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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du vendredi 1er février 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Rappels au règlement

M. Hervé Mariton

M. Marc Le Fur

2. Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Discussion des articles

Article 1er

M. Christian Jacob

Mme Corinne Narassiguin

M. Hervé Mariton

M. Philippe Gosselin

Rappels au règlement

M. Olivier Dussopt

M. Noël Mamère

M. Marc Le Fur

M. Alain Tourret

Article 1er (suite)

M. Bernard Roman

M. Sébastien Pietrasanta

M. Jean-Christophe Fromantin

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Xavier Breton

Mme Anne Grommerch

Mme Valérie Pecresse

M. Alain Calmette

M. Matthias Fekl

Mme Sophie Dion

Suspension et reprise de la séance

M. Philippe Vitel

Mme Marie-George Buffet

Mme Fanny Dombre Coste

Mme Ericka Bareigts

M. Gérald Darmanin

M. Bernard Gérard

M. Jean-François Lamour

M. Guillaume Chevrollier

Mme Fanélie Carrey-Conte

Rappel au règlement

M. Hervé Mariton

M. Bernard Lesterlin

Article 1er (suite)

M. Philippe Bies

M. Pierre Lequiller

M. Luc Chatel

Rappels au règlement

M. Hervé Mariton

M. Bruno Le Roux

Suspension et reprise de la séance

Article 1er (suite)

M. Jean-Pierre Le Roch

M. Pierre-Alain Muet

M. Guénhaël Huet

M. Paul Salen

M. Serge Bardy

Mme Geneviève Gosselin

M. Olivier Marleix

M. Michel Terrot

M. Rémi Delatte

M. Charles de La Verpillière

M. Philippe Goujon

M. Jacques Myard

M. Marc Le Fur

M. Olivier Faure

M. Laurent Marcangeli

M. Édouard Fritch

Rappel au règlement

M. Hervé Mariton

Article 1er (suite)

Mme Nicole Ameline

M. Jean-Pierre Barbier

Mme Chantal Berthelot

M. Jacques Lamblin

Mme Marie-Françoise Clergeau

Mme Annie Genevard

M. Philippe Cochet

M. Patrick Hetzel

Mme Catherine Coutelle

M. Philippe Le Ray

Mme Marion Maréchal-Le Pen

Rappels au règlement

M. Christian Jacob

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Bruno Le Roux

M. Christian Jacob

M. Alain Tourret

Article 1er (suite)

M. Daniel Fasquelle

M. François de Mazières

M. Jean-Pierre Door

Mme Catherine Vautrin

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Rappels au règlement

M. Christian Jacob

M. Bruno Le Roux

M. Christian Jacob

Suspension et reprise de la séance

Article 1er (suite)

Mme Christiane Taubira,

Rappel au règlement

Mme Claude Greff

Article 1er (suite)

Amendement no 2

Rappels au règlement

M. Hervé Mariton

Mme Catherine Vautrin

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux

Article 1er (suite)

Amendements nos 56, 258, 291

3. Faits personnels

M. Hervé Mariton

M. Olivier Dussopt

M. Philippe Gosselin

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à« Hervé Mariton, pour un rappel au règlement j’imagine ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Je vous félicite pour votre prescience, monsieur le président !

Avant d’aborder des discussions bien sûr politiques mais également techniques relatives aux dispositions de l’article 1er, mon rappel au règlement vise justement à ce que nos débats soient pleinement éclairés sur ce que nous votons et sur les conséquences qui en découlent. Je fais allusion aux échanges que nous avons eu hier des échanges sur l’enjeu de la gestation pour autrui. Certes, le Gouvernement nous a alors rassurés lorsque des ministres ont dit ici, mais aussi à l’extérieur – Manuel Valls, en particulier –, qu’ils étaient opposés à la GPA. Mais, la nuit portant conseil, j’ai pu constater, en étudiant les déclarations de Mme Vallaud-Belkacem que sur son site elle s’exprimait en faveur de la gestation pour autrui. Or cette personnalité importante, ministre de la République, porte-parole du Gouvernement, n’est pas la seule dans ce cas. M. Vidalies, ministre des relations avec le Parlement, ce qui n’est pas rien, se déclare lui aussi pour la gestation pour autrui, de même que Mme Filippetti, ministre de la culture.

M. Jacques Myard. Cela s’appelle la cohérence gouvernementale !

M. Hervé Mariton. Si vous le souhaitez, madame la garde des sceaux, madame la ministre chargée de la famille, je peux vous transmettre tous éléments d’information à ce sujet.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Non, je ne le souhaite pas.

M. Hervé Mariton. Je n’ai pas eu le temps de vérifier plus avant, mais il se peut que d’autres ministres, au-delà de ces trois membres éminents du Gouvernement, se soient également déclarés pour.

Lorsque le Gouvernement nous dit qu’il est contre la gestation pour autrui, laquelle nous paraît pourtant risquer d’être la conséquence de l’article 1er dont nous démarrons l’examen, nous aimerions donc pouvoir le croire, mais telle n’est pas clairement pas la position de sa totalité : est-ce un quart ? La moitié ? les deux ministres qui sont au banc ? le Premier ministre pourrait venir s’exprimer sur ce sujet. Il serait important en effet que le Gouvernement nous redise sa position afin que notre assemblée puisse délibérer en étant éclairée des conséquences possibles de ce que la majorité souhaite voter.

M. Jean-Patrick Gille. Hors sujet !

M. Hervé Mariton. Tous les ministres, manifestement, n’ont pas la même position.

Mesdames les ministres, j’aimerais au moins que vous nous précisiez quelle est la part au sein du Gouvernement de ceux qui sont pour la GPA et de ceux qui sont contre, outre les trois ministres que j’ai cités. Mais vraiment, monsieur le président, vous pourriez convier le Premier ministre pour qu’il vienne préciser la position du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Patrick Gille. Fondé sur quel article ?

M. Marc Le Fur. Un élément majeur avait déjà été apporté au débat avant-hier par M. Mariton, je veux parler de la fameuse circulaire à laquelle il a fait allusion. Et voilà que l’on constate qu’un certain nombre de membres du Gouvernement adhèrent au principe de la gestation pour autrui ! Or, il faut savoir que, dans le même temps, un certain nombre de gens s’élèvent, eux, contre la GPA. Si nous avons, nous, tout de suite manifesté on ne peut plus nettement notre opposition à cette circulaire, sans que l’on n’ait entendu personne sur les bancs de la gauche…

Mme Élisabeth Guigou. Si, moi !

M. Marc Le Fur. Je sais votre détermination, ma chère collègue, et je vous en sais gré.

…il est intéressant de savoir que « Ni putes ni soumises », association militante bien connue,…

M. Jean-Pierre Dufau. Elle ne représente pas le Gouvernement !

M. Marc Le Fur. …a également clairement demandé le retrait de la circulaire. Cela veut bien dire que la demande de retrait va au-delà des bancs de l’UMP.

Je souhaite que le Gouvernement dise très clairement si, conformément aux principes qu’il prétend défendre, il maintient oui ou non cette circulaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Corinne Narassiguin. On n’est pas aux questions d’actualité, monsieur Le Fur !

M. le président. Mes chers collègues, nous verrons si le Gouvernement souhaite répondre aux questions vous avez posées, mais je veux tout de même apporter une précision après l’intervention de M. Marc Le Fur : chacun peut visionner, comme je l’ai fait, l’enregistrement de l’audition de la commission des lois au cours de laquelle Mme la garde des sceaux a précisé le contenu de cette circulaire une dizaine de jours avant sa sortie. Et non seulement les députés étaient nombreux à assister à cette réunion, mais celle-ci était également ouverte à la presse.

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. le président. Il est vrai que j’ai pourtant pu entendre, concernant cette même circulaire, de nombreuses réactions de surprise dans cet hémicycle. Je tiens donc à répéter, parce qu’il est aussi de ma responsabilité de mettre en avant le travail qui a été fait par les députés, que vous pouvez, monsieur Le Fur, consulter cet enregistrement.

M. Hervé Mariton et M. Philippe Gosselin. La garde des sceaux n’a pas indiqué de calendrier !

M. le président. Mes chers collègues, visionnez l’enregistrement. Mme la garde des sceaux a précisé : « Dans les jours qui viennent.» (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Y aura-t-il retrait ?

M. le président. Il était bon, me semble-t-il, en raison de la place prise par la GPA au début de nos travaux, de remettre les choses à leur place : consultez l’enregistrement, des éléments très précis ont été apportés sur cette question ;

M. Hervé Mariton. Non, rien de précis !

2

Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appel la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

M. le président. Près de soixante orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Christian Jacob, premier inscrit.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, vraisemblablement concentré sur l’ordre des interventions et avec le souci de me donner la parole, il vous a échappé que Mme Guigou avait demandé un rappel au règlement. Je lui cède volontiers la parole.

M. le président. Laissez-moi présider, mon cher collègue : je vous ai donné la parole.

M. Christian Jacob. Je souhaitais simplement apporter ma contribution à la Seine-Saint-Denis. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je salue votre générosité. (Sourires.)

M. Christian Jacob. Vous venez de faire référence, monsieur le président, aux travaux de la commission des lois. Permettez-moi de rappeler qu’au cours de la précédente législature, il a été décidé en Conférence des présidents que l’on ne pouvait pas utiliser les interventions en commission autrement que comme une simple référence. Un débat en commission est une chose, l’écriture de la loi dans cet hémicycle en est une autre.

Par ailleurs, je vous ai vous-même alerté hier sur un point relatif à la tenue de nos débats en vous demandant comment vous pourriez supporter ce qui est pour moi un double mépris de notre institution.

Le premier a trait au fait que le Comité national d’éthique n’a pas été consulté alors même que la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui sont parties au débat. La PMA est pourtant un sujet d’importance – même si vous venez de déclarer qu’on lui consacrait trop de temps. Si nous défendons l’institution du mariage d’un homme et d’une femme et, de fait, le droit à la filiation, c’est bien parce que nous sommes attachés à cette institution telle qu’elle existe aujourd’hui.

Nous proposerons au cours de la discussion d’autres possibilités, notamment l’alliance civile afin de donner des droits nouveaux aux couples homosexuels,…

M. Jean-Pierre Dufau. Pourquoi ne l’avez-vous pas instaurée ?

M. Serge Janquin. Vous voulez tout, sauf l’égalité !

M. Christian Jacob. …mais le droit à la filiation est pour nous un point essentiel.

C’est la raison pour laquelle on ne peut pas entamer la discussion des articles sans avoir l’avis du Comité national d’éthique. Ce n’est pourtant pas faute de le demander depuis trois mois. Or cela nous a toujours été refusé, avant qu’enfin, sous notre pression, le Président de la République finisse par céder il y a trois jours seulement. Il n’en reste pas moins que nous ouvrons cette discussion sans avoir l’avis du Comité national d’éthique.

Le second mépris tient à la sortie, que l’on a apprise vendredi dernier, de la circulaire sur la gestation pour autrui. J’ai d’ailleurs lu dans un grand journal du soir que la garde des sceaux s’étonnait de cette sortie : y aurait-il des problèmes internes dans son ministère ?

Aujourd’hui, devant ce double mépris du Parlement, j’en appelle à votre autorité, monsieur le président, pour défendre notre institution afin qu’elle ne soit plus ainsi méprisée ! Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que tous les orateurs inscrits sur un article ne peuvent intervenir pour une durée n’excédant pas deux minutes. J’ai laissé M. Jacob bénéficier de vingt-sept secondes supplémentaires uniquement parce qu’il est président de groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Votre seigneurie est trop bonne !

M. Bernard Roman. Vingt-sept secondes auraient été suffisantes !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Lors de la discussion générale, un député de l’opposition m’a directement reproché d’apporter une perspective internationale à ce débat sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Dire cela à une députée représentant les Français de l’étranger, c’est pour le moins surprenant ; ce serait presque amusant si le sujet n’était pas si sérieux.

La France n’est pas seule au monde, et le monde entier nous regarde. Certains ne cessent de nous reprocher de faire des expérimentations dangereuses dont on ne pourrait prévoir les conséquences pour la société et la structure familiale. Je réponds, comme d’autres députés des Français de l’étranger l’ont déjà fait et le feront encore, que, oui, regarder nos pays voisins et amis qui ont avancé plus vite que nous ne peut qu’enrichir le débat et calmer les peurs. Je ne prétends pas qu’il faudrait copier ce qui a été fait ailleurs sans prendre le temps d’y réfléchir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Gosselin. Surtout pas !

Mme Corinne Narassiguin. La France doit trouver son propre chemin vers l’égalité des droits.

Députés des Français de l’étranger, nous sommes nombreux à porter la voix de nos concitoyens qui vivent au quotidien dans des sociétés où ces débats ont déjà eu lieu, ou des solutions ont déjà été trouvées, où les conséquences ont déjà été mesurées. Que l’on soit de la majorité ou de l’opposition, nous encourageons les comparaisons internationales en matière économique, sociale, environnementale. Pourquoi cette attitude d’ouverture serait-elle inapplicable aux questions de société ? Certains d’entre nous représentent nos compatriotes vivant dans des pays où l’homosexualité reste une source de persécution.

La France, patrie des droits de l’homme, doit montrer l’exemple dans sa détermination à lutter contre toute forme de discrimination basée sur l’orientation sexuelle. Il n’y a pas d’égalité partielle, de citoyens moins égaux que les autres.

L’article 1er est le cœur du projet de loi, il établit dans la loi que les homosexuels sont des citoyens à part entière : mêmes devoirs, mêmes droits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC. – « Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Mon intervention sera d’ordre technique sur cet article 1er qui dispose, après les travaux en commission : « […] deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elle, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a sa résidence le permet. » Cette disposition, mesdames les ministres, installe la France dans une situation d’appel vis-à-vis des personnes concernées vivant dans d’autres pays. Cela aura nécessairement des conséquences sur le terrain. La première est que vous offrez ainsi un asile conjugal en France. La seconde tient à l’inadaptation technique de votre dispositif.

Dans la version initiale de l’article, au moins était-il indiqué : « […] sous réserve des engagements internationaux de la France […] ». Si les personnes en question sont, par exemple, liées dans leur pays d’origine par un pacte civil qui ne permet pas le mariage et qu’elles viennent se marier en France, profitant de cette possibilité d’asile conjugal, comment allez-vous traiter les contradictions civiles et patrimoniales du dispositif que vous nous proposez ?

M. Marc Le Fur. Très pertinente question !

M. Bernard Roman. Ce sera comme aujourd’hui !

M. Hervé Mariton. Non, monsieur Roman.

Ne risque-t-on pas de voir venir des personnes se marier en France, grâce à la « générosité » de la loi française, …

M. Bernard Roman. C’est scandaleux de dire ça !

M. Nicolas Bays. Réactionnaire !

M. Hervé Mariton. …sans que leur situation juridique dans leur pays d’origine n’ait été établie, sans que la relation aux enfants n’ait été clarifiée ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Dans notre pays, des milliers de notaires s’en inquiètent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ils pensent que la loi…

M. le président. Votre temps de parole est épuisé, monsieur Mariton.

La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Vous êtes intraitable, monsieur le président.

M. le président. Vous êtes maintenant cinquante-neuf inscrits sur l’article 1er, sur lequel 546 amendements ont été déposés, dont 129 de suppression : cela va permettre aux uns et aux autres de s’exprimer.

M. Philippe Gosselin. Le débat mérite bien tout ce temps, monsieur le président.

Nous voilà donc à l’article 1er qui ouvre le mariage aux personnes de même sexe. C’est l’occasion de rappeler que c’est le premier élément d’un édifice, qui va en entraîner bien d’autres. Il me fait en effet revenir à nouveau sur cette équation : mariage plus adoption égale PMA et GPA.

Mme Élisabeth Guigou. N’importe quoi !

M. Nicolas Bays. Mensonge !

M. Philippe Gosselin. Cela nous ramène aux propos de Mme la garde des sceaux en réponse aux parlementaires dans la discussion générale, avec des accents que j’ai salués sur la liberté et l’égalité.

M. Jean-Pierre Dufau. Il n’y a jamais la fraternité chez vous !

M. Philippe Gosselin. Mais si la forme était bonne, le fond était inacceptable. Vous avez, madame la garde des sceaux, évoqué les esclaves, considérés comme des meubles à une certaine époque. Vous avez raison : ils étaient considérés comme des res nullius ; c’était tout à fait insupportable et notre humanité en était amputée.

Mais aujourd’hui, avec la circulaire, vous voulez d’une certaine façon comparer les enfants à des immeubles (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Philippe Gosselin.… et les préparer à une vente en état futur d’achèvement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà le nouveau slogan : le ventre en état futur d’achèvement.

Mme Élisabeth Guigou et M. Luc Belot. Ridicule !

M. Sébastien Pietrasanta. Scandaleux

M. Philippe Gosselin. Voilà la suite à laquelle prépare ce texte. Encore une fois, l’équation est celle-ci : mariage plus adoption égale PMA plus GPA.

Plusieurs députés du groupe SRC. Scandaleux ! Ridicule !

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour un rappel au règlement.

M. Olivier Dussopt. Je souhaite d’abord répéter encore et toujours que la circulaire qui est évoquée à ne plus en finir ne régularise pas la GPA ; elle ne fait que rappeler les règles…

M. Philippe Gosselin et M. Charles de La Verpillière. Ce n’est pas un rappel au règlement, c’est une réponse aux orateurs précédents !

M. Olivier Dussopt.… et les conditions qui permettent de donner un certificat de nationalité à des enfants qui en ont une.

La première question à laquelle il faudra que vous répondiez est donc celle-ci : voulez-vous que l’on retire la nationalité française à ces enfants ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Olivier Dussopt. Mon second point a trait au règlement, car il porte sur nos débats ;

Vous nous demandez de la clarification. Celle que l’on vous demande à vous est celle-ci : que pensez-vous, vous, députés de l’UMP, de la proposition de loi du sénateur UMP Alain Milon, datée du 27 janvier 2010 et cosignée par vingt-deux sénateurs de droite, qui propose la régularisation de la GPA…

M. Philippe Gosselin. Nous sommes à l’Assemblée nationale, pas au Sénat !

M. Olivier Dussopt.… et son remboursement par la Sécurité sociale ? La confusion est chez vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Pour autant, ce n’est pas parce que cette proposition de loi a été déposée que nous vous faisons le procès que vous nous faites sur la GPA.

Le Gouvernement et la majorité ne régulariseront pas la GPA. Il faut que vous l’entendiez et que vous vous le mettiez dans la tête une fois pour toutes. Quant à vous, clarifiez vos positions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Avant de donner la parole à Mamère pour un rappel au règlement, je souhaite répondre à des remarques que j’ai entendues venant des bancs de l’opposition.

Vous l’aurez d’abord constaté, mes chers collègues, l’intervention tout à l’heure de M. Le Fur ne correspondait pas tout à fait à un rappel au règlement.

Pour autant, Je vais accorder à la majorité et à l’opposition un nombre équivalent de rappels au règlement en ce début de séance, puisque telle semble être la règle du jeu, afin que nous puissions ensuite entrer d’une manière plus sereine dans les débats.

La parole est à Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

M. Noël Mamère. Je veux, dans un vrai rappel au règlement, rappeler à nos collègues UMP qui défilent à la tribune (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés du groupe UMP. Enfin, on ne défile pas !

M. Noël Mamère....ou plutôt qui se succèdent à cette tribune, qu’ils ne cessent de nous parler de la gestation pour autrui alors que l’objet du projet de loi n’a rien à voir avec cela…

M. Philippe Gosselin. C’est une mécanique qui est enclenchée !

M. Noël Mamère.…puisqu’il est d’autoriser le mariage et l’adoption aux personnes de même sexe.

Vous êtes en train d’instrumentaliser une circulaire qui n’avait qu’un seul but : le droit de l’enfant et non pas le droit à l’enfant (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) Il s’agit en effet d’apporter une protection juridique à des enfants qui n’ont pas à être victimes des choix de leurs parents.

M. Philippe Gosselin. De l’illégalité des choix de leurs parents !

M. Noël Mamère. Vous vouliez un débat. Vous êtes en train de le pourrir en essayant d’instrumentaliser une circulaire qui n’est pas directement rattachée à ce texte.

M. Hervé Mariton. Si, elle l’est très directement !

M. Noël Mamère. Monsieur Mariton, vous voulez un débat. Ayez au moins non pas la courtoisie, mais la sagesse républicaine d’invoquer des arguments qui ont à voir avec le texte.

M. Hervé Mariton. C’est le cas !

M. Noël Mamère. Vous pouvez invoquer ici des arguments sur l’ordre naturel ou sur tout ce que vous voudrez à l’exemple de ce que l’on a entendu le 13 janvier et en d’autres occasions. Pour l’instant, pardonnez-moi de vous le dire, vous êtes à côté de la plaque ! Vous ne faites pas votre travail de représentant du peuple…

M. Philippe Gosselin. Nous avons Saint-Just dans l’hémicycle !

M. Noël Mamère.… pour améliorer un texte de loi – qui de toute façon sera adopté. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Ce rappel au règlement fait suite aux propos de M. Dussopt que j’invite à la plus grande prudence parce que certains propos, qu’il a tenus il y a plusieurs mois dans cette enceinte, ont heurté des familles françaises.

M. Philippe Gosselin. Exactement !

M. Marc Le Fur. Souvenez-vous, c’était à la commission spéciale d’éthique.

M. Philippe Gosselin. Sur la trisomie !

M. Marc Le Fur. Nous avions appris que 96 % des enfants atteints de trisomie faisaient l’objet d’avortement. Cela nous avait conduits, tous autant que nous étions, à constater que nous étions au-delà des limites de l’eugénisme. Or qu’a dit M. Dussopt en cette circonstance ? Que ce qui le surprenait, c’était que 4 % vivaient !

M. Olivier Dussopt. C’est faux Vous travestissez mes propos !

Plusieurs députés du groupe UMP. Vous l’avez dit, nous y étions !

M. Marc Le Fur. Il a heurté les familles. La meilleure preuve, monsieur Dussopt, est que votre groupe vous a immédiatement exfiltré de la commission pour que cessent de tels débordements.

Vous n’avez jamais présenté vos excuses aux familles qui élèvent des enfants atteints de trisomie 21. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Profitez de ce débat pour le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Les masques tombent !

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour un rappel au règlement.

M. Alain Tourret. Je tiens en effet, monsieur le président, à faire un rappel au règlement au nom de mon groupe.

Nos collègues ont décidé à l’évidence de pourrir les débats et non pas discuter de l’article 1er du projet de loi.

M. Hervé Mariton. De quoi ai-je parlé, alors ?

M. Alain Tourret. Je le dis d’autant plus que je me suis, en l’occurrence, prononcé de la manière la plus ferme pour un rejet total de la gestation pour autrui…

M. Philippe Gosselin. Vous n’êtes pas l’auteur de la circulaire !

M. Alain Tourret.… puisque j’ai même demandé que la France prenne une initiative internationale pour condamner la GPA.

En réalité, chers collègues de l’opposition, vous essayez d’utiliser ceux que l’on a qualifiés de malheureux fantômes de la République en exploitant une circulaire à l’évidence humaniste prise par Mme la garde des sceaux. Vous essayez de nous imposer ce débat qui n’a pas lieu d’être.

Monsieur le président, nous ne devons pas nous laisser emmener dans cette dérive d’obstruction et de flibuste de la part de l’opposition. Nous souhaitons débattre de l’article 1er et uniquement de cela.

M. le président. Nous allons justement y revenir.

M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, je demande la parole pour un fait personnel.

M. le président. Vous l’aurez, monsieur Dussopt, mais seulement à la fin de séance, conformément au règlement.

M. Hervé Mariton. Trois rappels au règlement pour la gauche contre un pour la droite !

M. Philippe Gosselin. C’est sans doute la proportionnelle !

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Nos archives parlent : si M. Dussopt aura l’occasion de s’expliquer tout à l’heure, ou du moins de prendre la parole car il n’a pas besoin de s’expliquer, M. Gosselin ferait en tout cas mieux de se taire car à sa place je lirais le compte rendu de cette réunion.

M. Philippe Gosselin. J’y étais !

M. Bernard Roman. Justement !

M. Philippe Gosselin. J’étais atterré, effaré !

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Gosselin, soyez atterré en silence. (Sourires.)

M. Bernard Roman. Et en en prenant également connaissance, M. Le Fur sera amené à présenter ses excuses.

J’en reviens au fond. De quoi s’agit-il ? Nous avons l’impression que vous voulez le faire oublier : il s’agit avec cet article qui touche au code civil d’ouvrir dans le droit français le mariage aux personnes de même sexe.

M. Christian Jacob. L’adoption aussi !

M. Bernard Roman. Mécaniquement, le mariage conduira à donner aux couples de même sexe tous les droits dont bénéficient les couples hétérosexuels. Il n’y aura pas, comme le disait Mme la garde des sceaux en réponse aux orateurs de la discussion générale, de sous-mariage. Il y aura dans notre droit un mariage qui sera le même pour tous les couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels.

Dans la discussion qui s’ouvre sur cet article qui est au cœur du projet, j’aimerais que l’opposition nous dise au nom de quoi elle peut s’opposer, au-delà des chimères et des fantasmes, à l’égalité de droits entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. Parce qu’il s’agit de cela et seulement de cela.

Conformément à l’engagement 31 de François Hollande, nous proposons de donner à tous les citoyens, quelle que soit leur orientation sexuelle, les mêmes droits en ce qui concerne le mariage, les enfants, la protection des enfants et des conjoints, les droits des enfants. Ces droits, nous proposons de les donner à tous les couples, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels.

Au nom de quoi, mesdames et messieurs de l’opposition, vous opposez-vous à cette égalité ? Dites-le nous, car c’est le cœur du sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Sébastien Pietrasanta.

M. Sébastien Pietrasanta. L’article 1er, puisque tel est bien l’objet de la discussion de ce matin, instaure le mariage civil entre personnes de même sexe et répond au principe d’égalité et de fraternité qui fonde notre République.

Le mariage pour tous n’est pas une atteinte à notre civilisation, mais il est l’honneur de la France qui, depuis 1789, proclame et applique les droits fondamentaux qu’elle a été la première à reconnaître de façon universelle.

Il met fin à un retard inacceptable de notre pays à l’égard du reste du monde. Il nous restaure dans l’exemplarité qui a toujours été la nôtre en matière de dignité humaine car les homosexuels ne sont pas des personnes à part : ils sont nos pères, nos mères, nos frères, nos sœurs, nos fils, nos filles, nos amis et nos voisins. Ils font partie intégrante de notre société. Ils ne forment pas non plus de couples au rabais. Le sentiment amoureux qu’ils éprouvent existe chez toutes les femmes et chez tous les hommes.

Cette loi ne retire aucun droit à personne. Elle n’empêche aucun couple de se marier. Elle n’empêche aucun couple, aucun parent d’adopter. Elle ne fait que donner des droits nouveaux à des personnes qui, jusqu’à présent, en étaient privées.

Permettre aux homosexuels de se marier ne va pas détruire les fondements de notre société et de notre civilisation. Ce qui est destructeur, en revanche, ce sont les attaques virulentes dont ils sont victimes. Nous ne les avions plus entendues depuis le PACS. Elles ont un impact terrible sur les jeunes homosexuels qui croyaient vivre dans un monde qui les avait acceptés. Je pense à eux ce matin.

Il faut garder le courage et l’espoir car, comme le PACS, le mariage des couples de même sexe passera dans les mœurs. Les oppositions d’aujourd’hui seront finalement englouties par la mise en adéquation de notre droit à la nécessaire évolution de notre société.

N’y a-t-il pas plus grand honneur pour notre Parlement que de participer à la marche inexorable pour l’égalité des droits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Comme Bernard Roman l’a fait avec le regard qui est le sien, je voudrais aussi revenir sur ces points fondamentaux qui probablement nous opposent.

Qu’est-ce que le mariage ? C’est la reconnaissance d’une présomption de filiation. Ce n’est pas la reconnaissance d’un acte social ou d’un lien affectif ni une reconnaissance sociale. C’est simplement un cadre protecteur pour construire une famille.

Qu’est-ce alors qu’une famille ? C’est là qu’apparaissent des points de désaccords et des besoins d’éclaircissement pour savoir dans quel périmètre la construction d’une famille doit s’opérer ?

Construire une famille, est-ce offrir aux enfants une altérité sexuelle dans une structure jugée épanouissante pour eux ? Premier sujet de désaccord nécessitant des éclaircissements.

Par ailleurs, si le mariage est un cadre pour construire une famille, au nom de quoi un couple homosexuel qui se marie n’aurait-il pas droit à en construire une et à avoir recours à l’adoption, à la PMA et aussi à cette GPA qui émerge dans nos débats ? Tous ces usages, acceptés par certains et condamnés par d’autres, pratiqués dans certains pays et pas dans d’autres, découlent fatalement de cet article 1er sur le mariage.

À partir du moment où nous sommes d’accord sur le fait que le mariage n’est ni une reconnaissance sociale ni celle d’un lien affectif mais le cadre protecteur pour créer une famille, il va de soi que le périmètre dans lequel celle-ci se construit mérite des éclaircissements que nous n’avons toujours pas, que ce soit sur l’adoption qui est prévue par le texte ou ces fameuses PMA et GPA. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, Bernard Roman a cette qualité d’être rarement en décalage avec le sujet. Alors, cher collègue, puisque vous avez eu la bonté de nous interroger sur plusieurs points, permettez-moi de vous répondre directement, bien que nous soyons dans une discussion générale et non dans un dialogue.

M. Nicolas Bays. En deux minutes !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ne vous inquiétez pas pour le temps, cher collègue. Détendez-vous, car nous sommes là pour un moment.

M. Olivier Faure. Quel mépris !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je tiens en effet à rappeler à notre collègue que parmi les nombreux orateurs qui se sont déjà succédé depuis le début de nos débats, M. Guaino a posé une question qui mérite la considération : une majorité peut-elle lier de manière certaine la majorité qui lui succédera ? La question a été évacuée d’un revers de main. Pour ma part, j’ai posé deux questions simples dans la motion de renvoi en commission que j’ai défendue. J’ai demandé si le principe d’égalité et si l’articulation entre égalité et utilité commune étaient respectés dans le texte. Je n’ai pas eu de réponse non plus.

Mon cher collègue, j’ai donc le regret de vous dire que vous n’êtes pas le seul à attendre des réponses : nous attendons encore certaines précisions.

Pour le reste, j’ai déjà dit beaucoup de choses mardi. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Merci en tout cas à M. Roman de vouloir recentrer nos débats.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Une intervention pour rien !

M. Bernard Roman. Dites-nous donc au nom de quoi vous refusez l’égalité ; c’est une question simple !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, si l’article 1er est le premier dans l’ordre chronologique, il l’est sans doute aussi dans l’ordre logique. Il conduit en effet à nous demander si nous sommes prêts à examiner ce texte.

Permettez-moi de rappeler les propos du Défenseur des droits, Dominique Baudis, lors de son audition le 13 décembre dernier : « Dans beaucoup de domaines, les questionnements se multiplient. Comment se fait-il qu’un texte d’une telle ambition et d’une telle portée juridique laisse autant de questions en suspens ? ». Ce n’est pas un membre de l’UMP ou de l’UDI qui pose cette question. C’est bien le Défenseur des droits qui s’interroge.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pas du tout !

M. Olivier Faure. Il a approuvé le texte !

M. Xavier Breton. Comment peut-on laisser de tels questionnements sans réponse ? Notre motion de renvoi en commission et nos amendements de suppression de l’article 1er sont là pour le souligner : nous ne sommes pas allés au bout de la réflexion. Et ce n’est pas en récitant les argumentaires qui vous ont été distribués par le groupe socialiste, en répétant des arguments qui ne vont pas au fond des choses que nous pourrons avancer.

M. Matthias Fekl. Vous touchez le fond !

M. Xavier Breton. La question posée en fait par ce premier article est celle de l’altérité sexuelle. Mesdames les ministres, pour vous, l’altérité sexuelle a-t-elle encore sa place dans notre société ? Nous entendons beaucoup parler aujourd’hui d’une théorie – d’une idéologie –, celle du gender. Elle imprègne la société, mais ne fait pourtant l’objet d’aucun débat public. Débattons de cette théorie du gender ! Est-ce qu’un homme et une femme sont interchangeables ?

M. Bernard Roman. Comme s’il s’agissait de cela !

M. Xavier Breton. Quelle est la signification de l’altérité sexuelle ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Un couple homme-femme est-il la même chose qu’une paire de deux hommes ou une paire de deux femmes ? Il faut se poser ces questions. C’est ce que nous allons faire avec nos amendements.

M. Nicolas Bays. Ils se ringardisent à vue d’œil.

M. le président. La parole est à Mme Anne Grommerch.

Mme Anne Grommerch. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, alors que notre pays atteint un taux de chômage record, que les plans sociaux se succèdent inlassablement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), que les Français sont inquiets pour leur pouvoir d’achat, vous avez décidé de faire passer en force et dans l’urgence le projet de mariage pour tous.

M. Matthias Fekl. C’est pour cela que vous demandez un référendum ?

Mme Anne Grommerch. Les chefs d’entreprise, les demandeurs d’emploi, les parents inquiets pour leurs enfants, les jeunes qui viennent nous voir dans nos permanences ne nous parlent pas du mariage pour tous. (Mêmes mouvements.) Ils préfèrent nous parler de travail pour tous. Mais ce n’est pas ce que vous avez choisi de faire.

M. Luc Belot. La discussion générale est finie !

Mme Anne Grommerch. Dans l’article premier, vous ouvrez le mariage et l’adoption au couple de même sexe au prétexte que le mariage est la reconnaissance sociale du couple, ce qui est totalement réducteur. Le mariage n’a pas pour but de reconnaître la relation entre deux personnes et d’officialiser leur amour. Si tel était le cas, tous les gens qui s’aiment devraient pouvoir se marier. Or, la loi a fixé un certain nombre de limites.

On est donc au-delà de la simple relation de couple, mais bien dans le cadre de la famille. Contrairement à ce que vous prétendez, il n’y a pas de discrimination dans le mariage actuel. Sa définition est simplement que les sexes ne sont pas interchangeables.

M. Bernard Roman. Il ne s’agit pas de cela, mais d’égalité !

Mme Anne Grommerch. Les sexes sont égaux mais pas équivalents du fait de la dissymétrie entre homme et femme. Pour ma part, je souhaite que l’on apporte des droits supplémentaires, une plus grande sécurité juridique aux couples homosexuels,…

M. Nicolas Bays. C’est ce que l’on fait ici !

M. Olivier Faure. Quelle hypocrisie !

Mme Anne Grommerch. …à travers l’union civile.

Cette notion de droits et devoirs au sein d’un couple homosexuel doit être totalement dissociée de toute question de filiation. Je m’interroge d’ailleurs sur la place que vous faites à l’enfant.

Les questions de l’enfant, de l’adoption et de la filiation doivent s’inscrire dans le cadre des obligations internationales souscrites par la France. M. Dominique Baudis, Défenseur des droits, l’a rappelé lors de son audition par la commission des lois : « la procédure suivie pour l’élaboration du projet de loi présente une évidente lacune. En effet, l’étude d’impact qui accompagne le projet ignore totalement la Convention internationale des droits de l’enfant. » Or, dans toutes les décisions qui le concernent, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit prévaloir.

Vous trompez les Français en reportant les discussions sur la procréation médicalement assistée à un autre texte. Vous trompez les Français en leur promettant que la gestation pour autrui ne sera pas autorisée alors que toute votre argumentation repose sur la reconnaissance de l’amour et sur l’égalité.

Vous mettez en avant l’égalité pour justifier le mariage, mais vous vous y refusez pour les enfants.

Enfin,…

M. le président. Merci, madame Grommerch.

La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Je m’étonne, monsieur le président, que la pendule de la tribune affiche déjà plusieurs secondes comme si j’avais déjà commencé mon intervention.

M. le président. Je compte le temps qu’il vous faut pour arriver à la tribune (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Valérie Pecresse. Vous m’enlevez trente secondes de mon temps de parole ?

M. le président. Non, je vous les ajoute. J’arrêterai votre temps de parole à deux minutes trente. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Dont acte ! Ce n’était pas très explicite, monsieur le président.

Mme Valérie Pecresse. Merci, monsieur le président, pour cette décision pleine de sagesse.

Mesdames les ministres, avec ce texte de loi, vous poursuivez deux objectifs : le premier, ouvrir le mariage aux couples de même sexe ; le second, donner à ces couples l’accès à la paternité et à la maternité en leur accordant la possibilité d’adopter.

M. Michel Issindou. Très bien !

Mme Valérie Pecresse. J’observe que si ce premier objectif est affiché dans le titre du projet de loi, le second ne l’est pas.

M. Hervé Mariton. Exact !

Mme Valérie Pecresse. Je m’interroge : pourquoi cette dissimulation, pourquoi cette ambiguïté dès le départ ?

M. Bernard Roman. Parce qu’il s’agit d’un droit lié. Nous parlons d’égalité des droits.

Mme Valérie Pecresse. Ce que nous avons à débattre est fondamental. Nous touchons ici au cœur de toute société humaine. Quelle est la définition que nous voulons donner à la famille ? Quelle place accordons-nous à l’enfant dans cette famille ? À l’évidence, un débat d’une telle envergure, qui touche au plus profonde de l’intime conviction de chacun, méritait mieux et ne peut se trancher en deux semaines de débat parlementaire.

M. Michel Issindou. Il méritait mieux que les débats d’aujourd’hui, c’est vrai.

Mme Valérie Pecresse. Vous escamotez le débat et vous refusez de faire confiance au peuple. Je n’entrerai pas dans une bataille de chiffres, mais il est certain que la manifestation du 13 janvier a été l’une des plus importantes de ces dernières décennies.

M. Michel Issindou. Pour les retraites, c’était mieux.

Mme Valérie Pecresse. L’autre certitude, c’est qu’elle témoigne des interrogations profondes du peuple français face aux évolutions que vous proposez. En recourant au référendum, vous auriez pu choisir la clarté ; en vous obstinant dans la voie parlementaire, vous choisissez l’évitement.

M. Luc Belot. Relisez Wauquiez !

Mme Valérie Pecresse. On peut être pour ou contre cette réforme, c’est la liberté de chacun. Ce qui n’est en revanche pas acceptable, c’est votre façon d’avancer masqué. Car, dans ce projet de loi, le plus fondamental n’est pas ce que vous dites mais ce que vous ne dites pas. Vous auriez pu vous en tenir à sanctuariser par la loi l’amour entre deux personnes de même sexe, au nom…

M. le président. Merci madame Pécresse.

La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. Monsieur le président, mesdames les ministres, je convie mes collègues de l’UMP au rendez-vous de la vie réelle.

M. Philippe Cochet. Il n’y a pas deux types de parlementaires dans cet hémicycle.

M. Alain Calmette. Je veux concentrer mon propos sur un aspect particulier, celui de l’effet de long terme de l’article 1er sur nos représentations grâce à l’accélération du changement des mentalités qu’il permet.

Ce projet de loi aura un effet considérable sur l’acceptation sociale de l’amour entre personnes de même sexe par les personnes découvrant chez elles ce désir, mais aussi par leur entourage. C’est un sujet de première importance, aussi bien dans les grandes villes qu’en milieu rural.

En effet, l’amour entre personnes de même sexe n’est pas l’apanage des villes ou une forme de sexualité en vogue. C’est un fait anthropologique universel, une réalité aux quatre coins du monde, en ville comme à la campagne, dont on retrouve des témoignages à toutes les époques. Cependant, le regard que chacun porte sur l’amour entre personnes de même sexe peut varier selon le lieu d’habitation. Ce regard – j’insiste sur ce mot – peut imposer l’invisibilité aux couples de même sexe.

Dans les territoires ruraux, nombre de personnes homosexuelles ont encore trop souvent une vie à l’ombre. Cela peut les conduire à souffrir plus qu’ailleurs parce que le niveau d’acceptation sociale y est parfois plus faible que dans les grandes agglomérations. Le manque de lieux de sociabilisation, d’associations spécialisées et de possibilités d’identification positive peut entraîner chez les jeunes gays et lesbiennes ruraux une plus grande peur de la révélation de leur orientation sexuelle et une plus forte dépréciation de soi. Le prix de la liberté est en effet d’autant plus grand qu’à la campagne l’entourage familial et amical est souvent très présent au quotidien. Cela peut être une chance, cela l’est souvent, mais cela peut aussi être un enfermement.

C’est pour toutes ces raisons que l’accélération du changement des mentalités que permet l’article 1er revêt une importance cruciale, notamment en milieu rural.

M. Christian Jacob. Pourquoi ce mépris à l’égard des ruraux ?

M. Philippe Cochet. La vie réelle, on connaît !

M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl.

M. Matthias Fekl. Monsieur le président, mes chers collègues, aujourd’hui que nous débattons dans l’hémicycle après d’importants débats en commission des lois sur ce texte, je distingue plusieurs attitudes. D’abord, ceux qui défendent le texte, en conscience. Ensuite, ceux qui s’y opposent…

M. Philippe Cochet et M. Philippe Gosselin. En conscience aussi.

M. Matthias Fekl....avec des interrogations légitimes.

Nous avons débattu de longues journées et de longues nuits ensemble,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Non, on commence maintenant !

M. Matthias Fekl. …et je crois avoir écouté vos arguments, y compris avant-hier soir lorsque vous n’étiez pas en commission des lois pour examiner les amendements qui avaient été déposés.

M. Philippe Gosselin. Nous étions en séance.

M. Matthias Fekl. Non, elle était alors suspendue.

Enfin, il est une attitude plus surprenante consistant à faire l’éloge a posteriori du PACS en nous demandant de le muscler, de le transformer en union civile. Dois-je vous rappeler, monsieur Mariton, qu’à l’époque, avec les mêmes arguments, voire avec des arguments bien pires, inacceptables, vos amis défilaient contre le PACS ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.).

M. Philippe Cochet. C’est une mise en cause de notre collègue !

M. Philippe Gosselin. C’est une attaque ad hominem !

M. Hervé Mariton. Je demande une suspension de séance !

M. Matthias Fekl. Aujourd’hui parce que vous sentez que vous êtes acculés, que l’égalité progresse et que cette loi sera votée, vous nous demandez d’améliorer le PACS.

Nous voterons, en conscience, ce texte qui est une avancée magnifique de l’égalité, de la dignité et de l’émancipation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Mes chers collègues, je veux apporter une précision pour que les choses soient claires au commencement de ces travaux.

Depuis le début de cette discussion, la parole a été demandée à plus de quarante reprises pour des rappels au règlement qui, pour la plupart d’entre eux, n’avaient aucun rapport avec le règlement, mais évoquaient des sujets de fond. J’ai donné la parole aux représentants de tous les groupes qui me l’ont demandée. Mais la présidence a le devoir de s’opposer à toute tentative de remettre en question l’ordre du jour et l’ordonnancement de nos travaux. Par conséquent, je refuserai tout rappel au règlement qui me paraîtrait n’avoir aucun rapport avec notre séance (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La parole est à Mme Sophie Dion.

Plusieurs députés du groupe UMP. M. Mariton a été mis en cause !

M. Philippe Gosselin. M. Mariton doit pouvoir s’exprimer ! C’était une attaque ad hominem !

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, je demande une suspension de séance.

M. le président. Seule Mme Sophie Dion a la parole. Je suspendrai ensuite la séance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Laissez au moins M. Mariton répondre. C’est un fait personnel.

M. le président. La parole pour un fait personnel n’est accordée qu’en fin de séance. Il faudrait connaître le règlement, monsieur Gosselin.

Vous avez la parole, madame Dion.

La parole est à Mme Sophie Dion.

Mme Sophie Dion. Mesdames les ministres, mes chers collègues, je suis assez inquiète de la manière dont les choses se passent.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous aussi !

Mme Sophie Dion. Nous débattons présentement, avec l’examen de l’article 1er, du mariage.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Absolument !

Mme Sophie Dion. Le mariage, vous le savez bien, madame la garde des sceaux, est une institution. C’est même, selon la philosophie qui vous anime, une institution bourgeoise. Du coup, je m’interroge : pourquoi cet amour absolu pour le mariage ? Cela ne correspond absolument pas à vos valeurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Dolez. Consternant !

Mme Sophie Dion. Je me dis alors qu’il ne s’agit pas de cela, avec l’article 1er. Il ne s’agit pas seulement d’ouvrir le mariage à des couples homosexuels.

M. Nicolas Bays. Vous faites pitié !

Mme Sophie Dion. C’est beaucoup plus que cela, comme vous l’avez dit madame la garde des sceaux : c’est un changement de civilisation. En réalité, ce sont des bouleversements beaucoup plus graves, beaucoup plus profonds, beaucoup plus structurants que vous souhaitez.

M. Nicolas Bays. Vous êtes ridicule !

Mme Sophie Dion. Là encore, on peut contester et la méthode et le fond.

En ce qui concerne la méthode, vous avez refusé de faire confiance au peuple. Vous avez refusé la concertation. Vous avez refusé de faire appel – ce qui paraissait naturel – à ce que chacun d’entre nous a d’intime.

Vous dites que c’est un engagement de François Hollande. Certes. Mais, ainsi que cela a déjà été rappelé, c’était un engagement qui valait pour le premier tour. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Très juste !

Mme Sophie Dion. Pour le second tour, il n’y avait plus d’engagement pour le mariage homosexuel.

M. Nicolas Bays. Vous êtes une menteuse !

Mme Sophie Dion. Comme fondement, vous avez choisi l’égalité. L’égalité, nous la connaissons bien…

M. le président. Merci, madame.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. À la demande du groupe UMP, la séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à dix heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il y a treize ans, en 1999, je n’étais pas député, mais j’ai suivi avec attention le débat sur le PACS. J’étais totalement favorable à cette disposition. C’était selon moi une avancée très positive pour les couples de personnes de même sexe, en phase avec l’évolution de notre société.

Durant les treize années qui ont suivi, j’ai beaucoup discuté avec mes amis homosexuels de la manière dont on pouvait faire évoluer la législation, mes amis Jean-Claude, Simon, Albert, Marcel, Claude, Élisabeth, Claude-Henri, pour qui j’ai une pensée. Aucun n’a jamais, en aucun cas, revendiqué un droit à l’enfant. Ce qu’ils revendiquaient, c’était une évolution des droits du PACS, vers plus d’égalité en termes de retraite, de succession, de droits sociaux, de pension de réversion. Ils ne revendiquaient en aucun cas un droit à l’enfant. Cette revendication est, à mon sens, très marginale et très minoritaire chez les personnes homosexuelles.

Aussi, mes chers collègues, nous pourrions nous retrouver sur le concept d’alliance civile qui est autant en phase avec la société de 2013 que le PACS l’était avec la société de 1999. C’est aujourd’hui de votre responsabilité, et je vous demande solennellement de nous suivre dans cette direction.

M. Michel Issindou. Vous rêvez !

M. Philippe Vitel. Je serai, je vous le dis, l’homme le plus heureux, si nous nous retrouvons tous ensemble, main dans la main, unanimes, dans une démarche solidaire et fraternelle. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Acceptez d’aller vers cette union civile.

Aujourd’hui, c’est cela qui est revendiqué, c’est cela qui est en phase avec notre société, et en aucun cas ce que vous nous proposez.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Nous examinons aujourd’hui l’article 1er du projet, qui en donne l’esprit. Revenons au texte lui-même. Que nous dit cet article ? Que le mariage, tel qu’il existe, n’est en rien malmené. Les droits et les devoirs qu’il ouvre demeurent exactement les mêmes, les interdits également. Il dispose simplement que le mariage peut être « contracté […] par deux personnes de même sexe », pas des « paires » d’hommes ou des « paires » de femmes, expression employée par un collègue de l’opposition,…

Une députée du groupe SRC. Quelle horreur !

Mme Marie-George Buffet. …mais des couples d’hommes ou des couples de femmes.

Ce n’est donc pas l’institution du mariage qui est remise en cause. Un droit est simplement ouvert à celles et ceux qui, jusqu’à présent, se voyaient discriminés, un droit qui en ouvre d’autres, comme celui d’adopter ou de fonder une famille.

J’y insiste parce qu’on ne peut pas débattre en essayant de caricaturer le projet de loi, alors que celui-ci est clair dans ses objectifs.

M. Philippe Cochet. Il est tout sauf clair !

Mme Marie-George Buffet. Il s’agit tout simplement de supprimer une discrimination. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Fanny Dombre Coste.

Mme Fanny Dombre Coste. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, c’est avec une réelle émotion que j’interviens aujourd’hui pour soutenir l’article 1er du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. En effet, j’ai le sentiment et la fierté de poursuivre à mon niveau le travail entamé par l’un de mes illustres prédécesseurs, Jean-Jacques-Régis de Cambacérès.

M. Philippe Cochet et M. Jacques Myard. Oh là là !

Mme Fanny Dombre Coste. Conseiller municipal de Montpellier, puis député de l’Hérault, Cambacérès a activement contribué à la rédaction du code civil, inspiré des idéaux progressistes de 1789. Juriste brillant, révolutionnaire convaincu, homosexuel notoire, il fut l’un des premiers esprits éclairés à œuvrer pour la sécularisation du droit des personnes.

Aujourd’hui, en mettant nos pas dans les siens, en œuvrant pour le progrès social, nous permettons à la France de rejoindre la liste des pays ayant ouvert le mariage civil aux couples de même sexe depuis plusieurs années déjà. En votant cette loi, le Parlement fera évoluer une nouvelle fois le code civil de 1804 pour l’adapter aux évolutions de la société.

Dans son essai sur l’homosexualité écrit au début des années 1900, André Gide réclamait déjà le droit de cité pour l’homosexualité et une citoyenneté pleine et entière pour les homosexuels.

M. Jacques Myard. Et alors ?

Mme Fanny Dombre Coste. Cet appel, relayé depuis des décennies par des associations, par des militants, par des citoyens, nous l’avons entendu et nous allons y répondre. Nous allons le faire au nom des valeurs fondatrices de la République : liberté, égalité, fraternité. En respectant la dignité de chaque être humain, en reconnaissant à égalité tous les couples et toutes les familles, c’est la République que nous bâtissons. Pour ma part, je soutiens cet article 1er et, plus généralement, le projet de loi dans son ensemble, car il permettra de témoigner aux citoyens homosexuels la considération que la France laïque leur doit.

En votant cette loi, nous sommes les dignes héritiers d’une histoire prestigieuse, celle de la République, la République qui émancipe, la République qui élève, la République…

M. le président. Merci, madame.

La parole est à Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je suis particulièrement fière d’être membre de cette assemblée, aujourd’hui, pour examiner cet article, qui est l’essence même du projet de loi.

Cet article 1er s’inscrit dans une longue tradition républicaine d’avancée des droits civiques, sous le triple étendard de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Oui, ce projet de loi peut apparaître à certains révolutionnaires, comme l’a été en son temps chacun des grands textes que cette assemblée a eu l’honneur de voter et qui sont entrés dans les livres d’histoire.

Souvenez-vous des craintes exprimées entre ces murs au moment de l’examen des textes sur l’abolition de l’esclavage et à propos des différentes avancées des droits des femmes. Souvenez-vous que, déjà, en 1884, lors du vote de la loi Naquet sur le divorce pour faute, les conservateurs de l’époque…

M. Philippe Gosselin. Ah, « les conservateurs de l’époque » ! Nous y voilà !

Mme Ericka Bareigts. …nous garantissaient que la famille allait imploser. Souvenez-vous que, parce que certains considéraient que l’égalité ne signifie pas que l’on a les mêmes droits, les mêmes droits n’étaient pas accordés aux personnes selon qu’elles étaient d’une origine ou d’une autre.

M. Philippe Gosselin. Ne faites pas cet amalgame ! C’est affligeant !

Mme Ericka Bareigts. Souvenez-vous que, lors du débat sur l’IVG, des députés prophétisaient, à cette même tribune, la stérilisation prochaine des personnes handicapées. La Réunion, territoire que je représente, a bien connu le débat pour l’égalité des droits, et a partagé cette histoire. Nous avons, en effet, toujours combattu pour l’égalité des droits, quelles que soient nos origines, la couleur de notre peau ou nos orientations sexuelles.

Lorsque, le 20 décembre 1848, les esclaves retrouvent la liberté, c’est aussi leur droit au mariage qui est reconnu, le mariage entre anciens esclaves, mais aussi le mariage métis, banni, caché et rejeté.

Oui, malgré toutes les apocalypses sociales et morales qui nous furent prophétisées par les Cassandre, nous sommes toujours là et notre société reste combative pour l’égalité des droits.

C’est pour cela que je sais que les Réunionnais accepteront le mariage pour tous,…

M. Philippe Cochet. Je pense que non !

Mme Ericka Bareigts. …avec le même esprit de tolérance, en reconnaissant la différence, comme ils l’ont fait par le passé.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Madame la ministre, mes chers collègues, le général de Gaulle disait que, vers l’Orient compliqué, il fallait aller avec des idées simples. Sur un texte compliqué, madame la garde des sceaux, je pense justement avoir quelques idées simples.

Tout d’abord, ce texte, s’il est sans doute la priorité du Gouvernement, n’est pas celle des Français. C’est encore moins celle du territoire où j’ai été élu.

La délinquance augmente depuis des mois. Malgré les rodomontades de M. Montebourg, les emplois continuent à diminuer, notamment dans l’industrie. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.) Enfin, il faut bien le dire, il vous a été impossible, pour l’instant, de résoudre les problèmes économiques de la France, car ce n’est pas la priorité du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas le sujet !

M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues.

M. Gérald Darmanin. Ma deuxième idée simple est que loin de discuter d’une simple augmentation du taux de TVA dans la restauration, ou de la défiscalisation des heures supplémentaires… (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.)

M. Sébastien Pietrasanta. Quel est le rapport avec l’article 1er ?

M. Gérald Darmanin. …nous discutons en fait d’un texte fondamental pour la société.

M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser l’orateur s’exprimer. Lui seul a la parole.

M. Gérald Darmanin. Cette majorité, en modifiant la loi de la République, engage le sort des générations futures.

Je suis très étonné que nos collègues radicaux, comme M. Tourret, refusent le référendum au prétexte qu’il serait anti-démocratique. Vous avez raison de le dire, mon cher collègue, comme vous l’avez fait en commission des lois : vous êtes l’héritier d’une grande tradition politique, celle qui refusait aux Français l’élection du Président de la République au suffrage universel en 1962. Vous voudriez revenir au bon temps de Deschanel et de Clemenceau : nous ne sommes vraiment pas du même bord politique ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Matthias Fekl. Relisez votre Wauquiez !

M. Gérald Darmanin. J’ai justement un autre ouvrage à citer à l’appui d’une dernière idée simple. M. le président de la commission des lois, avec l’intelligence qu’on lui connaît, a dit au journal Le Figaro que pour faire de l’obstruction, il faut des obstructeurs. Chacun a sa bible, monsieur le président de la commission des lois, chers amis de la majorité. Permettez-moi en effet de faire un peu de publicité à l’excellent Manuel de survie à l’Assemblée nationale, de M. Urvoas, intitulé L’Art de la guérilla parlementaire.

Monsieur le président, nous utiliserons ces armes pour mieux représenter la volonté du peuple. Nous ferons ainsi notre travail de parlementaires car nous pensons que la majorité examine ce sujet par le petit bout de la lorgnette. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Et que pensez-vous de l’égalité ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, hier, Jean-Pierre Michel, sénateur socialiste et rapporteur au Sénat du projet de loi sur le mariage pour tous,…

M. Sergio Coronado. Et du texte sur le PACS !

M. Bernard Gérard. …a précisé être favorable à la GPA pour tous les couples.

M. Philippe Gosselin. Comme trois ministres au Gouvernement !

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas le sujet !

M. Jean-Pierre Dufau. Et la liberté d’opinion ?

M. le président. Seul l’orateur a la parole.

M. Bernard Gérard. Cela est, bien évidemment, de nature à nous inquiéter particulièrement. Nous constatons qu’en réalité, l’ensemble des ministres prend progressivement position pour la GPA. Pour les socialistes, « jamais » veut dire « demain » ! C’est bien le problème qui se pose à nous, car le mariage pour tous tel que vous le proposez aujourd’hui n’est pas qu’une question d’adultes, mais également une question d’enfants. Or l’enfant doit être au cœur de nos préoccupations.

Nous sommes effectivement très attachés à la présomption de paternité et à la vie réelle, plutôt qu’à la filiation virtuelle, artificielle, fictive, que vous nous proposez. Puisqu’il y a d’ores et déjà très peu d’enfants à adopter, nous savons très bien que la logique de votre démarche est d’autoriser la PMA et la GPA.

M. Philippe Gosselin. C’est évident !

M. Bernard Gérard. C’est ce que nous ne voulons pas.

L’article 1er est particulièrement lourd de conséquences irréversibles, dont on ne connaît pas la teneur, et qui seront difficilement maîtrisables.

C’est pourquoi nous nous opposons fermement à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-Marc Germain. Parlez-nous d’amour ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-François Lamour. Vous avez raison, mon cher collègue, de plaisanter : cela fait sourire un peu les membres de cette assemblée, et même fait rire Mme la garde des sceaux. Vous avez bien raison, madame : détendez-vous un peu, vous en avez besoin. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quel manque de fair-play !

M. Henri Jibrayel. Il est meilleur à l’épée !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Monsieur Lamour, c’est du temps pris sur votre temps de parole pour rien !

M. Philippe Gosselin. Ce n’est qu’un simple témoignage d’amitié, madame Clergeau !

M. Jean-François Lamour. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention mardi dernier, et je ne pense pas que vous ayez mis ce débat sur les bons rails. Je vous cite : « Le mariage est une institution conservatrice en ce sens qu’elle témoigne d’un ordre passé ». Je crois que dans votre bouche, ces paroles ne sont pas très élogieuses, vous en conviendrez.

À vous entendre, le mariage serait donc une institution désuète qu’il s’agit de casser. Dans ces conditions, pourquoi ne pas opter pour notre proposition d’alliance civile ?

La vérité, mes chers collègues, c’est que le projet tel qu’il est rédigé – je dis bien : tel qu’il est rédigé – répond plus à une demande très minoritaire qu’à un réel souci de placer la famille – toutes les familles – au cœur de nos réflexions.

Je le reconnais, la famille a évolué. Nous devons prendre acte de ces évolutions, en mettant en place un cadre légal, notamment pour les couples de même sexe. Ces couples doivent pouvoir organiser leur vie commune comme les couples hétérosexuels. Mais la vérité, c’est que nous n’avons pas besoin du mariage homosexuel : j’en suis intimement convaincu.

M. Bernard Roman. C’est eux qui en ont besoin !

M. Jean-François Lamour. C’est une entourloupe que de faire croire aux Français que le mariage et l’adoption sont deux choses différentes, et que l’on pourrait être pour l’un et contre l’autre. Le mariage, c’est l’adoption et la parentalité. Or, sur les 20 000 à 40 000 couples homosexuels dans notre pays, combien sont réellement en situation de recourir à l’adoption conjointe, ou à une PMA réalisée à l’étranger ? Pas plus de 5 000 ! Ce n’est donc pas de l’adoption dont il faut parler, mais du statut du beau-parent.

M. Luc Belot. Quel rapport avec l’article 1er ?

M. Jean-François Lamour. Madame la garde des sceaux, comme nombre de nos collègues, vous devez nous entendre : revoyez votre copie !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

Mme Marie-George Buffet. Ne vous dirigez surtout pas trop vite vers la tribune, cher collègue !

M. Matthias Fekl. Attention à la marche !

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, l’article 1er démontre déjà l’hypocrisie de ce texte. Baptisé « Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe », la question de l’adoption intervient dès ce premier article ! C’est une hypocrisie, car les auteurs de ce texte savent pertinemment que nos concitoyens sont majoritairement contre le droit à l’adoption pour les couples homosexuels. Aussi ont-ils enlevé le terme « adoption » du titre, alors qu’il y figurait dans le projet initial.

Une autre hypocrisie réside dans l’argument clé des auteurs et des défenseurs de ce texte, selon lequel il réalise l’égalité.

M. Bernard Roman. Au nom de quoi êtes-vous contre l’égalité ?

M. Guillaume Chevrollier. Or l’égalité existe déjà : le mariage est un droit ouvert aux individus, et pas aux couples, comme on le dit de façon impropre. L’individu libre est appelé, dans le cadre du mariage, à donner librement son consentement. En effet, tout un chacun a le droit de se marier, mais avec quelqu’un de l’autre sexe. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Le mariage est une institution essentielle de notre société, et doit rester l’union de l’homme et de la femme. Le mariage articule l’alliance de l’homme et de la femme avec la succession des générations, et la lisibilité de la filiation. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Du calme, chers collègues : seul l’orateur a la parole.

M. Guillaume Chevrollier. Le droit ne peut ignorer ni abolir la différence entre les sexes, qui est non seulement constitutive de la pérennité d’une société, mais aussi de l’identité de l’enfant. En effet, l’enfant ne peut se construire que face à un modèle d’altérité sexuelle.

Par ailleurs, l’altérité sexuelle dans le mariage est un principe fondamental de la Constitution française, reconnu par de nombreuses lois de notre corpus législatif. Asséner ces vérités ne relève pas de la ringardise ou de l’homophobie, comme on l’entend trop souvent de manière caricaturale, mais du bon sens. Je veux croire au bon sens en politique !

Mme Catherine Lemorton. Alors changez de camp !

M. Guillaume Chevrollier. Il n’est pas question de nier la demande de reconnaissance des couples homosexuels, mais cette reconnaissance ne doit pas induire la dénaturation du mariage.

M. Luc Belot. Le mariage est un acte laïc !

M. Guillaume Chevrollier. Une famille, ce n’est pas simplement deux individus qui contractent…

M. le président. Merci, monsieur Chevrollier.

Mme Catherine Lemorton. Au suivant !

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Au moment d’examiner cet article 1er, je voudrais vous faire part de quelques éléments que je retiens à ce stade de nos débats.

D’abord un mot : la fierté, qui exprime si justement ce que nous sommes nombreux à ressentir au moment où notre majorité s’apprête à faire de la France le quinzième pays au monde autorisant le mariage aux couples de même sexe.

Ensuite, le fait que deux conceptions radicalement opposées de la société ont été exprimées. Nous voulons l’égalité d’accès à cette institution qu’est le mariage civil ; vous voulez un statut ouvertement discriminant pour les couples de même sexe.

M. Philippe Gosselin. L’égalité, ce n’est pas la similitude !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Vous avez dit, tout à l’heure, que nous sommes mus par l’amour du mariage. Non, ce qui nous meut, c’est simplement l’amour de l’égalité ! Nous pensons que le bien-être des enfants ne dépend pas de l’orientation sexuelle de leurs parents.

Vous avez osé évoquer les souffrances psychologiques de ces enfants, comme vous pourriez évoquer celles des enfants de familles monoparentales ou recomposées, bref, de tous ceux qui ne rentrent pas dans votre norme, dans votre ordre social. Mais qui êtes-vous pour juger ? Qui êtes-vous pour distribuer de manière dogmatique les bons points en matière d’équilibre psychologique ? (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Nous combattons les peurs et les préjugés : vous les attisez, en parlant de menace pour notre civilisation, en oubliant volontairement les pays qui, en Europe et dans le monde, nous ont montré la voie, sans évidemment s’effondrer !

M. Philippe Cochet. Cela n’a rien à voir avec l’article 1er !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Nous pouvons exprimer, entre nous, des désaccords, de manière respectueuse.

M. Hervé Mariton. Montrez l’exemple alors !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Mais vous ne pouvez nier que ce débat a été l’occasion de propos injurieux et discriminants pour les couples de même sexe. Vous ne pouvez nier la responsabilité de ceux qui les ont tenus dans les souffrances de ces personnes. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Vous manipulez l’opinion !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je pense aux militants de SOS-homophobie, qui nous ont alertés quant à l’augmentation constante, ces derniers mois, des appels de victimes ou de témoins de propos homophobes. Je pense – et j’en finirai par là – à toutes ces personnes victimes de discriminations. J’ai envie de leur dire, pour finir par une touche positive…

M. le président. Merci, madame la députée.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 1.

Nous devons mesurer la gravité et l’impact de nos propos. Oui, madame, ce qui se dit ici peut perturber la vie de nos concitoyens. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Mariton, ce n’est pas un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, j’ai entendu hier plusieurs personnes témoigner que leur vie est plus difficile depuis que le Gouvernement a lancé ce débat, depuis que ce projet provoque des divisions qui ont été voulues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Luc Belot. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. le président. Monsieur Mariton, cela rejoint ce que je disais tout à l’heure : vous répondez à un orateur et ce rappel au règlement n’a donc rien à voir avec la séance. Je ne l’accepterai plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Il y a des règles !

M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Lesterlin. Mon rappel au règlement a trait à l’article 58 s’agissant des demandes touchant au déroulement de la séance.

Je suis intervenu avant-hier, et je dois être l’un des seuls orateurs à ne pas avoir été interrompu, sinon deux fois par M. Mariton.

M. Christian Jacob. Ça devait être justifié !

M. Bernard Lesterlin. La première, pour dire à l’occasion d’un propos que je tenais : « C’est bien vrai ! ». La seconde, pour me dire merci. Je pense donc qu’il est possible, dans cet hémicycle, de se parler calmement.

Monsieur le président, nous avons ouvert cette séance après six heures de discussion générale, pendant lesquelles nous avons pu examiner les répercussions de cette réforme sur les différents chapitres du code civil, et après trois motions : une motion de rejet préalable, une motion de renvoi en commission, et une motion référendaire. Chacun a donc pu s’exprimer.

Aussi, après que ce matin vous avez ouvert le débat en appelant cet article 1er, je suggère simplement – car j’ai des idées simples, comme M. Darmanin – de commencer enfin l’examen de l’article 1er, pour ensuite passer à l’article 2. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Cela me paraîtrait logique, sachant que dans la discussion de l’article 1er, nous avons à examiner les modifications apportées par l’article 143 du code civil puis par l’article 143, ainsi de suite.

M. Philippe Gosselin. C’est un commentaire de texte, pas un rappel au règlement !

M. Bernard Lesterlin. Il conviendrait vraiment de procéder de cette manière, sans quoi notre débat deviendra totalement incompréhensible. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Yves Censi. Cela ne veut rien dire !

Article 1er (suite)

M. le président. Nous en revenons aux orateurs inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Comme vous l’avez brillamment rappelé mardi, madame la garde des sceaux : « la société évolue et le mariage a toujours évolué avec elle ». À chacune de ces évolutions, la droite et les conservateurs français utilisent les mêmes mots et agitent les mêmes peurs. Certains arrivent ainsi à dépasser leur propre caricature.

M. Luc Belot. C’est grotesque !

M. Philippe Bies. D’autres, toujours à droite, se disent plus modérés, et le sont réellement et sincèrement. Ils reconnaissent la nécessité de faire évoluer le droit pour sécuriser les couples de même sexe et leurs enfants. Mais utiliser le terme de mariage leur est insupportable !

M. Philippe Gosselin. Cessez les invectives !

M. Philippe Bies. Ils nient, de fait, l’égalité des droits, et s’ils ne sont pas homophobes, ils sont à tout le moins homo-sceptiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. C’est de la provocation permanente ! On ne peut pas travailler comme cela !

M. Philippe Bies. Nous ne voulons pas de cette tolérance, et encore moins de cette compassion : nous voulons l’égalité !

En effet, mes chers collègues, il y a des évolutions législatives qui paraissent évidentes, quand on regarde la société telle qu’elle est et non telle qu’on voudrait qu’elle soit. Les couples de même sexe, les familles homoparentales existent. Ces couples, ces familles, leurs enfants n’ont pas les mêmes droits que les autres. Quand on est républicain et laïc, on ne peut plus tolérer cette injustice !

M. Bernard Roman. Exactement !

M. Philippe Bies. Le premier article qui nous occupe, aujourd’hui, dit effectivement les choses simplement et répare définitivement cette injustice.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Philippe Bies. Le mariage ouvert aux couples de personnes de même sexe est un progrès et, parce que c’est un progrès, nos concitoyens y sont favorables. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) S’ils y sont favorables, c’est tout simplement que pour eux ce n’est ni une révolution ni même une évolution, c’est la réalité quotidienne dans leur famille, leur entourage amical ou professionnel.

Chers collègues, la France est donc prête.

M. Philippe Cochet. Non, elle n’est pas prête !

M. Philippe Bies. Il est grand temps que la loi rattrape les mœurs. L’égalité des droits ne peut plus attendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Philippe Gosselin. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président !

M. le président. Non, la parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Philippe Gosselin. Le rappel au règlement est de droit, monsieur le président !

M. le président. Non ! C’est aussi de la responsabilité de la présidence de ne pas tenir compte de ces rappels au règlement qui viennent perturber l’ordre du jour ! Vous n’aurez pas la parole ! (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Monsieur Lequiller, si vous ne prenez pas la parole, vous perdrez votre tour !

M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, je vous demande vraiment la parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.).

M. Hervé Mariton. Dans ces conditions, monsieur le président, je demande une suspension de séance !

M. Michel Issindou. Quel cinéma !

M. Bruno Le Roux. C’est un mauvais film !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Monsieur le président, pour avoir entendu, lors d’une précédente séance, les accusations d’« homosceptique », d’« homophobe » ainsi que des allusions aux périodes de la guerre et à la déportation, je souhaite que de ce côté de l’hémicycle l’on se calme et que l’on use de mots modérés ! (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mme Anne Grommerch. Absolument !

M. Pierre Lequiller. Je m’oppose au projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe et, d’abord, à son article 1er, mais j’ai, bien évidemment, le plus grand respect pour les couples de même sexe, pour la reconnaissance de leur amour et celui qu’ils peuvent porter à leurs enfants.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas le sujet ! Le respect ne suffit pas, il faut des droits !

M. Pierre Lequiller. Cette reconnaissance des couples peut être satisfaite au travers de progrès tels que notamment la solennité de la célébration et les engagements extrapatrimoniaux. C’est pourquoi je suis favorable à la création d’un statut juridique d’alliance civile qui existe dans la majorité des pays européens…

M. Jean-Pierre Dufau. Vous avez eu dix ans pour le faire !

M. Pierre Lequiller. …statut qui permet aux couples de même sexe qui le souhaitent de s’unir solennellement devant le maire, qui oblige chacun des alliés à la fidélité envers l’autre, au respect, au secours, à l’assistance et qui engage le couple à une vie commune et règle la contribution des charges.

Je ne souhaite, pour autant, pas que l’on modifie le principe du mariage qui lui donne son sens depuis toujours : fonder la filiation sur la différence des sexes et sur l’altérité. Le mariage n’est pas la simple reconnaissance de l’amour ni même la consécration d’une union privée, c’est une institution de la société : celle qui permet de fonder, en droit, la filiation biologique.

Je terminerai en lisant cette phrase : « On ne peut pas faire comme si la logique traditionnelle du mariage pouvait s’appliquer aussi bien dans le cas d’un couple du même sexe que dans le cas d’un couple avec un homme et une femme. » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. S’il y a bien un modéré, c’est Pierre Lequiller et il est scandalisé !

M. Pierre Lequiller. Il s’agit de…

M. le président. Merci, mon cher collègue.

La parole est à M. Luc Chatel.

M. Philippe Gosselin. Et la demande de suspension de M. Mariton, monsieur le président ?

M. Luc Chatel. Madame la garde des sceaux, le projet de loi que vous nous proposez réforme l’essence de l’institution du mariage et le droit de l’adoption. En aucun cas, nous ne pouvons accepter qu’il se réduise à un débat pour ou contre les personnes homosexuelles, et nous ne pouvons accepter les propos que nous entendons depuis plusieurs jours, laissant penser que les élus de l’UMP seraient homophobes.

Nous sommes particulièrement attentifs aux attentes exprimées par de nombreux couples homosexuels et nous considérons qu’aujourd’hui, il faut évoluer sur la question de la reconnaissance sociale et du statut juridique de ces couples. Nous devons leur garantir la protection de leur vie familiale et leur faciliter la vie quotidienne. Mais cette amélioration des droits des couples homosexuels doit passer par la reconnaissance civile de leur union, par une célébration devant le maire, officier d’état civil.

M. Jean-Pierre Dufau. Ce n’est pas du mariage religieux dont on parle !

M. Nicolas Bays. Le mariage est laïc !

M. Luc Chatel. Nous avons donc proposé un amendement qui tend à prévoir une alliance civile pour les couples de même sexe…

Mme Joëlle Huillier. C’est discriminant ! C’est scandaleux !

M. Luc Chatel. …ce qui donnerait des droits fiscaux, sociaux et successoraux identiques à ceux du mariage. Cette solution équilibrée permettrait d’entendre les demandes légitimes de ces couples et d’y répondre tout en préservant l’institution du mariage à laquelle les Français sont particulièrement attachés. En effet, elle réaffirme le caractère spécifique du mariage qui n’est pas uniquement, comme nous l’avons entendu, un contrat passé entre personnes majeures et consentantes ou la simple reconnaissance de l’amour. Le mariage intègre, en effet, la perspective de la filiation et il est indispensable qu’il demeure le lieu de cette filiation. Différencier père et mère est nécessaire à la construction de l’enfant. Cessons donc les caricatures ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, j’ai formulé tout à l’heure une demande de suspension de séance. Vous avez voulu ne pas l’entendre, mais c’est une erreur qui je pense est rattrapable.

M. Jean-Marc Germain. Il suffit !

M. Hervé Mariton. Oui, je souhaite une suspension de séance pour réunir mon groupe, et sans doute aussi pour que le président Le Roux réunisse le sien afin que cessent les propos, les accusations d’« homosceptiques », les procès permanents en homophobie et j’en passe, telle l’allusion aux Talibans ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je vous demande donc une suspension de séance de dix minutes.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. Je remercie M. Mariton pour sa sollicitude et les conseils qu’il me donne ! Mais il se trouve que j’ai la chance, à la différence très certainement de mon homologue M. Jacob, de présider un groupe qui sait ce qu’il veut (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP),…

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Cochet. Il n’y a pas de liberté de vote dans le vôtre !

M. Bruno Le Roux. …qui maîtrise son expression et qui éclaire sur ses convictions ! Je n’ai pas besoin, monsieur Mariton, de le réunir toutes les trente minutes pour essayer d’éviter certaines expressions de bien trop d’entre vous qui n’ont pour objet que d’enfouir le fond ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Nous comprenons dans ces conditions qu’il vous soit nécessaire de recadrer de temps en temps vos collègues pour faire en sorte que le débat ne dérape pas. Aussi, nous vous attendrons en restant sereinement en séance (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er (suite)

M. le président. Nous en revenons aux orateurs inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch.

M. Jean-Pierre Le Roch. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’article 1er du projet de loi que nous examinons vise à reconnaître à l’ensemble des citoyens français, indépendamment de leur orientation sexuelle, une égalité de droits et de devoirs. Il dispose en effet : « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. »

Cette disposition du nouvel article 143 du code civil offrira la liberté aux couples de même sexe de choisir l’organisation de leur vie commune de la même manière que les couples de sexe différent. En outre, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe a pour corollaire direct l’ouverture de l’adoption dans des termes identiques à ceux définis pour les couples hétérosexuels.

La volonté affichée par certains de nier l’existence juridique des familles homoparentales ne doit pas nous détourner de l’impératif de repenser le droit à l’aune de l’évolution de notre société. Si le foyer homoparental est une réalité, le vide juridique dont il est l’objet est un facteur d’insécurité, tant pour les enfants que pour les parents.

Mes chers collègues, ce projet n’engendre pas moins de familles, bien au contraire. L’élargissement des droits qu’il implique permet la reconnaissance des citoyens et des familles dans leur diversité.

Ainsi, l’article 1er entérine-t-il la transformation de la société et consacre, par l’évolution du droit, l’ambition progressiste de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Mesdames les ministres, ce texte est un grand texte d’égalité, qui ne retire aucun droit, mais en ajoute à des familles homoparentales et à des enfants qui n’en ont pas.

Nos collègues de l’opposition, dans leurs interventions, évoquent la différence de sexe pour s’opposer à cette avancée. La différence de sexe est évidemment un fait, une réalité biologique fondamentale, mais ce n’est pas un principe de droit, contrairement au principe constitutionnel d’égalité.

Dans le passé, cette différence de sexe a été instrumentalisée pour s’opposer à l’égalité entre les femmes et les hommes. Il n’y a pas si longtemps, notre Assemblée ne comportait que des hommes. Il y a un peu plus de quarante ans, les femmes avaient besoin de l’autorisation de leur époux pour ouvrir un compte bancaire, disposer de leur salaire ou exercer l’autorité parentale.

Mme Catherine Coutelle. Eh oui !

M. Pierre-Alain Muet. Les combats du mouvement progressiste ont permis que les hommes et les femmes soient égaux en droit. Cette égalité n’a pas aboli la différence de sexe. Cette différence ne disparaîtra pas plus lorsque sera instaurée une égalité entre tous les couples à l’égard du mariage et de l’adoption.

Vous avez rappelé avec brio, madame la garde des sceaux, que le mariage civil inscrit dans la Constitution de 1791 était une conquête fondatrice de la République, portant dès l’origine l’empreinte de la liberté et de l’égalité. Aujourd’hui, nous parachevons cette égalité, et tous ceux qui, nombreux dans cet hémicycle, vont voter cette loi, et elle sera votée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), le feront avec la fierté d’avoir accompli un nouveau pas important dans le long chemin qui mène à l’égalité.

Il ne s’agit pas d’inventer de nouvelles formes de familles.

M. Hervé Mariton. Eh si !

M. Pierre-Alain Muet. Ces familles, elles existent. Il s’agit simplement de protéger toutes les familles et tous les enfants avec les mêmes lois de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je regrette d’abord, comme doit le faire tout vrai républicain, les excès de langage qui se font jour dans une partie de cet hémicycle (Rires sur les bancs du groupe SRC),…

M. Luc Belot. Lesquels ?

M. Guénhaël Huet. …les mises en cause répétées et les attaques déplacées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Luc Belot. Lesquelles ?

M. Guénhaël Huet. Sur le fond, le débat sur le mariage homosexuel ne saurait se réduire à l’égalité. Nous devons également nous interroger sur les conséquences de ce mariage et les bouleversements que cela entraînera sur le droit de la famille et, plus précisément encore, sur les droits des enfants et les droits des femmes.

Parmi ces conséquences, même si vous souhaitez les nier, il y a la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui.

M. Luc Belot. Les avez-vous vues dans le texte ?

M. Guénhaël Huet. Il y a également et surtout l’inévitable marchandisation du corps de la femme (Protestations sur les bancs du groupe SRC),…

Mme Catherine Coutelle. Lamentable !

M. Guénhaël Huet. …ce qui est un comble de la part de ceux qui se prétendent les défenseurs des droits des femmes.

M. Philippe Cochet. Scandaleux !

M. Guénhaël Huet. Il est vrai que M. Bergé a dit, sans être démenti, qu’il ne voyait aucune différence entre louer son ventre pour faire des enfants et louer ses bras pour travailler.

M. Bernard Roman. Qu’avez-vous à dire sur l’article 1er ?

M. Luc Belot. La discussion générale est finie !

M. Bernard Roman. Venez-en au fond !

M. Guénhaël Huet. Il y a aussi le rôle de la loi. La loi ne sert pas seulement à donner des droits, à suivre les évolutions sociales. Elle sert aussi à fixer des valeurs qui sont pour notre société des points de repère. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) La loi est un outil indispensable pour notre démocratie. La philosophie qui est la vôtre va à l’évidence à l’encontre de tout cela.

Mme Joëlle Huillier. Nous ne sommes plus dans la discussion générale !

M. Guénhaël Huet. Je vous renvoie à la sagesse de René Descartes : il vaut mieux changer ses désirs que vouloir changer l’ordre du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Salen.

M. Paul Salen. Madame la garde des sceaux, ainsi que vous l’avez souligné lors de votre audition devant la commission des lois, l’article 1er est le plus important parce qu’il « ouvre le mariage aux couples de personnes du même sexe en insérant un article 143 dans le code civil ». Vous avez, madame, le mérite de la clarté, à défaut d’avoir celui de l’exactitude. On peut lire, en effet, dans l’exposé des motifs du projet que vous présentez, que « nulle part n’a été expressément affirmé que le mariage suppose l’union d’un homme et d’une femme ».

Vous vous entourez bien sûr de quelques précautions de langage en rappelant que d’autres dispositions du code civil interdisent le mariage entre personnes du même sexe, mais le fond de votre argumentation est bien toujours le même, c’est qu’il existe une inégalité profonde entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels et qu’il vous appartient de la corriger.

Or vous vous trompez car, depuis 1804, le dernier alinéa de l’article 75 du code civil n’a jamais été modifié. Il précise en parlant du maire qu’il « recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme ».

Votre argumentation est donc contraire à la réalité du code civil mais, en plus, à toute l’interprétation de la Cour de cassation du 11 mars 2007, qui considère comme un principe du droit civil qu’un couple marié est formé d’un homme et d’une femme.

Ce que nous ne comprenons pas, c’est que, au lieu d’organiser le PACS, puisque seulement 4 % de ceux qui sont conclus concernent des couples homosexuels, vous vous lanciez dans la destruction de notre code civil en remettant en cause le mariage républicain. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Pour cette raison, nous souhaitons que l’article 1er soit abrogé et que, comme l’ont expliqué mes collègues tout à l’heure, l’on mette en place un statut juridique sous la forme d’une alliance civile.

Si votre texte n’avait aucune autre incidence que d’organiser la vie entre deux personnes qui s’aiment, je le voterais sans hésiter, mais, par les conséquences qu’il comporte sur tout le droit de la famille…

M. le président. Merci, monsieur le député.

La parole est à M. Serge Bardy.

M. Serge Bardy. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, vendredi 14 décembre dernier, M. Philippe Barbarin, archevêque de Lyon,…

M. Philippe Cochet. Un grand archevêque !

M. Serge Bardy. …indiquait dans une interview donnée à la radio et à la télévision : « Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre. Après, un jour peut-être, l’interdiction de l’inceste tombera. » Quelle stupéfaction, quel rétropédalage dans l’Histoire.

L’opposition répète, à tort, que, selon elle, ce projet de loi serait naturellement refusé s’il était soumis au peuple souverain.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Hervé Mariton. Chiche !

M. Serge Bardy. Il est vrai que le présenter de façon si détournée, si caricaturale et trompeuse, comme le fait l’archevêque de Lyon et comme le relaient un grand nombre d’opposants, ne fait que dénaturer ce projet, et c'est un mauvais procès d’intention fait à la majorité.

L’article 1er pose les principes fondamentaux du mariage pour tous. Il constitue le pilier du dispositif qui permettra de rendre effectif le principe d’égalité que nous défendons ardemment. La discrimination pratiquée à l’encontre des personnes homosexuelles n’a pas lieu d’être. Elle ne doit plus trouver de prolongement dans la reconnaissance civile et juridique que l’État accorde aux unions entre personnes de même sexe.

Le PACS de 1999 constituait le premier pas dans la politique de reconnaissance des droits et d’égalité de tous, sans distinction d’origine, de race, d’orientation sexuelle, d’identité de genre ou de religion.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Serge Bardy. Le texte que nous examinons permet de faire un second pas en faveur de cette égalité. Il vise à assurer aux couples de même sexe les mêmes conditions de reconnaissance sociale et de protection juridique qu’à n’importe quel couple.

Mes chers collègues, ce beau projet d’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe s’affranchit des préjugés trop souvent répandus. Il s’affirme comme un vecteur de progrès social, comme un principe de société qui dépasse la société des principes patriarcaux très justement rappelés en introduction par Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gosselin.

Mme Geneviève Gosselin. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues avec ce projet de loi, notre pays s’engage dans la voie de l’égalité véritable.

Le premier article de ce projet de loi, qui porte ouverture du mariage aux couples du même sexe et qui nous est soumis aujourd’hui, concrétise l’engagement du Président de la République d’accorder les mêmes droits et les mêmes protections aux couples homosexuels.

Cet article apporte la seule réponse satisfaisante face aux nouvelles situations familiales que connaît notre société, avec la modification de notre code civil par l’ajout d’un article 143, qui, désormais, indiquera explicitement que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».

Cette réforme ne modifie donc pas le droit existant en matière de mariage et de filiation, elle en ouvre simplement l’application à tous les couples hétérosexuels comme homosexuels, en leur conférant les mêmes obligations, mais également les mêmes droits.

L’ouverture du mariage aux couples de même sexe leur permettra ainsi d’avoir accès à l’adoption, que ce soit de façon simple ou plénière, apportant de ce fait une sécurisation juridique aux enfants vivant au sein de familles homoparentales.

Au travers de ce projet de loi, nous exerçons en tant que législateurs notre rôle le plus important, qui est d’adapter les lois de notre République aux évolutions traversées par notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Nicolas Bays. Tiens, M. Marleix va parler depuis son banc ! Il n’a donc pas soif, lui, pour se passer ainsi du verre d’eau à la tribune ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Olivier Marleix. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je suis, comme mes collègues, évidemment enclin à accepter tout ce qui peut faire tomber les dernières barrières dans notre société qui distinguent, différencient l’homosexualité, portent atteinte à la fraternité qui fonde notre République, mais ce texte, au lieu de faire tomber des barrières, crée un grand nombre de confusions.

Il y a d’abord confusion quant à la valeur que vous accordez à cette institution qu’est le mariage. Il est étonnant que ce soient ceux-là même qui, depuis trente ans, s’évertuent à décrier le mariage comme une institution bourgeoise et ringarde qui, aujourd’hui, soutiennent que c’est une institution tellement importante que personne ne doit en être privé.

Il est étonnant et symptomatique que ce soit le Président de la République qui aura été le premier chef d’État en France à avoir refusé toute sa vie cette institution qui explique désormais au peuple français qu’elle est tellement importante que nul ne doit en être privé. Quelle cohérence !

M. Nicolas Bays. Et la liberté de choix ?

M. Olivier Marleix. Il y a confusion quand le Président de la République promet un jour aux maires de France devant 6 000 maires rassemblés la liberté de conscience pour ne pas célébrer ces mariages et y renonce le lendemain même, montrant le peu de cas qu’il fait lui-même de sa parole. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Exactement !

M. Serge Janquin. Hors sujet !

M. Olivier Marleix. Il y a ensuite confusion sur ce qui suivra immanquablement ce qui est ouvert par votre texte.

Comment les lois de la République pourront-elles accorder à des couples mariés ne pouvant pas avoir d’enfant le recours à la PMA et le refuser à des couples homosexuels féminins dans la même situation ? Comment, au-delà, les lois de la République pourront-elles refuser à des couples homosexuels masculins ce même droit, qui prendra la forme de la gestation pour autrui ?

Alors, notre société aura basculé dans un autre modèle. Le rôle de la loi n’est pas de courir après les évolutions de la société, madame Taubira, c’est d’offrir un cadre complet et cohérent. Ce n’est pas ce que propose aujourd’hui votre texte.

M. le président. La parole est à M. Michel Terrot.

M. Michel Terrot. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voudrais rendre l’Assemblée attentive à un texte que tout le monde ne connaît peut-être pas, qui a été écrit récemment par l’un de nos plus grands philosophes, Bertrand Vergely, normalien, agrégé de philosophie. Rassurez-vous, il est court, et vous ne serez pas moins intelligents après en avoir pris connaissance.

Faute de temps, en deux minutes, de développer tous ses arguments, je vous en livre simplement la conclusion : « Le mariage gay qui nous propose une grande noyade collective dans l’amour n’est pas raisonnable. La mise en question de la distinction entre homme femme ravalée au rang de pratique sexuelle n’est pas raisonnable. Vouloir avoir un enfant à tout prix en recourant soit à l’adoption, soit à un père donateur, soit à une mère porteuse n’est pas raisonnable. Ne plus parler de père et de mère mais de deux pères ou de deux mères n’est pas raisonnable. En un mot, bidouiller une famille grâce à un montage juridico-médical et appeler cela famille n’est pas raisonnable.

M. Bernard Roman. C’est indigne ! C’est une honte !

M. Michel Terrot. « Les mots ont du sens quand ils renvoient à une réalité. Quand ils ne sont plus que ce que l’on décide qu’ils doivent être, on n’est plus dans le domaine du sens, mais de la confusion. Le règne de la confusion, sa dictature et avec elle la confusion des esprits et des comportements, n’est-ce pas ce dont nous souffrons déjà et qui risque de nous engloutir ? Est-il besoin d’en rajouter ? »

Je tiens ce texte à votre disposition.

M. le président. La parole est à M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il y a deux points sur lesquels nous pouvons nous retrouver, la nécessaire reconnaissance sociale des couples de même sexe et l’élargissement de leurs droits juridiques patrimoniaux.

Les humiliations, les discriminations dont ils peuvent être victimes ne sont naturellement pas acceptables. Je voudrais dire combien je suis choqué par l’attitude de certains membres de la majorité, qui voudraient donner mauvaise conscience aux opposants à ce texte, peut-être pour justifier leur obstination, en tout cas pour organiser un clivage qui ne les grandit pas. Comme s’il y avait les « pro » et les « anti », voire les sceptiques de l’homosexualité, les jeunes et les vieux, les modernes et les ringards…

M. Nicolas Bays. Il y en a !

M. Rémi Delatte. Voilà, vous révélez votre sectarisme et votre vue étriquée, cher collègue ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Si nous voulons donner de nouveaux droits aux homosexuels, votre projet de loi ne répond pas à cet objectif, car il met en cause la famille, cellule fondamentale de notre société, creuset d’épanouissement et de construction de l’enfant. Il met en cause la parenté, la filiation dans toutes ses dimensions, et il organise une révolution anthropologique dont vous porterez définitivement la responsabilité et dont vous sous-estimez probablement l’ampleur.

Au fond, votre projet de loi confond le droit à l’enfant et le droit de l’enfant. Il fait fi de l’intérêt suprême de l’enfant.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est faux !

M. Rémi Delatte. Vous parlez d’égalité, mais de quelle égalité ? Sans doute pas celle de l’enfant, à qui l’on occultera l’origine de sa vie. Il est des sujets sur lesquels on ne transige pas : on ne triche pas avec l’origine de la vie.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Pourquoi « tricher » ? Ils existent, les enfants !

M. Rémi Delatte. D’autres voies sont possibles, explorez-les ! Sortez par le haut, écoutez les Français. Le contrat d’alliance civile est une réponse intelligente et respectueuse de tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière.

M. Charles de La Verpillière. Le projet que nous examinons ouvre aux couples homosexuels la possibilité de se marier et d’adopter. Ma très courte intervention ne portera que sur l’adoption. J’y suis totalement opposé, pour deux raisons. Tout d’abord, parce que les enfants ont besoin, et ils ont même le droit, pour grandir, s’épanouir et trouver leur équilibre, d’avoir un père et une mère. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et ceux n’en ont pas ?

M. Jean-Pierre Dufau. Et que faites-vous des veuves ? Des familles monoparentales ?

M. le président. S’il vous plaît !

M. Charles de La Verpillière. Ensuite, parce que vous allez créer entre les enfants des couples homosexuels et les autres une terrible inégalité. Il y aura ceux qui ont un papa et une maman, et ceux qui ont deux papas et deux mamans. Quel traumatisme, et quelle responsabilité vous prenez à l’égard de ces enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Luc Belot. Et pour ceux qui n’en ont pas ? Vous avez des œillères !

M. Charles de La Verpillière. C’est donc au nom de l’intérêt supérieur des enfants et de la défense des valeurs essentielles de la famille que je voterai contre ce projet.

Je vois que les arguments que j’emploie vous gênent ; cela me conforte dans ma conviction ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Cet article, et le projet dans son ensemble, viennent bouleverser, à travers l’institution du mariage, non seulement les conditions d’alliance des époux mais aussi le droit de la filiation et le statut de l’enfant.

Le mariage, vous le savez bien, n’a pas vocation à officialiser l’amour. Il est un acte juridique visant à pérenniser l’engagement d’un homme et d’une femme à fonder une famille et visant à sécuriser la filiation. Doit-on changer le mariage de tous pour satisfaire la revendication militante de quelques-uns ?

M. Jean-Pierre Dufau. Ce n’est pas le mariage qu’on change, mais l’accès au mariage !

M. Philippe Goujon. Ce sont 4 % des PACS seulement qui concernent des personnes de même sexe. La loi doit au contraire élever son universalité au-dessus des cas particuliers. En l’occurrence, ceux-ci sont en outre déjà réglés par la jurisprudence.

L’article 144 du code civil fondant la condition d’altérité sexuelle qui donne accès au mariage n’est pas contraire au principe d’égalité. La jurisprudence constitutionnelle en a déjà jugé. L’altérité sexuelle constitutive du mariage est au contraire, selon les constitutionnalistes, un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ce qui augure mal de la constitutionnalité du texte.

L’académie des sciences morales et politiques, dans son avis du 21 janvier, a considéré que la réforme opérée au nom de droits individuels pour les couples de même sexe met en cause les droits des couples de sexes différents.

Mme Véronique Massonneau. Ah bon ?

M. Jacques Myard. Le défenseur des droits a regretté la méthode employée : « Il aurait pu être procédé à une construction de droits nouveaux en introduisant des dispositions législatives nouvelles et appropriées à ces situations. » Pourquoi refuser la création d’une union civile pour les personnes homosexuelles, qui existe pourtant dans plusieurs pays européens ? En réalité, l’argument de l’égalité des droits cache bien mal une revendication purement idéologique de dénaturation du mariage et de la famille, et vous ne sauriez faire fi, chers collègues, des questionnements et des craintes légitimes que ressentent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard. (« Ah ! » sur divers bancs.)

M. Jacques Myard. Mes chers collègues, l’humanité s’est développée sur l’altérité des sexes. Depuis des millénaires, quels que soient la culture, le système politique, le temps historique, l’humanité a inventé l’institution du mariage fondée sur l’altérité.

M. Sergio Coronado. Pas le mariage civil !

M. Jacques Myard. Comme le souligne Lévi-Strauss, l’altérité dans le mariage est une loi structurelle et universelle, qui, malgré les critiques, doit bien avoir un fondement de vérité.

Vous prétendez ouvrir le mariage aux homosexuels au nom de l’égalité. Il s’agit là d’une totale imposture. L’égalité est toujours respectée lorsque les statuts et les conditions sont différents. Si c’était une discrimination, le Conseil constitutionnel l’aurait sanctionnée dans sa décision sur la QPC. Défendre le mariage des homosexuels au nom de l’égalité est tout simplement un oxymore, une contrariété dans les termes.

Avec le mariage, il y a la filiation et l’enfant. Vous parlez de l’intérêt de l’enfant ; où est-il,…

M. Bernard Roman. Il est là ! Ici ! Sur ces bancs !

M. Jacques Myard. …alors que vous prétendez vous en préoccuper dans les temps et les rythmes scolaires ?

Il y a quelques semaines, j’ai entendu sur une radio d’État…

M. Luc Belot. Une bonne radio d’État !

M. Jacques Myard. …une enfant de sept ans ayant deux mères dire d’une voix triste qui m’a glacé : « Je n’ai pas de papa et je devrai m’y habituer. » (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Eh bien, la vérité est simple : elle ne s’y habituera jamais, comme l’attestent ces centaines d’adultes nés sous X qui recherchent leurs géniteurs toute leur vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Vous jouez avec le feu ! Vous êtes encore la majorité légale mais vous n’avez plus la légitimité politique. Vous devriez ouvrir les yeux sur votre échec ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Le Fur, pour vous montrer l’état d’esprit d’ouverture de la présidence, je vous donne la parole. (Sourires.)

M. Marc Le Fur. Merci, monsieur le président.

Ma conviction, c’est que le débat que nous ouvrons aujourd’hui n’est que factuellement un débat sur le mariage, qu’il soit pour tous ou non ; fondamentalement, c’est un débat sur la famille et sur l’enfant. Mes chers collègues de gauche, vous commettez un contresens entre mariage et sentiment.

M. Christophe Castaner. Ce n’est pas incompatible !

M. Marc Le Fur. Le mariage n’est pas une validation des sentiments par la collectivité. L’État n’a ni à censurer ni à autoriser un quelconque sentiment. Les sentiments que les uns et les autres se portent ne regardent qu’eux-mêmes ; les amoureux n’ont pas besoin de certificat ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Olivier Faure. Doucement !

M. Marc Le Fur. Le mariage n’est pas davantage un contrat qui n’engagerait et ne concernerait que les signataires de ce contrat. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC.) Non, le mariage est bien une institution, et la meilleure preuve en est que les militants du mariage homosexuel veulent être mariés en mairie, dans un lieu qui n’est pas neutre, par un officier de l’état civil, représentant de l’État.

Pourquoi la société a-t-elle créé cette institution ? Pour assurer sa propre pérennité et protéger un sujet fragile : l’enfant, le « petit d’homme », comme disait Kipling, qui a pour caractéristique d’être vulnérable pendant de très nombreuses années, ce qui le singularise dans le règne animal.

M. Nicolas Bays. Dans le règne animal ? Je n’ai pas tout compris !

M. Marc Le Fur. C’est lui qu’il faut protéger, et c’est la vocation de la société que de le faire.

Si toutes les civilisations – l’histoire et la géographie le confirment –, quelles que soient leurs bases culturelles, philosophiques ou religieuses, quelle que soit la sagesse ou la foi qui les inspire, ont voulu protéger l’enfant, c’est parce qu’elles considèrent que c’est un sujet essentiel. Or seuls un homme et une femme sont en mesure de procréer naturellement.

Dans ce domaine, votre anticléricalisme, votre cathophobie (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC) est non seulement outrancière – notre rapporteur l’a démontré par l’accueil lamentable qu’il a réservé aux représentants des cultes (Mêmes mouvements) –, mais elle n’est pas non plus pertinente. L’Église catholique n’est en Occident que la gardienne d’une réalité anthropologique qui, dans d’autres pays, sera défendue au nom d’autres traditions, d’autres sagesses, d’autres cultures. La meilleure preuve, c’est qu’aucune des grandes traditions d’Orient comme d’Occident n’a accepté le mariage homosexuel. Les civilisations qui ont toléré, voire autorisé l’homosexualité…

M. le président. Merci.

M. Marc Le Fur. Nous voterons résolument contre ce texte funeste ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. Ce débat important traverse en réalité tout le continent européen et nous ne sommes pas les premiers à l’engager, même s’il y a longtemps qu’il a fait son apparition dans notre pays. Il mérite plus de dignité que cela n’a été le cas depuis le début, ne serait-ce que parce que les paroles qui sont prononcées ici peuvent être extrêmement blessantes pour celles et ceux qui nous écoutent.

M. Hervé Mariton. Pour tout le monde !

M. Olivier Faure. C’est valable pour tout le monde, monsieur Mariton, mais d’abord pour vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Cela vaut pour tous !

M. Olivier Faure. Des enfants aujourd’hui vous écoutent, qui vivent dans des familles homoparentales et qui demandent simplement que leurs familles soient reconnues comme la vôtre, que leurs parents soient reconnus comme ceux des familles hétérosexuelles.

Ce débat mérite donc de la clarté et doit être exempt d’hypocrisie. À cet égard, je remercie Christiane Taubira qui, depuis le début, avec l’éloquence que nous lui connaissons, a fait preuve de beaucoup de clarté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Charles de La Verpillière. Sur la GPA !

M. Olivier Faure. Ce qui a été présenté comme une faute, cette fameuse circulaire que l’on nous ressort à tout moment, est l’expression de la clarté, car elle démontre que sur un sujet complexe, celui des mères porteuses, nous pouvons être à la fois à 100 % contre la GPA et à 100 % pour que les enfants qui naissent sous GPA se voient reconnaître des droits.

M. Hervé Mariton. C’est un peu étrange !

M. Charles de La Verpillière. C’est totalement incohérent !

M. Olivier Faure. Je suis cohérent ! Je dis simplement que ces enfants sont là et que, si nous reconnaissons l’intérêt supérieur de l’enfant, nous devons leur reconnaître, à eux aussi, des droits. La clarté, c’est aussi refuser toute forme d’hypocrisie. Vous-mêmes avez accepté l’idée que les célibataires puissent adopter.

M. Philippe Gosselin. C’était en 1923, le contexte était complètement différent : les enfants de 14-18 étaient orphelins !

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli. La clarté, chers collègues, aurait d’abord exigé que ce projet de loi porte son vrai nom : non seulement le mariage pour les couples de même sexe, mais aussi l’adoption, et cette dernière ne figure pas dans le titre. C’est bien pourquoi cet article 1er nous pose problème : qu’en ouvrant le droit au mariage pour les personnes de même sexe, on ouvre le droit à l’adoption, on ouvre à ces personnes le droit d’être père et d’être mère.

Ce problème est fondamental. La ministre de la justice l’a dit : nous allons, en votant ou non cette loi, prendre une décision « filiationnelle ». Personne ne pourra revenir dessus, surtout si elle est positive. C’est la raison pour laquelle nous regrettons, encore une fois, que le peuple n’ait pas été saisi de cette question, car seul le peuple peut prendre une décision irréversible. Nous regrettons tous, sur les bancs de l’opposition, que ce choix courageux n’ait pas été celui du Gouvernement.

Je conclurai rapidement. Je ne suis pas homophobe,…

M. Sergio Coronado. Mais !

M. Laurent Marcangeli. Je ne suis pas ultra-catholique conservateur…

Plusieurs députés des groupes SRC et écologiste. Mais !

M. Laurent Marcangeli. Je ne suis pas opposé à l’amour entre un homme et un homme ou entre une femme et une femme.

Plusieurs députés des groupes SRC et écologiste. Mais !

M. Laurent Marcangeli. Et puisque, tout à l’heure, une collègue demandait qui nous étions pour pouvoir parler à cette tribune, je réponds que nous sommes les élus du peuple, les élus de la République…

M. Sergio Coronado et Mme Véronique Massonneau. Nous aussi !

M. Henri Jibrayel. On l’est tous ici !

M. Laurent Marcangeli. Et à ce titre, nous avons le droit de ne pas être d’accord avec vous, ne vous en déplaise ! Ce débat est nécessaire, il aurait dû aller devant le peuple français, le peuple souverain ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP.)

M. Nicolas Bays. Il gagne à être méconnu !

M. le président. La parole est à M. Édouard Fritch.

M. Édouard Fritch. Monsieur le président, ce n’est pas un rappel au règlement, mais un rappel à l’histoire. La Polynésie française a été colonisée par les Français au XIXe siècle et, plus précisément, comme ce fut le cas avec les Anglais, qui étaient déjà présents, par des missionnaires religieux. Ils ont été les porteurs de la civilisation française, riche en valeurs de toutes sortes que les Polynésiens ont faites leurs. L’une de ces valeurs est le christianisme, à telle enseigne que le 5 mars, date de l’arrivée de l’Évangile en Polynésie, est un jour légalement férié chez nous.

De par sa culture propre, la Polynésie est restée largement étrangère à certaines évolutions de la société française, notamment à l’émergence du militantisme public des mouvements visant la reconnaissance des personnes homosexuelles. Ceci peut aisément se comprendre, du fait que les homosexuels sont pour la plupart parfaitement intégrés dans la culture traditionnelle et moderne polynésienne et qu’ils n’ont jamais milité pour la reconnaissance d’un statut particulier lié à leur orientation sexuelle. Ce sont des hommes et des femmes comme nous, et non à part. Il est d’ailleurs notable que la revendication du mariage pour tous n’a pas véritablement trouvé d’écho en Polynésie.

Dans ce contexte, monsieur le président, la loi sur le mariage pour tous – d’autant qu’elle n’a pas fait chez nous l’objet d’un débat de fond par des spécialistes, qui auraient pu préparer les esprits à une évolution non revendiquée et venue de l’extérieur – apparaît comme une rupture avec l’équilibre ancestral de la société polynésienne et prend le risque de heurter profondément les consciences.

L’imposer serait agir en néocolonialistes : cela servirait les partisans de l’indépendance et, en particulier, l’actuel président de la Polynésie qui ne cesse de montrer du doigt la France à l’ONU, à cause de tels comportements.

Je m’opposerai donc à l’article 1er.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement que j’espère vrai.

M. Gérald Darmanin. Évidemment !

M. Hervé Mariton. Mes propos, monsieur le président, sont toujours authentiques ! (Sourires.)

Dans le droit fil de la réflexion de notre collègue et pour le bon déroulement de nos travaux, je souhaiterais savoir si le président de la commission des lois et le Gouvernement considèrent que les dispositions prévues, en particulier, la cohérence entre l’article 1er et les articles terminaux du projet de loi, permettent effectivement de répondre à la situation de l’outre-mer ou s’il faut corriger le déroulement des travaux et créer de nouvelles dispositions, tant le projet, vous le savez, est récusé par l’ensemble des populations d’outre-mer…

Mme Chantal Berthelot. Par l’ensemble des populations d’outre-mer ?

Mme Ericka Bareigts. Absolument pas !

M. Bernard Roman. Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! C’est dans la Drôme, ça !

M. Hervé Mariton.…et la très grande majorité de nos collègues d’outre-mer, qu’ils soient à droite ou à gauche. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous l’avons en effet entendu l’autre jour avec le très courageux M. Azerot, député de la Martinique et membre du groupe GDR : c’est le cas aussi de la plupart des députés d’outre-mer qui sont à gauche. Tel est leur droit et celui de leurs électeurs ! Il conviendrait d’éclairer le déroulement de nos travaux à ce sujet, pour s’assurer de l’articulation de la loi que nous votons avec son application outre-mer.

Mme Catherine Lemorton. Il fallait déposer un amendement !

M. Hervé Mariton. Notre collègue aurait pu souligner aussi les problèmes d’application du PACS en Polynésie actuellement, comme il l’a très bien fait en commission.

M. Édouard Fritch. En effet.

M. Hervé Mariton. Je souhaiterais donc, dans le cas de ce rappel au règlement qui est dans le sujet, que le président de la commission et le Gouvernement puissent nous éclairer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. Le Gouvernement et la commission, quand nous aurons entendu les quatorze orateurs encore inscrits, pourront s’exprimer. Au demeurant, s’il devait y avoir une difficulté, votre groupe aurait eu la sagesse de déposer un amendement sur cette question, afin d’éclairer la discussion de l’Assemblée.

M. Hervé Mariton. Nous en avons déposé un.

M. le président. Par conséquent, votre rappel au règlement était conforme à l’esprit du règlement, mais tout de même un peu limite…

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline. C’est au nom du droit des femmes que je refuserai la mécanique juridique dans laquelle nous entraîne ce texte. Votre majorité, madame la garde des sceaux, ne cesse de le répéter : pour vous, les faits précèdent le droit. Dans cette logique, cependant, vous n’échapperez pas, tôt ou tard, aux conséquences juridiques de l’homoparentalité : d’abord, le recours à la PMA puis fatalement à des pratiques comme la GPA, esclavage moderne s’il en est,…

Mme Claude Greff. Eh oui !

Mme Nicole Ameline.…à laquelle une partie de votre majorité se rallie déjà. Je regrette, madame la garde des sceaux, que vous ayez tout au long de ce débat été la victime de vos certitudes. Vous n’avez en effet saisi ni le comité d’éthique, ni la commission nationale des droits de l’homme ; vous n’avez pas non plus entendu ces très belles voix, comme celle de Sylviane Agacinski…

M. Jacques Myard. Eh oui !

Mme Nicole Ameline.… qui a toujours inspiré ceux qui se battent pour la liberté et l’égalité des droits ; vous n’avez pas entendu la France ; vous n’avez pas respecté son aspiration à l’unité dont notre pays a besoin. Je vous demanderai ainsi où est votre victoire, si votre force de conviction se limite à vos propres troupes. L’égalité des droits est un combat partagé et le réduire à un camp, c’est l’affaiblir. Je vous demande donc de songer à cela et de faire en sorte que nous réfléchissions ensemble aux questions essentielles qui ont été posées, et qui sont légitimes.

J’aurai deux questions : jusqu’où la science doit-elle servir le droit à l’enfant ? Sur quelles bases morales allons-nous reconstruire ce qui se décompose devant nous aujourd’hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Nous sommes aujourd’hui réunis pour débattre du mariage pour tous. Depuis 1792, le mariage est une institution qui voit s’engager un homme et une femme souhaitant fonder famille et avoir des enfants. Fonder une famille : voilà la pierre angulaire de notre société.

Comment, alors, nous reprocher de parler de filiation, d’évoquer le sujet de la PMA, que vous vouliez, dans un premier temps, aborder à l’occasion de cette loi, avant de le repousser à une prochaine loi sur la famille ? Comment nous reprocher de vous demander de nous expliquer ce manque de clarté ?

Aujourd’hui, vous nous parlez beaucoup d’égalité, comme hier. Comme vous, je suis attaché à ce principe républicain, mais j’ai l’impression que vous instrumentalisez cette idée d’égalité. Dites-moi comment vous expliquerez demain aux couples homosexuels masculins qu’ils n’auront pas le droit aux enfants. Expliquez-moi comment, au titre de l’égalité, vous ne leur permettrez pas d’avoir recours à la GPA.

L’enfant est aujourd’hui au cœur de nos discussions. C’est pourquoi je suis surpris que nous n’évoquions pas le principe de précaution, si cher au groupe EELV. Comment peut-on avoir un débat de six mois sur la transition énergétique, quand on nous refuse celui sur une transition sociétale ?

Mme Véronique Massonneau. Mais c’est n’importe quoi !

M. Jean-Pierre Barbier. Vous nous parlez de l’étranger. En Europe, sur vingt-sept pays, six ont fait le choix du mariage, dix de l’union civile : c’est notre choix, peut-être ne sommes-nous pas aussi ringards que vous le pensez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, l’article 1er sur lequel nous discutons est le cœur du projet de loi que nous examinons depuis plusieurs jours.

M. Philippe Gosselin. Jusque-là, on est d’accord !

Mme Chantal Berthelot. Eh bien, on va continuer comme ça !

Il ouvre le mariage en tant qu’union civile entre deux citoyens. Il s’agit de donner une existence légale à des couples et à des familles qui souffrent de ne pas être reconnus en tant que tels.

Le mariage a évolué à travers le temps et les formes d’organisations familiales également. On ne peut plus parler de la famille, mais bien plutôt des familles : la famille hétéroparentale, qui est pour beaucoup la référence, la famille recomposée, la famille monoparentale, qui représente aux Antilles-Guyane la forme la plus répandue, et maintenant la famille homoparentale.

Je voudrais répondre à monsieur Mariton, quand il dit que l’outre-mer récuse le projet de loi. Sur quelles bases tangibles se fonde-t-il ?

M. Hervé Mariton. Demandez à M. Letchimy !

Mme Chantal Berthelot. Certains sont libres de leur opinion, dans cet hémicycle, mais ils ne parlent pas au nom de tous, monsieur Mariton. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Ce projet de loi est aussi un combat pour la pleine égalité, qui est une nécessité. Si certains s’inquiètent de l’avenir des enfants des couples homosexuels, de nombreuses études ont montré que ces enfants se portent aussi bien que des enfants d’hétérosexuels. La seule inquiétude viendrait non pas du fait que leurs parents soient du même sexe, mais plutôt qu’on ne reconnaisse pas qu’ils forment une vraie famille. N’est-ce pas le rôle du législateur de dessiner avec la loi un cadre serein pour l’épanouissement de tous ?

Il est temps au nom des principes d’égalité et de fraternité que la loi s’adapte aux évolutions de la société. Ce n’est pas à la loi de dire si des personnes doivent s’aimer ou s’unir, mais c’est son rôle d’accompagner et de protéger tout un chacun dans sa quête du bonheur.

Je voterai avec fierté pour la reconnaissance pleine et totale de l’union civile entre personnes de même sexe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Avant de commencer, je voudrais dire au public qui assiste à nos débats qu’il n’y a pas d’homophobes dans cet hémicycle. Ni là-bas, ni ici. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Joëlle Huillier. Ah bon ?

M. Jacques Lamblin. Mesdames et messieurs de la majorité, je vous ai écoutés depuis plusieurs jours : votre argument principal tient dans l’égalité et la non-discrimination. Soit, mais je vous demande maintenant de m’écouter, car ces mêmes principes seront soulevés, et le sont déjà, pour justifier la demande des homosexuels, qu’ils soient hommes ou femmes, pour procréer. Vous n’aurez alors plus la possibilité, au nom de ces mêmes principes, de vous y opposer : vous serez dans la seringue et vous ne pourrez pas vous en sortir.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La seringue… Quelle image !

M. Jacques Lamblin. Monsieur Muet tout à l’heure nous a dit qu’il était fier de soutenir ce texte. Je suis certain que vous êtes fiers et sincères (« Non ! » sur quelques bancs du groupe UMP.), mais vous êtes également inconscients : parce que si vous résolvez quelques problèmes administratifs, vous allez en créer infiniment plus. Mme Ameline l’a bien souligné tout à l’heure : vous n’avez pas voulu nous écouter, on peut le comprendre, mais ce qui est grave, c’est que vous ne voulez pas écouter non plus les membres du Comité national d’éthique, par exemple.

Voilà pourquoi je suis contre cet article 1er.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux revenir sur un argument de nos collègues de l’opposition, que nous entendons depuis plusieurs jours et qui consiste à tout ramener au fait biologique.

Cet argument, sous couvert de preuves scientifiques et génétiques, ne sert en fait qu’à disqualifier par avance toute parenté homosexuelle. Le raisonnement est simple : pas de parenté homosexuelle puisque pas de lien génétique possible avec les deux parents.

Heureusement que l’adoption permet de devenir parents sans engendrer l’enfant ; heureusement que la procréation médicalement assistée permet de devenir parents, en bénéficiant d’un don anonyme ; heureusement que la présomption de paternité rend inutile le test de paternité à la naissance de chaque enfant.

La famille ne peut être limitée au lien biologique : elle se construit aussi avec des liens sociaux. La part des uns et des autres peut varier, et l’a toujours fait, mais ces deux types de liens ont toujours existé. Les familles homoparentales servent de révélateurs à ce double lien, en venant contredire par leur existence l’idéal de la preuve unique fondée sur la seule donnée génétique et scientifique.

Les familles homoparentales ne peuvent pas raconter d’histoires et faire croire que les parents sont les géniteurs. Elles révèlent – et sans doute est-ce cela qui est insupportable à certains – comment le social fonde également la parenté et vient servir l’intérêt de l’enfant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux revenir sur les deux premiers jours de débats que nous avons eus autour de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, pour vous dire que si j’ai trouvé sur le fond le débat très intéressant et riche d’arguments de part et d’autre, je regrette la tonalité que nos débats ont parfois prise et qui a conduit à quelques excès de langage…

Plusieurs députés du groupe UMP. Surtout chez eux !

Plusieurs députés du groupe SRC. Surtout chez vous !

Mme Annie Genevard.…qui sont allés crescendo : « passéistes », « conservateurs », la liste s’est enrichie d’un vilain néologisme, « homosceptique », puis bien sûr « homophobe », jusqu’à ces deux allusions détestables sur lesquelles je souhaite revenir.

Mme Claude Greff. C’est la gauche !

Mme Annie Genevard. Il y a eu d’abord l’allusion à l’étoile rose,…

Mme Claude Greff. Scandaleuse !

M. Nicolas Bays. Triangle, pas étoile !

Mme Annie Genevard. Au triangle rose, pardon. Mais cette allusion n’était pas la première. Dans les débats de la commission des lois, M. Alain Tourret a dit que l’Église s’était toujours trompée, sauf au moment des fascismes de 1942, avec l’archevêque de Toulouse. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Tourret. Parfaitement.

Mme Claude Greff. Et il insiste ! Le visage de l’intolérance, c’est Tourret !

Mme Annie Genevard. Il y a également eu ce terme jeté dans l’hémicycle (Protestations sur les bancs du groupe SRC) de « taliban » sans que l’on comprenne véritablement le lien qu’il pouvait y avoir entre nous et les talibans…

M. Jean-Pierre Dufau. Et l’article 1er dans tout cela ?

Mme Annie Genevard. Finalement, mes chers collègues, cela trahit l’illégitimité dans laquelle vous tenez notre position. Pour illustrer ce propos, je vais vous rapporter les paroles de Natacha Polony dans Le Figaro : « Il est devenu presque impossible de débattre de certains sujets parce qu’un terrorisme idéologique interdirait de les aborder. Malheur à qui ne se plie pas au sens…

M. le président. Merci !

Mme Claude Greff. C’est tout de même autre chose ! Il y a de la hauteur !

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet.

M. Philippe Cochet. Madame la ministre déléguée à la famille – puisque Mme la garde des sceaux vient de partir…

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. De s’absenter !

M. Philippe Cochet. Non, elle est partie. Sur un tel sujet, elle devrait être là nuit et jour ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça suffit ! Arrêtez !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est inélégant ! discourtois !

M. Philippe Cochet. S’agissant de l’article 1er et du mariage homosexuel, je voudrais souligner un décalage et je vous demande simplement d’ouvrir vos oreilles. En ce moment même, la France est en guerre et nous avons des soldats qui tombent au combat. La France est en train de s’effondrer avec 1 000 chômeurs supplémentaires chaque jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Or que faisons-nous ? Nous parlons d’un sujet qui ne concerne pas la majorité des Français. C’est absolument scandaleux ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme Véronique Massonneau. Honte à vous !

M. le président. Calmez-vous, mes chers collègues !

M. Philippe Cochet. L’honneur des parlementaires, c’est de s’occuper d’abord des plus faibles !

M. Nicolas Bays. Le Gouvernement et le Parlement travaillent sur tous les sujets ! Pour tous les Français ! C’est honteux ! Ridicule !

M. le président. Monsieur Bays, gardez votre calme !

M. Philippe Cochet. Dans le projet qui nous est proposé, il y a un grand absent : l’enfant. Nous devons obligatoirement protéger les plus faibles. Et comme on le voit dans le projet qui nous est proposé aujourd’hui, l’enfant est complètement oublié !

M. Nicolas Bays. Vous, vous l’utilisez comme un bouclier !

M. Philippe Cochet. Mesdames et messieurs les députés qui soutenez ce texte, je vous demande, en votre âme et conscience, de mesurer le poids, les conséquences qui en découleront, non pas aujourd’hui, mais demain, après-demain et pendant les siècles à venir, car nous allons assister à la déstructuration d’un élément principal de notre société : l’institution de la famille. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Votre gouvernement, c’est vrai, est un spécialiste de la démolition. Mesdames et messieurs les députés, vous étiez fiers tout à l’heure de soutenir ce texte. Eh bien, ici, dans cette partie de l’hémicycle, nous sommes, nous aussi, très fiers parce que nous avons un objectif : protéger les plus faibles, ceux qui n’ont pas la parole aujourd’hui dans cet hémicycle : les enfants ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Bays. Qu’avez-vous fait pour eux pendant ces dix dernières années ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Rien ! Ils n’ont rien fait !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, de toute évidence, vous avez décidé de faire un simulacre de débat. Escamoter un tel débat est extrêmement grave. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Vos vociférations montrent clairement que vous êtes à court d’arguments. (Rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Vous devriez au moins écouter l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Bays. Il fallait au moins venir travailler en commission !

M. Patrick Hetzel. La question du mariage mérite mieux qu’un débat bâclé. Ce dispositif divise profondément les Français, car il touche à un sujet très sensible, celui de l’institution du mariage. À longueur de journée, vous nous dites que les sondages montrent clairement que les Français sont favorables à votre projet. Mais il n’en est rien ! D’ailleurs, si tel était le cas, ce serait simple, il suffirait de les interroger directement par référendum. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Ça y est ! C’est reparti !

Mme Chantal Berthelot. On vous a déjà répondu là-dessus !

M. Patrick Hetzel. Mais vous rejetez cette perspective en vous servant d’arguties juridiques. Nombreux sont les constitutionnalistes qui estiment que cela est possible.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Lesquels ?

M. Patrick Hetzel. Cela montre une seule chose : vous avez peur de consulter le peuple, ce qui est un comble !

Revenons à votre texte.

Dans l’exposé de motifs, vous indiquez que de légitimes questions juridiques se posent aujourd’hui aux couples de même sexe. Pour y répondre, vous auriez pu opter pour la voie de la mesure, celle de la concorde, celle de la véritable fraternité en développant un contrat d’union civique qui aurait pu faire l’objet d’un large consensus sur ces bancs.

M. Nicolas Bays. Ce serait inégalitaire !

M. Patrick Hetzel. Ce n’est pas ce que vous faites ! Vous êtes en train de diviser, de cliver, de créer une rupture à l’intérieur de notre pays.

Mme Joëlle Huillier. Non, c’est l’inverse !

Mme Julie Sommaruga. Au contraire, nous rassemblons !

M. Patrick Hetzel. Ne pensez-vous pas qu’à l’heure où nos concitoyens souffrent, où ils connaissent le chômage comme ils ne l’ont jamais connu dans notre histoire,…

M. Henri Jibrayel. À cause de vous !

M. Patrick Hetzel. …il était opportun de rassembler, de rassurer, de créer de la confiance ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Avec ce texte, vous divisez…

M. le président. Merci, monsieur Hetzel !

La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Notre débat est parfois paradoxal. Je vous entends beaucoup parler de féminisme et de parité. Aussi suis-je étonnée qu’aucun d’entre vous n’ait cité Françoise Héritier, grande anthropologue qui a beaucoup travaillé sur le masculin et le féminin.

M. Philippe Vitel. Si, Guaino !

Mme Catherine Coutelle. Au XXe siècle, les féministes – que vous prenez comme témoins – faisaient une critique radicale du mariage. Pour elles, le mariage était une institution patriarcale fondée sur la soumission de la femme au mari et sur la femme comme monnaie d’échange. C’est terminé depuis seulement 1970 – ce n’est pas si vieux que cela ! – sans oublier la réforme du divorce en 1975.

M. Nicolas Bays. Beaucoup de gens de droite y étaient opposés, rappelons-le !

Mme Catherine Coutelle. Je ne suis pas sûre que certains n’aient pas aujourd’hui encore une conception très patriarcale du mariage.

M. Philippe Gosselin. C’est fini, tout ça !

M. Nicolas Bays. Beaucoup de gens croient que ce n’est pas fini, que c’est encore possible !

Mme Catherine Coutelle. Bien évidemment, il ne s’agit pas de nier l’altérité sexuelle : le combat féministe n’abolit pas nos différences, mais affirme que ces différences ne sauraient justifier l’inégalité des droits. Il en va aujourd’hui de même pour les homosexuels et les hétérosexuels. Voilà pourquoi le combat mené par l’opposition au nom de l’altérité sexuelle n’est surtout pas un combat pour la parité, surtout pas ! C’est le combat de ceux qui continuent à penser que, dans le couple, certaines tâches restent essentiellement dévolues aux femmes tandis que d’autres sont réservées aux hommes.

Au titre des grands principes de la République, nous naissons libres et égaux ; nous voulons, au nom de cette promesse, au nom de l’égalité, que chaque citoyen puisse avoir le droit d’épouser ou de vivre avec la personne de son choix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray.

M. Gérald Darmanin. L’excellent Philippe Le Ray !

M. Philippe Le Ray. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur le mariage pour tous est faussé depuis la campagne de l’élection présidentielle. La majorité est plus dans la posture idéologique que dans la logique.

M. Hervé Mariton. Hélas !

M. Philippe Le Ray. Plutôt que de s’en prendre à cette institution, n’aurait-il pas été plus rassembleur, plus moderne, de proposer une nouvelle union ouvrant de nouveaux droits et renforçant la situation juridique de ces couples ?

Mme Joëlle Huillier. Cela fait dix fois qu’on vous a répondu là-dessus !

M. Jean-Pierre Dufau. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

Mme Chantal Berthelot. Même cela, vous n’avez pas été capables de le faire !

Mme Julie Sommaruga. Vous étiez déjà contre le PACS !

M. Philippe Le Ray. Évidemment, un couple homosexuel a autant de valeur qu’un couple homme-femme, mais sa fécondité est naturellement différente. C’est pour cette raison que la Cour européenne des droits de l’homme n’a jamais contesté que l’on puisse réserver un statut juridique différent à des couples qui se trouvent dans des situations différentes. Ce n’est pas discriminatoire.

Par contre, avec cette ouverture, les revendications de PMA pour les couples lesbiens seront légitimes, sous peine de créer un sous-mariage. Les couples d’hommes devront quant à eux avoir recours à une mère porteuse, sous peine de créer cette fois une authentique discrimination fondée sur le sexe.

Les pro-GPA et PMA posent une vraie question de société, car ces pratiques sont autorisées à l’étranger.

M. Daniel Fasquelle. C’est de l’hypocrisie !

M. Jacques Myard. La GPA sur GPS !

M. Philippe Le Ray. Alors, soyons clairs et cessons l’hypocrisie ! D’ailleurs, lors des auditions, vos collègues socialistes espagnols, portugais et belges vous ont proposé, voire supplié de traiter ce sujet dans sa globalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. En tant que jeune parlementaire, dans tous les sens du terme, je suis extrêmement choquée – et, croyez-moi, il m’en faut beaucoup, vous le savez – (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) par votre comportement et votre manque d’humilité quand je vois, sur le site des jeunes socialistes, une carte de France des élus homophobes dont je ferais partie. Mais rassurez-vous, la critique de votre camp est à mes yeux plutôt valorisante !

Vous en venez même à citer un évêque de France, ce qui est un comble venant de la gauche !

Mme Chantal Berthelot. Et alors ? Où est le problème ?

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Pourquoi ne pas citer des imams ou même le grand rabbin de France ? Cela vous a peut-être échappé, mais je vous rappelle qu’ils sont tous opposés à ce projet de loi pour des raisons plus ou moins similaires !

On nous demande également de rester dans me cadre de cet article 1er. Malheureusement, c’est extrêmement compliqué quand la garde des sceaux elle-même brûle les étapes en mettant en place une circulaire qui cautionne indirectement la gestation pour autrui, conséquence inéluctable de cet article juste après la procréation médicalement assistée !

M. Jean-Pierre Dufau. N’importe quoi !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Pendant que vous vous excitiez, je lisais dans Le Figaro un article portant sur le marché des mères porteuses aux États-Unis. On y apprend que certaines candidates ne sont pas sélectionnées par les agences de mères porteuses parce qu’elles refusent un éventuel avortement en cas de handicap ou de grossesse multiple. Mesurez donc ce que vous êtes en train de faire, les étapes que vous êtes en train de brûler !

Mme Michèle Fournier-Armand. Ça n’a rien à voir !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. La politique, c’est prévoir. Est-il vraiment judicieux aujourd’hui de fragiliser encore un peu plus la famille qui va déjà mal, avec un taux de divorces de plus en plus important, des problèmes d’autorité parentale de plus en plus pressants, des violences conjugales en constante augmentation et des taux de suicide dramatiques chez les jeunes ? Est-il vraiment judicieux de bouleverser les lois naturelles quand on sait comment va la famille dans ce pays ? (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Alors, à défaut de leur trouver un emploi, à défaut de défendre leur identité, à défaut de leur permettre de trouver un logement, laissez au moins les jeunes Français avoir un père et une mère ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1, et porte sur le bon déroulement de notre séance.

Suite au débat que nous avons eu à propos de la sortie de la circulaire sur la GPA, j’ai interrogé le Président de la République. Je note avec satisfaction qu’il m’a répondu en vingt-quatre heures. La dernière fois, il lui avait fallu un mois et demi !

Je vous donne lecture de la réponse du Président de la République – je pense que c’est important pour le déroulement de nos séances.

« Vous m’avez saisi au sujet de la circulaire adressée par la ministre de la justice le 25 janvier 2013, »…

Mme Corinne Narassiguin. Oh non ! Encore !

M. Christian Jacob. « …dont l'objet est de permettre aux enfants nés à l'étranger d'un parent français et disposant d'un acte d'état civil étranger justifiant d'un lien de filiation avec ce parent, de pouvoir disposer d'un certificat attestant de leur nationalité française. Je rappelle que l'article 18 du code civil dispose qu’est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français.

« Ce texte n'a donc pas pour objet d'autoriser l'octroi de la nationalité à un enfant qui ne la posséderait pas déjà ni celui de modifier la filiation de l'enfant, et ne change rien au droit des personnes. »

M. Daniel Fasquelle. C’est faux !

M. Christian Jacob. La Cour de cassation appréciera que le Président de la République dise qu’octroyer la nationalité française ne change rien au droit des personnes ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est parfaitement exact !

M. Philippe Gosselin. Il y a des droits attachés à la nationalité !

M. Nicolas Bays. Il ne comprend même pas ce qu’il lit !

M. le président. Un peu de calme, s’il vous plaît !

M. Christian Jacob. Chers collègues de la majorité, souffrez d’entendre François Hollande ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je cite : « Permettre à des enfants d'attester de leur nationalité est conforme à leur intérêt supérieur auquel je suis, tout comme vous, attaché. »

M. Hervé Mariton et M. Daniel Fasquelle. Il a changé d’avis !

M. Christian Jacob. « Je souhaite que le débat sur le projet de loi sur l'ouverture du mariage de même sexe, qui ne contient aucune disposition sur la procréation médicalement assistée ou sur la gestation pour autrui, puisse se dérouler dans des conditions de respect mutuel conformes à nos traditions parlementaires. » (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Je prends acte de la déclaration du Président de la République. Mais là où il y a un vrai sujet, c’est que le Président de la République donne une position personnelle très claire dans le rôle qui est le sien…

Mme Chantal Berthelot. Pas personnelle !

Mme Joëlle Huillier. Il ne fait que rappeler la loi !

M. Christian Jacob. …alors que ses ministres prennent officiellement des positions contraires sur les sites gouvernementaux.

M. Philippe Gosselin. Qui croire ?

M. Christian Jacob. Cela mérite au moins une explication du Premier ministre. Qu’ils viennent ici clarifier ce point : est-ce la lettre du Président de la République qui vaut ou les positions personnelles des ministres ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Cela montre qu’il y a un vrai problème au sein de l’équipe gouvernementale : il y a, d’un côté, ce qu’écrit le Président de la République, de l’autre, ce que disent et écrivent publiquement les ministres de la République. Je demande que le Premier ministre vienne s’exprimer clairement sur ce sujet. (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je suis ravie, monsieur le président Jacob, que vous soyez arrivé avec cette lettre – presque à la fin des interventions des orateurs inscrits sur l’article 1er. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard et M. Philippe Cochet. Il était déjà là !

M. Christian Jacob. Je suis là depuis longtemps !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet article, qui a trait à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, a été la cible ce matin de toute une série d’efforts visant à faire dériver le débat vers des sujets qui n’ont strictement rien à voir.

M. Jean-Frédéric Poisson. On peut difficilement dire cela !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je reconnais cependant que de nombreux orateurs de l’opposition sont revenus sur le contenu véritable de l’article. Ce que vous faites également en revenant avec cette lettre.

M. Hervé Mariton. Et les propos de Manuel Valls ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais ce qui est surprenant, c’est que vous donniez lecture d’une lettre pour en commenter ensuite exactement le contraire de ce qu’elle dit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je vous invite à lire le compte rendu de la fin des débats de la nuit de mercredi à jeudi. MM. Gosselin et Mariton y participaient…

M. Christian Jacob. Moi aussi ! Jusqu’à une heure du matin !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. D’autres n’étaient pas là. J’ai répondu alors longuement et précisément sur ce sujet.

Mme Claude Greff. Réponse qui ne nous a pas satisfaits !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Elle ne vous satisfera pas davantage dans deux semaines, et dans deux ans non plus !

Vous affirmez, monsieur le président Jacob, que le Président de la République dit une chose et ses ministres une autre, en l’espèce que l’octroi de la nationalité n’est pas lié à l’état des personnes. Mais je vous rappelle qu’il n’y a pas d’octroi de nationalité, pour la simple raison, monsieur le président Jacob, que ces enfants sont français !

M. Sergio Coronado. Oui ! Ils sont français ! Ce n’est pas un octroi, mais une délivrance !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il ne s’agit pas de leur « octroyer » une nationalité : la nationalité française, ils l’ont déjà par filiation naturelle, comme l’indique le Président de la République dans sa lettre. Il n’est donc pas question d’octroi de nationalité, je ne sais comment le dire plus clairement, mais délivrance d’un certificat, document administratif qui atteste de cette nationalité.

M. Marc Le Fur. Cela revient à reconnaître la GPA !

Mme Anne Grommerch. Ces enfants sont nés de femmes qui ont été payées pour les porter ! Elles ont vendu leur corps !

Mme Claude Greff. Vous reconnaissez donc la GPA ! C’est une marchandisation du corps en France ! C’est scandaleux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces enfants sont français. Que dit la circulaire ? Je rappelle que j’ai annoncé le 16 janvier qu’une circulaire serait préparée et publiée de façon imminente, qui permettra aux greffes des tribunaux d’instance de délivrer ce certificat de nationalité sur la base d’un document d’état-civil probant émanant de l’étranger.

M. Hervé Mariton. Il ne fallait pas le faire, et vous avez fait le contraire !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà très exactement ce que dit cette circulaire. Lorsqu’il s’agit de droit des enfants, faut-il faire un calcul de calendrier et de communication ? Se demander si c’est ou non le moment, alors que cette circulaire était annoncée dès le 16 janvier ? Vous pourrez toujours essayer de faire dériver le débat pendant deux semaines, les faits sont clairs ! Cette circulaire concerne la délivrance de certificats de nationalité à des enfants français. Des enfants français ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à le M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. Merci, monsieur le président. Je regrette, alors que nous en sommes à la discussion de l’article 1er, que tous les moyens soient mis en œuvre pour faire en sorte que l’on discute de tout, sauf de l’article 1er. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça commence à bien faire !

M. Bruno Le Roux. C’est bien du déroulement de la séance dont il est question. On nous cite une lettre. Je concède que des questions se posent sur l’enseignement dans notre pays et sur l’apprentissage de la lecture automatique en particulier, mais enfin ! Nous lire la lettre du Président de la République et affirmer ensuite l’exact contraire de ce qu’elle dit clairement, cela prouve, sinon la mauvaise foi, une réelle incapacité en tout cas à entrer dans le débat au moment où il a lieu !

M. Gérald Darmanin. Vous êtes suffisant mais pas nécessaire ! (Sourires)

M. Bruno Le Roux. Pour le reste, je note que, comme toujours, vous êtes plus assidus à la lecture du Figaro qu’aux séances de la commission des lois. En effet, cette circulaire était annoncée dès le 16 janvier et le compte rendu ne rapporte pas la moindre intervention de votre part pour la remettre en cause ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je conteste enfin les propos de M. Mariton selon lesquels nous aurions pu faire le contraire de ce que nous avons fait. Non ! Nous aurions été en contradiction avec le code civil si la garde des sceaux n’avait pas signé sa circulaire, qui est une circulaire républicaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Non ! Non !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Contrairement à ce que vient de dire M. Le Roux, si le Président de la République, et je m’en réjouis, m’a répondu en vingt-quatre heures et non plus au bout d’un mois, c’est tout de même que le sujet est réel !

M. Jean-Pierre Dufau. Mais cela n’a rien à voir avec l’article 1er !

M. Christian Jacob. Et que des ministres aient officiellement un avis contraire à celui du Président de la République, cela justifie quand même que le Premier ministre vienne dans l’hémicycle et s’explique sur ce sujet ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Bays. Ce n’est pas le débat !

M. Christian Jacob. Par ailleurs, la délivrance d’un certificat de nationalité a bien pour objectif d’attribuer la nationalité.

Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non !

M. Christian Jacob. C’est la raison pour laquelle que je vous ai interrogée, madame la garde des sceaux. Je vous relis la phrase du Président de la République : « Ce texte n’a pas pour objet d’autoriser l’octroi de la nationalité à un enfant qui ne la possèderait pas déjà ni celui de modifier la filiation de l’enfant ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. René Rouquet. Eh bien alors ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Il ne comprend décidément rien !

M. Bruno Le Roux. C’est pitoyable !

M. Christian Jacob. Si l’on délivre un certificat de nationalité, cela veut bien dire que l’on reconnaît la gestation pour autrui à partir du moment où elle a lieu à l’étranger. D’ailleurs, le Président de la République avait dit lui-même qu’initialement il n’était pas favorable à cette circulaire, car elle conduit à la reconnaissance de la GPA. On voit donc bien qu’il y a une double ambiguïté, entre cette lettre et la position des ministres d’une part, entre les variations pour le moins surprenantes de la pensée du Président de la République d’autre part : il était opposé à la sortie de cette circulaire, le voilà aujourd’hui obligé en quelque sorte de rétropédaler pour l’accepter !

M. le président. Je vais donner la parole à M. Alain Tourret, pour un dernier rappel au règlement. Je ne veux pas laisser pervertir l’ordre du jour. J’ai fait en sorte que les uns et les autres s’expriment une dernière fois sur cette circulaire ; nous reprendrons ensuite le cours normal de nos travaux.

M. Bruno Le Roux. C’est très libéral ! M. le président est généreux !

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Je vous remercie, monsieur le président. Afin que l’opinion de nos collègues de droite soit parfaitement éclairée, (Rires sur les bancs du groupe SRC) je voudrais simplement rappeler ce que disait Mme Morano.

M. Christian Jacob. Qui n’est pas ministre !

M. Alain Tourret. « Je suis tout à fait d’accord avec l’ensemble des conditions posées pour la GPA. J’affirme que si ma fille était stérile, je serai prête à porter son enfant. Je le ferais et ce serait pour moi un geste d’amour. » Et elle ajoutait : « je me suis clairement exprimée lorsque j’étais députée, membre de la mission d’information parlementaire sur le droit de l’enfant et de la famille. Je suis totalement favorable à la légalisation de la gestation pour autrui, très encadrée, dans une démarche altruiste et non marchande. Ma conviction profonde est que nous pouvons évoluer. »

Eh bien moi, je suis en désaccord avec Mme Morano et je suis contre la GPA !

Article 1er (suite)

M. le président. Nous en revenons aux interventions sur l’article 1er.

La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je crois qu’il faut vraiment mettre un terme aux hypocrisies et aux tartufferies ! (Approbations et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le Président de la République, dans cette lettre que vient de nous lire Christian Jacob,…

M. Nicolas Bays. Très claire !

M. Daniel Fasquelle. …a changé d’avis depuis février 2012, où il a dit exactement l’inverse : il s’agit bel et bien d’une reconnaissance de la gestation pour autrui. En fait, celui qui est père ne l’est que par le biais de la GPA ; de cette paternité découle la nationalité française de l’enfant, auquel on délivre un certificat de nationalité… Sortez de cette hypocrisie et dites la vérité : c’est une reconnaissance de la gestation pour autrui à l’étranger, que François Hollande avait jusqu’à présent refusée et que désormais il accepte. Nous en prenons acte.

Mme Catherine Coutelle. Lamentable !

M. Daniel Fasquelle. Je voulais simplement revenir un instant sur cette phrase incroyable prononcée mardi par le rapporteur : « les couples homosexuels font des enfants ».

M. Erwann Binet, rapporteur. Oui !

M. Daniel Fasquelle. Eh bien non, monsieur Binet : les couples homosexuels ne font pas d’enfants.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est socialement qu’ils font des enfants !

M. Daniel Fasquelle. Si vous voulez arriver à ce résultat, il faut bien sûr passer par le canal du mariage : on voit bien qu’on recherche le mariage pour ses effets en matière de filiation. Pour que les couples homosexuels fassent des enfants, il faut l’adoption plénière, la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. Reconnaissez-le, faute de quoi vous n’allez pas au bout de votre démarche. Vous avez beaucoup parlé d’égalité de droits et de violence. Ne remplaçons pas une violence par une autre !

M. Gérald Darmanin. C’est vrai !

M. Daniel Fasquelle. Ne remplaçons pas la violence faite jadis aux couples homosexuels par une violence faite désormais aux femmes à travers la gestation pour autrui qui est ! Qu’on ne méprise pas, au motif d’instituer des droits nouveaux, le droit de reconnaître son père et sa mère ! Qu’on ne remplace pas la souffrance des couples homosexuels ou des enfants élevés dans ces couples par une autre souffrance !

M. Philippe Gosselin. Nous voudrions maintenant que le Gouvernement s’explique !

M. Hervé Mariton. Oui, nous lui apportons de la matière !

M. le président. Je vous remercie pour votre générosité, mais la parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. La question posée par l’article 1er est au fond celle de la vision de la société. C’est ce débat que nous devrions avoir, autour de trois interrogations essentielles.

La première touche à la richesse de l’altérité des sexes. Nous considérons tous ici que l’altérité est une richesse. Dès lors, n’est-il pas incroyable de priver l’enfant de l’altérité dès sa naissance ?

Mme Chantal Berthelot. L’altérité, c’est l’autre, ce n’est pas l’autre sexe !

M. François de Mazières. Deuxième interrogation : le mariage est-il uniquement la reconnaissance d’un amour ou est-il une institution qui fonde la succession des générations par la filiation ? Vous connaissez notre point de vue.

Mme Catherine Coutelle. Lisez Françoise Héritier !

M. François de Mazières. Troisième interrogation : tout votre raisonnement est fondé sur l’égalité des droits. Or l’égalité des droits ne s’applique qu’à des situations similaires. En matière de conception, il y a une différence. Vous irez donc jusqu’à la PMA et la GPA. Et l’on voit bien, à vos réponses très confuses, que telle sera bien votre intention dans la loi sur la famille.

Pour résumer, Mme Bertinotti nous a tout dit en commission des lois : « L’adoption permet déjà le droit à l’enfant et la PMA encore plus ». Eh bien ! Voilà le cœur du problème : nous considérons que l’essentiel, c’est le droit des enfants, vous considérez qu’il y a un droit à l’enfant. Tout est dit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Merci, monsieur le président. Je n’ai pas pris la parole au cours du débat général, c’est pourquoi je souhaite parler maintenant. Je crois en effet que nous assistons à la création d’une profonde division de la société française. On en fait le terrible constat sur le terrain. J’étais sur le terrain ce matin encore, dans ma circonscription : on est saisi en permanence. Et depuis deux jours, les débats sont caricaturaux, outranciers et violents ! C’est du jamais vu pour le parlementaire que je suis depuis trois mandats : jamais je n’avais constaté autant de violence dans les débats !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oh si !

M. Jean-Pierre Door. Je suis bien entendu favorable à ce que la société soit en mesure de reconnaître l’amour entre deux personnes du même sexe dès lors qu’elles veulent vivre leur propre sexualité comme elles l’entendent. Cela ne prête pas à débat.

Mais je voudrais quand même rappeler cette réflexion d’une grande actrice du chant, qui déclarait il y a quelques semaines qu’accorder à tous les gens qui s’aiment les mêmes droits, c’est la moindre des choses, mais qu’il serait préférable d’inventer un mot, un concept différent. Dire que l’institution du mariage peut concerner deux personnes du même sexe, c’est comme dire soudain que le père Noël est une femme ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi et M. Alexis Bachelay. Pourquoi pas ?

M. Jean-Pierre Dufau. Nous, nous croyons au père Noël ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Door. Je comprends que cela puisse choquer, mais pourquoi réclamer ce qui appartient aux hétérosexuels ? Pour des raisons pratiques, je préfère une solution alternative. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Prenez la peine de m’écouter ! Je vous ai écouté depuis deux jours, non sans difficulté ! Un grand quotidien de ma région cite ce matin un réalisateur de documentaires et auteur de contes homosexuel : la loi du mariage pour tous est clairement réclamée par une très faible minorité dans laquelle, dit-il, il ne se reconnaît pas. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Henri Jibrayel. L’exception ne fait pas la règle !

Mme Chantal Berthelot. Personne n’a dit qu’on obligeait les gens à se marier !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je veux intervenir sur deux points.

Premièrement, puisque la majorité nous donne régulièrement des cours sur notre façon de débattre, je veux rappeler que, depuis deux jours, nous invoquons des arguments de fond. Nous ne sommes pas là pour nous demander si Casimir est un canard, ou pour savoir qui réussira à placer le plus de fois un mot comme « homard » dans chacune de ses interventions. Que chacun fasse preuve d’un peu d’écoute, mes chers collègues, et notre débat n’en avancera que mieux. En d’autres temps, nous avons supporté bien d’autres choses ; chacun des intervenants de notre groupe mérite un minimum de respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Par ailleurs, pourquoi sommes-nous si nombreux au moment d’aborder l’examen de l’article 1er ? Tout simplement, madame la garde des sceaux, parce que cet article est le socle de votre texte et, d’une certaine manière, le sésame : une fois l’article adopté et le principe du mariage accepté, c’est finalement un cheval de Troie : et derrière, qu’y a-t-il ? l’adoption, la PMA et la GPA ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Si, mercredi, j’ai parlé de confusion, aujourd’hui, nous n’en sommes plus là : les masques sont tombés, et nous en sommes à la réalité des intentions, avec la circulaire de vendredi et les différentes prises de position à son sujet. Mesdames les ministres, comment pouvez-vous prétendre défendre le droit des femmes, tout en acceptant la marchandisation des corps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Bays. Mensonge ! Mystification !

Mme Marie-George Buffet. Mais on la refuse, justement !

Mme Catherine Vautrin. C’est inacceptable ! C’est l’illustration parfaite de votre double langage, que nous refusons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Coutelle. Lamentable !

Mme Catherine Vautrin. C’est vous qui êtes lamentable !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Je ne savais pas que nous allions discuter du sexe du père Noël, mais au moins cette discussion aura-t-elle eu le mérite de rassurer mon collègue Vidalies, qui est tout à fait rassuré de savoir enfin ce qu’il en est. (Rires sur les bancs du groupe SRC - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Effectivement !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je veux dire à plusieurs orateurs, notamment à M. Le Fur, qu’ils ont décidément le mariage très triste. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Votre jugement sur le mariage est déjà fait depuis longtemps !

M. Philippe Cochet. Ce n’est pas possible d’entendre le Gouvernement tenir de tels propos !

M. le président. Monsieur Gosselin, monsieur Cochet, allons ! Le Gouvernement vous a écoutés, écoutez-le maintenant !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous ne cessez de nous expliquer que le mariage n’a rien à voir avec le sentiment. Quelle vision glaciale du mariage ! Je vous invite, pour retrouver de la sérénité, à relire toutes les pièces de Molière, qui n’ont été que l’expression de la lutte contre le mariage de convenance, en vue de faire triompher le mariage d’amour. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Navrant !

M. Philippe Cochet. Affligeant !

M. Philippe Gosselin. Quel parti pris !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cela rejoint la préoccupation de Mme Dion ou M. Marleix, qui se sont étonnés de ce regain d’intérêt de la gauche pour la défense du mariage.

M. Hervé Mariton. Eh oui, c’est nouveau !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Apprenez que le compteur de l’évolution de la société ne s’est pas arrêté en mai 1968.

Mme Anne Grommerch. On pourrait en reparler !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le vaste mouvement d’émancipation qui s’est heureusement opéré, à partir de ce moment, dans le sens de la satisfaction des revendications féministes et homosexuelles, nous permet aujourd’hui de raisonner en termes d’égalité : ce texte doit se comprendre comme une ode à l’égalité.

M. Philippe Gosselin. C’est tellement convaincant que personne n’applaudit, même à gauche !

M. le président. Allons, monsieur Gosselin !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je ne pratique pas les effets de manches et les propos outranciers, monsieur Gosselin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous qui vous défendez de toute provocation, je vais vous citer, car je commence à en avoir assez…

M. Philippe Gosselin. C’est réciproque !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …de vos interventions qui font systématiquement référence au vocabulaire économique pour désigner des choses profondément humaines. C’est vous, monsieur Gosselin, qui parlez de tourisme reproductif, de marché de l’utérus, de dumping éthique, de moins-disant éthique…

Mme Catherine Vautrin. Et alors ? C’est bien de cela qu’il s’agit !

M. Philippe Gosselin. Vous oubliez la marchandisation des corps !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …des expressions profondément choquantes. Oui, je suis choquée dans ma conscience de femme et de citoyenne républicaine. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. Tout cela, c’est vous qui le faites, qui en créez les conditions !

M. Philippe Gosselin. Il faut dénoncer le tourisme reproductif, je le confirme !

M. le président. Monsieur Cochet, monsieur Gosselin, on se calme !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Quant à M. Mariton, je ne savais pas qu’il aspirait à devenir un exégète de la pensée socialiste.

M. Philippe Gosselin. Parce qu’il y a une pensée socialiste ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Puisque vous avez brandi la profession de foi de François Hollande au deuxième tour de l’élection présidentielle, je ne veux pas être en reste, et je vous brandis, pour ma part, le calendrier de mise en œuvre des différentes mesures de son projet, dans lequel il s’est engagé à ce que la loi sur le mariage pour tous soit présentée dans le courant du premier semestre 2013. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. C’est nul ! Nous ne sommes pas rue Solférino !

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas dans sa profession de foi, celle qu’il a envoyée à tous les Français !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. M. Door affirmait, tout à l’heure, n’avoir jamais vu un texte déclencher de telles réactions parmi ses administrés. Pour ma part, si je reconnais n’avoir jamais été élue qu’au niveau local, je ne suis pas sûre que votre comportement, madame Greff, soit digne de la secrétaire d’État que vous avez été !

Mme Claude Greff. Élevez un peu le débat !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Tenez-vous un peu correctement, s’il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Les députés UMP se lèvent et protestent vivement.)

M. Hervé Mariton et M. Philippe Gosselin. Rappel au règlement !

M. le président. Je n’interromprai pas le Gouvernement dans son intervention. Si certains veulent intervenir, ce sera après !

Poursuivez, madame la ministre.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Jamais, dans un seul de mes conseils municipaux, je n’ai entendu proférer en permanence de telles invectives, et je n’aurais jamais toléré que la démocratie locale, qui s’exprimait sous le regard des citoyens, puisse donner lieu à de tels comportements ! Vous n’avez même pas le respect de la parole gouvernementale ! Arrêtez de nous donner des leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Rappel au règlement !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Tout ce que je vous demande, c’est le respect de la parole du Gouvernement ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Jibrayel. Elle a raison !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Les propos de Mme Greff sont tout à fait scandaleux !

Mme Claude Greff. C’est moi qui suis mise en cause !

M. le président. Mes chers collègues, je vous répète que je n’interromprai pas Mme la ministre dans son intervention.

Je vous demande de vous rasseoir et de la laisser s’exprimer, avant que je ne passe la parole au président Jacob pour un rappel au règlement.

Poursuivez, madame la ministre.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Certains enfin ont employé l’expression de « bidouillage de la famille ». Dans peu de temps, vous allez nous présenter des amendements sur l’alliance civile. N’est-ce pas vous qui vous livrez à un bidouillage, en refusant d’accorder les mêmes droits et les mêmes devoirs à tous les citoyens ?

J’ai entendu parler de victoire. S’il est une victoire, ce sera celle de l’égalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1er, de notre règlement, qui autorise tout député à s’exprimer sur le déroulement de la séance.

Il faut faire la part des choses entre ce qui relève du pouvoir législatif et ce qui relève du pouvoir exécutif. Madame la ministre, je vous rappelle que vous êtes ici à disposition des parlementaires, pour répondre à leurs questions, et que vous n’êtes nullement fondée à exprimer un jugement sur eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) La police de notre assemblée est assurée par une seule personne, à savoir notre président, et vous seriez bien inspirée de rester dans le rôle qui vous revient, c’est-à-dire de répondre aux questions que l’on vous pose, au moment où on vous les pose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Or vous ne répondez à aucune question, vous êtes dans l’invective et portez des jugements de valeur sur les parlementaires. Je vous rappelle que vous êtes ici à notre disposition, madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Rappelez-nous comment cela se passait sous la précédente majorité !

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. Nous aurions dû nous douter, ce matin, des intentions de nos collègues de l’opposition, quand nous avons vu arriver M. Mariton vêtu – fort élégamment, au demeurant – aux couleurs du règlement de notre assemblée. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Je ne l’ai pas fait exprès : je suis daltonien, c’est pourquoi je m’habille en bleu !

M. Bruno Le Roux. Vous aurez compris, cher collègue, que ma remarque se voulait souriante et amicale.

M. Nicolas Bays. Mariton, c’est un règlement géant ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. De façon tout aussi amicale, je veux dire à M. Jacob que l’opposition est fondée à demander au Gouvernement et à la majorité quelle puisse faire usage de toutes les procédures parlementaires permises. La seule chose qui reste interdite, que nous ne pouvons nous autoriser, c’est de traiter de nulle une ministre alors qu’elle est en train de répondre au Parlement ! Un tel comportement est absolument inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Les propos de la ministre étaient inacceptables !

M. Philippe Cochet. Et nous n’avons pas eu de réponse !

M. Bruno Le Roux. Si vous avez besoin d’une suspension de séance pour recadrer les députés de votre groupe et faire en sorte qu’ils respectent le débat et les ministres qui s’expriment, nous y sommes tout à fait favorables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. La ministre n’a qu’à se tenir correctement ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Calmez-vous, monsieur Gosselin !

Vous avez souhaité, sur les bancs de la majorité comme sur ceux de l’opposition, souhaité obtenir des explications de la part du Gouvernement. Je vais donner la parole à Mme la garde des sceaux, afin qu’elle puisse donner ces explications. Je suspendrai ensuite la séance afin que chacun puisse reprendre ses esprits.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je souhaite une suspension de séance, dont vous pourrez profiter pour faire une mise au point avec les ministres et leur rappeler leur rôle et leur responsabilité, qu’elles semblent avoir perdus de vue. Je demande une suspension de cinq minutes, afin que notre séance puisse ensuite se poursuivre dans de bonnes conditions.

M. le président. La demande de suspension est de droit : je vous accorde une minute. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt-sept, est reprise à douze heures vingt-huit.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j’ai écouté très attentivement l’ensemble des interventions. Certains d’entre vous ont accompli une réelle performance en réussissant à dire des choses essentielles, claires et structurées, dans les deux minutes qui leur étaient imparties, exercice intellectuellement réjouissant !

L’article 1er, qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, est effectivement l’article principal de ce texte de loi, dont nul ne songe à sous-estimer l’importance.

Mme Catherine Vautrin. Nous sommes bien d’accord !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le mariage est, nous le savons et je le répète, tout à la fois un contrat entre deux personnes et une institution induisant des règles d’ordre public. C’est bien ce mariage-là qui sera ouvert aux couples de même sexe.

L’adoption est également ouverte aux couples composés de personnes du même sexe dès lors que, dans notre code civil, le mariage comporte le droit à l’adoption. Si nous avions décidé de détacher le mariage de l’adoption, nous aurions créé deux institutions séparées, une pour les couples hétérosexuels et une autre pour les couples homosexuels.

Il n’y a pas la moindre ambiguïté dans la démarche du Gouvernement : c’est bien le mariage, dans l’intégralité de ce qu’il est en tant qu’institution et de ce qu’il produit dans l’ordre public, qui est ouvert aux couples de même sexe.

Madame la ministre Ameline, vous me reprochiez – indépendamment du procès d’intention que vous m’avez fait, mais comme certains de vos collègues me l’on fait aussi en s’exprimant avec des mots moins choisis que les vôtres, je ne m’y attarderai donc pas – de n’avoir saisi ni le Comité consultatif national d’éthique ni la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

S’agissant du CCNE, je ne vois absolument pas la raison qui pourrait nous conduire à le consulter sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Le Président de la République vient de le faire !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a le texte, et ce que vous extrapolez.

Le Président de la République, au sujet du Conseil national…

M. Christian Jacob. Le Comité national !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous remercie de me reprendre et de me corriger, monsieur Jacob ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Je ne demande qu’à m’instruire ; je découvre bien sûr à l’instant l’existence de ce comité et je vous exprime ma profonde gratitude pour ce cours gratuit !

M. Christian Jacob. Merci !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Président de la République a parlé du Comité national consultatif d’éthique pour la PMA.

M. Christian Jacob. Il n’a pas fait que parler, il l’a saisi ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour l’assistance médicale à la procréation, monsieur Jacob, pas pour le mariage et l’adoption.

M. Christian Jacob. Les deux sont liés !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. À force de faire des extrapolations depuis trois jours, vous finissez par confondre le texte réel et des textes imaginaires ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.) Nous discutons pour notre part du projet de loi et, par conséquent…

M. Christian Jacob. Le texte sur la PMA n’est pas imaginaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Jacob, je vous en prie ! Vous avez à l’instant vous-même exigé du Gouvernement des réponses ; écoutez-les, vous interviendrez ensuite ! Notre assemblée examinera dans quelques instants les amendements de suppression de l’article 1er, que de nombreux députés viendront défendre ; ils pourront tenir compte dans leur intervention du contenu de la réponse de la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous ai répondu au sujet du CCNE, madame Ameline. Quant à la Commission nationale consultative des droits de l’homme, elle a été consultée et a rendu son rapport.

Mme Nicole Ameline. Elle s’est autosaisie !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, je l’ai saisie, madame. Dans son avis, elle ne conteste pas le présent texte et confirme qu’il sert le principe d’égalité.

Parmi les observations qui ont été faites, l’une a été reprise par plusieurs députés et concerne l’altérité sexuelle : nous supprimerions l’altérité sexuelle au sein de notre société.

M. Hervé Mariton. Mme Mazetier ne veut plus que l’on parle d’école maternelle !

M. le président. Monsieur Mariton, veuillez rester calme et nous permettre d’entendre les arguments du Gouvernement !

M. Noël Mamère. Un peu de hauteur !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vois mal le mécanisme qui permettrait de supprimer l’altérité sexuelle dans la société, à part peut-être une bombe nucléaire… Pour en revenir aux couples de même sexe, je vous rappelle qu’il est inscrit dans le code civil, indépendamment des réalités, que les enfants entrent dans la famille de chacun des parents. Imaginez-vous des familles dépourvues d’altérité sexuelle ? Pensez-vous que dans les familles homoparentales où ces enfants grandissent il n’y a pas de grand-mère, de grand-père, de tante, d’oncle ? (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Ça ne remplace pas un père et une mère !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Croyez-vous que ces enfants vivent dans une bulle ? Qu’ils ne vont pas à l’école ? Que signifie donc cette histoire de disparition de l’altérité sexuelle ?

M. Damien Abad. Posez la question aux psychologues !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Arrêtez de faire de la science-fiction ! Ici nous ne sommes ni dans la science ni dans la fiction, nous sommes dans le droit.

Je le rappelle, il s’agit formellement, sans ambivalence, sans ambiguïté, sans nuance, sans hésitation – nous rejetterons d’ailleurs les autres solutions que vous proposez, l’union civile, le PACS aménagé ou l’alliance civile – d’ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.

Nous vous entendons nous expliquer que vous êtes pour l’égalité mais que vous préférez un contrat à part d’alliance civile. Nous vous entendons nous expliquer que l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels est une mesure emportant de graves conséquences.

M. Philippe Cochet. Et l’enfant ?

M. Arnaud Leroy. Arrêtez de parler de l’enfant !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais, dans le même temps, vous déposez un amendement pour que les couples pacsés puissent adopter ; or parmi ces couples il y a des couples homosexuels ! En réalité, ce qui vous pose vraiment problème, c’est d’admettre que le mariage soit ouvert aux couples homosexuels et c’est là le point de divergence entre vous et le Gouvernement ; prenons-en acte, c’est tout !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour un rappel au règlement.

Mme Claude Greff. Tout à l’heure, j’ai été mise en cause par les propos de la ministre. Je voudrais rappeler que cette fonction confère une grande responsabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Brandir pour tout argument que l’on a été maire ou les soixante propositions du candidat François Hollande n’est ni nécessaire ni suffisant. Sur un projet aussi important et qui va changer, bouleverser notre société, nous attendions autre chose. Je crains le pire pour le débat du mois de mars, parce qu’il s’agira alors de débattre de la loi sur la famille.

Mme Brigitte Bourguignon. Trouvez d’autres arguments, et soyez polie !

Article 1er (suite)

M. le président. Nous allons avoir amplement l’occasion de débattre puisque je suis saisi, sur l’article 1er, de 129 amendements de suppression.

La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Hervé Mariton. Je souhaite faire un rappel au règlement, monsieur le président !

M. le président. Non, monsieur Mariton, il n’en est pas question. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La multiplication des rappels au règlement vient perturber le fonctionnement de la séance, leur utilisation est pervertie. J’ai donné la parole à M. Philippe Armand Martin ; et s’il ne la prend pas, je la passe au suivant.

M. Philippe Armand Martin. Monsieur le président, j’ai l’honneur d’ouvrir le bal des amendements identiques de suppression de l’article 1er qui ouvre le mariage aux couples de… de personnes de même sexe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous en prie, c’est assez compliqué comme ça !

M. Philippe Armand Martin. Le mariage fait partie de notre civilisation. C’est une institution chère à la France, une valeur de notre société et le préalable à la fondation d’une famille pour deux individus de sexe différent. Il ne doit pas y avoir de confusion avec l’union de deux hommes ou de deux femmes, qui ne peuvent fonder une famille, c’est-à-dire avoir naturellement des enfants sans avoir recours à des procédés parfois proches du mercantilisme.

L’égalité des êtres peut se faire par une union appelée différemment – nous vous proposerons notamment par la suite l’alliance civile – afin que les couples homosexuels puissent avoir les mêmes droits que les couples hétérosexuels.

Il ne faut pas se laisser prendre par ceux qui nous disent que parce que le monde change, le mariage doit changer. Quelle absurdité ! Cette notion de modernité n’est pas fondée. Ce raisonnement aboutirait à la formation d’une société non pas moderne mais autre ; et l’on oublie dans ce processus égoïste la place de l’enfant, qui n’a rien demandé.

Vous voulez ouvrir non pas un droit pour tous, mais un droit pour les couples de personnes de même sexe. Dans ces conditions, enlevons le mot mariage pour dépassionner le débat ; c’est ce que nous proposerons avec l’alliance civile, un contrat qui aurait le mérite de marquer le respect que l’on éprouve à l’égard du mariage, que l’on considère comme l’un des fondements de notre société et de notre civilisation. L’alliance civile n’est reliée ni à la notion de filiation ni, par conséquent, à celle d’adoption.

Oui, mesdames, messieurs les députés de gauche, madame la ministre, vous avez trompé une fois encore la société en disséquant le dossier entre le mariage et l’adoption, la PMA et la GPA à laquelle vous viendrez. C’est la seule façon pour vous d’arriver à vos fins. C’est une besogne un peu basse ; la France mérite mieux. C’est la raison pour laquelle je demande, par le présent amendement, la suppression de cet article.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, nous entrons dans la discussion des amendements et c’est l’ordre naturel de nos travaux. Toutefois, pour entrer dans cette discussion, faudrait-il encore que le Gouvernement ait répondu à nos questions !

J’ai posé par exemple une question très technique mais importante sur les conséquences internationales du II. de l’article 1er, question à laquelle la ministre n’a pas répondu.

Nous avons par ailleurs interrogé le Gouvernement sur les positions de ses membres. M. Manuel Valls a déclaré en 2011 dans Têtu – je ne lis pas que Le Figaro – être favorable à la GPA sous certaines conditions.

M. Philippe Gosselin. C’est la « Valls hésitation » !

M. Hervé Mariton. Nous avons besoin de connaître la position du Gouvernement. Je comprends que nous commencions la discussion des amendements, monsieur le président, car nous devons avancer, mais la moindre des choses serait que le Gouvernement se limite à une réponse technique sur le II de l’article, point précis sur lequel portait mon intervention, madame la garde des sceaux. Lors de la discussion sur l’article, nous n’avons en effet obtenu de réponse ni sur les points techniques que nous avons soulevés ni sur les points politiques relatifs à la cohérence et à la cohésion du Gouvernement.

M. Philippe Gosselin. Expliquez-nous la « Valls hésitation » !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour un rappel au règlement.

Mme Sylvie Tolmont. La mère Noël !

Mme Catherine Vautrin. La mère Noël s’appelle Catherine Vautrin, pour information !

M. Philippe Gosselin. C’est incroyable d’entendre des choses pareilles !

Mme Catherine Vautrin. C’est, une fois encore, totalement irrespectueux et indigne de nos débats.

Je voudrais également revenir sur le déroulement de nos séances. Madame la garde des sceaux, Mme Ameline vous a interrogée il y a quelques instants et vous avez bien voulu lui répondre. Elle a évoqué dans son propos non seulement la CCNE, mais aussi la CNCDH. J’ai sous les yeux l’avis de cette instance sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, rendu lors de l’assemblée plénière du 24 janvier 2013 : « la CNCDH ne peut que regretter que le Gouvernement ne l’ait pas saisie, car il entre naturellement dans ses missions de rendre un avis sur un sujet de cette nature. La CNCDH s’est de ce fait autosaisie. »

M. Philippe Gosselin. Et voilà ! « Autosaisie » !

Mme Catherine Vautrin. Voilà ce que la mère Noël voulait vous dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. La CNCDH s’est autosaisie !

Mme Claude Greff. C’est un mensonge de plus !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous pouvez toujours continuer à nous faire des procès. Je reconnais toutefois, madame Vautrin, que vous avez parfaitement raison sur ce point.

Mme Catherine Vautrin. Merci !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il se trouve que j’ai eu Mme Lazerges, la présidente de la CNCDH, au téléphone, à propos d’un autre texte. À cette occasion, je l’ai informée que j’allais l’interroger sur le projet relatif au mariage pour tous. Elle m’a alors indiqué que la CNCDH s’était autosaisie.

M. Philippe Gosselin. C’était le 24 janvier, soit cinq jours avant l’ouverture de nos débats sur le texte !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non. La date du 24 janvier 2013 correspond à la remise de l’avis, madame Vautrin. Mais nous pourrons faire un feuilleton à ce sujet ; nous pouvons d’ailleurs le faire sur tout ! Et peut-être auriez-vous pu entre-temps informer Mme Ameline…

Monsieur Mariton, vous m’avez interrogée sur le texte original,…

M. Philippe Gosselin. Original, c’est bien le terme qui convient pour ce texte !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …celui du Gouvernement, qui contenait dans le II de l’article 1er la précision : « sous réserve des engagements internationaux de la France ». Je vous rappelle simplement que cette périphrase a été supprimée sur l’initiative de la commission – à tort ou à raison, il ne m’appartient pas d’en juger. Ces derniers jours, ces dernières semaines, il nous est arrivé de rappeler la hiérarchie des normes ; qu’on la mentionne ou non, celle-ci implique que les accords internationaux contractés par la France s’imposent en droit interne.

M. Philippe Gosselin. Eh oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par conséquent, faire figurer cette disposition – comme le souhaitait le Gouvernement – ou la supprimer – comme la commission a choisi de le faire – ne change rien à l’application de cette règle.

M. Philippe Gosselin. C’est la raison pour laquelle ce texte n’est pas conforme à la Constitution !

M. Hervé Mariton. Et qu’en est-il des effets ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quels en seront les effets dans la réalité ? Vous estimez que cela pourrait provoquer de l’asile conjugal, ce qui est très surprenant, mais qui reste une hypothèse…

M. Christian Jacob. Plausible !

Mme Catherine Vautrin et M. Mariton. Ça existe ! C’est possible !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous pouvons aussi écrire des scripts de film tous les jours ! C’est d’ailleurs ce qui se fait depuis quelques jours ; nous en avons eu, des scripts de fiction !

M. Guénhaël Huet. De films d’horreur ! Et qui pourraient bien être primés !

M. Philippe Gosselin. Nous avons posé une question !

M. le Président. Monsieur Gosselin, si vous interrompez le Gouvernement toutes les minutes, il ne pourra pas répondre. Cela suffit maintenant ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous incitez le Gouvernement à vous donner des réponses très courtes…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est parce qu’il y a une vraie question que je m’obstine à essayer d’y répondre, malgré le brouhaha permanent.

Le premier alinéa de cet article rappelle les dispositions d’ordre général concernant l’application de la loi personnelle. Le deuxième alinéa vient indiquer que, même lorsque la loi personnelle d’un des conjoints ne prévoit pas la possibilité d’un mariage entre personnes de même sexe, ce mariage peut avoir lieu en France, compte tenu du fait que la loi française ouvre dorénavant la possibilité de mariage, à l’exception, évidemment, des conventions internationales ou des traités – il en existe treize exactement – qui précisent le contraire.

On peut bien sûr imaginer que, soudainement, vont affluer dans toutes les mairies du territoire français des couples qui se seront rencontrés par on ne sait quel mystère et qui voudront convoler.

Mme Claude Greff. Les mariages gris, cela existe et vous le savez !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le fait est que les personnes dont la loi personnelle ne prévoit pas le mariage pour les couples de même sexe, pourront se marier avec une personne du même sexe en France s’il n’y a pas d’objection dans un accord international, souvent bilatéral.

M. Hervé Mariton. Et si cette personne est déjà liée, en Italie par exemple, par un contrat de type PACS ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En plus de l’exil conjugal, vous craignez donc la polygamie ?

M. Hervé Mariton. Je m’interroge sur les personnes qui sont liées à l’étranger par un contrat civil emportant des effets.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous parlez d’un couple qui serait déjà marié en Italie, c’est cela ?

Mme Claude Greff. Vous voyez, ce n’est pas clair !

M. le président. Nous y reviendrons, madame la garde des sceaux. Cent vingt-neuf députés sont inscrits pour défendre leur amendement de suppression, cela vous permettra d’entendre à nouveau leurs arguments. Le Gouvernement pourra répondre à la fin de cette série d’amendements.

M. Jean-Marc Germain. Vous n’êtes pas seul, monsieur Mariton !

Article 1er (suite)

M. le Président. La parole est à M. Le Fur, pour soutenir l'amendement n° 56.

M. Marc Le Fur. Je ne veux pas intervenir sur l’organisation des débats, mais une question a été posée et chacun constate que la ministre n’y répond pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Venons-en à la défense de l’amendement. Démonstration est faite : le vrai sujet, c’est la famille et l’enfant. Le fond du débat est de savoir si, dans ce texte, l’enfant est sujet de droit ou objet de droit. Si l’enfant est sujet de droit, c’est lui qui a droit à un père et à une mère. Seules les circonstances de la vie peuvent l’en priver, pas le législateur. Si l’enfant devient un objet de droit, alors toutes les dérives sont possibles. Sa conception peut faire l’objet de contrats – c’est exactement la situation avec la GPA –, ou d’un cahier des charges – c’est exactement ce qui se passe avec la PMA.

Le Gouvernement reproche aux manifestants contre le mariage pour tous de s’opposer à un nouveau droit émancipateur. Il nous dit : « nous offrons un nouveau droit aux personnes homosexuelles ». Eh bien, ces manifestants revendiquent un droit : le droit, en particulier pour les enfants les plus fragiles – ceux qui sont confiés à l’adoption –, de disposer d’un père et d’une mère !

M. Bernard Roman. Ils ne l’ont pas aujourd’hui !

M. Marc Le Fur. Vous l’avez compris, je défendrai au cours de ce débat l’enfant sujet de droit face à ceux qui veulent en faire un objet de droit, au risque d’en faire une chose, de le réifier, comme disent de manière savante mais compréhensible les philosophes. Pour ces raisons, nous défendons et nous défendrons tous ces amendements de suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l'amendement n° 75.

M. Sergio Coronado. Il est absent !

M. le président. Nous en venons donc à l’amendement n° 118 de M. Patrice Martin-Lalande.

Quelques députés du groupe SRC. Absent !

M. le président. Dans ce cas, nous en venons à l’amendement n° 133 de M. Marcel Bonnot.

Plusieurs députés du groupe SRC. Absent !

M. le président. Nous en venons donc à l’amendement n° 189 de M. Bernard Deflesselles. (« Absent ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Philippe Gosselin. Rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour soutenir l'amendement n° 199. (« Absent ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.- Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Rappel au règlement !

M. le président. Il n’y a pas d’incident. Je poursuis.

La parole est à M. Laurent Marcangeli, pour soutenir l'amendement n° 215. (« Absent ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous en venons à l’amendement n° 216 de Mme Dominique Nachury. (« Absente ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

La parole est à M. Michel Heinrich, pour soutenir l'amendement n° 233. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l'amendement n° 244. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l'amendement n° 258. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Philippe Le Ray. Mes collègues étaient là il y a un instant. (Sourires.)

Il n’y a rien de discriminant à faire évoluer le PACS pour donner de nouveaux droits à des couples de même sexe. En démontant l’institution du mariage, vous trompez les Françaises et les Français : c’est votre cheval de Troie pour ouvrir demain la porte à la PMA et à la GPA. Je regrette d’avoir à le répéter, mais c’est très important.

Vous avancez masqués. La future loi sur la famille sera la deuxième étape dans les coups portés à des usages sociétaux. Après avoir coupé la France en deux, vous introduirez un second clivage dans votre propre camp. Vous ne pourrez résister aux pro-PMA et aux pro-GPA. Vos homologues espagnols, portugais et belges en ont témoigné lors de leur audition. Je vous demande de supprimer l’article premier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Rappel au règlement !

M. le président. Non, monsieur Gosselin. Je ne laisserai plus utiliser le règlement à seule fin de détourner l’ordre du jour de notre séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l'amendement n° 291.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, pour avoir échangé avec mon collègue Philippe Gosselin, je sais qu’il souhaite faire un vrai rappel au règlement concernant le déroulement de la séance. Il vous le dira lui-même lorsque vous lui aurez donné la parole.

Inscrit pour la défense d’un amendement de suppression de l’article 1er, je voudrais revenir sur une question extrêmement importante, posée par M. Mariton, et à laquelle vous n’avez pas répondu, madame la garde des sceaux,…

M. Philippe Gosselin. C’est précisément l’objet de mon rappel au règlement !

M. Christian Jacob. …ce qui fausse l’ordonnancement naturel de nos débats. Avant d’arriver aux amendements de suppression, nous devons être tout à fait éclairés sur l’article 1er. Pourquoi tant de députés ont-ils demandé à s’exprimer sur cet article ? Pour permettre au Gouvernement de répondre.

M. Jean-Marc Germain. Vous ne savez même plus de quelles questions il s’agit !

M. Christian Jacob. C’est à la lumière des réponses fournies par le ministre que les amendements sont maintenus ou retirés. Or vous ne répondez pas, madame la garde des sceaux. Peut-être n’avez-vous pas la réponse ? Cela arrive ! J’ai eu l’honneur, comme d’autres, de siéger pendant cinq ans sur les bancs du Gouvernement et je sais que l’on ne connaît pas toujours immédiatement la réponse. Mais on demande alors une suspension de séance, qui permet au ministre de réunir les représentants de son administration et les membres de son cabinet pour trouver la réponse appropriée à la question légitime qui a été posée.

Plusieurs députés du groupe SRC. Mais quelle est la question ?

M. Christian Jacob. C’est ainsi que les débats doivent s’ordonnancer. Je souhaiterais vraiment, dans le respect des travaux de notre assemblée, que nous puissions échanger normalement et que le Gouvernement réponde aux questions précises qui lui ont été posées.

Cet amendement vise à supprimer cet article en raison des bouleversements éthiques et bioéthiques qu’il engendre. C’est la raison pour laquelle j’avais souhaité disposer de l’avis du Comité national d’éthique. Vous dites que ce n’est pas dans le texte et que cela n’a rien à voir, madame la garde des sceaux ; mais, dans le même temps, la porte-parole du Gouvernement annonce qu’il y aura un texte spécifique sur la PMA, qui est donc bien liée au sujet du mariage !

Un amendement devait être porté par le groupe SRC. Mais M. Le Roux a été obligé, passez-moi l’expression, de rabattre son caquet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le Premier ministre l’a sommé de retirer son amendement ; on a trouvé un bricolage en s’accordant sur le fait qu’on le présenterait dans le cadre d’un autre texte, dans un mois ou un mois et demi. Le sujet est donc bien lié.

Le fait de pouvoir bénéficier de la PMA pour convenance personnelle est extrêmement grave. Cela remet en cause tout le fondement du droit de la filiation. Vous voyez bien que ces sujets sont liés. Nous avions besoin de l’éclairage du comité national d’éthique. Le consulter trois jours avant l’ouverture des débats, comme l’a fait le Président de la République, est une humiliation.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Faits personnels

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour fait personnel.

M. Hervé Mariton. Il y a deux mises en cause, et je ne voudrais pas priver notre collègue Olivier Dussopt de la possibilité de répondre. Pour ce qui me concerne, j’ai été mis en cause pour des propos que j’aurais tenus lors des débats sur le PACS.

Puis-je rappeler qu’en 1997, le suffrage universel, dans sa souveraineté et son injustice, m’avait privé d’être député ? (Sourires.)

M. Bernard Roman. C’est pour cela que le projet est passé !

M. Hervé Mariton. Cela est arrivé à beaucoup de personnes très honorables ici, chers collègues.

Puis-je rappeler aussi que nos collègues ne peuvent déduire de notre position aujourd’hui ce qu’était notre position vis-à-vis du PACS ? Vous ne pouvez fonder une argumentation sur des comportements indignes que nous serions supposés avoir eus à l’occasion de débats sur le PACS. Vous ignorez ce qu’était notre position. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Germain. Vous n’étiez pas député, mais vous siégiez au conseil général !

M. Hervé Mariton. Acceptez aussi que l’intensité de nos expressions dépende de la fonction que l’on occupe. Je n’étais pas député et mon activité professionnelle faisait que je n’étais pas aussi engagé dans le débat public que je le suis aujourd’hui. Je serais bien curieux de vous voir trouver quelque expression publique que ce soit venant de moi à l’époque. Reconnaissons humblement que nous ne pouvons être engagés de la même façon sur tous les sujets et à tout moment. Je ne crois pas m’être exprimé alors d’une quelconque manière sur ce sujet. Peut-être ai-je eu tort et devrais-je me le reprocher ? Il se trouve que j’exerçais alors un mandat local et que j’avais un boulot. Sans doute ai-je eu le tort de ne pas m’être davantage investi et exprimé sur le PACS.

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour fait personnel.

M. Olivier Dussopt. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec vous, monsieur Mariton. Vous n’étiez pas député en 1998-1999 : vous étiez vice-président de la région Rhône-Alpes, présidée par Charles Millon. Je me rappelle de la séance du 6 avril 1998, lorsque M. Gollnisch vous a fait subir trois tours d’élection, au point que vous avez fini par dire, pour obtenir ses voix, que le Front National était un parti tout à fait acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je tiens à votre disposition le compte rendu de cette séance.

S’agissant de la mise en cause dont j’ai fait l’objet, il faut rappeler le contexte. Un certain nombre de députés UMP, membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique, avaient déposé des amendements sur le dépistage prénatal. Certains prévoyaient par exemple de délier le médecin de l’obligation d’information ; d’autres visaient à imposer aux femmes porteuses d’un embryon trisomique de rencontrer une famille élevant des enfants en situation de handicap. La ministre UMP de l’époque, Nora Berra, s’y était opposée fermement, déclarant qu’ils étaient de nature à influencer les femmes, à les priver de leur libre arbitre et à les dissuader de recourir à une IVG ou une interruption médicale de grossesse.

À ce moment-là du débat, j’ai eu une phrase maladroite. Remarquant que 96 % de ces femmes ayant recours à une IMG, j’ai dit qu’à titre personnel, je m’interrogeais sur les 4 % restants. J’ai ajouté par la suite, en réponse à vos propos, qu’il ne fallait pas me faire dire ce que je n’avais pas dit, et notamment que ces enfants étaient en trop : l’article du Point que vous avez transmis à M. Roman, monsieur Mariton, et le compte rendu de la réunion en témoignent. J’ai eu aussi l’occasion de dire que je m’interrogeais sur les motivations personnelles et respectables qui pouvaient amener les familles à faire un tel choix.

J’ai eu l’occasion de préciser par la suite, au cours des débats provoqués par cette polémique, que je trouvais cela extrêmement courageux et que j’avais fait part d’une interrogation, en aucun cas d’un jugement – cela figure au compte rendu de la commission sur le projet de loi de bioéthique du 25 janvier 2011. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La citation que vous avez faite est juste, mais tronquée. Une chose ne figure pas au compte rendu, mais je fais confiance à mon collègue Philippe Gosselin, qui se souvient sans doute de cette séance, pour le confirmer. Il avait été le premier à intervenir après moi, en qualifiant mes propos d’eugénistes. J’ai ensuite repris la parole et, bien que cela ne figure pas au compte rendu, monsieur Gosselin, j’espère que vous aurez la sincérité de reconnaître, vous avez eu ces deux mots : « Dont acte. », Ces deux mots, que j’avais appréciés, j’espère que vous les répéterez aujourd’hui. (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. J’étais effectivement intervenu immédiatement après notre collègue Olivier Dussopt, dont l’intervention avait été suivie d’un silence un peu gêné. Il n’a pas osé aller jusque-là, avons-nous pensé. Pour ma part, j’ai déclaré : « Je regrette que M. Dussopt ait tenu des propos à caractère eugéniste », et j’ai ajouté, partageant la gêne de mes collègues : « mais ils ont sans doute dépassé sa pensée. » J’espère en effet qu’ils ont dépassé sa pensée…

Plusieurs députés du groupe SRC. Il vient de le dire !

M. Philippe Gosselin. Je ne polémique pas, je raconte ce qui s’est passé, puisque j’y étais. J’avais en effet ajouté à la suite des explications de notre collègue un « Dont acte » gêné, considérant que le débat, pour mois, était clos. J’estime en effet qu’il est clos…

M. Henri Jibrayel. Bravo !

M. Philippe Gosselin. ...quand bien même ses propos avaient créé une gêne terrible, qui marque encore les esprits aujourd’hui.

M. le président. Merci pour votre témoignage, monsieur Gosselin. Les paroles de M. Dussopt ont été très claires, et chacun a pu se faire un avis ; l’incident est donc clos.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)