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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Séance du mardi 3 juillet 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Ouverture de la session extraordinaire

2. Décès d’un député

M. le président

3. Déclaration de politique générale du Gouvernement, débat et vote sur cette déclaration

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Suspension et reprise de la séance

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

M. Bruno Le Roux

M. Christian Jacob

M. Jean-Louis Borloo

M. François de Rugy

M. André Chassaigne

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Mme Véronique Besse

Suspension et reprise de la séance

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Ouverture de la session extraordinaire

M. le président. En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire convoquée par décret du Président de la République du 27 juin 2012.

2

Décès d’un député

M. le président. Mes chers collègues, le début de notre nouvelle législature est tragiquement endeuillé. C’est avec consternation que nous avons appris le décès brutal, à quarante-deux ans, de notre collègue Olivier Ferrand, député de la huitième circonscription des Bouches-du-Rhône. Je prononcerai son éloge funèbre lors d’une prochaine séance. En hommage à notre collègue décédé, j’invite l’Assemblée à observer une minute de silence.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)

3

Déclaration de politique générale du Gouvernement, débat et vote sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle la déclaration de politique générale du Gouvernement faite en application de l’article 49, alinéa premier, de la Constitution, le débat et le vote sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme Claude Greff. On n’est pas à Cannes !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président de l’Assemblée nationale, mesdames et messieurs les députés, pour la première fois depuis vingt-six ans, je ne serai pas assis parmi vous. Il y a quelques instants, lorsque je suis entré par la Porte du Bronze, j’ai pensé à tous ces Premiers ministres qui l’ont franchie avant moi, à d’autres périodes, confrontés à d’autres défis. Et je viens devant vous, mesdames et messieurs les députés, chargé d’une mission particulière, celle que m’a confiée le Président de la République, qui a fixé notre cap : conduire le redressement de notre pays dans la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Cet engagement a fait l’objet d’un long débat démocratique. Et après avoir élu, le 6 mai, François Hollande à la tête de l’État, les Françaises et les Français ont choisi la cohérence en donnant à la gauche une large majorité parlementaire. (Mêmes mouvements.)

Il me revient l’honneur de soumettre à votre confiance la politique d’un gouvernement entièrement mobilisé pour le changement,…

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas gagné !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …comportant, pour la première fois dans l’histoire de la République, autant de femmes que d’hommes, et portant l’exigence d’une autre pratique des institutions. (Mêmes mouvements.)

Ce gouvernement allie les talents de la jeunesse et de l’expérience. Il conjugue les parcours, les histoires et les cultures. Il est aux couleurs de la France. (Mêmes mouvements.)

En vous regardant, j’observe aussi le changement. Aux côtés de visages qui me sont si familiers, j’en découvre tant d’autres, que j’apprendrai à connaître. Et à toutes et à tous, j’adresse mes plus sincères félicitations. (Mêmes mouvements.)

Députés de la majorité comme de l’opposition, vous détenez une part égale de la souveraineté nationale. Je sais que vous en serez digne. À chacune et à chacun de faire preuve de courage et de responsabilité,…

M. Guy Geoffroy. Ah, nous, on sait faire !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …dans une période qui exige de chacun qu’il élève sa réflexion, son discours et ses propositions au niveau d’une crise sans précédent, et qui menace de nous faire perdre ce que le siècle passé nous a légué : notre modèle social et républicain. (Mêmes mouvements.)

Je suis venu aujourd’hui pour vous appeler, et, à travers vous, appeler l’ensemble de notre peuple à une mobilisation. Car il n’est pas trop tard pour agir, et pour réussir. Je suis ici pour vous appeler à retrouver confiance dans notre destin.

Notre pays s’est affaibli économiquement, il s’est dégradé socialement, il s’est divisé politiquement, il s’est abîmé moralement. La France, ce sont près de trois millions de salariés qui ne retrouvent pas de travail,…

M. Patrick Balkany. Bientôt plus !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …ces femmes à qui il n’est proposé que des emplois très partiels, ces jeunes pour qui l’entrée dans la vie active s’apparente à un parcours d’obstacles, ces seniors qui se voient fermer toutes les portes alors qu’ils ont encore tant à apporter à la société. Et ce sont ces plans sociaux opportunément retardés (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) et qui font courir le risque du chômage à plusieurs dizaines de milliers de familles supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Depuis 2007, la dette publique a augmenté de 600 milliards d’euros. Six cents milliards d’euros ! Et elle atteint aujourd’hui près de 1 800 milliards d’euros, soit 90 % de la richesse produite par la France chaque année.

M. Pascal Terrasse. Quel bilan !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le poids de la dette est devenu écrasant. L’État verse ainsi près de 50 milliards d’euros par an à ses créanciers. Cette somme représente la première dépense, juste devant le budget de l’éducation nationale. Elle est supérieure aux budgets de la recherche, de la justice et de la sécurité réunis. Eh bien, cette situation, je ne l’accepte pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Parce que la dette, c’est moins d’écoles, c’est moins de crèches, c’est moins d’hôpitaux, c’est moins de transports publics. Et la dette, c’est ce que nous léguerons aux générations futures si nous n’agissons pas. Je suis de la génération – et je ne suis pas le seul ici – qui a grandi pendant les Trente Glorieuses, celle pour laquelle l’avenir était naturellement synonyme de progrès. Mais je ne veux pas être de la génération qui aura reporté le poids d’une dette excessive sur ses enfants et ses petits-enfants. (Mêmes mouvements.)

M. Pierre Lellouche. Alors, arrêtez de dépenser !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mon gouvernement sera celui de la responsabilité devant la jeunesse.

La dette, c’est, enfin, un enjeu de souveraineté nationale. Une France endettée est une France dépendante : dépendante vis-à-vis des agences de notation, dépendante vis-à-vis des marchés financiers. Voilà pourquoi je veux réduire notre endettement public. (Mêmes mouvements.) Sans réduction de l’endettement public, sans redressement de nos comptes publics, il ne pourrait y avoir de redressement du pays.

Mais, mesdames et messieurs les députés, de la majorité comme de l’opposition, je ne suis pas venu lancer un débat sur l’héritage. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Tant d’autres avant nous ont ainsi préféré chercher dans le rejet de leurs prédécesseurs une approbation qu’ils n’auraient pas trouvée au simple énoncé de leur politique ! Que cette situation soit le produit d’erreurs passées signifie aussi que nos difficultés, parce que nous en sommes conscients, peuvent être surmontées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Cette situation est simplement notre point de départ, que le Président de la République avait largement anticipé au cours de sa campagne électorale. Nous pourrions utiliser la situation que nous avons trouvée pour justifier des renoncements. Non, eh bien non, nous ne renonçons à rien. Non et non ! (Mêmes mouvements.)

M. Michel Herbillon. Hélas !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Cette majorité n’a pas été élue pour trouver des excuses. Elle a été élue pour trouver des solutions. Et la mise en œuvre de ces solutions, qui sont les engagements pris par le Président de la République, passe d’abord par l’exigence de vérité. Dans l’épreuve, trop souvent, la préférence a été donnée à l’habileté, à la mystification, voire à la dérobade. Je veux dire aux Françaises et aux Français la vérité. Je veux leur dire ce que nous ferons. Je veux qu’ils puissent être juges, à chaque instant, des chemins que nous empruntons. Je veux qu’ils puissent exercer leur contrôle sous l’éclairage que peuvent leur donner la majorité comme l’opposition.

À cette fin, je tiendrai informés nos concitoyens de l’action conduite par le Gouvernement, à travers la représentation nationale (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. N’est-ce pas normal ?

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que deux orateurs de l’opposition vont s’exprimer ensuite. Je souhaite qu’ils puissent intervenir dans le calme et vous invite donc à écouter le Premier ministre dans le même calme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le président.

La tentation existe d’exploiter les peurs et les craintes, de stimuler les égoïsmes, d’user de tous les clivages qui travaillent la société, aux fins de dévier le débat public des sujets essentiels…

M. Michel Herbillon. Vous êtes bien placé pour le dire !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je n’y céderai pas !

M. Michel Herbillon. Mais vous l’avez toujours fait !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je souhaite au contraire que les Françaises et les Français unissent leurs efforts et retrouvent le sens du combat commun. Les décisions qui sont devant nous les intéressent au plus haut chef. Il ne s’agit pas de débats réservés à une élite. C’est sous le regard de nos concitoyens, sous leur arbitrage, qui s’exprime par le suffrage universel, que j’entends gouverner notre pays.

La sauvegarde de notre modèle républicain, la pérennité de notre système social, le redressement économique pour l’emploi : voilà la finalité de notre action. Et, mesdames et messieurs les députés, soyons-en conscients : cette finalité s’apparente aujourd’hui à un combat ! Nous pouvons, nous devons l’emporter.

M. Yves Censi. Comment ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La condition en est la mobilisation, l’engagement de tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Le génie de la France,…

M. Jean-François Lamour. Bla-bla-bla !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …ce n’est pas la concentration, dans les mains de quelques-uns, de notre destin commun. Le génie de la France, c’est d’avoir su justement passer d’un système monarchique ou autoritaire à l’association de tous à la décision. Le génie de la France, c’est la République ! Et, comme vous, j’aime la France. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Oui, comme vous, j’aime la France, j’aime sa langue, ses paysages, sa culture, son histoire. J’aime les valeurs qui l’ont façonnée ; j’aime son goût pour le débat. J’aime l’idée que la nation française soit fondée sur le désir de lui appartenir plus que sur la naissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) J’aime qu’elle puisse servir de modèle en Europe et dans le monde, car son message est universel.

J’aime aussi notre capacité, en certaines circonstances de notre histoire, à nous dépasser, à mettre de côté ce qui nous divise pour nous retrouver ensemble et faire la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Comme vous toutes et tous, je suis un patriote !

L’enjeu est aujourd’hui de savoir si nos enfants pourront aimer le même pays, y vivre avec le même bonheur, y élever à leur tour leurs enfants, en ayant la volonté et la fierté de leur transmettre les mêmes valeurs !

Au premier rang de notre combat pour le redressement, j’appelle ces femmes et ces hommes, qui par leur savoir-faire, leur intelligence, leur art créent de la richesse, des emplois, de l’activité. Vous qui produisez, vous qui disposez de la capacité de décider, vous qui dirigez, mobilisez-vous sans attendre !

M. Yves Fromion. C’est pathétique !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Aidez la France, en créant des emplois, en préservant l’activité dans notre pays, en relevant le défi productif. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Au-dessus de l’argent que l’on gagne, il y a ce sentiment plus grand, plus fort, celui que procurent l’estime et la reconnaissance de ses concitoyens.

Non, je ne suis pas l’ennemi de l’argent ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mais je ne considère pas les gens auxquels je parle en fonction de leur patrimoine ou de leurs revenus. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Je n’accepte pas d’entendre dénoncer une « fiscalité confiscatoire » par ceux-là mêmes qui s’autorisent parfois des rémunérations au-delà de tout entendement et de toute décence ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Le patriotisme, c’est servir son pays, c’est remplir ses devoirs, après avoir reçu tant de droits ; c’est rendre tout simplement à la République ce qu’elle vous a donné. Le patriotisme, ce n’est pas fuir la France pour les paradis fiscaux en laissant le poids de l’histoire à ceux qui restent ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe GDR. – « Noah ! Noah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les Français nous regardent,...

Mme Claude Greff. Justement !

M. le président. …ce qui devrait inciter les uns et les autres à plus de modération.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le patriotisme doit être l’affaire de toutes et de tous, à chaque niveau de la société. La mobilisation doit être générale. Elle ne concerne pas que le sommet de l’édifice : chacun doit y prendre sa part.

Faire preuve de patriotisme, c’est ne pas menacer la pérennité d’un système solidaire en le détournant de son objectif, qui est d’assurer un filet de sécurité à celles et ceux qui ne retrouvent pas de travail, à ceux qui sont en fin de droit, aux malades.

À tous les niveaux, le Gouvernement que je dirige se donnera les moyens de lutter contre la fraude, et d’abord contre l’évasion fiscale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme Claude Greff. Mais quels moyens ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Dans ce combat pour le redressement, nous avons besoin de tous les acteurs. Il ne peut être l’affaire du Gouvernement seul.

Plusieurs députés du groupe UMP. Noah ! Noah ! Noah !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le changement ne se décrète pas. Il ne se mesure pas au nombre de lois votées. Il est un mouvement qui inspire toute la société, un mouvement porté par tous les corps intermédiaires : les collectivités locales, les partenaires sociaux, les associations, les ONG.

M. Jean-François Lamour. Vous n’avez encore rien dit !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le maire de Nantes que j’ai été sait que le changement passe par la mise en mouvement de toute la société. Je n’aurais jamais obtenu les mêmes résultats si je ne m’étais pas constamment appuyé sur l’imagination, la créativité, le dynamisme de mes concitoyens et de l’ensemble des acteurs locaux – beaucoup ici en sont convaincus, car ils en font quotidiennement l’expérience dans leur département, leur commune ou leur région. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Il est fini le temps des sommets spectacles, le temps où la concertation n’était conçue que pour donner l’apparence du dialogue social à la décision d’un seul !

M. Yves Fromion. Provocateur !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il est fini le temps où l’État imposait ses décisions à des collectivités territoriales qu’il considérait comme de simples satellites chargés d’exécuter sa volonté !

Mesdames et messieurs les députés, nous ouvrons la porte à une évolution profonde, un bouleversement inédit…

M. Claude Goasguen. Lequel ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je demande à chacun d’en prendre la mesure. Oui, nous voulons donner toutes ses chances à la démocratie – et d’abord à la démocratie sociale.

La réduction du chômage, le développement de l’emploi et donc celui de nos entreprises doivent être une préoccupation partagée, et je souhaite que la culture de l’accord, celle qui implique des contreparties, du donnant-donnant, s’impose peu à peu dans le dialogue et la démocratie sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Les organisations d’employeurs et de salariés doivent prendre leurs responsabilités ; le Gouvernement prendra aussi les siennes.

Cet état d’esprit nouveau s’est déjà exprimé à travers l’organisation d’une grande conférence sociale, qui s’ouvrira dans quelques jours. Les travaux porteront sur sept sujets majeurs : l’emploi et particulièrement l’emploi des jeunes ; la formation, le développement des compétences et la sécurisation des parcours professionnels ; les rémunérations, et notamment les bas salaires ; l’égalité professionnelle entre femmes et hommes et la qualité de vie au travail ; le redressement productif national (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) ;l’avenir de nos retraites et de notre protection sociale ; le rôle enfin de nos services publics et de leurs agents.

Tout sera mis sur la table, y compris l’intégration des représentants des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises, le dialogue social territorial au niveau des bassins d’emploi, l’information en amont des représentants du personnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Rien ne sera tabou. Tout devra être posé, si nous voulons parvenir à de nouveaux équilibres, dans un compromis à bien des égards historique.

D’autres concertations suivront dans le même esprit sur les priorités du quinquennat. J’ouvrirai une consultation sur la refondation de l’école, le 5 juillet. Des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche prépareront une loi de programmation, qui sera présentée au Parlement au début de l’année 2013.

La conférence environnementale s’ouvrira dès la rentrée pour préparer le grand chantier de la transition énergétique et de la biodiversité.

Un député du groupe UMP. En Guyane !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Enfin, la démocratie locale sera renforcée, au travers d’un nouvel acte de la décentralisation, qui fera l’objet d’une large consultation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Je sais bien, par expérience, que les attentes sont fortes,…

M. Lucien Degauchy. À la hauteur des promesses !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …multiples, qu’on ne va jamais assez vite lorsqu’il s’agit de corriger l’injustice ou de protéger d’une souffrance. Mais je sais surtout que les lois bâclées ne sont jamais appliquées. Je connais ce temps que l’on perd à force de vouloir en gagner. Je sais que l’on ne combat pas l’inertie par l’agitation.

La tentation de tout pouvoir est d’aller vite, d’imposer sa marque dès les premières heures, de tout réaliser en cent jours, comme si plus rien ne devait être possible ensuite. Eh bien, le Président de la République comme moi-même, nous voulons installer le changement dans la durée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Prendre le temps d’écouter, d’évaluer, de décider, de faire partager : c’est la condition même du changement.

Je crois profondément que les Françaises et les Français veulent être traités en adultes. Je crois à la possibilité de fédérer le pays autour d’objectifs et d’un projet commun.

Les Français ne nous ont pas donné un mandat pour gouverner cent jours mais cinq ans ! (Mêmes mouvements.) Le redressement prendra du temps, mais nous surmonterons la crise et nous retrouverons le progrès !

Au cours de ce quinquennat, deux phases se succéderont. La première sera celle…

M. Philippe Vitel. De la rigueur !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …des réformes de structure.

M. Bruno Le Maire. Lesquelles ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’entends par là, la consolidation ou la rénovation de tous les outils qui nous permettront de renouer avec la croissance, la compétitivité et l’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Je pense à la réforme fiscale ; je pense au redressement productif (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) ;je pense à la priorité donnée à la jeunesse ; je pense à une nouvelle étape de la décentralisation ; je pense à la transition écologique et énergétique.

Il faut donc prendre le temps de réussir ces grandes réformes de structure, pour que vienne ensuite celui de tirer les bénéfices de l’effort collectif.

Je n’ai pas l’obsession de la comparaison avec le gouvernement précédent, mais je demande à chacun de mesurer la différence, qui n’est pas simplement de style, mais de méthode. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La première erreur, c’est de vouloir imposer d’en haut et dans la précipitation.

M. Jean-François Lamour. Vous l’avez déjà dit !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La seconde, c’est de vouloir opposer, de manière dogmatique, justice et compétitivité, justice et efficacité. Je crois que la justice n’est pas seulement une exigence morale : je crois qu’elle est un facteur de croissance et de progrès. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Je crois que ce qui est juste est une motivation au travail. Je crois que l’existence de services publics de qualité contribue à l’attractivité d’un territoire. Je crois que la productivité est directement liée à la qualité des ingénieurs, des techniciens ou des ouvriers qui sortent de nos écoles. Je crois qu’une fiscalité qui favorise le travail, plutôt que la rente, est un profond encouragement pour celles et ceux qui prennent des risques. (Mêmes mouvements.)

Oui, je crois que la justice, c’est l’efficacité.

M. Guy Geoffroy. Où sont vos propositions ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Être juste, c’est reconnaître l’apport des créateurs, des innovateurs, des entrepreneurs. Je crois en l’esprit d’initiative, j’estime les chefs d’entreprise – que je connais bien (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – et je salue leur apport à notre économie. Je ne les confonds pas avec quelques parachutistes dorés ou avec des spéculateurs sans scrupule. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Être juste, c’est ne pas stigmatiser les chômeurs en leur faisant porter la responsabilité de leur infortune. Être juste, c’est ne pas considérer chaque bénéficiaire du RSA comme un fraudeur potentiel ou un fainéant. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

La justice sera tout à la fois notre moyen et notre but.

La justice est également territoriale et doit s’exprimer dans les territoires fragiles, particulièrement dans les quartiers défavorisés, qui sont le lieu de la ségrégation sociale et de la désespérance.

Je n’oublie pas non plus ces millions de nos concitoyens, qui vivent loin des grands centres urbains : les classes populaires et les classes moyennes habitent souvent ces villes que l’on qualifie de « périurbaines », ou dans les zones rurales. Ce sont ces Français qui, aujourd’hui, ont les conditions de vie les plus dures…

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est sûr !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre….à la précarité de l’emploi s’ajoutent, pour eux, des temps de transport à rallonge, la désertification médicale, la fermeture des services publics. Je veux qu’à côté de son effort marqué – et nécessaire – pour les banlieues, l’État se tourne aussi vers ces territoires trop souvent négligés et redéploie prioritairement ses moyens dans leur direction. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Lucien Degauchy. Des promesses ! Toujours des promesses !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Dans le même esprit – celui de l’égalité entre tous les territoires qui font la France –, j’adresse le salut fraternel de toute la nation à nos outre-mer, où la faiblesse des orientations mises en œuvre au cours du dernier quinquennat a pu passer pour une forme de désintérêt, voire de désengagement de l’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur certains bancs du groupe GDR.)

M. Yves Fromion. Lamentable !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La politique du Gouvernement s’y appliquera avec force, autour des trois priorités que sont la jeunesse, l’emploi, et la lutte contre la vie chère. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur certains bancs du groupe GDR.)

Mesdames et Messieurs les députés, le rétablissement des comptes publics est un enjeu majeur, et le Président de la République a fixé des priorités : la jeunesse, la sécurité et la justice. Elles seront respectées, sans que notre déficit et notre dette en soient pour autant creusés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Comment ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Cela exigera des choix dans tous les autres secteurs.

Plusieurs députés du groupe UMP. Lesquels ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ces efforts ne dépendront pas d’une règle mathématique aveugle et absurde, mais de l’évaluation, mission par mission, de l’efficacité des politiques conduites. C’est pourquoi j’ai demandé à tous les membres du Gouvernement de réaliser des économies sur leurs dépenses, fondées sur des propositions de réformes qu’ils élaboreront eux-mêmes, et qui permettront de faire gagner en efficacité nos services publics. Il s’agira d’un travail de fond, mené en concertation avec les agents de l’État, sur les missions et le fonctionnement des services publics.

M. Patrick Balkany. On rêve !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La France sait qu’elle peut s’appuyer sur une fonction publique de qualité, trop souvent humiliée. Je veux assurer tous les fonctionnaires de l’État, de la fonction publique hospitalière et des collectivités territoriales de mon total soutien et je leur adresse un message de respect et de confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Mme Catherine Vautrin. Mais vous allez les plumer demain !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’ai lu ces derniers jours que le fait de réserver les créations d’emplois publics aux secteurs prioritaires devait s’interpréter comme un « tournant de la rigueur ».

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je m’inscris en faux contre cette affirmation.

Plusieurs députés du groupe UMP. Les deux tiers !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Les effectifs de l’État connaîtront une stabilité globale, alors que le précédent gouvernement les détruisait massivement. Voilà la différence ! (Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement le Premier ministre.)

L’ensemble de notre stratégie sera fixé dans le cadre d’une loi de programmation des dépenses publiques, qui couvrira les cinq années de cette législature. Cette loi nous engagera à revenir à l’équilibre à l’horizon 2017. Elle tracera ce chemin en faisant la part des efforts demandés à chacun : État, sécurité sociale et collectivités locales. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Avec quel argent ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames et Messieurs les députés, je vous ai promis la vérité : la maîtrise des dépenses publiques est indispensable, mais elle ne sera pas suffisante. De nouvelles recettes fiscales seront mobilisées (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La volonté du Gouvernement est de solliciter d’abord ceux qui, jusqu’ici, ont été exonérés de l’effort collectif. (Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent vivement le Premier ministre. – Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Ainsi, dès demain, le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté au conseil des ministres tirera les conclusions de l’audit indépendant réalisé par la Cour des Comptes, afin de respecter l’engagement du Président de la République de ramener, dès 2012, le déficit public à 4,5 % de la richesse nationale…

Suspension et reprise de la séance

M. le président. Chers collègues, l’un des nôtres étant pris d’un malaise, je suspends la séance. Je vous demande de vous écarter, et je prie la presse de ne pas prendre de photographies.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise après quelques instants.)

M. le président. Puisque notre collègue se trouve mieux, la séance peut reprendre. Je vous appelle à davantage de modération : ne compliquez pas la tâche aux présidents Jacob et Borloo, qui vont intervenir par la suite.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.

Cet audit, que m’a remis hier le Premier président de la Cour des comptes, confirme les analyses faites pendant la campagne présidentielle et valide les mesures et orientations que le Gouvernement s’apprête à présenter au Parlement.

Le collectif budgétaire qui vous sera soumis n’épuisera pas le sujet de la réforme fiscale, mais il en constituera une première étape. Il reviendra sur l’allégement incompréhensible de l’impôt de solidarité sur la fortune et des droits sur les grosses successions, ainsi que sur le bouclier fiscal, qui est toujours en action. Il reviendra également sur l’exonération des heures supplémentaires (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) dans les entreprises de plus de vingt salariés…

M. Guy Geoffroy. Quelle honte !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …qui décourage la création de nouveaux emplois, et mettra à contribution les grandes entreprises, notamment bancaires et pétrolières. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) En revanche, les classes populaires et les classes moyennes seront épargnées.

Plusieurs députés des groupes UMP et UDI. Non !

M. le président. S’il vous plaît !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’ai l’impression que certains ont la mémoire courte, puisque sera abrogée dans ce collectif la hausse de la TVA programmée par le précédent gouvernement pour le 1er octobre. (Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) La TVA surle livre et le spectacle vivant sera, quant à elle, ramenée à 5,5 %.

M. Patrick Bloche et M. Alain Tourret. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La réforme fiscale se poursuivra à l’automne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2 013. L’impôt sur le revenu sera rendu plus juste, plus progressif et plus compréhensible et les niches fiscales seront plafonnées. Le taux d’imposition réel des contribuables aisés ne peut pas continuer d’être inférieur à celui de la majorité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pour les plus riches, une nouvelle tranche d’imposition à 45 % sera créée, et, pour les revenus annuels supérieurs à un million d’euros, une imposition à 75 % sera instaurée.

Les revenus du capital seront imposés au même niveau que ceux du travail. En effet, il n’est plus possible de discourir sur la valorisation du travail tout en privilégiant la rente, dans les faits, par une fiscalité favorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

D’autres chantiers seront ouverts à moyen terme, toujours dans le même souci de justice, d’efficacité économique et écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.) Voilà le grand chantier de la réforme fiscale.

M. Alain Gest. Baratin !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Maîtriser la dépense publique, trouver de nouvelles recettes fiscales, tels sont les préalables au redressement de notre pays. Mais contrairement à ce que l’on a pu lire ou entendre ces derniers jours, le Gouvernement n’aura pas besoin d’opérer un tournant. Il n’y aura pas de tournant…

M. Marc-Philippe Daubresse. Non, car vous irez droit dans le mur !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …car nous avons anticipé la faiblesse de la croissance pour 2012 pendant la campagne électorale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Elle était estimée à 0,7 % par le précédent gouvernement, mais nous savions qu’elle serait inférieure. En réalité, elle sera de 0,3 %.

Pour l’année 2013, nous avions aussi prévu une croissance moindre que le précédent gouvernement, et la prudence et la sincérité nous conduisent à anticiper une croissance de l’ordre de 1,2 %.

M. Michel Herbillon. Vous n’avez rien prévu !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous savions que le budget 2012 comportait des dépenses sous-évaluées et des estimations de recettes trop optimistes.

Mme Valérie Pecresse. C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La Cour des comptes n’a fait que confirmer ce que nous pressentions.

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La situation est sérieuse, je ne vous le cache pas, mais elle ne constitue pas une surprise pour ceux qui, comme nous, étaient parfaitement lucides.

Le chemin de redressement budgétaire que nous avions indiqué est celui que nous emprunterons. Je revendique le sérieux et la responsabilité budgétaire.

M. Yves Censi. C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je veux la réforme fiscale, je veux la justice fiscale, j’appelle à l’effort national, mais je refuse l’austérité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Nous savons que rien ne sera possible sans le retour de la croissance. Et ce combat pour la croissance se mène sur deux fronts : un front intérieur, celui du redressement productif ; un front européen, celui d’une réorientation de la politique de l’Union.

Le redressement productif doit passer par la mobilisation de toutes les forces, de toutes les énergies de la France et de tous les secteurs économiques : les services, l’industrie, l’agriculture et l’industrie agroalimentaire, l’économie maritime, le tourisme et l’industrie culturelle, l’économie numérique, la recherche, l’économie sociale et solidaire.

Le redressement productif, c’est d’abord la volonté de rompre avec la désindustrialisation qui est à l’œuvre depuis longtemps dans notre pays. Un plan de reconquête industrielle sera prochainement présenté par le Gouvernement, avec pour ambition de repositionner la France au meilleur niveau mondial. Un pays qui n’a pas d’industrie n’a pas d’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

En dix ans, la part de l’industrie dans la richesse produite en France a été divisée par deux, passant de 26 % à 13 %, et 750 000 emplois industriels ont malheureusement été perdus.

M. Pierre Lellouche. Grâce aux 35 heures !

M. Christian Estrosi. Cela fait trente ans, pas dix !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mon gouvernement entend mettre un terme à ce décrochage. C’est le sens du « pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi » que je vous propose. Il sera au cœur de la conférence sociale du mois de juillet.

D’ores et déjà, le Gouvernement travaille à un plan pour la filière automobile en grande difficulté. Il sera présenté au cours de ce mois.

M. Yves Censi. Le plan B ?

M. Maurice Leroy. Plutôt le plan T !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Des mesures seront prises pour lutter contre les plans sociaux abusifs et rechercher des solutions alternatives pérennes.

La compétitivité structurelle est l’une des clés essentielles du redressement : comme dans d’autres pays européens, la spécialisation autour de créneaux porteurs,…

M. Philippe Meunier. Le nucléaire !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …l’innovation, la valorisation de produits de qualité fonderont notre stratégie industrielle.

M. Philippe Meunier. Comment ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Oui, je veux doter la France d’une compétitivité dans le domaine des nouvelles technologies, faire émerger de nouveaux champions nationaux, voire européens.

Pour cela, nous prendrons appui sur le Commissariat général à l’investissement, à la tête duquel le Conseil des ministres a nommé Louis Gallois, qui soutiendra des projets d’excellence au service de l’innovation et de l’économie de demain.

La finance sera mise au service de l’économie réelle. C’est pourquoi seront séparées les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi de leurs opérations spéculatives. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Jean-François Lamour. Erreur !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il n’est pas acceptable que nos entreprises, en particulier nos PME, continuent d’être confrontées à des difficultés de financement. La création du livret d’épargne industrie permettra de drainer l’épargne disponible à des fins productives. Les activités génératrices de croissance bénéficieront du soutien de la future banque publique d’investissement qui sera mise en place avant la fin de l’année et qui travaillera en liaison étroite avec les territoires, et particulièrement les régions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Pierre Lellouche. Cela existe déjà !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Quant aux PME, elles feront l’objet d’un soutien déterminé. Elles doivent pouvoir pleinement profiter des commandes publiques et bénéficier des dispositifs fiscaux avantageux. Elles ne peuvent pas supporter les mêmes taux d’imposition que les multinationales, comme c’est le cas aujourd’hui. Leur croissance doit être encouragée, car c’est en se développant davantage qu’elles pourront se tourner vers l’exportation et conquérir de nouvelles parts de marché.

Nous offrirons à nouveau à nos agriculteurs un projet d’avenir, dans le cadre d’une politique agricole commune consolidée et rénovée.

M. Jean-Frédéric Poisson. Baratin !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. À l’échelle européenne, les exigences croissantes en faveur de la qualité des produits et de modes de production plus respectueux de l’environnement sont une chance pour nos agriculteurs et nos professionnels de l’agroalimentaire. Nous proposerons une loi-cadre pour stimuler le développement d’une agriculture diversifiée, durable et performante.

M. Hervé Mariton. Quelle originalité !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous devons faire preuve d’une nouvelle ambition pour notre commerce extérieur. Les 70 milliards d’euros de déficit en 2011, après dix années de dégradation de notre compétitivité externe, sont le résultat du laisser-faire et du laisser-aller. C’est le contraire de l’état d’esprit qui anime mon Gouvernement. Une véritable diplomatie économique sera mise en place.

La Chine ou d’autres pays émergents conserveront durablement une compétitivité liée à un coût du travail très faible, avec laquelle nous ne pouvons pas et nous ne voulons pas rivaliser. Pour préserver les emplois de nos travailleurs et nos capacités de production, nous, Européens, avons le droit de nous protéger de pratiques commerciales déloyales, d’exiger le respect de normes sociales ou environnementales et la réciprocité d’accès aux marchés. C’est le principe du juste échange, que nous voulons promouvoir.

M. Jean Leonetti. Il n’y a là rien de nouveau !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Cette compétitivité et cette croissance doivent être au service de l’emploi. Je veux affirmer devant votre assemblée que mon Gouvernement mènera la bataille de l’emploi comme un impératif de chaque instant.

M. Hervé Mariton. Des mots !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La lutte contre le chômage bénéficiera du retour à une politique économique volontariste.

M. Michel Herbillon. Ça veut dire quoi ?

M. Yves Censi. C’est creux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Elle reposera aussi sur le renforcement des moyens mis à la disposition de Pôle Emploi, dont le rôle a été dégradé, et qui doit être conforté pour assurer un soutien personnalisé à chaque demandeur d’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Dès cet été, 2 000 agents supplémentaires seront recrutés et contribueront à en accroître les capacités d’intervention.

Pour les travailleurs les moins qualifiés, la maîtrise du coût du travail reste un enjeu essentiel. Mais mon Gouvernement ne sacrifiera pas le pouvoir d’achat des Français, notamment des plus modestes qui subissent de plein fouet la hausse du coût du logement, de l’énergie, des transports. La conférence sociale se penchera également sur la question des bas salaires, de la progressivité des grilles salariales et de la progression des carrières. Elle traitera aussi des modalités de financement de la protection sociale.

La politique de redressement productif, vous le savez comme moi, ne peut être conduite par la France seule. Notre continent est la première puissance économique mondiale. Mais les divisions, les égoïsmes, les concurrences ouvrent autant de brèches à nos concurrents sur le plan commercial, économique, diplomatique.

L’Europe est une puissance fragmentée. C’est cette solidarité imparfaite qui soumet chacun de nos pays à la cupidité des spéculateurs. Jusqu’ici, l’Europe est intervenue, mais trop peu, et trop tard, donnant le sentiment de n’éteindre que les flammes de la crise, sans étouffer les braises.

M. Pierre Lequiller. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je ne me résous pas à ce constat.

C’est parce que l’Europe donne le sentiment de ne pas protéger les peuples avec suffisamment de force que le doute a pénétré jusqu’aux esprits les plus convaincus, et je le comprends.

Le choix initial des dirigeants européens de généraliser l’austérité sans ouvrir de perspective de croissance a renforcé le doute.

L’heure est venue de réorienter le projet européen. Il n’y a pas une Europe qui s’imposerait à tous. L’Europe, c’est ce que nous en faisons !

Mme Claude Greff. Bravo !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il faut retrouver l’audace des fondateurs. L’Union a donné la paix à notre continent pendant six décennies. Ce qui a été fait pour la paix doit maintenant être fait pour la prospérité de ses 510 millions d’habitants. Depuis le 6 mai dernier, l’élection du Président de la République en France a fait bouger les lignes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le vote du peuple français compte.

Le Conseil européen vient d’adopter un pacte de croissance d’un montant de 120 milliards d’euros. La Banque centrale européenne supervisera dès la fin de l’année les banques de la zone euro. L’union bancaire est en marche. Le mécanisme de stabilité pourra recapitaliser directement les banques en difficulté sans mobiliser l’argent des contribuables. La maîtrise de la finance a fait un pas en avant avec la mise en place prochaine de la taxe sur les transactions financières que nous appelons depuis si longtemps de nos vœux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Guy Geoffroy. Mais cette taxe, c’est nous !

MM. Hervé Mariton et Jean Leonetti. Et le pacte de stabilité ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le Conseil européen qui s’est tenu les 28 et 29 juin, après dix-huit autres sommets européens de crise, a constitué un tournant très positif. Le vote des Français a pesé lourd. Une étape a été franchie, celle de l’intégration solidaire.

MM. Hervé Mariton et Jean Leonetti. Et le traité de stabilité, allons-nous le ratifier ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est pourquoi je demanderai au Parlement de se prononcer sur l’ensemble des textes issus de cette renégociation : le pacte de croissance, la taxe sur les transactions financières, la supervision bancaire et le traité de stabilité budgétaire. (« Ah ! » sur les sur les bancs du groupe UMP.)

Mesdames et messieurs les députés, les nations ne vont pas disparaître, il n’y aura pas de dilution de notre identité. Mais notre devoir est de dire que dans le contexte de la mondialisation, notre avenir est indissociablement lié à celui de nos voisins avec lesquels nous partageons une culture et un modèle social.

La relation franco-allemande occupe à cet égard une place centrale. Vous connaissez ma conviction personnelle sur cette relation qui demeure le socle de la construction européenne, car l’histoire nous a donné une responsabilité particulière. Ouverts aux autres pays de l’Union, qui demandent légitimement leur part d’initiative dans la décision, nos deux pays permettront à l’Europe de progresser. Ce Conseil l’a prouvé : chaque fois que la solidarité avance, l’intégration politique devient possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Voilà, mesdames et messieurs les députés, résumés en quelques mots les voies et les outils qui nous permettront de retrouver des marges de manœuvre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et d’assurer le redressement dans la justice.

M. Guy Geoffroy. Il n’a rien dit !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Notre ambition est plus vaste. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

Le Président de la République a fait de la jeunesse et de l’éducation la priorité de son quinquennat. C’est donc en pensant à la jeunesse que je conduirai l’action de mon gouvernement.

M. Hervé Mariton. C’est un peu court comme discours de politique générale !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. L’école est au cœur de la promesse républicaine. C’est l’école qui fait naître parmi les jeunes générations un profond sentiment d’attachement à nos valeurs fondamentales, à la laïcité, au civisme, au respect des autres.

C’est l’école qui permet la promotion sociale, la construction et l’affirmation d’une citoyenneté libre, fondée sur les droits et les devoirs.

Mais le constat est sans appel. Notre système éducatif ne produit ses effets que pour 80 % des jeunes et n’est pas adapté pour les 20 % restant.

M. Jean-François Copé. À qui la faute ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. L’échec scolaire est encore massif. Les inégalités sociales et territoriales minent le contrat de confiance entre la nation et son école. C’est ce défi que la majorité, avec le Gouvernement, s’est engagée à relever. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

C’est sur l’enseignement primaire et les premiers cycles de l’enseignement supérieur que nous voulons concentrer nos efforts, car ils forment les maillons faibles de notre système. C’est dans les premières années que se construit la réussite des élèves.

L’objectif est de faire reculer massivement au cours de la législature, le nombre de jeunes qui sortent, chaque année, du système scolaire sans aucune qualification.

M. Dominique Dord. Chiche !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Pour servir cette ambition, je vous propose un nouveau contrat éducatif : 1 000 professeurs des écoles supplémentaires ont été recrutés dans l’urgence pour faire face aux situations les plus tendues, dès la rentrée 2012. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Sur l’ensemble du quinquennat, l’engagement de créer 60 000 postes sera respecté. (Applaudissements sur les mêmes bancs et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Au terme d’une large concertation, nous redéfinirons dans l’intérêt des enfants les rythmes scolaires. Nous favoriserons la diversité des parcours et les innovations pédagogiques. Nous donnerons un nouvel élan à l’éducation prioritaire.

Nous mobiliserons l’ensemble des personnels qui concourent au service public de l’éducation – et d’abord les professeurs. Enseigner est plus qu’un métier : c’est une vocation, qui dépasse souvent l’engagement professionnel. La formation initiale des professeurs sera rétablie et des écoles supérieures du professorat et de l’éducation seront instituées au sein des universités. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Le Gouvernement proposera la loi sur les universités pour garantir le bon fonctionnement et l’autonomie réelle des établissements d’enseignement supérieur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) L’engagement présidentiel de créer une allocation d’études et de formation sous conditions de ressources sera mis en œuvre, et nous augmenterons le nombre de logements étudiants.

Un député du groupe UMP. Le discours du ministre de l’éducation est déjà prêt !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous redonnerons toute sa place à la recherche. À l’ère de la société de la connaissance, le rôle de la science et de la recherche fondamentale doit être réaffirmé.

Il nous faudra renforcer les liens entre universités, grandes écoles, laboratoires de recherche et entreprises, pour que les études supérieures débouchent véritablement sur une insertion professionnelle et concourent à la réussite du redressement productif.

Je l’ai dit, la jeunesse est notre priorité. C’est le sens du pacte générationnel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est le sens du contrat de génération pour permettre l’insertion des jeunes et le maintien des seniors dans l’emploi. C’est un engagement important du Président de la République, qui sera mis en œuvre très rapidement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe, GDR.)

Le Gouvernement engagera également la création de 150 000 « emplois d’avenir » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui seront proposés prioritairement à des jeunes sans qualification, en particulier dans les quartiers où le taux de chômage est le plus élevé.

Le service civique sera développé. À cet égard, je sais pouvoir compter sur le mouvement olympique et sportif et sur les milliers d’associations d’éducation populaire, prêtes à s’engager pour l’emploi et la réussite des jeunes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Jean-François Lamour. N’importe quoi !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Un système de caution solidaire sera mis en place pour permettre aux jeunes d’accéder au logement. Notre ambition est de permettre à tous nos concitoyens, à chaque ménage, d’accéder à un logement correspondant à ses besoins et à son pouvoir d’achat.

Le logement est devenu le premier poste de dépense des Français. Les ménages modestes ont été particulièrement pénalisés par la flambée des prix, au cours des dernières années. De trop nombreuses familles ont dû quitter les centres urbains, de trop nombreux salariés ont été contraints de se loger de plus en plus loin de leur lieu de travail.

Pour répondre aux besoins des Français, un objectif de construction annuelle de 500 000 logements – dont 150 000 logements sociaux – sera mis en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Un plan de mobilisation du foncier sans précédent sera lancé : les terrains vacants de l’État seront mis gratuitement à la disposition des collectivités locales, pour permettre la réalisation de programmes d’aménagement urbain, respectueux de la mixité sociale. (Mêmes mouvements.) Le plafond du livret A sera relevé pour répondre aux besoins de financement.

Plusieurs députés du groupe UMP. De combien ?

M. Hervé Mariton. Relevé ou doublé ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Quant à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, les communes qui ne respectent pas leurs obligations en matière de logement social verront leurs pénalités multipliées par cinq. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Avant la fin du mois, un décret encadrant les loyers dans les villes où les tensions sont les plus fortes sera adopté.

Conformément aux engagements pris en faveur du développement durable et pour limiter les dépenses des familles, un plan ambitieux de performance thermique de l’habitat sera engagé, pour les logements neufs comme pour le parc ancien. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

On le voit à travers cet exemple : la transition écologique et énergétique que mon gouvernement veut initier sera créatrice d’emplois nouveaux.

Nous allons développer une « économie verte », fondée sur l’innovation technologique, qui sera l’une des composantes de notre redressement productif. (Applaudissements sur les bancs sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Marc Le Fur. C’est fait !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Pour préserver notre planète, maîtriser nos consommations de ressources naturelles et diminuer notre empreinte écologique, nous construirons une société sobre et efficace. Il en va de la protection de l’environnement, de la préservation de la biodiversité et de l’indépendance énergétique de la France. (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Exit Mme Bricq !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le code minier, qui régit l’exploitation de notre sous-sol, sera profondément réformé…

M. Pascal Terrasse. Bravo !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …afin de donner les meilleures garanties de protection de l’environnement et une parfaite transparence dans l’instruction et la délivrance des permis d’exploitation.

M. Pascal Terrasse. Des gaz de schiste notamment !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous engagerons un programme massif d’économies d’énergie et un plan ambitieux de développement des énergies renouvelables. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Conformément aux engagements du Président de la République, la part du nucléaire dans la production d’électricité passera de 75 % à 50 % à l’horizon de 2025. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Lucien Degauchy. Il y en a encore pour longtemps ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le gaz, l’électricité, comme l’eau, sont des biens communs et ne peuvent être livrés à la seule loi du marché. Nous mettrons en place une tarification progressive, avec un double objectif social et écologique. Le Gouvernement y travaille déjà afin que la mesure prenne effet très rapidement. (Applaudissements sur les bancs sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

L’État veillera à la préservation et à la modernisation de nos infrastructures de transports, au service d’une mobilité plus sobre et plus équitable, en lien avec les collectivités locales, et la réforme ferroviaire sera engagée.

Je crois profondément dans l’alliance de l’État et des collectivités locales – j’insiste sur ce point – pour mettre en mouvement l’ensemble des acteurs de la société.

M. Guy Geoffroy. Caporalisme !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je crois à un État stratège, garant de la cohérence des politiques publiques et de la solidarité entre les citoyens et les territoires.

La décentralisation doit aller de pair avec la réforme de l’État. Et nous procéderons, là encore, avec méthode, dans la concertation, mais avec détermination.

M. Dominique Dord. Ah bon ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’ai souhaité que le rôle des services publics et de leurs agents soit inscrit au cœur de la conférence sociale. Nous réaffirmerons leur place et leurs missions au service de l’intérêt général et de la cohésion nationale.

Le chantier de la décentralisation est immense. La loi instituant le conseiller territorial sera abrogée (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP) et le mode d’élection des conseillers généraux modifié, pour permettre une meilleure représentativité des assemblées départementales. Je souhaite préparer de manière concertée et transparente cette modification du mode de scrutin, ainsi que celle du calendrier des élections cantonales et régionales. Je proposerai au Parlement de s’en saisir pleinement : cela relève de sa responsabilité et je salue son travail en la matière. Je suis sûr qu’il trouvera les bonnes réponses. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Ce mois-ci, je recevrai personnellement les associations d’élus et les consultations se poursuivront à la rentrée. Je m’appuierai bien sûr sur les conclusions des états généraux organisés par le Sénat en octobre.

Les citoyens – vos électeurs, mesdames et messieurs les députés – attendent de cette nouvelle étape de la décentralisation que l’État et les collectivités locales mènent une action plus lisible, plus efficace, et moins coûteuse.

M. Jean-François Copé. En matière d’impôts locaux surtout !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il faut en finir avec les doublons administratifs.

M. Bernard Deflesselles. C’est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Les collectivités locales sont prêtes à prendre part, elles aussi, à l’effort national de redressement des comptes publics, avec davantage d’autonomie et de clarté dans les responsabilités, dans le cadre d’un pacte financier rénové et négocié. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mesdames et messieurs les députés, notre ambition est de promouvoir une République rénovée et de moderniser nos institutions.

M. Dominique Dord. Ben voyons !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Afin de conforter notre démocratie, tout en garantissant la stabilité que permet le scrutin majoritaire, une part de proportionnelle sera introduite dans le mode de scrutin des législatives, pour la prochaine législature. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Combien ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le Gouvernement proposera l’ouverture du droit de vote pour les élections municipales aux étrangers résidant en situation régulière depuis au moins cinq ans sur notre territoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Huées sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Balkany. Provocation !

M. Guy Geoffroy. Il faudra un référendum !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Après les consultations nécessaires, je présenterai un projet de loi – oublié sous la précédente législature – sur la moralisation de la vie politique, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour prévenir efficacement les conflits d’intérêts et pour adapter les règles de financement des partis politiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Pour permettre aux parlementaires de se consacrer pleinement à leur mission, il sera mis fin, comme c’est déjà le cas pour les membres du gouvernement, au cumul entre un mandat de parlementaire et l’exercice de fonctions exécutives locales. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Cette réforme sera applicable en 2014.

Avant la fin de l’année 2012, une loi relative à l’audiovisuel permettra de restaurer les grands principes républicains quant aux modalités de désignation des présidents de l’audiovisuel public. Et la protection des sources des journalistes sera renforcée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Certaines de ces réformes nécessiteront une révision de la Constitution. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mesdames et messieurs les députés, certains services de l’État, je le répète, ont été considérablement affaiblis. Avec un effet particulièrement désastreux dans la police et la gendarmerie, alors que les attentes des Français en matière de sécurité n’ont jamais été aussi fortes.

La montée de la violence appelle une réponse ferme de la puissance publique.

M. Michel Herbillon. Avec ça, on est rassuré !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ma préoccupation sera celle de l’efficacité. Les lois se sont ajoutées aux lois. Un activisme brouillon a prévalu depuis une dizaine d’années. Les opérations « coups de poing » se sont succédé, mais sans grand effet.

M. Jean Leonetti. La délinquance a diminué !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Sur les questions de justice et de sécurité, nous devons regagner en sérénité pour retrouver le chemin de l’efficacité et de la confiance.

L’efficacité retrouvée de la politique pénale, tout d’abord.

Avec des prisons surpeuplées, la réinsertion devient impossible et la récidive plus fréquente. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. Vous oubliez le programme de construction de prisons que nous avons lancé !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Avec 85 000 peines d’emprisonnement prononcées mais non exécutées, il faut bien l’admettre : cette politique pénale est un échec. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Chaque infraction à la loi appelle une sanction, y compris pour les mineurs. Mais cette peine doit être juste, adaptée et proportionnée pour être efficace.

J’entends ouvrir le chantier ambitieux de notre politique pénale pour que le Gouvernement puisse restaurer les conditions de son efficacité.

Efficacité de l’action de la police et de la gendarmerie, ensuite.

La politique du chiffre a détourné les forces de sécurité d’une action menée en profondeur. L’ordre public se construit pourtant dans la durée, il n’est pas compatible avec la culture de l’instant. Il est le résultat d’un travail patient et déterminé, le fruit de l’engagement quotidien des hommes et des femmes qui, dans la police, dans la gendarmerie, ont ma confiance comme celle de tous les gouvernements, et qui concourent chaque jour et chaque nuit à la sécurité des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Des travaux menés conjointement par le ministre de la justice et le ministère de l’intérieur ont commencé. Ils déboucheront sur de nouvelles instructions communes dans la lutte contre toutes les formes de délinquance, des incivilités aux trafics et aux bandes. Rien ne sera toléré, mais tout sera engagé : de la prévention à la répression ! (Mêmes mouvements.)

Nous inverserons la baisse des effectifs dans les services publics de la police, de la gendarmerie et de la justice, avec la création, chaque année, de 1 000 postes supplémentaires. Nous créerons des zones de sécurité prioritaires au plus près des réalités du terrain.

M. Patrick Lemasle. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous devons également restaurer la confiance dans la justice.

Cela passe par la réaffirmation de son indépendance, principe fondamental sur lequel le Gouvernement ne transigera pas. Elle sera garantie par la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, qui sera soumise au Parlement en 2013. (Mêmes mouvements.)

Je redis ma confiance dans les magistrats et les fonctionnaires de la justice. Une circulaire abolissant définitivement les instructions individuelles aux parquets sera signée avant la fin du mois.(Mêmes mouvements.)

M. Claude Goasguen. Vous comptez supprimer les liaisons téléphoniques ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, au cœur du pacte républicain, il y a la solidarité. C’est une valeur forte. L’État en est le garant.

La conférence sociale ouvrira une concertation sur les retraites afin d’assurer la pérennité de notre système par répartition, de notre système de solidarité, en tenant compte bien sûr de l’espérance de vie mais aussi la pénibilité du travail accompli, qui malheureusement a été oubliée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Sans attendre, le Gouvernement a pris une mesure de justice sociale : la possibilité de prendre sa retraite à soixante ans, à taux plein, pour celles et ceux qui ont commencé à travailler très jeunes et qui ont acquis les annuités nécessaires. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

C’est au nom de ce même principe de justice et de solidarité que le Gouvernement va augmenter de 25 % l’allocation de rentrée scolaire pour les familles les plus modestes.

M. Guy Geoffroy. Comment sera-t-elle financée ?

M. Yves Censi. Par le quotient familial !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Notre système de santé est aujourd’hui mis à mal par l’augmentation des restes à charge qui pèsent sur les Français les plus modestes, par les inégalités de santé, par les déserts médicaux et les dépassements d’honoraires qui privent d’accès aux soins une partie de la population. Ce n’est pas acceptable : les Français ne veulent plus voir cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Et l’AME ? » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Vautrin. Démago !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous devons prendre en compte les déficits mais nous devons aussi nous adapter aux grands enjeux de santé publique : je pense au vieillissement de la population, au développement des maladies chroniques, aux addictions.

C’est tout un système de santé qu’il nous faut reconstruire. Cette réforme s’inscrira dans une stratégie nationale de santé favorisant une bonne répartition et de bons parcours de soins, lesquels ne mobilisent pas aujourd’hui suffisamment les professionnels de santé. Au-delà des soins de premier recours, nous devons reconnaître et soutenir l’hôpital, en particulier l’hôpital public. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Pour nos concitoyens les plus fragiles, nous aurons une attention particulière. Ils doivent avoir leur place dans la société eux aussi. Je pense aux personnes en situation de handicap pour lesquelles il faut améliorer l’accès aux bâtiments, aux transports, à l’emploi mais aussi à l’école : dès la rentrée 2012, le recrutement de 1 500 auxiliaires de vie scolaire individuels sera mis en œuvre. (Mêmes mouvements.)

Réserver une place aux personnes âgées dépendantes est une question de dignité et d’humanité. Malgré ses promesses, le gouvernement précédent n’a pas engagé la réforme de la dépendance qu’il avait annoncée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Fromion. Il a tenu d’autres promesses, vous le savez bien ! N’oubliez pas la loi sur le handicap !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Une réforme juste et solidaire de la prise en charge des personnes âgées privées d’autonomie sera engagée.

Enfin, je n’oublie pas ceux de nos concitoyens qui vivent dans une grande précarité : rappelons qu’une famille sur sept est concernée. Un plan de lutte contre la pauvreté sera engagé sans retard.

M. Lucien Degauchy. Alors, arrêtez de parler, cela fait déjà plus d’une heure que vous avez commencé ce discours !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’organiserai à l’automne, avec les associations, les collectivités locales, les organismes de protection sociale qui sont au cœur de la lutte contre la pauvreté, une grande conférence non pour parler, mesdames messieurs de l’opposition, mais pour trouver ensemble les solutions que les Français attendent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Notre société évolue, les modes de vie et les mentalités changent. Des aspirations nouvelles s’affirment. Le Gouvernement y répondra, au nom du principe d’égalité.

Au premier semestre 2013, le droit au mariage et à l’adoption sera ouvert à tous les couples, sans discrimination. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations et huées sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

De même, le temps est venu de donner à l’égalité entre les femmes et les hommes la force de l’évidence. Cela vaut pour l’espace public en général mais aussi pour le Parlement tout entier. Je salue l’importante augmentation du nombre de femmes élues à l’Assemblée nationale : elles représentent désormais 27 % des députés. C’est un progrès dont je veux vous féliciter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Nous sommes toutefois loin de la parité. La réforme à venir des règles de financement des partis politiques pourrait contribuer efficacement à atteindre ces objectifs.

C’est d’abord au sein de l’entreprise que nous voulons bousculer ces conservatismes, ces inégalités choquantes. Ces questions seront débattues au sein de la conférence sociale mais le Gouvernement n’attendra pas une nouvelle loi. Il fixera un calendrier pour que le combat pour l’égalité professionnelle et l’égalité salariale entre les femmes et les hommes soit mené avec détermination, avec des résultats. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, la France est une terre d’immigration mais aussi d’intégration. Sur ce sujet, trop de passions divisent nos compatriotes. J’entends faire prévaloir une approche sobre et digne du débat, dans un esprit de responsabilité et avec le souci constant du respect des valeurs de la République. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Dans chaque pays démocratique, il y a des règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers. L’immigration économique fera chaque année l’objet d’un débat au Parlement. La lutte contre l’immigration irrégulière et les filières du travail clandestin sera menée avec fermeté. Des régularisations pourront être accordées après un examen individuel, en fonction de critères précis, objectifs, qui seront appliqués uniformément sur l’ensemble du territoire. Et le droit s’appliquera pour les reconduites à la frontière.

Plus aucun enfant ne sera placé en centre de rétention, plus aucune famille ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Le droit d’asile est un droit sacré. Il ne doit toutefois pas être détourné. Les demandeurs d’asile devront recevoir une réponse sans avoir à attendre des mois et des mois. La réforme que nous avons engagée permettra de raccourcir fortement les délais.

M. Philippe Meunier. Irresponsables !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Après la circulaire sur les étudiants étrangers du précédent gouvernement, qui avait fait tant polémique et donné une image déplorable de la France, une nouvelle circulaire, adoptée le 31 mai dernier, a permis de répondre à l’attente de beaucoup de nos concitoyens.

Pour les étrangers qui vivent en situation régulière sur notre sol, les titres de séjour seront sécurisés.

M. Pascal Terrasse. Au fait, je ne vois pas M. Guéant !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Quant aux étrangers qui aspirent à vivre durablement dans notre pays, ils doivent accepter les droits et les devoirs qui lui sont associés, ils doivent prendre leur part de l’effort d’intégration, mais ils doivent aussi pouvoir accéder à la nationalité française (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) lorsque, après plusieurs années sur notre territoire, ils manifestent solennellement leur désir d’être français à part entière et qu’ils respectent scrupuleusement nos valeurs, notamment celle de la laïcité. La procédure de naturalisation ainsi que des critères clairs seront redéfinis pour rendre cet accès possible et digne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Mesdames et messieurs les députés, il ne peut y avoir de redressement sans ambition culturelle. La création et la diffusion sur tout le territoire, en lien avec les collectivités locales, seront encouragées. Je proposerai au Parlement, en 2013, une loi d’orientation sur la création et le spectacle vivant.

En septembre 2012 seront présentées les orientations d’un grand plan d’éducation artistique et culturelle, commun bien sûr aux deux ministères de l’éducation et de la culture.

M. Patrick Bloche et Mme Sophie Dessus. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. S’agissant de l’exception culturelle française, nous allons engager un acte II qui conciliera la défense des droits des créateurs et un accès aux œuvres par internet facilité et sécurisé. Une mission y travaille et débouchera sur un nouveau cadre juridique au cours du premier semestre 2013.

Mme Laure de La Raudière. Et HADOPI ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Face aux grands enjeux internationaux, la France jouera pleinement son rôle et tiendra le langage que le monde a appris à aimer d’elle. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

La France n’est écoutée et respectée que quand elle est fidèle à elle-même. Respect des droits de l’homme, justice, solidarité à l’égard des pays en développement, force de notre conviction européenne, soutien à ceux qui luttent pour la démocratie partout dans le monde : telles sont les pierres angulaires de notre politique étrangère.

M. Jean-Luc Reitzer. Rien de nouveau !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Dans les pays de la rive sud de la Méditerranée, nous accompagnerons les peuples dans leur cheminement difficile mais nécessaire vers la démocratie – la position de notre gouvernement sur ce point est connue et appréciée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il est temps de mettre fin à la spirale de la répression et de la violence en Syrie en mobilisant la communauté internationale en faveur d’une transition politique, qui passe par le départ de Bachar al-Assad. La France prend toute sa part, notamment en accueillant la conférence de l’opposition, le 6 juillet prochain. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

En Afrique, la construction d’États démocratiques a tout notre soutien. Une rupture avec les dérives de la « Françafrique » (« Mitterrand ! Mitterrand ! » sur les bancs du groupe UMP) est attendue par un continent dont les perspectives de croissance sont porteuses d’espoir. Nous nous attacherons à développer, avec les pays qui le souhaitent, un partenariat d’égal à égal reposant sur la bonne gouvernance, le développement et la mobilisation de toutes les énergies.

M. Yves Nicolin. Et en Côte d’Ivoire ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, comme moi, vous avez été profondément marqués par les images diffusées ces dernières heures : la destruction de plusieurs mausolées à Tombouctou rappelle que nous sommes confrontés aux forces obscurantistes. Elles sont encore à l’œuvre, elles n’ont pas disparu.

Notre détermination sera totale pour empêcher les groupes comme AQMI de constituer au Nord Mali des bastions du terrorisme international, qui menacent la paix et la prospérité de l’ensemble de la région comme notre propre sécurité. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Jean-François Lamour. Et l’Afghanistan !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous sommes également déterminés à empêcher la fuite en avant du programme nucléaire iranien, par la fermeté et donc par des sanctions, tout en préservant la voie du dialogue. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Parlez-nous de l’Afghanistan !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. En matière de défense, le gouvernement mettra en œuvre les engagements du Président de la République, chef des armées, approuvés par les Français : le retrait d’Afghanistan des forces françaises combattantes sera effectif à la fin de cette année. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. Jean-François Lamour. C’est pitoyable !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Alors, pour préparer l’avenir, un Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale sera élaboré pour la fin de cette année et présenté à votre Assemblée au début de l’année 2013. Une loi de programmation militaire suivra. Les choix qui s’imposeront se feront dans la transparence et la cohérence, dans le cadre d’un grand débat ouvert et démocratique, qui associera d’abord la représentation nationale.

Ces choix ont un objectif, une priorité : assurer les conditions de notre indépendance. Notre force de dissuasion, garantie essentielle de notre sécurité, sera maintenue. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et GDR.)

M. Fernand Siré. Ah !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Et nous nous engagerons résolument en faveur de l’Europe de la défense, qui doit prendre une nouvelle dimension.

Quant au retour de notre pays dans le commandement intégré de l’OTAN, nous serons fidèles à nos alliances, mais les conditions dans quelles il s’est réalisé devront être évaluées.

M. Pierre Lellouche. Audacieux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, de la majorité comme de l’opposition, je voudrais saluer devant vous les femmes et les hommes, militaires et civils, engagés dans la défense de notre pays.

Ma compassion et ma solidarité vont à nos soldats morts ou blessés en opérations, aux 87 soldats morts pour la France en Afghanistan, aux familles des soldats tués, aux blessés qui restent meurtris dans leur chair.

Je veux dire ici, au nom de la nation toute entière, comme l’a fait le Président de la République aux Invalides il y a quelques jours, que nous avons le devoir de les accompagner et que nous ne les oublierons pas ! (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI. De nombreux députés se lèvent.)

Mesdames et messieurs les députés, tout au long de mon intervention,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Beaucoup trop longue !

M. Jean Leonetti. On n’en peut plus !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …j’ai pensé à ces femmes et à ces hommes que j’ai rencontrés ces dernières semaines, dans le train ou dans les rues, à travers toutes les régions de France.

J’ai souvent lu dans leurs yeux autant d’espoir que d’inquiétude.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et de déception !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Crainte d’être appelés à de nouveaux sacrifices,…

M. Hervé Mariton. C’est sûr !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …alors qu’ils ont le sentiment d’avoir déjà produit tant d’efforts. Crainte que le destin de la France ne se joue déjà plus sur notre sol. Crainte que derrière les promesses se préparent de nouvelles désillusions. (« Et oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Chaque fois, j’ai pris un engagement devant eux, et c’est cet engagement que je veux renouveler devant vous.

La situation de notre pays, comme celle de l’Europe, est préoccupante, le redressement prendra du temps. Ce sera difficile. Mais nous réussirons, mesdames et messieurs les députés ! (Les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP, et plusieurs députés du groupe GDR se lèvent et applaudissent longuement – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Oui, j’ai confiance dans nos atouts. J’ai confiance dans ce que nous sommes.

M. Michel Herbillon. La déception, c’est maintenant !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le gouvernement travaillera, sous mon autorité et ma responsabilité, dans la transparence et la clarté. Rien ne sera caché des difficultés auxquelles nous serons confrontés. Nous n’éluderons pas les problèmes. Nous les affronterons, l’un après l’autre, et nous mettrons tout en œuvre pour que la démocratie trouve sa pleine souveraineté vis-à-vis des marchés financiers. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Nous ferons en sorte que chaque décision soit marquée du sceau de la justice.

Alors, des obstacles se dresseront sur notre route et de « bonnes âmes » nous inviteront au renoncement. D’autres nous inciteront à la résignation.

M. Pascal Terrasse. Le renoncement, c’est eux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Alors c’est vers vous que je me tournerai et c’est sur votre force que je m’appuierai, mesdames et messieurs les députés de la majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur quelques bancs du groupe GDR – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La France est un vieux pays, d’un vieux continent, mais c’est aussi un pays neuf, moderne, à la créativité intacte. Tant d’énergies ne demandent qu’à être libérées, tant de talents dans nos villes, dans nos campagnes, dans nos quartiers, dans nos banlieues, tant d’idées qui n’attendent que de s’exprimer ! Voilà ce qui me rend confiant !

Oui, mesdames et messieurs les députés, nous avons reçu la France en héritage.

Plusieurs députés du groupe UMP. Debout !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous sommes fiers de son modèle qui porte le si beau nom de République.

Sur le fronton de nos écoles et de nos mairies sont inscrites nos valeurs. Elles ont permis à des femmes et à des hommes de toutes origines, de toutes conditions, de toutes religions, de toutes philosophies, de vivre ensemble, comme nulle part ailleurs dans le monde. Elles ont permis d’élever des générations à une vie meilleure.

La France représente plus qu’une histoire, elle est une idée de la condition humaine. C’est une dimension qu’aucun marché ne prendra jamais en compte. Ces valeurs, qui ne sont pas cotées, pour nous n’ont pas de prix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Aucune agence ne notera jamais notre rêve (« C’est fait ! » sur quelques bancs du groupe UMP), parce qu’il ne relève que de votre confiance et de celle des Françaises et des Français.

Mesdames et messieurs les députés, j’ai l’honneur, en application du 1er alinéa de l’article 49 de la Constitution, d’engager la responsabilité du Gouvernement sur la présente déclaration de politique générale. (Les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP, et plusieurs députés du groupe GDR se lèvent et applaudissent longuement.)

M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole aux représentants des différents groupes, je voudrais vous rassurer sur l’état de santé de notre collègue Patrick Vignal.

Il a été pris en charge par notre service médical et va désormais beaucoup mieux. Je lui souhaite, en votre nom à tous, un prompt rétablissement.

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen. (De nombreux députés du groupe UMP quittent l’hémicycle. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Vous partez en vacances ? Au revoir !

M. Bernard Roman. Ils devraient avoir honte !

M. Pascal Terrasse. Ils n’ont pas changé !

M. le président. Je demande à ceux qui veulent quitter l’hémicycle de le faire rapidement.

M. Bruno Le Roux. Cette attitude n’est pas très républicaine…

Face aux cris des députés de l’opposition, je m’apprêtais à dire au président Jacob que son tour viendrait. J’ai plutôt le sentiment que leur tour vient de passer et qu’ils s’en rendent compte… (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Tout ceci n’est guère conforme à la conception que j’ai du débat que nous devons avoir au cours des cinq prochaines années.

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, je ne peux pas commencer mon propos, lors de cette première intervention, sans avoir, au nom des députés de mon groupe, une pensée pour notre collègue Olivier Ferrand.

Il aura siégé bien trop peu de temps à nos côtés. Comme chacun d’entre nous, il voulait exercer cette belle responsabilité qui est celle de parlementaire.

Il voulait, lui qui était déjà si présent dans la vie politique, chercher à ouvrir de nouveaux débats. Il voulait ici bousculer une nouvelle fois les idées reçues. Il voulait sans cesse revivifier le débat public.

Il mettait l’expertise au service des idées et les idées au service de l’action. C’est une méthode qu’il nous lègue. Il n’était pas possible, après le choc qui a été le nôtre, que j’entame cette première intervention sans évoquer ici sa pensée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Monsieur le Premier ministre, vous avez fait connaître au Parlement les principales orientations de la politique que vous entendez mener. Elles ont reçu, vous l’avez vu, un accueil chaleureux. Elles recueilleront tout à l’heure un soutien massif.

Ce qui est en jeu va bien au-delà d’un vote de confiance. Il ne faut pas se contenter de réussir l’alternance, traiter l’urgence économique, juguler le chômage et la dette, défaire l’injustice.

Il nous faut répondre à ce doute qui taraude la nation : avons-nous toujours la maîtrise de notre destin ? Pouvons-nous croire en nous-mêmes, en notre capacité d’influer sur le cours des choses ?

Cette interpellation, qui va bien au-delà des secousses de la crise, révèle l’écroulement d’un système libéral qui, depuis trente ans, prétend dépouiller les États de leurs prérogatives. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Elle est dans l’érosion de notre modèle républicain, qu’une décennie de laisser-aller a grevé de dettes et d’inégalités. Elle est dans une société fragmentée, où le déclassement est devenu la hantise, où le travail et l’effort ne suffisent plus à s’écrire un avenir, parce que la richesse nationale a été accaparée par la rente et le privilège.

C’est à ces questions décisives que vous avez commencé à répondre, Monsieur le Premier ministre. Je retiens de votre discours trois éléments-clé, qui combinés ensemble constituent à la fois une méthode et une orientation : le redressement, le changement et le rassemblement, indispensables à notre pays abîmé par la crise et les conséquences des politiques qui ont trop souvent, ces dernières années, oublié le sens des valeurs de la République.

Je retiens aussi de votre intervention, Monsieur le Premier ministre, l’ambition qui consiste à proposer au pays, chemin faisant tout au long de cette mandature, de redessiner la vocation de la France : vocation dans le monde, bien sûr, mais également vocation aux yeux de chacun d’entre nous, car c’est de cela dont il s’agit en définitive, et c’est ce que les Français attendent de nous aujourd’hui.

La situation à laquelle nous devons faire face est connue. La campagne électorale qui a permis l’élection du Président de la République puis l’arrivée d’une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale, a été l’occasion pour les Français de tirer le bilan d’une politique menée dix ans durant, et de faire clairement ici le choix du changement.

Surtout, vous l’avez dit, ils ont fait le choix de la justice, le choix du retour de la justice dans notre pays. Et je suis heureux de vous dire, au nom du groupe socialiste, que si, durant les cinq années qui seront les vôtres, à chaque fois, comme le Président de la République s’y est engagé, toutes les décisions adoptées ici sont marquées au sceau de la justice, alors le soutien de la majorité ne vous manquera à aucun moment, Monsieur le Premier ministre. La justice, c’est notre règle d’or à nous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

L’audit qui vient d’être rendu par la Cour des comptes a dressé un tableau plus sombre encore que celui qui était annoncé.

Vous héritez d’une situation particulièrement dégradée par la crise, bien sûr, mais aussi par les politiques qui n’ont en rien protégé ni la France, ni les Français.

M. Patrick Labaune. C’est faux !

M. Bruno Le Roux. J’entends ici quelques remarques. À cela, je répondrai que le précédent Premier ministre avait parlé, dans cet hémicycle, d’un État en faillite alors qu’il y avait 1 200 milliards d’euros de dettes. Il nous le laisse à 1 800 milliards. (« Hou ! » sur les bancs du groupe SRC.) Et l’on voudrait aujourd’hui nous donner des leçons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Là où il décrivait la faillite, il a ajouté 600 milliards d’euros supplémentaires de dettes, conduisant notre pays dans une situation que nul n’avait jamais connue auparavant. (« Hou ! » sur les bancs du groupe SRC.) Voilà qui devrait nous épargner quelques remarques, en tout cas la précédente majorité devrait faire preuve de plus d’humilité.

L’actuelle opposition ne semble pas se rendre vraiment compte de la situation dans laquelle elle a conduit notre pays. Comme si une défaite effaçait un bilan !

Je dois dire, sans vouloir y consacrer trop de temps, que je suis surpris des déclarations récentes faites par ceux qui font sûrement semblant de ne pas se rendre compte de l’état dans lequel ils ont mis notre pays.

Le bilan est catastrophique s’agissant de la dette publique ; je n’y reviens pas. Mais il est catastrophique aussi pour le pouvoir d’achat des Français. Et ils n’ont cessé de le dire durant toute la campagne électorale.

M. François Sauvadet. Oh la la !

M. Bruno Le Roux. Mes chers collègues, oui nous avons eu la capacité de faire du porte-à-porte durant cette campagne électorale. C’était un moyen de renouer le lien avec les Français, mais vous, vous en étiez bien incapables. Les Français nous ont dit la façon dont leur pouvoir d’achat s’était dégradé durant ces cinq dernières années.

M. Alain Gest. Ça suffit ! C’est minable !

M. Bruno Le Roux. Le bilan est absolument indiscutable tant les salaires ont stagné, le chômage a explosé et les taxes ont été multipliées tout au long du précédent quinquennat.

M. Antoine Herth. La France est le seul pays où le pouvoir d’achat a augmenté !

M. Bruno Le Roux. Le bilan est tout aussi catastrophique pour notre industrie qui ne représente plus que 13 % de la valeur ajoutée en France. Vous étiez prompts à vouloir faire des comparaisons. Pour ma part, je vous en livre une : en Allemagne, l’industrie représente 23,7 % de la valeur ajoutée – 18,5 % en moyenne pour les pays de l’Union européenne. Même en Grande-Bretagne, dont on disait pourtant qu’elle avait sacrifié son industrie, elle est de 15,6 %.

Avec votre politique, notre balance commerciale a atteint un déficit jamais connu. Vous resterez la majorité de tous les tristes records pour notre pays : économiques, sociaux, moraux et financiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Et que dire de l’état dans lequel se trouvent nombre de nos services publics, et notamment le plus fondamental d’entre eux, l’éducation, qui est laissée exsangue par votre majorité. La France est ainsi devenue l’une des lanternes rouges de l’OCDE pour l’encadrement en primaire, tandis que notre pays est l’un de ceux où les inégalités sociales ont l’impact le plus fort sur les inégalités scolaires.

Monsieur le ministre de l’éducation nationale, il y a là une chose pour laquelle il est urgent d’agir : la grandeur de la France et sa capacité à donner le savoir à toutes ses générations. De ce point de vue, la façon dont nous avons décroché ces cinq dernières années est porteuse de tristes lendemains si nous ne savons pas y remédier rapidement. C’est pour cela que l’effort qui vient d’être confirmé par le Premier ministre de création de 60 000 postes sur ces cinq années, l’effort qui vise à faire en sorte que l’éducation nationale redevienne une priorité sera porté ici à chaque fois que vous en aurez besoin par tous les députés de la majorité, tant l’éducation est essentielle à la vie même des valeurs de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Au bilan, je dois aussi mentionner, monsieur le Premier ministre, le sort d’une justice précarisée et fragilisée par l’enchaînement des mesures incohérentes et inefficaces, ou encore la sécurité. Je ne donne aucun quitus sur ce point à l’ancienne majorité. Treize lois ont été votées lors de la dernière législature, alors que les résultats montrent qu’agitation n’a jamais rimé avec efficacité. Les effectifs sont inférieurs aujourd’hui à ce qu’ils étaient en 2002 et les conditions de travail des policiers et des gendarmes se sont dégradées tandis que les violences n’ont cessé d’augmenter. Il y aura là, monsieur le ministre de l’intérieur, un chantier prioritaire que vous aurez à cœur de mener à bien le plus vite possible.

Voilà, les chers collègues, la situation devant laquelle se trouve le nouveau Gouvernement. Vous comprenez mon étonnement face à certaines déclarations, alors que ce bilan, je l’ai dit, devrait amener les responsables de l’actuelle opposition à plus de modestie. Monsieur le Premier ministre, c’est à vous maintenant d’y faire face. Cela exigera du courage bien sûr – vous en avez toujours fait preuve – mais surtout de la justice. Vous vous y êtes engagé et je vous ai déjà dit que vous trouveriez toujours le soutien de notre groupe dans cette exigence de justice.

Face à la difficulté de la situation, nous avons un unique devoir : réussir. Réussir le redressement de notre pays, réussir le changement.

Il y a, monsieur le Premier ministre, dans les décisions que vous avez prises comme dans les orientations que vous venez d’exposer, les mesures qui nous permettront d’y parvenir. Et ces mesures contribueront non seulement à redresser notre pays mais également à répondre aux attentes de nos compatriotes.

Je prendrai ici quelques exemples.

L’accès au logement dont vous venez de parler est aujourd’hui une priorité fondamentale pour nos concitoyens. Pouvoir se loger à un prix abordable dans des villes qui ne soient pas des ghettos de pauvres ou des ghettos de riches mais au contraire des espaces où le vivre ensemble soit rendu possible : c’est ce que vous vous êtes engagé à faire et nous agirons avec vous massivement pour augmenter l’offre de logements sociaux et réduire les égoïsmes territoriaux. Je partage avec vous, toute la majorité partage avec vous, monsieur le Premier ministre, l’objectif d’une France de citoyens bien logés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous vous accompagnerons en soutenant le renforcement des dispositions de la loi SRU. Nous ne supportons pas que certains maires parient contre cette loi de mixité sociale et que certaines villes assument aujourd’hui ouvertement leur choix de verser une pénalité plutôt que de construire des logements sociaux.

Parallèlement, il nous faudra poursuivre le programme de rénovation urbaine. À cet égard, nous ne pourrons pas nous contenter, pour les cinq millions de Français qui vivent dans les quartiers populaires, d’avoir une approche exclusivement urbaine. Si celle-ci marque une avancée, nous savons qu’elle doit être complétée par un volet humain qui a été littéralement sacrifié ces cinq dernières années.

Quartiers populaires, mais aussi villages de la France rurale, zones périurbaines frappées par la crise économique, notre majorité devra engager une action résolue en faveur d’une égalité territoriale à laquelle nous sommes profondément attachés, rompant ainsi avec la confrontation entre l’État et les collectivités locales dans laquelle se complaisait le pouvoir précédent.

L’acte III de la décentralisation sera engagé par votre Gouvernement, permettant ainsi à notre pays de renouer avec l’esprit de 1982 et la belle prophétie de François Mitterrand : « La République a eu besoin de la centralisation pour se faire, elle a besoin de la décentralisation pour ne pas se défaire. »

Quant à la santé, autre préoccupation majeure des Français, nous soutiendrons bien entendu votre volonté d’instaurer une réforme de la tarification qui permette de conforter l’hôpital dans ses missions de service public, tout en assurant, à travers des pôles de santé de proximité, un véritable accès aux soins.

J’ai cité ces quelques exemples, alors que la priorité nous la connaissons tous ; elle est pour nous la même que la vôtre, monsieur le Premier ministre ; notre priorité c’est l’emploi, l’emploi et encore l’emploi. Il doit être au cœur de toutes les politiques.

Le dernier quinquennat a vu le nombre de chômeurs augmenter d’un million : le chômage concerne près de 3 millions de personnes et atteint 10 % de la population active. Il nous faut agir.

La mise en œuvre du contrat de génération sera un message fort adressé aux jeunes pour qui le taux de chômage atteint près de 25 %, et aux seniors dont le taux d’activité n’excède pas les 40 %.

Quelle belle idée que celle d’un ancien qui tend la main à un jeune ! Quelle belle idée que celle de la transmission des savoirs entre générations ! Quelle belle idée que de dire à la jeunesse de notre pays : vous êtes la priorité de l’action publique, vous êtes celles et ceux dont le pays n’accepte plus que vous restiez de si longues années à attendre, à attendre avant de pouvoir mettre votre énergie au service de la communauté nationale !

Oui, monsieur le Premier ministre, contrat de génération, emplois d’avenir pour des jeunes qui sont encore trop éloignés du travail et de l’activité : voilà encore un signe donné à notre jeunesse, encore un engagement que nous soutiendrons, marquant en cela la priorité donnée par le Président de la République dans sa campagne électorale à la jeunesse.

Cet engagement pour la jeunesse, monsieur le ministre de l’éducation nationale, nous souhaitons qu’il soit tourné très directement vers l’école et vers l’éducation.

Je salue l’effort que l’ensemble du Gouvernement engage pour permettre la création indispensable de postes dans l’éducation nationale. On n’éduque pas les enfants au rabais. On ne forme pas une nation en déclassant ses maîtres. C’est par la transmission du savoir, par l’élévation de son niveau de connaissances et de formation que la France s’écrira un avenir. Encore faut-il, monsieur le Premier ministre, que l’école de la République soit protégée, qu’elle soit sanctuarisée. Depuis trop longtemps, on exige d’elle de régler tous les problèmes de la société : l’insécurité, le communautarisme, la déstructuration familiale, les fractures urbaines.

Notre devoir c’est de l’aider, c’est de nous mobiliser vers elle, c’est de lui restituer sa raison d’être : l’éducation, la formation, en d’autres termes la construction intellectuelle et civique des nouvelles générations. C’est ce sur quoi ont porté les premiers engagements du Président de la République le jour même de son investiture. Vous trouverez là encore, dans cette Assemblée, sur la priorité à l’éducation, une majorité toujours prête à se mobiliser à vos côtés, quelles que soient les difficultés de votre tâche, monsieur le ministre de l’éducation nationale.

Mais l’enjeu, vous l’avez noté, monsieur le Premier ministre, c’est aussi celui de la croissance. C’est la condition essentielle sans laquelle il n’y a pas de redressement possible. C’est la raison pour laquelle, nous tiendrons demain un débat sur l’Europe qui permettra d’échanger sur le pacte pour la croissance que vous avez porté devant les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne, en particulier ceux de la zone euro. Nous ne souhaitons pas que le Parlement soit dessaisi de ces questions européennes.

Le Conseil européen des 28 et 29 juin dernier a marqué un tournant. Il a validé les objectifs qui avaient été fixés par le Président de la République : l’adoption d’un pacte de croissance et de mesures pour relâcher la pression des marchés, la définition d’une feuille de route pour l’avenir d’une Union monétaire et politique, la base d’une intégration solidaire en Europe.

Nous aurons l’occasion d’en débattre dès demain, mais je veux en dire ici quelques mots aujourd’hui.

Nous ne céderons jamais à la facilité de faire reposer sur les autorités bruxelloises la responsabilité des maux de notre société, mais nous serons des acteurs vigilants de la position de la France en Europe. Nous connaissons les origines de la crise européenne : après la crise des subprimes, l’absence de contrepartie demandée aux acteurs des marchés qui ont été sauvés par les États et surtout le choix aveugle de l’austérité imposée aux économies européennes au lendemain de la crise.

C’était là une grave erreur qui avait été commise par les gouvernements précédents. C’est même presque une méconnaissance de l’histoire. Chacun sait ici que la récession ne permet pas le redressement de l’économie. Nous savons aussi que l’austérité érigée en dogme et administrée en purge a pu conduire dans le passé aux pires conséquences économiques, sociales et même républicaines pour notre pays. La façon dont vous avez repoussé dans ce sommet ce spectre de l’austérité pour essayer de replacer la croissance sur la trajectoire est aujourd’hui un profond encouragement pour notre Parlement à se saisir de ces questions, à nouer des relations dans toute l’Europe et à faire en sorte d’accompagner l’effort qui est le vôtre et celui du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je profite de vos applaudissements pour vous demander d’écouter l’orateur. Ceux qui veulent discuter doivent sortir car il est très désagréable pour l’intervenant de parler dans ce petit brouhaha. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Monsieur Le Roux, veuillez poursuivre.

M. Bruno Le Roux. Le chemin est loin d’être terminé. Nous devons accroître la pression pour l’instauration d’une taxe ambitieuse sur les transactions financières. D’autres grands chantiers devront encore être ouverts, et nous attendons, monsieur le Premier ministre, que vous puissiez pleinement nous mobiliser sur cette question.

Il n’y aura pas de réponse à la crise sans l’Europe ou contre l’Europe, mais c’est d’une Europe solidaire et non réduite à la concurrence entre les États que nous avons besoin. L’harmonisation européenne que nous appelons de nos vœux est pour nous un projet d’intégration solidaire.

Si nous souscrivons aux mesures d’urgence qui ont été adoptées et à la réorientation des politiques européennes, soyez assuré de la vigilance de notre majorité pour que l’approfondissement de la construction européenne ne se réduise pas au contrôle des budgets en vue de dessaisir les parlements nationaux de leur pouvoir en matière budgétaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous sommes ici l’expression de la volonté générale. C’est donc en son nom que nous travaillerons à vos côtés pour faire de l’Union européenne un acteur engagé fermement pour le progrès de tous les Européens.

Nous devons donc répondre à la crise et, surtout, vous l’avez souligné, y répondre dans la justice car il y a plus insupportable encore que la crise elle-même, c’est le sentiment que certains ont été totalement épargnés des efforts nécessaires au redressement et, pire même, qu’ils ont bénéficié en toute injustice pendant ces cinq dernières années des politiques, notamment fiscales, menées par nos prédécesseurs.

Alors nous vous soutiendrons, monsieur le Premier ministre, lorsque les dépositaires des privilèges de quelques-uns viendront agiter des peurs d’un autre temps pour nous dissuader de voter la réforme fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs sur les bancs des groupes GDR, écologiste et RRDP.) Oui, nous vous soutiendrons à ces moments où ils brandiront les avantages qu’ils avaient obtenus durant ces cinq dernières années.

Quelle est-elle, cette réforme fiscale, sinon le rétablissement de la justice face à l’impôt, sans laquelle aucun effort ne sera consenti par les Français ? Quelle est-elle, sinon le contre-symbole de cinq années d’inefficacité et d’iniquité fiscale ? Quelle est-elle, enfin, sinon la condition de la réussite du redressement dans la justice ?

Nous attendons votre projet de loi de finances rectificative et nous serons heureux d’abroger l’augmentation inique de la TVA imposée par vos prédécesseurs, qui allait priver les Français de 13 milliards d’euros par an.

Oui, la dette est l’ennemie de la gauche, parce qu’il n’y a pas de grandeur, pas de souveraineté, pas d’égalité dans la servitude financière. Oui, nous ramènerons les comptes à l’équilibre avec vous, parce que restaurer les finances de l’État est la condition sine qua non pour restaurer son autorité et son exemplarité. Oui, nous ferons avec vous le ménage dans les dépenses et les recettes, parce que le clientélisme et le saupoudrage ont corrompu depuis trop longtemps l’esprit public.

Cet engagement, nous l’avons pris avec vous durant la campagne. Nous avons inscrit nos engagements dans le respect des équilibres budgétaires. Nous avons anticipé la baisse de la croissance et des recettes. Rien n’a été caché, tout a été mis sur la table, mais nous avons dit avec la même force, et vous l’avez confirmé aujourd’hui, que l’effort serait justement réparti, que les classes populaires et les classes moyennes, qui, depuis dix ans, ont porté tout le poids de la crise, seraient préservées demain des sacrifices injustes qui leur ont été demandés durant plusieurs années.

La justice, ce sera notre règle d’or. C’est notre réponse à ceux qui croient nous enfermer dans l’impasse de l’austérité. Tenir nos engagements, respecter la parole donnée, c’est l’exigence que nous devons aux Français. La réforme fiscale, nous la ferons, avec vous. La négociation salariale, nous l’accompagnerons, avec vous. Les contrats de génération et les emplois d’avenir, nous les mettrons en place avec vous. La transition écologique, nous en débattrons avec vous. C’est cela aussi, le changement, rendre à la France la maîtrise de ses choix et rendre aux Français la maîtrise de leur vie.

Redresser le pays, c’est la tâche qui nous incombe, mais le redressement n’aura pas lieu sans rassemblement, et nous devons tous y prendre notre part. C’est ce à quoi nous invitons les Français, à un compromis historique entre l’État, le monde du travail et la société sur les réformes à entreprendre. Là où le précédent Président de la République se croyait le sauveur suprême, nous proposons de construire un pacte de responsabilité avec les Français, un pacte qui leur rende confiance en eux-mêmes et en leurs possibilités.

C’est le sens de votre démarche, monsieur le Premier ministre, fédérer le pays, transcender ses différences dans une entreprise commune, refonder l’esprit de justice et de répartition équitable.

La feuille de route, votre feuille de route, c’est le respect des engagements. La méthode, c’est le dialogue avec tous les corps de la société. La finalité, c’est de remettre la République en concordance avec elle-même et ses valeurs.

La République ne peut se satisfaire que l’on monte les Français les uns contre les autres, les assistés contre les tenants du vrai travail, les fonctionnaires contre les salariés du privé, les jeunes contre les plus anciens, les tenants d’une religion contre ceux d’une autre religion, que les immigrés soient désignés comme responsables de tous les maux de notre société. Nous devons avec vous réconcilier la France.

Rassembler la France, c’est aussi lutter sans concessions contre les discriminations et ouvrir de nouveaux droits. Vous aurez, mesdames, messieurs les ministres, chacun dans ses responsabilités, à lutter contre tous les types de délits de faciès, notamment dans l’accès à l’emploi et au logement. Dans votre lutte sans relâche contre toutes ces discriminations, contre le racisme, l’antisémitisme, vous pouvez compter sur l’engagement sans faille de toute votre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, sur de nombreux bancs des groupes RRDP et écologiste et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Nous porterons enfin avec vous, monsieur le Premier ministre, l’ouverture de nouveaux droits.

Pour un parlementaire de votre majorité, il va de soi que deux individus puissent, quel que soit leur sexe, s’unir et élever des enfants. C’est pourquoi, et il est temps, nous voterons le droit au mariage et à l’adoption pour tous les couples. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP, sur de nombreux bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Pour les parlementaires de votre majorité, il va de soi que des gens qui vivent, travaillent en toute légalité et depuis longtemps sur notre sol sans pour autant disposer de la nationalité française, qui paient des impôts puissent désigner leurs conseillers municipaux. C’est pourquoi, et il est temps, nous voterons le droit de vote des étrangers aux élections locales. (Mêmes mouvements. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour un parlementaire socialiste, républicain et citoyen, il va de soi qu’entre un homme et une femme, à travail et à compétences égales, la rémunération doive être identique. C’est pourquoi, et il est temps, nous voterons toutes les dispositions nécessaires pour enfin faire respecter l’égalité salariale dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste et GDR.)

Monsieur le Premier ministre, sur toutes ces réformes de société, nous serons animés par l’esprit de rassemblement, et c’est dans ce même esprit que nous voulons conduire avec vous les réformes, sans esprit de sectarisme, cherchant toujours à rassembler le plus largement possible au service de l’intérêt général.

Je souhaite que la réforme du cumul des mandats soit votée sans tarder afin que nous donnions un signe clair à nos concitoyens avant 2014, mais aussi, et c’est la moindre des choses, qu’il y ait un renforcement des prérogatives des parlementaires et de leurs champs d’intervention. J’y vois là non pas l’expression d’une velléité corporatiste mais bien la conception d’un pouvoir législatif modernisé, dans une Assemblée renouvelée et diverse, qui souhaite donner de la force à la démocratie par ce lien essentiel entre le pouvoir et les citoyens à travers la voix des représentants que nous sommes. Nous souhaitons que cette réforme soit accompagnée par un respect encore plus fortement marqué du Parlement et du travail parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Devant vous, je tiens à adresser aux autres composantes de la majorité qui vous soutient un message à la fois d’unité et surtout de respect.

Comme vous, je le sais, j’ai conscience de la richesse que cette diversité représente pour votre gouvernement comme pour l’Assemblée nationale. Nous veillerons donc, sans mettre en cause la cohérence de votre action au service des Français, à rester attentifs aux préoccupations, à la singularité, aux propositions de tous ceux qui souhaitent la réussite de la politique que vous allez mettre en œuvre.

Le principe de loyauté que nous souhaitons porter fortement dans cet hémicycle n’est en rien incompatible avec l’affirmation d’une identité parlementaire. J’ai la certitude que nous avons à porter haut les débats qui permettront la mise en œuvre du changement, qu’il faut mettre un terme à cette conception réduisant ce haut lieu du débat démocratique qu’est l’Assemblée nationale à une vulgaire chambre d’enregistrement. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous sommes exigeants dans nos ambitions, soyons ambitieux dans nos exigences. C’est cela servir l’État, c’est servir la démocratie, et ce sera tous ensemble servir la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs des groupes RRDP et écologiste.)

Nous respecterons également le rôle de l’opposition. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) J’ai pu, dix ans durant, sur les bancs de cette assemblée – et je vous souhaite d’y passer plus de temps pour acquérir plus de sagesse (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste) – faire l’expérience du travail qui est celui des groupes d’opposition. Les Français ont voté. Notre responsabilité est de tenir nos promesses, celle de l’opposition est de proposer un autre projet. Chacun est dans son rôle, c’est la règle de la démocratie. Nous essaierons de tout faire pour que ce débat puisse se nourrir des intelligences qui sont les nôtres, d’où qu’elles viennent.

Monsieur le Premier ministre, aussi longtemps que vous conduirez notre pays sur le chemin du redressement, aussi longtemps que vous agirez dans la fidélité des principes que nous venez d’énoncer, les 295 députés de métropole, des outre-mer, représentants les Français de l’étranger qui forment le groupe socialiste, républicain et citoyen dans cet hémicycle seront là, auprès de vous, avec toutes leurs forces, leurs richesses et leurs trajectoires variées.

Dans cet hémicycle, tous, nous sommes la France, ses talents multiples, sa diversité, sa richesse. Nous sommes au travail pour cinq ans. Les députés socialistes, républicains et citoyens seront à vos côtés pour mener le difficile travail de redressement et de rassemblement de la France que vous engagez.

Cette majorité ne vous manquera pas pour tenir les engagements du Président de la République.

Le chemin que vous nous avez tracé n’autorise aucune résignation et il doit permettre que le soutien que nous vous apportons aujourd’hui, sans réserves, avec chaleur et enthousiasme, soit pour vous et votre gouvernement un pilier du redressement et du changement.

Le vote de confiance que vous demandez, c’est avant tout un vote de confiance de la France en elle-même, et c’est pourquoi, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, je suis particulièrement heureux, après cette déclaration de politique générale, de vous apporter le soutien des 295 députés de notre groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues,…

M. le président. Mes chers collègues, je demande à ceux qui ne veulent pas rester de sortir rapidement et en silence et aux autres de laisser l’orateur s’exprimer.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas ce qu’il a fait tout à l’heure !

M. le président. Poursuivez, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob. Les Français ont offert au Président de la République une réelle mais courte victoire. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Pour la première fois, un chef de l’État a été élu par une minorité de votants. Cela n’ôte rien à sa légitimité, mais c’est la démonstration que cette élection ne s’appuyait pas sur une espérance réelle.

Fidèles à l’esprit de nos institutions, les Français ont élu une majorité de gauche et d’extrême gauche. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’ils éliraient une majorité composée de quatre groupes parlementaires. Jamais dans l’histoire récente de notre Parlement, une majorité n’avait été ainsi éclatée et fracturée idéologiquement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, il y a cinq ans, à ma place pour donner les explications de vote à la suite du discours de politique générale de François Fillon, vous aviez été d’une démagogie et d’une mauvaise foi sans pareilles, un grand nombre d’entre nous ici s’en souviennent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Cinq ans plus tard, alors que les gouvernements de Nicolas Sarkozy et l’ancienne majorité ont servi, défendu et préservé la position de la France dans une période tourmentée, vous êtes au pied du mur.

La sagesse populaire veut qu’on reconnaisse le maçon au pied du mur. Vous y voilà, monsieur le Premier ministre ! L’éclatement de votre majorité en une armée protéiforme ne nous dit rien qui vaille… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Un événement s’est déroulé la semaine dernière qui doit éclairer celles et ceux qui s’interrogeaient : les députés écologistes n’ont pas voté en faveur du président de notre assemblée. (Exclamations sur certains bancs du groupe UMP.) Quel signe inouï de défiance ! Nous ne doutons pas que ces députés vous accorderont leur confiance car vous les avez bien ligotés et ficelés. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

La suite, Monsieur le Premier ministre, nous inquiète plus Sur les grands sujets qui divisent votre majorité, que ferez-vous ?

Que ferez-vous s’agissant de la filière nucléaire qui est un fleuron de notre industrie et qui garantit notre souveraineté énergétique ?

Que ferez-vous sur la dépénalisation du cannabis si chère à Mme Duflot ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Hors sujet !

M. Christian Jacob. Que ferez-vous de notre siège au Conseil de sécurité de l’ONU ? Quelle ferez-vous sur la question ultra sensible des sans-papiers ?

Permettez-moi de vous dire, Monsieur le Premier ministre, que votre attelage de bric et de broc n’est pas un bon signe pour la France, pour sa souveraineté et pour sa cohésion nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Votre entrée en matière à Matignon n’est pas bon signe non plus. Lors de votre nomination, nous avons pensé qu’un homme qui a présidé un groupe parlementaire d’opposition pendant quinze ans serait naturellement à l’écoute du Parlement. Nous nous sommes trompés. Votre décision d’interdire à votre ministre des affaires sociales de répondre à une convocation de la commission des affaires sociales est une première (Huées sur plusieurs bancs du groupe UMP) qui restera pour vous comme une tâche, monsieur le Premier ministre. Et vous n’étiez pas encore majoritaire ! Vous l’êtes désormais et vous avez récidivé : vous avez refusé l’inscription à l’ordre du jour d’une séance de questions au Gouvernement bafouant ainsi l’article 48, alinéa 6 de notre Constitution. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est faux !

M. Christian Jacob. Ce droit est un acquis de la révision constitutionnelle. Vous avez bafoué notre Constitution, monsieur le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

C’est une accumulation de décisions aussi malheureuses qu’inacceptables. J’espère que les députés de la majorité auront à cœur de faire respecter les droits du Parlement en général (« Comme vous ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) et ceux de l’opposition en particulier, comme nous l’avons fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En six semaines d’exercice du pouvoir, vous avez fait des annonces inconséquentes sur le temps scolaire, sur la justice des mineurs, sur les contrôles d’identité. Alors que notre police nationale et notre gendarmerie ont d’abord besoin du soutien total de la Nation et non pas de suspicion, vous avez jeté la suspicion sur elles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En six semaines, vous avez dépensé sans compter, distribuant les cadeaux électoraux pour assurer votre victoire. Vous avez dépensé 20 milliards d’euros en six semaines comme on craque une allumette. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Pour nous, il n’y a plus de doute : ce que vous avez décidé et ce que vous venez d’annoncer est dangereux sur le plan économique, injuste sur le plan social pour les familles et irréparable sur le plan budgétaire pour le pays.

Oui, votre politique économique est dangereuse : elle est dangereuse pour le pouvoir d’achat des Français qui travaillent, dangereuse aussi pour la compétitivité de nos entreprises.

Un député du groupe SRC. Il y a eu un vote, monsieur Jacob !

M. Christian Jacob. La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires va peser lourdement sur le budget des ouvriers, des salariés du privé et des agents de catégorie C de nos fonctions publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Savez-vous, Monsieur le Premier ministre, ce que représentent chaque mois 150 à 200 euros d’heures supplémentaires pour un salarié payé au SMIC ? Manifestement vous ne le savez pas !

Savez-vous ce que représente votre décision de financer le retour à la retraite à 60 ans par une hausse des cotisations vieillesse ? C’est une baisse du salaire net, conséquence directe de la hausse des cotisations sociales sur la part salariale. C’est aussi un alourdissement du coût du travail lié à la hausse de ces mêmes cotisations sur la part patronale.

C’est une double faute et même une double peine pour le pouvoir d’achat des salariés et pour la compétitivité de nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Terrasse. Pensez aux salariés qui veulent partir à la retraite à soixante ans !

M. Christian Jacob. Nous nous battrons, monsieur le Premier ministre, dès la semaine prochaine lors de la discussion du collectif budgétaire, pour éviter le pire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous voulons éviter la remise en cause de la TVA anti-délocalisation qui redonne à nos entreprises la compétitivité et le dynamisme indispensables.

M. François Baroin. Il est très bon !

M. Christian Jacob. Nous nous battrons aussi à l’automne si vous décidez de revenir sur l’exonération de taxe professionnelle pour les entreprises qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 euros. C’est le dynamisme de nos artisans, de nos commerçants et de nos PME qui est en jeu.

La France ne restera pas, monsieur le Premier Ministre, une grande nation prospère, dotée d’une industrie forte, en baissant le temps de travail et en augmentant le coût du travail. Vous voulez redresser l’industrie mais vous allez l’asphyxier et la condamner.

M. Pascal Terrasse. Vous utilisez l’argument des 35 heures depuis dix ans !

M. Christian Jacob. Vous allez la condamner car toutes vos décisions vont dans le même sens : taxer, taxer et encore taxer le travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Les Français qui travaillent ou qui aspirent à retrouver un emploi vont vous maudire, monsieur le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La fin des heures supplémentaires, la hausse des cotisations vieillesse, la suppression de la TVA anti-délocalisation… Jamais, en si peu de temps, un Gouvernement n’aura pris autant de décisions qui vont à l’encontre des intérêts du pays et de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Terrasse. Quelle caricature !

M. Christian Jacob. Votre politique ne sera pas seulement économiquement dangereuse, elle est déjà socialement injuste pour les familles.

Vous avez dressé un écran de fumée en diminuant votre rémunération et en jetant l’opprobre sur les grands capitaines d’industrie. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Plisson. Les amis du Fouquet’s !

M. Christian Jacob. Les Français ne sont pas dupes, monsieur le Premier ministre. Ils savent que le travail, le mérite, le risque et l’esprit d’entreprise doivent être récompensés. La justice, ce n’est pas le nivellement par le bas et l’appauvrissement des plus modestes que vous organisez avec la suppression des heures supplémentaires.

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

M. Christian Jacob. La justice, ce n’est pas de financer l’allocation de rentrée scolaire par la suppression du quotient familial. Le quotient familial est au cœur de notre politique familiale ; il a toujours fait consensus dans le pays.

Mme Claude Greff. Absolument !

M. Christian Jacob. En portant atteinte au quotient familial, vous écornez durement le pacte qui nous lie, monsieur le Premier ministre ; un enfant vaut un autre enfant, d’où qu’il vienne et quelle que soit la situation sociale de ses parents ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Si cette mesure injuste devait préparer la mise sous condition de ressources des allocations familiales, vous nous trouverez sur votre chemin, monsieur le Premier ministre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Martin. On a vraiment peur !

M. Christian Jacob. Vous nous trouverez aussi face à vous pour refuser la taxation des petites successions et donations. Les mesures prises par la précédente majorité ont contribué à renforcer la solidarité intergénérationnelle dans un pays où la durée de vie s’allonge.

Il serait très injuste de matraquer celles et ceux qui possèdent un patrimoine modeste, souvent durement acquis et qui souhaitent simplement le transmettre à leurs enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et exclamations sur certains bancs du groupe SRC.)

On voit bien votre logique qui consiste à taxer le travail, taxer les familles pour dépenser toujours plus. Votre programme est une véritable aventure budgétaire !

Pourtant, François Hollande a déjà été mis en garde à trois reprises, deux fois par la Cour des comptes et une fois par la Commission européenne.

La Cour des comptes vous a d’abord appelés à une vigilance accrue et vous a incités à agir davantage sur les dépenses que sur les recettes. Or, monsieur le Premier ministre, nous n’avons entendu dans votre discours que dépenses nouvelles et impôts supplémentaires. En une heure quarante, vous n’avez pas mentionné une seule diminution de dépenses. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Dans son audit rendu public hier, la Cour des comptes réitère ses recommandations en faveur d’une politique qui privilégie la baisse des dépenses. C’est en effet par une diminution des dépenses que l’on agit durablement sur les déficits et que l’on évite l’explosion de la dette publique.

La Cour indique également que le budget a été préparé et exécuté de manière totalement sincère. Voilà pourquoi nous avons été révoltés par vos insinuations destinées à faire croire que nous avions laissé une ardoise non financée.

Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

M. Christian Jacob. Adressez-vous au président de la Cour des comptes.

Nous avons été surtout révoltés par les propos outranciers – je dis bien outranciers – de votre ministre de l’économie. Je le cite : « le gouvernement n’a rien foutu pour réduire les déficits ». Ce sont des propos indignes, indignes d’un ministre de la République. (Huées sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous ne nous ferez pas le coup de l’ardoise cachée. Vous avez d’ailleurs déjà fait marche arrière en quarante-huit heures : c’est un premier signe de reniement. Vous ne nous ferez pas non plus le coup de l’héritage. Là aussi, vous avez commencé à faire marche arrière.

M. Jean Leonetti. La marche arrière est enclenchée !

M. Christian Jacob. Ayez simplement, monsieur le Premier ministre, la décence et le courage d’assumer vos responsabilités. Si vous n’aviez pas dépensé sans compter entre le 6 mai et aujourd’hui, la marche serait un peu moins haute pour respecter le programme de stabilité.

Nous vous donnons rendez-vous dans quelques jours pour le collectif budgétaire et à l’automne pour le projet de loi de finances et le PLFSS, pour juger de votre capacité à être, comme nous l’avons été, au rendez-vous de la crédibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Eh oui, c’est un mot qui fait mal !

Concernant la fonction publique d’État, votre politique est à la fois aveugle et brutale pour tenir un engagement de campagne totalement absurde.

Nous avions pour notre part tenu bon sur le un sur deux, en réformant l’administration et en réorganisant les services publics.

M. Philippe Plisson. C’était de la casse sociale !

M. Christian Jacob. Vous allez recruter 65 000 agents dans trois ministères dits prioritaires…

M. Henri Jibrayel et M. Éric Jalton. Très bien !

M. Christian Jacob.…qui représentent les deux tiers des effectifs de la fonction publique. C’est agréable pour toutes les autres administrations qui vont découvrir qu’elles ne sont pas prioritaires aux yeux de leur gouvernement…

Les autres ministères vont subir par conséquent une hécatombe. Ce sera une hécatombe pour les transports, l’écologie, l’agriculture, l’aménagement du territoire, le travail, la santé, le sport, la culture (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), tous ces ministères qui ne sont plus une priorité pour vous. (Mêmes mouvements.)

Ce sera également une hécatombe pour les territoires ruraux. Vous préparez une purge pour les trésoreries, les perceptions, les sous-préfectures et tous les services déconcentrés.

Ce sera enfin, et c’est beaucoup plus grave, une hécatombe pour le ministère de la défense. Certes, les antimilitaristes de votre majorité pourront pavoiser. (Exclamations sur certains bancs des groupes SRC et écologistes.)

Mais je dois vous dire solennellement que nous ne l’accepterons pas. L’indépendance nationale, le rang de la France et la sécurité du pays ne peuvent pas être des variables d’ajustement budgétaire dans un monde instable et dangereux. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Notre politique était équilibrée, cohérente et courageuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons permis à la France de respecter à la lettre la trajectoire de retour à l’équilibre budgétaire.

La Commission européenne vous a recommandé de poursuivre les efforts pour ramener le déficit à 3 % en 2013. J’ai bien dit de poursuivre – ce sont les recommandations de la commission – donc de s’inscrire dans la continuité de notre action.

M. Patrick Ollier. Bravo !

M. Philippe Briand. Très bien !

M. Christian Jacob. Ne cassez, par pure idéologie, ce que nous avons fait pour la France : la réforme des retraites, le un sur deux réparti dans tous les ministères, la réforme territoriale, la réforme des universités, le service minimum dans les écoles et dans les transports. Tout cela, nous l’avons fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La France de 2012 est confrontée à deux défis majeurs : celui de la compétitivité pour relever les défis immenses de la mondialisation, et celui de l’éducation et de la formation, notamment des jeunes. Vous ne répondez ni à l’un, ni à l’autre.

L’éducation, vous l’avez évoquée, est censée être le grand chantier de François Hollande. Grand chantier budgétaire, certainement car il est fidèle à la philosophie socialiste de toujours plus de postes. Pensez-vous vraiment que c’est l’urgence pour une éducation nationale déjà sur-administrée ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

M. Christian Jacob. L’urgence, c’est d’apporter une solution aux 120 000 jeunes qui sortent de notre système scolaire sans formation. C’est d’avoir le courage de poser la question du collège unique. C’est de faire le choix courageux de l’apprentissage à 14 ans. Ce mot d’apprentissage que vous n’avez pas même prononcé en une heure quarante de discours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà pourtant comment on s’attaque au chômage de masse !

L’urgence, c’est de réformer notre formation professionnelle.

Plusieurs députés du groupe SRC. Vous l’avez fait ?

M. Christian Jacob. Il faudra du courage pour bousculer le conservatisme des syndicats qui prospèrent sur un système verrouillé et sclérosé. Nous verrons si vous avez renoncé à la cogestion, Monsieur le Premier ministre. Je ne vous fais pas de procès d’intention mais votre ministre de l’Éducation nationale, lui, a choisi clairement son camp, celui des annonces intempestives sur les rythmes scolaires et les vacances scolaires sans aucune concertation avec les parents d’élèves, les enseignants ou les élus locaux, alors que ces derniers devront prendre en charge les transports scolaires et l’emploi du temps des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles.

M. Alain Gest. Très bien !

M. Christian Jacob. Vous vous apprêtez même à sacrifier l’aide individualisée qui a été une formidable réussite pour les élèves les plus en difficulté.

M. Rémi Pauvros. Vous avez cassé l’école !

M. Christian Jacob. Les risques que vous faites courir à la cohésion sociale et économique de la France, nous les redoutons aussi pour notre pacte républicain.

En matière de justice, vous avez déjà donné, de manière répétée, des signes terrifiants de laxisme, annonçant la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, l’abandon de la construction de places de prison, ou encore l’abrogation de la rétention de sûreté.

En matière de politique d’immigration, en définissant une doctrine à géométrie variable sur les régularisations de sans-papiers, vous ouvrez les vannes et, très vite, vous ne tiendrez plus rien ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) L’heure est à un discours de fermeté, pour protéger nos frontières et l’espace Schengen.

Enfin, vous vous entêtez dans une idée qui bafoue le lien, constant dans notre République, entre citoyenneté et nationalité. Voter, c’est le droit par excellence du citoyen, celui qui le rattache au destin de son pays. La France permet à celles et ceux qui le souhaitent, qui adhérent à ses valeurs, à sa culture, à sa langue, de devenir Français. Pour nous, les choses sont claires : pour voter, il faut être Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Et l’Europe ?

M. Christian Jacob. C’est le sens du pacte républicain, qui rejette tous les communautarismes et ne reconnaît qu’une seule communauté : la communauté nationale. (Mêmes mouvements.)

Votre politique aura deux conséquences : le déclassement économique et social des Français, et l’affaiblissement de la France. J’espère toutefois, bien qu’après votre discours je sois inquiet, que vous ne toucherez pas à deux héritages qui nous viennent du général de Gaulle. La France est forte car elle a des institutions fortes et un scrutin majoritaire qui garantit à notre pays une capacité de décision dans les moments difficiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) La proportionnelle que vous annoncez serait le retour aux petites combinaisons partisanes : vous n’avez pas le droit de prendre ce risque, monsieur le Premier ministre ! (Mêmes mouvements.) La proportionnelle associée à l’interdiction du cumul des mandats, c’est la certitude d’une assemblée technocratique composée de députés choisis par les partis et déconnectés de la réalité du terrain. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Second héritage, que tous, du général de Gaulle à Nicolas Sarkozy, en passant par Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac, ont défendu : l’amitié franco-allemande. Les premiers pas du Président de la République et de votre gouvernement laissent penser qu’elle serait négociable. La politique de convergence franco-allemande que nous avons engagée est une nécessité : pour la France elle-même, si elle veut continuer à peser sur la scène européenne, mais aussi pour l’Europe et l’euro, car rien n’est possible sans l’unité de ce couple. Ne prenez pas le risque historique d’isoler l’Allemagne ; ce serait une rupture suicidaire pour notre politique européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Le pacte pour la croissance négocié la semaine dernière s’appuie essentiellement sur des initiatives engagées depuis bien longtemps.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Christian Jacob. Vous demandez la croissance à Bruxelles, mais vous prenez à Paris des décisions contre le travail et l’emploi ; comprenne qui pourra ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Ce pacte est également à des années-lumière de vos promesses de campagne. Où sont vos eurobonds ? Où est la renégociation du traité de stabilité européenne ? Nulle part, fort heureusement ! Je ne sais pas si nos amis allemands ont raison de dire que vos solutions sont des solutions de facilité, voire de médiocrité, mais vous seriez bien inspiré de respecter la discipline budgétaire, de voter la règle d’or et surtout de bannir la relance de la croissance par le déficit et l’impôt, vos deux leitmotivs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Le chef de l’État a reçu, le 13 juin dernier, les dirigeants du SPD à l’Élysée. Il s’est comporté comme un chef de la gauche européenne et non, à l’image de tous ses prédécesseurs, comme le Président de la République française.

Vous ne pouvez pas abîmer, par idéologie ou calcul, ce que nous avons fait pour le bien de la France, et ce qui rassemble les Français par-delà leurs convictions partisanes.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes responsable devant l’Assemblée nationale. Vous êtes certes responsable devant votre majorité hétéroclite,…

M. Philippe Plisson. Soyez poli ! (Sourires.)

M. Christian Jacob. …mais également devant chacun des députés de la nation. Vous sollicitez notre confiance : vous ne l’avez pas, vous ne l’aurez pas, et c’est un service que nous rendons à la France ! (Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement, de même que de nombreux députés du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Louis Borloo. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, chers collègues, permettez-moi tout d’abord, au nom de mon groupe, de m’associer aux déclarations concernant notre collègue Olivier Ferrand.

Je m’associe également, monsieur le président Bartolone, aux félicitations qui vous ont été adressées pour votre élection à la présidence de cette assemblée, poste si important pour notre fonctionnement démocratique. (Applaudissements sur divers bancs.)

Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants que je représente a pris acte de la volonté souveraine du peuple français. Votre légitimité, monsieur le Premier ministre, est incontestable ; votre responsabilité, à partir de maintenant, est totalement engagée. Vous avez la confiance du Président, vous bénéficiez d’une large majorité dans cette assemblée, ainsi que d’une majorité au Sénat, vous avez des positions ultra-dominantes dans les régions, une majorité de départements, de très nombreuses communes françaises… Certaines organisations syndicales se sont même exprimées en votre faveur.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Jean-Louis Borloo. Rarement une majorité aura connu à son avantage une telle configuration politique. À vous d’en faire un atout majeur et d’éviter à la fois les conflits entre amis, les conflits entre légitimités territoriales, l’hégémonie politique, l’absence de dialogue, d’échange, d’écoute.

Plus qu’en d’autres temps encore, cela donne des devoirs et des droits à l’opposition, tout comme au Parlement en tant que pouvoir législatif et organe de contrôle du Gouvernement. La réforme constitutionnelle voulue par le Président Sarkozy a renforcé ces droits ; nous en ferons le meilleur usage démocratique, nous serons une force d’opposition vigilante, mais aussi une force d’initiative et de proposition.

Je souhaite tout d’abord, monsieur le Premier ministre, vous dire, au nom du groupe UDI, ce que sera notre conception de l’opposition. Vous avez la responsabilité du Gouvernement, vous devez agir et décider. Nous sommes quant à nous dans l’opposition, nous ne sommes pas co-gestionnaires. Pour autant, deux crises financières viennent, comme une vague tellurique, de renverser les édifices que l’on croyait les plus solides, les digues que l’on pensait les plus protectrices, révélant les fragilités de nos solidarités territoriales, nationales, européennes et même internationales. Ces crises qui ont touché tous les gouvernements en exercice, de gauche comme de droite, nous concernent tous. Chacun d’entre nous a sans doute en tête de multiples illustrations de leurs effets dans sa propre circonscription. Ce contexte donne à l’alternance politique une tonalité particulière, marquée par la gravité des circonstances et l’inquiétude des Français. C’est la raison pour laquelle, si opposition nous sommes et serons, il pourra toutefois nous arriver, lorsque l’intérêt national sera en jeu, sur certains points particuliers, notamment sur des réformes telles que la formation professionnelle, dont vous n’avez pas parlé tout à l’heure, de vous apporter notre soutien.

En un mot, notre position dans les trois ans à venir sera toujours fondée sur le triptyque de base suivant : efficacité économique et emploi, responsabilité écologique, dimension sociale et humaine du projet. Avec trois lignes de force : l’Europe, la République et la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Je vous ai écouté attentivement, monsieur le Premier ministre, et j’ai eu le sentiment que vous n’aviez pas tout à fait confiance en vous. Vous demandiez une confiance que vous ne nous communiquiez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.) Pourtant, vous n’êtes pas passé, par le truchement d’une élection, de l’ombre à la lumière ; vous vous appuyez sur une réalité française qui existe. De grâce, ne commencez pas le détricotage systématique de ce qu’ont pu faire vos prédécesseurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP) : l’effort considérable pour nos universités et leur autonomie, la nécessaire et courageuse réforme des retraites, si longtemps différée – même si j’ai compris que vous ne souhaitiez la modifier que partiellement –, la clarification des responsabilités territoriales, le Grenelle de l’environnement, qui a posé les bases d’une nouvelle économie, les investissements d’avenir, si soigneusement sélectionnés dans tous les territoires de notre pays, la reconfiguration du G20, la taxe sur les transactions financières, le travail considérable du précédent gouvernement et du Président Sarkozy pour la crise de 2008 et, plus récemment, pour la crise de l’euro.

Permettez-moi, monsieur le Premier ministre, de commencer par vous adresser un satisfecit. Le premier renoncement, le premier reniement de votre action politique est en réalité salutaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Au plus fort de la crise grecque, à un moment où tout risquait d’exploser, vingt-cinq États représentés démocratiquement ont conclu un traité. Que disait-il ? Pour aider aujourd’hui la Grèce, pour aider demain l’Espagne et l’Italie, nous voulons un pacte de stabilité, avec la réduction des déficits, la règle d’or, l’acceptation que la Banque européenne d’investissement ou des euro-obligations puissent financer de grands travaux, le renvoi à la Commission pour l’exécution technique. Voilà le pacte qui a été passé par vingt-cinq chefs d’État et de gouvernement.

Je dois vous dire qu’en entendant le candidat-président expliquer à la France entière qu’il n’y aurait pas de renégociations, pas de ratification – « pas de bras, pas de chocolat ! » –, j’étais stupéfait. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Il était invraisemblable qu’un tel sentiment d’incompréhension soit suscité parmi nos partenaires à l’occasion d’un accord européen. Ce n’était pas acceptable. Merci, donc, d’avoir bien voulu d’une ratification rapide dans les termes exacts du document signé par le Président de la République française de l’époque. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.) C’est nécessaire. Le plus vite sera le mieux, et je vous remercie d’inscrire la règle d’or dans un prochain débat de l’Assemblée nationale.

D’une manière générale, nous serons pour l’intégration européenne, car nous croyons à une Europe forte, et nous sommes heureux que la BCE accepte aujourd’hui l’intervention directe auprès des banques, sans passer par les États. Décidément, M. Draghi, qui était déjà intervenu il y a neuf mois, est un grand président de la Banque centrale européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Dans votre discours, monsieur le Premier ministre, je relève, en gardant le ton mesuré qui est traditionnellement celui de notre groupe, quatre fautes, qui seront provisoires, je l’espère, et j’ai même éprouvé en vous écoutant une très grande inquiétude.

La première faute touche à la composition de votre gouvernement. Permettez-moi d’en dire un mot rapidement. Le monde est en mutation. Il n’y aura pas de croissance sans respect de l’efficacité énergétique, des ressources et de la biodiversité. La croissance verte est le seul chemin de notre avenir, le seul chemin de nos emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) C’est la raison pour laquelle il avait été décidé, lors du dernier quinquennat, de mettre en cohérence, dans l’architecture gouvernementale, à la fois le logement, qui utilise 42 % de l’énergie, l’urbanisme, pour l’étalement urbain, les transports, la mer, les océans et l’énergie : c’était le premier outil d’ingénierie publique au monde, qui nous a permis de conduire les principales révolutions écologiques et industrielles, et qui a fait de notre pays l’un des rares à être en avance sur le protocole de Kyoto et ses engagements européens.

Mais, stupéfaction ! Pourquoi un tel démantèlement de cette action publique ? (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.) Qu’est-ce que cela veut dire ? Comment dès lors rendre cohérents la mer, les fleuves, les océans, l’urbanisme, le logement, l’énergie ? (Mêmes mouvements.) C’est insensé, sans même vous demander comment vous comptez assurer la cohérence, l’impulsion, l’organisation et les arbitrages… J’ai le sentiment que nous revenons à une période ancienne où il n’y avait pas de politique de l’écologie mais une écologie politique, fruit d’un rapport de forces politique, à savoir silence contre circonscriptions,…

M. Philippe Vigier. Très juste !

M. Jean-Louis Borloo.…ou comme dirait un ami de Mme Bricq : « Pétrole contre nourriture »... (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mais ce que j’ai lu dans la presse me paraît plus grave, monsieur le Premier ministre. Il s’agit probablement de fuites mal intentionnées émanant de vos services, mais vous envisageriez de renoncer à toute la politique de croissance verte de notre pays. Je suis sûr que vous allez nous dire solennellement tout à l’heure qu’il n’en est évidemment pas question.

Vous renonceriez aussi au canal Seine-Nord, alors que des dizaines de milliers d’emplois, et l’empreinte écologique du fait de dizaines de milliers de camions, sont en jeu ; les travaux sont déjà engagés pour 4 milliards, l’essentiel financé par les utilisateurs et le reste par l’écotaxe poids lourds. Je ne crois pas que vous le fassiez.

J’ai lu également que vous renonceriez au Grand Paris, modèle de croissance verte, de croissance douce, de croissance sociale. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez. Très bien !

M. Jean-Louis Borloo. Vous renonceriez de plus à la régénération ferroviaire, à relier le Nord de l’Europe et l’Italie à l’Espagne par les trains afin d’éviter camions et automobiles. Je ne le crois pas un seul instant, mais je vous remercie de préciser tout à fait clairement ce qu’il en est.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Il faut changer de paire de lunettes, monsieur Borloo !

M. Jean-Louis Borloo. Quatrième erreur : l’absence totale de réduction des dépenses publiques.

M. Philippe Martin. À vous entendre, on se demande pourquoi vous avez renoncé à être candidat !

M. Jean-Louis Borloo. Il me paraît tout à fait clair, monsieur le Premier ministre – et M. le président Migaud le dit dans son rapport que vous avez lu – qu’il faut engager la baisse des dépenses publiques ; 2011 a été la première étape, il faut aller plus vite. Rien de rien, dans votre discours, n’évoque la moindre baisse des dépenses publiques. À moins que, comme l’ont dit ce matin des syndicats inquiets et des ministres paniqués, vous ayez décidé qu’il y avait des ministères secondaires, à savoir l’agriculture, la culture, la recherche, l’industrie, l’écologie et les transports, qui, eux, paieraient le coût du recrutement des 65 000 fonctionnaires, c’est-à-dire assumeraient une réduction de leur propre service public. (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Je ne sais si vous avez commencé les négociations avec chacune des organisations syndicales pour leur indiquer dans lequel de ces ministères il va y avoir une réduction très massive du service public. Je n’ose pas encore parler de casse du service public car nous attendons vos réponses pour avoir une opinion claire sur la question.

Enfin, s’agissant de la fiscalité, nous pouvons vous suivre…

M. Kléber Mesquida. Ah !

M. Jean-Louis Borloo. …sur le rapprochement du travail et du capital et même sur quelques niches particulières. Pas de difficulté ! Mais, de grâce, admettez que vous ne pouvez pas défendre le pouvoir d’achat et le travail tout en alourdissant les charges et la fiscalité sur les heures supplémentaires – comme s’il s’agissait du grand capital ! –, ni augmenter les charges salariales pour financer votre réforme des retraites, ni décider de faire passer le forfait social sur l’intéressement – ce fondement du gaullisme – de 8 % à 20 %. Ni non plus créer une taxe sur les ordinateurs alors qu’une partie de la jeunesse n’a pas de télévision et la regarde sur les écrans d’ordinateur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Monsieur le Premier ministre, je crains que vous ne soyez parti sur le chemin de la maltraitance, sur le chemin de l’incompréhension des salariés, des ouvriers et des classes moyennes. S’agissant de votre schéma sur les heures supplémentaires, je m’inquiète : comment allez-vous expliquer aux fonctionnaires publics, qui ont des centaines de milliers d’heures de retard,…

M. Alain Fauré. La faute à qui ?

M. Jean-Louis Borloo. …que les règles vont changer en ce domaine et qu’ils feront l’objet d’une nouvelle fiscalité. (Mêmes mouvements.)

Autre point : la compétitivité. Il faut lancer des stratégies de filières, vous avez raison. On peut même vous suivre sur le transfert de l’épargne vers le livret d’épargne industrie, voire sur la banque publique d’investissement – bien qu’OSÉO et le FSI existent. Fort bien. Mais savez-vous quel est le point numéro un de la compétitivité ? C’est la confiance et l’attractivité. On ne peut pas en permanence dénoncer le capitalisme financier, même s’il faut en dénoncer les dérives. Attention au message que l’on adresse. Je suis d’une région qui a connu le plus grand désastre économique et social d’Europe et je sais que l’attractivité de notre pays, le message que l’on adresse aux actionnaires et aux dirigeants du bout du monde, est vitale.

Oui, j’ai tout fait pour que les Japonais de Toyota viennent, que les Canadiens de Bombardier viennent, que les Allemands de Mercedes viennent.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Vous pourriez tout de même remercier Jospin !

M. Jean-Louis Borloo. Attention au message qu’enverrait un pays qui n’aimerait pas l’économie, l’ouverture d’esprit et l’attractivité. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Nous vous suivrions si jamais vous engagiez un plan de la formation professionnelle ou un plan de l’alternance. Mais qu’est-ce que le contrat de génération ? Un dispositif qui n’est pas aussi sérieux que la relation entre un maître apprenti et un élève apprenti. Voilà la réalité. Mme Aubry appelait cela « le stage », « l’effet d’aubaine ». Essayez si vous le voulez ce dispositif, mais je crains qu’il ne soit moins bien qu’un vrai apprentissage de service public dont nous avons besoin dans les quartiers.

Je regrette que vous n’ayez dit un mot ni du grand programme de rénovation urbaine de 40 milliards…

M. Jean-François Copé. Très juste !

M. Jean-Louis Borloo. …ni des DOM-TOM – vous les avez seulement salués alors qu’ils forment l’avant-garde du nouveau modèle français pour la mer et les océans, avec leur autonomie énergétique, la protection de leur biodiversité et des espèces endémiques ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Nous vous suivrons sur la défense industrielle et la compétitivité, mais ne nous racontons pas d’histoires : vous avez des rendez-vous à ce sujet avant Noël, et les hauts-fourneaux de Florange devront avoir redémarré.

Quant à l’industrie automobile, elle est cyclique, elle connaît des crises souvent et partout. Elle en a connues en France et en Allemagne. Nous avons fait des plans à l’époque, en 2008, en 2009 et en 2010 – je pense notamment au plan véhicule électrique ou encore au plan de réindustrialisation –, n’est-ce pas, Christian Estrosi ? Monsieur le Premier ministre, faites-en un avec PSA, grande entreprise patriote : Aulnay ne peut pas fermer ! Aulnay doit redevenir un grand site industriel français ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.) À défaut, nous perdrions collectivement, sur une industrie symbolique, toute crédibilité internationale, et vous, toute crédibilité politique.

Nous vous aiderons, vous le voyez, sur un certain nombre de points et sur certaines réformes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC), mais nous vous disons les choses avec gentillesse, sympathie, dans un esprit de débat républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI. – Sourires sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Car c’est cela le débat républicain : nous partageons le respect des valeurs que vous et nous avons en commun s’agissant du socle républicain. Nous nous sommes néanmoins posé une seule question en vous écoutant : vous avez évoqué des mesures pour certaines pertinentes quand elles tracent des chemins que nous pouvons suivre, mais sur un certain nombre de points, nous n’avons pas la vision claire du cap, je pense à l’abandon de la croissance verte et à l’avenir des sites industriels. Nous avons à ce sujet un problème majeur. Je ne doute pas que, dans quelques minutes, vous répondrez complètement et que vous nous rassurerez. Sachez que le groupe UDI sera la vigie lucide, indépendante et exigeante de cette législature parce que nous souhaitons d’abord la réussite de la France ! (Les députés du groupe UDI et de nombreux députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, ma première pensée va, comme d’autres, à Olivier Ferrand, dont je veux saluer la mémoire à titre personnel et au nom de mon groupe écologiste tant il était attaché à faire travailler ensemble toute la gauche, les socialistes, les communistes et les écologistes.

Au-delà de notre hémicycle, je pense aux Français qui nous regardent ou qui prendront connaissance de ce débat par la presse. Pour avoir, comme chacun d’entre vous, passé ces dernières semaines en rencontres avec nos concitoyens, je sais comme vous que chez nos compatriotes, la lucidité est grande devant les défis à relever, l’inquiétude forte devant les risques et la conscience réelle quant à la nécessité des efforts Oui, les Français sont clairvoyants ; oui, les Français sont prêts à consentir des efforts importants pour contribuer au redressement de nos comptes publics, et à l’émergence d’une économie nouvelle et créatrice d’emplois. Mais ils posent une exigence que vous avez vous-même rappelée, monsieur le Premier ministre : la justice. À chaque fois que vous remettrez de la justice dans notre système fiscal et dans notre protection sociale, quand bien même cela heurtera des lobbies puissants ou des intérêts particuliers organisés, soyez-en certain, vous trouverez dans les députés écologistes des partenaires actifs, constructifs et déterminés.

Tous ces efforts, les Françaises et les Français y sont prêts parce qu’ils ont une préoccupation centrale, une préoccupation présente dans tous les milieux, à tous les âges : c’est l’emploi, c’est avoir un revenu pour vivre et faire vivre sa famille.

Rarement, monsieur le Premier ministre, un gouvernement aura eu à faire face à tant de défis en même temps : le défi de la dette née d’une financiarisation à outrance de l’économie et de l’absence de pilotage politique de l’euro ; le défi démocratique, qui fait de notre assemblée celle qui a été élue dans le plus fort contexte d’abstention jamais enregistré à une élection législative ; le défi, bien entendu, d’une crise écologique et climatique sans précédent, au cours de laquelle les ressources naturelles se raréfient, les conditions de vie se détériorent et l’avenir des générations à venir s’assombrit.

Tous ces défis, nous les affronterons.

Mais la question qui se pose aujourd’hui, c’est de savoir si nous les relèverons dans la justice et la solidarité, en anticipant les évolutions inéluctables pour en faire des opportunités saisies plutôt que des contraintes subies, ou si nous continuerons à vivre de crise en crise, laissant des pans entiers de notre société sombrer dans le repli sur soi, laissant des pans entiers de notre économie se déliter.

De ces dix dernières années de gouvernements de droite, les Français ont appris : ils savent que la croissance classique, celle dont rêvent les libéraux, bâtie sur la dématérialisation de l’économie, la mondialisation sans règles, le grignotage insidieux du droit du travail et le pillage environnemental, ne règlera pas le défi de l’emploi. Cette politique libérale, qui n’a de cesse de réduire l’emploi public et de déréguler l’économie a conduit, pendant la dernière mandature, 700 000 personnes au chômage et aux allocations de remplacement. Et à droite, on a osé – mes chers collègues de l’opposition, je m’adresse aussi à vous – nous parler du « cancer de l’assistanat ». Mais l’assistance aux personnes en situation de danger social est un devoir de notre république qui est, je le rappelle, « sociale ». (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Cette politique d’assistance est le signe d’une série d’échecs économiques, elle n’en est pas la cause !

Pour relever le défi de l’emploi, la première des conditions, c’est de mieux former la jeunesse ; c’est aussi de soutenir des activités nouvelles et durables ; c’est enfin de concentrer les moyens de l’État, en premier lieu ses moyens financiers et budgétaires contraints, sur l’accompagnement d’une nouvelle économie au service de l’humain et respectueuse de l’environnement.

Monsieur le Premier ministre, lorsque votre gouvernement engagera le redressement de notre système éducatif, en le respectant et en lui consacrant les moyens indispensables qui lui ont été refusés au cours de ces dernières années, les députés écologistes seront à vos côtés, actifs, constructifs et déterminés,…

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. François de Rugy. …en affirmant avec vous que si l’argent public est utilisé pour de l’emploi public utile qui prépare l’avenir, il est bien utilisé.

Lorsque votre gouvernement entamera la transition de notre modèle énergétique que vous avez évoquée, celle-ci supposera un effort sans précédent de sobriété dans les consommations, et donc un plan d’isolation thermique des bâtiments qui sera bon pour l’emploi et pour le pouvoir d’achat. Les députés écologistes seront, ici aussi, à vos côtés, actifs, constructifs et déterminés.

Monsieur le Premier ministre, lorsque vous libérerez les entreprises du secteur des énergies renouvelables, entreprises qui ont été étranglées par le précédent gouvernement et par la précédente majorité au point de supprimer plus de 10 000 emplois, et que vous leur assurerez enfin un cadre réglementaire et fiscal stable, les députés écologistes seront également à vos côtés, actifs, constructifs et déterminés.

Lorsque vous entamerez une transition technologique majeure de notre politique énergétique, dans la perspective d’une baisse programmée – que vous avez vous-même décrite – et résolue de la production d’électricité d’origine nucléaire, monsieur le Premier ministre, les députés écologistes seront à vos côtés.

Parce que, pour nous, cette politique nouvelle est compatible avec l’un de nos combats les plus anciens : celui de la sortie du nucléaire. Celle-ci ne pourra se faire que par étapes, au terme d’un grand débat public et démocratique. Avec votre gouvernement, nous partagerons donc cette première étape. Pour le reste, fidèles à nos convictions, nous continuerons à mener le débat ici et dans la société pour faire avancer nos propositions et engager ce débat énergétique que nous appelons de nos vœux. Nous continuerons à dénoncer les provocations du lobby nucléaire, comme l’absurde projet Astrid.

Lorsque, avec votre ministre Cécile Duflot, vous ferez du logement une priorité nationale, en faisant tout pour rendre effectif ce qui n’est aujourd’hui qu’un principe – le droit au logement pour chacun – en encadrant les loyers pour les rendre abordables, en libérant du foncier public pour les logements sociaux et abordables, lorsque vous proposez d’augmenter les amendes infligées aux communes qui ne respectent pas la loi sur le logement social, monsieur le Premier ministre, les députés écologistes seront à vos côtés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. François de Rugy. Lorsque vous agirez pour que soit garantie l’égalité des territoires, les députés écologistes seront également là. Parce qu’il y a là un enjeu majeur du point de vue de notre République et de la cohésion nationale, et que les derniers scrutins ont illustré combien le sentiment d’abandon territorial nourrit les tentations extrémistes. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Lorsque vous lutterez contre l’étalement urbain, lorsque vous soutiendrez l’économie sociale et solidaire, facteur de lien humain là où le tissu social est fragilisé par les crises et l’éloignement des services, lorsque vous rétablirez des règles qui protégeront le commerce de proximité et les circuits courts, les députés écologistes seront encore à vos côtés.

Lorsque vous mettrez en œuvre la grande réforme fiscale que vous avez rappelée dans votre discours, vous vous heurterez, nous le savons, à de puissantes forces conservatrices. Monsieur le Premier ministre, les députés écologistes seront particulièrement déterminés et à vos côtés sur ce point, d’autant plus que ces forces conservatrices sont aussi très organisées.

Nous n’avons pas d’illusion en la matière, même si les collègues de l’opposition sont sortis pendant que s’expriment les orateurs des groupes de la majorité, ce qui est particulièrement inélégant et peu républicain (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Que celles et ceux qui sont restés leur transmettent le message : nous savons que ces intérêts conservateurs trouveront ici les porte-parole du premier cercle que vous aviez si bien organisés sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

À cette occasion, je voudrais dénoncer l’arrogance du président du groupe UMP lors de son intervention et l’arrogance de M. Woerth, ancien ministre des comptes publics (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC), qui n’hésite pas à nous donner des leçons de bonne gestion dans les médias, alors que l’on connaît sa situation personnelle et le mélange des genres dont il s’est rendu coupable (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et rappeler que l’état des finances n’a jamais été aussi catastrophique que sous votre majorité en dix ans de gouvernement.

M. Étienne Blanc. Ça va aller beaucoup mieux maintenant !

M. François de Rugy. Lorsque vous vous attaquerez aux niches fiscales anti-écologiques qui non seulement privent l’État de recettes indispensables, mais enferment aussi notre industrie comme les ménages dans une dépendance envers les énergies les plus polluantes et découragent l’innovation dans les domaines de l’énergie, des transports et de l’automobile, monsieur le Premier ministre, nous serons également à vos côtés.

Lorsque l’État renoncera à financer certains projets engagés par la précédente majorité, qui sont fortement contestés par les citoyens et néfastes pour l’environnement, afin de concentrer ses moyens sur l’essentiel – les services publics du quotidien, les emplois et services de proximité, le soutien aux filières économiques du futur et ces petits travaux qui changent concrètement la vie et font qu’un euro investi dans le logement génère sept fois plus d’emplois qu’un euro investi dans de grandes infrastructures – oui, quand vous orienterez ainsi l’investissement public, monsieur le Premier ministre, les députés écologistes seront à vos côtés, actifs, constructifs et déterminés.

Lorsque, avec votre ministre Pascal Canfin, vous concentrerez la politique française de développement sur des actions concrètes, des objectifs clairs et évalués, réellement utiles à l’autonomie des populations des pays en voie de développement, lorsque vous mettrez fin, comme vous l’avez dit tout à l’heure, à la Françafrique et à ses dérives népotiques, monsieur le Premier ministre, les députés écologistes seront à vos côtés.

Lorsque vous lancerez la conférence environnementale ainsi que vous l’avez confirmé dans votre discours, permettant à la France de rattraper son retard et de devenir un acteur déterminant dans la lutte contre le dérèglement climatique, l’épuisement des ressources naturelles, la perte de biodiversité, monsieur le Premier ministre, nous serons à vos côtés.

Nous serons des partenaires fiables, positifs, loyaux. Nous serons également des partenaires exigeants, parce que les Français sont exigeants, et parce que la situation économique et sociale l’impose. C’est, je crois, le sens du vote du 6 mai, confirmé lors des élections législatives des 10 et 17 juin. Les Français aspirent à une démocratie apaisée, constructive, complète.

Apaiser la démocratie, cela passe par l’instauration d’une vraie démocratie sociale qui suppose un dialogue et une coopération permanente entre partenaires sociaux et pouvoirs publics. Vous réunirez dans quelques jours une conférence sociale déterminante. C’est un premier pas que nous voulons saluer. La logique du donnant-donnant que vous avez défendue tout à l’heure est la condition de la réussite des changements. Acceptés et durables, ces changements seront durables parce qu’acceptés.

Rendre la démocratie constructive, c’est aussi respecter la démocratie parlementaire, ce qui sera un grand changement par rapport aux cinq dernières années. Cela impose que les droits du Parlement soient reconnus et renforcés.

Je le dis à nos collègues de la majorité bien sûr, mais aussi à celles et ceux de l’opposition : ne reproduisons pas ce dialogue de sourds de la précédente législature, résistons aux tentations de l’hégémonie et du mépris auxquelles l’ancienne majorité avait trop souvent cédé sous la pression de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement.

Faire en sorte que la démocratie soit complète, c’est enfin rendre nos assemblées plus représentatives de la réalité de l’opinion, par l’introduction de la proportionnelle, par la fin réelle et rapide du cumul des mandats, par une action déterminée pour faire respecter la parité et la représentation de la diversité sociale et culturelle dans les institutions.

M. Jean-Paul Bacquet. Expliquez ça à Mamère !

M. François de Rugy. C’est favoriser la participation de chacune et chacun aux décisions qui concernent chacune et chacun et c’est accorder le droit de vote des étrangers lors des élections locales. N’en déplaise au groupe UMP qui a fait entendre ses vociférations tout à l’heure, nous défendrons cette réforme avec acharnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Pour mener tous ces changements qui feront le changement, il faudra du courage. Ce courage, nous l’aurons avec vous.

Mais il faudra également de l’audace. L’audace d’une nouvelle pratique démocratique qui accepte que les différences de points de vue au sein de la majorité soient une richesse et une chance. L’indépendance d’esprit, la liberté de conscience et de vote des députés écologistes ne sont pas pour nous une revendication ; elles sont avant tout une condition de la réussite de la majorité tout entière.

Audace dans les pratiques, mais aussi dans les solutions et dans l’évaluation des politiques publiques, qui relève du Parlement. Les députés écologistes sont déterminés à exercer pleinement ce rôle de contrôle de l’activité gouvernementale en toute indépendance.

L’audace enfin d’aller à contre-courant d’idées toutes faites, de préjugés et de fausses évidences, exploitées par des démagogues sans vergogne : ces préjugés qui tentent d’établir un lien détestable entre immigration et insécurité, qui rejettent celles et ceux dont le mode de vie n’entre pas dans une norme préétablie, qui dévoient la belle et grande idée de laïcité pour en faire un principe d’exclusion alors qu’elle est le signe ultime et la condition de la liberté de conscience.

« Neptune sourit aux audacieux » : telle est la devise de Nantes, ville chère au cœur du Premier ministre comme au mien. Que cette devise, que cette audace accompagnent l’action de votre gouvernement et inspirent le travail de notre majorité. C’est notre volonté, notre engagement.

En accordant, tout à l’heure, leur confiance à votre gouvernement, c’est à cette audace que vous appellent les députés écologistes, pour la première fois constitués en groupe autonome à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP, et sur certains bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Dois-je attendre M. le Premier ministre ?

M. Nicolas Sansu. Ce serait respectueux qu’il soit là !

M. André Chassaigne. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, lors des scrutins de ce printemps, les Français ont souhaité tourner la page de dix années de politique de droite.

Ils ont sanctionné une méthode de gouvernement brutale et inconséquente. Ils ont aussi exprimé leur défiance à l’égard d’une politique économique incapable de juguler la hausse du chômage et de relancer l’économie, une politique qui a aggravé les effets de la crise par la multiplication de mesures d’austérité. L’échec est patent et le bilan du dernier quinquennat calamiteux. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

La Cour des comptes soulignait hier que la dette a augmenté ces cinq dernières années de près de 600 milliards d’euros, soit une hausse de plus de 40 %. La crise n’explique pas tout. Elle n’a pesé que pour un peu plus d’un tiers dans le déficit actuel. Le niveau des dépenses publiques n’est pas non plus en cause : leur part dans la richesse nationale n’a cessé de diminuer depuis quinze ans.

Les causes des difficultés sont à chercher ailleurs, dans les choix politiques désastreux opérés en matière budgétaire et fiscale : l’allégement de la fiscalité des plus fortunés, les quelque 172 milliards d’euros de niches fiscales et d’exemptions sociales accordées aux entreprises, notamment les plus grandes d’entre elles, sans la moindre contrepartie en matière d’emplois.

Indépendamment de la détérioration des comptes publics, faut-il rappeler que le chômage touche aujourd’hui près de cinq millions de nos concitoyens ? Faut-il rappeler que le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté de plus de 20 % depuis 2002, parmi lesquelles un nombre croissant de travailleurs pauvres ? Faut-il rappeler aussi que les plans sociaux se multiplient, tandis que notre balance commerciale affiche un déficit de quelque 70 milliards d’euros ?

C’est donc bien d’urgence sociale et économique qu’il faut parler.

Aussi, ce que les Français attendent de nous, ce n’est pas que nous nous engagions dans la spirale de la rigueur, mais que nous œuvrions au contraire à la relance de l’activité, que nous nous émancipions des approches comptables pour bâtir les instruments d’une nouvelle donne économique et sociale. Ce qu’ils attendent, c’est que s’ouvrent des perspectives nouvelles, dans le souci de l’intérêt général et dans le respect des principes d’égalité et de justice.

Nous ne le dirons jamais assez : nous n’avons pas le droit de décevoir cette espérance de changement. Nous avons une obligation de résultat.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. André Chassaigne. Nous formulons pour cela des propositions de nature à sortir le pays de la crise et à répondre aux attentes.

Parmi ces propositions figure, bien entendu, la réorientation promise de la politique européenne. À cet égard, les conclusions du sommet européen qui s’est tenu la semaine dernière ne sont guère encourageantes. Ce sommet a certes permis la mise en place du pacte de croissance que le chef de l’État appelait de ses vœux, mais sa portée est trop modeste. Ce paquet de quelque 120 milliards d’euros, niché en annexe des conclusions du Conseil européen, n’aura pas la force juridique du pacte budgétaire.

M. Marc Dolez. Absolument !

M. André Chassaigne. L’enveloppe, constituée pour moitié de fonds déjà votés, ne représente au total que 1 % du PIB européen. Cela ne suffira pas à exercer l’effet de levier attendu sur l’activité.

Cette maigre avancée se paie surtout de contreparties que nous jugeons dangereuses, disons même inacceptables. Le donnant-donnant conclu à Bruxelles laisse en l’état le fameux pacte budgétaire. Destiné avant tout à rassurer les marchés financiers, ce traité ne s’attaque à aucune des causes de la crise actuelle. Il en aggrave au contraire les conséquences en durcissant les politiques d’austérité et en consacrant la mise sous tutelle européenne des politiques économiques et budgétaires nationales.

M. Jean-Jacques Candelier. Il a raison !

M. André Chassaigne. D’ores et déjà, monsieur le Premier ministre, une grande partie de vos annonces d’aujourd’hui subiront le couperet de ce traité européen. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Nous n’avons, pour notre part, cessé de le dénoncer et continuerons à le faire. François Hollande avait lui-même souligné la nécessité de le renégocier afin de permettre à la Banque centrale européenne de financer directement les États et de mettre en place des instruments de coopération et de solidarité.

Ces propositions allaient dans le bon sens. Il est indispensable en effet que la BCE fasse usage de son pouvoir de création monétaire pour refinancer les besoins d’emprunt des États européens, développer les services publics, favoriser le développement social et la transition écologique.

Il n’est pas moins indispensable d’œuvrer à 1’harmonisation des normes sociales et fiscales, de mettre un terme à la concurrence fiscale et sociale qui détruit des centaines de milliers d’emplois et s’attaque, au nom de la compétitivité, au cœur de notre modèle social.

Vous venez de confirmer, monsieur le Premier ministre, la demande du Président de la République de faire ratifier rapidement par le Parlement le pacte budgétaire. Nous estimons quant à nous qu’il est indispensable que les citoyens soient consultés par référendum. Seul un débat démocratique avec une large participation populaire peut légitimement trancher sur la nécessité de nous conformer à un traité qui bafoue la souveraineté du peuple. La vraie question qu’une majorité de nos concitoyens se posent est de savoir quelle politique mettre en œuvre au plan national et européen pour éviter que les marchés n’imposent leur loi aux États. Le retour à l’équilibre budgétaire qui sert en ce moment à justifier dans l’Europe entière les politiques de réduction des dépenses publiques n’est qu’un leurre. On ne sortira pas de la spirale actuelle en enfonçant les économies dans la récession. Rien n’oblige, à part les exigences drastiques des marchés financiers, à revenir en quelques années à l’équilibre alors que nous vivons dans des situations de déficit depuis des dizaines d’années ! La sagesse commande au contraire de réviser ce calendrier, de se doter d’un plan à court terme pour réduire le déficit public, d’étaler le redressement et de le construire sur des bases saines. L’enjeu est de faire reposer ce redressement sur la croissance, l’investissement et l’emploi.

Vous avez dévoilé, monsieur le Premier ministre, quelques-unes des lignes directrices de votre future politique de rééquilibrage fiscal. Le relèvement de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, le rétablissement du barème de l’ISF, la disparition du dispositif d’exonération des charges sociales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de plus de vingt salariés, l’imposition des revenus du capital au même niveau que ceux du travail, l’instauration d’une taxe de 3 % sur les dividendes distribués aux actionnaires, autant de mesures qui vont dans le bon sens, comme la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.

Mais il est essentiel d’engager une réforme encore plus profonde et globale de la fiscalité, afin de la rendre plus redistributrice, plus juste et plus efficace économiquement. Nous devons renverser la logique actuelle, rétablir la progressivité de l’impôt sur le revenu par une refonte du barème, réduire l’influence des impôts proportionnels comme la TVA, impôt injuste par excellence, supprimer la TVA sur les produits de première nécessité, faire cesser ce scandale qui veut que 80 % des revenus du capital échappent aujourd’hui à l’impôt sur le revenu.

Nous nous réjouissons de l’annonce de la suppression de la TVA dite sociale, qui n’avait d’autre but que de permettre aux entreprises de se défausser de leur part de la solidarité nationale. Mais en ce domaine aussi, nous devons être porteurs d’une autre ambition. Les allègements de cotisations sociales atteignent aujourd’hui 30 milliards. La Cour des comptes estime que les trois quarts de ces allégements ne bénéficient pas à l’emploi. Nous devons en tirer les conséquences. Ce qui coûte à l’économie, ce qui plombe les comptes sociaux, ce n’est pas le coût du travail, c’est la part croissante de la richesse produite versée en intérêts et dividendes.

M. Jean-Jacques Candelier. Tout à fait !

M. André Chassaigne. En quinze ans, la part des dividendes dans la valeur ajoutée des entreprises est passée de 24 à 36 %. C’est la preuve qu’existe en France non pas un problème de coûts salariaux, mais un problème de coûts financiers. Comme le rappelait récemment l’économiste Jean-Marie Harribey, un sixième de la rémunération du capital suffirait aujourd’hui à couvrir les besoins de financement de la sécurité sociale !

Pour redresser nos comptes publics et sociaux, l’exigence est de mettre un terme à cette confiscation de la richesse nationale. Pourquoi ne pas moduler l’impôt des entreprises selon qu’elles investissent et créent des emplois ou bien versent des dividendes ? Pourquoi ne pas plafonner les salaires des dirigeants d’entreprises comme des opérateurs de marché ? Il ne s’agit pas simplement de moraliser le capitalisme, mais aussi de promouvoir une autre répartition des richesses entre capital et travail.

Nous avons conscience que la mise en œuvre d’une fiscalité plus juste et plus efficace ne suffira pas à résorber le déficit. Mais nous ne croyons pas aux vertus de la baisse des dépenses. Dans votre lettre de cadrage aux ministres, monsieur le Premier ministre, vous recommandez de stabiliser en valeur les dépenses de personnel. La Cour des comptes recommande, quant à elle, de faire reposer cette stabilité sur la réduction de 30 000 postes et sur le gel du point d’indice. Je le dis tranquillement : après l’annonce d’une hausse minimaliste du SMIC, c’est une seconde très mauvaise nouvelle. Comment en effet prétendre relancer la croissance en en éteignant tous les moteurs possibles ? Où sont les perspectives, sans hausse des salaires, sans investissement public, sans mobilisation du crédit bancaire, sans relance de l’emploi industriel ?

À l’instar des économistes Paul Krugman et Richard Layard, qui ont publié dans le Financial Times un manifeste pour le « retour à la raison économique », nous pensons que d’autres choix sont possibles. Renégocier, nous l’avons dit, le pacte budgétaire européen, remettre la main sur les leviers du secteur bancaire par la création d’un pôle public bancaire et financier pour mobiliser l’argent nécessaire, engager une réforme fiscale très profonde.

Face à la multiplication des plans sociaux – ne serait-ce que PSA, 10 000 emplois directs et indirects ! – face à l’érosion continue du pouvoir d’achat des Français, face à la détresse et aux espoirs de millions de nos concitoyens, nous ne pouvons nous satisfaire de demi-mesures. Vous ne pouvez pas prendre le risque de la rigueur, car ce n’est pas en recyclant les politiques conduites par nos adversaires que nous sortirons le pays de l’ornière.

J’évoquais à l’instant le SMIC. Permettez-moi de formuler des vœux à quelques jours de la conférence sociale. Nous souhaitons que le Gouvernement ne ferme pas la porte aux revendications exprimées par les partenaires sociaux. Que cette conférence ne se résume pas à l’élaboration d’un simple agenda social, mais débouche très rapidement sur des engagements concrets, notamment en matière de réduction des inégalités.

La première des exigences, d’ordre constitutionnel, est de rendre effective l’égalité salariale entre hommes et femmes – vous en avez parlé, monsieur le Premier ministre. Une autre porte sur le SMIC, et avec lui l’ensemble des rémunérations – vous êtes un peu plus discret sur ce point. Après plus d’une décennie de stagnation et de recul du pouvoir d’achat, il est temps de nous attaquer au mode de revalorisation des revenus du travail. Il est temps de pénaliser les entreprises qui privilégient l’emploi précaire à l’origine du développement de la pauvreté laborieuse, et d’interdire les licenciements boursiers et la rupture conventionnelle. Il est temps d’augmenter des minima sociaux et de proroger les droits des chômeurs en fin de droits. Et il est temps de revenir à la retraite à 60 ans pour tous !

Sur le terrain social, les chantiers, on le voit, sont nombreux. Il en est de même sur le terrain de la protection sociale. Il nous faut ainsi avancer sur la question, de plus en plus préoccupante, des inégalités d’accès aux soins dans toute sa diversité : désertification médicale, taux de remboursement, suppression des franchises médicales, interdiction des dépassements d’honoraires...

Notre inquiétude porte également sur la mise en concurrence des territoires, qui s’est fortement accrue durant ces dix années de politiques libérales. La RGPP menace les emplois et les budgets de nos collectivités. Le gel des dotations, s’il devait se poursuivre, ne permettrait pas à nos territoires ruraux et quartiers populaires de relever la tête. Dix années de démantèlement des services publics locaux ont accentué les disparités en matière de transport, de logement, d’emploi, d’accès aux soins. Partout a été organisé le recul de la République pour laisser la place au marché et donc aux profits.

Pour faire vivre nos territoires et enclencher une nouvelle dynamique, la suppression du conseiller territorial, si elle est indispensable, ne saurait suffire. C’est la relocalisation de la production et de l’investissement public qui viendra à bout des crises qui touchent nos agriculteurs comme notre industrie, nos quartiers comme nos villages. Sur ce chantier, des convergences sont possibles pour les différentes composantes de la majorité de gauche. Les députés que je représente entendent promouvoir une ligne d’audace et de volontarisme.

Parmi ces combats que nous pouvons mener de front, dans la diversité de nos objectifs et de nos ambitions, d’autres propositions communes sont apparues au cours de ces derniers mois. Je voudrais d’abord citer la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, promise par la garde des sceaux et très attendue par les magistrats. La suppression du mot « race » de notre Constitution, que nous demandons depuis la XIIe législature, peut être concrétisée rapidement, tout comme l’ouverture du mariage à tous les couples ou encore celle du droit de vote aux étrangers.

En développant nos priorités avec une approche que nous voulons dynamique au cœur de la gauche, nous nous posons en constructeurs du changement tant attendu, en force de proposition. Parce que nous voulons que la gauche réussisse – nous le voulons vraiment ! Avec des résultats concrets qui puissent changer la vie du plus grand nombre.

Mais nous craignons vraiment que vos orientations, monsieur le Premier ministre, ne conduisent à l’opposé du résultat escompté. Nous le craignons d’autant plus que vous ne desserrez pas l’étau de la contrainte extérieure.

Voilà pourquoi les députés Front de gauche s’abstiendront aujourd’hui sur ce vote de confiance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Quant aux députés d’outre-mer qui constituent avec nous le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, ils assumeront leur pleine liberté de vote, en toute autonomie, comme c’est la règle dans notre groupe parlementaire. Aucun d’eux ne mêlera sa voix à celle de la droite, attachés qu’ils sont tous les cinq à la réussite du changement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Car réussir le changement n’est-il pas une volonté partagée de tous les vrais progressistes de cette assemblée ?

(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le Premier ministre, nous accueillons avec confiance votre gouvernement, d’une part parce qu’il applique les engagements pris devant le suffrage universel, d’autre part parce qu’il est dirigé par vous, dont nous connaissons la loyauté, la sincérité et l’attachement aux droits de l’Assemblée nationale, où vous avez longtemps exercé une fonction éminente en grand parlementaire. Toutefois, notre groupe sera particulièrement vigilant sur la poursuite de quatre objectifs : assurer le redressement, établir une société de justice, respecter le pluralisme politique et enfin restaurer les valeurs républicaines.

Première nécessité, donc : assurer le redressement de notre pays. Vous arrivez au pouvoir dans un contexte économique et financier particulièrement difficile, avec une croissance très ralentie, une progression massive du chômage, qui atteint près de 10 % de la population active, un déficit public très élevé et enfin une flambée de la dette publique, qui atteint aujourd’hui 1 789 milliards, soit près de 90 % du produit intérieur brut. Son remboursement est devenu le premier poste budgétaire, ce qui limite fortement la marge de manœuvre de l’action publique. Un pays qui perd ainsi la maîtrise de ses finances publiques risque de perdre la maîtrise de son destin.

Vous n’êtes à Matignon que depuis quelques semaines. Ce bilan n’est donc évidemment pas le vôtre. Il tient essentiellement à la gestion des équipes précédentes, même si l’on ne peut omettre par ailleurs les effets de la crise internationale. Ce passif appelle évidemment une politique d’efforts qui soient équitablement répartis. Comme vous le savez, notre groupe rassemble les députés radicaux de gauche et des députés issus de formations proches. Pierre Mendès France, président du Conseil radical, le soulignait ici même dans sa déclaration d’investiture en juin 1954 : une politique active de progrès économique et social est inséparable d’une politique de rigueur financière. Fidèles à cette tradition, nous soutiendrons donc une politique de redressement qui s’inscrive dans le cadre de la justice.

À cet égard, la réduction des dépenses de l’État est prioritaire, particulièrement celle des dépenses de fonctionnement des ministères et des organismes parallèles. Depuis plusieurs années, en effet, l’appareil d’État a vu s’accumuler et s’empiler les conseils, les comités, les délégations de toute sorte, dont l’utilité est parfois douteuse mais dont le coût de fonctionnement est toujours certain. Je pense notamment aux autorités administratives indépendantes, qui ont proliféré, dont le nombre s’est accru de façon immodérée. Elles sont au nombre de trente-huit, mais toutes sont-elles vraiment nécessaires ? Est-il indispensable, par exemple, qu’il existe un médiateur du cinéma ou une autorité de régulation des jeux en ligne ? Certains de ces conseils ou de ces autorités, qui sont en fait des démembrements de l’État, pourraient sans doute être supprimés sans préjudice pour celui-ci. Leurs compétences seraient alors retransférées au ministère ou aux commissions et organismes parlementaires, avec une efficacité au moins égale et une légitimité nettement accrue puisque ces instances procèdent, elles, du suffrage universel. D’une manière générale, il serait utile d’instituer, comme cela avait été fait autrefois, une sorte de « comité de la hache » pour réorganiser l’administration et y supprimer les structures éventuellement superflues, pour tailler avec détermination dans les dépenses inutiles qui grèvent le budget de l’État.

Outre la réduction des dépenses, des mesures fiscales sont elles aussi nécessaires pour contribuer à combler le déficit public. Naturellement, nous demandons qu’elles ne touchent ni les classes populaires, ni les classes moyennes, qui connaissent une situation de plus en plus difficile et voient leur pouvoir d’achat se dégrader depuis plusieurs années.

Le deuxième impératif sur lequel notre groupe insiste est, en effet, d’établir une société de justice. Depuis dix ans, spécialement depuis l’année 2007, la France tend à devenir une société d’inégalités qui dispense ses faveurs aux plus fortunés et réserve ses rigueurs aux autres, aux catégories modestes. Dans ces conditions, nous allions vers une France coupée en deux, vers la division progressive de notre pays en deux France : une France dotée et une France défavorisée, parfois en proie à de graves difficultés.

En première ligne de ces défavorisés – vous en avez parlé, bien sûr, monsieur le Premier ministre –, figurent évidemment les personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté. Notre pays, pourtant la cinquième puissance économique mondiale par son PIB, compte 8,2 millions de pauvres. La population métropolitaine compte 13,5 % de pauvres, et la situation est encore plus grave dans les outre-mer. Même si, budgétairement, il ne peut exister d’affectation des recettes aux dépenses, il serait très nécessaire que le produit du relèvement de la fiscalité sur les hauts revenus et sur les grandes fortunes fût affecté par priorité à l’amélioration de la condition de ces personnes pauvres, notamment par un relèvement de ces minima sociaux ; cela s’appelle la solidarité.

Autre catégorie, certes moins démunie, qui devrait bénéficier d’un effort accru : les 2,6 millions de salariés payés au SMIC. Aucun coup de pouce n’a été donné au SMIC pendant le quinquennat précédent. Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, a en revanche décidé d’en donner un en l’augmentant de 2 % le 1er juillet. C’est un premier progrès, mais un premier progrès limité, trop limité, car, hors inflation, l’augmentation réelle n’est que de 0,6 %. Ce coup de pouce ressemble donc à une sorte de pichenette, qui n’améliorera guère le quotidien des travailleurs concernés.

Certes, on ne peut méconnaître la situation économique des entreprises, surtout des PME, où travaillent 75 % des salariés payés au SMIC, mais nous souhaitons qu’il puisse en être différemment à l’avenir.

Enfin, une société de justice doit aussi garantir à chacun le droit à la santé et assurer l’égal accès de tous aux soins. Or, aujourd’hui, avec les franchises, le déremboursement des médicaments, la taxation des complémentaires santé et les dépassements d’honoraires, un Français sur quatre renonce à se soigner ou tarde à le faire pour des raisons financières. Nous vous demandons donc, en particulier, de soutenir l’hôpital public, qui connaît de graves difficultés, notamment en zone rurale.

Troisième point, auquel notre groupe sera attentif : le respect du pluralisme politique, en particulier dans notre assemblée, conformément à son règlement de 2009. La gauche française a toujours été une gauche pluraliste. Elle a toujours comporté plusieurs formations, dont chacune a son histoire, sa tradition particulières, son identité spécifique. Elle n’a jamais été une gauche monolithique, monocolore ou monocorde, qui aurait été incarnée par un seul parti. On ne peut donc envisager de faire passer le rouleau compresseur de l’uniformité sur ses diverses composantes. Mieux vaut au contraire reconnaître l’exercice du droit à la différence à l’intérieur de la majorité, celle-ci étant évidemment solidaire sur les grands choix.

En effet, ce pluralisme n’empêche nullement le partenariat entre partis de gauche. Au contraire, il l’enrichit en permettant de véritables dialogues, de vraies discussions en amont, bref, un débat préalable à la prise de décisions communes. C’est d’ailleurs comme cela qu’a fonctionné l’Assemblée nationale avec la gauche plurielle, de 1997 à 2002.

La présente législature compte aujourd’hui quatre groupes de gauche, au lieu de trois au cours de la législature dont je viens de parler. Cela fait, avec les groupes de l’opposition, un total de six groupes. Faut-il s’en alarmer ? Je ne le pense pas. D’abord, notre assemblée a déjà compté six groupes, dans les législatures issues des scrutins de 1962 et de 1976. Par ailleurs, elle en a compté cinq après les élections législatives de 1968, 1988 et 1997. Cela n’a nullement empêché son bon fonctionnement.

Ensuite, et surtout, le pluralisme ne peut pas être considéré comme une anomalie ou une déviance. En fait, cette diversité est un atout, parce qu’elle favorise les occasions de dialogue et de débat au sein de la majorité, pour parvenir ensemble aux meilleures décisions possibles, et je suis sensible aux propos que le président du groupe socialiste a bien voulu tenir tout à l’heure au sujet du respect des groupes dits minoritaires par la Constitution.

Dernier impératif sur lequel notre groupe veut insister : restaurer les valeurs républicaines dans notre société.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. En effet, la République n’est pas seulement un agencement d’institutions, c’est aussi un système de valeurs forgé au cours de notre histoire. Or, aujourd’hui, ces valeurs sont parfois oubliées ou contestées. Ces dernières années et les récentes campagnes électorales ont vu ressurgir chez certains des discours et des attitudes contraires à l’éthique républicaine : le recours au préjugé, le choix de l’intolérance, le rejet de l’autre, la stigmatisation de telle ou telle minorité, comme les Roms, la critique implicite de tel ou tel culte, la mise en cause des immigrés, voire des Français issus de l’immigration, présentés comme susceptibles de mettre en péril l’identité nationale. Faudrait-il, à ce compte, bannir des livres d’histoire Gambetta et Zola, fils d’immigrés italiens ? Faudrait-il aussi retirer des musées les tableaux de Modigliani, Chagall et Picasso, tous nés à l’étranger ? Faudrait-il, enfin, extraire des bibliothèques, les livres de Nathalie Sarraute venue de Russie et les travaux de Marie Curie originaire de Pologne. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.) En fait, ils sont nombreux, ceux qui venus d’ailleurs, ont contribué à écrire l’histoire de la France, à illustrer sa culture et à conforter son identité. Chacun doit être considéré avec respect, avec tolérance. Nous croyons fondamentalement à l’égale dignité des êtres humains, et nous refusons qu’ils soient traités différemment selon leur origine, leur couleur ou leur confession.

Autre valeur républicaine à préserver et aussi à promouvoir, face aux dogmatismes et aux intégrismes de tous bords, qui voudraient imposer leur loi particulière : la laïcité. Dès son article premier, notre Constitution définit la France comme une république laïque. Notre pays respecte toutes les croyances, il garantit le libre exercice des cultes, mais il n’en reconnaît aucun. Cette neutralité de l’État à l’égard des religions est consacrée par la loi de séparation de 1905, dont il importe aussi d’inscrire les principes fondamentaux dans notre Constitution. Ces règles permettent à tous de vivre ensemble, par-delà les appartenances ou les différences confessionnelles, qui ne doivent concerner que la sphère privée.

De Jules Ferry à Jean Zay, les radicaux ont toujours été fondamentalement attachés à l’école publique et laïque, qui remplit une mission essentielle : accueillir sur les mêmes bancs tous les élèves, quelles que soient leur origine, leur confession, leur condition. Elle est par excellence l’école de tous, sans distinction ni différence, celle qui assure l’apprentissage en commun de la vie commune. Cette école est le creuset même de la France républicaine. Elle est l’un des principaux facteurs de l’intégration et de l’unité nationale. Je tiens à rendre hommage aux maîtres, aux enseignants de la République, qui contribuent chaque jour à maintenir et à conforter la cohésion de notre pays.

Monsieur le Premier ministre, vous avez devant vous une tâche considérable : redresser les comptes publics, relancer l’économie, assurer le progrès social et aussi rassembler la Nation. La période précédente a souvent été marquée par le recours au clivage, par la stratégie de la tension, par la tentation de dresser les uns contre les autres. Pourtant, le rôle d’un homme d’État, c’est de rechercher non pas le conflit mais le consensus, non pas la division mais le rassemblement, c’est de construire une société apaisée, une société de concorde, qui soit main tendue et espoir partagé. Nous vous faisons confiance pour cela aussi, pour bâtir une France plus humaine et plus juste, qui soit réellement attentive à chacune et à chacun. Nous agirons donc avec vous, à vos côtés, pour parvenir à cette fin, pour que la République redevienne elle-même, fidèle à ses valeurs, pour qu’elle retrouve ses racines, ses traditions, pour qu’elle exprime de nouveau son message véritable, un message qui s’identifie à ces quelques mots, très simples mais très nécessaires : respect, justice, fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Besse, au titre des députés non inscrits.

Mme Véronique Besse. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, jamais dans l’histoire de la Ve République, le contexte économique et social n’aura été aussi délabré. Les Français sont inquiets, ils n’ont plus confiance en l’avenir, le libre-échangisme mondial détruit nos emplois, l’Europe ne protège pas et l’euro, comme nous le disons depuis quinze ans, ruine notre économie.

Aujourd’hui, la France cherche un nouveau souffle. Il y a deux semaines, les Français se sont exprimés. Ils attendent de leurs dirigeants, de leurs représentants, qu’ils remettent enfin en cause les dogmes de la monnaie unique et du libre-échangisme mondial, qu’ils aient le courage de redresser les finances, qu’ils assurent la compétitivité de nos entreprises et qu’ils maintiennent le principe de la solidarité nationale. Or, monsieur le Premier ministre, qu’avez-vous à proposer ? Un double coup d’accélérateur vers le déclin. Premier coup d’accélérateur, vous voulez déposséder le peuple de son pouvoir de décision. L’Assemblée nationale représente le peuple français. L’Assemblée nationale, c’est le cœur battant de notre démocratie.

Nos concitoyens nous font confiance. Ils attendent que nos décisions soient conformes au bien de notre pays. Les Français veulent relever la tête et retrouver confiance en l’avenir.

Pour cela, l’Assemblée nationale ne doit pas être une chambre d’enregistrement des décisions de Bruxelles.

Or, que proposez-vous à travers votre pacte budgétaire ? D’arracher aux représentants du peuple un de leurs derniers pouvoirs pour le remettre à des technocrates non élus. Vous détruisez notre capacité à reprendre notre destin en main.

Deuxième coup d’accélérateur, vous programmez la déstructuration de notre société.

Il vous restera la démagogie et le clientélisme, qui vous permettront d’asseoir, pour un temps, tous vos pouvoirs. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Vous allez faire le jeu du communautarisme, en répondant à des intérêts particuliers et clairement ciblés, au détriment de l’intérêt national. Une petite loi pour la communauté homosexuelle, en dénaturant l’institution du mariage et en promettant un droit à l’enfant, mettant aux oubliettes l’intérêt des enfants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Jacques Bompard et Mme Marion Maréchal-Le Pen. Très bien !

Mme Véronique Besse. Une petite loi pour les étrangers, en promettant le droit de vote, et en sacrifiant la citoyenneté française au profit d’un nouvel électorat potentiel. (Mêmes mouvements.)

Une petite loi pour le lobby de l’euthanasie, en proposant la mort aux plus fragiles plutôt que la solidarité et le développement des soins palliatifs. (Mêmes mouvements.)

Des garanties aux fonctionnaires, en promettant qu’il n’y aura pas de baisse des effectifs.

Et enfin, une mesure qui est, certes, symbolique : l’augmentation du SMIC. Il reste à savoir ce que vous prévoyez pour garantir la compétitivité de nos entreprises, et la pérennité de leurs emplois. En réalité, vous préparez la déstructuration de notre société à grand renfort de promesses et de vieilles lunes.

Où est l’intérêt général ? Que faites-vous des valeurs fondamentales de notre pays ? (Mêmes mouvements.)

La société que vous proposez, c’est une société pulvérisée, éclatée et impuissante. Les Français seront isolés les uns des autres, ils ne partageront plus rien : aucun avenir commun ne leur est proposé.

Pire, toutes les valeurs fondamentales de notre société sont menacées : la famille, la liberté d’entreprendre, la responsabilité, la solidarité, ainsi que la nation elle-même, fractionnée en petites communautés d’intérêts.

Cette politique est déraisonnable. Vous proposez de déposséder la France par le haut, de fractionner notre société, de faire peser le coût de vos propositions sur le dos des Français et des générations futures.

Vous comprendrez, monsieur le Premier ministre, que le Mouvement pour la France, que je représente, ainsi que nos amis souverainistes et les parlementaires attachés aux valeurs fondamentales de la France, ne puisse voter la confiance à votre gouvernement.

Nous ne participerons pas à cette débâcle. Vous avez aujourd’hui tous les pouvoirs, vous serez tenus pour responsables devant l’Histoire et devant le peuple français du désastre auquel vous nous conduisez.

Vous nous trouverez sur votre chemin pour vous rappeler, sans cesse, ce que doit être le rôle d’un gouvernement français : protéger la liberté du peuple, et lui garantir la maîtrise de son destin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Jacques Bompard et Mme Marion Maréchal-Le Pen. Très bien !

M. Arnaud Leroy. Respecter la démocratie, c’est la loi de la majorité !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Merci, monsieur le président.

Je ne veux pas être trop long, car vous avez été très nombreux à vous exprimer, et j’ai moi-même pris un peu de temps... Je voudrais cependant prendre celui de répondre aux différentes interventions, puisque l’Assemblée nationale est le lieu du débat entre la majorité et l’opposition, ainsi qu’entre les divers groupes qui composent la majorité aussi bien que l’opposition.

La moindre des choses est que je remercie tous les présidents de groupe qui se sont exprimés, en commençant, bien entendu, par les présidents des groupes de la majorité (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP), mais sans oublier les autres, qui ont pris la peine d’essayer d’argumenter pour développer leurs points de vue. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Je voudrais dire, en quelques mots, à M. Jacob qu’il ne sert à rien de répéter en boucle des contrevérités. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Antoine Herth. C’est ce que vous avez fait pendant cinq ans !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mon cher ancien collègue président, nous avons eu, dans le passé, des joutes oratoires, mais je voudrais vous dire une chose aujourd’hui : la confrontation des opinions politiques ne doit pas conduire, même si nous avons de profonds désaccords, à répéter des contrevérités qui sont des mensonges, comme le font tous les orateurs de l’UMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je citerai un seul de ces mensonges, pour ne pas être trop long : vous dites que le gouvernement à peine installé a déjà engagé 20 milliards d’euros de dépenses. Eh bien, je vous réponds : en disant cela, vous cherchez à tromper les Français ! (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Les trois grandes priorités annoncées pendant la campagne, c’est-à-dire la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire, la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler avant vingt ans et les mesures d’urgence dans l’enseignement, représentent 800 millions d’euros, et sont financées sans dégrader les comptes publics. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C’est la vérité. Dire la vérité, c’est ma politique et c’est ma ligne de conduite. Quand des contrevérités seront affirmées et répétées, il sera de mon devoir de les dénoncer. (Mêmes mouvements.)

J’aurais pu rappeler, tout à l’heure, qu’il y a exactement cinq ans, l’ancienne majorité – devenue, depuis, l’opposition : c’est la démocratie – avait fait voter avant toute concertation, dès le 1er août, la fameuse loi TEPA qui, en cinq ans, a coûté 20 milliards d’euros aux contribuables et dont nous devons encore continuer à payer le coût. (Mêmes mouvements.)

Pour le reste, monsieur le président Jacob, il me sera difficile de vous répondre, tant vous avez continué sur la même ligne, au point que je me suis même demandé, un peu comme pour M. Borloo, si vous m’aviez vraiment écouté. Il est vrai qu’il y avait alors un tel brouhaha venant de votre côté que je ne vous en veux pas… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous dis simplement qu’il ne vous suffira pas de vociférer pour retrouver la confiance des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Quant à vous, monsieur le président Borloo, je voudrais vous dire que j’avais par moments le sentiment que vous faisiez preuve de bonne volonté. Vous vous dites prêt au dialogue : je vous prends au mot. Mais – peut-être faut-il aussi mettre cela sur le compte du bruit – j’ai l’impression que vous ne m’avez entendu parler ni de la transition énergétique, ni de l’économie verte, dont j’ai pourtant dit qu’elle était est un facteur de croissance.

J’ai également l’impression que vous ne m’avez pas écouté lorsque j’ai dit que notre ambition était la réindustralisation de la France. En dix ans, nous sommes passés d’une proportion d’emplois industriels de 23% à 13% aujourd’hui. Nous avons perdu 750 000 emplois dans l’industrie, c’est dire – mais j’ai cru comprendre, monsieur Borloo, que vous étiez ouvert sur ce point – l’ampleur de ce qu’il faut faire pour le redressement d’une ambition industrielle pour la France. C’est notre priorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Je suis conscient qu’il y a des situations d’urgence, des plans sociaux qui, comme je l’ai dit tout à l’heure, ont été retardés. J’ai là une petite liste d’entreprises concernées, qui comprend Air France, Bouygues Telecom et, vous l’avez dit, PSA, dont la situation est très préoccupante, mais aussi le groupe Doux, la SNCM, Rio Tinto, Heuliez : ce sont des milliers d’emplois qui sont menacés.

M. Jean-Luc Reitzer. On n’y est pour rien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je ne dis pas que vous en soyez responsables (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), je dis que c’est une réalité dont nous n’avons pas la responsabilité, puisque nous venons d’arriver au gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Nous nous battons pour réduire au maximum les effets économiques et sociaux de ce qui est engagé là. Mais, au-delà de l’urgence, par la mise en place de commissaires à la réindustrialisation auprès de chaque préfet de région, par ce que nous voulons faire pour les grands groupes, par ce que nous voulons faire pour les PME, ce n’est pas seulement une attitude de défense que nous entendons adopter, mais une stratégie offensive de redressement industriel. La Banque publique d’investissement et les régions nous permettront de repartir de l’avant. (Mêmes mouvements.)

Nous aurons besoin pour cela du concours du tous. C’est le sens de l’appel que j’ai lancé. Je n’ai pas la prétention de vouloir que l’opposition rejoigne la majorité : je respecte la diversité du vote des Français. Mais je souhaite et j’espère que, concernant un certain nombre de politiques publiques prioritaires, l’appel à la mobilisation que j’ai lancé aux Françaises et aux Français, à toutes les forces de la société, trouvera aussi un écho à l’Assemblée nationale. Ces forces de la société : les chefs d’entreprise, les représentants des syndicats, les collectivités territoriales, les représentants de l’Université, des grandes écoles, des laboratoires de recherche, les associations, les citoyens tout simplement, veulent se mobiliser, partout elles me l’ont dit. L’Assemblée nationale doit participer elle aussi à cette nécessaire mobilisation pour le redressement de la France. (Mêmes mouvements.)

Je terminerai par M. Le Roux, si vous le permettez, alors qu’il était le premier. Les premiers seront les derniers (Sourires), mais l’espace d’un instant, car je mesure bien le poids, la richesse, et la force du groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je féliciterai d’abord Roger-Gérard Schwartzenberg, président du nouveau groupe RRDP. Il faut que je m’habitue moi aussi, puisque désormais la majorité s’étend assez loin du côté droit de l’hémicycle, alors qu’avant c’était l’inverse ! Les choses ont changé, là aussi ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Au-delà de la boutade, monsieur le président Schwartzenberg, j’ai bien relevé l’intérêt que vous portez au pluralisme de la majorité, ainsi que votre attachement à la sensibilité radicale que vous représentez, aux valeurs de la République et à ces grands principes que j’ai en partage avec vous. Mais je crois qu’il n’est pas concevable que le dialogue avec l’ensemble des groupes parlementaires de la majorité, comme de l’opposition, se fasse sans qu’une attention toute particulière soit portée à la diversité des propositions qui émaneront de tous les groupes parlementaires. Je sais par ailleurs que, au-delà de votre originalité, vous êtes aux côtés du gouvernement : vous l’avez dit tout à l’heure. Je sais que vous faites partie à part entière de la majorité, et que je pourrai compter sur vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Quant au président de Rugy, je le remercie aussi pour la détermination dont témoigne l’intervention qu’il a faite au nom de son groupe. C’est la première fois qu’il existe un groupe écologiste à l’Assemblée nationale, et ce groupe a, de surcroît, deux co-présidents : un président et une présidente, que je félicite l’un et l’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Merci, monsieur de Rugy, de votre soutien, en particulier sur les grands chantiers du redressement économique dans la justice, de la transition écologique, de la biodiversité, mais aussi sur le chantier, aussi difficile que nécessaire, de la réforme fiscale. Je sais que je pourrai compter aussi sur l’originalité de vos propositions et sur votre solidarité.

Je m’adresse maintenant à la représentante du Mouvement pour la France. Je voudrais vous dire, madame Besse, puisque vous avez évoqué l’atteinte qui serait portée, selon vous, par la nouvelle majorité et le gouvernement aux valeurs fondamentales de notre société, que pour nous ces valeurs fondamentales sont les valeurs républicaines, et qu’au cœur de ces valeurs républicaines il y a la justice et l’égalité ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Monsieur le président Chassaigne, j’ai écouté avec beaucoup d’attention l’intervention que vous avez faite au nom du groupe GDR. Vous avez exprimé quelques désaccords, en tout cas des inquiétudes, ainsi que des nuances par rapport aux autres groupes de la gauche : j’ai noté avec beaucoup d’intérêt les points que vous avez soulevés.

Je voudrais notamment vous rassurer sur un point. Concernant la négociation salariale, vous avez dit que le coup de pouce au SMIC, qui est de la responsabilité du Gouvernement, vous paraissait insuffisant.

Dans la situation économique qui est la nôtre, nous avons pris nos responsabilités. Vous pouvez être en désaccord, mais je voudrais tout de même vous dire que cette décision s’applique à partir du 1er juillet. Or, si nous avions simplement respecté la règle, nous aurions attendu le 1er janvier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pour un salarié payé au SMIC, cela représente 130 euros supplémentaires dès le 1er juillet (Exclamations sur les mêmes bancs) et le double pour un couple au SMIC. De plus, la plupart de ceux qui sont payés au SMIC sont concernés par l’allocation de rentrée scolaire. Donc, pour un couple au SMIC avec deux enfants, c’est 500 euros de plus depuis le 1er juillet pour la rentrée scolaire. Je tenais simplement à rappeler ce geste de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mais vous avez aussi noté, à juste titre, que la question des salaires ne se limitait pas au SMIC. La conférence sociale, que j’ai évoquée sans la développer, conférence à laquelle, je le sais, toutes les organisations syndicales de salariés sont sensibles, ne se limitera pas, dans les discussions, à la question du SMIC. Il y a la question des minima conventionnels dans les branches, celle de la grille des salaires et également celle de l’évolution salariale au cours de la carrière d’un salarié. Combien y a-t-il eu de témoignages de salariés payés au SMIC qui, encore ces derniers jours, au moment de la décision, ont expliqué dans les médias que leur drame était de rester toute leur vie au SMIC ? Comme je l’ai précisé, la conférence sociale a justement pour objectif qu’en matière de négociation entre partenaires sociaux, ce soit aussi donnant-donnant et qu’il y ait la recherche d’un compromis équilibré. Des efforts sont demandés pour redresser l’économie, mais les salariés doivent aussi y trouver leur part. Je compte sur le dialogue et sur la négociation sociale pour que, dans notre pays, les choses avancent concrètement ; et c’est vrai pour l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. C’est, en tout cas, le souhait du Gouvernement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Lors de votre intervention, vous avez fait part de votre inquiétude s’agissant des contraintes, que vous avez interprétées comme telles, de nos engagements européens.

Plusieurs députés du groupe UMP. Nous encore plus !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mais, en tout cas telle est la position du Gouvernement, il n’est pas question de nous lancer dans une fuite en avant qui pourrait laisser penser que la sortie de l’euro serait la solution à nos difficultés. Ce n’est certes pas ce que vous avez dit, mais je voudrais vous mettre en garde sur ce point et surtout vous rassurer. Le Président de la République s’est engagé à redresser le pays dans la justice et à contribuer à la réorientation de l’Europe, laquelle est en marche depuis le Conseil européen des 28 et 29 juin derniers. Elle a permis de faire bouger fortement les choses dans le sens de la croissance.

M. Guy Geoffroy. Il est bien le seul à y croire !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. L’adoption de la taxe sur les transactions financières, l’intervention du mécanisme européen de stabilité avec l’appui de la Banque centrale ont été une bataille depuis longtemps. Avons-nous tout obtenu ? Non ! Mais nous avons fait bouger les choses dans le sens de ce que nous avons souhaité, dans le sens des engagements que nous avons pris avec le Président de la République devant les Français ! Aujourd’hui, c’est fort de ce résultat que je reviendrai présenter l’ensemble des dispositions à la représentation nationale. Je vous dirai que le Président de la République ne s’est pas engagé sur la règle d’or, mais simplement sur l’objectif d’un retour à l’équilibre à l’horizon 2017, c’est-à-dire à la fin du quinquennat. Tel est le sens du traité budgétaire accompagnant l’ensemble des dispositions relatives à la croissance que j’ai évoquées quand j’ai parlé des mécanismes financiers. Cela commence par la loi de finances rectificative qui permettra de réduire notre déficit à 4,5 % du PIB cette année et à 3 % en 2013. Tel est notre engagement, que je soumettrai à l’Assemblée nationale et au Sénat. Je le ferai avec la détermination de ne pas nous limiter à la maîtrise des comptes publics.

Il est nécessaire de limiter les comptes publics. Personne, ici, ne peut revendiquer la fuite en avant d’une dette qui se creuserait. Elle atteint déjà 90 % de notre PIB. Sera-t-elle, demain, à 100, à 120 ou à 130 %, ce qui porterait atteinte à notre souveraineté nationale et nous mettrait entre les mains des marchés financiers ? Qui veut, ici, cette dépendance ? Je sais que ce n’est ni votre choix ni celui de votre groupe, monsieur Chassaigne. Nous devons donc nous battre en même temps pour le redressement productif et pour la croissance.

Oui, la feuille de route qui est la mienne et celle de tout le Gouvernement, et je terminerai par là, c’est le redressement du pays dans la justice et la réorientation de l’Europe ! Cela passe par les grands chantiers : les réformes de structures que nous engageons tout de suite, sans attendre, la reconstruction de notre pacte productif. Mais c’est aussi la réforme de notre système éducatif. En effet, un pays ne peut pas réussir son avenir s’il ne forme pas sa jeunesse. Trop de choses ont été dégradées ! Il faut remonter la pente ! L’effort sera rude, mais c’est une priorité nationale que de redonner à l’école et à notre système scolaire sa mission de former la jeunesse ! Troisième grand chantier : la réforme fiscale qui est d’abord basée sur la justice, sur l’efficacité économique – j’ai donné quelques exemples, je pense notamment aux PME et à l’innovation – et qui s’appuie également sur l’exigence écologique. Autre grand chantier : celui de la réforme de l’État pour qu’il joue pleinement son rôle de garant de l’égalité des citoyens et de l’égalité des territoires. Le redressement ne se fera pas, dans notre pays, sans une grande avancée de la décentralisation, proche des Français, proche du terrain, proche de la réalité pour changer vraiment les choses et ne pas décevoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est ma feuille de route et celle du Gouvernement : c’est réussir pour la France !

Monsieur Le Roux, je vous remercie parce que vous avez dit avec force et aussi beaucoup de chaleur que le groupe socialiste, républicain et citoyen était engagé à fond non pas seulement pour faire réussir le Gouvernement. Je connais la grande richesse de votre groupe, profondément renouvelé, qui compte le plus grand nombre de femmes dans cet hémicycle et beaucoup de jeunes députés ; je sais que je peux compter sur vous ! Je sais que je peux compter sur votre solidarité et votre amitié. Alors, je vous remercie d’avance. En effet, ce que vous ferez, vous ne le ferez pas seulement pour le Gouvernement, mais pour que la France réussisse ! (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SRC et RRDP, sur de nombreux bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. le président. Le débat est clos.

Le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement, je vais donc mettre aux voix l’approbation de sa déclaration de politique générale.

Le vote se déroulera dans les salles voisines de la salle des séances.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée de quarante-cinq minutes. Il sera donc clos à dix-neuf heures cinquante.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin sur la déclaration de politique générale du Gouvernement.

Nombre de votants 544

Nombre de suffrages exprimés 527

Majorité absolue 264

L’Assemblée nationale a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP, ainsi que plusieurs députés du groupe GDR, se lèvent et applaudissent longuement.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, je tiens à remercier chacune et chacun d’entre vous pour la confiance que vous avez apportée au Gouvernement. Cette confiance, c’est la base de la réussite. Je ne peux pas, le Gouvernement ne peut pas avancer s’il ne peut pas disposer de la confiance de sa majorité. Vous l’avez exprimée avec force. Vous l’avez exprimée nettement. Maintenant, je l’ai dit, nous avons notre feuille de route. C’est ensemble que nous allons réussir. Alors, merci, et à bientôt, pour tous les projets que nous allons mettre en œuvre ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain mercredi 4 juillet à quinze heures :

Débat sur les résultats du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)