Grandguillaume, vous avez raison, la situation des entreprises, notamment des TPE, des PME, est au cœur des préoccupations du Gouvernement. La crise qui dure depuis cinq ans et le déclin de notre compétitivité ont ainsi motivé le pacte décidé par le Premier ministre et annoncé le 6 novembre dernier.

Au cœur de ce pacte, on trouve plus particulièrement une mesure – mais il y en a trente-cinq en vérité : le crédit d’impôt compétitivité-emploi.

Premièrement, c’est du concret : ce sont 13 milliards d’euros qui seront donnés aux entreprises cette année et 20 milliards dans deux ans.

Deuxièmement, c’est simple d’usage : l’instruction fiscale que nous avons préparée avec Jérôme Cahuzac est prête et il suffira maintenant que les entreprises calculent de la manière la plus simple ce à quoi elles ont droit.

Troisièmement, le crédit d’impôt compétitivité-emploi sera dans les toutes prochaines semaines préfinancé :…

M. Dominique Dord. Comment ?

M. Pierre Moscovici, ministre. …il le sera à travers à la fois la Banque publique d’investissement et le système bancaire avec une garantie d’Oseo.

Quatrièmement, ce crédit d’impôt compétitivité-emploi va permettre de créer massivement des emplois. Les plus pessimistes disent 150 000, les plus optimistes 300 000 : il y a là une mesure qui est extrêmement efficace.

Au cœur de tout cela, on trouve la Banque publique d’investissement : c’est elle qui sera responsable du préfinancement du crédit d’impôt compétitivité-emploi ; c’est elle qui sera responsable du préfinancement du crédit d’impôt recherche ; c’est elle qui mettra en œuvre nombre des mesures du plan d’investissement d’avenir ; c’est elle encore qui viendra à la rescousse des TPE et des PME ; c’est elle qui dispose d’ores et déjà d’avances de trésorerie disponibles pour nos TPE à hauteur de 500 millions d’euros.

Monsieur Grandguillaume, la BPI tiendra son premier conseil d’administration dans une semaine dans une ville que vous connaissez bien, Dijon. Elle sera le porte-avions de notre compétitivité retrouvée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Réponses du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, ma question s’adressait à M. le Premier ministre, opportunément absent aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons en effet vécu hier une séance de questions au Gouvernement indigne de l’Assemblée et le Premier ministre et son gouvernement en portent une lourde responsabilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Moscovici, avec le dédain et le mépris qui le caractérisent, a osé dire à notre collègue Alain Chrétien qui posait une question sur PSA qu’il ne l’autorisait pas à le faire.

M. Bernard Deflesselles. Scandaleux !

M. Christian Jacob. Monsieur Moscovici, ici, ce sont les députés qui posent les questions et les ministres qui répondent. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous, monsieur Cazeneuve, vous avez menti en prétendant hier que nous avions programmé la fin du plan d’aide alimentaire européen. Nous l’avons sauvé et vous le savez très bien.

M. Pascal Terrasse. Ce n’est pas vrai !

M. Christian Jacob. Monsieur Peillon, vous avez déclaré hier que nous préférions l’argent aux enfants. En vous adressant de cette façon aux députés de l’opposition, vous insultez les parents, vous insultez les enseignants, vous insultez les élus et vous méprisez les enfants. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quant au Premier ministre, absent aujourd’hui, sur un texte qui n’était qu’en première lecture à l’Assemblée, il en est arrivé à distribuer les bons points et les trophées… Vous transmettrez à M. Ayrault que nous n’avons pas besoin d’un présentateur des « Victoires de la musique » ; nous avons besoin d’un Premier ministre de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Guedj. C’est minable !

M. Christian Jacob. M. Ayrault a été président d’un groupe parlementaire d’opposition. Nous n’avons pas oublié la manière lamentable avec laquelle il avait à l’époque traité notre collègue Éric Woerth. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Le groupe UMP, quant à lui, s’est toujours conduit avec une grande dignité à l’égard de M. Cahuzac, parce que nous respectons, nous, la présomption d’innocence ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Ayrault est aujourd’hui le chef du Gouvernement. Aux termes de l’article 20 de la Constitution, le Gouvernement est responsable devant le Parlement. (Brouhaha.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob. Nous attendons du Gouvernement qu’il assume ses responsabilités, sans mépris ni arrogance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI. – De nombreux députés du groupe UMP se lèvent pour applaudir.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président Jacob, je pense que vous partagez avec le Gouvernement le souhait que le débat parlementaire se déroule dans les meilleures conditions.

M. Bernard Deflesselles. Justement !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Cela suppose que nous puissions effectivement échanger des arguments.

Lorsque vous dites à M. Cazeneuve que sa réponse d’hier sur le programme d’aide alimentaire, aurait été – si j’ai bien compris, je ne voudrais pas caricaturer vos propos – mensongère,…

M. Bernard Deflesselles. Eh oui : fausse !

Mme Claude Greff. Un mensonge, effectivement !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …le mieux serait de rendre public le document évoqué. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Il montre, à la vérité, que ce qui avait été négocié constituait une dernière étape pendant laquelle le système était maintenu, moyennant quoi la France s’engageait à ne plus demander sa remise à l’ordre du jour par la suite.

M. Bernard Deflesselles. Ce n’est pas ça, la question !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Or nous l’avons, nous, remis à l’ordre du jour et c’est à l’honneur du Gouvernement d’avoir sauvé ce système. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas la question !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Lors de la séance des questions au Gouvernement d’hier, le budget européen a également été évoqué, ce qui a encore provoqué un incident de séance. La question posée par M. Borloo, sur le fond, était légitime (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) ; le Gouvernement s’engage à organiser au plus vite un débat sur le sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) C’est normal car c’est un engagement fort de cette majorité.

Vous voyez, monsieur Jacob, quel est l’état d’esprit du Gouvernement aujourd’hui : il souhaite que le Parlement fonctionne le mieux possible parce que nous sommes confiants dans la politique que nous mettons en œuvre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Réforme des rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Terrot. Monsieur le président, je regrette particulièrement l’absence du Premier ministre car je lui destinais cette question. Je vais donc devoir la poser à M. Peillon qui, hélas ! a tendance à répondre uniquement par des invectives aux questions de l’opposition. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre de l’éducation nationale, la journée d’hier a été marquée par la forte mobilisation du corps enseignant contre votre projet de réforme des rythmes scolaires. Les Français doivent savoir que ce texte suscite de très nombreuses et très sévères critiques : il a été rejeté par le Conseil supérieur de l’éducation, par le Comité technique ministériel, par la Commission d’évaluation des normes, par les enseignants et leurs syndicats, ce qui fait tout de même beaucoup pour une seule réforme ! Même vos amis s’opposent ouvertement à ce projet et à votre méthode autoritaire. Je suis moi-même élu dans le département du Rhône, où le maire de Lyon, M. Gérard Collomb, vient récemment de faire part de son irritation concernant « une décision dont les conséquences n’auraient pas été mesurées et le financement pas assuré ».

À l’heure où vous annoncez une baisse historique des dotations de l’État en direction des collectivités territoriales, de l’ordre de 3 milliards d’euros sur deux ans – ce qui est considérable –, que penser d’une réforme qui va peser lourdement sur les finances des communes et donc des contribuables ?

Alors que vous n’avez que le mot « égalité » à la bouche, il est tout de même surprenant de vous voir mettre en place un système qui favorisera les enfants des communes les plus riches qui pourront payer des intervenants extra-scolaires, au détriment des enfants habitant notamment dans les communes rurales qui n’auront pas les moyens de financer cette charge supplémentaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Allez-vous procéder à ure véritable concertation et enfin revoir votre copie ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Guy Geoffroy et M. Patrice Verchère. Démission !

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, la réforme du temps scolaire et des rythmes scolaires devrait être portée par toute la nation, parce qu’elle est dans l’intérêt des élèves. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Bérengère Poletti. Pas comme ça !

M. Vincent Peillon, ministre. Il y a une contradiction à l’avoir soutenue lorsque vous étiez aux responsabilités et à l’abandonner aujourd’hui.

M. Éric Straumann. Minable !

M. Vincent Peillon, ministre. De la même façon qu’il y a une contradiction à avoir inscrit dans le programme présidentiel et législatif de votre formation politique que les collectivités locales devraient faire un effort de 10 milliards d’euros, et critiquer ce gouvernement lorsqu’il leur demande un effort de 3 milliards seulement !

À certains moments, nous sommes fondés à nous demander si votre préoccupation première est bien l’intérêt des élèves et donc l’intérêt du pays – et vous savez les difficultés que rencontrent, après dix ans sous votre majorité, les élèves de France – ou bien si vos préoccupations sont uniquement politiciennes !

Si vous voulez en venir au fond de cette réforme : oui, nous avons besoin de la mobilisation de tous…

M. Guy Geoffroy. Mobilisation contre vous !

M. Vincent Peillon, ministre. Oui, il y a eu une très longue concertation ; oui, cette concertation se poursuit sur le terrain ; oui, ceux qui n’y arriveront pas en 2013 pourront attendre 2014 ; oui, pour mener à bien cette réforme, l’État a prévu des fonds qui ne l’ont jamais été auparavant pour aider les collectivités, en particulier les plus pauvres, qu’elles soient rurales ou urbaines. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Meunier. Qui paie ?

M. Vincent Peillon, ministre. Ce qu’il faut pour la réussir et arrêter le déclin français, c’est un peu de bonne volonté et de sens de l’intérêt général. Nous comptons sur vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plan d’aide à la relocalisation d’entreprises

M. le président. La parole est à M. Patrice Prat, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Patrice Prat. Monsieur le ministre du redressement productif, depuis plusieurs mois, votre gouvernement se consacre à remettre sur pied les comptes publics de la nation, son économie, et son industrie.

M. Philippe Cochet. Quel talent !

M. Patrice Prat. Avouons-le, cette action est parasitée par la déferlante des plans sociaux, qui occupent l’espace médiatique et laissent un goût amer à beaucoup de nos concitoyens.

À notre tour, nous pourrions polémiquer et passer au laminoir la politique des précédents gouvernements, déplorer que ceux-là mêmes qui, aujourd’hui, s’érigent en pourfendeurs de la politique actuelle, restaient hier les bras ballants ou battaient en retraite face aux grandes manœuvres de la finance internationale sur l’industrie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mais la gravité du moment et du sujet commande l’unité nationale.

Qu’est donc devenu le génie industriel français ? Dire que nous fûmes parmi les figures de proue des grandes révolutions industrielles ! Moi qui suis fils de sidérurgiste, je ne me résous pas à l’idée de voir mon pays se transformer en musée à ciel ouvert. Il nous faut réapprendre à parler France, à parler de ses atouts, de ses atours même, de ses entrepreneurs, de ses filières, de sa force de frappe à l’exportation, mais aussi et surtout de sa force d’attractivité. Dans cette optique, il importe d’agir en faveur d’une politique de relocalisation de nos entreprises en France. Nous avons tous les atouts en main : je pense notamment à notre savoir-faire, à notre culture industrielle, à nos infrastructures de transport, à notre sécurité juridique, et même à notre fiscalité.

Monsieur le ministre, vous avez récemment évoqué votre volonté de mettre en œuvre une politique de relocalisation, inspirée par l’action du président Obama, qui rencontre le succès aux États-Unis. À l’heure où vous avez fait de la marinière le symbole du patriotisme économique, pouvez-vous nous préciser concrètement les modalités de ce plan de relocalisation ?

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Jean-Pierre Gorges. Et du chômage !

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député Patrice Prat, le programme de relocalisation industrielle est la bataille que mènent les producteurs pour le made in France. C’est la stratégie qu’observent, dans le monde entier, les grandes nations industrielles qui ont subi les dégâts de la crise. Hier encore, dans son discours de l’Union, le président Barack Obama, évoquait ce programme, qu’il a appelé « Let’s bring our jobs back home » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), c’est-à-dire « Ramenons les emplois à la maison ! » Nous aussi, nous voulons ramener les emplois à la maison. Comment faire ?

Nous avons déjà engagé le crédit d’impôt recherche, cette mesure d’unité nationale, qui a été inventée par Jean-Pierre Chevènement, amplifiée par Nicolas Sarkozy et sanctuarisée par François Hollande. C’est un élément important pour la relocalisation de nos laboratoires de recherche et développement. C’est le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, pour lequel nous avons mis 20 milliards sur la table.

M. Philippe Meunier. Ils sont où ?

M. Patrice Verchère. Quelle table ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Je peux déjà témoigner du fait que, dans les grandes directions d’entreprises multinationales, les arbitrages et les calculs d’arbitrage sur les localisations d’activités ne se font plus en défaveur de la France. Je dois également vous dire que, grâce au travail extraordinaire de l’Agence française d’investissements internationaux, ce sont environ sept cents projets d’investissement qui voient le jour chaque année sur notre territoire national, à l’initiative d’entreprises étrangères.

M. Jean-Pierre Gorges. Nous sommes sauvés !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Ce mouvement, nous souhaitons l’amplifier et le porter jusqu’à mille. C’est un travail difficile, mais il s’appuiera sur nos atouts, et notamment sur la politique de stabilité fiscale qu’a arbitrée le Premier ministre au sujet des cinq impôts majeurs qui constituent l’environnement fiscal des entreprises.

Je voudrais enfin vous dire que ce mouvement a déjà commencé dans les entreprises Smoby, Geneviève Lethu, Atol, ou encore Caddie. Ce mouvement, nous pouvons l’amplifier et le rendre exemplaire aux yeux du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rapport de la Cour des comptes

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Pecresse. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adressait, elle aussi, au Premier ministre : j’espérais qu’il pourrait mettre fin à la cacophonie qui règne dans son gouvernement.

La Cour des comptes vient de publier un réquisitoire implacable contre la politique économique du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

La Cour dit que l’overdose d’impôts est atteinte ; elle dit que votre discours de baisse des dépenses est une fiction ;…

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

Mme Valérie Pecresse. …elle dit enfin que l’objectif de 3 % de déficit ne sera jamais atteint en 2013. En un mot, la Cour dit que le budget pour 2013 n’est pas sincère.

Cette situation, qui est dramatique pour notre pays,…

M. Pascal Terrasse. Parlons des dégâts que vous avez causés !

Mme Valérie Pecresse. …est due à votre entêtement idéologique, votre entêtement à maintenir une perspective de croissance chimérique à 0,8 %, votre entêtement à ne vouloir réduire les déficits qu’en augmentant les impôts, votre entêtement à détruire toutes les mesures d’économies du gouvernement Fillon et à dépenser à crédit.

M. Pascal Terrasse. Quelles sont vos propositions ?

Mme Valérie Pecresse. Ne vous targuez pas d’avoir baissé les dépenses en 2012 : c’est le bilan de Nicolas Sarkozy, et vous avez voté contre sa politique !

Depuis 2010, c’est vrai, nous avions demandé des efforts aux Français, mais l’État français, depuis 2010, avait toujours tenu ses engagements.

M. Christian Eckert. Ce n’est pas vrai !

Mme Valérie Pecresse. En ne tenant pas les vôtres, vous allez détruire la confiance des investisseurs et des entreprises dans l’économie française. Les efforts des Français auront été vains et la France s’affaiblira encore davantage sur la scène internationale, ce dont elle n’a vraiment pas besoin. Nous avons déjà assisté au triste spectacle de François Hollande esseulé lors du sommet européen, et nous ne voulons pas le revoir.

Ma question est simple : quand allez-vous réviser le budget pour 2013 pour le rendre sincère ? Maintenant que vous êtes au pied du mur, quelles dépenses allez-vous réduire ? Les Français ont droit à la vérité.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Christian Eckert. Qu’est ce que vous avez fait, vous ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la députée Valérie Pecresse, vous me permettrez d’abord de rectifier une de vos phrases, qui était un peu excessive : vous avez dit que la Cour des comptes avait fait un réquisitoire, or la Cour n’a pas vocation à faire des plaidoiries ou des réquisitoires, mais des diagnostics.

M. Lionel Tardy. On l’a bien entendu, hier !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est d’ailleurs ce qu’a fait ici même son Premier président. Il a employé des mots qui disent le contraire de ce que vous prétendez puisque, selon lui, nous avions entrepris pour 2013 « un effort considérable, et même sans précédent », qui était rendu nécessaire par le montant élevé des déficits.

M. Jean-François Copé. Jamais ! C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est bien ce que nous faisons, avec un effort de 30 milliards d’euros de redressement.

M. Yves Censi et M. Claude Goasguen. Pour l’impôt ! Pour les dépenses !

M. Pierre Moscovici, ministre. Pour le reste, vous m’interrogez sur notre calendrier, nos objectifs et nos méthodes.

S’agissant d’abord de nos objectifs, ceux-ci sont très exactement maintenus. Nous avons des prévisions de croissance, des engagements de déficit public, surtout l’engagement de réduire le déficit structurel beaucoup plus que cela n’a été fait pendant le précédent quinquennat – au cours duquel il a en réalité augmenté.

S’agissant du calendrier, des rendez-vous sont fixés dans le cadre de ce que l’on appelle le semestre européen, avec la Commission européenne, qui va faire ses propres prévisions le 22 février, mais aussi avec le programme de stabilité, que nous devrons présenter à la Commission européenne le 15 avril. C’est dans ce contexte que nous évaluerons l’état précis de la situation économique.

Pour le reste, il y a une méthode. Cette méthode, c’est le sérieux, car il faut réduire les déficits et l’endettement, mais un sérieux de gauche (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP), un sérieux qui préserve la justice, qui sauvegarde l’appareil productif,…

M. Claude Goasguen. Et la dépense !

M. Pierre Moscovici, ministre. …qui vise le redressement de la compétitivité.

Vous parliez des investisseurs, madame Pecresse. Il m’arrive, dans mes fonctions, d’en rencontrer souvent. Eh bien, croyez-moi, ils ont vu le changement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Patrick Ollier. Toujours plus d’impôts ! Toujours plus de dépenses !

Retraite des salariés agricoles

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Philippe Nilor. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, les députés Azérot et Marie-Jeanne sont associés à ma question.

La convention collective nationale de retraite des salariés de l’agriculture du 24 mars 1971 étendue le 30 août 1972 et la loi du 29 décembre 1972 généralisant le bénéfice de la retraite complémentaire aux salariés relevant du régime de protection sociale agricole excluent les départements d’outre-mer.

Ainsi, au lieu de relever de la mutualité sociale agricole au même titre que leurs homologues de France métropolitaine, c’est du régime général de la sécurité sociale que dépendent nos salariés agricoles, d’où des montants de pension indignes, inférieurs à 400 euros.

Cette différence de traitement met une fois de plus en lumière les disparités entretenues, et qui tendent à se creuser au fil des ans, entre les droits des travailleurs selon qu’ils se trouvent d’un côté ou de l’autre de l’atlantique.

Dans un contexte économique et social dégradé, les exploitations agricoles de Martinique sont rongées par les dettes sociales.

Pourtant, l’agriculture martiniquaise a un fort potentiel de développement et d’emploi, à condition d’être soutenue dans le respect des valeurs d’équité, de justice sociale et de solidarité que vous défendez.

Aujourd’hui, les partenaires sociaux, patronat et syndicats de salariés, sollicitent un engagement ferme de l’État à contribuer financièrement à la mise en œuvre de cette retraite complémentaire de manière partielle et dégressive sur sept ans. Il s’agit d’éviter qu’un secteur exsangue assume seul une charge qui le ravagerait encore et entamerait davantage le pouvoir d’achat des salariés.

Madame la ministre, quelles réponses entendez-vous apporter aux retraités et aux futurs retraités agricoles de Martinique ?

M. Franck Gilard. Aucune !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député Jean-Philippe Nilor, les salariés de la production agricole dans les départements d’outre-mer ne bénéficient effectivement d’aucune affiliation à un régime de retraite complémentaire, si l’on laisse de côté la situation particulière de la Guyane.

Cette situation est ancienne : si la loi de généralisation de 1972 a rendu obligatoire l’affiliation aux régimes de retraite complémentaire pour les salariés, aucun accord à ce jour n’a pu être négocié dans le prolongement de cette loi.

La retraite complémentaire pour les salariés agricoles des DOM ne peut être rendue obligatoire par le simple biais d’un arrêté d’extension puisqu’il est nécessaire qu’un accord des partenaires sociaux soit négocié au préalable, comme ce fut le cas en Guyane.

Or les partenaires sociaux des départements d’outre-mer conditionnent l’extension des régimes AGIRC et ARRCO à la prise en charge partielle des cotisations par l’État. Comme vous le savez, ces deux régimes sont autofinancés par les cotisations des employeurs et des salariés. D’ailleurs des négociations se tiennent en ce moment même entre les partenaires sociaux afin d’aboutir à un équilibre des comptes de ces régimes, sans faire appel à aucune participation de l’État.

Dans ce contexte, il est nécessaire que le débat se poursuive, par exemple dans le cadre de la future loi sur l’organisation de l’agriculture. Les partenaires sociaux des départements d’outre-mer se sont retrouvés sur une exigence d’équité. Je souhaite que ce soit dans cet esprit de solidarité et d’équité que le financement des retraites complémentaires des salariés agricoles d’outre-mer puisse trouver une solution.

Accord interprofessionnel sur l’emploi

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, chers collègues, ma question était destinée au Premier ministre ; en son absence, je m’adresse plus globalement aux membres du Gouvernement.

Le 11 janvier dernier, six partenaires sociaux sur huit ont signé un accord national interprofessionnel sur l’emploi. Le président Hollande, mais également le Gouvernement, se sont réjouis de façon un peu bruyante du succès de « leur » méthode, comme si cela constituait une première révolutionnaire !

C’est bien la majorité précédente qui, par la loi du 21 janvier 2008, a introduit à l’article 1er du code du travail l’impératif de concertation avec les partenaires sociaux avant toute réforme.

D’ailleurs, la loi de modernisation du marché du travail avait déjà suivi ce processus. Celle-ci avait notamment introduit la rupture conventionnelle, outil désormais largement utilisé et adopté par les salariés et les employeurs ; mais également la portabilité des droits en matière de santé et de prévoyance pour les demandeurs d’emploi.

Nous allons naturellement étudier avec attention cet accord au sein de notre groupe. Nous avons d’ailleurs entamé un cycle d’auditions des partenaires sociaux, qui ne sont pas à l’unisson : si certains l’ont signé, d’autres appellent à un mouvement de protestation.

Les chefs des petites et moyennes entreprises rencontrés sur le terrain s’interrogent et redoutent une nouvelle complexification de notre législation. L’essentiel de notre potentiel d’emploi et de croissance réside dans l’artisanat, les PME et les entreprises de taille intermédiaire.

Ces entreprises demandent à ce que le droit du travail soit plus simple, plus lisible et plus accessible. C’est d’ailleurs le sens d’une proposition de loi que je viens de déposer avec cent un de nos collègues.

Ma question est simple : vous engagez-vous à ce que la transcription législative de l’accord ne rajoute pas de complexité et de coûts pour nos entreprises, ce qui aurait un impact direct et négatif en terme d’emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur Decool, je vous remercie de votre question qui attire l’attention de l’ensemble de l’Assemblée sur l’accord du 11 janvier, important par son contenu autant que par la méthode utilisée. Celle-ci, il est vrai, elle n’est pas neuve dans son principe, (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) mais elle l’est par son résultat : cela faisait plus de quarante ans qu’aucune négociation n’avait été entamée sur autant de sujets, ni abouti à un accord. De ce point de vue au moins, cet accord est historique.

Vous m’avez demandé, monsieur le député, et votre question était tout à fait légitime, ce que le Gouvernement – pour ce qui relève du Parlement, c’est de votre ressort – comptait faire de cet accord pour le transcrire dans la loi, comme nous disons dans notre jargon.

Ce travail, nous l’avons fait, et en suivant deux principes. Premièrement, un principe de loyauté à l’égard de ceux qui l’ont négocié et conclu. Cette loyauté est indispensable : à quoi servirait-il de demander à des partenaires sociaux de négocier et d’aboutir à un accord si l’on ne le respecte pas ensuite ? Ce principe de loyauté est fondamental pour ce Gouvernement.

Second principe, la transparence. Nous écrivons un projet de loi qui sera débattu devant l’ensemble du Parlement. Nous ne l’écrivons pas pour les seuls signataires, mais pour l’ensemble des Français, l’ensemble des entreprises, l’ensemble des salariés et des responsables syndicaux. C’est ainsi que j’ai travaillé à la transcription, et ce projet de loi fait aujourd’hui l’objet d’un examen par le Conseil d’État qui est parfaitement légitime.

Les six signataires de cet accord m’ont déclaré qu’il était loyalement transcrit dans la loi ; c’est tant mieux et c’est ainsi que je souhaite continuer à agir.

Monsieur le député, je me souviens des derniers jours de la campagne électorale présidentielle. Le président sortant faisait siffler les partenaires sociaux lors des meetings. Nous, nous les respectons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Stratégie nationale de santé

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christian Paul. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, le Premier ministre vous a confié le soin et la responsabilité de conduire la préparation de la stratégie nationale de santé, dont il a donné les grandes directions à Grenoble la semaine dernière.

Chacun l’a compris : cette stratégie s’appuie sur un constat d’injustice et sur un diagnostic sans complaisance des inégalités face à la santé qui se sont profondément aggravées depuis dix ans.

Comme le Gouvernement, nous, députés, savons le malaise profond de l’hôpital public et de ceux qui le servent. Nous n’ignorons pas que des milliers de professionnels de santé, très engagés dans leur métier, appellent au secours, et que des millions de Français retardent leur accès aux soins, qui leur sont financièrement inaccessibles. Nous connaissons aussi la réalité des déserts médicaux, les chantiers de prévention à lancer ou à relancer. Nous savons que la santé publique a besoin d’un nouvel élan, et que la présence médicale doit être consolidée au travail et dans les écoles. Nous savons également que les très lourds déficits accumulés rendent la tâche encore plus difficile.

C’est pourquoi il y a urgence à engager des réformes de fond du système de santé et des transformations qui servent durablement l’intérêt général, car tout n’a pas été conçu ou essayé en matière de santé, loin de là. Les réformes sont restées au milieu du gué, et la protection des Français face à la maladie s’est effritée.

Ma question porte donc sur vos priorités. Comment mobiliser pour cette belle ambition les professionnels, et comment mieux associer les Français ? Comment organiser un parcours de soins et de santé qui respecte le malade et l’accompagne, pour la prévention comme pour les soins, dans la proximité comme à l’hôpital ? Comment reconnaître à chaque acteur professionnel sa vraie place tout en favorisant le travail en équipe ? Enfin, comment mettre fin à des inégalités sociales et territoriales dramatiques que notre volonté de progrès en matière de santé ne saurait plus longtemps accepter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député Christian Paul, le Premier ministre a annoncé qu’il était nécessaire de poser un cadre qui nous permette de relever les grands défis auxquels notre système de santé est désormais confronté.

Nous devons relever les défis relatifs aux enjeux de l’avenir, notamment à la montée en charge des maladies chroniques et au vieillissement de la population.

Nous devons également relever les défis liés à la montée des inégalités sociales face à la santé. Nous ne pouvons nous résoudre à l’idée qu’un enfant d’ouvrier ait dix fois plus de risques d’être obèse qu’un enfant de cadre, ou que l’espérance de vie en bonne santé soit de dix ans supérieure pour le cadre que pour l’ouvrier.

Nous devons aussi relever le défi du maintien du financement solidaire de notre protection sociale et de la santé, si nous ne voulons pas que l’argent crée, là encore, des discriminations entre nos concitoyens.

Pour relever ces défis, nous devons mettre en œuvre une politique allant de la recherche jusqu’aux soins, qui valorise la prévention et qui s’appuie sur l’idée du parcours de soins. Nous devons mettre en place un système de soins qui s’adapte au patient, au lieu de demander à celui-ci de s’adapter à nos structures de santé. Cette politique doit reposer sur la mobilisation et la volonté de l’ensemble des professionnels.

La lutte contre les dépassements d’honoraires, la volonté de faire reculer les déserts médicaux et la nécessité de redonner confiance en l’hôpital public à l’avenir sont les grands axes des premières mesures qui ont été prises et qui doivent être amplifiées.

Nous avons la volonté de garantir à chacun de nos concitoyens l’accès à une santé de proximité et de qualité. Monsieur le député, il s’agit d’un beau défi que je souhaite que nous puissions relever collectivement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Francophonie

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la francophonie. Après des affrontements et polémiques souvent excessifs, après des questions sur de véritables préoccupations comme le budget européen insatisfaisant, les plans de licenciements ou la dette publique qui nous interpellent tous, ma question nous invite à nous rassembler.

Sur les cinq continents, la francophonie est une des clés de notre développement économique. Dans certains pays, elle peut être une arme pacifique contre le terrorisme. Elle est emblématique de notre universalisme et de notre diversité culturelle. La francophonie est un atout qui doit nous rassembler. De même que notre République – notre patrie –, notre langue n’appartient pas à un camp, elle est notre patrimoine collectif. Ensemble, nous devons la promouvoir : il ne s’agit pas de repli sur soi, mais d’ouverture sur le monde !

La francophonie mériterait d’avoir sa maison, qui pourrait être le château de Villers-Cotterêts où, en 1539, l’ordonnance de François Ier nous a donné le français pour langue nationale. Le maire de cette ville, Jean-Claude Pruski, et des associations se mobilisent en faveur de ce projet.

Dans notre pays, dans nos villes et dans nos quartiers, la lutte contre l’illettrisme et l’analphabétisme doivent procéder du même effort. L’inclusion sociale et l’accession à la citoyenneté passent par la maîtrise du français.

Ici, à l’Assemblée nationale, dans certains discours, notre langue cède le pas au « franglais ». En commission, des documents sont rédigés en anglais. En Europe, où en est-on dans la traduction des brevets scientifiques et dans la ratification de la charte des langues régionales et minoritaires ?

Pour conclure, je ne citerai pas Jean de la Fontaine mais Alexandre Dumas, originaire de Villers-Cotterêts, et la devise des trois mousquetaires : « Un pour tous, tous pour un ». Cette devise doit être aussi la nôtre pour défendre notre langue, le français.

Madame la ministre, au nom du groupe RRDP, je vous pose la question suivante : quelle politique initiez-vous pour promouvoir la francophonie en France, mais aussi dans le monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs des groupes SRC et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la francophonie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. C’est une première !

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée chargée de la francophonie. Monsieur le député Jacques Krabal, c’est dans votre circonscription que la langue française est devenue notre langue nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cette terre a porté le talent de Jean de la Fontaine, Jean Racine (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy. C’est fabuleux !

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. …et Alexandre Dumas. (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît, écoutez la ministre !

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. Je serai à vos côtés pour faire du château de Villers-Cotterêts la maison de la francophonie.

La francophonie est un espace de soixante-dix-sept pays, comptant 220 millions de locuteurs, qui seront 800 millions en 2050 dont 80 % en Afrique.

M. Alain Chrétien. Incroyable !

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. J’ai décidé de lancer un programme de formation de 100 000 professeurs en Afrique.

Je défends l’idée d’une langue solidaire et égalitaire. (Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Peut-on avoir une traduction ?

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. C’est au nom de ces valeurs que j’organiserai le premier forum mondial des femmes francophones, le 20 mars à Paris. Ce forum a l’ambition de porter les fondations d’un nouveau statut des femmes dans l’espace francophone et de défendre leurs droits partout où ils sont menacés.

Au niveau national, je mènerai une politique ambitieuse pour la francophonie en France. (Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues…

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. Dans de nombreux territoires, les politiques ghettoïsantes du passé ont laissé le français à la porte de certains quartiers. Combien de pères de la première génération d’immigrés…

M. Franck Gilard. Il n’y a plus de pères ! Il n’y a que des parents !

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. …n’ont connu de cette langue d’égalité et de liberté que l’ordre à exécuter ? Combien de mères de la première génération…

M. Franck Gilard. Il n’y a plus de mères non plus !

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. …ont fait le vœu et ont rêvé de pouvoir suivre l’éducation de leurs enfants ? Pour les générations d’enfants nés en France dans ces territoires d’outre-ville (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), il est urgent de leur donner de maîtriser la langue française.

Maîtriser la langue française, c’est maîtriser la langue de l’égalité et de l’indépendance. Maîtriser la langue française, c’est maîtriser la langue de l’émancipation. Maîtriser la langue française, c’est maîtriser la langue de l’enracinement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR. – « Zéro ! » sur quelques bancs du groupe UMP.)

Grand Paris

M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. David Douillet. Ma question devait s’adresser à M. le Premier ministre. J’ignore la raison de son absence : à croire le site web de Matignon, il était prévu qu’il soit là. J’espère que ce n’est pas trop grave…

Ma question est relative au Grand Paris. J’aurais aimé que Mme Duflot me réponde, mais elle n’est pas là non plus (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et je ne vois pas non plus M. Cuvillier.

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais où sont-ils ?

M. Marc Le Fur. C’est incroyable !

M. David Douillet. Tout à l’heure, un de nos collègues socialistes parlait d’amateurisme : on se demande dans quel camp se situe l’amateurisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En revanche, je vois des professionnels de l’imposition : 30 milliards pour asphyxier notre pays, on ne peut guère faire mieux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le Grand Paris est un projet lancé et voulu par le Président de la République Nicolas Sarkozy pour transformer le visage de la capitale, mais surtout répondre aux enjeux de développement économique et social des métropoles du XXIe siècle. À ce titre, les transports en sont la clé de voûte.

Ma question est simple : le Gouvernement va-t-il enterrer ce projet ? Depuis mai 2012, il n’y a pas de ministre en charge du Grand Paris, ce qui n’était pas le cas sous l’ancienne majorité. Qui plus est, il y a eu la non-budgétisation de 1 milliard d’euros en 2013 dans la loi de programmation budgétaire : on peut y voir l’acte de décès du projet, en tout cas un signe inquiétant. Puis il y a eu le rapport Auzannet, remis en décembre à Mme Duflot : une excuse de plus pour repousser les investissements.

M. Hervé Féron. Allez demander des pièces jaunes à Bernadette !

M. David Douillet. Rappelons à cette occasion que lorsqu’elle était conseillère régionale Île de France, Mme Duflot était opposée à ce projet. Tout cela est très anxiogène.

En définitive, monsieur le Premier ministre ou qui voudra bien me répondre, va-t-on nous annoncer le 15 février la mort du Grand Paris ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Monsieur le député David Douillet, si vous daignez m’écouter, je vais répondre à votre question. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je vais rappeler ce que j’ai déjà dit dans cet hémicycle en répondant à une question de votre collègue M. Bénisti qui interrogeait Cécile Duflot au mois de décembre dernier.

Dès l’été dernier, Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, a confirmé à la fois le tracé et la localisation des gares du Grand Paris. Le 1er septembre, elle a missionné M. Auzannet, ancien directeur des RER pour réévaluer un projet qui, comme vous le soulignez, s’élève à 30 milliards d’euros. M. Auzannet a fait des propositions en matière de séquençage ; il a rappelé qu’un certain nombre de dépenses n’avait pas été correctement évaluées – ainsi la ligne orange, entre autres, ou les interconnexions avec le réseau existant.

Sur la base des conclusions du rapport de M. Auzannet, Mme Duflot est en train de consulter le président de la région, l’ensemble des élus concernés et les parlementaires de la région Île-de-France. Le Premier ministre, comme il l’a déjà annoncé, fera part de ses décisions à la fin février ou au début mars en tenant compte, bien entendu, du coût du projet, de la nécessité de prendre en compte les demandes, régulièrement formulées sur vos bancs, de maîtrise des dépenses publiques – à l’instar de Mme Pécresse tout à l’heure –, ainsi que des besoins des Franciliens en matière de transports futurs, mais également pour ce qui touche aux transports existants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Alain Bénisti. Il faut des investissements !

Emploi des jeunes à La Réunion

M. le président. La parole est à Mme Monique Orphé, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen

Mme Monique Orphé. Ma question s’adresse au ministre des outre-mer.

Monsieur le ministre, au moment où je vous parle, une inquiétude envahit la jeunesse réunionnaise : la montée du chômage. Ce sentiment s’est traduit par des protestations sur certains de nos territoires touchés par de graves inégalités et qui risque de se généraliser. Des jeunes qui ont manifesté leur exaspération face à un avenir de plus en plus incertain. Des jeunes qui ont l’impression d’être au bord d’un précipice avec la peur d’y basculer à tout moment. Et les chiffres de l’INSEE sur la montée du chômage ne les rassurent pas : 30 % dont 60 % chez les jeunes de seize-vingt-quatre ans.

M. Guy Geoffroy. Voilà !

Mme Monique Orphé. Un chômage qui précarise leur situation et celle de leurs familles. Un chômage massif qui fragilise de plus en plus notre cohésion sociale.

En ce début d’année 2013, notre Président de la République a affiché comme priorité la lutte contre le chômage des jeunes. Depuis le début de ce quinquennat, le Gouvernement a engagé tous ses efforts pour répondre aux problèmes rencontrés en outre-mer : loi contre la vie chère, loi sur les emplois d’avenir, loi sur le contrat de génération et enfin la garantie minimum pour les jeunes. Ces efforts ne peuvent relever de la seule volonté du Gouvernement, ils exigent l’adhésion de tous les acteurs politiques et économiques de notre pays.

L’enjeu du défi à relever vis-à-vis de notre jeunesse suppose un engagement fort de tous les partenaires. J’irai plus loin : c’est le prix à payer pour retrouver la paix sociale.

Alors, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer ce que vous comptez faire pour que l’année 2013 soit celle de la confiance retrouvée pour les jeunes dans nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Madame la députée Monique Orphé, le Président de la République et le Premier ministre ont fait de l’emploi et de la lutte contre le chômage la priorité de l’action gouvernementale durant toute la législature et singulièrement pour l’année 2013.

M. Jean-François Lamour. Ça se voit !

M. Victorin Lurel, ministre. Vous avez raison d’insister sur les chiffres alarmants du chômage dans les territoires d’outre-mer.

M. Bernard Deflesselles. Que fait le Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre. Les chiffres sont connus, mais il est bon parfois de les marteler. Je n’ignore pas, le Gouvernent n’ignore pas les mouvements sociaux engagés par des jeunes dans l’île de La Réunion. C’est la raison pour laquelle, dès 2012, le Gouvernement a tenu à faire quelque chose d’exceptionnel pour les outre-mer, jamais vu depuis au moins dix ans.

Premièrement, la création d’un ministère de plein exercice (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Deuxièmement, un budget très sérieusement revalorisé, de 13 % sur trois ans, et avec un avantage maintenu s’agissant des gels et des sur-gels.

Enfin, dégager dès 2012 un contingent supplémentaire pour les contrats aidés pour les emplois d’avenir défendus par Michel Sapin. Nous avons tenu à appliquer immédiatement cette mesure dans les territoires d’outre-mer. J’ai dû me déplacer moi-même,à l’instar en quelque sorte de ce qu’a fait le Président de la République : (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe UMP) nous avons signé presque en même temps les premiers contrats d’avenir : le Président ici, et moi à La Réunion.

Pour ce qui est des contrats de génération, nous serons logés à la même enseigne – nous bénéficierons même de quelques avantages, il faut le dire. L’Agence pour la mobilité des ressortissants d’outre-mer a été préservée avec un budget difficile, mais qui a été maintenu. Les moyens du RSMA – le régime du service militaire adapté – ont été renforcés.

Enfin, nous n’hésiterons pas dans les contrats territoriaux de développement à développer l’emploi des jeunes par la croissance. Les investissements seront donc maintenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Entreprises du bâtiment

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Julien Aubert. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, vous connaissez l’adage populaire : « Quand le bâtiment va, tout va . ». Malheureusement, la Fédération française du bâtiment, la FFB, a annoncé que 2013 serait une année noire avec une réduction de 3,5 % de l’activité et la disparition de 40 000 emplois, soit quarante fois les effectifs de l’usine Goodyear d’Amiens.

La FFB, soutenue par la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, a donc lancé une campagne intitulée « Trop, c’est trop ! » pour vous interpeller. « Quand le bâtiment ne va pas, plus rien ne va » : une crise profonde ronge l’artisanat du bâtiment, et l’artisanat tout court, première entreprise de France.

Cette crise est révélatrice de ce que j’appellerai les sept plaies du socialisme.

La première plaie, c’est de découper la richesse comme un gâteau en partageant la pénurie : ce sont les 35 heures. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

La deuxième plaie, c’est de concevoir la fiscalité comme un kolkhoze : votre budget 2013 en est un excellent exemple puisqu’il prend les entreprises pour des vaches à lait, avec l’augmentation de la TVA de 7 % à 10 % en 2014.

La troisième plaie, c’est L’État Big Mother qui se mêle de tout dans les activités humaines : la construction de bâtiments ploie sous la masse des règlements, comme tout le pays d’ailleurs. Je vous le dis, monsieur le ministre, ce pays est en train de crever de l’excès de réglementations ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

La quatrième plaie, c’est la concurrence déloyale de ceux qui n’appliquent pas les règles et l’angélisme dans le contrôle, s’agissant notamment des travailleurs clandestins.

La cinquième plaie, c’est un État qui oublie les petits : 200 000 artisans sont ainsi exclus de votre crédit d’impôt compétitivité-emploi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

La sixième plaie, c’est d’avoir un État « Grand genre, petits moyens ». Annoncer 500 000 logements, c’est bien ; les financer, c’est mieux !

Enfin, la septième plaie, c’est votre gouvernement, un gouvernement autiste qui tantôt insulte les entrepreneurs, tantôt les prend pour des pigeons, tantôt ignore leurs revendications.

Au nom des milliers d’artisans du bâtiment, monsieur le ministre, je vous pose cette question simple : quand allez-vous libérer l’entreprise française des chaînes que vous avez vous-mêmes forgées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le député, je n’ose vous rappeler la situation dans laquelle nous avons trouvé ce secteur en arrivant. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Vous n’avez pas accompagné ces entreprises. À quelques mois des échéances électorales, vous avez osé présenter un plan pour l’artisanat qui, faute de financement, ne pouvait être mis en application. Au bout de neuf mois, le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault, lui, a présenté un pacte pour l’artisanat qui répond aux préoccupations des artisans, et des artisans du bâtiment en particulier.

M. Rémi Delatte. Il n’y a rien dedans !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Un groupe de travail interministériel auquel participent plusieurs ministres va se réunir très prochainement pour analyser les préoccupations que vous venez d’exposer. J’y apporterai toutefois certains correctifs.

S’agissant du crédit d’impôt compétitivité-emploi, vous oubliez, monsieur le député, de dire que ce secteur en bénéficiera à hauteur de 2 milliards d’euros.

M. Julien Aubert. Mais non !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Vous oubliez également de dire que ce secteur bénéficiera très largement des contrats de génération.

Vous oubliez encore de dire que le comité interministériel de lutte contre le travail illégal met en place des mesures de contrôle dans ce secteur en particulier. Nous avons organisé avec Michel Sapin des contrôles coordonnés pour lutter contre le détachement illégal de travailleurs étrangers, notamment contre la sous-traitance en cascade ou encore l’utilisation de faux statuts.

Alors, ne vous trompez pas, monsieur le député ! Notre gouvernement agit pour l’économie, pour nos entreprises,…

M. Claude Goasguen. On en voit les résultats !

Mme Sylvia Pinel, ministre. …alors que vous, vous les avez abandonnées pendant plus de dix ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.– Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Dépendance

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Drapeau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Luc Drapeau. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

Les personnes âgées de soixante ans et plus, au nombre de 15 millions aujourd’hui, seront 20 millions en 2030 et près de 24 millions en 2060. Quant au nombre de personnes âgées de quatre-vingt-cinq ans et plus, il sera multiplié par quatre d’ici à 2050. La question de la perte d’autonomie nous concerne tous et doit être une cause nationale. L’anticipation du vieillissement de notre société représente un enjeu majeur pour notre pays.

Aujourd’hui, 1,2 million de Français bénéficient de l’allocation personnalisée d’autonomie mise en place par le gouvernement Jospin en 2001 – Paulette Guinchard en a été la grande cheville ouvrière. L’APA à domicile offre la possibilité à près de 720 000 personnes, lorsque l’aide humaine le leur permet, de continuer à vivre chez elles. C’est un progrès qu’il faut saluer.

Le précédent gouvernement, en promettant à plusieurs reprises une « loi dépendance », tout en reportant indéfiniment sa concrétisation pour finalement s’y soustraire, a suscité une attente considérable des professionnels mais aussi de toutes les familles concernées. Cette réforme a été maintes fois promise mais n’a malheureusement jamais été mise en œuvre. Rappelons à cet égard ce que déclarait Nicolas Sarkozy en février 2011 à son propos : « Attendre encore serait une faute morale impardonnable, ce serait refuser de regarder la réalité en face, ce serait refuser d’assumer mes responsabilités ».

La Président de la République a assuré, le 25 janvier dernier, que la réforme de la dépendance serait prête d’ici à la fin de l’année. Une grande concertation avec les associations est prévue. Il s’agit de répondre aux besoins des familles, des aidants et des personnes âgées en perte d’autonomie.

Pourriez-vous nous dire, madame la ministre, quels seront les priorités et les objectifs de cette réforme de la dépendance, de cette loi d’adaptation de la société au vieillissement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme  la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Oui, monsieur le député, le Président de la République a donné à Lille le 25 janvier le top départ de la réforme de la dépendance et en a fixé le calendrier : elle sera prête avant la fin de l’année 2013.

C’est une réforme ambitieuse, prenant en compte tout le champ de l’avancée en âge. Elle comporte en particulier un volet consacré au parcours résidentiel de la personne âgée. Cela passe par l’adaptation de 80 000 logements, mais aussi par des solutions intermédiaires permettant d’être chez soi, comme le désirent 90 % des Français, tout en étant en prise directe avec la vie sociale, avec les services et les aides.

Le Président de la République nous a aussi donné la mission exigeante de rendre les maisons de retraite accessibles financièrement à tous les Français, et de réduire pour cela le fossé existant entre le montant moyen des retraites et le coût de ces structures – 1 600 euros mensuels dans le public, 2 400 euros dans le privé commercial.

C’est une priorité pour notre gouvernement que la cause de l’âge. Elle concerne 100 % des familles françaises. Mais je m’aperçois que ce n’est toujours pas une priorité sur les bancs de la droite. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Barbier. Tournez-vous au moins vers nous !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. C’est pour nous un engagement et une obligation car il s’agit d’une réforme sociale et sociétale : la révolution de l’âge ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Séparation et régulation des activités bancaires

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires (n°s 566, 707, 661, 666).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Thomas Thévenoud.

M. Thomas Thévenoud. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’économie et des finances, madame la rapporteure de la commission des finances, le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires est une étape importante dans la reprise en main de la sphère financière.

Les dérives de la finance, la cupidité de certains acteurs, les mauvais comportements spéculatifs, l’aléa moral dont vous avez parlé, monsieur le ministre, ont plongé à partir de 2008 l’économie mondiale dans un nouveau cycle économique : un cycle récessif, dans lequel nous nous trouvons toujours.

Ces mauvais comportements ont marqué nos concitoyens. Ils les ont touchés, notamment au portefeuille puisqu’ils ont dû, en tant que contribuables, recapitaliser un certain nombre d’établissements financiers devenus défaillants du fait même de ces mauvais comportements.

Si nous considérons que cette crise financière, devenue depuis une crise économique, n’est pas seulement conjoncturelle, elle nécessite alors des réponses structurelles pour empêcher les banques de revenir aux errements que nous avons connus par le passé.

Cette loi constitue donc une première étape, qui doit prévenir le retour des mauvaises pratiques. Pourquoi une première étape ? Tout simplement parce que sur ce sujet, comme sur d’autres, nous avons besoin d’une harmonisation européenne, nos partenaires économiques européens travaillant à leur propre réforme bancaire.

Mais c’est aussi parce que ce texte comprend, au-delà des dispositions sur les marchés spéculatifs ou les paradis fiscaux, les premiers éléments d’une banque du quotidien plus respectueuse du consommateur, ainsi que des dispositions importantes en matière de protection de ces consommateurs.

Le sujet bancaire est devenu très sensible pour nos concitoyens car il existe une telle inégalité de traitement dans la relation entre la banque et son client, et le rapport de forces est tellement déséquilibré, que nos concitoyens se considèrent souvent comme des victimes du système bancaire.

J’insisterai donc sur le sujet du nécessaire renforcement de la protection des droits des consommateurs en matière bancaire.

Tout d’abord, l’information : aujourd’hui, la tarification bancaire souffre manifestement d’un manque de lisibilité pour nos concitoyens. Vous avez bien voulu accepter, monsieur le ministre, ce dont nous vous remercions, un amendement à ce projet de loi autorisant la mise en place d’une harmonisation de la dénomination des frais bancaires, conformément à l’une des propositions du rapport Pauget-Constans sur la tarification des services bancaires.

Toutefois, nous devons aller plus loin : la transparence doit constituer non seulement un objectif, mais aussi une exigence. Le client doit être informé de toutes les opérations tarifaires sur son compte en amont de leur prélèvement. Il n’existe aucun autre service commercial – car c’est bien ainsi qu’il faut le nommer – pour lequel le client est informé de la facturation d’une prestation après seulement qu’elle a été effectuée.

Nous devons donc favoriser la connaissance et la lisibilité de ces frais bancaires, dont la complexité n’a in fine d’autre objectif que de créer de l’opacité.

Deuxième sujet, l’assurance emprunteur : la loi Lagarde portant réforme du crédit à la consommation, votée en 2010, a amélioré la situation en permettant au consommateur qui contracte un prêt de souscrire auprès de l’assureur de son choix une assurance offrant les mêmes niveaux de garantie. Mais encore une fois, nous devons aller plus loin. Afin d’assurer une plus grande transparence et de favoriser la concurrence, nous proposons qu’une fiche standardisée d’information sur l’assurance emprunteur soit remise au client. Cette question sera arbitrée lors de la discussion de l’article 18 de ce projet de loi.

Troisième sujet : la tarification bancaire. Au-delà de l’exigence de transparence, nous devons aussi nous attaquer, de manière déterminée, au montant démesuré des frais et des commissions bancaires. Il revient au législateur de les surveiller, de les réguler et de les plafonner. Tel est l’objet de l’article 17 de ce projet de loi qui, à votre initiative, monsieur le ministre, prévoit de plafonner les commissions d’intervention pour les clients en situation de fragilité. Nous proposerons de compléter ce dispositif en étendant ce plafonnement à toutes les commissions d’intervention.

Quatrième sujet : la mobilité bancaire. Les banques doivent apprendre à se séparer de leurs clients sans contrainte, et nous devons les aider à mettre un terme à cette fidélité parfois forcée. La mobilité bancaire reste faible. Aujourd’hui, le client qui décide de changer de banque doit affronter un véritable parcours du combattant et se montrer extrêmement vigilant. C’est pourquoi nous proposerons d’alléger ces contraintes.

Enfin, dernier sujet, le droit au compte, sur lequel nous devrons également avancer.

Voilà, monsieur le ministre, le sens des amendements que nous avons déposés sur ce projet de loi pour enrichir, muscler et augmenter la portée de ce texte fondateur. Vous avez souhaité, à juste titre, que le Parlement enrichisse cette loi. Je ne parlerai pas de coproduction législative – le terme est trop connoté – mais du rôle nécessaire du parlementaire qui, au-delà du sens et de la trajectoire politiques qu’il donne à l’action gouvernementale, doit toujours veiller à améliorer le quotidien de ses concitoyens. Ceux que nous rencontrons, ceux que nous recevons dans nos permanences nous disent chaque jour les difficultés qu’ils éprouvent avec leur banque au moment d’une séparation, d’une période de chômage ou d’un accident de parcours.

Vous avez parlé de réduire le risque de l’aléa moral en matière bancaire ; nous voulons aussi réduire les préjudices qu’impliquent les aléas de la vie pour nos concitoyens.

A travers ce projet de loi, c’est donc aussi l’idée que nous nous faisons de la banque du quotidien, de la banque de demain, qui est en jeu : une banque plus juste, plus transparente et plus respectueuse des droits des consommateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, chers collègues, tous les orateurs l’ont souligné : la crise financière et économique de 2007 et 2008, dont les conséquences se font malheureusement encore sentir, a mis en lumière la dérégulation du capitalisme financier ainsi que certaines pratiques excessives et dangereuses du système bancaire.

Le président Sarkozy et le gouvernement de François Fillon avaient à l’époque clairement marqué leur volonté de remettre de l’ordre dans les relations économiques et financières internationales. Nous avions donc voté, ici même, en octobre 2010, un texte destiné à réguler l’activité des établissements bancaires. Je regrette que l’opposition d’alors ait refusé de s’associer à cette initiative pourtant très opportune, ainsi qu’à l’institution en janvier 2012 d’une taxe sur les transactions financières. Cette dernière ouvrait pourtant elle aussi la voie à une régulation et à une moralisation des échanges économiques et financiers internationaux.

Le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis va dans ce sens et présente, je le dis en toute objectivité, monsieur le ministre, des dispositions non dénuées d’intérêt sur la séparation des activités bancaires utiles au développement de l’économie d’une part, et des activités spéculatives d’autre part.

La création de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ainsi que l’extension des missions du Fonds de garantie des dépôts dotent votre dispositif normatif des institutions nécessaires à son effectivité et à son contrôle.

Enfin, il apparaît nécessaire de renforcer les mesures de protection des consommateurs afin qu’ils ne soient pas les premières victimes d’une situation à l’égard de laquelle ils n’ont, nous en sommes d’accord, aucune responsabilité. Mais sur tous ces sujets, force est de constater que votre projet de loi, monsieur le ministre, ressemble au verre à moitié vide – ou à moitié plein.

De surcroît, votre projet de loi souffre de deux lacunes, que je souhaiterais relever. En premier lieu, le nouveau dispositif risque d’induire des distorsions de concurrence entre notre système bancaire et les systèmes bancaires étrangers, et notamment européens. Il est donc particulièrement important, vous l’avez vous-même rappelé hier soir, de travailler avec nos partenaires à une coordination et à une harmonisation juridiques sans lesquelles nous risquerions d’échouer sur le double écueil de la concurrence internationale et de l’inefficacité. Chacun le sait, en la matière, la vraie réponse se situe au niveau de l’Europe.

La seconde lacune m’apparaît encore plus importante. La réforme bancaire telle qu’elle nous est présentée aujourd’hui est très incomplète dans la mesure où elle oublie un secteur important de notre économie : les très petites entreprises. La France en compte 2,7 millions, qui représentent 98 % des entreprises et un tiers de l’emploi avec près de 4 millions de salariés.

À l’heure actuelle, les très petites entreprises rencontrent de multiples difficultés dues à la crise économique : 8 % d’entre elles ont supprimé 1,4 poste en moyenne au troisième trimestre 2012, et 13 % des employeurs projettent de réduire leurs effectifs. Lorsque l’on se réfère au baromètre des très petites entreprises, le moral des patrons a atteint un seuil historiquement bas depuis la création de cet indice.

Les marges de manoeuvre de ces chefs d’entreprise sont extrêmement faibles, voire inexistantes. Aussi, je m’étonne que le Gouvernement n’ait pas profité de ce projet de loi pour redonner un peu d’espoir aux patrons des très petites entreprises, dont le poids économique représente 27 % de la richesse produite par toutes les entreprises, et qui représentent 38 % des emplois du secteur concurrentiel.

Il apparaît donc particulièrement nécessaire, monsieur le ministre, d’ajouter à l’indispensable protection des consommateurs la protection tout autant nécessaire des très petites entreprises ainsi que des petites et moyennes entreprises car, je le rappelle, elles produisent une grande partie de la richesse économique et de l’emploi de notre pays.

Le groupe UMP a déposé plusieurs amendements en ce sens ; j’espère, monsieur le ministre, chers collègues, qu’ils retiendront l’attention du Gouvernement et de notre Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires dont nous allons commencer à examiner les articles aujourd’hui constitue un volet important de la politique de redressement engagée par notre majorité depuis plusieurs mois. Il prend pleinement sa place parmi les mesures que nous avons mises en œuvre depuis que nous sommes au pouvoir, avec pour but de remettre le pays sur le chemin de la croissance. À travers les six textes budgétaires que nous avons adoptés, nous avons redonné à la France les marges de manœuvre qu’elle avait abandonnées en laissant la dette s’envoler, nous avons réorienté la fiscalité afin de mettre à contribution ceux qui peuvent le plus tout en allégeant les contraintes injustes qui pesaient sur le plus grand nombre. Parallèlement, nous avons agi directement pour inverser la courbe du chômage en affirmant notre volonté de mettre en mouvement les compétences de tous, à l’inverse des discours stigmatisants des gouvernements précédents : cette logique nous a conduits à mettre en place les emplois d’avenir mais aussi très bientôt les contrats de génération, et elle a présidé à la tenue des accords compétitivité-emploi avec l’ensemble des partenaires sociaux. Ces incitations contribueront à redonner un élan à notre économie. Enfin, nous avons envoyé des signes forts en direction des entreprises, le moteur même de la relance économique, je pense particulièrement au crédit d’impôt compétitivité-emploi, qui va donner de l’air à beaucoup d’entre elles confrontées à une situation difficile, et également à la banque publique d’investissement, sur laquelle je me suis déjà exprimé et qui constitue un allié indispensable de toutes nos TPE et PME.

Si j’ai souhaité rappeler brièvement ces points, c’est pour que chacun mesure bien la place que va prendre la réforme bancaire que nous abordons dans notre stratégie globale de remise sur pied de l’économie française. Il n’y a pas d’économie sans banque ; si l’argent est le moteur de l’économie, la banque est la courroie de transmission, et sans elle, rien ne tourne. Mais la crise financière déclenchée en 2008 a fait la preuve que les banques peuvent dévier de leur mission première, celle de financer l’économie réelle et de soutenir les entreprises en développement. Nous l’avons vu : en l’absence de tout contrôle, sous l’empire du sacro-saint laisser-faire, la machine s’était grippée et l’argent n’allait plus au service de l’économie mais dans des placements hasardeux et illisibles, tellement tarabiscotés qu’au final, l’argent patiemment collecté par les épargnants a été exposé à des risques inconsidérés, et il a fallu en appeler aux contribuables et à l’État, tant décrié par les libéraux, pour recadrer la situation.

Remettre de l’ordre dans un système devenu fou, revenir à un schéma classique où l’argent déposé aujourd’hui dans une banque alimente les revenus de demain : voilà l’objectif du texte que nous examinons. N’en déplaise à certains qui pensent que c’est en amputant nos banques de toutes leurs marges de manoeuvre qu’on les renforcerait, il se veut avant tout efficace et pragmatique. La filialisation des activités spéculatives telle qu’elle est prévue garantit la sécurité des dépôts des clients sans remettre en cause le modèle de banque universelle qui fait la force des banques françaises. Désormais, il sera plus difficile aux banques de spéculer avec l’argent des déposants. Cette mesure aura pour conséquence directe de dégager des fonds et d’inciter les banques à les réorienter vers le financement de l’économie réelle, aux antipodes des marchés instables et volatils à l’origine de la crise. L’accès au crédit pour les entreprises s’en trouvera facilité, ce qui permettra de renouer avec le cercle vertueux de la croissance réelle, celle qui nécessite l’effort afin d’apporter le réconfort.

La même logique a poussé le Gouvernement à intégrer dans son projet de loi une série d’activités dorénavant interdites aux banques, tels le trading à haute fréquence et la spéculation sur les matières premières. Je veux appeler votre attention sur un point : un tel encadrement de l’activité des banques n’est pas simplement motivé par des considérations éthiques, voire morales, il s’agit avant tout d’une décision utile à l’économie en ce qu’elle va fermer le robinet à des activités destructrices de richesse et rediriger une partie de l’argent disponible à des fins plus utiles pour les besoins de tous.

Les députés de la majorité se sont pleinement emparés du texte et ont souhaité en prolonger l’esprit. Je veux ainsi saluer les améliorations que nous avons apportées au texte initial, en bonne intelligence avec le Gouvernement : je pense tout particulièrement à l’obligation faite désormais aux banques de publier la nature de leurs activités, leurs effectifs et leur produit net pour chaque pays où elles sont présentes. Pour la première fois, nous nous dotons ainsi d’un outil de lutte contre les paradis fiscaux, qui sont le cancer de l’économie mondiale. Une masse d’argent bien trop importante y est aujourd’hui confisquée, cachée sous des cieux peu enclins au partage avec le plus grand nombre ; ces ressources sont ainsi sorties du circuit économique, pour le bénéfice d’une petite poignée de profiteurs.

Par ailleurs, des mesures importantes sont prises afin de protéger les consommateurs et de leur donner plus de liberté face aux banques beaucoup trop puissantes et exigeantes à leur égard.

Je ne doute pas que nos travaux permettront de préciser encore ce texte afin d’aller plus loin dans la régulation financière et d’ouvrir ainsi la voie au retour de la croissance. Nous allons être les premiers en Europe à remettre de l’ordre dans notre organisation bancaire, mais d’autres dans le passé l’ont fait avec courage, notamment Roosevelt dans les années 30, avec un certain succès. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le texte que nous examinons est fortement attendu par nos concitoyens, aujourd’hui plus qu’hier. Il répond à la colère, à l’inquiétude des populations face à certains comportements qui ont plongé le pays dans la crise financière que nous connaissons, et à la nécessité d’inscrire dans la loi, par une volonté politique forte, la régulation des activités bancaires. « Nos concitoyens attendent un changement », ce sont vos propres paroles, monsieur le ministre, et vous avez raison : nous l’entendons tous les jours dans nos circonscriptions. Ils demandent de la transparence et de la justice, ce que leur apporte ce texte. « Qui faute paye », avez-vous répété, et cela permettra de les rassurer et de leur redonner la confiance perdue dans le système bancaire. Notre économie a en effet besoin de renouer avec la confiance, et nos concitoyens aussi.

Le texte répond à plusieurs nécessités, que des collègues ont évoquées précédemment : tout d’abord, offrir de nouveaux outils aux autorités de régulation pour qu’elles jouent pleinement leur rôle afin que ne puisse se reproduire la crise de 2008 ; séparer les opérations spéculatives des opérations utiles à nos entreprises ou aux particuliers pour que ceux-ci ne soient plus les victimes collatérales des activités à haut risque des banques ; remettre la finance au service de l’économie réelle ; enfin, il répond à la nécessité de protéger le consommateur bancaire. C’est sur cette dernière partie que je souhaiterais m’attarder, et je remercie Clotilde Valter, qui m’a accompagnée dans cette démarche. Monsieur le ministre, je vous rappelle que c’est avec cohérence, constance et obstination que les députés socialistes de la commission des affaires économiques, depuis plusieurs années, travaillent sur le sujet.

Nous avons pris acte de plusieurs avancées dans ce texte : le plafonnement du montant mensuel des commissions d’intervention pour les populations fragiles, brisant ainsi la spirale du découvert ; l’amélioration de l’accès au droit au compte et à des services bancaires de base gratuits ; la simplification de la procédure de traitement des dossiers de surendettement ;t la baisse des prix de l’assurance-emprunteur et une meilleure information de la concurrence. Ce texte protège aussi le consommateur parce que, désormais, ce ne sera plus lui qui payera les erreurs des banques mais bien les actionnaires, grâce notamment à l’augmentation du fonds de garantie des dépôts.

Mais permettez-moi, monsieur le ministre, mes chers collègues, de vous dire qu’on aurait pu aller plus loin en la matière.

Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre : vous ne voulez pas compromettre la présence bancaire sur les territoires. Élue d’un territoire de montagne, je peux vous assurer que cette présence est déjà quelque peu clairsemée aujourd’hui, et je ne suis pas persuadée que légiférer de façon plus offensive pour protéger le consommateur aurait des effets dévastateurs sur la présence bancaire dans nos communes. Mais maintenir ce réseau bancaire ne doit pas se faire à n’importe quel prix, notamment au détriment de nos concitoyens qui sont aujourd’hui les otages du système bancaire. C’est pour cette raison que j’ai déposé un certain nombre d’amendements reprenant ceux que j’avais déjà soutenus avec mes collègues socialistes au sein de la commission des affaires économiques et devant cette même assemblée, lors de la loi « Consommation » fin 2011.

Ainsi, il faudra se pencher sur les frais bancaires, qui pèsent plus de 15 milliards d’euros et peuvent représenter plus de 40 % des revenus des banques de détail, mais dont la transparence problématique des tarifs et leur inégale augmentation soulèvent des questions. Il faudra lever l’opacité qui règne en ce domaine. Est-il normal que le banquier soit le seul commerçant à ne pas demander son accord au client avant de prélever directement des frais sur son compte ? Comment expliquer que les tarifs pratiqués puissent varier de un à quinze en fonction des profils ? Il faudra confirmer l’interdiction de la pratique des dates de valeur.

Il faudra aussi limiter, pour les publics fragiles, l’attribution des cartes bancaires à option paiement à crédit car la possibilité de déclencher un crédit renouvelable au moment du paiement sans aucune autre formalité est la porte ouverte à la spirale infernale du surendettement.

J’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que tous ces sujets ne feraient pas partie du texte. Le cas échéant, je ne manquerai donc pas de remettre l’ouvrage sur le métier ou, en langage montagnard, de « revenir à la charge » dans quelques mois, lors de l’examen du texte sur la consommation quand il passera devant la commission des affaires économiques et que, je l’espère, nous serons mieux entendus.

Quoi qu’il en soit, je voterais ce projet de loi car il est porteur de réelles avancées. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, réformer le système bancaire est évidemment une nécessité. On peut le dire : les banques sont impopulaires depuis la crise financière de 2008 où nombre d’entre elles n’ont dû leur salut qu’à l’intervention publique.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Et même avant !

M. Yves Censi. Cet événement nous a démontréle risque que la faillite d’une banque peut faire peser sur l’ensemble du système économique. Six ans après le début de la crise, la réforme du système bancaire reste à faire, et Bâle III à mettre en œuvre.

Un projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires est bien sûr essentiel pour remettre la finance au service de l’économie, réformer en profondeur le secteur, protéger les dépôts des épargnants mais aussi les contribuables. Votre intention est donc louable, monsieur le ministre, mais, contrairement à l’adage, il n’y a pas que l’intention qui compte et je crains que les belles incantations que vous proférez ici ou là ne résistent pas à l’analyse.

La Commission européenne a indiqué son intention de faire une proposition législative sur la base du rapport Liikanen au troisième trimestre de cette année. Qu’il s’agisse de la séparation des activités bancaires ou de la résolution bancaire, nous connaissons les orientations que prendra la directive. Dès lors, pourquoi ne pas aller justement dans le sens de cette future réglementation européenne ? Si nous décidons de réguler, il faut le faire de façon collective, et non agir isolément au risque de mettre en péril notre industrie bancaire.

Le groupe UMP est évidemment favorable au renforcement des pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de l’Autorité des marchés financiers, ainsi qu’à la création d’un conseil de stabilité financière, mais il ne peut se satisfaire de mesures purement franco-françaises : il faut agir bien sûr à l’échelle européenne.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il faut bien commencer quelque part !

M. Yves Censi. Si les banques françaises ont tant grandi ces dernières années, c’est d’abord parce qu’elles travaillent désormais sur un continent et non plus sur un pays. Votre intention de séparer les activités bancaires est louable, mais vous vous arrêtez au milieu du gué en renvoyant au décret le soin de fixer un seuil hypothétique.

Avec le texte que vous nous présentez aujourd’hui, nous sommes vraiment très loin du discours du Bourget, c’est même une coquille vide. Cela dit, la nature ayant horreur du vide, votre majorité n’a pas tardé à colmater – bien maladroitement – les brèches que vous aviez laissé ouvertes. Vous voulez être précurseur, le premier à faire appliquer un texte de loi sur la réforme bancaire, avant tout le monde, avant les États-Unis, mais votre projet ne va pas changer grand-chose. Il est en réalité bien en deçà de ce qui est proposé ailleurs, cumulant malheureusement les faiblesses de tous les projets existants à l’étranger sans hériter d’aucune de leurs forces.

Ainsi, vous voulez séparer les activités de détail et les activités de marché, mais c’est une séparation a minima, truffée d’exceptions, qui portera sur à peine 1 % des activités bancaires. Est-ce cela que vous appelez un projet ambitieux ?

Vous voulez empêcher le risque systémique induit par la faillite d’une banque, mais votre texte ne scinde pas financièrement les entités bancaires et laisse entier le problème de leur solidarité de destin en cas de faillite puisqu’il les garde toutes deux au sein d’une même holding. Or la faillite d’une filiale «marchés» peut fort bien entraîner celle du groupe tout entier. Cette loi ne permettra donc pas de limiter le risque systémique, c’est-à-dire la contagion, que les grandes banques font planer sur l’ensemble de leur secteur et, partant, sur l’économie. Il n’évitera pas la répétition d’une crise financière comme celle de 2008.

Votre projet de loi est moins contraignant que les préconisations figurant dans le rapport Liikanen, il est aussi moins exigeant que la Volker Rule qui prévaut aux États-Unis ou que la réforme Vickers en Grande-Bretagne : en ce qui concerne la séparation de l’activité de marché, le projet français diverge clairement de leurs orientations. Quant au régime de résolution, il est également en deçà des préconisations des rapports Liikanen et Vickers. Le texte prétend en effet offrir une protection aux contribuables et aux déposants, mais il n’en est rien : en cas de défaut d’une banque dont le volume des fonds propres serait insuffisant pour absorber le volume des pertes, l’Autorité de régulation ne pourrait imputer le montant des pertes que sur une partie seulement des détenteurs de capitaux obligataires et, in fine, le fardeau retomberait sur le contribuable, car que représenteraient les quelques milliards du fonds de garantie des dépôts et de résolution à l’aune des 8 000 milliards du bilan des banques françaises ?

L’enjeu, rappelons-le, est de réduire les risques de faillites bancaires et de circonscrire les hypothèses où les budgets publics seraient sollicités pour les assumer.

Toute la difficulté consiste à élaborer une réforme suffisamment forte pour juguler les risques et l’impact de futures crises bancaires sur les finances publiques mais préservant la capacité de financement des banques et leur soutien à la croissance économique.

C’est là que le bât blesse. L’objectif est d’avoir des banques compétitives qui financent l’économie sans entraîner de risque systémique. Nous devons les inciter à accompagner davantage les entreprises et ne pas créer un choc de compétitivité négatif pour elles. Il ne faudrait pas que les entreprises en France se tournent vers les banques étrangères au motif que celles-ci bénéficient de normes moins strictes.

Or à l’heure où nos banques doivent s’adapter à une série de réglementations lourdes, notamment Bâle III, ce texte risque de leur apporter un certain nombre de contraintes supplémentaires.

Certains amendements ont d’ores et déjà été adoptés en ce sens, notamment l’obligation de transparence à laquelle vous voulez soumettre les banques françaises sur leurs activités à l’étranger. Le fait d’être les seules à devoir livrer à la concurrence des informations sur leurs forces et leurs faiblesses aura pour effet principal de les fragiliser.

Au cours des débats, une grande partie de votre majorité va s’employer à durcir le texte adopté en commission.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Yves Censi. Je vais donc en terminer là. Voilà les raisons pour lesquelles je voterai contre ce projet de loi qui, malheureusement, est plus un outil de communication qu’un véritable instrument de régulation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien analysé : c’est de la communication !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, l’objectif premier de ce texte est de tirer les conséquences de la crise de 2008 qui a fait peser sur l’économie mondiale un risque important dont nous subissons encore les séquelles.

Celle-ci a cruellement souligné les lacunes du cadre de régulation et de contrôle du système bancaire et financier international. Les outils à la disposition des autorités de supervision, quand ils existaient, n’étaient ni adaptés ni efficaces ni réactifs ni anticipateurs.

Après Bâle III qui vise à mettre en place un premier socle de renforcement des fonds propres et des règles prudentielles, il convient de compléter le dispositif pour éviter le renouvellement d’un choc financier dont l’ampleur et les répercussions ont mis l’économie mondiale en péril.

De nombreuses réflexions ont été lancées sur le sujet au niveau international.

Aux États-Unis, la règle Volker, en attente de décrets d’application, vise à interdire certaines activités risquées.

Au Royaume-Uni, la règle Vickers, qui ne sera applicable qu’en 2019, cloisonne les activités bancaires au sein d’un même établissement et sanctuarise la banque de dépôts.

L’Allemagne prépare une loi qui concernerait uniquement les banques dont la part des activités risquées dépasse 20 % du total de bilan et dont l’application est prévue en juillet 2015.

Enfin, et c’est certainement le plus important, une réforme est en cours au niveau européen suite au rapport Liikanen qui propose une voie de séparation visant à isoler les activités de marchés au sein des groupes bancaires.

C’est dans ce contexte que la France se mobilise sur le sujet, dans la droite ligne des engagements pris par François Hollande lors de la campagne présidentielle. Il convient de noter que notre pays sera le premier à fixer un cadre contraignant et une séparation des activités bancaires et financières : les décrets d’application seront publiés rapidement après son adoption ; le Gouvernement a refusé que son application soit reportée en 2017. Les banques auront jusqu’à 2015 pour se mettre en conformité.

Le cœur du projet de loi consiste donc à la séparation des activités bancaires spéculatives, les activités pour compte propre, des activités utiles à l’économie réelle.

Les activités pour compte propre seront cantonnées dans une filiale de la banque. Cette filialisation sans couverture de la maison mère garantira et préservera les dépôts des épargnants. De même, il sera interdit aux filiales cantonnées de mener certaines activités spéculatives à haut risque comme le trading à haute fréquence, ou encore d’être actionnaire de fonds spéculatifs du type hedge funds.

La crise de 2008 a souligné les lacunes des outils à la disposition des autorités de supervision pour le règlement d’une crise bancaire. Ainsi, l’Autorité de contrôle prudentiel rebaptisée Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ACPR – voit ses pouvoirs de surveillance et de sanctions renforcés. Elle pourra notamment révoquer des dirigeants, nommer des administrateurs provisoires et même aller jusqu’à interdire certaines activités si le plan de résolution de la banque est jugé défaillant.

Les dépôts des clients seront protégés des erreurs des banques. C’est dans ce cadre que le projet de loi transforme le Fonds de garantie des dépôts en un Fonds de garantie des dépôts et de résolution, financé par les banques elles-mêmes et dont la capacité d’intervention sera fortement renforcée.

Les travaux en commission et les échanges avec le Gouvernement ont permis d’enrichir le texte, notamment sur la question des paradis fiscaux. Les amendements adoptés en commission sous l’impulsion des groupes majoritaires permettent d’aller vers une meilleure transparence. Dorénavant, et nous y étions particulièrement sensibles, les établissements de crédit devront publier en annexe à leurs comptes annuels des informations sur leurs implantations et leurs activités dans chaque État ou territoire, pays par pays.

Le projet de loi ne propose pas de filialiser les activités de tenue de marché qui jouent un rôle souvent fondamental dans l’apport de liquidités à des clients, et qui, de façon générale, permettent d’assurer un bon fonctionnement des marchés au service des entreprises ou de l’État lorsqu’il émet des titres de dette. Mais ces activités doivent être sérieusement encadrées afin de ne pas dissimuler dans la société mère des activités spéculatives. Suite à l’adoption d’amendements de notre groupe, le ministre des finances aura la possibilité, s’il le juge utile, de limiter leur poids dans la maison mère de chaque banque par simple arrêté.

Enfin, le dernier objectif du texte, et non le moindre, vise à protéger les clients des banques. Sur cette question, je ne doute pas que nos travaux permettront de trouver un équilibre satisfaisant afin de protéger nos concitoyens, notamment les plus modestes, des frais bancaires abusifs.

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Marc Goua. Il conviendra d’être attentif aux commissions d’intervention et surtout aux facturations sans limite des défauts de paiement qui touchent les plus fragiles de nos concitoyens.

Ces mesures qui visent à protéger les clients…

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Marc Goua. Je conclus, madame la présidente.

Ces mesures, qui visent à protéger les clients, seront complétées par le projet de loi sur la consommation qui traitera du surendettement, notamment des crédits renouvelables, et qui devrait être présenté prochainement en conseil des ministres.

L’équilibre trouvé au sein de ce projet de loi après enrichissement par divers amendements est bon. En effet, il réussit à protéger les Français d’une crise bancaire dont on peut constater les effets collatéraux tout en préservant la capacité de financement de l’économie réelle auprès des particuliers et des entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi est important et même capital.

La question bancaire a quelquefois fait les gros titres au cours des dernières années – les scandales, les affaires – mais ils n’ont jamais été au niveau des enjeux, à la hauteur de la révolution silencieuse amorcée dans les années 1980 par la gauche et qui a conduit à la « modernisation » du secteur bancaire. Je mets des guillemets à ce mot car, en fait, je pense libéralisation et branchement sur la finance globalisée.

Cette modernisation a été opérée non sans succès car non seulement la France exporte ses traders mathématiciens, excellemment formés dans les écoles de la République, mais elle dispose aussi de champions bancaires dans un secteur qui se plaît à se qualifier d’industrie financière et qui aime à rappeler lourdement les centaines de milliers d’emplois qu’il représente. Les banquiers qui s’expriment ainsi n’ont peur ni de l’usurpation ni du chantage à l’emploi.

Monsieur le ministre, vous présentez souvent votre projet de loi comme une réponse à la crise financière de 2008, ce qui est vrai pour le volet résolution des crises. Mais la question de la séparation mérite d’être posée indépendamment de la crise de 2008 car, depuis trente ans, le secteur bancaire et financier a connu une croissance, une inflation qui mérite qu’on s’interroge sur son utilité sociale ou sur sa déconnexion.

En France, le secteur présente la caractéristique d’être particulièrement concentré, avec de grosses banques à tout faire qui mélangent allègrement métier bancaire et métier de la finance au bénéfice du second. C’est à trente années de révolution silencieuse que la séparation doit répondre, tant pour ne plus offrir le parapluie public à des activités spéculatives que pour réorienter les banques vers le financement de l’économie. La question de la séparation, de sa réalité et de son effectivité, est cœur de nos débats parlementaires.

Certains ont déjà condamné ce projet, le jugeant insuffisant et inoffensif. Là où vous voyez des ciseaux, monsieur le ministre, beaucoup ne voient qu’un couteau sans manche auquel on aurait ôté la lame. Je ne partage pas du tout cet avis.

Des choix différents, plus radicaux, auraient pu être faits. Pour autant, je ne partage pas le jugement expéditif de ceux qui trouvent le projet de loi inoffensif. Nos collègues de la commission des finances et la rapporteure l’ont d’ailleurs fait progresser sur la nature des activités à filialiser, la réalité du cantonnement, les paradis fiscaux et la protection des clients des banques. Il reste des marges de progression que beaucoup d’amendements de la majorité vous invitent à explorer. J’espère que vous y serez attentifs afin de renforcer davantage encore la régulation.

J’attends aussi de nos débats qu’ils tracent une perspective, monsieur le ministre. Ce texte intervient vite, moins de 300 jours après l’élection. Les banques n’en voulaient pas et il faut saluer la volonté du Gouvernement d’avoir avancé, mais il n’a de sens que s’il s’agit d’une première étape sur le chemin.

Dès lors, deux questions se posent.

La première concerne la nature et la taille des activités cantonnées. M. Oudéa, devant la commission des finances, a quelque peu troublé les esprits en évoquant des chiffres dérisoires. Nombreux seront les collègues pour proposer d’allonger la liste et de faire grossir le chiffre au-delà de 1 % des actifs bancaires.

La seconde question porte sur la vente des filiales, le véritable découpage, la Séparation avec un grand S qui n’est pas inscrite dans le texte. De ce fait, la loi me semble mal nommée et nous y reviendrons. Cependant, la loi doit permettre de fixer un objectif et d’enclencher un processus pour la législature.

L’année 2013 sera socialement et économiquement difficile et je comprends parfaitement qu’elle ne se prête pas à une restructuration radicale du paysage bancaire français. Nous sommes capables d’attendre encore un peu, 2014 ou 2015. Mais j’ai la certitude que c’est le chemin que nous devons prendre.

En créant un pôle public autour de la BPI l’année dernière, en votant le cantonnement cette année, la majorité entend jeter les bases d’une réforme bancaire ambitieuse. Il est bon que chacun en ait conscience dans les banques mais également au cœur de la forteresse Bercy. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, par cette réforme, nous nous engageons dans la meilleure des voies. Si nous ne sommes bien entendu pas au bout du chemin, à tout le moins nous invitons l’Europe et d’autres pays encore à nous suivre en posant dès aujourd’hui un acte fondateur de ce qu’il convient d’appeler une réforme structurelle.

Hier, certains membres de l’opposition nous ont expliqué que la régulation devait être européenne, globale, que rien ne pouvait être fait sans regarder au-delà de nos frontières. Heureusement, nous ne les avons pas attendus : taxe sur les transactions financières, construction de l’Union bancaire européenne, directive européenne à venir et que nos travaux influenceront. En quelques mois, la gauche a plus obtenu, malgré les incantations, que la droite au cours des dix années précédentes.

Le texte, dont nous allons débattre et que nous allons adopter, représente notre première pierre à l’édifice de la régulation. Pour ma part, je suis heureux que la France montre la direction aux pays qui hésitent, notamment en ce qui concerne la transparence sur les paradis fiscaux. Quand la destinée du monde est en jeu, la France a cette vocation de fixer le cap, en raison des valeurs, des principes, de la soif de démocratie inscrits dans son ADN.

Il s’agit en premier lieu de moraliser le système bancaire, c’est-à-dire de réduire l’aléa moral. Celui qui faute doit payer, celui qui paie décide : à ces maximes d’évidence, il est difficile de ne pas souscrire. Et pourtant aujourd’hui, le système bancaire est ainsi conçu qu’il s’en éloigne beaucoup. C’est celui qui faute qui encaissera les aides. C’est celui qui faute qui verra la puissance publique le soutenir et ses comptes renfloués par l’argent du contribuable, qui lui, naturellement, paye, mais ne décide de rien. Vous signez, en quelque sorte, dans le domaine financier et bancaire, le retour du politique.

Je voudrais aussi saluer la méthode, les échanges que nous avons eus en commission des finances et en commission des affaires économiques, le travail de la rapporteure de la commission des finances et l’oreille attentive que vous avez prêtée, monsieur le ministre, à notre volonté de coproduction législative.

Nous parlons donc d’aléa moral sur un sujet immensément complexe et technique, qui ne peut être réduit à des slogans.

Si notre confiance est totale, notre exigence l’est tout autant car une grande part de ce que nous allons discuter ici devra faire l’objet d’un décret. Il ne faudrait pas que la succession d’exceptions vienne rendre la règle inopérante.

Je veux d’abord parler dans le domaine du trading haute fréquence, du quote stuffing, ce bourrage d’ordres inutiles pour ralentir la concurrence ou encore du spoofing, autre nom barbare qui renvoie au fait de gonfler artificiellement un carnet d’ordres, ce qui constitue une véritable manipulation de cours.

Sur ces points-là, monsieur le ministre, je sais que vous veillerez à ce que ces activités ne se retrouvent pas dissimulées, filialisées ou pas, dans la tenue de marché.

Sur les autres sujets, qu’il s’agisse des paradis fiscaux, des frais bancaires, de la mobilité, de l’assurance-crédit, de la gouvernance ou de la haute fréquence, de nombreux points seront discutés ici. Beaucoup l’ont déjà été. Je ne doute pas que nos débats permettront de parvenir à un texte qui n’est pas seulement moral, pas seulement financier ou technique, mais véritablement démocratique et répondant à l’impérieuse nécessité de satisfaire l’intérêt général.

Pour conclure, j’ai entendu dans la discussion générale hier certains propos qui ne peuvent être acceptés dans un débat honnête et transparent.

N’est ce pas Nicolas Sarkozy qui le 23 septembre 2009 déclarait : « Les paradis fiscaux, c’est fini ! ». N’est ce pas Nicolas Sarkozy qui le 23 septembre 2009 disait : « On a convaincu toute l’Europe dont les Anglais. Les dérives bancaires, c’est fini ! ». Hier, lorsque nous parlions de prévision ou de gestion des crises, M. Chartier proposait un très timoré, poétique certes mais inefficace, conseil de régulation des risques systémiques. Aujourd’hui, nous posons des règles claires avec la filialisation ; nous fixons le principe avec la résolution ex ante.

Nous portons ici et maintenant un texte qui ne poursuit pas seulement des objectifs de transparence et de démocratie. Enfin, avec ce texte, les citoyens sauront qui dans cet hémicycle s’est levé et a débattu pour que soit mis fin au sentiment d’impunité et à l’idée que notre exigence face aux banques devrait être aussi poreuse que le sont les frontières. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je souhaite remercier l’ensemble des intervenants sur ce texte, hier soir et aujourd’hui qui ont permis de lancer le débat, et de l’avis général, de bonne manière.

Je veux bien évidemment avoir un mot particulier pour la rapporteure de ce texte, Karine Berger, dont je partage l’ensemble du propos. Même l’opposition a salué, madame la députée, le travail considérable et de qualité que vous avez fourni – un travail clair, limpide et précis, je veux le noter et me rallier à cette opinion, bien sûr. Vous avez offert une meilleure vision d’ensemble, une meilleure compréhension des mécanismes qui ont conduit à la crise. Je reviendrai sur vos amendements qui rendent ce texte plus mordant encore qu’il ne l’était dans sa version initiale.

Je remercie également Philippe Kemel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour son intervention et pour le travail que nous avons pu mener en commun. Il nous a rappelé à juste titre que les banques jouent un rôle déterminant pour transformer l’épargne des Français en un financement utile pour notre économie. Il est vrai que nous ne devons pas perdre de vue cette préoccupation. Je l’ai dit hier, nous n’avons pas pour objectif de nuire au financement de l’économie mais de faire mieux.

J’ai entendu ses suggestions, s’agissant en particulier des hedge funds ; j’en partage beaucoup. Nous aurons l’occasion de continuer cet échange au cours de la discussion des amendements.

Mme Axelle Lemaire, que je salue également, a insisté à juste titre sur la partie du texte consacré à la résolution bancaire et sur son apport essentiel pour lutter contre l’aléa moral. Ses amendements permettent d’améliorer encore la gouvernance du système. Elle a aussi utilement rappelé la position de la France dans les discussions en cours à Bruxelles sur le champ des créanciers qui seront mis à contribution.

Et puisque vous avez parlé de Londres, madame la députée, j’en profite pour vous signaler qu’Alistair Darling, ancien ministre des finances du Labour, a récemment publié dans le Financial Times une tribune indiquant, comme vous, que, plus que la réforme Vickers, c’est bien le bail in qu’il fallait viser. C’est ce que nous faisons !

J’ai eu l’occasion de répondre déjà en partie sur la question des frais à M. le président de la commission des finances. Je partage son souci de garder des banques de détail viables. Mais je n’accepte pas, pas plus que lui d’ailleurs, que le modèle économique de la banque de détail repose sur l’exploitation des populations fragiles, car ce sont bien elles qui subissent l’essentiel des commissions d’intervention.

M. Pascal Cherki. Très bien.

M. Pierre Moscovici, ministre. Pour le reste, en régulant la finance, j’ai le sentiment d’être dans mon rôle de ministre de l’économie et des finances : le secteur bancaire ne pourra que bénéficier d’un secteur financier plus stable et moins explosif. J’aurais l’occasion de le redire à d’autres orateurs de l’opposition, je crois que cette réforme est nécessaire et qu’en toute hypothèse, une réforme est nécessaire. Je n’accepte pas l’idée que le laisser-faire puisse être la réponse.

À ce sujet, et concernant les amendements socialistes relatifs à la tenue de marché, je veux dire, pour lever toute ambiguïté, qu’il n’y a pas d’un côté ceux qui cherchent à durcir le texte et de l’autre un ministre qui serait modéré. Ces amendements me conviennent absolument, totalement. Ils permettent justement de traiter un sujet que le Royaume-Uni esquive. Non pas parce que ce n’est pas possible, mais parce que nos amis anglais souhaitent, comme vous l’avez bien dit, monsieur le président, ne rien changer à la City. Nous n’avons pas le même modèle bancaire. À cet égard, la démonstration faite par Pierre-Alain Muet hier est implacable et brillante. Elle montre qu’à chaque système bancaire doit correspondre un type de réforme. Je pense que nous faisons le type de réforme qui correspond à un modèle européen et au modèle français de surcroît, marqué par la banque universelle. Nous sommes, je le crois, parvenus à l’équilibre.

J’ai noté votre mise en garde, monsieur le président de la commission des finances, sur un point, les frais bancaires. Mais j’ai aussi apprécié les éloges que vous avez adressés à la rapporteure et, au fond, votre appui intellectuel à l’ensemble de la réforme. Je ne sais pas quelles conclusions vous en tirerez mais je voulais vous remercier de votre apport aux travaux.

Je remercie M. Brottes, président de la commission des affaires économiques, pour son analyse de la loi et aussi pour le travail approfondi de sa commission. Celle-ci, Mme Massat l’a souligné également, a beaucoup travaillé sur ce sujet depuis longtemps. Je veux vous assurer que même si, comme il se doit, la commission des finances a été le théâtre privilégié de discussion de ce texte, les amendements qui sont proposés par la commission des affaires économiques et les interventions que vous faites sont plus qu’appréciés. Ils seront entendus dans le cadre de la discussion qui va s’ouvrir.

Nous n’avons pas pu recevoir tous les amendements déposés mais nous avons pu progresser ensemble sur nombre de sujets - notamment ceux concernant les consommateurs. Je sais que vous y êtes attachés. Après la banque publique d’investissement, c’est un nouvel exemple de coopération fructueuse avec votre commission que je veux saluer.

Enfin, je salue la qualité de l’intervention de M. Caresche et du travail qu’il a mené pour mettre la réforme française en perspective européenne. Il a raison d’insister sur la nécessité d’avancer au plus vite aux niveaux européen et international. Je me bats, à Bruxelles, pour que la réglementation européenne soit ambitieuse. N’oubliez pas – je ne l’ai peut-être pas suffisamment souligné mais je ne voulais pas être trop long dans mon intervention liminaire – que si la supervision bancaire a connu des avancées historiques, à la fois au Conseil européen des 28 et 29 juin puis lors du conseil ECOFIN qui a adopté une feuille de route sur la supervision bancaire qui n’était même pas dans les limbes avant que nous arrivions aux responsabilités, c’est parce que la France a été aux avant-postes.

Je le dis à François Baroin, les ministres des finances, actuels et anciens, forment une sorte de club qui interdit qu’on se mette en cause personnellement. Il ne l’a pas fait, je ne veux pas le faire non plus, d’autant que nous entretenons des relations personnelles très cordiales, cela se sait. Quand je défends au conseil ECOFIN ou à l’Eurogroupe les thèses de la France aujourd’hui, je n’ai pas le sentiment que nous ayons moins d’audience que nos prédécesseurs. Quand il s’agit du thème d’aujourd’hui, j’affirme que nous l’avons installé dans le débat public. C’est grâce à nous que ce sujet avance. Ce texte, j’en suis persuadé, j’en parle souvent avec Michel Barnier, est un texte précurseur qui servira de point d’appui au commissaire pour élaborer sa réforme. Je n’ai pas l’intention de lui griller la politesse. Je ne souhaite pas faire un texte isolé. Je souhaite faire un texte qui soit une avant-garde et qui permette ensuite de poser des jalons qui seront de nature à permettre aux autres Européens d’avancer. Telle est mon intention, je n’en ai pas d’autres. M. Caresche a bien tracé la perspective à cet égard.

Ayant salué les présidents et les rapporteurs, je veux répondre rapidement aux autres orateurs et revenir un moment sur le sujet de la séparation des activités et sur la référence, plus ou moins explicite, au Glass Steagall Act.

C’est un sujet qui est revenu dans nombre d’interventions, parmi lesquelles celles d’Eric Alauzet, de MM Robert, Sansu, Laurent et quelques autres mais aussi de M. Lellouche, que je ne veux pas oublier puisqu’il s’est démarqué sur ce point d’autres interventions du groupe auquel il appartient.

Je l’ai dit à plusieurs reprises, y compris dans mon intervention liminaire : si j’avais pu penser, et j’y ai réfléchi évidemment, que la séparation stricte était la solution à la crise financière dans le cas français, soyez certains que nous l’aurions appliquée ! Je n’avais pas, et je n’ai pas, d’a priori sur ce sujet.

Dans le droit fil des observations de M. Muet, j’essaie de faire en sorte que nous ayons le modèle le plus adapté au système français, afin, encore une fois, de mieux réguler, mieux contrôler, mieux moraliser sans entraver, sans fragiliser ou affaiblir. Il suffit d’examiner la liste des institutions, banques ou autres, qui ont failli pendant la crise. Aucune de ces faillites, à ma connaissance, n’aurait pu être évitée par une séparation de type Glass-Steagall.

La vérité, malheureusement, est que l’étincelle de la crise est venue des subprimes ou encore des cajas espagnoles. L’expérience nous montre que, même une banque purement d’investissement peut avoir des effets systémiques si elle est trop liée au reste de l’économie.

Cela ne veut pas dire que la question de la séparation est définitivement tranchée. Cela ne veut pas dire que les questions peuvent être balayées d’un revers de main. Il faut faire une analyse concrète, ici et maintenant, dans un pays déterminé sur ce continent de ce que sont les intérêts du système bancaire : c’est ce qui m’a conduit à ne pas retenir la thèse de la séparation.

Que veulent les partisans de la séparation ? Ils veulent mettre fin à l’aléa moral et brider la spéculation. C’est ce que fait ce texte.

La vraie réponse, c’est une filialisation stricte et un régime de résolution qui permettra de mettre créanciers et actionnaires en face des risques qu’ils prennent.

D’ailleurs, il y a eu un débat entre l’un d’entre vous et la rapporteure. C’est vrai que la filialisation, telle qu’elle est présentée ici, avec des structures et des dirigeants différents est une vraie séparation ; elle n’est pas cosmétique, elle est réelle. Le travail parlementaire a permis d’avancer sur ce point.

De nombreux députés – Éric Alauzet, Eva Sas, Clotilde Valter, Christian Paul, Sandrine Mazetier et Dominique Potier – se sont intéressés aux paradis fiscaux

Un amendement du groupe écologiste et du groupe socialiste a été adopté en commission des finances. C’est une première mondiale dont nous pouvons être fiers. Je sais qu’on m’a reproché de parler en ces termes, mais je le fais quand même. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Lamour. C’était hier l’autosatisfaction !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce n’est pas un tic de langage. C’est l’amour de ce que nous faisons et aussi la volonté de changer les choses.

Cet amendement est le fruit d’un accord entre les groupes de la majorité et le Gouvernement. Il est ambitieux – nous serons les premiers au monde à exiger une telle liste – et, en même temps, il est maîtrisé.

Je me tourne vers Dominique Potier, dont l’intervention était pleine de cœur et dont on sentait qu’il était vraiment pris aux tripes par le sujet ; je sais que c’est un militant. Je lui demande de comprendre qu’il s’agit d’un premier pas. Il est difficile, aujourd’hui, ici et maintenant, d’aller plus loin. C’est aussi la méthode, qu’évoquait hier Laurent Baumel, ce réformisme qui consiste à procéder pas à pas. En l’occurrence, je pense vraiment que le travail accompli avec les écologistes, avec les socialistes, permet d’engranger de premiers résultats, marque une première étape. Il reviendra ensuite, c’est vrai, à l’histoire de franchir les suivantes. Je ne pense pas que l’on tranche une fois pour toutes, et que l’on s’arrêtera là. Il faut expérimenter, il faut faire ; c’est vrai, nous serons les premiers et, c’est également vrai, ce n’est pas sans risques. Il faut donc maîtriser les risques pour notre système bancaire.

Je me tourne donc vers vous, monsieur le député Potier. Nous avons eu l’occasion d’avoir des échanges personnels sur le sujet et je connais votre engagement, mais je crois qu’il faut que nous réfléchissions collectivement à ce qu’est notre intérêt. En l’occurrence, il est de capitaliser sur ce qui a été voté par la commission des finances plutôt que de susciter davantage de débats et, éventuellement, de remous.

J’ai entendu l’opposition demander, pour sa part, que nous revenions sur ces progrès. Je prends acte de cette position, à regret. Au fond, l’opposition semble rejeter la transparence, ce que je n’approuve nullement ; je pense que la majorité a eu raison de faire cette avancée en ce sens.

S’agissant des frais bancaires, j’ai eu l’occasion de dire en commission que je considérais que cette question n’était pas moins essentielle que la question systémique. S’il est une chose que je revendique, y compris dans le discours que nous avons pu tenir pendant la campagne, c’est la prise en compte du consommateur, de l’usager, dans le texte. On aurait pu se contenter d’un texte de structure, d’un texte de résolution, dont l’objet serait le comportement des banques, mais j’ai voulu que la question des frais bancaires soit traitée, car je veux que le système bancaire se remette au service de ses clients, notamment des populations les plus fragiles. J’ai dit que le projet comportait un certain nombre d’avancées, j’ai ouvert la voie à un dialogue entre le Gouvernement et Parlement sur la question d’un plus large champ d’application du plafonnement des commissions d’intervention. C’est un vrai acquis pour les Français. Je sais que la discussion aura lieu ici aussi mais, je le répète, il faut que nous gardions en tête l’intérêt d’un système bancaire dont la présence humaine est forte dans chacun des territoires de France dont nous sommes – je dis « nous » car j’en suis aussi – les élus. Il faudra que les parlementaires agissent avec volonté, avec sérénité et, en même temps, avec la sagesse qui s’impose. Le Parlement trouvera en tout cas en moi, sur ce sujet, un interlocuteur attentif. Je pense en particulier à M. Paul mais aussi à d’autres, qui ont des propositions à faire.

Je termine par un certain nombre de réponses et de remarques.

Éric Alauzet a évoqué la question de la mise à contribution des créanciers seniors. C’est l’un de mes objectifs dans la négociation en cours au niveau européen. Je ne pense pas, pour ma part, qu’il serait raisonnable d’appliquer cela de façon unilatérale. Il faut plutôt considérer qu’un mandat nous est donné.

Je remercie M. Thierry Robert pour le soutien de son groupe, qui a déposé de nombreux amendements. Nous aurons l’occasion, bien sûr, d’y revenir pendant la discussion des articles, mais nous avons déjà pu constater un point de divergence entre le point de vue qu’il a exprimé et le mien, sur la tenue de marché. Je n’accepte pas l’idée, injuste à mon sens, qu’il s’agirait uniquement d’une activité spéculative. L’approche retenue par la rapporteure et par M. Baumel, qui consiste à définir strictement ce qu’est la tenue de marché et, ensuite, à donner au ministre que je suis la capacité de définir des plafonds pour telle ou telle situation, est à la fois la plus ferme et à la plus souple. Je crois franchement que c’est une bonne démarche et, si j’ai noté que vous ne faisiez pas du traitement de cette question une condition du soutien de votre groupe, j’espère quand même vous convaincre du bien-fondé de cette approche.

J’ai noté que Nicolas Sansu, qui a fait un gros travail sur ce projet de loi, trouve que c’est un texte précurseur ; je tiens à le remercier. Je tiens aussi à le rassurer à propos de la tenue de marché et des interrogations qu’elle suscite chez lui. Je le sais soucieux d’avancer, avec son groupe, sur l’interdiction précise d’un certain nombre d’activités de tenue de marché. Ces préoccupations ont déjà été prises en compte et nous aurons peut-être à en rediscuter. Cela dit, l’écoutant hier intervenir contre la motion de rejet préalable et déclarer qu’il considérait que ce texte était précurseur, je me prenais à rêver qu’il l’approuverait. Mais il revient à chacun de se déterminer.

Je salue le travail mené par Laurent Baumel et Clotilde Valter, un travail d’animation du groupe majoritaire, d’abord, et une implication sans failles grâce à laquelle – je le leur dis – ce texte est devenu meilleur. Je ne puis évidemment que me réjouir de l’analyse faite par Laurent Baumel de la démarche que j’ai tenté de suivre, une vraie démarche réformiste, une démarche de dialogue avec le Parlement. Nous avons employé le terme de « coproduction ». C’est très simple : le Gouvernement propose un texte, mais des ouvertures doivent être possibles et le rôle du Gouvernement me semble d’être, mesdames et messieurs les députés, à votre écoute. C’est ainsi que nous avons à la fois pu améliorer le texte et répondre à certaines critiques trop faciles dont il était l’objet. Nous disposons maintenant d’un texte réformiste, en ce sens qu’il représente vraiment une avancée, un changement et qu’il témoigne aussi du souci de l’efficacité économique et du financement de l’économie française. D’ailleurs, l’amendement que vous avez déposé sur la tenue de marché, monsieur Baumel, est tout à fait décisif. Il permet une avancée essentielle.

Merci, monsieur Eckert, pour votre soutien précieux et aussi pour l’amendement que vous avez déposé, qui concerne les emprunts toxiques. J’espère que nous parviendrons, dans la discussion ou dans le courant de la vie de ce texte, à trouver une formulation satisfaisante pour tous. En tout cas, l’inspiration que vous avez donnée est tout à fait essentielle.

J’exprime ma gratitude à Pierre-Alain Muet. Je sais que, dans une autre vie, il a contribué à former le rapporteur général. En l’écoutant, j’ai tout à coup été saisi par cette magie de la pédagogie, du verbe et de l’histoire. Il fallait faire ces rappels, qui étaient utiles et qui ont impressionné sur tous les bancs. Cher Pierre-Alain, vous êtes notre maître à tous, je le sais, vous le savez, et, hier, vous l’avez vraiment démontré hier.

Je remercie Christian Paul et Guillaume Bachelay pour leurs interventions. Je les rejoins sur l’essentiel. C’est une loi technique, naturellement, mais c’est aussi une loi politique et une loi démocratique. Pardon, je corrige : c’est d’abord une loi politique et une loi démocratique. Ce n’est pas un outil de communication.

Mme Marie-Christine Dalloz. Oh !

M. Pierre Moscovici, ministre. Changer les rapports de force, redonner la main au politique, faire en sorte qu’il y ait, en effet, un équilibre différent, eh bien, oui, je pense que nous pouvons le revendiquer et l’assumer. C’est ce que je fais.

Je remercie Pascal Cherki de son exposé tout à fait limpide. Il a présenté avec beaucoup de clarté l’esprit du projet de loi, nous partageons son point de vue. Cela peut surprendre certains, mais c’est bien ainsi que les choses se passent. Je veux aussi dire à Pascal Cherki et à vous tous mon engagement à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Nous avons eu l’occasion d’en débattre hier à plusieurs reprises, c’est un sujet tout à fait déterminant.

J’ai déjà répondu à Dominique Potier. Je le redis : je compte sur sa compréhension.

Chère Sandrine Mazetier, chère Valérie Rabault, je me réjouis de vos propos à l’une et à l’autre sur la séparation et la filialisation, car c’est quand même là le cœur de ce projet de loi, le cœur de cette réforme. Il s’agit de s’attaquer à ce qui n’est pas utile et de soutenir ce qui l’est. C’est aussi le sens du débat que nous aurons demain avec nos amis britanniques.

Mme Rabault a évoqué, outre les ciseaux de Karine Berger, le couteau de boucher. S’il advenait que le ministre des finances dût se servir de l’un de ces outils, je préférerais me saisir des ciseaux qui permettent, finalement, une découpe un peu plus fine. Mais, quoique je me permette cette appréciation, je ne veux pas m’immiscer dans les débats que Mme Rabault et Mme Berger peuvent avoir entre elles ! (Sourires.)

M. Grandguillaume a souligné à juste titre que c’est dans des activités de crédit, les subprimes, que le risque systémique est né. Le projet de loi le prend bien en compte, notamment avec la création du conseil de stabilité financière.

M. Thévenoud, Mme Massat et aussi M. Hammadi ont insisté sur la question des clients des banques, sujet dont j’ai dit qu’il m’était plus que cher, qu’il était essentiel à la démarche que je veux mener. Je tiens à les remercier pour le travail vigilant qu’ils ont déjà fait et à les assurer que nous aurons l’occasion, dans le débat, de continuer à en discuter.

Je remercie Alain Fauré d’avoir rappelé toutes les mesures déjà prises par le Gouvernement. J’aurais pu y insister davantage – je n’ai pas voulu allonger encore la durée de nos débats – mais il faut remettre cette réforme dans le contexte plus large du financement de notre économie, de la finance qu’il faut remettre au service de notre économie. C’est le sens de la Banque publique d’investissement – j’en parlais tout à l’heure pendant les questions d’actualité au Gouvernement –, c’est le sens du rapport que vous préparez, madame Berger, avec Dominique Lefebvre, sur la réforme de l’épargne financière.

Que dire à Marc Goua, sinon qu’il connaît bien le sujet dans toute sa complexité ? Je veux le remercier pour sa contribution et son analyse forte et précise.

Monsieur le député Jean-Luc Laurent, je vous sais attaché à cette loi, et au fait qu’elle redonne au politique de la souveraineté, de la puissance. Cela va dans le sens des combats que vous menez. À propos de la taille et du périmètre des activités, sur lesquels portent beaucoup de vos amendements, je répète que je ne crois pas, pour ma part, à la thèse de la séparation. Disons-le clairement, ne soyons pas hypocrites : ce n’est pas la logique du texte. Ce que j’ai souhaité, c’est que les amendements déjà votés par la commission des finances rendent plus opérationnelle, plus forte, la main du politique et que l’on puisse bien distinguer ce qui est spéculatif de ce qui ne l’est pas, y compris dans la tenue de marché. Nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler.

J’ajoute que les chiffres rendus publics par certains banquiers – je n’ai pas trouvé cela follement adroit – n’étaient pas les miens, et le sont encore moins maintenant. Après les décisions que nous avons prises, la taille des filiales, en fonction de la volonté du politique comme de la situation spéculative, pourra croître. On ne fait pas une loi pour un instant t. En 2006, nous aurions eu des filiales d’une taille beaucoup plus importante. Une autre année, si une spéculation exubérante réapparaissait, nous aurions évidemment autre chose. En tout cas, mon sentiment est que la loi, dans toute sa rigueur, notamment après les amendements retenus par votre commission des finances, qui fixent un cadre très strict à l’activité de tenue de marché, est tout à fait opérationnelle.

Je me tourne maintenant vers l’opposition. J’ai entendu les critiques, sans toutefois pouvoir m’en faire une idée tout à fait précise ; il y avait quand même plusieurs sons de cloches. Un seul point était commun à toute l’opposition : le rappel sempiternel du discours du Bourget, que je connais un peu, puisque j’étais tout de même le directeur de campagne de celui qui était alors candidat.

M. Jean-François Lamour. Vous avez tout fait, monsieur le ministre !

M. Pierre Moscovici, ministre. Non, j’étais simplement à ses côtés à ce moment-là. J’étais effectivement son directeur de campagne, et un autre candidat a eu un autre directeur de campagne.

M. Charles de Courson. C’était un peu démago, le discours du Bourget, hein !

M. Pierre Moscovici, ministre. Si j’écoute M. Chartier, il y a dans ce projet de loi beaucoup de bonnes choses, dont on se demande d’ailleurs pourquoi la précédente majorité ne les a pas mises en œuvre. On se demande encore plus pourquoi celle-ci ne se rallierait pas à ce que nous proposons. Si vous n’avez pas eu le temps, eh bien, le moment est venu, nous sommes là et vous offrons un texte que vous pouvez voter.

Si j’écoute MM. Lamour et Larrivé, il n’y a rien de bon dans le projet. Si j’écoute M. Woerth, il n’y a rien du tout. Si j’écoute M. Lellouche, il aurait fallu une tout autre attitude.

M. Jean-François Lamour. Vous avez l’ouïe sélective !

M. Pierre Moscovici, ministre. J’assume ce projet de loi. Je pense qu’il fallait le présenter dès maintenant ; il n’y avait aucune raison d’attendre jusqu’en 2017. Nous devons en effet anticiper, être en avance sur les autres pays européens. Je sais que l’Europe nous regarde :…

M. Julien Aubert et M. Jean-François Lamour. Le monde !

M. Pierre Moscovici, ministre. …il faut donc avancer dans ce sens.

M. Chartier a dit que l’essentiel de la dette française est détenu par des hedge funds. Je suis désolé de lui répondre que cette affirmation est erronée : la dette française est détenue pour l’essentiel par des investisseurs institutionnels, comme des banques centrales, qui détiennent de la dette française pour sa qualité. Notre action défend d’ailleurs cette qualité.

Je répondrai enfin à M. de Courson, qui a comparé ce projet de loi avec le projet allemand de séparation des activités de banque de dépôt et de banque d’investissement. Je ne discuterai pas cette comparaison dans le détail : je l’invite à regarder les choses de plus près, et le contredirai seulement sur deux points.

Tout d’abord, le projet allemand ne fixe pas dans la loi elle-même un seuil pour la tenue de marché. Vous semblez confondre deux notions : en réalité, le seuil que vous évoquiez est le seuil d’application de la loi.

M. Charles de Courson. Oui, absolument.

M. Pierre Moscovici, ministre. Ensuite, s’agissant des filiales à l’étranger, ce débat a eu lieu en commission des finances, et une réponse vous a été apportée. La rigueur du cantonnement prévu par le projet de loi renforce encore le dispositif. De plus, vous négligez les éléments que j’ai donnés concernant l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution : ses moyens, y compris humains, seront renforcés de manière considérable.

Mme Marie-Christine Dalloz. De 25 postes seulement !

M. Pierre Moscovici, ministre. Non, de 90 postes pour l’an prochain !

J’évoquais également un budget de 160 millions d’euros. Une autre autorité de contrôle va naître, sur la base de l’ancienne ACP.

Le cas des filiales à l’étranger est donc bien pris en compte par la loi : voilà ce que je voulais vous dire. Je terminerai en rappelant qu’il n’y a pas eu de jeu de rôle au sein de la majorité.

M. Charles de Courson. Un peu quand même !

M. Pierre Moscovici, ministre. Il est faux de dire que j’ai déposé un texte « gentil », que de « méchants » députés ont voulu durcir.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais si ! C’est votre stratégie de communication !

M. Pierre Moscovici, ministre. Cela n’est pas exact ! Un travail commun d’amélioration a été mené. Je salue à cet égard tous ceux qui, à la commission des finances, ont contribué par leurs amendements et leur travail à l’amélioration du texte. Je suis désolé, monsieur Lamour, que vous ayez mal pris cela. Enfin, c’est ainsi.

Nous aboutissons en effet à un texte plus équilibré, plus fort, qui marche vraiment sur ses deux jambes et reste tout à fait praticable. En tant que ministre des finances, je suis aussi l’interlocuteur des banques et des banquiers. J’ai la conviction que ce texte n’était pas souhaité par les banques et les banquiers : je l’ai dit hier, et le répète aujourd’hui. Ce texte complique en effet…

M. Charles de Courson. Oh !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est pour répondre au discours du Bourget !

M. Henri Emmanuelli. On vous a vus à l’œuvre, ces cinq dernières années !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est la vérité ! Il suffit de regarder les choses telles qu’elles sont !

Il est vrai que les échanges avec les banques ont été souvent tendus. Mme la rapporteure le sait comme moi. Mais, d’un autre côté, nos banques peuvent vivre avec ce texte. Je n’ai pas l’intention de les affaiblir, car nous avons aussi besoin de banques au service de l’économie. N’oublions pas que l’essentiel du financement de notre économie – vous le savez, monsieur le président Emmanuelli – passe par le crédit bancaire. Nous sommes donc parvenus à un équilibre, entre la volonté de vraiment changer les choses et de permettre un bon financement de l’économie. Je pense donc que nous avons bien travaillé.

Je ne qualifierai pas cette réforme d’historique, mais je pense qu’il s’agit d’un vrai changement et d’une avancée importante. J’invite toute la gauche à voter pour ce projet de loi. Pour ce qui est de l’opposition, j’ai cru comprendre le sens dans lequel voteront certains, mais je suis sûr que les débats pourront faire évoluer des positions trop tranchées ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Avant l’article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n° 163 deuxième rectification.

M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le ministre, cet amendement résulte en réalité de l’amendement n° 142, dont nous discuterons plus tard au cours de nos débats, et qui porte sur le champ d’application de l’article 1er.

Au regard de la discussion générale, et des précisions que M. le ministre vient d’apporter, l’intitulé de ce « projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires » est à l’évidence mal choisi. Il s’agit non pas d’une séparation, mais d’une filialisation. De deux choses l’une : il faut soit changer l’intitulé pour qu’il corresponde réellement au dispositif proposé, soit poser d’ores et déjà la question de la vente de ces filiales dans un délai d’un à cinq ans ou plus. J’ai évoqué cette question dans mon intervention au cours de la discussion générale. La séparation des activités bancaires serait alors effective.

L’amendement n° 163 deuxième rectification appelle donc le Gouvernement à exposer plus clairement sa volonté de séparer les activités bancaires commerciales et de marché. S’il ne s’agit que de filialiser ces activités, il faut changer l’intitulé du projet de loi. Sinon, il faudra que la séparation soit réellement opérée par la vente des filiales que le présent projet de loi obligera les banques à créer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger, rapporteure de la commission des finances, pour donner l’avis de la commission.

Mme Karine Berger, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je crains que nos collègues confondent leur interprétation du terme « séparation » avec celle qui en est faite par le projet de loi. Il ne s’agit pas de séparer les activités bancaires en vendant les filiales. Cela n’a rien à voir !

Nous estimons que la mise en place d’une barrière étanche en termes de liquidité et de fonds propres entre les différentes activités de la banque constitue bel et bien une séparation de ce point de vue. La commission rend donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je comprends que l’amendement n° 163 deuxième rectification a pour objet de provoquer un débat. Ce débat est honorable, mais il a déjà eu lieu. Je me rallie donc à l’avis de Mme la rapporteure.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’exposé sommaire de cet amendement est plus intéressant que son texte proprement dit. Cet exposé sommaire montre la véritable intention de nos collègues Laurent et Muet. Ils défendent la même thèse depuis des mois. Au fond, chers collègues, vous êtes des rooseveltiens : vous voulez revenir à la théorie de Roosevelt, c’est-à-dire séparer les banques de dépôt et les banques d’affaires. Mais, chers collègues, la crise a-t-elle été déclenchée par des banques mêlant activités de banques de dépôt et de banque d’affaires ? Absolument pas ! Northern Rock était uniquement une banque de dépôt, et Lehman Brothers uniquement une banque d’affaires ! Que le Gouvernement sépare ou non les activités de marché du reste des activités bancaires, cela n’a rien à voir. Pour vous, il faut revenir à une séparation inspirée du Glass-Steagall Act de 1933. Je suis désolé : les temps ont changé, ce type de séparation est totalement inadapté à l’objectif poursuivi.

Nous, membres du groupe UDI, voterons donc contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec un amendement présenté par un membre de la majorité. Certes, mon opinion n’est pas majoritaire au sein du groupe UMP. Je considère toutefois que cet amendement est très important. J’y suis très favorable, car il serait vraiment courageux de séparer les activités de banque de dépôt des activités de banque d’investissement. Je crois que les États-Unis ont commis une erreur en revenant en partie sur le Glass-Steagall Act. Je crois également que le Gouvernement ferait preuve d’un vrai courage politique en séparant totalement les activités spéculatives des dépôts.

M. Jean-Luc Laurent. Il fait joujou avec mon amendement !

M. Julien Aubert. Mme la rapporteure a avancé l’argument selon lequel la filialisation que le projet de loi doit opérer constitue une forme de séparation de ces activités. Je n’en suis pas tout à fait convaincu : il reste encore un lien capitalistique entre la banque et ses filiales. Le principe de séparation veut bien dire ce qu’il veut dire : séparer, cela veut dire couper tout lien. Or en l’occurrence, le lien demeure ! Voilà pourquoi je voterai, à titre personnel, pour cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. À l’origine, j’étais partisan d’une séparation plus stricte des activités bancaires. Je souhaite expliquer pourquoi ma position a évolué au cours des débats.

Il y a en réalité deux problèmes différents. D’abord, la question du cantonnement des opérations pour compte propre, que ce soit sous la forme d’une filiale ou d’une séparation pure et simple. Ensuite, la question de l’interdiction des activités spéculatives. J’ai été très intéressé par les propos de M. John Vickers. Le présent projet de loi se rapproche, en réalité, du modèle proposé par la commission Vickers, qui vise à filialiser les activités de dépôt pour mieux protéger les épargnants et les finances publiques. Pourquoi cela ? Nous voulons que ceux qui spéculent le fassent à leurs frais, mais aussi en toute liberté. Aux États-Unis, il n’est pas prévu d’interdire la moindre activité spéculative. La réflexion que nous avons lancée doit aller plus loin, et porter sur le trading à haute fréquence et les hedge funds.

Il y a donc deux problèmes bien distincts : la protection des dépôts des épargnants et des finances publiques d’un côté, et l’hyper-spéculation de l’autre – qui est l’une des causes de la crise de 2008. Nous devons donc interdire purement et simplement certaines activités, et pas seulement les cantonner dans une filiale ou les séparer, car elles sont néfastes, nocives et dangereuses.

Nous sommes confrontés à une deuxième difficulté : nous devons commencer un processus plus large. J’insiste à nouveau sur ce point. Monsieur le ministre, vous réformez a minima les banques : nous, nous commençons un processus plus ambitieux. Il est bien évident que nous ne pourrons pas reconfigurer en six mois un système bancaire qui a profondément dérivé en trente ans de dérégulation et de libéralisation. Ce processus ne fait que commencer : il faudra du temps pour que le politique reprenne la main, à la fois au niveau des États et de l’Union européenne.

C’est la raison pour laquelle cet amendement ne me paraît pas bien adapté à la situation politique actuelle, bien que je comprenne les considérations qui l’ont motivé.

(L’amendement n° 163, deuxième rectification, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir l’amendement n° 14.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le ministre, cet amendement vise à doter ce projet de loi d’un garde-fou. Vous êtes fiers de ce que nous, Français, soyons les premiers à mener cette réforme et à donner l’exemple en la matière. C’est une bonne chose,…

M. Charles de Courson. Pas toujours !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …mais encore faut-il éviter de porter préjudice à nos propres intérêts, et d’altérer la compétitivité de nos banques ! Les banques françaises fonctionnent en effet plutôt bien.

J’appelle votre attention, monsieur le ministre, sur les risques qui découleraient de l’application de contraintes fortes aux seuls établissements de crédit français pendant une période relativement longue. Un premier risque concerne les services aux entreprises. Si ces services sont limités, ou rendus plus coûteux, il est probable qu’une partie de la clientèle soit captée par la concurrence. Or la concurrence est importante : elle est le fait d’établissements de crédit européens aussi bien qu’américains.

Un second risque porte sur les stratégies de développement des établissements bancaires. Le développement à l’étranger, notamment en Europe, a été une des forces des banques françaises au cours des vingt dernières années. On peut estimer que leurs investissements ont été plutôt judicieux. Obliger les seules entreprises françaises à communiquer, pays par pays, des renseignements qui peuvent être sensibles et révéler leur stratégie de développement, ou au contraire dévoiler une stratégie de désinvestissement – pour faire face, par exemple, à un pays dont on estimerait que les risques s’accroîtront –, revient à les handicaper.

Un troisième risque concerne la rentabilité de la partie classique, commerciale des banques. Si la législation française reste trop longtemps décalée par rapport aux législations des autres pays, nous ne pourrons supporter ce risque. C’est la raison pour laquelle le rapport que cet amendement demande devra être remis avant le 30 juin 2014.

Cet amendement a donc pour objet de vous demander, monsieur le ministre, quel sera l’échéancier de la mise en œuvre de réformes bancaires en Europe. Des mesures sont actuellement en préparation au niveau européen : il ne s’agira peut-être pas d’une directive, mais au moins d’orientations européennes. On nous dit que ces mesures ne seront prêtes qu’à la fin de l’année : nous souhaiterions d’ores et déjà en savoir plus.

M. Charles de Courson a dressé, à juste titre, un parallèle avec la législation qui sera adoptée en Allemagne. Nous avons absolument besoin de savoir pendant quel laps de temps nous serons les seuls à avoir mené cette réforme, et risquons donc de pénaliser la compétitivité de nos établissements de crédit. Quel est votre avis à ce sujet, monsieur le ministre ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Les éléments avancés par M. le président de la commission des Finances sont importants. Nous avons à cœur de souligner que cette réforme est une première au niveau mondial, ou à tout le moins en Europe. Son application aura bien évidemment des conséquences.

Comme je l’ai dit hier, je suis personnellement persuadée que cette loi recherche l’équilibre entre la compétitivité des banques et la protection contre les risques que leurs prises de positions font courir à l’économie. Je ne vois pas donc que cette loi entraînerait automatiquement des conséquences négatives, comme vous le supposez.

Toujours est-il que cette loi fera l’objet d’un rapport d’application, lequel devra être justement dressé au premier semestre 2014. Ainsi, au travers de ce rapport, toutes les conséquences de cette loi seront détaillées, ce qui répond donc à votre souci. Nous pourrions, par ailleurs, tout aussi bien envisager une mission d’information.

À ce titre, monsieur le président, je vous invite à retirer votre amendement qui, je le crois, est satisfait par ce rapport d’application. À défaut, la commission donnera un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je suivrai l’avis de Mme la rapporteure. Je pense, en effet, monsieur le président, que le Parlement, et notamment votre commission, laquelle peut entendre le président de l’Autorité de contrôle prudentielle et de résolution et le ministre de l’économie et des finances en tant que président du Conseil de la stabilité financière aussi souvent qu’elle le veut au titre de ses fonctions spécifiques, a tous les moyens de suivre l’évolution de la loi. Je crois, dès lors, que votre proposition ne doit pas apparaître comme une suspicion à l’égard de ce texte de loi. Le contrôle parlementaire sera naturellement totalement respecté.

C’est la raison pour laquelle je me joins à la proposition de Mme la rapporteure et je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement dont l’esprit est, quant à lui, tout à fait acceptable. À défaut, le Gouvernement en demandera le rejet.

Mme la présidente. Suivez-vous l’invitation de la rapporteure et du ministre, monsieur le président ?

M. Gilles Carrez. président de la commission des finances. Je ne retirerai pas cet amendement, lequel évoque le mot « compétitivité » qui est pour nous essentiel. Aujourd’hui, la priorité, c’est l’emploi, madame la présidente !

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Dominique Baert. La compétitivité, c’est nous !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Après l’excellente présentation de notre président de la commission des finances, je tiens à rappeler, et ce de manière très générale, au ministre et à la majorité actuelle, que, lors de la législature précédente, de nombreux rapports demandés par l’opposition ont été acceptés par la majorité d’alors. Il serait, je le crois, de bon ton, que, de temps en temps, un amendement demandant la remise d’un rapport puisse être adopté.

Mme la rapporteure nous a précisé que ce projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires ferait l’objet d’un rapport d’application. Bien ! Mais nous ne demandons pas, pour notre part, un rapport d’application ! M. le président de la commission, Gilles Carrez, a été très clair. Nous demandons que soit mesuré l’impact sur la compétitivité de l’industrie bancaire française. C’est, en effet, essentiel. Nous parlons, en la matière, d’une première mondiale, c’est bien. On en fait de la communication, c’est bien. Mais quel sera l’impact sur la compétitivité de ce secteur fondamental ?

Enfin, l’exposé sommaire de cet amendement précise le chiffre d’affaires et le nombre d’emplois – 380 000 personnes – du secteur bancaire, ce qui est tout de même beaucoup ! Mais, au-delà de cela, les quatre grandes banques françaises, dans ce secteur, sont des investisseurs importants. Ne cassons pas cette dynamique. C’est pourquoi il est fondamental que nous puissions mesurer, en juin 2014, l’impact de ce dispositif qui sera une première mondiale.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Je suis quelque peu étonné par cette demande de rapport, monsieur le président de la commission. Il me semble, en effet, que, pour mesurer la compétitivité des banques et du système bancaire en général ou de l’industrie bancaire, comme vous préférez, une chose est essentielle : le compte de résultat des banques. S’il est très bon, ce sera très bien, mais s’il est très mauvais, cela signifiera qu’un problème se pose. Faut-il ajouter à cela un rapport parlementaire ? Je n’y vois pas d’inconvénient, à titre personnel, mais je pense que c’est superfétatoire.

Mais, si j’ai demandé la parole, c’est parce que je comprends ce qui se cache, en réalité, derrière cet amendement. L’idée est toujours la même : à savoir que, tant que les autres ne font rien, il ne faut pas bouger. Nous ne devons pas être précurseurs, sauf à risquer de nous mettre en danger. Et c’est au nom de cette théorie, ou plutôt de cette philosophie, car je ne sais comment l’appeler…

M. Julien Aubert. On a fait les 35 heures !

Mme Marie-Christine Dalloz. On est les seuls à les avoir !

M. Christian Paul. On les assume !

M. Henri Emmanuelli. Laissez tomber les 35 heures ! Pour l’instant, nous discutons de la banque !

C’est au nom de cette théorie que vous n’avez pas bougé. Or je pense, pour ma part, qu’il faut bouger.

Je ferai une remarque sur ce qui se passe à l’étranger, parce que j’entends de nombreux commentaires sur ce qui se déroule aux États-Unis, sur ce qui se profile en Grande-Bretagne et sur ce qui va arriver en Allemagne. Je constate que, pour l’instant, les autres réfléchissent beaucoup, parlent beaucoup, annoncent beaucoup, mais font peu ! Par exemple, le chancelier de l’Echiquier britannique, votre collègue, monsieur le ministre, se propose « d’électrifier » la séparation, mais en 2020, à une époque où le courant à haute tension sera rare et où cela risque d’être du courant à basse tension ! Je pense donc que le Gouvernement et sa majorité ont parfaitement raison de faire un pas en avant. Cela a été expliqué. Ce n’est, certes, pas ce dont certains rêvaient, mais c’est un pas en avant sérieux et cette démarche est nécessaire. Je constate toutefois, monsieur le président, que cela vous contrarie !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’amendement de notre président ne va pas chercher loin, comme on dit chez moi !

M. Henri Emmanuelli. Mais les comptes de résultat, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Il y a une maladie française qui est d’être excessif dans les deux sens. Il arrive que l’on soit toujours en retard et que l’on soit les mauvais élèves de classe. Ainsi, les gouvernements successifs nous ont demandé de voter des ordonnances pour transposer à toute vitesse dans le droit national de nombreuses directives, car nous étions en retard et à l’amende. On a donc donné délégation dans l’urgence au gouvernement pour procéder aux transpositions, ce qui n’est tout de même pas très sain du point de vue du respect du Parlement. Parfois, on fait l’inverse, ce qui est plus rare, car nous sommes souvent plus en retard qu’en avance ! Il vous est demandé, aujourd’hui, de veiller à la compétitivité des banques françaises. Il y va tout de même de l’intérêt du pays !

M. Christian Eckert. Et nous, on n’y pense pas ?

M. Charles de Courson. Mais je n’ai pas dit cela, monsieur Eckert ! J’ai tout simplement précisé que notre président demandait que soit remis au Parlement un rapport précisant l’incidence de la présente loi sur la compétitivité du secteur bancaire. Ce texte n’est pas révolutionnaire, mes chers collègues ! On ne peut pas dire que c’est une grande révolution culturelle, comme l’aurait souligné, en son temps, le président Emmanuelli ! Mais à son âge il est devenu beaucoup plus calme ! (Sourires.)

M. Dominique Baert. Il est comme le bon vin, il se bonifie en vieillissant !

M. Charles de Courson. Je l’ai connu beaucoup plus…

M. Philippe Vigier. Plus virulent !

M. Charles de Courson. Mais, l’âge venant, il est plus calme !

Je considère, par conséquent, que nous pouvons voter cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Je pense, monsieur le ministre, que cette demande de rapport sur l’impact que pourra avoir l’application de la loi est indispensable. Il n’y a qu’à lire le document présentant ce projet de loi, et que vous nous avez remis. Cette étude d’impact sur la filialisation tient en à peine une page. Vous avouez d’ailleurs vous-même, et je vous cite, monsieur le ministre, qu’« il est malheureusement impossible, compte tenu du très petit nombre de banques concernées et pour des raisons de confidentialité et de respect du secret des affaires, d’exposer les ordres de grandeur correspondant à la taille de l’éventuelle filiale pro forma ». Vous en convenez donc, vous n’êtes pas, aujourd’hui, en mesure de nous fournir cette étude d’impact.

Je considère que l’amendement de notre président de la commission des finances, et je rejoins, en cela, pour une fois, M. Emmanuelli, nous permet de sortir de cette opacité en matière de création ou non d’emplois ou de maintien de la compétitivité de nos entreprises.

J’ajoute même que l’amendement va plus loin, puisqu’il propose aussi d’établir une comparaison avec les établissements européens et mondiaux. En effet, si nous devons être compétitifs, nous devons effectivement nous comparer avec d’autres établissements. Vous avez en effet raison, monsieur Emmanuelli, nous avons le sentiment que, partout ailleurs en Europe et dans le monde, il ne se passe pas grand-chose. Si nous devons être précurseurs – et je crois que nous pouvons tous être d’accord sur ce principe – nous ne devons pas aller trop de l’avant surtout s’agissant de ce qui ne se fait pas partout ailleurs en Europe et dans le monde.

Mme la présidente. Veuillez conclure !

M. Jean-François Lamour. Je termine, madame la présidente. Cette idée de remettre un rapport au Parlement en juin 2014, donc lorsque la loi s’appliquera, permettant de vérifier ce qui se fait ailleurs et dans quelles conditions, me paraît être une proposition de bon sens.

Mme la présidente. Je vous demanderai de respecter votre temps de parole, car il y a de nombreux inscrits.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Il y a, dans cet amendement du président Carrez, toute l’ambiguïté liée à la position de sa formation politique. En effet, outre le fait que ce n’est pas un texte qui a pour objectif la compétitivité et que le secteur bancaire français bénéficiera grandement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi que vous n’avez pas particulièrement soutenu, lorsque nous l’avons adopté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, il y a, à travers cet amendement, implicitement exprimée l’idée que légiférer, comme le ministre nous le propose, sur la filialisation des activités bancaires qui ne sont pas directement utiles à l’économie réelle est, en soi, menacer la compétitivité de nos banques. Vous trouvez donc parfaitement normal que la compétitivité des établissements financiers repose sur des opérations strictement et uniquement spéculatives. Nous récusons et nous combattons cette vision. Nous considérons, en effet, pour notre part, que, compte tenu des caractéristiques de notre système bancaire et pour répondre à des problèmes qui ont conduit la planète au bord du gouffre lors de la crise de 2008, il convient de procéder à cette séparation des activités bancaires en l’accompagnant d’un contrôle du politique extrêmement précis. Eh oui, pour nous, et nous l’assumons, le politique doit avoir un droit de regard, un pouvoir d’intervention et un jugement de valeur sur les activités purement spéculatives et sur celles qui peuvent être éventuellement utiles à l’économie !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. L’amendement du président Carrez va tout à fait dans le bon sens. S’il y a quelqu’un dont peut dire qu’il défend toujours l’intérêt général – il l’a montré lors du débat sur la compétitivité – c’est bien lui !

Madame la rapporteure, cet amendement modifiera-t-il, oui ou non, la date d’application de ce texte ? Pas du tout ! Procéder à une étude d’impact permettra de mesurer s’il y aura, oui ou non, la modification de comportements des banques et des clients et de savoir si, oui ou non, le système français qui, chacun s’accorde à le reconnaître, fonctionne bien, n’a pas perdu de compétitivité par rapport aux pays qui nous entourent. On sait que les pays voisins appliqueront cette mesure en 2015 et en 2017. Ce rapport que nous vous demandons vous permettra donc, éventuellement, de corriger le tir, en cas d’erreurs d’appréciation ou vous confortera si, vraiment, le texte tel qu’il est prévu n’a pas eu d’impact sur la compétitivité des entreprises françaises. Donc, ne fermez pas la porte avant même que l’on ne commence à examiner ce projet ! Charles de Courson s’est très clairement exprimé sur ce point, hier, et nous vous proposerons ultérieurement un certain nombre d’amendements. Le diagnostic est partagé sur tous ces bancs.

La majorité, monsieur le ministre, devrait être à l’écoute de l’opposition qui demande la remise d’un simple rapport pour savoir si, oui ou non, nous allons dans le bon sens. Il serait dommage, dès le début de la discussion de ce texte auquel vous semblez attacher tant d’importance, car je vous ai écouté avec intérêt, de priver les parlementaires d’une étude d’évaluation.

M. Dominique Baert et M. Henri Emmanuelli. Cela n’a rien à voir avec ce texte !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. La proposition de M. Carrez paraît de bon sens. Ce texte de loi, comme le précise l’exposé des motifs, impose, en vérité, pour M. Carrez, des contraintes au système bancaire. C’est effectivement le choix qui est fait et qui le sera par d’autres pays dans les années à venir. Il convient, effectivement, de réguler les activités bancaires. La France doit agir le plus tôt possible, donc dès maintenant. Ce sera un signe positif à l’égard des autres pays.

Je ne crois pas que cette contrainte ralentira l’activité bancaire. Je pense, au contraire, que nous avons intérêt à favoriser l’économie réelle, à favoriser les investissements et les activités bancaires liées à la vraie vie, celles qui n’alimentent donc pas toujours la spéculation financière.

M. Carrez s’interroge également sur les contraintes liées à la transparence. Vous le savez parfaitement, monsieur Carrez, il ne faut pas avoir peur de la transparence, surtout en matière de finance. Nous en avons besoin. Si la proposition de M. Carrez est de bon sens, je pense qu’elle est, aujourd’hui, inutile. Je rejoins, en cela, les propositions de Mme la rapporteure.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Nos collègues de l’opposition s’inquiètent quand certains collègues de la majorité considèrent que l’on ne va pas assez loin, ce qui prouve, sans doute, que nous avons trouvé le bon équilibre !

Je répondrai à Gilles Carrez, lequel a évoqué le coût plus élevé des services aux entreprises. Ce ne sera pas le cas pour tous les services liés au crédit et ce ne sera pas le cas pour la tenue de marché qui demeure, pour l’essentiel, au sein de la banque mère. Cela pourrait être l’hypothèse des activités extrêmement spéculatives.

Voici ce que nous a dit John Vickers dans l’entretien qu’il a accordé à la commission des finances : « Il y a distorsion de concurrence quand certaines activités bénéficient de subventions implicites du contribuable. » Nous savons très bien que, lorsqu’une banque de dépôt fait des opérations de marché, elles ne sont pas au coût auquel le marché devrait les mettre parce qu’elles sont adossées à des dépôts. C’est donc une forme de subvention implicite de la banque de dépôt à une banque d’investissement.

Et Vickers continue : « Je vous soumets l’observation suivante : quand le marché a compris que le gouvernement envisageait de cantonner les activités bancaires de détail » – il parle de la réforme Vickers –, « les coûts de financement des activités de spéculation ont continué de grimper au Royaume-Uni. Ce phénomène normal est sain puisqu’il correspond au fait que le risque n’est plus assumé par l’État mais par le marché, comme cela doit être. »

Que des activités plus spéculatives, plus risquées soient évaluées par le marché à leur vrai prix, c’est effectivement un facteur de régulation parce qu’il n’y a pas de subvention implicite d’une banque de dépôt. Cela montre que la réforme proposée par le Gouvernement, même s’il est en avance, même s’il est le premier à la mettre en œuvre, aura un effet de régulation favorable et ne remettra en rien en cause le financement des entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. J’ai du mal à percevoir la contradiction qu’il y a entre la proposition de M. Carrez et les propos que j’entends.

M. Henri Emmanuelli. Il y a de la suspicion !

M. Michel Piron. Je ne vois pas du tout ce que peut être de la suspicion par rapport à la loi. La loi se constate, s’interprète et ne laisse pas place à dix interprétations.

Vous expliquez vous-mêmes que nous serons les premiers. Cela peut justifier le fait que, dans un délai donné, l’on fasse une comparaison avec ceux ne sont pas encore dans la même situation. La comparaison ne peut que conforter les intentions que tout le monde ici semble partager, et notamment les objectifs auxquels nous aspirons.

J’avoue que j’ai beaucoup de mal à comprendre que l’on ne se range pas à un amendement très sage.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Nous pouvons très bien être en accord sur le fond avec le principe de cette loi tout en étant prudents et en appliquant un principe de précaution, conscients d’être très novateurs par rapport à la moyenne des autres pays.

J’ai évoqué tout à l’heure les 35 heures. C’était aussi une première mondiale. Si l’on avait alors adopté un tel amendement demandant un rapport détaillé de l’impact de la loi sur la compétitivité du secteur économique, nous aurions pu avoir le rapport Gallois dix ans plus tôt et nous aurions eu des éléments de réflexion. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous arrivez à le dire sans rire !

M. Julien Aubert. Quoi qu’il en soit, personne ne peut préciser l’impact exact de cette loi pour la simple et bonne raison qu’elle est déjà l’objet de dissensions entre les différents membres du Parlement sur le périmètre des activités qui doivent être filialisées. À partir du moment où l’on ne sait pas exactement quel sera le point final, cela veut bien dire qu’il y a débat, et il est impossible d’affirmer qu’il n’y aura aucun impact puisque l’on ne connaît même pas le périmètre de départ.

Il serait donc assez logique d’insérer un tel article. Comme certains l’ont dit, cela ne mange pas de pain. Commençons d’un bon pas, dans la concorde et l’union, en respectant le principe de précaution.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Je vous demande une suspension de séance de deux minutes, madame la présidente.

Mme la présidente. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, est reprise à dix-huit heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. M. le ministre a parlé tout à l’heure d’avant-garde. Toute l’histoire militaire nous enseigne que, lorsqu’une avant-garde n’est pas rejointe rapidement par la garde, elle se fait en général massacrer. Notre souci, précisément, c’est que la garde européenne rejoigne l’avant-garde.

Pour ma part, je suis plutôt favorable à l’orientation générale du texte. M. Emmanuelli est injuste lorsqu’il prétend que la précédente majorité n’a jamais voulu prendre le risque d’être quelque part la première. Souvenons-nous de la taxe sur les transactions financières. C’est vous qui la votez, en 2001, vous vous en souvenez, monsieur Muet, à taux zéro, mais c’est nous qui avons été les premiers en février 2012 à prendre un risque en la rendant opérationnelle.

Je vous pose d’ailleurs une question au passage, monsieur le ministre. Nous avions pris un peu d’avance à l’époque en expliquant que l’Allemagne allait nous suivre sous peu. J’avoue mon ignorance, je ne sais pas si, à la date d’aujourd’hui, le Bundestag a voté la taxe sur les transactions financières.

Vous voyez donc bien le souci qui est le nôtre. Nous adhérons au texte, mais nous ne devons pas rester trop longtemps décalés.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. J’ai écouté attentivement les différentes interventions, qui permettent d’éclairer sur l’état d’esprit présidant à une telle proposition, l’objectif étant de voir plus clairement les effets que peut avoir cette loi sur la compétitivité du secteur bancaire. Je le dis d’autant plus tranquillement que nous ne sommes pas inquiets. Je le répète depuis le début, ce n’est pas une loi de fragilisation du secteur bancaire, c’est une loi de moralisation, de contrôle et de régulation.

Compte tenu également du fait que c’est une proposition du président de la commission des finances, qui a présidé nos débats avec beaucoup de sérénité et est intervenu de manière très cohérente, je serai assez favorable à ce que vous acceptiez cet amendement. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.) Ainsi, l’on ne dira pas que nous abordons le débat dans un état d’esprit fermé. Cela ne signifie pas, je le dis tout de suite, que nous allons reprendre l’ensemble des amendements de l’opposition (Sourires et exclamations), mais il est important que nous puissions entamer ainsi la discussion de ce texte.

S’agissant de la taxe sur les transactions financières, monsieur le président de la commission des finances, c’est vrai que c’est un travail en relais. Certains commencent par la voter sans taux, d’autres la votent avec un taux faible, qui explique un rendement très faible. Nous avons bien fait, je pense, de doubler ledit taux. Les Allemands sont dans une démarche un peu différente puisqu’ils s’inscrivent dans le cadre de la coopération européenne renforcée que nous nous efforçons de mettre en place ensemble. Il faudrait peut-être procéder de façon inverse, mais nous sommes tout de même plutôt sur une démarche coopérative.

Bref, si la majorité le veut bien, il faut faire un tel geste. C’est positif pour le texte. L’attitude constructive du président de la commission des finances doit être saluée de la sorte. Ses intentions ne peuvent pas être mises en doute, je ne les mets pas en doute. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

(L’amendement n° 14 est adopté.)

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, premier orateur inscrit sur l’article 1er.

M. Éric Alauzet. C’est évidemment l’article emblématique, parce que c’est l’article 1er, parce qu’il résonne avec les déclarations du Bourget du candidat devenu Président, mais, surtout, parce qu’il témoigne d’un triple enjeu pour cette majorité, la lucidité, la volonté et le réalisme.

La lucidité, parce que nous avons osé regarder les choses en face, mettre des mots, faire ce diagnostic indispensable à la prise de conscience alors que, dans le passé, on avait plutôt mis un voile pudique sur cette question de la finance.

La volonté, parce que nous avons cette volonté commune de mettre les déposants épargnants, les contribuables, l’économie à l’abri des soubresauts de la finance. J’avais cru comprendre que la droite était très attachée à l’économie, à l’emploi, elle ne semble pourtant pas s’intéresser tant que cela à ce texte.

Le réalisme, enfin, tout simplement parce c’est le passage à l’action.

Filialisation, séparation, nous aurions préféré une autre solution que celle qui a été retenue. Nous avons entendu, compris un certain nombre d’arguments qui ont été avancés, notamment par le ministre. Nous soutiendrons donc ce projet, ce qui n’empêche que notre ralliement reste tout de même teinté d’une certaine prudence. Nous devons tous rester vigilants.

Des évolutions seront peut-être nécessaires, le ministre l’a d’ailleurs lui-même reconnu et il serait excessif de prétendre que c’est devenu un texte idéal, disons-le franchement. Nous soutiendrons ce texte mais il reste un petit ressentiment par rapport au choix qui a été fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Jacques Cottel. L’article 1er résume l’esprit de ce projet de loi, réengager la puissance publique dans la maîtrise de la finance et, notamment, de ses excès en lui imposant des règles de clarté avec l’encadrement des opérations financières des filiales.

À ce sujet, et parce que je suis particulièrement sensible au monde agricole, mon propos portera sur la nouvelle disposition présente dans cet article, l’impossibilité pour ces filiales de spéculer sur les matières premières agricoles. Les banques ne pourront plus alimenter la spéculation qui fait rage aujourd’hui dans le secteur agroalimentaire et qui, par voie de conséquence, impacte le pouvoir d’achat de nos concitoyens en bout de chaîne. Une grande partie de la production de blé de notre pays y étant confrontée, tout démontre l’urgence de réguler le marché.

La spéculation alimentaire pénalise le monde agricole avec l’augmentation des charges due à l’envolée des matières premières, notamment pour les éleveurs, et favorise ceux qui ont les plus grosses unités de production et de stockage, tentés d’écouler leur production au détriment de la fluidité du marché.

Il faut mettre fin à ce paradoxe où les produits alimentaires de première nécessité sont assujettis au taux minimal de TVA alors que les matières premières agricoles, qui les constituent, sont soumises à la spéculation.

Il va sans dire que ces mesures devront s’étendre à l’échelle internationale mais ce texte témoigne pour notre pays d’une démarche exemplaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Le titre Ier de ce projet de loi concerne la séparation des activités utiles au financement de l’économie des activités spéculatives. Vous auriez pu décider de les scinder, monsieur le ministre. Tel n’a pas été votre choix, et je le regrette, mais je me rangerai par discipline à la position du groupe. Je me réserve cependant le droit d’évoquer dans un certain nombre d’amendements ce qui devrait être à mon sens une filialisation plus forte, plus dure, plus mordante, puisque vous avez utilisé cette expression tout à l’heure.

À quoi avons-nous assisté depuis cette promesse du candidat François Hollande de séparer banque de dépôt et banque d’affaires ? Même si l’idée d’une réforme du système bancaire français est partagée, avec l’idée de fond de remettre le secteur financier au service du secteur non financier, la période de préparation du texte a été marquée par la montée au créneau des représentants des banques dans les médias sur le thème : « Attention à l’économie, n’en faites pas trop ! »

Rappelons que nous sommes fortement handicapés par la taille, je dirais même l’obésité, et l’exposition de nos méga-banques, car le corollaire d’une banque universelle, c’est le risque d’une faillite universelle. Ce projet de loi est bien en deçà des déclarations de la récente commission Liikanen, alors que la seule et unique question qui taraude les non-spécialistes, dont je fais partie, moi qui suis trop vieux pour être allé à l’école de Pierre-Alain Muet (Sourires),…

M. Charles de Courson. Est-ce que vous le regrettez ?

M. Jean Launay. …c’est : qu’advient-il de la banque de dépôt en cas de faillite avancée de la banque d’investissement ?

Mes interventions ne seront guidées que par un seul souci : l’intérêt du secteur non financier, celui de la grande majorité des Français, dépositaires de 2 000 milliards d’euros de dépôts sur leurs comptes à vue et comptes de livret, clients de nos quatre grandes banques, BNP-Paribas, Crédit agricole, Société générale et Natixis, dont je veux rappeler que leurs actifs représentaient plus de 300 % du produit intérieur brut français en septembre 2012.

Je conclurai d’un mot. L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, la semaine dernière, dans le cadre d’un autre débat, sur la transition énergétique, nous a adressé le message suivant : « Sous-estimer le coût d’un accident conduit à sous-estimer la valeur de la prévention. » Je pense qu’il faut appliquer ce précepte au sujet qui nous réunit aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gwenegan Bui.

M Gwenegan Bui. Deux options étaient possibles : la séparation nette ou la filialisation. C’est le second choix qui a été fait. C’est la construction du premier étage ; comme vous, monsieur Carrez, nous attendons avec impatience la construction du deuxième étage, celui du modèle européen, pour sécuriser l’ensemble du monde bancaire.

L’article 1er représente une avancée parce qu’il limite les activités spéculatives des banques. Les dépôts des épargnants créent les liquidités qui sont converties en prêts, et ce sont ces prêts, aux collectivités locales, aux entreprises, aux particuliers, qui font vivre l’économie réelle. Quand la spéculation s’en mêle, le risque suit et, derrière, le marché se grippe. La spéculation, nous en sommes tous d’accord, est l’ennemie de la production et du temps long. Nous avons donc besoin de protéger le cœur de l’économie, le dépôt des épargnants, et c’est ce que fait ce texte.

Comme l’a souligné Jean Launay, les banques sont devenues trop grandes. Nous assistons à une véritable course à l’armement : plus gros, plus grand, plus de filiales, plus d’internationalisation, et, par là même, plus d’exposition au risque. Le risque systémique est devenu colossal, avec le poids de certaines banques, comme la BNP-Paribas, équivalant aujourd’hui au PIB de la France. Si un défaut de BNP-Paribas ou de l’une des quatre majors françaises, a lieu un jour, c’est l’ensemble de l’économie française qui sera à genoux. Que se passera-t-il alors ? On en appellera à la solidarité des citoyens, comme cela s’est passé en 2007 et 2008, quand 1 600 milliards de dollars ont été injectés pour sauver le système bancaire. Ce sont les impôts du plus grand nombre qui payent pour les erreurs de quelques-uns et, ensuite, des déficits publics, qu’il faut assumer du fait des fautes de ces banquiers. Les agences de notation, comme les banques mauvaises filles, se retournent contre les États. C’est comme dans la fable du scorpion et de la grenouille. Rien ne pourra empêcher le scorpion de piquer la grenouille : c’est dans sa nature.

M. Michel Piron. Argument naturaliste !

M Gwenegan Bui. Pour éviter de nouvelles piqûres, il faut protéger la grenouille et donc voter cet article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Nous débattons aujourd’hui d’un projet de loi essentiel pour le redressement économique de notre pays. Le choix a été fait de créer un modèle de séparation à la française des activités bancaires, en préservant le modèle de la banque universelle tout en mettant en place les mécanismes nécessaires pour éviter les risques de contagion en cas de crise due aux activités spéculatives. Le travail de Karine Berger, notamment, a permis de renforcer les pouvoirs du ministre de l’économie relativement aux opérations de tenue de marché, ce qui améliore beaucoup, à mon avis, cet article 1er.

Il est légitime que l’État mette en place des règles strictes afin d’encadrer ces activités, et ce d’autant plus que c’est lui qui est venu au secours du système bancaire lorsque, en 2010, ce dernier était au bord de la faillite. Les prêts accordés à l’époque auraient dû, à mon sens, être accompagnés de contreparties en termes de règles prudentielles.

Depuis l’arrivée au pouvoir de la nouvelle majorité, les choses commencent à s’améliorer, avec l’avancée de l’Union bancaire et le présent projet de loi. La France est clairement pionnière en la matière. Nous serons le premier pays à aller aussi loin dans le domaine de la régulation bancaire, le pays qui donne le la. Certes, le Royaume-Uni et les États-Unis se sont engagés dans une réforme similaire, mais sans pour l’instant aller aussi loin que ce que nous nous apprêtons à faire. Dans le sillage de la France, le gouvernement allemand a déposé la semaine dernière un projet de loi de séparation des activités bancaires. Nous sommes donc un exemple.

En solidifiant notre système, en mettant à l’abri les dépôts des épargnants, en réorientant le flux des financements vers les activités productives, nous améliorons notre place bancaire, sa compétitivité ainsi que celle de notre économie en général. Cette loi sera l’un des piliers de la relance économique et industrielle, avec la BPI et les prochaines avancées sur la gouvernance des entreprises, sujet sur lequel j’ai beaucoup travaillé. N’ayons pas peur : le volontarisme économique n’est pas un frein à notre compétitivité, c’est au contraire le meilleur de nos atouts. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. La nouveauté profonde que constitue ce projet de loi voulu par le Président de la République dans son engagement n° 7 permettra de parer aux défaillances du système bancaire telles que nous les avons connues avec la crise financière en 2008, de trouver les voies d’une puissance française bancaire renouvelée au service des déposants, riches et moins riches, pauvres et moins pauvres, et surtout de sécuriser l’argent des Français.

M. le ministre Pierre Moscovici a utilisé un terme fort, hier, en parlant d’aléa moral. C’est celui qui a vu les États obligés de parer aux défaillances des systèmes bancaires ayant mis en péril les ressources des usagers, des épargnants, à la suite de jeux inappropriés sur les marchés boursiers, dangereux pour l’économie mondiale et donc pour nos économies européenne, française, régionale, locale.

En parant ainsi à l’aléa moral pour la sécurité de nos entreprises et des particuliers, la France sera le premier pays à s’engager sur la voie d’une régulation obligatoire et non pas seulement souhaitée. Nous passons d’un système de bonnes pratiques qui auraient dû être raisonnables et ne l’ont pas toujours été, à un système qui veut et qui va les imposer. L’autorégulation par la main invisible du marché n’a pas été efficace à l’époque, loin s’en faut ; elle ne l’est toujours pas car elle n’a pas davantage fonctionné depuis lors. En quatre ans, a-t-on vu les pratiques changer ? La réponse est non. Or nous ne nous résolvons pas à ce que cette régulation n’intervienne qu’en 2017 ou 2019, ainsi que l’évoquent Britanniques et Allemands.

Nous avons ici un texte qui affirme que la régulation est nécessaire et qu’elle va construire de nouveaux partenariats au bénéfice de nos entreprises et de notre économie nationale, donc aussi de nos banques. Par ce texte, la France réaffirme qu’elle n’est pas un pays suiviste, qui attend que les autres fassent pour copier ensuite ; nous sommes un pays qui fait. Nous affirmons qu’il est possible de changer les choses, ce qui est un acte politique, et nous construisons une loi technique puissante pour relancer notre machine économique nationale, et pas seulement une machine financière mondiale. Ce texte protège et les Français et nos banques ; c’est une vraie avancée, un vrai changement compétitif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Sur cet article 1er, le plus important du texte, le groupe UDI a fait un certain nombre d’observations quant à son effectivité, c’est-à-dire notre capacité à le mettre en œuvre. Le point de droit que j’ai soulevé, monsieur le ministre, ne porte pas sur la possibilité d’imposer à une banque française de ne pas avoir recours à des activités dites spéculatives au sein de filiales non européennes, mais sur le contrôle,…

M. Yves Censi. Absolument !

M. Charles de Courson. …à savoir sur la possibilité pour l’autorité indépendante chargée du contrôle des banques et des assurances en France d’accéder à ces pays. Sur ce point, nous n’avons toujours pas de réponse.

S’agissant de l’interdiction de certaines activités, il convient de signaler que le trading haute fréquence est déjà mort en France, depuis que l’ancienne majorité a créé une taxe. Quant à l’interdiction de la spéculation sur les produits agricoles, pourquoi ces produits seulement ? Bien d’autres produits sont également fort utiles à la vie de nos concitoyens.

J’ai toujours combattu la spéculation sur les marchés, parce que les couvertures à terme ne font qu’amplifier la variation des prix sur les produits agricoles, et ce pour une raison simple : c’est que l’on ne peut réajuster la production avant un an, parfois deux ou même quatre ans, sur certaines spécialités de viande. Le problème, avec ce texte, c’est que le cantonnement est minuscule. Nous l’avons dit, il n’est pas normal que, ni dans l’étude d’impact ni en commission, on ne nous ait dit ce que cela représentait pour chacune des quatre banques. M. Oudéa nous a affirmé entre 1,5 et 2 %.

Mme la présidente. Merci de conclure.

M. Charles de Courson. L’amendement Berger est, de ce point de vue, un progrès. Mais nous en reparlerons.

Mme la présidente. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. La crise financière de 2008 a mis en lumière les carences du dispositif de régulation du secteur financier et bancaire, tout comme l’insuffisance des outils de régulation. Comme notre Président de la République s’y était engagé, vous nous présentez aujourd’hui un projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires. Je ne peux que me féliciter que nous ayons eu le courage de nous attaquer à cette question, ce qu’aucun des gouvernements précédents n’avait fait.

S’attaquer aux marchés de la finance et au système bancaire demande beaucoup de médiation, de négociation et de précision, surtout dans le contexte de crise que nous traversons. Je voudrais tout d’abord, monsieur le ministre, saluer le travail que vous menez depuis des mois pour la préparation de ce texte, remercier également l’implication et le travail de la rapporteure Karine Berger ainsi que de nos collègues socialistes de la commission des finances.

Ce premier article est clair : il s’agit de séparer les activités des banques utiles à l’économie réelle – investissement et emploi – des activités spéculatives. Il précise également que cette séparation concerne les activités de pure spéculation d’une banque pour son propre compte. Je pense qu’il faudrait ajouter l’octroi de crédits aux fonds spéculatifs, ainsi que les activités liées aux produits dérivés. Il est inconcevable que l’argent public soit mobilisé, comme en 2008, pour sauver des activités qui n’ont rien à voir avec l’économie réelle. Nous savons qu’en sauvant une banque dans son ensemble, nous préservons toutes ses activités, dont celles qui ne servent qu’à la spéculation.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Beaucoup sont intervenus pour dire que ce projet n’était pas à la hauteur. Il me semble que la déclaration du président de la Fédération bancaire française va à l’encontre de cette affirmation : celui-ci a en effet déclaré dans Le Figaro que ce texte est « une vraie contrainte » et qu’« il ne faudra pas s’étonner qu’il y ait des ralentissements dans l’accompagnement de la croissance. L’embauche dans les banques françaises est aussi en train de ralentir. »

M. Jean-Luc Laurent. C’est du chantage !

M. Michel Liebgott. Ces déclarations sont, d’une certaine manière, rassurantes et vont à l’encontre de ce que disait M. Woerth qui ne veut pas que nous soyons les premiers à sortir du bois. Eh bien, nous sommes les premiers à sortir du bois et c’est sans doute une excellente chose. M. Woerth n’a d’ailleurs pas exclu de s’abstenir sur ce texte s’il n’est pas aggravé.

Originaire d’une région sidérurgique, je peux témoigner que les Wendel, actifs à une certaine époque dans l’industrie, sont aujourd’hui dans la finance. C’est sans doute qu’ils y trouvent leur compte et que la finance rapporte plus que l’industrie.

Par ce texte, il s’agit d’affirmer que le système bancaire ne doit pas être laissé sans régulation. Je l’appuie avec d’autant plus de conviction que je suis voisin du Luxembourg : il n’aura échappé à personne que le Luxembourg est un petit paradis, ce qu’il doit pour l’essentiel à ses banques.

Je soutiens également les propositions de Mme la rapporteure de véritables actions de protection en direction des populations les plus fragiles et des couches moyennes, en particulier un plafond par opération et un plafond mensuel total pour les différents découverts. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je ne peux qu’inviter ceux de nos collègues qui ne l’ont pas encore fait, sur cet article 1er et sur l’ensemble du projet de loi, à lire le rapport de Karine Berger. Il est d’une très grande clarté. S’il existe des doutes sur le cantonnement, par la filialisation, de certaines activités, ces doutes seront immédiatement levés à la lecture du rapport.

On ne peut comprendre l’article 1er qu’au regard des nouveaux pouvoirs conférés à l’autorité de contrôle prudentiel, qui ne sera plus seulement une autorité prudentielle mais aussi une autorité de résolution.

Elle aura les moyens de porter un regard précis et attentif, et disposera de pouvoirs de sanction étendus, dans le cas où les risques pris dans ses activités commerciales par le groupe non cantonné se révèlent excessifs.

Si toutefois des bretelles ne suffisaient pas, la rapporteure, avec le groupe socialiste, a décidé d’y ajouter la ceinture ministérielle en donnant directement des pouvoirs au ministre de l’économie et des finances, qui pourra à tout moment demander à un établissement qui aurait pris trop de risques de les faire basculer sur sa filiale.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Ce moment, monsieur le ministre, est particulièrement important dans cette période politique, puisqu’il s’agit de construire un nouveau modèle de régulation bancaire, dont l’article 1er est le moteur.

Nous avons rappelé les limites de la régulation prudentielle. Au vu de l’histoire récente de la finance européenne et mondiale, nous sommes maintenant conduits à la régulation par la séparation.

Nous avons été attentifs à la démonstration, qui nous est faite depuis plusieurs semaines, sur la nécessité de rendre compatible ce nouveau modèle de régulation avec l’ensemble des efforts menés en Europe, non seulement ceux des Anglo-saxons, qui sont les plus bruyants, mais également ceux qu’un certain nombre de gouvernements, inspirés par un social-démocrate éminent, M. Erkki Liikanen, entendent conduire. L’objectif d’une convergence européenne est important.

Nous avons également été attentifs à l’idée que, sur un tel sujet, le chemin devait se faire par étapes. S’il suffisait d’une loi française pour régler le problème de la finance mondiale, cela se saurait et nous l’aurions d’ailleurs faite depuis longtemps. Le réformisme n’empêche toutefois pas la fermeté.

Ce modèle ne pourra être efficace que si nous parvenons à l’élaborer dans une réelle intégrité. Il était en effet important de ne pas limiter la filiale aux activités pour compte propre, comme le montre l’excellent travail d’amendement de la rapporteure et de Laurent Baumel ; au contraire, progressivement, un certain nombre d’autres activités de tenue de marché doivent rejoindre la filiale.

La digue de séparation doit être renforcée, que ce soit dans cette loi ou plus tard. Car il est essentiel d’éviter que la garantie des États et les dépôts des Français servent de garanties implicites ou explicites aux activités spéculatives.

Nous devons également veiller à prohiber les activités les plus toxiques, afin de crédibiliser l’article 1er.

Enfin, puisque l’on fait le choix d’une filiale, il convient de ne pas oublier de surveiller étroitement les activités de la banque mère.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je voudrais tenter de convaincre mes collègues qui plaident pour une séparation sous la forme du Glass-Steagall Act. Dans le contexte actuel, les bonnes formes de séparation, ce sont les trois qui sont actuellement sur la table.

On ne peut me suspecter de ne pas plaider en faveur de la séparation. J’ai été l’un des rares à avoir dit, dans les semaines qui ont suivi la crise financière, qu’il fallait arrêter de penser en termes de régulation prudentielle, mais au contraire se poser la question de la séparation des activités, que Roosevelt avait posée à l’époque.

J’ai suivi avec intérêt l’émergence des premières propositions. Il me semble ainsi que celles de Volcker, de Vickers et de Liikanen sont parfaitement adaptées à l’objectif de cantonnement des activités spéculatives. Il faut les mettre en œuvre dans un contexte qui correspond à chacune des réalités bancaires.

Les États-Unis, par exemple, sont restés assez marqués par le Glass-Steagall Act, qui date de plus de cinquante ans : les banques y demeurent assez spécialisées. Ce sont soit des banques de dépôt, soit de pures banques d’affaires.

Volcker propose donc, pour cette économie-là, un cantonnement des activités de spéculation, de sorte que les banques de dépôt ne puissent pas faire de spéculation pour compte propre. Cela est parfaitement bien adapté à la réalité américaine.

La proposition de Vickers s’inscrit, elle, dans une autre économie, où les banques interviennent surtout sur les marchés financiers. C’est pourquoi il cantonne la banque de dépôt, afin de la préserver dans un ensemble qui correspond à la réalité des banques anglaises.

Enfin, Liikanen, qui traite des pays européens, où les banques sont plutôt des banques universelles, mais qui ont été et sont encore des banques de dépôt – comme nos grandes banques –, cantonne la partie spéculative.

Ces trois réformes sont importantes et en cohérence avec la réalité de chaque pays.

La force du projet du Gouvernement est d’avancer, car le risque qui nous menace est de dessiner sur le papier d’excellentes réformes qui ne seront jamais mises en œuvre – les idées de Roosevelt ont d’ailleurs mis quinze ans à structurer l’économie mondiale.

Nous ne changerons pas les choses du jour au lendemain, mais avancer progressivement dans un projet cohérent tel que celui de Liikanen me semble être la démarche la plus efficace.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 110, 250 et 302.

La parole est à M. Gaby Charroux, pour soutenir l’amendement n° 110.

M. Gaby Charroux. Le groupe GDR plaide pour la séparation bancaire, qui figurait d’ailleurs en bonne place dans le programme du Front de gauche. Les partisans de la séparation des activités entre activités utiles et spéculatives, et ceux, dont nous sommes, qui préconisent une séparation bancaire plus nette, partagent une même préoccupation : mettre à l’abri la banque commerciale et ses activités traditionnelles – dépôt et crédit à l’économie réelle – des risques excessifs que l’activité des banques de marché font peser sur les déposants, les finances publiques et le financement de l’économie.

Si nous sommes très satisfaits de l’engagement de ce débat sur ce projet de loi, le désaccord porte ici sur l’efficacité des moyens à mettre en œuvre pour la réalisation de cet objectif.

S’il importe, selon nous, de mieux séparer les activités, c’est qu’il est nécessaire de mettre fin aux conflits d’intérêt qui peuvent naître au sein des banques entre activités spéculatives et financement de l’économie – conflits qui affectent la stratégie globale des établissements, en les détournant de l’objectif de financement de l’économie.

Ce conflit d’intérêt peut être transposé dans la relation à la clientèle des établissements. Les banques, en effet, peuvent être tentées – et nous savons qu’en pratique, elles le sont – de préconiser à leurs clients, particuliers ou entreprises, des placements ou des crédits, moins guidées par le souci de répondre à une demande que par la perspective de juteux profits financiers que ces produits permettent à l’établissement d’espérer engranger.

Il importe donc de préciser que la séparation des activités doit se fixer pour objectif d’écarter ces conflits d’intérêt, éventuellement préjudiciables aux clients, mais aussi à l’ensemble du tissu économique. Tel est le sens de notre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Collard, pour soutenir l’amendement n° 250.

M. Gilbert Collard. Notre amendement reprend l’argument qui vient d’être développé. Depuis 2009, nous souhaitons la séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires.

Ce texte de loi pourrait nous convenir, mais nous considérons qu’il manque sérieusement d’efficacité. Pour faire simple, je dirai que c’est un porte-avions qui a un moteur de Vespa. Et c’est bien dommage.

Par exemple, à l’alinéa 2 de l’article 1er, il conviendrait, pour lutter contre les conflits d’intérêt, que l’on insère tout simplement, après le mot : « déposants », les mots : « , leur absence de conflits d’intérêt avec leurs clients ».

L’article 1er est censé éviter à l’avenir les imprudences, les indélicatesses, les combines qui ont provoqué les crises bancaires. C’est pourquoi il nous paraît tout à fait naturel que cette règle déontologique soit inscrite dans la loi. Sinon, la nature humaine étant très faible, on risquerait de retrouver des conflits d’intérêt dont les contribuables seront finalement les seuls à payer les conséquences. Et je dis cela au moment où l’on apprend qu’un chômeur vient de s’immoler par le feu à Nantes.

Nous devons être très rigoureux dans l’organisation de cette loi, afin qu’il n’y ait aucune échappatoire possible.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 302.

M. Julien Aubert. Avant d’être une crise du capitalisme, la crise des subprimes a été une crise morale, qui a trouvé sa source dans les comportements individuels des responsables de ces gigantesques établissements bancaires, qui, gouvernés par l’appât du lucre, ont menti aux gouvernants et ont développé des intérêts contraires à l’intérêt général.

Par conséquent, l’ajout proposé par cet amendement permet de pointer ce problème déontologique, voire moral – on évoque d’ailleurs « l’aléa moral » dans la théorie du « too big to fail » ou dans les théories de secours à ces établissements bancaires.

Cela permettra d’affirmer de façon explicite une volonté politique, qui est la nôtre mais qui est à mon avis largement partagée. Depuis les théories de l’agence en sciences économiques, on sait en effet qu’il faut savoir contrôler son intermédiaire : la loi doit donc le dire de manière évidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Des amendements tout à fait identiques émanent de différents bancs. Je vous avoue que j’ai été un peu étonnée par cette communion de pensée. Mais j’en prends acte.

Qu’il faille éviter les conflits d’intérêt, cela va de soi. Toutefois, mes chers collègues, ce n’est pas ce qui ressort de cet amendement. Soit vous souhaitez que nous luttions contre l’ensemble des conflits d’intérêt qui peuvent apparaître dans un système bancaire, auquel cas, j’avais demandé en commission que vous nous proposiez, à un autre endroit, une autre disposition mentionnant le conflit d’intérêt. Soit vous considérez que le mécanisme même de la séparation d’activités a un lien avec le conflit d’intérêt avec les clients, point de vue que nous ne partageons pas.

Pour ces deux raisons – notamment parce que je pense que si cette question doit être traitée, elle ne peut pas l’être à cet endroit –, je donne un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je suis d’accord avec la rapporteure. Peut-être trouverons-nous un autre endroit.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. J’ai eu du mal à comprendre l’argumentation de Mme la rapporteure. Il existe des activités pour compte propre et des activités pour compte de tiers. L’objet de cette loi est de séparer, entre une filiale et la maison mère, ce qui relève de l’intérêt propre de l’établissement et ce qui relève de l’intérêt des clients.

M. Razzy Hammadi. Ce n’est pas ça !

M. Julien Aubert. Affirmer d’emblée que ce projet de loi vise à ce qu’il n’y ait pas de conflits d’intérêt entre la banque et les clients, et que la banque ne doit pas utiliser, en quelque sorte, les dépôts des clients d’une manière qui leur préjudiciable, je crois que cela irait tout à fait dans le sens de votre texte. Ou alors, ce n’est pas le sens que vous voulez lui donner. Mais alors, je ne comprends pas, parce qu’il y a bien deux types d’intérêts que vous séparez dans ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Collard.

M. Gilbert Collard. L’amendement que nous proposons est, finalement, un test de la réalité de la philosophie de votre loi. Si vous voulez vraiment que ce partage existe, qu’il n’y ait plus de combine,…

M. Marc Goua. Il s’y connaît…

M. Gilbert Collard. …comment continuer à accepter qu’il puisse y avoir des conflits d’intérêt entre la banque et les clients ? C’est une question qui touche à la philosophie morale de votre texte.

M. Dominique Baert. Philosophie morale ? C’est un spécialiste qui parle !

M. Gilbert Collard. Rejeter cet amendement – peu importe par qui il est soutenu –, c’est admettre, d’une manière subliminale, que vous acceptez des glissements.

(Les amendements identiques nos 110, 250 et 302 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Collard, pour soutenir l’amendement n° 251.

M. Gilbert Collard. Défendu.

(L’amendement n° 251, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 142, 178 et 343.

La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n° 142.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement, cosigné par Marie-Françoise Bechtel et Christian Hutin, vise à supprimer, à l’alinéa 2 de l’article 1er, les mots : « autrement que par l’intermédiaire de filiales dédiées à ces activités ».

L’ensemble des activités jugées non utiles à l’économie doivent être exercées par des établissements ad hoc sans lien capitalistique ou juridique avec les banques de dépôt afin de bien préserver les déposants et la puissance publique.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n° 178.

M. Éric Alauzet. Madame la présidente, si vous le permettez, je défendrai en même temps l’amendement suivant, n° 202.

Cet amendement, dont l’issue ne fait malheureusement pas beaucoup de doute, exprime d’où nous venons, les uns et les autres, après plusieurs mois, et vise à assurer un atterrissage en douceur et à proposer un sas de décompression à celles et ceux qui auraient souhaité une séparation plus forte entre les banques de dépôt et les banques d’investissement.

Si la séparation entre ces deux activités n’est pas l’alpha et l’oméga de la sécurisation, prenons acte que la banque universelle n’est pas non plus le modèle idoine et absolu car il ne faut pas oublier que, lors de la crise, 75 % des pertes ont été le fait de banques universelles et que nos quatre grandes banques françaises figurent parmi les huit établissements bancaires les plus proches du défaut. J’ajoute que la banque hollandaise qui vient de faire faillite était moins bien cotée que la BPCE.

Évidemment, ce choix, au-delà de la discussion sur le périmètre, nous impose d’inventer des dispositifs, des digues, des barbelés électrifiés. On ne manque pas d’imagination, mais cela complexifie évidemment notre travail.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement n° 343.

M. Jean Launay. Madame la présidente, si vous me le permettez, je défendrai en même temps les amendements suivants nos 73, 79, 78, 75 et 74, qui sont en quelque sorte des amendements de repli.

Tout à l’heure, je n’ai pas pu terminer mon intervention sur l’article 1er. Aussi, j’ajoute que nous considérons certainement tous que la banque est une activité de service public et qu’elle a généré des activités de marché, certes utiles – c’est un mot clé dans ce débat – mais qui fragilisent le dépôt des Français.

En octobre 2008, l’État a mis sur la table 360 milliards d’euros pour sauver les banques. J’espère que le Président de la République que nous avons soutenu et élu n’aura pas à mettre 360 milliards d’euros en cas de risque systémique avéré d’un ou de plusieurs acteurs français du système bancaire.

Suivant le conseil de l’IRSN que j’ai cité tout à l’heure, Jean Peyrelevade, ancien président de l’UAP et du Crédit lyonnais anticipait sur cette comparaison avec le nucléaire en déclarant, en novembre 2009 : « Le système bancaire est le cœur du réacteur. Il doit être invulnérable. Pour ce faire, pas d’autre solution que de le ramener dans les strictes limites de sa fonction collective. Toute prise de risque excessive, et en particulier toute spéculation, doit lui être interdite. Le casino doit rester à l’extérieur de la banque ».

Avec cet amendement n° 343, nous sommes typiquement dans l’aspect filialisation, que nous souhaitons durcir. Or cette contrainte de filialisation fait l’objet, à l’article 1er, d’une série d’exceptions. Le présent amendement vise à limiter le champ des exceptions en ramenant de six à quatre la liste des exclusions prévues au premier alinéa du futur article L. 511-47 du code monétaire et financier.

Aucun prix Nobel d’économie n’a dit qu’il fallait mélanger les banques de dépôts et les banques d’affaires. Madame la rapporteure, monsieur le ministre, faisons vraiment du Liikanen ! C’est ce que propose le présent amendement.

M. Jean-Patrick Gille et M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Il faut bien comprendre que, tels qu’ils sont rédigés, ces amendements conduisent à interdire aux banques toute activité pour compte propre. Je ne crois pas que ce soit l’objectif poursuivi par nos collègues. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

Monsieur Launay, l’examen de différents amendements nous conduira à entrer dans le détail de différentes exclusions de la filialisation proposées par certains de nos collègues. La commission des finances a beaucoup discuté de ces éléments. Je ne reviendrai pas systématiquement sur cette question : il me semble qu’un équilibre a été trouvé entre ce qui a été proposé par le rapport Liikanen et une autre version.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je ne peux pas non plus donner un avis favorable à ces trois amendements, qui touchent à l’équilibre même du texte. En réalité, ils visent à séparer ce que nous avons choisi de filialiser. La démarche de la commission des finances a été différente, puisqu’elle permet que la filialisation s’effectue avec des critères et des outils nouveaux, ainsi qu’avec une main renforcée pour le politique.

Nous avons déjà amélioré ensemble ce texte qui a une logique, une colonne vertébrale et un équilibre, auxquels je ne souhaite pas que nous renoncions.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Monsieur le ministre, il ne vous aura pas échappé que je n’ai pas déposé d’amendement dans le cadre de la série précédente d’amendements identiques, qui relevaient strictement de la scission. Là, je parle bien de filialisation, et j’estime qu’elle doit être renforcée.

(Les amendements identiques nos 142, 178 et 343 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 202. Notre collègue Alauzet l’a déjà défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Cet amendement prévoit de supprimer toutes les exclusions prévues en matière de filialisation.

J’insiste sur le fait que nous avons trouvé un équilibre entre le nécessaire et l’excessif. C’est cette frontière que nous avons dessinée ensemble, notamment en commission des finances. Pour cette raison, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 202 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques nos 73 et 252.

L’amendement n° 73 a été défendu par M. Launay.

La parole est à M. Gilbert Collard, pour soutenir l’amendement n° 252.

M. Gilbert Collard. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 4 de l’article 1er. Il paraît en effet inutile de débattre d’un texte de loi qui organise toutes les brèches qui entraîneraient sa caducité.

Le projet, qui doit viser à la séparation juridique et capitalistique des activités spéculatives, rétablit aussitôt un modèle de banque universelle par filiales interposées. Il y a donc dans la loi la négation de la loi. C’est la raison pour laquelle je vous demande de supprimer l’alinéa 4 de l’article 1er, sauf à admettre que votre loi est une loi d’apparence.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Je crains que M. Collard n’ait pas tout à fait compris l’esprit de la loi. Il s’agit de tracer une frontière entre ce qui est utile à l’économie et ce qui est risqué pour l’économie.

Ce que vous venez de défendre, mon cher collègue, revient à dire que le service d’investissement ne serait pas utile à l’économie. Autant dire tout de suite qu’une banque n’est pas utile à l’économie. Si telle est votre conviction, je la respecte, mais ce n’est pas la nôtre. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 73 et 252 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n° 143.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement s’inscrit dans la logique de filialisation. Le projet de loi dresse la liste des activités qui doivent être filialisées et introduit une série d’exceptions. Parmi elles, la fourniture de services d’investissements à la clientèle. Il me semble important d’apporter une rédaction plus précise et donc plus restrictive aux services qui font l’objet de cette exception. Je propose donc, à l’alinéa 4 de l’article 1er, de substituer aux mots : « de services d’investissement », les mots : « des services d’investissement de prise de ferme ou de placement garanti ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. J’ai déjà indiqué qu’à nos yeux les services d’investissements étaient utiles à l’économie. Je crois que la distinction proposée est déjà trop restrictive. Aussi, je vous invite, monsieur Laurent, à retirer cet amendement, qui ne va pas dans le sens de la protection des activités utiles à l’économie, qui est l’objectif poursuivi par cette loi. À défaut, j’y suis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Laurent, retirez-vous votre amendement ?

M. Jean-Luc Laurent. Non, madame la présidente. Je le maintiens.

(L’amendement n° 143 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 79 a été défendu par M. Launay.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Nous devons faire en sorte que l’investissement pour les très grands groupes internationaux puisse être assuré par la maison-mère. C’est une fonction essentielle d’une banque universelle telle que nous la défendons dans ce projet de loi. J’invite donc M. Launay à retirer cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Launay, retirez-vous l’amendement n° 79, comme vous y invite Mme la rapporteure ?

M. Jean Launay. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n° 79 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 109 et 310, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 109.

M. Marc Dolez. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n° 310.

M. Razzy Hammadi. Cet amendement vise à poursuivre le débat que nous avons eu en commission. Le plafond global par client avait été chiffré, mais l’amendement déposé en commission comportait une erreur puisque j’avais oublié d’ajouter les mots « par an ». Dans sa réponse, Mme la rapporteure m’avait amené à considérer qu’il valait mieux que le plafond soit fixé par décret plutôt que de manière arbitraire.

La définition que la loi donne aux services d’investissement renvoie à l’article L. 321-1 du code monétaire et financier, qui inclut la gestion de portefeuille pour compte de tiers. L’alinéa 13 du projet de loi fixe une limite, puisqu’il précise : « dans le but de répondre aux besoins de couverture, de financement ou d’investissement ». Cela ne permet pas d’exclure la gestion de portefeuille pour compte de tiers.

En résumé, si demain, au regard des exceptions prévues à l’alinéa 4, un tiers se présente à sa banque avec des sommes considérables pour faire sur le marché ce que nous ne voulons pas que la banque de dépôt fasse, il importe que, soit en précisant la nature de la gestion, soit en fixant un plafond, nous puissions garder la main et que cette exception ne pervertisse pas la règle que nous voulons fixer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Je reste sur l’analyse qui a été faite que les services d’investissement, et notamment les services de financement à un client, sont des éléments absolument indispensables au bon fonctionnement d’une banque et à son utilité à l’économie. La question n’est pas celle du plafond, mais bien celle de la nature d’activité qui est celle du financement d’un client. De ce point de vue, nous n’avons pas changé d’avis et nous invitons nos collègues à retirer leurs amendements. Sinon, nous donnerions un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Le Gouvernement est favorable à ce que l’on s’en tienne au texte adopté par la commission des finances.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Dolez ?

M. Marc Dolez. Non, l’amendement est maintenu, madame la présidente.

(L’amendement n° 109 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Hammadi ?

M. Razzy Hammadi. Je vais le retirer, mais en soulignant que je ne suis pas totalement convaincu : je ne vois pas pourquoi la gestion par une filiale empêcherait quoi que ce soit, en termes de gestion de portefeuille, dans les activités qui pourraient être intégrées dans le texte, étant donné sa philosophie.

(L’amendement n° 310 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 78. Notre collègue Jean Launay l’a déjà défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Les activités de compensation sont constitutives d’un service au client, d’un service utile à l’économie, notamment dans le cadre des très grands groupes. Notre analyse est toujours la même : nous invitons notre collègue à retirer son amendement. Sinon, avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Launay ?

M. Jean Launay. Je retire cet amendement, ainsi que les amendements nos 75 et 74.

(Les amendements nos 78, 75 et 74 sont retirés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 75 vient d’être retiré.

Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 74, 111 et 126. L’amendement n° 74 vient d’être retiré.

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 111.

M. Marc Dolez. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi permet à l’établissement de crédit de conserver dans la maison mère des activités de tenue de marché, limitant ainsi considérablement la portée du principe de séparation. Aujourd’hui en effet, l’immense majorité des opérations sur les marchés financiers s’effectue avec une contrepartie. Il suffit de requalifier cette contrepartie en « client » pour pouvoir inclure la quasi-totalité des activités de négoce sur les marchés financiers dans la catégorie des activités qui n’ont pas besoin d’être filialisées. L’activité de négoce de produits dérivés n’est ainsi nullement affectée, sous prétexte que les transactions sont réalisées avec une contrepartie baptisée « client ». Notre amendement propose, en conséquence, de cantonner l’ensemble des activités de tenue de marché dans la filiale, de faire de ce cantonnement la règle, quitte à prévoir des exceptions.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l’amendement n° 126.

M. Jean-Noël Carpentier. Cet amendement s’inscrit dans la logique du texte et de la filialisation. Trois arguments forts, pour le défendre.

Le premier correspond à la logique de Mme la rapporteure qui estime, dans son rapport, que « le projet de loi est parfaitement dans la ligne des recommandations du ‘‘rapport Liikanen’’, à l’exception de la recommandation du groupe en matière d’activité dite de ‘‘tenue de marché’’. Le débat parlementaire pourra utilement aborder ce point de divergence, et envisager la nécessité ou non de rapprocher les deux points de vue. »

La logique de cet amendement est de rapprocher le point de vue du texte avec celui du rapport Liikanen, qui sera débattu au niveau européen.

Deuxième argument : cet amendement est pragmatique. Nous construisons pas à pas, et l’amendement du président Carrez que nous avons adopté tout à l’heure nous permettra d’évaluer le cantonnement des tenues de marché.

Enfin, troisième argument, j’ai certes une grande confiance en notre ministre M. Moscovici, mais dans quelque temps un autre lui succèdera. Je préférerais que le découpage aux ciseaux, la fixation des taux ou encore la ceinture ministérielle qu’on évoque pour cantonner les activités soient fixés dans la loi. Cet amendement vise à enrichir le texte.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. C’est une question que nous avons largement abordée en commission des finances. La tenue de marché peut être qualifiée de zone grise dans l’exercice de construction de la frontière entre l’utile et le risqué. La tenue de marché est bel et bien une activité pour compte propre, il n’y a absolument aucun doute sur ce point, mais dans la plupart des cas elle est cruciale dans l’activité pour un autre client. Nous avons donné l’exemple du marché des dettes souveraines, où l’absence d’un acteur en mesure d’assurer la tenue de marché d’une dette souveraine interdirait l’émission de dette souveraine d’un pays. Comme ce n’est pas ce que nous souhaitons pour notre pays, cela paraît extraordinairement complexe de renchérir le coût de la tenue de marché.

Toutefois, d’autres activités de tenue de marché sont bel et bien, elles, des activités spéculatives au sens propre. La façon dont nous avons essayé de trouver une solution a été inspirée à la fois des expériences américaines dites Volker – qui ont conduit à un échec – et des auditions que nous avons menées auprès de M. Liikanen, qui nous a lui-même expliqué qu’il n’avait pas trouvé de solution adéquate. En commission des finances, nous avons donc proposé au ministre l’idée de mieux décrire et définir la notion de tenue de marché, et, par ailleurs, de lui donner la possibilité de limiter la part de la tenue de marché dans l’ensemble de l’activité de la banque, cette part pouvant être un indice d’une utilisation spéculative de la tenue de marché.

Je crois vraiment que nous sommes beaucoup plus fins, beaucoup plus précis, beaucoup plus efficaces que ce que vous essayez de faire à travers ces amendements. Je vous propose de les retirer. Sinon, avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous sommes au cœur des débats que nous avons eu en commission des finances. Au fond, la question était de savoir si la tenue de marché était ou non une activité purement spéculative et devait ou non être intégralement filialisée. On sait qu’il y a eu sur ce sujet des discussions, y compris au niveau européen. C’était plutôt la position personnelle de M. Liikanen, cela n’a pas été tout à fait celle qui a été retenue par le groupe, notamment du fait de l’opinion quelque peu dissidente, ou en tout cas forte, de Louis Gallois. Ce n’est pas du tout l’opinion de la Banque centrale européenne, ce n’est pas non plus celle du commissaire Barnier.

Je pense qu’il fallait travailler de manière un peu plus fine. Au lieu de dire que tout est spéculatif et doit être filialisé, ce qui est le sens des amendements, ou que rien n’est spéculatif ni ne doit être filialisé, il faut se poser la question de ce qui, en réalité, est spéculatif et de ce qui ne l’est pas. D’où la combinaison, que j’ai déjà présentée comme très importante, des deux amendements déposés par Laurent Baumel à un autre article sur la définition de ce qu’est la tenue de marché, et de celui qui a été proposé par la rapporteure. C’est un travail extrêmement fin qui a été réalisé, dans tous les sens du terme, c’est-à-dire à la fois subtil et intelligent, qui donne un outillage fort au ministre. Je ne m’en vais pas tout de suite, monsieur Carpentier, mais vous avez raison, je m’en irai un jour. Moi-même comme mes successeurs pourront agir selon les situations et les cas de figure.

C’est cela que ces amendements remettraient en cause. Je suis plutôt pour consolider ce qui a été fait par la rapporteure et par M. Baumel, et qui a abouti au texte adopté par la commission des finances. J’aurai donc la même proposition que Mme Berger : retrait ; sinon, rejet.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Dolez ?

M. Marc Dolez. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n° 111 est retiré.)

Mme la présidente. Retirez-vous le vôtre, monsieur Carpentier ?

M. Jean-Noël Carpentier. Je vais maintenir l’amendement n° 126. J’entends bien la finesse de l’argumentation de la rapporteure et du ministre – à qui je souhaite évidemment longue vie –, mais le débat porte sur la part des actifs spéculatifs dans la tenue de marché et nombreuses sont les ONG qui disent qu’il faut revoir à la hausse cette proportion, qui est élevée. Je souhaite donc maintenir mon amendement. Nous verrons ensuite, en examinant l’amendement n° 127 notamment, comment affiner la possibilité d’intervention du ministre.

(L’amendement n° 126 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 108 rectifié et 127, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 108 rectifié.

M. Marc Dolez. Dans sa rédaction initiale, le projet de loi retenait une acception doublement restrictive de la notion d’activité spéculative, en proposant la filialisation d’une liste limitative d’opérations réalisées pour compte propre par les banques, à l’exception des activités dites de « tenue de marché », réalisées pour le compte de clients.

Les insuffisances de cette séparation sont clairement apparues lorsque, de leur propre aveu, les dirigeants des grandes banques françaises ont admis que le dispositif proposé ne concernait que 2 % de leurs activités de marché, soit entre 0,5 et 1 % de leur chiffre d’affaires global.

Cela a conduit notre rapporteure à déposer un amendement en commission des finances, qui confie au ministre le soin de fixer, s’il le souhaite, un seuil au-delà duquel les activités relatives à la tenue de marché d’un établissement de crédit devront être filialisées. Cet amendement constitue certes une avancée, en ce qu’il permet d’élargir le champ des activités qui pourront être filialisées, mais il présente l’évident inconvénient de confier ce pouvoir au ministre, qui dispose ainsi du blanc-seing des parlementaires pour agir ou bien pour ne pas agir.

M. Dominique Baert. Celui-ci va agir !

M. Marc Dolez. Celui-ci va probablement agir, mais les autres, on le sait moins.

Cet amendement est donc important, car il nous paraît absolument nécessaire que le ministre fasse usage des ciseaux que nous lui confions.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n° 127.

M. Joël Giraud. Tout tourne autour de la définition de la notion d’activité « utile à l’économie ». Suite à l’examen de la commission des finances, la rapporteure l’a rappelé, la tenue de marché est donc bien considérée, dans ce texte, comme utile à l’économie. Cependant, au-delà d’un certain seuil, le pouvoir exécutif pourra – et non devra – imposer son cantonnement dans des filiales, par arrêté, après avis de l’ACPR.

L’amendement n° 127 propose que le législateur indique clairement que la tenue de compte devra – et non pourra – être cantonnée, au-delà d’un certain seuil d’activité qui est fixé par arrêté du ministre. C’est donc, entre le raisonnable et l’excessif, une façon de mettre le curseur toujours dans le raisonnable, mais en le déplaçant un peu afin que le ministre soit plus lié qu’il ne l’est : il serait obligé de modifier un arrêté s’il voulait faire en sorte qu’une activité ne soit pas filialisée dès lors qu’elle atteint un certain seuil.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Cette formulation ne m’est pas totalement étrangère, puisque c’était, je le reconnais, une première idée que j’avais eue. Plusieurs éléments nous ont amenés, en commission des finances, à faire évoluer la formulation. Je vais en citer essentiellement deux. La première est qu’avec la formulation que vous proposez, nous donnerions une injonction au ministre des finances.

M. Charles de Courson. C’est affreux !

Mme Karine Berger, rapporteure. Loin de moi l’idée que je puisse un jour oser donner une injonction à un ministre des finances.

C’est une première raison qui est plutôt juridique.

La deuxième raison, beaucoup plus politique, est qu’à ce stade, nous ignorons toujours quel sera l’accord européen qui sera trouvé autour de la séparation, que nous réalisons aujourd’hui à travers ce projet de loi français.

Quelles sont les positions ? Nous avons le rapport Liikanen, qui invite à filialiser l’ensemble de la tenue de marché. Nous avons le projet de loi allemand, qui considère que l’ensemble de la tenue de marché doit rester dans la maison mère. Nous avons l’avis de la Banque centrale européenne, qui n’est, au fond, pas si éloigné du nôtre, puisqu’elle nous dit en substance : « Il va falloir trouver un bon équilibre. »

Je pense que donner la possibilité au ministre de choisir de limiter ou non le poids de la tenue de marché dans l’activité bancaire globale nous préserve des évolutions européennes et des accords avec nos partenaires. J’ajouterai que c’est aussi une manière de les inviter à eux-mêmes trouver un point d’équilibre.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer vos amendements. Le texte adopté par la commission prévoit que le ministre « peut » fixer le seuil par arrêté. Cette rédaction me semble pleine de prudence, mais aussi garante d’efficacité. Sinon, avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Parmi les deux raisons invoquées par la rapporteure, on comprendra que je ne retienne pas la première : le Parlement a tout à fait le droit de décider ce qu’il veut vis-à-vis d’un ministre.

Néanmoins, je suis totalement Mme Berger sur la seconde raison. Il faut éviter de courir le risque de rigidifier le système, de créer une obligation en fixant un seuil automatique qui, du coup, pourrait être indifférencié alors que le texte de la commission permet d’agir en tenant compte de l’organisation, des structures du système, de la logique de situation et préserve les capacités d’évolution à l’échelle européenne.

De ce point de vue, j’y insiste, je rejoins tout à fait Karine Berger : il s’agit, je l’ai dit moi-même, d’un texte précurseur. Mais il ne le sera que si nos partenaires peuvent s’en inspirer, faute de quoi il ne serait pas précurseur, mais isolé. Ce texte porte sur une matière vivante, évolutive. Sa logique est souple et je la crois meilleure que celle proposée par les amendements. C’est pourquoi le Gouvernement propose lui aussi leur retrait, ou alors leur rejet.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Dolez ?

M. Marc Dolez. Je le maintiens, madame la présidente.

(L’amendement n° 108 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Monsieur Giraud, maintenez-vous votre amendement ?

M. Joël Giraud. Je le maintiens car il ne faut pas confondre injonction et compétence liée. Si mon amendement était adopté, la compétence du ministre serait liée, ce qui serait donner un signe plus fort à nos partenaires européens.

(L’amendement n° 127 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n° 144.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement vise à compléter une disposition relative aux seuils introduite par la commission des finances. Il s’agit de restreindre l’exception première concernant la tenue de marché aux seuls titres d’État et du secteur public. Cette mesure me paraît particulièrement utile dans le cadre du cantonnement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. L’émission d’obligations d’entreprises privées internationales est en soi aussi importante pour le financement de l’économie que celle d’États souverains. Aussi établir une distinction entre ces deux types de financement de l’économie me paraît-il fort complexe. Par ailleurs, nous avons, par le biais de l’amendement présenté par Laurent Baumel en commission, abordé la question sous un autre angle : il s’agit de distinguer entre la tenue de marché qui est au service du financement de l’économie et celle qui serait le faux-nez de la spéculation. Dans ce contexte, je vous propose, monsieur le député, de retirer votre amendement, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis que la commission.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Laurent ?

M. Jean-Luc Laurent. Je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis quelque peu étonné de votre position, chère collègue : si l’on vous suit, vous êtes d’accord pour que les titres d’État grecs continuent d’être gérés comme ils le sont. Ce n’est qu’un exemple.

M. Pascal Cherki. Un exemple au hasard, bien sûr !

M. Charles de Courson. Il est très dangereux de croire que les titres publics sont plus sûrs que les titres privés : hélas, le passé récent a montré que c’était parfois l’inverse.

(L’amendement n° 144 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 97.

Mme Marie-Christine Dalloz. Parmi les objectifs du projet de loi figure le renforcement de la stabilité financière. À cet égard, le Conseil de régulation financière et du risque systémique devient le Conseil de la stabilité financière – il ne s’agit pas seulement d’un changement de nom – et aura la charge de la politique macro-prudentielle. Le texte prévoit qu’il sera doté de pouvoirs d’intervention juridiquement contraignants.

Or, à la deuxième phrase de l’alinéa 7, il est précisé que « le ministre chargé de l’économie peut fixer, par arrêté et après avis de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, un seuil valable pour tous les établissements ou pour un établissement en particulier. » Il conviendrait donc, c’est l’objet de cet amendement, d’inscrire à nouveau dans le texte, donc dans le marbre, après le mot : « résolution », les mots : « et du Conseil de stabilité financière ». L’arrêté ministériel serait donc pris après l’avis de l’ACPR et du CSF que vous créez. Il me semble que cela aurait une certaine portée. Il s’agit de conférer une certaine crédibilité au texte, afin de prendre des mesures qui puissent limiter le développement des risques systémiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Le CSF créé par le texte n’a pas pour fonction d’évaluer les activités d’une banque. Cela relève vraiment de la compétence de la future ACPR. Le CSF a des responsabilités macro-prudentielles destinées à évaluer les impacts du système bancaire sur la macroéconomie. De ce point de vue, votre amendement n’est pas justifié puisque vous voulez donner une compétence à un organisme dont ce n’est pas le job. Je vous invite donc à le retirer, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Il faudrait en effet retirer votre amendement, madame la députée : vous mélangez deux institutions obéissant chacune à une logique propre. L’une est micro-prudentielle, l’autre est macro-prudentielle, et doit se pencher sur le risque systémique. Dès lors que l’amendement résulte d’une confusion, mieux vaut le retirer plutôt qu’il soit rejeté. Si vous le mainteniez, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je ne souhaite pas du tout retirer mon amendement. M. le ministre vient de confirmer l’idée que j’essayais, peut-être maladroitement, de défendre. La fixation, par arrêté, d’un critère concernant uniquement un établissement bancaire, relève de l’ACPR. Par contre, l’appréhension de l’ensemble du système bancaire relève d’une vision plutôt macro-économique et, dans ce cas, le CSF est dans son rôle en donnant un avis, étant entendu que celui-ci n’est pas contraignant, puisque c’est le ministre qui prend l’arrêté. Il ne s’agit que d’une consultation. Mon amendement est donc tout à fait cohérent avec votre réponse, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Karine Berger, rapporteure. J’anticipe un peu sur la suite de la discussion, mais j’appelle votre attention, chers collègues, sur la nécessité de distinguer ce qui relève de la gestion du bon niveau de fonds propres et ce qui relève du poids de la tenue de marché. S’agissant de la tenue de marché, il s’agit d’observer le comportement spéculatif de la banque. S’agissant du poids des fonds propre au regard des activités de la banque, il s’agit de gérer la relation avec la banque centrale. C’est le mécanisme de création de crédit et d’effet de levier qui est piloté par le CSF. Nous sommes au cœur de la création monétaire. C’est elle qui est supervisée par le CSF, et non pas du tout le choix d’activités, c’est-à-dire le comportement de la banque. J’y insiste : nous ne parlons pas du tout du même type de contrôle prudentiel.

(L’amendement n° 97 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n° 13.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Sur la tenue de marché, la rapporteure et la commission des finances ont bien travaillé. J’aurai trois observations. D’abord, l’arrêté est pris de façon facultative. Ensuite, l’arrêté pourra porter sur un établissement donné. Et à mon avis, s’il doit y avoir un arrêté, il est souhaitable qu’il porte sur un établissement donné, parce que ce qui compte, ce sont les profils de risque, qui sont très différents d’un établissement à l’autre. Je n’imagine donc pas un arrêté unique, valable pour l’ensemble des établissements. Enfin, l’arrêté, s’il est pris, le sera de façon temporaire et donc permettra de faire basculer dans la filiale ce qu’on estime être le risque excessif encouru sur compte propre par la tenue de marché.

Le texte me paraît sur ce point bien rédigé et, pour m’en être entretenu avec le commissaire européen chargé du marché intérieur, je pense que cette idée sera peut-être reprise dans le projet de directive ou d’orientation. Après tout, j’ai bien le droit de dire du bien de la rapporteure.

M. Pascal Cherki. Flatteur !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Reste que, comme elle a un esprit rigoureux, j’irai jusqu’au bout du raisonnement. Mme la rapporteure nous dit que le seuil va être mesuré par rapport à l’ensemble du produit net bancaire. Mais je lui ferai observer que le produit net bancaire est un agrégat de tout un ensemble d’activités, à commencer par celle, classique, de gestion des dépôts et de leur transformation en prêts.

Dès lors qu’on raisonne en termes d’activités de marché, il vaudrait mieux mesurer le poids de la tenue de marché par rapport à l’ensemble des activités de marché. C’est d’autant plus logique que l’alinéa 2 de l’article 1er précise que dès lors que « les activités de négociation sur instruments financiers », c’est-à-dire les activités de marché, « dépassent des seuils définis par décret en Conseil d’État », elles doivent faire l’objet de telle ou telle disposition. Cela signifie, monsieur le ministre, que vous prévoyez vous-même un instrument de mesure des activités de négociation sur instruments financiers.

Le présent amendement vise donc à mesurer le seuil à partir d’éléments comparables, c’est-à-dire, d’un côté, la tenue de marché et, de l’autre, l’ensemble des activités de marché, et non pas le total du produit net bancaire. Cela me paraît plus logique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Il s’agit d’une question fort compliquée.

M. Henri Emmanuelli. En effet, ce n’est pas très clair tout ça !

Mme Karine Berger, rapporteure. Vous avez été très clair, monsieur le président de la commission mais la problématique est la suivante : la définition même d’une activité de marché n’est pas aisée. Elle se définit par le fait qu’on est financé, qu’on lève la liquidité sur les marchés. De ce point de vue, vous pouvez très bien vous retrouver dans une situation où votre prêt personnel pour un logement est financé par de la levée de liquidités de marché à un mois ou même une semaine. Considérez-vous vraiment qu’une définition des activités de marché par la source de la liquidité qui constitue le passif est naturelle ? Je pense que non.

La raison pour laquelle nous avons, à ce stade, retenu le critère du produit net bancaire, c’est qu’il s’agit d’une définition comptable. Je ne suis pas spécialement attirée par les raisonnements comptables, vous le savez, mais, en l’occurrence, cela lève un certain doute sur la capacité que nous aurions à définir le périmètre stricto sensu de l’activité de marché. Je me résous donc à émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. La rédaction du texte de la commission issu de l’amendement n° 307 pose problème. Il est question d’un seuil. Encore faudrait-il qu’il soit exprimé en pourcentage. Car, si j’ai bien compris, le texte s’inspire du rapport Liikanen, qui fixe un pourcentage au-delà duquel le ministre peut faire basculer telle activité dans le cantonnement. Or tel que le texte est rédigé, on ne sait pas si ce seuil sera un pourcentage ou un montant.

Je ne voterai donc pas ce que nous a proposé notre rapporteure, et qui n’est pas suffisamment clair. Si le seuil est défini en pourcentage, il faut préciser le numérateur et le dénominateur. Même l’amendement Carrez ne résout pas le problème. Il convient donc d’améliorer la rédaction du texte.

Il serait intéressant que M. le ministre nous dise de quelle manière il entend le texte de la commission issu de l’amendement n° 307 : lui donne-t-il la possibilité de fixer un pourcentage – auquel cas il convient de mesurer les activités de marché par rapport à l’ensemble du produit net bancaire – ; ou bien lui donne-t-il la possibilité de fixer un montant ? On ne sait. Le rapport Liikanen indique un taux compris entre 15 et 25 % et la loi allemande, de mémoire, prévoit un taux de 20 %.

Mme la présidente. Pour la bonne compréhension des débats, je rappelle que nous examinons l’amendement n° 13, monsieur de Courson, et non pas l’amendement n° 307.

M. Charles de Courson. Je parlais bien de l’amendement n° 307 de la rapporteure, qui a été adopté par la commission et est ainsi devenu le texte dont nous débattons.

Mme la présidente. Je comprends.

La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Je comprends bien le sens de l’amendement du président de la commission des finances : effectivement, en toute logique, il faudrait ne prendre en compte que les activités de marché. Néanmoins, je rejoins parfaitement ce qu’a dit Mme la rapporteure. Le modèle de banque universelle étant maintenu, la liquidité peut aller soit à des activités de marché, soit à des activités de financement de PME. Et sur ce point, c’est évidemment la direction de la banque qui a la main.

L’objectif final de l’article 1er est véritablement de cantonner les activités très spéculatives. Puisque le périmètre universel est conservé et qu’une même liquidité peut servir à l’une ou l’autre des activités, il paraîtrait plus logique de rejoindre la proposition de la rapporteure et de prendre en compte le total du produit net bancaire.

C’est bien la question de la frontière et de la dissociation qui est posée au travers de cet article…

M. Charles de Courson. Absolument !

Mme Valérie Rabault. …et la manière de la résoudre, pour répondre à notre collègue de Courson, c’est effectivement de prendre comme dénominateur le PNB total, et pas seulement le PNB des activités de marché.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Karine Berger, rapporteure. Je voudrais seulement faire un petit point de vocabulaire pour notre collègue de Courson. Le texte, en l’état, évoque un « seuil valable pour tous les établissements ou pour un établissement en particulier, exprimé par rapport au produit net bancaire de l’établissement de crédit. » Il s’agit bien d’un rapport, donc d’une fraction, et une fraction peut toujours être ramenée à un pourcentage. Mon cher collègue, je crois que votre problème est résolu.

Si le terme « rapport » vous paraît plus concret, en raison de votre formation scientifique, je vous assure qu’il s’agit bien d’un pourcentage.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je retire cet amendement : il s’agit d’un point important, mais j’ai été convaincu par ce que vient de dire Mme Rabault.

M. Pascal Cherki. Bravo, madame Rabault !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Attendez la suite, monsieur Cherki. Mme Rabault vient de reconnaître que, avec notre modèle de banque universelle, nous nous trouvons dans une situation singulière en France, puisque les dépôts sont inférieurs aux prêts, et que nos banques doivent, structurellement, faire appel aux marchés financiers. D’où la prudence avec laquelle, monsieur Cherki, nous devons agir dans la définition des relations avec les marchés financiers.

(L’amendement n° 13 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 107 de Mme la rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L’amendement n° 107, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques nos 179 et 289.

La parole est à Mme Eva Sas pour soutenir l’amendement n° 179.

Mme Eva Sas. Cet amendement concerne le périmètre des activités à cantonner, et notamment la question des hedge funds. Si vous en êtes d’accord, madame la présidente, je défendrai en même temps l’amendement n° 214, qui traite de la même question sous un angle différent.

Le projet de loi pose le principe selon lequel la garantie de l’État dont bénéficient les banques de dépôt et de crédit ne doit pas bénéficier à l’activité de crédit aux hedge funds. Ce principe, que nous saluons, est cependant fortement limité par une exception permettant d’exclure de cette interdiction les opérations bénéficiant d’une garantie. Or il apparaît que les banques prennent toujours des garanties quand elles prêtent aux hedge funds. Par conséquent, l’activité décrite dans la loi n’a quasiment aucune existence. Dès lors, notre amendement a pour but de supprimer cette exception et de filialiser l’activité des prêts aux hedge funds, dont une grande partie constitue une activité spéculative et risquée qu’il nous paraît nécessaire de filialiser.

L’amendement n° 179 propose de filialiser les activités de prêts aux hedge funds pour le compte de clients. L’amendement n° 214 propose, quant à lui, de filialiser également les prêts aux hedge funds qui sont garantis, notamment parce que la valeur de ces garanties peut toujours s’effondrer et n’exclut donc pas le risque. Je demanderai à la commission et au Gouvernement de bien vouloir répondre séparément sur ces deux amendements, qui abordent le problème sous deux angles différents.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki pour soutenir l’amendement n° 289.

M. Pascal Cherki. Je voudrais faire d’une pierre deux coups et soutenir en même temps les amendements nos 289 et 318.

Dans le prolongement de ce que vient de dire très justement notre collègue Eva Sas, je voudrais à mon tour attirer votre attention sur le problème important des hedge funds. Ceux-ci, nous le savons tous, sont peu ou pas réglementés. Ils utilisent massivement, et c’est un problème, des techniques permettant de spéculer sur l’évolution des marchés, à la baisse comme à la hausse. Ils sont peu transparents et souvent implantés dans des paradis fiscaux – mais je ne veux pas anticiper sur le débat que nous aurons tout à l’heure sur ce sujet.

Les hedge funds ont connu une croissance rapide : selon certaines estimations réalisées en 2009, il y aurait près de 10 000 fonds opérationnels dans le monde, gérant une masse financière d’environ 1 900 milliards de dollars d’actifs, contre 39 milliards en 1990. Ils utilisent souvent les outils les plus spéculatifs pour agir, comme les ventes à découvert ou le recours aux produits dérivés.

On nous a dit qu’il n’était pas possible de transférer les hedge funds dans les filiales, sous prétexte qu’ils seraient des acteurs importants de l’achat de la dette. J’aimerais qu’on nous donne des chiffres – puisqu’il est interdit de publier le nom des détenteurs de la dette. J’aimerais qu’on m’éclaire à ce sujet, qu’on m’apporte, au-delà de ces allégations, des éléments de preuve et qu’on me dise exactement quelle est la part de la dette détenue par les hedge funds, et lesquels.

Je rappelle tout de même que les hedge funds ont attaqué la dette grecque, par l’achat massif de credit default swaps, ou CDS, ce qui a provoqué, à un moment donné, une augmentation brutale des taux d’intérêt des emprunts grecs. La relation avec ces instruments pose donc un vrai problème, et c’est pourquoi mes amendements visent à les filialiser. S’il n’est pas possible de les mettre tous dans la filiale, j’aimerais qu’on m’explique quelle alternative le Gouvernement envisage pour sortir de ce statu quo.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Karine Berger, rapporteure. Permettez-moi de prendre un peu de temps pour exposer la manière dont nous pouvons envisager la question de la régulation des hedge funds, ou fonds de couverture.

Quel est le problème ? Il s’agit effectivement de structures financières qui ont un effet de levier – c’est même, pour ainsi dire, inscrit dans leur nom –, mais cet effet de levier, pour des raisons qui touchent à l’histoire de la régulation financière, n’est pas régulé par des ratios prudentiels. Les hedge funds, qui, de fait, créent de l’argent, ou qui, en tout cas, en empruntent, ne sont soumis ni à un ratio de détention de liquidité, ni à un ratio de détention de capital.

Je crois que le vrai problème est bien celui-ci, et pas celui de la relation que la banque peut avoir avec ces structures. C’est la structure, en tant que telle, qui pose le problème de la régulation financière. Un premier accord, que je qualifierai d’insuffisant, a été trouvé en 2009 au niveau de la Commission européenne. J’ai lu dans la résolution de la commission des affaires européennes qu’il y avait une volonté de poursuivre dans la voie de la régulation des hedge funds.

N’essayons pas de maîtriser la relation des hedge funds avec les banques, ni la manière dont celles-ci tradent avec eux. Faisons en sorte de mettre en œuvre directement la régulation des hedge funds.

Pour ma part, je donnerai un avis défavorable à ces amendements, au nom de la commission des finances. Mais j’y insiste : cela fait partie des sujets sur lesquels l’ensemble de notre hémicycle pourrait continuer à travailler. Nous avons, je le répète, une résolution de la commission des affaires européennes qui peut servir de référence, et je crois que tant que nous n’aurons pas abouti sur la question de la régulation des hedge funds, nous aurons effectivement un trou à la raquette.

Avis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je pourrais me contenter de reprendre l’argumentation de la rapporteure, mais je vais aller un tout petit peu plus loin et peut-être faire une ouverture finale.

Hedge funds : voilà des mots qui font peur.

M. Jean Launay. Il y a de quoi !

M. Pierre Moscovici, ministre. À certains égards, ce n’est pas totalement sans raison, monsieur Launay. C’est d’ailleurs pour cela que le projet de loi propose de filialiser les participations que les banques peuvent avoir dans les hedge funds. Plus largement, le projet de loi filialise aussi leurs opérations avec des hedge funds, sauf lorsqu’elles sont garanties par une sûreté.

La loi fixe ainsi une norme prudentielle, qui vise à imposer aux banques l’obligation de réduire au maximum les risques qu’elles peuvent prendre en traitant avec un hedge fund. Nous sommes donc nous-mêmes dans cette logique de réduction du risque : ce n’est pas un problème que nous ignorons.

Je sais que les hedge funds sont souvent vus – et c’est sans doute la logique qui a pu inspirer ces amendements – comme les principaux acteurs de la spéculation sur les marchés. Sur ce point, je voudrais nuancer un peu les choses : il faut faire preuve d’un peu de pragmatisme et de réalisme, car mon souci, je l’ai dit depuis le début de nos échanges, c’est de ne pas pénaliser les banques françaises. Le risque serait de pénaliser nos banques, sans pour autant atteindre les hedge funds eux-mêmes. Ces amendements ont déjà été examinés en commission des finances et je vais reprendre exactement le même argumentaire qu’alors.

Il faut d’abord faire preuve de pragmatisme, parce que la filialisation de toutes les activités conduites avec des hedge funds aboutirait, en pratique, à interdire aux banques françaises de traiter avec ce type de contrepartie. Or celles-ci sont en réalité incontournables, du fait de leur poids, mais aussi de leur capacité à prendre des risques lorsqu’un autre investisseur ne l’accepte pas. Les banques françaises doivent donc pouvoir traiter avec des hedge funds si elles veulent pouvoir jouer leur rôle dans le financement de nos entreprises. Et à ce sujet, je pourrais reprendre toute une série d’exemples d’opérations qui n’auraient pas pu être conduites pour et par des entreprises, si nous avions été dans la logique qui est ici proposée. Les hedge funds sont, que cela nous plaise ou non, des acteurs clés du placement des titres d’entreprises, comme par exemple les opérations convertibles, instruments très utilisés par les entreprises de taille intermédiaire françaises lorsqu’elles émettent sur les marchés. Voilà pour le pragmatisme.

Le réalisme, maintenant, consiste à dire que si nous souhaitons une meilleure réglementation des hedge funds, ce n’est pas au niveau national, ce n’est pas, pour le coup, en pénalisant les banques françaises que nous y parviendrons…

M. Charles de Courson. Tout à fait !

M. Philippe Vigier. C’est au niveau européen.

M. Pierre Moscovici, ministre. …d’autant que les hedge funds, cela a été dit aussi, trouveront facilement, de leur côté, d’autres banques concurrentes avec qui traiter. Nous affaiblirions donc notre propre économie, notre propre système bancaire. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas non plus favorable à ces amendements.

Je veux toutefois aller un peu plus loin que ce que propose déjà le projet de loi. Un amendement a été déposé par M. Kemel au nom de la commission des affaires économiques : il s’agit de l’amendement n° 290, qui va dans le sens d’un meilleur contrôle. Lorsque le moment sera venu, dans l’examen du texte, j’y serai favorable, sous réserve de sous-amendements qui visent à en améliorer la rédaction. Ainsi, nous serons allés encore un peu plus loin, sans aller trop loin. C’est ce que je vous demande, mesdames et messieurs les députés, de bien vouloir accepter.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Je vais retirer mon amendement, mais je voudrais m’adresser au ministre, car je ne suis qu’à moitié convaincu par son argumentation. Je retire mon amendement, parce que je ne veux pas mettre le Gouvernement en difficulté à ce stade. Je considère en effet, et nous considérons tous, que nous sommes au début d’un processus de régulation et de reprise en main par le politique. Si c’est une question de rythme, discutons-en.

Nous pourrions disserter longtemps sur le fait que ces opérations à effet de levier sont parmi les responsables majeurs des bulles – le temps nous manque pour en discuter. Je pourrais vous renvoyer à des travaux d’économistes sur la crise de 1929, qui identifient, parmi les causes de celle-ci, la spéculation à laquelle se livraient les ancêtres des hedge funds, qui étaient les prototypes des fonds d’investissement que nous connaissons maintenant. Ce n’est pas le moment d’en débattre, mais cette question mériterait un débat approfondi.

La rapporteure et le ministre posent deux questions. La première porte sur la manière d’organiser la relation des banques avec les hedge funds. Il est vrai, de ce point de vue, que le projet de loi contient un certain nombre d’innovations utiles et que nous serons mieux armés lorsqu’il sera voté. En même temps, nous aurions pu aller plus loin. J’entends qu’aujourd’hui, nous n’y sommes peut-être pas prêts, ni psychologiquement, ni techniquement – les deux arguments sont à prendre en considération.

La deuxième question porte sur le principe même et le caractère nocif des fonds d’investissement à effet de levier dans le financement de l’économie, et sur leur contribution majeure à la spéculation et à une forme de déréglementation de l’activité financière. C’est là un deuxième débat, qui consiste à déterminer de quelle manière nous allons progressivement les asphyxier et les éradiquer. J’entends qu’on ne peut pas le faire tout seuls depuis la France ; j’entends qu’on ne peut pas le faire tout de suite ; j’entends qu’il y a un débat au niveau européen. Mais il reste que votre dernière intervention, monsieur le ministre, me laisse un peu sur ma faim, en particulier l’argument fourre-tout qui consiste à dire que ces fonds sont utiles à nos banques, et que si nous ne travaillons pas avec eux, d’autres le feront. Cet argument n’emporte pas ma conviction.

Si l’on pense que ces fonds sont nuisibles, il faut avoir une stratégie pour les éteindre ; si l’on pense qu’ils posent un problème, il faut avoir une stratégie pour protéger les banques. Je prends acte du pas en avant qui est fait à travers ce projet de loi, mais je considère que nous ne sommes pas quittes avec cette question et je souhaite que le Gouvernement apporte une réponse politique à ce problème. Depuis des années, des critiques convergentes sont faites sur le caractère nocif des hedge funds. Même si je retire mon amendement, je ne m’en tiens pas pour quitte.

(L’amendement n° 289 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je partage largement l’analyse du ministre, mais elle est contradictoire avec le dépôt même du projet de loi.

Mme Valérie Rabault. Pas du tout !

M. Charles de Courson. On ne peut pas dire qu’il faut réglementer les hedge funds dans un cadre plus large tout en tentant de le faire à travers un projet de loi. En cela, votre argumentation est un peu contradictoire, même si, sur le fond, je suis d’accord avec vous. Le groupe UDI aurait préféré que l’on attende la directive européenne avant de légiférer, mais ce débat est maintenant dépassé.

Quand vous parlez d’un cadre plus large, il faudrait d’ailleurs préciser votre pensée. S’agit-il d’un cadre européen, ou d’un cadre encore plus large, qui réunirait l’Union européenne, les États-Unis et le Japon ? Quelle est votre idée, et sur quels points vous battez-vous au niveau communautaire ? Quel périmètre souhaitez-vous, et quelles règles défendez-vous ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Je vais également retirer mon amendement. Mon objectif était que le débat ait lieu, et il a eu lieu.

J’entends l’argument de Mme la rapporteure : ce n’est peut-être pas dans cette loi que la question des hedge funds doit être traitée,mais je n’ai pas entendu le ministre nous dire qu’elle le serait ailleurs. Je voudrais être sûre que c’est bien l’intention du Gouvernement.

Je partage entièrement l’argumentation de Pascal Cherki sur le caractère néfaste de ces activités, mais j’ai surtout entendu le ministre expliquer que ces hedge funds étaient indispensables à l’économie et incontournables. Cela me semble plutôt inquiétant, au final.

La question des leveraged buy-out, ou acquisitions avec effet de levier, doit également être traitée. Ces opérations entraînent des stratégies extrêmement court-termistes dans les entreprises rachetées, mettant en danger l’emploi à moyen et long terme. J’ai connu cela à plusieurs reprises dans des entreprises que j’ai suivies. Il serait donc intéressant que nous travaillions ensemble également sur ce point.

(L’amendement n° 179 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 58, 214, 316 et 318.

La parole est à M. Jean Launay, pour défendre l’amendement no 58.

M. Jean Launay. Cet amendement porte encore sur les hedge funds. Il propose une mesure de prudence.

Le problème n’est pas que la banque soit régulée par les règles de Bâle III, car le hedge fund est, par définition, une structure qui spécule. Je ne crois pas que les hedge funds soient très utiles. Ils n’ont qu’une seule face : la spéculation.

Ces derniers jours encore, un article du journal Le Monde nous a donné l’exemple d’une banque italienne se trouvant en situation de banqueroute suite au recours à des produits dérivés et des montages complexes. Les banques espagnoles aussi se trouvent dans de grandes difficultés.

L’une de nos banques, le Crédit Agricole, est également en difficulté. Tout client qui assiste, comme je l’ai fait, à une assemblée générale de caisse locale peut le mesurer. Le Crédit Agricole a réalisé des investissements en Argentine, en Grèce, et a créé en 2008 la société Newedge à parts égales avec la Société Générale. Dès 2010, cette société devenait le premier acteur mondial d’intermédiation d’instruments dérivés, ce que j’appelle des objets financiers non identifiés. Personne ne sait vraiment ce qu’ils contiennent, ni quand et comment ils peuvent faire basculer une, puis plusieurs banques dans la faillite, et éventuellement, à leur suite, les États.

Les pertes se renforcent, et le Crédit Agricole a dû admettre à la fin de l’exercice 2012 qu’il convenait de faire apparaître ces pertes à son bilan, à hauteur de 2,7 milliards d’euros. Ce sont bien les pertes, et pas la régulation, qui se sont renforcées.

Cet amendement n’a pas pour objet de pénaliser les banques, mais avoir des banques saines est un avantage concurrentiel majeur. Monsieur le ministre, permettez-moi quelques questions…

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.

M. Jean Launay. Madame la présidente, je n’ai pas abusé de mon temps de parole sur les amendements précédents, que j’ai retirés.

Mme la présidente. C’est vrai.

M. Jean Launay. Cette discussion poursuit celle que nous avons commencée lors de la présentation des amendements précédents.

Je remercie le ministre pour l’ouverture qu’il avait faite en commission des finances et qu’il vient de confirmer, mais l’étude d’impact jointe à ce projet de loi était insuffisante à mes yeux. Nous sommes en droit de nous poser des questions sur le volume des prêts aux hedge funds, ainsi que de savoir, en cas d’interdiction des prêts non garantis, quel serait l’impact social sur les quatre grandes banques françaises soumises aux risques systémiques.

Monsieur le ministre, avons-nous ces chiffres ? Et si c’est le cas, pourquoi la représentation nationale n’en dispose pas ? Tous ces éléments méritent d’être soulevés pour aller plus loin dans le débat sur les hedge funds. J’ai bien compris que telle était l’intention du ministre. Nous ne faisons que notre devoir d’alerte en posant ces questions.

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour défendre l’amendement no 316.

M. Razzy Hammadi. Je souhaite que nous en revenions au texte. Tout à l’heure, M. de Courson mentionnait l’amendement Berger, mais ce n’est plus un amendement maintenant : il s’agit du texte sur lequel nous débattons.

Lorsque l’on traite des OPCVM et des véhicules d’investissement similaires, les parlementaires que nous sommes pourraient avoir pour première attention la garantie de sûreté, cela a d’ailleurs été mon cas. Si l’on se réfère au code des marchés, on se rend compte que dans les cas de crises systémiques, il n’y a aucune garantie de sûreté qui puisse les empêcher. Je rappelle que dans le cas des subprimes, les sûretés étaient constituées par des maisons ; il n’y a pas plus sûr.

Dans le texte que nous sommes en train de débattre, les cautions d’organismes bancaires, les sûretés réelles qui reposent sur des biens ou des sûretés octroyées correspondant à des instruments financiers sont aussi assimilables à des garanties de sûreté.

Nous avons la volonté de poser le débat, d’échanger, et d’obtenir des garanties, comme viennent de le dire Eva Sas ou Pascal Cherki, car ce texte est assez libre. Au-delà des garanties de sûreté, les instruments similaires aux OPCVM à effet de levier constituent une catégorie large. Certains spécialistes de la question des produits dérivés pourraient en citer des dizaines et des dizaines.

Les caractéristiques sont fixées par arrêté du ministre. Nonobstant tout ce que je viens de dire, je vais retirer cet amendement car j’ai entendu certains éléments dans le cadre de ce débat. Mais sur cette question-là, je pense que nous aurions pu avoir quelques éléments de réponse écrits, sous la forme d’amendements gouvernementaux, suite aux nombreux amendements discutés en commission puis en séance. Je souhaite, a minima, que le Gouvernement nous réponde oralement sur ce sujet, qui n’est pas réglé.

M. Pascal Cherki. Très bien !

(L’amendement n° 316 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Karine Berger, rapporteure. En anglais, hedge signifie « haie ». Au tout départ, les hedge funds ont été créés pour assurer des couvertures, c’est-à-dire prendre des risques que d’autres ne voulaient pas prendre. C’est le principe de ce qu’on appelle, en finance, un produit de couverture.

Depuis lors, ils sont devenus des fonds de gestion dits « alternatifs », c’est-à-dire que leurs positions vont soit accélérer le marché, soit aller contre celui-ci. En tout état de cause, ils vont peuvent avoir des influences sur lui.

Monsieur Hammadi, les OPCVM n’ont rien à voir avec les hedge funds. Les OPCVM sont encadrés par la directive MIF 1, ce qui n’est pas le cas des hedge funds.

Toujours est-il que ces hedge funds, ou autres fonds alternatifs, ne sont pas soumis à régulation. C’est la difficulté, et de ce point de vue, la question de la sûreté que propose le Gouvernement est indispensable. Il va de soi que le seul cas dans lequel on peut envisager de prendre en compte la position des banques vis-à-vis d’un hedge fund, c’est celui de la sûreté. Nous devons faire en sorte de bien connaître la position de nos banques vis-à-vis de ces fonds alternatifs.

Mais à ce stade, tant que nous n’avons pas trouvé une solution pour organiser une régulation prudentielle de ces fonds alternatifs, nous n’aurons pas de solution satisfaisante par une filialisation plus forte de certaines activités.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je souhaite donner quelques éléments d’explication en réponse aux intervenants.

Il ne s’agit pas de ma part d’être pour ou contre les hedge funds. J’ai dit ce qu’il fallait en penser, ce que le projet proposait déjà et le pragmatisme, ainsi que le réalisme, dont il convient de faire preuve quand on a en tête, et c’est notre cas à tous, le financement effectif de l’économie française et le souci de ne pas le handicaper. Les députés qui ont déposé ces amendements ont la volonté d’y voir plus clair et d’aller plus loin.

Monsieur de Courson, les chantiers à Bruxelles sont actuellement nombreux. Ils concernent tous, directement ou indirectement, les marchés financiers. Je pense à la directive sur les marchés financiers, mais aussi au shadow banking ou système bancaire parallèle, qui concerne aussi les hedge funds. Ces hedge funds, lorsqu’ils ont une activité comparable à une banque, devraient être soumis à des règles similaires. C’est ce qu’a dit la rapporteure, et la réflexion progresse sur ce point en Europe et au niveau international. Évidemment, nous sommes engagés en ce sens.

Quant aux éléments soulevés par MM. Jean Launay, Pascal Cherki et Razzy Hammadi, je souhaite ajouter que la logique même de la loi, sur cette question des hedge funds, c’est d’avoir des banques qui soient plus sûres.

C’est la raison pour laquelle je vous propose de travailler sur la base de l’amendement no 290, présenté par la commission des affaires économiques, qui permettra de mettre à la disposition de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution des données précises sur l’exposition des banques aux hedge funds. Cela devrait satisfaire Jean Launay, qui souhaite disposer de chiffres. Ces données nous permettront aussi d’affiner nos éventuelles ripostes, si c’est de cela qu’il s’agit.

Je me suis d’ailleurs engagé à ce que l’ACPR fixe des règles précises encadrant les modalités de sécurisation des relations avec les hedge funds. Je pense que si nous procédons de cette manière, nous resterons sur cette ligne de crête, qui est la bonne, celle d’un texte qui régule, qui moralise, qui contrôle, mais qui permet aussi à l’économie française de respirer et de traiter avec des acteurs financiers qui, c’est vrai, ont un rôle biface, et non univoque.

Je suis prêt à reparler de tout cela à l’occasion de l’examen de l’amendement no 290, sur la base duquel nous pouvons avancer.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, il me semble que ces amendements soulèvent le problème de la notion de sûreté. Tel que le texte est rédigé, la nature des sûretés n’est pas précisément définie.

M. Christophe Caresche. Mais si ! Elle est définie réglementairement !

M. Charles de Courson. Mais le problème, c’est que les sûretés réglementaires sont de fausses sûretés. Notre collègue a pour partie raison.

Le problème est dans le durcissement. Nous n’avons pas de sûretés réelles, ou fiables. Lors des crises, on a bien vu que les sûretés que nous évoquons sont des biens qui sont eux-mêmes soumis à une grande volatilité des prix. Ce sont donc de fausses sûretés. C’est donc là-dessus, me semble-t-il, qu’il faudrait travailler pour renforcer la sécurité des hedge funds.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Monsieur de Courson, les sûretés, sauf erreur de ma part, sont définies dans le code monétaire et financier. Elles ont donc quand même une définition assez précise.

Puisque j’ai la parole, j’en profite pour répondre à votre précédente intervention, monsieur de Courson. Vous nous reprochez de vouloir réguler les hedge funds au niveau européen tout en adoptant une loi française. Mais le schéma n’est pas tout à fait le même, monsieur de Courson. Il existe une réglementation, celle de Bâle III, qui est européenne. Le présent projet de loi, lui, vise à ce que l’argent public français – l’argent des contribuables français – soit mobilisé pour les dépôts et le financement de l’économie réelle, et non pour les autres activités. Ici, nous parlons bien de la France, dont le modèle est en train d’être copié par d’autres, comme vous le voyez.

M. Charles de Courson. Je ne suis pas sûr que l’on puisse dire cela !

Mme Valérie Rabault. Si, monsieur de Courson ! L’argent mobilisé ici est bien celui des contribuables français ; avec cette loi, il ne le sera pas pour sauvegarder des activités spéculatives. Nous parlons bien de la France : c’est pourquoi je ne vous rejoins pas sur le point que vous évoquiez tout à l’heure.

M. Charles de Courson. Souvenez-vous de Dexia !

Mme la présidente. Monsieur Launay, maintenez-vous votre amendement n° 58 ?

M. Jean Launay. Je le retire.

Mme la présidente. Madame Sas, maintenez-vous votre amendement n° 214 ?

Mme Eva Sas. Je le retire.

Mme la présidente. Monsieur Cherki, maintenez-vous votre amendement n° 318 ?

M. Pascal Cherki. Je le retire.

(Les amendements nos 58, 214 et 318 sont retirés.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)