SOMMAIRE
Présidence de M. Claude Bartolone
Avenir de la filière automobile
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif
Annonces du Président de la République
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre
Avenir de l’industrie automobile
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé
Affectation des jeunes diplômés hors de Martinique
M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale
Meurtre de deux gendarmes dans le Var
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Avenir de la téléphonie mobile
Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères
Administration de l’État dans les territoires
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur
Suspension et reprise de la séance
Présidence de M. Christophe Sirugue
. Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué
Amendements nos 111, 175, 191, 219, 221, 222 rectifié, 223, 224, 227, 229, 230, 231, 232, 233, 235, 237, 416, 417, 418, 419, 499
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 489, 96, 98, 97, 420, 421, 423
Amendement no 182
Amendement no 46
Amendement no 180 rectifié
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe Union des démocrates et indépendants.
M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer.
M. Francis Hillmeyer. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Les 23 et 24 juin derniers, plus de dix mille personnes visitaient le site Peugeot-Mulhouse, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la création de cette usine, beau symbole de la réussite de cette entreprise française. Dans le même temps se profilait l’annonce de la restructuration du groupe PSA, avec la fermeture du site d’Aulnay et la suppression de 8 000 emplois au niveau national.
« L’État ne laissera pas faire », a affirmé le Président de la République. Soit. Mais nous craignons que cette déclaration d’intention ne suffise pas à rassurer les salariés concernés, qui attendent du Gouvernement des solutions adaptées. Quelles mesures allez-vous prendre en urgence pour accompagner ces femmes et ces hommes ?
Plus largement, au-delà du choc ressenti par ces salariés, c’est l’ensemble de la filière automobile française que vous êtes appelé, monsieur le Premier ministre, à redresser.
Je tiens à souligner qu’en 2008 l’industrie automobile avait connu de fortes difficultés. Le Gouvernement avait alors élaboré, en accord avec les constructeurs, un plan reposant sur l’investissement et l’innovation, notamment sur le dispositif bonus-malus, qui a permis à nos concitoyens d’acquérir quatre millions de véhicules neufs peu polluants.
Nous avons entendu votre volonté de renégocier le plan PSA, mais croyez bien que cette seule incantation laisse bon nombre de personnes sceptiques, alors que rien n’est proposé en matière de baisse du coût du travail, qui est pourtant une des clefs de la compétitivité de notre industrie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Le plan sur la filière automobile que vous devez annoncer le 25 juillet prochain doit impérativement prendre en compte cette réalité.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous exposer la teneur de ce plan fondamental pour l’avenir de l’industrie automobile française et nous indiquer les mesures qu’il comportera pour répondre au problème de coût du travail en France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député Francis Hillmeyer, les annonces de Peugeot et du groupe PSA ont choqué le pays tout entier, et c’est toute la nation qui se tient au côté des 8 000 familles qui savent aujourd’hui leurs emplois menacés.
M. Lucien Degauchy. Que fait le Président ?
M. Arnaud Montebourg, ministre. Le Président de la République et le Gouvernement ont d’abord souhaité connaître la vérité. Plusieurs questions se posent : Pourquoi y a-t-il eu des opérations financières, notamment le versement de dividendes, au moment même où Peugeot commençait à connaître ses premières difficultés ? Nous voudrions connaître la stratégie de l’actionnaire.
Ensuite, pour quelle raison l’ensemble de ces aides n’ont-elles eu aucune espèce d’effet ? Elles représentaient des sommes considérables, les contribuables ont été mobilisés – du reste, les organisations syndicales et l’opposition avaient à maintes reprises demandé qu’elles soient soumises à contreparties.
Aujourd’hui, Peugeot déclare être en grande difficulté. Nous avons donc décidé de mandater avant la fin du mois une expertise (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), afin d’évaluer, en collaboration avec les organisations syndicales, (Mêmes mouvements) la direction de Peugeot et son actionnariat, les raisons pour lesquelles on en est arrivé là. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Lorsque nous aurons ces éléments d’information, le Gouvernement pourra engager une négociation qui sera utile non seulement pour l’opinion publique, mais également pour l’ensemble du pays.
Plusieurs députés du groupe UMP. Bla-bla-bla !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Sans attendre, nous présenterons un plan pour la filière automobile ; car nous parlons des constructeurs, mais il ne faut pas oublier les sous-traitants, eux aussi affectés partout en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Christian Jacob. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Le Président de la République a souhaité renouer avec l’interview du 14 juillet. Nous étions donc en droit de nous attendre à des réponses sur deux sujets de préoccupation majeure des Français.
D’abord sur la compétitivité de nos entreprises. Or, vingt-quatre heures après l’annonce du plan social chez PSA, pas une proposition du Président de la République pour la réduction du coût du travail ! Pis encore, on a vu – comme hier soir encore dans cet hémicycle – une obstination idéologique contre la TVA compétitivité qui, pourtant, de l’avis général, est une bonne réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Rien non plus, ensuite, sur les déficits ! Pire : le Président de la République a annoncé que la règle d’or ne devait pas être inscrite dans notre Constitution. Cela signifie donc qu’il s’essuie les pieds par anticipation sur l’avis du Conseil constitutionnel qu’il a lui-même sollicité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, dans l’hypothèse où le Conseil constitutionnel demanderait la révision de notre Constitution pour ratifier le traité, les propos du Président de la République signifient-ils que vous renoncez à faire ratifier le traité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, vous me demandez si nous renonçons à faire ratifier le traité. Mais j’imagine que vous avez suivi ce qui s’est passé depuis le 6 mai ?
Il est vrai que vous êtes très concentré sur d’autres préoccupations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Cela peut vous rendre inattentif – et je vous laisse à vos polémiques inutiles. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Christian Jacob. J’ai écouté le Président de la République ! Répondez à la question !
M. le président. Monsieur Jacob, laissez justement répondre le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si votre attitude permanente, c’est l’invective, je vous la laisse ! Ce n’est pas ainsi que vous allez reconquérir la confiance des Français. Un peu de dignité, s’il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président Jacob, le 6 mai les Français ont élu un nouveau Président de la République. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.) Ce dernier, après avoir pris ses fonctions le 15 mai et m’avoir nommé chef du Gouvernement, s’est rendu immédiatement à Berlin pour engager sur de nouvelles bases des discussions avec Mme Merkel afin de créer les conditions de la relance de la croissance en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les choses ont bougé.
Outre que la majorité parlementaire issue des élections des 10 et 17 juin a conforté l’élection du Président de la République, la méthode de discussion n’est plus la même.
Plusieurs députés du groupe UMP. La réponse !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. On n’est plus dans un tête-à-tête, mais dans une discussion où tous les partenaires de l’Europe sont mobilisés.
Sur la base des résultats ainsi obtenus, le Parlement sera saisi, conformément à ce qu’a annoncé le Président de la République, afin de se prononcer sur la ratification du traité et d’approuver l’ensemble des mesures de croissance, la taxe sur les transactions financières, ainsi que toutes les mesures de contrôle et de soutien dans le cadre de l’union financière et de l’union bancaire. Les choses ont changé et, sur cette base, après la réponse du Conseil constitutionnel, le Parlement sera, je le répète, très vite saisi pour se prononcer. Nous verrons ce que vous êtes capables de faire.
En tout cas, j’invite d’ores et déjà l’ensemble des parlementaires à choisir la voie du redressement et de la réorientation de l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, depuis votre prise de fonction, vous avez engagé la France dans la voie du redressement et de la justice. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Votre tâche est rude. La dette publique a explosé, le chômage touche aujourd’hui plus de 10 % des actifs, notre industrie souffre de ne pas avoir été protégée tandis que des dossiers ont été cachés, mal évalués et mal mis en œuvre durant de nombreux mois alors que le redressement et l’aide aux entreprises étaient nécessaires. Je pense également aux services publics qui ont aussi été très largement mis à mal, pillés, saccagés, notamment l’éducation nationale.
Aujourd’hui, ceux qui ont causé ce désastre se croient autorisés à jouer les donneurs de leçons. Nous n’acceptons pas ce rôle qui, jour après jour, fait de notre enceinte le lieu de préparation d’un congrès à l’UMP plutôt que de la participation au nécessaire redressement de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Aujourd’hui, notre seule règle d’or, c’est la justice. Votre collectif budgétaire, monsieur le Premier ministre, en est le symbole même…
M. Jean-François Lamour. Ah non !
M. Bruno Le Roux. …avec sa mesure prioritaire : l’abrogation de la TVA sociale. Je le dis ici, ce sont 12 milliards d’euros que nous remettons aujourd’hui au service du pouvoir d’achat des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Que chacun prenne la mesure de ce qu’aurait représenté ce prélèvement : une semaine de travail effectuée pour un couple ayant un salaire moyen. C’est ce qui aurait été perçu demain s’il y avait eu cette mesure.
M. Jacques Lamblin. C’est faux !
M. Bruno Le Roux. Nous vous félicitons, monsieur le Premier ministre, de rendre aujourd’hui du pouvoir d’achat aux Français dès le début de ce collectif budgétaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et nous vous demandons – c’est ma question – de confirmer ici, devant la représentation nationale que la justice, le pouvoir d’achat et le respect des Français sont aujourd’hui les marqueurs différents de ce qui a été la loi TEPA voilà cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Bruno Le Roux, vous avez bien fait de rappeler ce qui figure dans la loi de finances rectificative. Je vous rappelle, mesdames, messieurs les députés, en particulier ceux de l’opposition, que si nous avons présenté une loi de finances rectificative, c’est parce que nous avons hérité d’une situation qui nous conduit à prendre des mesures pour respecter les engagements du Président de la République, c’est-à-dire pour retrouver l’équilibre et la maîtrise de nos comptes publics.
Cela ne se fera pas en une fois, mais par étapes, et nous commençons dès maintenant, en limitant le déficit budgétaire à 4,5 % en 2012 et à 3 % pour 2013, et en prévoyant le retour à l’équilibre à la fin du quinquennat. C’est un effort très important, mais nécessaire au redressement du pays. Sinon, les 600 milliards de dette supplémentaire que nous avons trouvés en arrivant, ce sont les générations futures qui devront le payer, et nous n’acceptons pas que nos enfants et nos petits-enfants paient la facture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je sais que l’exercice est difficile et je fais toute confiance aux députés de la majorité pour contribuer à trouver la bonne réponse avec le Gouvernement sur la base des propositions que nous avons faites. Il s’agissait de trouver 7,5 milliards d’euros, pour rester dans l’épure des 4,5 %. Nous l’avons fait en décidant d’un nouveau gel des dépenses publiques de 1,5 milliard – ce n’est pas facile, car c’est un effort très important en matière de dépenses –, tout en respectant les priorités. La seule dépense supplémentaire, ce sont 800 millions d’euros consacrés à l’éducation afin de parer aux difficultés de la prochaine rentrée scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’était un engagement du Président de la République qui s’inscrit dans une volonté de reconstruction de notre système éducatif. Les priorités sont claires et nous allons nous y tenir.
Pour les autres dépenses, cela se fait par redéploiement pour Pôle emploi, de même que pour l’allocation de rentrée scolaire. Et s’agissant de la mesure ramenant l’âge de la retraite à soixante ans, elle est également financée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour le reste, il fallait demander un effort et nous l’avons demandé en le fondant sur la justice…
Un député du groupe UMP. Non, sur l’impôt !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …et sur l’efficacité économique.
Vous venez de le dire, monsieur le président Le Roux : l’opposition oublie de préciser que la mesure prise par le précédent gouvernement et la précédente majorité revenait en fait à 12 milliards d’euros de prélèvements sur les classes populaires et sur les classes moyennes par l’augmentation de la TVA. Nous y mettons fin et j’appelle l’ensemble de l’Assemblée nationale à nous appuyer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
On me dit qu’il y a d’autres prélèvements. Oui, il y en a d’autres, mais sur les grandes entreprises – et pas sur les PME –, sur les grands groupes pétroliers ou bancaires et aussi sur les familles les plus aisées avec le rétablissement de l’impôt sur la fortune – qui touche 1 % des contribuables – et la fiscalité sur le patrimoine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela ne concerne que la transmission des hauts patrimoines : 90 % des ménages ne sont pas concernés. Notre projet de loi de finances rectificative est une proposition efficace sur le plan économique et juste sur le plan social.
M. Philippe Meunier. Et les heures supplémentaires ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. S’agissant des heures supplémentaires, soyons clairs. Pendant cinq ans, mesdames et messieurs les députés de droite, les députés devenus aujourd’hui la majorité de l’Assemblée nationale, comme d’ailleurs l’ensemble des organisations syndicales de salariés, ont dit que cette mesure ne faisait que favoriser le chômage et n’encourageait pas l’embauche. C’est la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Quand on sait que l’heure supplémentaire coûte moins cher à un employeur que l’heure normale, croyez-vous que l’employeur soit incité à embaucher ? Bien sûr que non ! Il fallait mettre fin à cette mesure anti-emploi (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC) dont certains ont bénéficié du fait de la défiscalisation.
Concernant les cotisations patronales, la mesure ne s’appliquera qu’aux entreprises de plus de vingt salariés. Mais pour ce qui est de la défiscalisation, la règle ne s’appliquera que lorsqu’elle sera votée par le Parlement – pas depuis le 1er janvier, c’est une évidence ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour conclure, j’en appelle au bon sens des Français : cette mesure n’empêchera pas les heures supplémentaires, qui sont payées plus cher que les heures normales – 25 % de plus. Lorsqu’un employeur pourra proposer des heures supplémentaires à ses salariés, s’ils les font, ils seront donc mieux payés.
En outre, la fiscalisation ou la défiscalisation que vous défendez coûtait au budget de l’État, c’est-à-dire à l’ensemble des contribuables, 5 milliards d’euros. Lorsque la crise s’est déclenchée en Allemagne, le Gouvernement a pris l’initiative d’encourager les partenaires sociaux à négocier pour maintenir l’emploi, pour pratiquer le chômage partiel et pour faire en sorte qu’avec la même somme et même un peu plus, les salariés se forment.
Telle est notre politique, dans la poursuite de la conférence sociale. Préserver l’emploi, voilà la priorité du Gouvernement ! (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.
M. Éric Alauzet. Ma question s’adresse au ministre de l’industrie. II n’est pas nécessaire d’insister sur la catastrophe économique et sociale que constitue le projet de licenciements annoncé par le groupe Peugeot : 8 000 emplois à Aulnay, à Rennes et à Sochaux, 24 000 emplois menacés chez les sous-traitants.
La brutalité de ces annonces exige une réponse énergique des pouvoirs publics pour éviter l’effondrement de la filière automobile française. Il faut prendre acte de l’échec des visions de court terme comme des divers plans de relance et autres primes à la casse aux effets éphémères, voire pervers.
La crise n’a pas été anticipée par les constructeurs. Pire, PSA a continué à parier sur le seul diesel, pourtant réputé pour son risque sanitaire (Rires et exclamations sur quelques bancs du groupe UMP). Pendant ce temps, les dirigeants qui se sont succédé continuaient à donner des leçons et à recevoir diverses gratifications.
Les salariés de cette industrie, menacés par dizaines de milliers, ne doivent pas être victimes de cette myopie. Il est indispensable d’évoluer vers un produit du XXIe siècle, lutter contre l’obsolescence programmée pour des véhicules plus robustes, sobres et de petite taille comme la voiture de 600 kg, à encombrement minimal, qui permettra la réduction des embouteillages et des difficultés de stationnement, pour un coût d’achat et d’usage moins élevé (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP).
M. Alain Marty. Tout le monde à vélo !
M. Éric Alauzet. Cela ne suffira pas. La diversification s’impose, notamment dans le domaine des énergies renouvelables où les compétences de l’industrie automobile pourraient être avantageusement mises à profit.
Ma question est la suivante, monsieur le ministre : quels dispositifs, quels moyens pourrez-vous mettre en œuvre pour qu’enfin la conversion de l’industrie automobile voie le jour et que nous cessions d’accumuler du retard sur d’autres pays plus réalistes et plus conscients des enjeux ? Les écologistes seront à vos côtés pour cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député Éric Alauzet, le Gouvernement partage la réticence que vous exprimez au sujet de la prime à la casse et souhaite tirer les leçons d’un programme qui, en fin de compte, nous a menés à la situation dans laquelle nous nous trouvons (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP). La prime à la casse, cela revient à financer avec de l’argent qu’on n’a pas l’achat de véhicules qu’on ne produit pas, ou de moins en moins, sur le territoire national.
M. Marcel Rogemont. La casse, c’est pour l’industrie !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Notre choix est donc, avec le plan automobile commandé par M. le Premier ministre et par le Président de la République, de nous tourner vers l’avenir, c’est-à-dire vers l’ensemble des productions innovantes dans lesquelles la France a beaucoup d’avance.
M. Patrice Verchère. Les centrales nucléaires, par exemple !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous pourrions parler positivement de notre pays, notamment sur ce sujet : nous détenons des avantages compétitifs et comparatifs dans le domaine de l’hybride, de l’hybride rechargeable et des véhicules électriques, puisque nos deux grands constructeurs, Renault et Peugeot, ont pris la décision, avec l’aide du grand emprunt et du programme d’investissement d’avenir, d’investir massivement dans cette nouvelle génération de véhicules.
Nous allons donc engager les Français à imaginer d’autres modes de transport, un autre mode de vie avec des voitures qui, je le rappelle, ne sont plus désormais des véhicules du futur mais bien des véhicules pour maintenant. Renault annoncera, à la rentrée, c’est-à-dire à peu près au mois d’octobre, la Zoé électrique.
M. Patrice Verchère. Rechargée avec de l’électricité nucléaire !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Le plan de la filière automobile s’engagera à pousser et porter nos constructeurs vers ces véhicules qui vont, c’est vrai, changer la vie quotidienne de nos concitoyens.
C’est une chance pour notre pays et un atout pour l’avenir industriel de la France : mobilisation générale autour de ces nouveaux véhicules et de nos constructeurs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste).
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire
Mme Isabelle Le Callennec. Merci, Monsieur le Président. Ma question s’adresse à nouveau au ministre du redressement productif et concerne la situation de PSA – redressement productif auquel, soit dit en passant, vous tournez ostensiblement le dos.
Vous commencez en effet par abroger, avec le collectif budgétaire, la TVA anti-délocalisation qui devait entrer en vigueur à partir d’octobre et qui venait justement soutenir la compétitivité de nos entreprises (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).
J’en viens à PSA. L’annonce des 8 000 suppressions d’emplois a mis la France en émoi. Chacun pense ici aux salariés et à leurs familles, aux salariés de PSA mais aussi de ses sous-traitants, qui vivent dans l’angoisse de leur devenir.
Manier le verbe et l’incantation, à l’instar du Président de la République, donner du temps au temps ou polémiquer sur ce sujet grave, tout cela n’est certainement pas de nature à rassurer les salariés. Il faut agir pour la filière automobile tout entière, mais au plus près des territoires concernés, en mobilisant l’ensemble des acteurs de l’emploi et de la formation professionnelle.
Parce que nous sommes une opposition constructive (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC) et que nous croyons à la diffusion des bonnes pratiques, nous sommes prêts à vous confier le secret de recettes qui ont fait leurs preuves dans de nombreux départements. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC).
M. le président. Allons, écoutez la question !
Mme Isabelle Le Callennec. Ainsi en est-il du fonds de revitalisation : En Ille-et-Vilaine, il est alimenté par les entreprises de plus de 1 000 salariés qui licencient. Ce fonds, associé à une gestion territoriale des emplois et des compétences, offre donc des opportunités réelles de reclassement aux salariés licenciés économiques du territoire.
Au lieu de faire croire à une opinion publique qui n’est pas dupe que votre majorité a le pouvoir d’éviter les licenciements, voire de les interdire, comment comptez-vous, monsieur le ministre, sécuriser les parcours professionnels des salariés de PSA et de ses sous-traitants ? Quelles perspectives durables leur offrez-vous ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame la députée, dans ce dossier difficile et très dur pour notre pays comme pour les milliers de familles dont vous partagez la peine, et je vous en remercie, le Gouvernement, vis-à-vis d’un groupe privé dont nous ne sommes pas actionnaires, souhaite connaître exactement la situation de Peugeot-Citroën.
Pourquoi ? Pour une raison simple : c’est qu’il existe deux sortes de plans sociaux. Des plans sociaux parfaitement abusifs, comme celui de SANOFI : 5 milliards de bénéfices l’année dernière, 2 milliards au premier semestre et des emplois supprimés annoncés par son directoire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), et des plans sociaux qui paraissent inévitables, dans la mesure où nous ne voulons pas que les salariés qui restent dans l’entreprise soient les victimes futures d’un plan qui n’aurait pas été mené.
D’ailleurs, si nous faisons porter aujourd’hui la critique sur Peugeot, comme l’a fait le Président de la République, c’est précisément parce que ce plan était connu. J’ai là sous les yeux un document interne de Peugeot daté du 23 août 2010, sorti par les syndicats du site d’Aulnay, qui annonçait sa fermeture. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Pierre Gorges. C’est donc que vous saviez !
M. Arnaud Montebourg, ministre. J’ai également les déclarations de mon honorable prédécesseur qui déclarait ici même le 27 octobre 2011, un an après la diffusion publique de ce document : « M. Varin m’a confirmé qu’aucun plan de licenciements ou de départs volontaires n’est envisagé à ce jour ; la présence industrielle de PSA en France, notamment à Aulnay et Sevelnord, n’est pas remise en cause » (« Hou ! hou ! » sur les bancs du groupe SRC).
M. Philippe Martin. Menteurs ! Menteurs !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous avons donc besoin de comprendre ce qui se passe dans cette entreprise avant de prendre position. Et je crois, madame la députée, que tous les Français et tous les parlementaires de ce pays seront heureux de connaître ce qui s’est passé avant de prendre des décisions, quelles qu’elles soient. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Daniel Goldberg. Monsieur le ministre du redressement productif, les annonces faites jeudi dernier par la direction de PSA heurtent tout le pays. À l’angoisse de huit mille familles pour leur devenir et celui de leurs enfants s’ajoute la détresse des dizaines de milliers de salariés qui occupent des emplois induits.
Avec la fermeture du site d’Aulnay-sous-Bois, c’est toute la Seine-Saint-Denis qui est blessée. Je veux vous dire ici, avec Gérard Ségura, maire d’Aulnay-sous-Bois, avec Jean-Pierre Blazy, député du Val-d’Oise, et avec nos collègues d’Ille-et-Vilaine, Marie-Anne Chapdelaine et Jean-René Marsac, notre détermination à rester aux côtés des salariés pour refuser ce plan insupportable – dans tous les sens du terme.
Pendant des mois, le précédent gouvernement, complice de la direction de PSA (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), ne souhaitait qu’une chose : laisser passer les élections. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Pendant des mois, nous lui avons demandé d’agir et d’écouter les organisations syndicales qui décrivaient les suppressions de postes à venir et la fermeture d’un site industriel. Ce temps précieux qui a été perdu aurait été utile pour prendre des mesures préventives.
Cette vérité, chers collègues de l’UMP, je vais vous la rappeler. Ici, même, le 15 novembre dernier, Éric Besson, alors ministre de l’industrie, déclarait : « Faisons attention à ne pas nourrir des inquiétudes infondées. D’abord, il n’y a pas de fermetures de sites : PSA a explicitement redit ce matin qu’Aulnay ne fermerait pas. Il n’y a pas non plus de plan social. PSA ne prévoit aucun licenciement ni aucun plan de départ volontaire. » (Huées sur les bancs du groupe SRC.) Chers collègues de l’opposition, voilà les déclarations que vous applaudissiez en novembre ; osez faire de même aujourd’hui !
Monsieur le ministre, j’ai entendu les déclarations de Jean-Marc Ayrault et du Gouvernement ainsi que les propos sévères de François Hollande. Ils redonnent du respect et de la dignité aux ouvriers menacés.
Pouvez-nous dire comment vous comptez agir afin de faire reculer PSA, de défendre notre appareil productif et de proposer un avenir aux salariés concernés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, je vous remercie pour la franchise de votre question. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Elle montre comment ce dossier a été géré, à l’instar de beaucoup d’autres : en enfouissant sous le tapis de la République des problèmes qu’il nous faut maintenant affronter, et nous les affronterons courageusement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
En l’état, les justifications apportées par la direction de Peugeot, que ce soit dans la presse ou lorsqu’elle s’est pour la première fois exprimée dans le cadre du dialogue social et de la négociation syndicale, ne sont pas suffisantes. Nous ne savons même pas où Peugeot veut nous emmener. Attendons-nous le rebond ou sommes-nous sur un toboggan ? S’agit-il d’un repli ? Peut-être faudra-t-il tout recommencer dans trois ans. Dois-je rappeler en effet à Mme la députée d’Ille-et-Vilaine qu’il y a trois ans les salariés du site de Rennes ont déjà payé très cher en subissant la suppression de 1 700 emplois ?
Monsieur Goldberg, avant de prendre position, nous souhaitons tout mettre sur la table, y compris avec les actionnaires et la famille Peugeot qui ont, je le crois, un certain nombre de choses à nous dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je ne manquerai pas de les inviter au ministère pour que nous puissions en discuter.
La négociation, le recalibrage et le reformatage de tout ce qui nous paraîtra abusif, tels seront les maîtres mots de notre ligne de conduite.
M. Philippe Cochet. Baratin !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Pour le reste, nous pensons que la nation doit se rassembler autour du sauvetage et de la défense de Peugeot-Citroën. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Xavier Bertrand. Monsieur le Premier ministre, vous avez parlé de redressement dans la justice. Comment peut-il y avoir redressement du pays lorsque l’on met à mal la compétitivité des entreprises et que l’on s’en prend au pouvoir d’achat des classes moyennes ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez dit ici même que les classes moyennes seraient épargnées. Comment avez-vous pu dire cela alors que vous vous en prenez au pouvoir d’achat des ouvriers, des employés et des enseignants qui font des heures supplémentaires et prennent vos mesures de plein fouet ? (Mêmes mouvements.)
Pendant la campagne électorale, vous avez affirmé que le principe des heures supplémentaires et leur défiscalisation seraient maintenus dans les entreprises de moins de vingt salariés. Mensonge !
Comment, en outre, avez-vous pu imaginer un dispositif aussi scandaleux que la rétroactivité ? Sous la pression de l’opposition, vous avez dû faire marche arrière alors que vous vouliez enlever le bénéfice des heures supplémentaires déjà travaillées aux neuf millions de salariés concernés ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Comment avez-vous pu céder au diktat de la CGT qui demandait la tête des heures supplémentaires depuis de nombreuses années, au mépris de ces neufs millions de salariés ? Comment pouvez-vous opposer en permanence celles et ceux qui n’ont pas d’emploi avec celles et ceux qui effectuent des heures supplémentaires ? (Exclamations et protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ils ne volent ni ne prennent le travail de personne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ils travaillent parce que les carnets de commandes se remplissent ; ils symbolisent la valeur travail et vous leur faites les poches pour financer les mesures de votre paquet fiscal. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe UMP.) Vous parlez de justice, mais ce que voient ces neuf millions de salariés, c’est l’injustice !
Monsieur le Premier ministre, quand renoncerez-vous à l’idéologie ? Quand entendrez-vous le message de ceux qui portent la valeur travail ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, depuis plus de deux siècles, notre République a proféré à la face du monde un certain nombre de principes contenus dans la Déclaration des droits de l’Homme de 1789, en particulier dans son article 13 selon lequel chacun doit contribuer aux charges de la nation à raison de ses moyens.
Déroger à ces règles constitue une anomalie par rapport à des principes républicains que nous voulons universels. Une telle dérogation doit donc être fondée sur certains critères.
Le premier d’entre eux est sans doute celui selon lequel ces dérogations ne doivent pas affaiblir la position de la France.
M. Claude Goasguen. Et alors ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Or, depuis l’été 2007, la mesure que vous défendez avec beaucoup de véhémence est financée exclusivement par l’emprunt, du premier au dernier euro. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Depuis cette date, il en coûte en emprunt au pays, et cela continûment, entre 4,5 et 5 milliards d’euros.
Il faut aussi, au minimum, que les objectifs qui ont justifié la dérogation soient atteints. Je me permets de vous rappeler que l’un d’eux était de réduire le chômage. Il a pourtant augmenté et touche un million de personnes supplémentaires depuis cinq ans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Lucien Degauchy et Mme Catherine Vautrin. On verra vos résultats !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous vouliez aussi que davantage de travail soit offert à nos concitoyens. Vous savez comme moi qu’il n’y a pas eu plus d’heures supplémentaires après la mesure que vous avez mise en place – un rapport parlementaire transpartisan en a apporté la preuve. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Bref, cette mesure a un coût exorbitant, elle déroge aux principes universels de la Déclaration des droits de l’Homme, et elle ne remplit pas les objectifs énoncés par le gouvernement qui l’avait mis en place, soutenu par la majorité de l’époque. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Lucien Degauchy. On en reparlera !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le député, il me semble que vous êtes partie prenante dans la compétition interne pour la direction d’une grande formation de l’opposition. Dans ces circonstances, je comprends que l’on ait tendance à faire plutôt dans le sommaire que dans l’élaboré ; plutôt dans le bruyant que dans le pertinent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Dans un tel cadre, l’agitation est souvent préférée à la réflexion. En vous écoutant, il m’a semblé que vous ménagiez toutes vos chances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Jean-Noël Carpentier. Monsieur le Premier ministre, la terrible actualité des plans de restructuration doit nous conduire à nous interroger sur le droit du licenciement pour motif économique, sur le rôle de l’État, sur le dialogue social et sur le renforcement nécessaire des droits des salariés dans l’entreprise. Certes, le contexte de crise économique, ainsi d’ailleurs que la politique de l’ancienne majorité, ne sont pas étrangers à cette situation (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RRDP), mais force est de constater que certains de ces plans s’appuient abusivement sur cette réalité économique dégradée.
Si le Président de la République et le Gouvernement considèrent certains plans comme inacceptables, comment allez-vous vous y prendre concrètement pour demander des comptes aux entreprises qui licencient alors qu’elles versent d’importants dividendes à leurs actionnaires ?
En matière de gouvernance, n’est-il pas urgent d’étendre les droits des représentants des salariés ? De même, ne doit-on pas demander systématiquement des contreparties aux entreprises qui bénéficient d’aides publiques ?
Par ailleurs, le célèbre arrêt dit « Viveo », rendu par la Cour de cassation en mai dernier, fragilise la position des salariés en cas de licenciement économique.
C’est pourquoi nous vous demandons d’engager, dans le prolongement de la conférence sociale, un vaste débat public, afin que la loi permette une meilleure protection des salariés. L’ouverture d’un tel débat est attendue par les Français. Soyez assuré, monsieur le Premier ministre, qu’ils vous en seront reconnaissants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, je vous remercie de cette question, qui souligne quelques aspects de l’« insécurisation » qui caractérise la situation de bon nombre de salariés concernés par des procédures de licenciement, parfois avant même que ces procédures soient enclenchées.
Tout d’abord, vous avez souligné le nombre de ces licenciements, en vous tournant, à juste titre, vers l’opposition, car les licenciements d’aujourd’hui sont le résultat de la politique d’hier. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez ensuite indiqué, et vous avez raison, que, lorsque des aides publiques sont accordées à une entreprise, la question de la contrepartie est fondamentale. Faut-il en effet rappeler l’ampleur des aides publiques, directes et indirectes, qui ont été accordées à PSA, pour en arriver à cette catastrophe industrielle et sociale ? Ce n’est plus possible !
M. Lucien Degauchy. On va vous voir à l’œuvre !
M. Michel Sapin, ministre. Enfin, vous avez souligné que les procédures de licenciement elles-mêmes étaient actuellement détournées, parfois abusives et presque toujours extrêmement « insécurisantes » pour les salariés eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle tous les partenaires sociaux, représentants syndicaux et patronaux, sont prêts à entamer, à la demande du Gouvernement, une négociation sur le thème de la sécurisation de l’emploi,…
M. Lucien Degauchy. Tu parles !
M. Michel Sapin, ministre. …afin de simplifier et de sécuriser les procédures, pour les entreprises lorsqu’elles sont de bonne foi et pour les salariés, qui sont toujours les victimes de cette « insécurisation ». Cette négociation, qui s’ouvrira en septembre prochain sur la base d’une feuille de route issue de la conférence sociale et d’orientations fixées par le Gouvernement, permettra enfin aux partenaires sociaux de discuter et de trouver des solutions dans ce domaine.
Le donnant-donnant, le gagnant-gagnant, le compromis : telle est la bonne méthode pour que les salariés soient plus en sécurité demain. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Dominique Tian. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, l’aide médicale d’État fut créée par le gouvernement de Lionel Jospin afin d’assurer la gratuité des soins prodigués aux étrangers entrés illégalement sur notre territoire. Faute d’une gestion et d’un contrôle rigoureux, cette prestation provoqua une explosion de la dépense : le montant de cette aide, dont le budget prévisionnel était de 75 millions d’euros en 2000, a atteint 588 millions d’euros en 2011.
Face aux dérives de ce système, le gouvernement précédent avait décidé de réagir. Il s’agissait de continuer à assurer les soins d’urgence et médicalement justifiés, tout en luttant contre les abus. Je pense notamment aux célèbres cures thermales, remboursées à 100 % (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), ou aux procréations médicalement assistées abusivement pratiquées dans un certain nombre d’hôpitaux, qui favorisaient le tourisme médical, ce qui représentait une bonne opération financière pour ces derniers mais certainement pas pour le budget de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ainsi, le gouvernement précédent avait instauré une franchise médicale de 30 euros. Ce geste symbolique, qui était la seule contribution des clandestins aux soins dont ils bénéficiaient, aurait dû rapporter 5 millions d’euros par an. Mes chers collègues, qu’est-ce que 30 euros par rapport au prix du voyage versé à des filières mafieuses pour pénétrer clandestinement sur notre territoire ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
M. Bernard Roman. C’est une honte !
M. Dominique Tian. Revenir sur ces mesures de bon sens constitue un très mauvais signal et va créer un appel d’air pour les candidats à l’immigration clandestine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Mais nous avons peut-être évité le pire, puisque le rapporteur socialiste de la commission des affaires sociales s’apprêtait à donner aux CCAS le droit de constituer des dossiers d’AME.
M. Philippe Plisson. Et alors ?
M. Dominique Tian. Cette mesure a heureusement été rejetée par Gilles Carrez, président UMP de la commission des finances…
M. le président. Merci, monsieur Tian.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur Tian, fidèle à votre réputation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous choisissez résolument la voie de l’idéologie plutôt que celle du réalisme, puisque vous tournez le dos à la réalité des faits et des chiffres (Mêmes mouvements),…
M. le président. Du calme, je vous prie !
Mme Marisol Touraine, ministre. …aux exigences de l’humanisme et de la santé publique.
Oui, conformément aux engagements du Président de la République, nous avons supprimé le droit de timbre que vous aviez fixé pour entrer dans le dispositif de l’aide médicale d’État. Cette décision, vous l’avez prise en cachant un rapport de l’inspection générale des finances et de l’IGAS qui y était défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Un rapport d’information parlementaire rédigé par M. Goasguen et M. Sirugue a montré qu’il n’y avait pas de fraudes. Vous alimentez donc des fantasmes, en prétendant que les personnes étrangères viendraient solliciter des soins auxquels elles n’auraient pas droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Oui, monsieur le député, nous assumons l’exigence de justice et d’humanisme qui s’impose face à des personnes qui sont seules, vulnérables et souvent isolées. Nous assumons une responsabilité sanitaire, puisque nous évitons ainsi la propagation de maladies infectieuses dans notre pays (Applaudissements sur les mêmes bancs) ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’ordre des médecins et les médecins se sont élevés contre votre mesure.
Celle-ci a coûté cher aux hôpitaux et au budget de la sécurité sociale, parce que plus elles retardent leurs soins, plus ces personnes doivent faire l’objet d’une prise en charge importante.
Je vous le confirme, mesdames, messieurs les députés de l’opposition,…
M. le président. Merci.
Mme Marisol Touraine, ministre. …nous assumons nos responsabilités, en faisant preuve de justice, d’humanisme et de réalisme. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent.)
M. Patrice Verchère. Ce sont les Français qui paient !
M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Alfred Marie-Jeanne. Ma question, à laquelle s’associent mes collègues Jean-Philippe Nilor et Bruno Nestor Azerot, s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.
Le chef de l’État, le Premier ministre et le Gouvernement à l’unisson ont affirmé avec force que la jeunesse et l’éducation seraient la priorité du quinquennat. Il a été annoncé que les créations d’emplois publics seraient réservées dabou dabò – c’est-à-dire en premier lieu – à l’enseignement, et l’éducation s’est ainsi vue attribuer 89,5 millions d’euros de crédits supplémentaires pour financer les recrutements prévus à la rentrée de 2012.
Mais paradoxe : en Martinique, des enseignants diplômés de l’université et ayant exercé leurs fonctions pendant des années, lauréats de concours qui viennent de se dérouler, sont nommés contre leur gré dans des académies de métropole, notamment à Créteil ou Versailles, alors même que des postes existent sur place et sont occupés par eux.
Ces nominations ne sont pas une récompense, et encore moins une promotion. Elles sont vécues comme une véritable punition.
Monsieur le ministre, vous pouvez régler ce problème.
C’est une question de bon sens et une exigence de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
Un député du groupe UMP. C’est qui ?
M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Comme vous le savez, monsieur le député, les cinq dernières années ont été, pour la précédente majorité, l’occasion de mettre en œuvre un plan social sans précédent dans la fonction publique, en particulier dans l’éducation nationale, avec la suppression de 77 000 postes.
M. Yves Censi. Ce n’est pas la question !
M. Vincent Peillon, ministre. La suppression de ces 77 000 postes s’est faite essentiellement sur les zones les plus difficiles, en particulier dans les territoires ultra-marins. Ainsi, 100 postes ont encore été supprimés à la rentrée 2012 dans les lycées de Martinique.
Notre gouvernement a pris l’engagement de rétablir la situation et de réparer, durant le quinquennat, le mal qui a été fait à notre jeunesse et à l’école de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
D’ores et déjà, des mesures ont été prises.
M. Claude Goasguen. Lesquelles ?
M. Yves Censi. Le gel des salaires ?
M. Vincent Peillon, ministre. Comme vous le savez, les lauréats des concours précédents doivent accepter, ayant pris part à un concours national, les affectations qui leur seront attribuées, où que ce soit, sous réserves de conditions particulières d’un point de vue social ou de santé.
Cependant, afin de remédier aux difficultés créées par la majorité précédente, qui blessent les territoires ultramarins, j’ai pris la décision, pour la rentrée 2012, de permettre que tous les contractuels ayant réussi le concours et ayant exercé en Martinique, soient affectés en Martinique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Couve, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jean-Michel Couve. Monsieur le Premier Ministre, dans la nuit du 17 au 18 juin dernier, à Collobrières dans le Var, deux jeunes femmes gendarmes ont été abattues par un forcené, hélas déjà bien connu des forces de l’ordre et de la justice pour de graves faits de violence.
Après avoir purgé, fin septembre 2011, une peine de six ans de prison, huit jours avant ce drame, il avait été relâché malgré une plainte de sa famille pour violences à l’encontre de sa propre mère. La peine-plancher ne lui avait pas été appliquée.
Depuis quelque temps, il s’était mis au vert au village de Collobrières, sans que le maire ni le commandant de la brigade de gendarmerie n’aient eu connaissance de sa nouvelle résidence. Le 17 juin au soir, la brigade de Pierrefeu est appelée pour ce qui semble être une simple querelle de voisinage. Dès l’arrivée des gendarmes sur les lieux, la maréchale des logis-chef Audrey Bertaut est brutalement assommée par un individu qui se saisit de son arme et la tue de deux balles dans la tête. Le même homme exécute ensuite l’adjudante Alicia Champlon de plusieurs balles dans le dos.
Audrey Bertaut avait 35 ans, elle était mère de deux enfants de 6 et 13 ans. L’adjudante Alicia Champlon avait 29 ans. L’une et l’autre étaient, selon leur hiérarchie, parfaitement rompues à l’exercice de leur métier. Cependant, elles ignoraient totalement qu’elles allaient être, ce soir-là, au contact avec un individu particulièrement dangereux.
Au nom de l’ensemble de mes collègues, je tiens à exprimer mon émotion et mes condoléances attristées aux familles des victimes ainsi qu’aux forces de gendarmerie, et à remercier le ministre de l’intérieur, qui est venu à deux reprises dans le Var pour témoigner de l’hommage de la Nation.
Mais enfin, monsieur le Premier Ministre, de tels faits maintes fois répétés – et d’ailleurs reproduits, il y a peu, à Lille – démontrent, encore une fois, que des tueurs pourtant bien identifiés par la justice courent les rues, menaçant la vie de nos concitoyens. Ce n’est plus acceptable ! Ce n’est plus supportable !
M. le président. Merci, monsieur le député. Votre temps de parole est épuisé.
M. Jean-Michel Couve. Les Français veulent que ceux qui les gouvernent sachent tirer les leçons de tous ces drames et agissent efficacement pour limiter au maximum de tels risques… (Le micro de M. Couve est coupé - Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-François Lamour. Allons, monsieur le président !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez rappelé le drame qui a frappé la nation en juin dernier. C’est la nation tout entière qui s’est émue de l’assassinat de la maréchale des logis-chef Audrey Bertaut, mère de deux enfants, et de l’adjudante Alicia Champlon. Le Gouvernement et la Nation tout entière présentent leurs condoléances à la famille et aux proches de ces deux gendarmes.
Dans le cadre de la procédure judiciaire en cours, je peux vous dire, monsieur le député, que M. Boumezaar avait purgé la totalité de ses peines (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP) et était en situation de sortie sèche. Les peines-plancher que vous évoquez relèvent de deux dispositifs distincts, l’un datant de 2007, l’autre de 2011 – ce dernier prévoyant l’application de la mesure à la répression des violences les plus graves, même lorsqu’elles ne sont pas commises en état de récidive. Ces deux dispositifs permettent au juge de ne pas appliquer la peine-plancher, sous réserve de motiver la non-application. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le drame de Collobrières ne prête pas à polémique, d’autant que les événements qui ont eu lieu, que les lois qui ont été appliquées et que les décisions judiciaires qui ont été prises l’ont été ces derniers mois, donc avant l’arrivée du gouvernement actuel.
M. Boumezaar faisait l’objet d’une convocation devant le juge d’application des peines.
M. le président. Merci, madame la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je veux rappeler que les peines-plancher sont en dehors de l’individualisation des peines (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et surtout que ce détenu était en sortie sèche.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Corinne Erhel. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.
Dans le contexte social que nous connaissons, la filière numérique constitue un formidable levier de croissance et de création d’emploi. Le numérique est en effet la pierre angulaire de transformation de notre société, de nos territoires et de nos économies.
Pourtant, selon le président de l’ARCEP, autorité de régulation, les mutations que connaît depuis le début de l’année le marché de la téléphonie mobile pourraient engendrer la disparition d’un nombre important d’emplois dans ce secteur.
Deux des opérateurs télécoms que vous receviez ce matin, SFR et Bouygues, ont d’ores et déjà annoncé de probables plans de suppressions de postes.
Dans cette filière, les salariés des opérateurs, mais également des équipementiers, sont légitimement inquiets quant à la pérennité d’un certain nombre d’emplois. Ils savent en effet que leurs activités sont soumises à une concurrence domestique de plus en plus rude.
Certaines décisions ne sont pas sans conséquences sur le niveau et l’intensité de l’investissement, notamment dans les réseaux fixes et mobiles de nouvelle génération. Ces investissements sont pourtant absolument nécessaires pour notre pays et son économie.
Le déploiement de ces réseaux créera des emplois. Ils seront aussi le support de nombreuses innovations, au service des citoyens, des territoires et des entreprises.
Nous devons également apporter toute notre attention aux salariés des équipementiers télécoms, entreprises qui sont soumises à une forte concurrence internationale et à une pression sur les prix extrêmement importante.
J’aimerais donc connaître, madame la ministre déléguée, la stratégie globale et à long terme que vous comptez mettre en œuvre avec Arnaud Montebourg (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour cette filière,…
M. le président. Je vous remercie ma chère collègue.
Mme Corinne Erhel. …qui, je le répète, est absolument stratégique pour notre pays, notre industrie et nos territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Madame la députée, merci beaucoup pour cette question. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Allô ! Allô !
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Effectivement, les plans sociaux prévoyant des départs volontaires annoncés par SFR et Bouygues Télécom inquiètent fort légitimement de très nombreux salariés.
Mais pourquoi en sommes-nous là aujourd’hui ? En posant cette question, je me tourne vers la droite. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) C’est d’abord parce que le secteur des télécoms a été soumis à un empilement de taxes et à une réglementation fluctuante, pour ne pas dire erratique, au cours des dernières années.
M. Philippe Meunier. Vous en avez encore d’autres comme ça ?
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Ensuite, l’arrivée sur le marché du quatrième opérateur de téléphonie mobile a été gérée par le précédent Gouvernement sans aucune réflexion sur les conséquences en matière d’emploi. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Vous m’interrogez sur l’avenir de la filière. Sachez qu’en 2012 le chiffre d’affaires des opérateurs va baisser de 10 %. Là encore, c’est l’emploi qui va être la variable d’ajustement. Eh bien non, nous ne l’acceptons pas.
Un député du groupe UMP. C’est facile à dire !
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Pourquoi ? Parce que le secteur des télécoms est particulier. Il est réglementé et protégé de la concurrence internationale. Dans ces conditions, je veux vous dire que le Gouvernement ne tolérera pas que ce secteur détruise ou délocalise des emplois.
Avec Arnaud Montebourg (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) nous sommes totalement mobilisés pour l’éviter.
M. Lucien Degauchy. Baratin !
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Quelle a été notre action ? Sachez que les premières personnes que j’ai tenu à rencontrer lors de ma prise de fonctions ont été les syndicats des télécoms. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Nous les avons revus vendredi dernier avec Arnaud Montebourg. Ce matin même – vous le rappeliez –, nous avons reçu les quatre opérateurs de téléphonie mobile. Quel est l’objet de cette discussion ? C’est de bâtir un nouveau modèle, créateur d’emplois et d’investissements pour ce secteur.
M. Marc Le Fur. Baratin !
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Je peux déjà vous dire que des blocages anciens et persistants ont été levés pour relancer le chantier structurant du très haut débit – la 4G –, qui est l’avenir du secteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dès la rentrée, le Gouvernement présentera un train de mesures pour éviter la casse sociale, relancer l’investissement et réconcilier l’intérêt des consommateurs et celui des salariés.
M. Philippe Meunier. En rêve !
M. le président. Merci de conclure.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Madame la députée, ma conviction profonde est que la France a besoin d’un secteur des télécoms solide et performant. C’est une condition pour réussir l’aménagement numérique du territoire. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué tout à l’heure les grands projets, les grands programmes d’avenir, en disant à juste titre que c’est avec eux que l’on construit l’avenir du pays et celui de nos enfants.
Depuis les lois de décentralisation et avec la loi instituant le Grand Paris, votée il y a quelques années, l’État a renoué avec de grandes opérations d’intérêt national, de grands projets d’infrastructures qui redonnent à notre pays un rôle de locomotive et l’effet d’entraînement si utile à nos territoires : je pense au plan de renouveau pour le quartier d’affaires de La Défense, à l’opération d’aménagement du plateau de Saclay et à la modernisation des opérations portuaires et aéroportuaires.
Vous savez, monsieur le Premier ministre, combien ces opérations sont nécessaires, à la fois pour l’attractivité du pays et pour la compétitivité de notre économie.
Ma question porte donc sur votre politique à l’égard de ces grandes opérations d’intérêt national.
D’une part, quelles sont vos orientations sur ces opérations ? Comment entendez-vous les faire avancer et les développer, sachant que le contexte économique nécessite que ces grandes opérations d’intérêt national soient à la fois développées et réitérées pour la dynamique de nos territoires ?
D’une manière plus précise, quelles sont vos ambitions économiques pour le Grand Paris ? On parle beaucoup de l’impact social et des mesures de péréquation autour de ce projet, mais on ne dit pas comment on va engendrer cette perspective de richesse sur notre territoire, qui possède des avantages comparatifs tout à fait extraordinaires méritant d’être exploités ?
M. le président. Merci, mon cher collègue !
M. Jean-Christophe Fromantin. D’autre part, ne serait-il pas pertinent que la représentation nationale soit présente dans les structures de gouvernance, notamment dans les établissements publics qui gèrent les grandes opérations d’intérêt national ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur certains bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Écoutez Mme la ministre, s’il vous plaît !
Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le député, le Grand Paris est un projet d’avenir concernant des millions de Franciliens et surtout ceux et celles – l’État et l’ensemble des collectivités locales – qui se sont mis d’accord pour le porter ensemble s’agissant des transports, mais pas seulement.
Je veux vous rassurer tout à fait si vous étiez inquiet : ce projet sera poursuivi. Cela se fera dans un état d’esprit marqué par la crédibilité et par le pragmatisme. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le pragmatisme impose d’ouvrir les enquêtes publiques, ce qui a été décidé par le conseil de surveillance de la Société du Grand Paris et de séquencer ce projet pour permettre sa réalisation. Il impose également – vous l’avez évoqué – d’être en lien avec l’ensemble des sujets qui préoccupent les habitants de cette région. Je pense à la question des transports, en particulier les transports de proximité pour tous les territoires qui ne sont pas directement concernés par le projet de métro express.
C’est pour cela qu’une partie des financements sera mobilisée, comme cela avait déjà été prévu dans le cadre du plan de mobilisation pour les transports à destination de l’ensemble des habitants de cette région.
Il nous faut penser au Grand Paris de demain, mais aussi à celui d’aujourd’hui. Cela ne pourra se faire que dans un esprit de rassemblement de l’ensemble des élus franciliens. C’est pour cela que les échanges qui ont eu lieu entre le Gouvernement, l’ensemble des présidents de conseils généraux et le président du conseil régional montrent bien que tous ces élus, en charge de l’avenir des Franciliens, travailleront de concert à doter notre territoire d’un avenir à sa hauteur, tant sur le plan des transports que sur celui du logement, sans oublier l’aménagement, qui permettra de rassembler l’ensemble des activités économiques au plus près du lieu d’habitation. En effet, il faut également lutter contre l’allongement des temps de transport dans notre région.
M. le président. Merci, madame la ministre.
Voilà l’état d’esprit qui nous animera, en association avec les collectivités locales et les représentants de l’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, et RRDP.)
M. le président. La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. François Loncle. Permettez-moi d’associer mon collègue Pouria Amirshahi à ma question. La crise qui secoue le Mali depuis six mois est extrêmement grave. Dans le nord du pays, soumis à la férule d’intégristes obscurantistes, les atrocités se multiplient : femmes violées, population terrorisée, enfants maltraités, écoles saccagées, mausolées de Tombouctou détruits.
À la crise sécuritaire s’ajoute une crise alimentaire et humanitaire. Déjà, plus de 300 000 Maliens se sont réfugiés au Sud ou dans les pays voisins. Ce drame risque de se répercuter sur la stabilité de toute la région. D’autant plus que le Sahel a été très affecté par la guerre en Libye, dans la mesure où les puissances engagées n’ont pas assumé les conséquences de cette opération militaire. On a en effet assisté au retour massif de mercenaires touareg ayant servi Kadhafi et à la dissémination d’armements pillés dans les arsenaux libyens par les groupes djihadistes, notamment AQMI.
En raison de nos liens historiques et culturels avec l’Afrique, de la lutte commune contre le terrorisme, de la détention de compatriotes par des organisations criminelles, la situation au Sahel nous concerne directement.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, comment restaurer la légalité constitutionnelle à Bamako et l’intégrité territoriale de l’État malien ? Comment lutter contre les bandes « gangstéro-djihadistes » qui sévissent dans cette région ?
Qu’entreprend la diplomatie française, en liaison avec l’ONU, l’Union africaine et la Cédéao, pour aider le Mali à sortir de la crise ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, la question que vous avez posée, vous qui connaissez très bien l’Afrique est, je crois, partagée sur tous les bancs de cette assemblée. La situation au Mali et, plus généralement, au Sahel, est dramatique, au point que certains ont pu parler d’une menace de « Sahelistan ».
Trois grands problèmes s’entremêlent, de nature politique, sécuritaire et humanitaire.
À la division entre le nord et le sud s’ajoute le fait qu’au Sud, le gouvernement ne bénéficie pas d’une large assise. C’est la raison pour laquelle la communauté des États d’Afrique de l’Ouest, l’Union africaine et nous-mêmes avons recommandé qu’une assise plus large soit recherchée avant le 31 juillet – je m’en entretenais ce matin même avec le Premier ministre du Mali.
Il y a par ailleurs au nord du Mali des terroristes – il faut les appeler ainsi – qui appartiennent essentiellement au mouvement AQMI, dont je rappelle qu’il tient officiellement la France pour son principal ennemi. Ces terroristes détiennent des armes et beaucoup d’argent, en particulier grâce aux otages. Ils menacent non seulement le Mali, mais l’ensemble de la région et, indirectement, la France. Il faut que l’ensemble de ceux qui sont attachés à la défense de la démocratie – la CDAO, l’Union africaine, l’ONU, l’Union européenne et nous-mêmes – se mobilisent pour venir, le moment venu, à bout de cette menace qui pèse sur des centaines de milliers de personnes.
La France entend mobiliser ses propres forces, y compris financières, pour venir en aide à un peuple ami et à un continent en souffrance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Daniel Fasquelle. Monsieur le Premier ministre, l’équilibre entre la France urbaine et la France rurale est fragile. Si l’on ne veut pas, demain, que les Français se divisent en deux catégories, il faut à tout prix préserver les services publics dans nos territoires. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Tête de pont de l’État dans la France rurale, les sous-préfectures sont un point central et un pivot de la vie locale. Dans les territoires ruraux, elles sont l’âme de la République, garantes de l’équité et de la justice. Or, pour financer votre politique laxiste, vous avez décidé de faire porter tout l’effort de réduction du nombre de fonctionnaires sur l’administration territoriale de l’État, laquelle ne peut ni protester ni manifester. L’annonce de la fermeture des sous-préfectures par le ministre de l’intérieur est une très mauvaise nouvelle pour l’égalité des territoires et pour la justice, thème pourtant central de votre discours de politique générale.
Le plan caché du pouvoir socialiste se dévoile donc peu à peu ; les masques tombent. Après les salariés, les classes moyennes touchées de plein fouet par le projet de loi de finances rectificative, la France rurale est, de toute évidence, votre prochaine victime.
Je constate d’ailleurs que les députés socialistes quittent l’hémicycle. Ils ne s’intéressent donc pas à la ruralité ; cela confirme mes inquiétudes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, est-il vraiment nécessaire d’ajouter l’injustice territoriale à l’injustice économique et sociale ? Allez-vous entendre la voix de la France des territoires et cesser immédiatement ces atteintes intolérables aux services publics et aux traditions de la France rurale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. L’ancienne majorité, qui a soutenu la RGPP, taillé dans les services publics, mis à mal les collectivités territoriales et mené une réforme brutale de la carte judiciaire, vient désormais nous donner des leçons…
M. Christian Jacob. Eh oui !
M. Manuel Valls, ministre. …quant à l’organisation de l’État dans les territoires urbains et ruraux. C’est un peu fort ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je sais qu’il est parfois difficile d’acquérir la culture de gouvernement. Mais je constate que l’opposition la perd très vite, sur ce sujet comme sur bien d’autres.
La Cour des comptes a fait un certain nombre de préconisations concernant, notamment, le périmètre des arrondissements urbains, comme des arrondissements en général.
M. Yves Censi. Vous allez geler les dotations aux collectivités !
M. Manuel Valls, ministre. Une étude a été demandée aux préfets sur l’organisation de l’État. L’objectif est de rendre l’État plus protecteur, plus efficace, au service de l’ensemble des acteurs économiques et sociaux et de nos concitoyens.
J’étais hier à Forcalquier, dans les Alpes-de-Haute-Provence, pour saluer le travail remarquable accompli par les agents de cette sous-préfecture. Regarder de près ce qui se passe sur le terrain, consulter, s’appuyer sur les parlementaires : vous pouvez compter sur moi pour rendre l’organisation de l’État plus efficiente et la préserver là où il le faut, notamment dans les territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (nos 71, 79, 78, 77).
M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.
M. Bernard Accoyer. Mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1, du règlement, relatif au déroulement de la séance, et concerne plus particulièrement les questions au Gouvernement.
La longueur de certaines réponses a entraîné un tel retard que l’opposition a été privée de la retransmission télévisée d’une de ses questions. Il s’agit d’une atteinte aux droits de l’opposition – droits auxquels, je pense, nous sommes tous attachés – qui mérite d’être soulignée.
M. Marcel Rogemont. Vous dites cela maintenant que vous êtes dans l’opposition !
M. Bernard Accoyer. Ensuite, je reviendrai sur le « débordement » dans l’hémicycle de membres du Gouvernement qui prennent la place de députés. Le Gouvernement est si pléthorique que, même lorsqu’une partie seulement de ses membres viennent pour la séance des questions, ils ne peuvent trouver place sur les bancs des ministres.
Mme Marie-Christine Dalloz. Très juste !
M. Bernard Accoyer. De fait, on a vu s’installer jusqu’au troisième rang – du jamais vu depuis le début de l’histoire parlementaire – des membres du Gouvernement, certains, même, venus avec des bouteilles d’eau ! Je trouve cette dérive particulièrement regrettable et je souhaite que vous en informiez le président de l’Assemblée afin qu’il y soit porté remède.
Mme Catherine Vautrin. Tout à fait !
M. Bernard Accoyer. Cette attitude s’inscrit malheureusement dans la logique des premières initiatives du Gouvernement, qui a refusé l’audition en commission de Mme la ministre des affaires sociales…
M. Marcel Rogemont. Dommage !
M. Bernard Accoyer. …alors qu’il avait décidé du retour de la retraite à soixante ans pour les carrières longues. Il a par ailleurs refusé d’appliquer la Constitution qui prévoit, depuis la révision de 2008, la tenue obligatoire d’au moins une séance de questions au Gouvernement par semaine au cours des sessions extraordinaires.
Je vous remercie, monsieur le président, de bien vouloir transmettre ces remarques au président de l’Assemblée afin que cela ne se renouvelle pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !
M. le président. Je n’y manquerai pas, monsieur le député.
M. le président. Hier soir, nous avons entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Mesdames et messieurs les députés, il est traditionnel, avant l’examen des articles, que le Gouvernement réponde aux différents intervenants dans la discussion générale.
Je remercierai d’abord les députés qui ont contribué à animer ce débat, et en premier lieu, c’est bien naturel, ceux de la majorité, dont j’ai beaucoup apprécié les propos, le soutien et les suggestions. Même lorsqu’elles marquaient une approbation que je devinais conditionnelle, ces interventions nous sont très profitables, et j’attends la discussion des articles pour que chacun dise avec précision ce qu’il souhaite. Le Gouvernement se montrera très attentif à ces suggestions, qui seront reprises autant que possible, dès lors que l’économie générale du texte n’en serait pas altérée.
Au-delà des députés que l’on peut considérer comme aguerris, j’adresse des remerciements particuliers à ceux qui entament leur premier mandat et qui ont affronté cette épreuve que je sais redoutable consistant à s’exprimer du haut de la tribune, dont nous savons qu’elle est probablement l’une des plus difficiles de France.
Mes remerciements vont également aux députés de l’opposition, même si leur contribution fut, je le reconnais, un peu moins consensuelle ou bénévolente.
M. Marc Le Fur. Et ce n’est qu’un début !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ai bien noté que M. Le Fur ne s’était pas exprimé lors de la discussion générale, non parce qu’il approuvait ce texte, mais parce qu’il se réservait pour l’examen des articles. (Sourires.)
M. Marc Le Fur. Exactement !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je ne vous cacherai pas que j’aurais préféré le voir s’exprimer du haut de la tribune, tant je sais ses interventions redoutables, son expertise reconnue et son sens de la procédure craint par tous les gouvernements, qu’il les soutienne ou qu’il s’y oppose.
M. Yves Jégo. Vous êtes clairvoyant !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Néanmoins, il m’est relativement difficile – ou facile selon les cas – de répondre, tant le style de chaque intervenant fut différent.
Mme Kosciusko-Morizet s’est exprimée à la toute fin de la discussion générale – je la remercie d’avoir attendu ce moment – et il m’a semblé que c’était, peut-être, davantage comme porte-parole d’un candidat que comme députée. Je comprends cet état d’esprit : il faudrait n’avoir jamais été battu pour le lui reprocher. Or, chacun ici a connu cette épreuve et fera donc montre de l’indulgence qui convient.
J’ai noté d’autres styles, comme celui du député qui semble être désormais le porte-parole du groupe UMP pour toutes ces questions – un style mordant, incisif, qui se veut documenté, polémique à l’occasion, un style qui m’étonne encore un peu par les mots employés, manifestant une mauvaise foi assez solide. J’ai donc admiré l’agilité intellectuelle d’Hervé Mariton que je sais donc capable d’aimer Le soleil d’Alexandre de Pouchkine autant que de faire preuve d’une mauvaise foi monstrueuse à la tribune. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela ne l’en rend que plus fascinant et, finalement, respectable.
M. Marc Le Fur. Il ne s’agissait pas de mauvaise foi : les propos de M. Mariton étaient très argumentés !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Tous les députés de l’opposition ont, d’une certaine manière, repris le même argumentaire. Il s’agissait d’abord d’expliquer que ce qui fut fait pendant les cinq années passées était exactement ce dont la France avait besoin. Continuer à défendre la politique menée pendant cette période relevait, de la part de ceux qui se sont exprimés, du déni d’une réalité que je devine d’autant plus cruelle – et je sais qu’il faut respecter l’émotion de ceux qui l’éprouvent – que les Français l’ont voulue.
Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, ne soyez pas surpris que la nouvelle majorité aille à rebours de ce que vous avez fait. Il n’est pas là question d’idéologie, mais de cohérence politique. Nous nous sommes toujours opposés à certaines des dispositions les plus emblématiques que vous avez prises au cours de la dernière législature. Nous ne sommes donc pas surpris que vous vous opposiez à ce que nous voulions revenir sur plusieurs d’entre elles.
M. Marc Le Fur. Comme le régime des successions !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En effet, nous allons revenir en partie sur le régime des successions. Au demeurant, vous-mêmes l’avez, à l’occasion, modifié : par pas moins de trois réformes ont déjà été menées sous votre autorité, et une quatrième devrait donc être décidée, stable celle-ci, espérons-le, tant il est vrai qu’en cette matière comme en d’autres la stabilité fiscale représente un bienfait que chacun peut rechercher pour son pays.
Il nous semble qu’un avantage fiscal de 100 000 euros par enfant et par parent, renouvelable tous les quinze ans, ne frappe pas les classes moyennes, contrairement à ce que d’aucuns affirment – à moins d’estimer que le fait de donner 400 000 euros en franchise de droits, puis la même somme, éventuellement, au bout de quinze ans, puis le même montant encore au moment de la succession, bénéficie aux classes moyennes.
M. Jean-Pierre Gorges. Et les enfants uniques ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Puisque M. Gorges semble ne pas vouloir comprendre, cela signifie qu’en quinze ans on peut transmettre en franchise d’impôt, succession comprise, la somme de 800 000 euros, auxquels il convient d’ajouter, le cas échéant, 400 000 euros quinze ans après la première donation. Ce n’est pas là le patrimoine d’une classe moyenne, puisque le patrimoine médian, c’est-à-dire celui possédé par la moitié de nos concitoyens, est inférieur à 120 000 euros.
M. Jean-Pierre Gorges. C’est faux !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cessez donc de faire semblant de défendre les classes moyennes en condamnant cette mesure. Vous avez le droit de vouloir exonérer totalement toutes les successions, y compris celles qui permettent la plus grande prospérité, mais ne vous cachez pas derrière l’excuse – j’allais dire l’alibi – des classes moyennes.
La deuxième réforme concerne les heures supplémentaires. Le débat à ce sujet a déjà commencé dans la presse comme lors des questions au Gouvernement. Il n’y a pas de raison que l’État pourvoie au pouvoir d’achat de salariés employés dans des entreprises. Laissons au dialogue social le soin de définir et la rémunération et le nombre des heures supplémentaires. Chacun sait qu’elles sont mieux payées que les heures normales jusqu’à la huitième heure, et qu’elles le sont encore davantage ensuite. Point n’est besoin que l’État engage les finances publiques à cet effet, d’autant que la mesure que vous défendez n’a jamais été financée au cours des cinq dernières années et qu’elle ne le serait d’ailleurs pas davantage à l’avenir : vous connaissez tous le montant de notre déficit public…
Bref, il n’y a plus lieu de défendre une politique que vous avez menée depuis cinq ans en la finançant exclusivement par l’emprunt,…
M. Jean-Pierre Gorges. Ce n’est pas vrai !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …tout en sachant les conséquences pour le pays de cette politique à crédit. Vous n’avez plus l’excuse d’espérer une croissance de 3 % – hypothèse sur laquelle était fondé le financement du paquet fiscal de l’été 2007.
D’autres mesures feront l’objet de discussions au cours de l’examen des articles mais il me semble, par ces deux points, avoir répondu à l’essentiel des interventions.
Reste toutefois la question de la CSG. J’ai bien entendu l’ensemble des intervenants de l’opposition accuser non seulement le Gouvernement, mais la majorité qui le soutient, de vouloir augmenter cette contribution.
M. Philippe Vigier. Nous ne faisons qu’anticiper !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Au député aguerri que vous êtes, monsieur Vigier, je n’oserai rappeler que la CSG ne peut être augmentée que si la loi le permet.
M. Philippe Vigier. Absolument !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Or, je n’ai vu dans le présent texte aucun article prévoyant une telle augmentation. Naturellement, vous n’êtes pas obligé de croire le membre du Gouvernement que je suis, mais le projet de loi ne prévoit pas, j’y insiste, d’augmenter la CSG.
M. Charles de Courson. Ce sera dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous pouvez continuer, tant que vous voudrez, d’accuser le Gouvernement et la majorité d’avoir l’intention d’augmenter la CSG ; cette accusation est sans fondement.
M. Philippe Vigier. Elle est prévue dans le PLFSS !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous pouvez aussi, tant que vous y êtes, nous accuser de vouloir vendre la Tour Eiffel, transformer Notre-Dame en grande surface ou combler l’estuaire de la Gironde. Tout cela est sans fondement, et l’histoire le démontrera. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
M. Jacques Myard. Il ne faut jamais dire : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau ! »
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, mes chers collègues, avant que nous entamions l’examen des articles, je voudrais vous exposer la manière dont j’ai appliqué, d’une part l’article 40, et d’autre part l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances. Seuls douze des 496 amendements déposés – soit 2,4 % d’entre eux – ont été déclarés irrecevables. Ce taux particulièrement bas ne reflète pas un manque de rigueur de ma part :…
M. Dominique Baert. C’est certain !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. ...je n’ai fait qu’inscrire mes pas dans ceux de mes prédécesseurs – n’est ce pas, monsieur le ministre ? (Sourires.)
C’est la nature même du texte qui explique le faible nombre d’amendements écartés, puisqu’il comporte essentiellement des mesures destinées à accroître les recettes, soit par la création de nouveaux prélèvements, soit par l’augmentation de prélèvements existants, et que les modifications proposées par les députés sont de ce fait, par nature, moins sujettes à irrecevabilité.
Comme vous le savez, les amendements qui créent une perte de recettes pour les administrations publiques doivent être gagés : ceux, peu nombreux, qui ne l’étaient pas ont donc été déclarés irrecevables. J’ai cependant fait preuve d’une certaine souplesse, en veillant à ce que certains amendements soient réécrits ou complétés afin qu’ils puissent être déclarés recevables.
M. Philippe Vigier. Louable bienveillance !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En effet.
J’ai en revanche écarté des amendements créant des charges, qu’ils soient ou non gagés. Je rappelle en effet que l’article 40 n’autorise pas la compensation d’une charge par une recette. Je rappelle également – et ce point est très important – que cette règle ne concerne pas le seul budget de l’État, mais l’ensemble des comptes publics, y compris ceux des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.
Enfin, je me suis efforcé de faire respecter le domaine de la loi de finances. La moitié des amendements déclarés irrecevables étaient des cavaliers budgétaires qui, aux termes de l’article 34 de la LOLF, n’ont pas leur place dans une loi de finances. J’ai ainsi été amené à écarter un amendement visant à supprimer la possibilité, pour les sociétés d’auteurs, d’éditeurs, de compositeurs et de distributeurs, d’obtenir de l’administration fiscale des informations relatives aux entreprises soumises au paiement de droits d’auteurs. J’ai également déclaré irrecevable un amendement diminuant le plafond des indemnités versées aux présidents et vice-présidents des exécutifs régionaux et départementaux. Ces amendements, qui n’ont aucune conséquence sur l’équilibre du budget de l’État, constituent à l’évidence des cavaliers.
Au total, je me suis efforcé d’appliquer l’article 40 avec la souplesse et le discernement dont ont toujours fait preuve mes prédécesseurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il reste donc 480 amendements en discussion, et je suis persuadé que les débats à venir seront très riches.
M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi de finances rectificative pour 2012.
M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, inscrit sur l’article 1er.
M. Bernard Perrut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes convaincus, sur les bancs de l’UMP, qu’il faut diminuer le coût du travail. Nous sommes également conscients que nos entreprises souffrent d’un déficit de compétitivité. C’est pourquoi nous avions apporté, avec la TVA compétitivité, une réponse structurelle à la crise et à la montée du chômage. Je rappelle d’ailleurs que seul était concerné le taux de TVA le plus élevé, afin que les ménages des classes moyennes ne soient pas touchés dans leur vie quotidienne.
Nous voulions abaisser le coût du travail, qui a augmenté de manière importante dans notre pays, mais ce n’est pas votre choix. Il suffit de comparer la France et l’Allemagne : dans ce pays, qui a décidé une hausse de 4 % de la TVA en 2004, les résultats sont différents des nôtres.
Nous voulions renforcer la santé économique de nos entreprises, mais tel n’est pas votre choix. Nous savons que les marges des entreprises françaises sont les plus faibles d’Europe, ce qui a des conséquences sur leur survie et limite les moyens disponibles pour la recherche et l’innovation.
Nous voulions lutter contre les délocalisations : nous savons que la baisse des charges permet de protéger l’emploi des ouvriers et des employés les plus exposés à la mondialisation. Mais, une fois de plus, tel n’est pas votre choix.
Nous voulions renforcer nos exportations, car la baisse du coût du travail permet de produire à moindre coût, donc de baisser les prix et de donner un coup de fouet aux exportations.
Nous voulions équilibrer la fiscalité sur le travail, mais ce n’est pas votre choix. Nous savons que le financement de notre protection sociale repose trop lourdement sur le travail. Alors, pourquoi refuser une mesure qui aurait permis de faire financer notre protection sociale, à la fois par les entreprises qui produisent à l’étranger, et par celles qui délocalisent leur production pour la réimporter ensuite ? Pourquoi refuser, monsieur le ministre, mes chers collègues de l’actuelle majorité, d’élargir l’assiette de financement de notre protection sociale, et préférer un dispositif qui sera beaucoup plus douloureux, avec l’augmentation de la CSG…
M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce n’est pas à l’ordre du jour !
M. Marcel Rogemont. Et les consommateurs, vous y pensez ?
M. Bernard Perrut. …qui va frapper tous les salariés bien plus durement que le dispositif que nous avions prévu ?
M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.
M. Arnaud Robinet. Mes chers collègues, j’ai écouté hier avec beaucoup d’intérêt l’intervention du ministre de l’économie et des finances. Je l’ai entendu annoncer, au début de son discours, la volonté du Gouvernement de ramener nos comptes publics à l’équilibre par des mesures d’économie. Hélas, force est de constater qu’il n’en est rien et qu’une fois encore on s’attaque au travail et au pouvoir d’achat au lieu d’entreprendre des réformes structurelles.
Vous voulez redresser les comptes publics dans la justice ? Pour cela, cessez de vous acharner sur l’action de l’ancien gouvernement ! En vous en prenant à la TVA compétitivité, vous vous en prenez aux mesures que nous avons mises en place pour alléger le coût du travail qui, parce qu’il est trop élevé, pénalise notre économie.
M. Marcel Rogemont. C’est pour diminuer la consommation que vous avez fait ça !
M. Arnaud Robinet. Comme l’a rappelé notre collègue Bernard Perrut, cette TVA compétitivité ne concernait que les produits taxés à 19,6 % – qui sont à 75 % des produits importés. D’une certaine manière, nous aurions ainsi financé une partie de notre protection sociale par les pays importateurs.
Il est temps de comprendre que la baisse du coût du travail augmente la demande de travail, améliore l’emploi et la compétitivité, accroît la demande et, donc, la production, ce qui a un effet sur l’emploi. Ce sont plus de 80 % des salariés de l’industrie et plus de 95 % des salariés de l’agriculture qui seront pénalisés par votre obsession de défaire tout ce qui a été fait avant vous.
De plus, contrairement à ce que vous affirmez, cette augmentation n’aurait pas eu d’incidence sur le prix d’achat : l’expérience allemande de 2007 est là pour le prouver. Cette TVA était un instrument de compétitivité, et donc un levier pour l’emploi.
M. Dominique Baert. Quelle erreur !
M. Arnaud Robinet. La majorité actuelle veut malheureusement la détruire.
M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich.
M. Michel Heinrich. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais dire à mon tour que la volonté du Gouvernement de revenir sur le dispositif de TVA anti-délocalisation…
M. Dominique Baert. …est une bonne chose !
M. Michel Heinrich. …qui devait être mis en place au 1er octobre prochain me consterne. Comment peut-on continuer à affirmer avec une telle obstination, alors que les annonces de plans sociaux se succèdent,…
M. Michel Vergnier. Oui, parlez-en !
M. Michel Heinrich. …qu’il n’y a pas de problème de coût du travail dans notre pays et que ce coût ne pèse pas très lourd sur nos entreprises et sur leur compétitivité ? Pas une seule fois, dans son discours de politique générale, le Premier ministre n’a prononcé ce mot de compétitivité.
Or, le rapport d’information intitulé « S’inspirer des meilleures pratiques européennes pour améliorer nos performances sociales », que j’ai rédigé avec notre collègue socialiste Régis Juanico pour le Comité d’évaluation et de contrôle, met en lumière les grandes différences qui existent, en matière de cotisations sociales pesant sur le travail et l’entreprise, entre la France et les autres pays européens.
L’ensemble des cotisations et contributions patronales versées aux organismes de sécurité sociale représente, au niveau du salaire moyen en France, 29,8 % du coût du travail. Notre pays se situe, de ce fait, au premier rang des pays de l’OCDE en matière de prélèvements patronaux sur les salaires, devant l’Italie – 24,3 % –, la Suède – 23,9 % – et la Belgique – 23 %. Ce ratio est même de 16,3 % en Allemagne, et il est nul au Danemark, où il n’existe plus de cotisation patronale obligatoire de sécurité sociale depuis 2000.
Pour arriver à de tels résultats, certains pays transfèrent – ou ont transféré – sur la TVA le financement de la protection sociale. C’est le cas du Danemark, mais aussi celui de l’Allemagne, qui a financé par un point de hausse de la TVA la diminution des cotisations chômage, passées de 5,1 à 2,8 % contre 6,4 % chez nous.
La décision de supprimer la cotisation employeur de 5,4 % au niveau de 2,1 fois le SMIC allait dans le bon sens : elle diminuait le coût des produits fabriqués en France, taxait les produits importés à 1,6 % et finançait notre politique familiale.
Quant à l’impact sur les prix pour le consommateur, qui est l’épouvantail brandi par la gauche,…
M. le président. Merci de conclure, cher collègue.
M. Michel Heinrich. …on constate qu’il a été faible dans tous les pays qui ont pratiqué une augmentation de la TVA – un tiers de celle-ci en moyenne – et qu’elle a souvent permis une augmentation des salaires comme des embauches.
Baisser le coût du travail, c’est bon pour l’emploi. La hausse de la TVA est plus indolore et plus efficace que la hausse de la CSG qui se profile.
M. le président. Je demande à chacun de s’en tenir aux deux minutes qui lui sont accordées.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, Monsieur le président. Je cède bien volontiers une trentaine de secondes à mon collègue Heinrich, qui vient de s’exprimer… (Sourires.)
Sans revenir sur ce qui a été dit précédemment, je souhaiterais apporter quelques compléments sur deux points.
Si l’augmentation de la CSG peut effectivement répondre à un certain nombre des objectifs que vous poursuivez – ce qu’il faudra cependant nous démontrer lors de la discussion du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, il est en revanche certain que la suppression de la hausse prévue de la TVA ne règle pas la question du coût des importations, et qu’elle nous privera d’un certain nombre de bénéfices en matière de commerce extérieur. C’est regrettable, et il est probable que nous aurons à en souffrir par la suite.
Par ailleurs, il serait bon qu’au cours de ce débat, ou peut-être lors de la discussion du prochain projet de loi de finances, nous examinions ce qu’il en est effectivement du différentiel de coût du travail, puisque vous semblez contester ce que personne ne conteste par ailleurs, à savoir que nous avons un problème de compétitivité, lié pour partie, mais pas seulement, au coût horaire du travail en France.
Je voudrais enfin tempérer l’enthousiasme avec lequel le président de la commission des affaires culturelles évoquait hier à la tribune sa rencontre avec un chef d’entreprise tout à fait satisfait, affirmait-il, des mesures de ce collectif budgétaire.
M. Jacques Myard. C’était un Chinois ! (Sourires.)
M. Jean-Frédéric Poisson. Pour avoir relu récemment les communications des mouvements patronaux, en particulier sur cet article 1er, je voudrais signaler qu’à ma connaissance, il n’est pas une seule organisation patronale qui se félicite de cet article premier et de la disparition de la TVA sociale. C’est un élément important à prendre en considération.
M. le président. Merci. La parole est à M. Jean-Pierre Gorges.
M. Jean-Pierre Gorges. Monsieur le Premier ministre,…
Plusieurs députés du groupe UMP. Pas encore ! (Rires.)
M. Jean-Pierre Gorges. …je voulais dire : monsieur le ministre, vous nous proposez aujourd’hui de supprimer ce que nous avions appelé la TVA sociale ou la TVA anti-délocalisation. Je pense que vous avez tort. Vous semblez mû davantage par la volonté de faire table rase de l’ère Sarkozy que par celle d’apporter de réelles solutions économiques à notre pays.
Au lieu de cela, vous nous proposerez certainement dans quelque temps d’augmenter la CSG : peut-être pas dès le projet de loi de finances, mais dans le projet de financement de la sécurité sociale. À quel taux, quand et pour combien de temps ? Vous nous expliquerez assurément, le moment venu, pourquoi cette augmentation est moins injuste et plus efficace que la TVA sociale.
Mais, lorsque l’ancienne majorité a voté la TVA sociale, c’était aussi – vous ne l’avez pas rappelé – pour compenser la suppression annoncée des cotisations familiales payées par les entreprises. Il s’agissait de baisser le coût du travail, donc de renforcer la compétitivité des entreprises produisant en France.
Mais il en allait aussi de cette justice sociale, que vous brandissez comme étendard en permanence. En effet, nous avions décidé cette suppression car il nous paraissait juste de confier le financement de la politique familiale à la solidarité nationale.
Ce diagnostic reste légitime aujourd’hui : la famille et sa protection sont l’affaire de tous, l’affaire de la nation.
M. Jacques Myard. Très bien !
M. Jean-Pierre Gorges. Tout le monde est concerné, et non pas les seuls chefs d’entreprise. Juste, cette mesure était également efficace puisqu’elle diminuait le coût du travail.
C’est pourquoi, comme vous avez fini par approuver le pacte budgétaire européen, je veux croire que vous finirez par faire vôtre cette suppression des cotisations sociales et familiales payées par les entreprises, et en assurer le financement par la solidarité nationale.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, l’article premier de ce projet abroge les dispositions instituant la TVA dite anti-délocalisation, ou TVA compétitivité, ou, mieux encore, TVA emploi, comme j’aimais à l’appeler.
Le rapporteur général a écrit : « Les effets (…) d’une telle réforme n’ont pas été démontrés lors des débats parlementaires ». Franchement, si le sujet n’était pas sérieux, il y aurait matière à sourire.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Pourquoi donc ?
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est bien ce que vous avez écrit ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Dites-moi où et quand ces effets auraient été démontrés !
Mme Marie-Christine Dalloz. Laissez-moi vous rappeler l’objectif de la TVA emploi : alléger la part du financement de la protection sociale reposant sur nos entreprises.
M. Christian Eckert, rapporteur général. De combien ?
Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le rapporteur général, nul ne peut ignorer la portée d’une baisse de 5,2 % du coût du travail pour nos 95 % de très petites entreprises.
Lors des questions au Gouvernement, le Premier ministre a évoqué 12 milliards de TVA en moins pour les classes moyennes et les revenus modestes. Je ne savais pas que seules les classes moyennes et les personnes modestes payaient la TVA !
M. Dominique Baert. Elles paient proportionnellement plus, c’est évident !
Mme Marie-Christine Dalloz. Je suis atterrée d’entendre que les personnes à fort revenu ne consomment pas et ne paient pas de TVA ! Proportionnellement, la TVA pèse plus fortement sur les revenus plus élevés, qui consomment beaucoup, que sur les faibles revenus. Vous n’avez pas intégré cela dans votre analyse de ce dispositif et c’est une erreur économique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Lebreton.
M. Patrick Lebreton. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, depuis le début de cette discussion, j’entends des arguments absurdes, voire indécents, de la part de l’opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Les Français ont dit non à la TVA sociale, ils ont dit non à cette ponction de 11 milliards sur leur pouvoir d’achat. Après votre sinistre bouclier fiscal, après le démantèlement de l’impôt sur la fortune – mesures qui ont contribué à un endettement supplémentaire de 600 milliards depuis 2007, c’est-à-dire à la mise en faillite de nos finances publiques, – vous entendiez faire payer à tous les Français la baisse des cotisations patronales.
Cette TVA antisociale, même si nous avions réussi à en épargner les outre-mer, représentait le comble de l’injustice pour les Français. Lorsque vous tentez de masquer vos manœuvres passées et de détourner le débat en inventant une augmentation de la CSG que personne au sein de la majorité n’a évoquée jusqu’ici, je me dis que la ficelle est vraiment bien grosse.
Pour ma part, ce que je retire de cet article fondateur de l’action de notre majorité c’est le rétablissement de la justice pour les plus faibles, ceux dont les revenus sont presque intégralement affectés à la consommation, ceux, donc, pour lesquels la TVA pèse lourdement sur le budget quotidien.
Ce sont ces mêmes classes moyennes et modestes qui bénéficieront de la hausse de l’allocation de rentrée scolaire. À La Réunion, ce sont près de 132 000 enfants qui seront concernés. Jamais, depuis dix ans, une mesure sociale d’une telle envergure n’avait été prise. C’est bien cela qui vous dérange mesdames et messieurs de l’opposition : vous restez du côté des riches, tandis que nous, en soutenant le Gouvernement, nous sommes aux côtés des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, vous nous proposez donc de supprimer la TVA compétitivité. Il est bien clair que vous oubliez, frappés d’amnésie, qu’au début de la crise vous proposiez d’élever la TVA d’au moins deux points. Vous ne vous en souvenez plus, moi je vous le rappelle.
Mais, en réalité, s’agit-il ici d’une mesure fiscale ? Non, vous savez très bien que cette TVA « anti-délocalisation » est une dévaluation interne dans le modèle de la monnaie unique. Dès lors que vous allez surseoir à cette mesure, il ne vous reste qu’une chose : la dévaluation des taux externes. Alors, que cela veut-il dire : allez vous sortir de l’euro ? Dites-nous tout, car il va bien évidemment falloir que les entreprises françaises retrouvent de la compétitivité. Et il n’y a pas trente-six solutions : si vous ne faites pas la dévaluation interne, vous ferez tôt ou tard la dévaluation externe. Voilà où nous mène votre politique !
Ne soyez pas hypocrites, regardez les choses en face et optez pour la TVA sociale plutôt que de démonter le système, puisque vous êtes, paraît-il, pro-européens.
M. Jean-Pierre Gorges. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, nous sommes tous d’accord pour reconnaître que le coût du travail est trop élevé en France et que cela pose un réel problème de compétitivité à notre pays. D’ailleurs, même le ministre de l’économie et des finances l’a reconnu, puisqu’il a dit lors d’une réunion récente qu’il ne fallait pas que le coût du travail augmente. Je crois que le Président de la République a aussi évoqué ce sujet.
Je ne comprends donc pas pourquoi vous balayez la TVA anti-délocalisation d’un revers de main. Ce que nous avions voulu faire, c’était renforcer la compétitivité des produits français, mais aussi appliquer cette taxation aux produits importés, de plus en plus nombreux sur notre territoire. Cela aurait permis de les faire participer au financement de la protection sociale, car les recettes sociales doivent être abondées le plus possible. Je ne comprends d’ailleurs pas non plus pourquoi vous contestez régulièrement les exemples des pays étrangers – le Danemark, l’Allemagne, la Suède – qui se sont déjà engagés dans cette direction.
Monsieur le ministre, la fondation Terra Nova, que vous connaissez bien, écrivait dans son document du 2 juillet dernier : « Un transfert de charges sociales vers des ressources fiscales créerait un choc de confiance favorable à la compétitivité. » C’est ni plus ni moins que la description de notre fiscalité anti-délocalisation. Je crois également que Jacques Attali a évoqué la semaine dernière le sujet d’une TVA anti-délocalisation.
Alors croyez-vous que l’augmentation de la seule CSG – car vous l’augmenterez dans la prochaine loi de finances, cela a aussi été évoqué par le Président de la République – suffira à faire baisser le coût du travail ? La réponse est négative, et la hausse de la CSG touchera beaucoup plus les classes moyennes ainsi que les retraités. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, nous avons fait la TVA anti-délocalisation parce que la France est confrontée à un problème majeur : celui du coût du travail. Ne le nions pas : c’est le principal handicap de notre économie.
C’est un problème un peu paradoxal, car en France les salaires directs sont faibles, mais le coût du travail est élevé du fait des charges. Nous avons pris un certain nombre de mesures pour atténuer cette difficulté. L’une de ces mesures, c’est le dispositif Fillon en faveur des salariés modestes. Monsieur le ministre, j’espère aujourd’hui obtenir la garantie que vous ne toucherez pas à ce dispositif, car ce serait catastrophique.
La deuxième mesure que nous avions prise, c’est la TVA anti-délocalisation. C’est une bonne mesure. Sans aller jusqu’à nous comparer à la Chine, au Pakistan ou à l’Inde, comparons-nous simplement à l’Allemagne : en France, le coût du travail est de 34,20 euros de l’heure ; en Allemagne il est de 30,10 euros.
On peut longtemps tourner autour du pot mais, fondamentalement, le problème est là. Et cette différence est bien plus grande encore dans certains secteurs professionnels. Je peux admettre, monsieur le ministre, que, dans la métallurgie ou l’automobile, les coûts soient plus élevés en Allemagne. Mais convenez aussi que, dans l’agroalimentaire, les différences sont autrement plus importantes, car il faut rappeler qu’il n’y a pas de SMIC en Allemagne et que l’on y fait appel à une main-d’œuvre étrangère à très faible coût, qui vient des pays situés à sa frontière est. Dans certains abattoirs, les différences de coût horaire vont du simple au triple.
Je voudrais que l’on prenne tout cela en considération et que l’on conserve la TVA anti-délocalisation. Le propre de la politique est de savoir organiser des alternatives. Or, l’alternative est simple : soit l’on garde la TVA anti-délocalisation, soit l’on augmente la CSG. Vous augmenterez la CSG, précisément parce qu’aujourd’hui vous supprimez la TVA anti-délocalisation. Nier cette alternative, c’est nier la réalité, et c’est pourquoi nous voulons vous ouvrir les yeux. Nous y croyons encore !
M. Jean-Pierre Gorges. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, comme Marc Le Fur l’a très bien dit, chacun sait que nos entreprises sont en difficulté car la compétition fait rage et ne fera qu’empirer dans les années à venir. Il n’y a pas trente-six solutions : le problème est celui du coût du travail. Entre 2000 et 2009, le coût du travail par unité produite a augmenté de 20 % en France et de 7 % en Allemagne. Les exportations françaises, qui représentaient 55 % des exportations allemandes en 1990, n’en représentent plus que 45 % aujourd’hui. Le taux de marge de nos entreprises est effondré par rapport à celui des entreprises allemandes, de même que leur capacité d’autofinancement.
Que faire ? Je veux d’abord tordre le cou à l’idée selon laquelle nous aurions ôté du pouvoir d’achat aux Français, pour la bonne raison que la mesure n’est pas entrée en vigueur ! Deuxièmement, une hausse de la TVA de 1,6 point ne signifie pas, vous le savez bien, une baisse de pouvoir d’achat de 1,6 point, car 60 % de la consommation porte sur des biens ou services pour lesquels les taux de TVA sont faibles ou nuls : 1,6 point de TVA en plus, c’est donc seulement 0,4 % de pouvoir d’achat en moins.
En revanche, un point de CSG en plus, c’est un point de pouvoir d’achat en moins. D’ailleurs, dans le projet de loi de finances rectificatif, vous avez transformé notre mesure de 2,6 milliards touchant les revenus du capital en prélèvements sociaux, pour éviter de parler de CSG. Vous irez donc bien chercher du pouvoir d’achat dans la poche des contribuables et des classes moyennes.
M. Michel Vergnier. Ce n’est pas brillant !
M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, il faut une alternative. Cela a été dit s’agissant d’Aulnay-sous-Bois : vous évoquez votre volontarisme, mais que ferez-vous ? Si vous n’êtes pas capables de faire baisser le coût du travail, ce sont des pans entiers de l’activité économique qui, demain, ne résisteront pas à la concurrence qui s’exacerbe chaque année.
L’exemple de l’agroalimentaire cité par Marc Le Fur en est l’illustration : il y a quelques mois, nous votions une baisse des charges pesant sur les entreprises du secteur afin qu’elles soient plus compétitives par rapport à leurs concurrentes allemandes. Rappelez-vous qu’en 2010 l’agroalimentaire allemand a dépassé l’agroalimentaire français pour la première fois depuis quarante ans !
M. Marc Le Fur. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux.
M. Gaby Charroux. Monsieur le ministre, chers collègues, la TVA dite sociale – que la droite appelle désormais TVA compétitivité, voire TVA emploi ou TVA anti-délocalisation, mais qu’il serait plus juste de baptiser TVA antisociale – affichait un objectif simple : réduire les cotisations sociales patronales affectées au financement de la branche famille à hauteur de 13,2 milliards d’euros, et transférer cette charge sur les ménages par une hausse de 1,6 point du taux normal de la TVA, pour une recette attendue de 10,6 milliards d’euros, le reste de la compensation étant assuré par une augmentation de deux points du prélèvement social sur les revenus du capital et les produits de placement.
Monsieur le ministre, vous nous proposez aujourd’hui d’abroger ce dispositif qui devait entrer en vigueur au 1er octobre, sans renoncer à l’augmentation de deux points du prélèvement social sur les revenus du capital, afin de financer notamment le relèvement de l’allocation de rentrée scolaire. Nous approuvons tout à fait ce choix.
La TVA sociale était une arnaque. Il s’agissait de répondre favorablement à la préconisation patronale de transférer 80 % des cotisations sociales sur le contribuable ou le consommateur, voire sur les deux. L’opération avait pour but de permettre une fois de plus aux entreprises, et particulièrement les plus grandes d’entre elles, de se défausser sur les contribuables de leur obligation de payer la partie socialisée du salaire.
Les allègements de cotisations sociales atteignent en effet aujourd’hui 30 milliards d’euros par an, et la preuve est faite qu’ils ne jouent pas en faveur de l’emploi. L’augmentation de la TVA aurait eu en revanche un effet désastreux sur le pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes, et pesé négativement sur la croissance dans une conjoncture où la demande reste le principal moteur de l’activité. Elle aurait en somme amplifié les effets de la crise. Nous voterons donc la suppression de cette mesure inique. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Mes chers collègues, la question que nous avons à trancher est la suivante : peut-on, dans une économie mondialisée, continuer à financer la protection sociale pour les deux tiers par des cotisations sur le travail – car je vous rappelle que 70 % de la CSG pèse sur les revenus du travail ?
Telle est la question qui nous est posée. Depuis quinze ans, le groupe centriste n’a de cesse de demander que l’on commence à basculer les cotisations sociales vers la CSG, la TVA ou d’autres impôts sur la consommation. Ce n’est pas par plaisir, mes chers collègues, que nous faisons cette proposition : c’est dans le but de doper l’emploi en France et redonner du travail à ceux qui n’en ont plus !
Dans l’exposé des motifs, vous avancez les trois raisons pour lesquelles il faudrait, selon vous, annuler cette réforme. Premièrement, elle grèverait la consommation des ménages.
M. Marcel Rogemont. C’est vrai !
M. Charles de Courson. Soyons sérieux, chers collègues ! Les biens et services relevant du taux normal représentent 40 % de la consommation des ménages ; l’incidence d’un relèvement de 1,6 point aurait donc une incidence maximale de 0,6 % sur les prix. Comme, en outre, les entreprises auraient répercuté pour partie la baisse concomitante de leurs charges, elles pouvaient en absorber une partie, l’incidence aurait probablement été de l’ordre de 0,3 à 0,4 point seulement.
Deuxièmement, vous dénoncez l’absence de ciblage sur l’industrie. Il est évident que, si nous avions pu cibler sur l’industrie, nous l’aurions fait ! Mes chers collègues, vous qui êtes aussi européens que nous, vous savez fort bien que le ciblage sectoriel de mesures d’exonérations de charges est contraire au droit communautaire. Dans ces conditions, il ne nous restait que la solution d’adopter une règle générale.
Troisièmement, vous affirmez que les effets économiques de la mesure n’ont pas été assez démontrés. Mais enfin, chers collègues, et je m’adresse à ceux qui ont fait un peu d’économie,…
M. Jean-Pierre Gorges. Ils ne doivent pas être nombreux !
M. Charles de Courson. …nous avions ciblé la mesure sur les bas salaires, c’est-à-dire une baisse de 5,4 % jusqu’à 1,6 fois le SMIC, soit environ 3 % du coût du travail « chargé », l’élasticité étant de l’ordre de 0,4 ou 0,6.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Charles de Courson. Cela signifiait 1 à 2 % d’emplois supplémentaires dans la zone des bas salaires, ceux qui sont le plus frappés par le chômage et la mondialisation.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, vous faites une énorme erreur en abrogeant ce dispositif. Vous ne l’abrogez d’ailleurs pas totalement, puisque vous conservez les 2,6 milliards que représente l’augmentation de la CSG pesant sur le patrimoine. Or, cela pose un problème constitutionnel car, pour l’essentiel, vous affectez ces 2,6 milliards à la CNAVTS.
M. le président. Veuillez vous en tenir à vos deux minutes de temps de parole.
M. Jean-Pierre Gorges. C’est important, monsieur le président.
M. Charles de Courson. La question est la suivante : peut-on affecter un impôt universel à une branche qui ne protège que deux tiers des salariés français ? Le Conseil constitutionnel tranchera.
M. le président. La parole est à M. Yves Jégo.
M. Yves Jégo. Nous avons bien compris que la TVA sociale, mesure emblématique, ferait les frais de votre victoire aux élections – que personne au demeurant ne conteste. (« Ah ! Tout de même ! » sur les bancs du groupe SRC).
Permettez-moi de vous dire que vous commettez une erreur, d’abord contre l’emploi. Le déficit de compétitivité de nos entreprises est souligné par tous les chefs d’entreprise, y compris par M. Sartorius, chargé par le Gouvernement d’expertiser les comptes de Peugeot.
M. Pierre-Alain Muet. Et alors ?
M. Yves Jégo. M. Sartorius a, dans un rapport, démontré combien le différentiel de coût du travail entre la France et l’Allemagne plombait notre capacité industrielle. C’est une réalité à laquelle nous n’échapperons pas.
Vous agissez, de surcroît, dans un esprit très politique, en poursuivant au-delà du raisonnable le débat des élections, qui a pourtant été tranché par les électeurs.
M. Michel Vergnier. Eh oui !
M. Yves Jégo. Vous affirmez haut et fort que vous allez rendre aux Français 11 milliards de pouvoir d’achat,…
M. Philippe Vigier. C’est un mensonge !
M. Yves Jégo. …mais que pourrez-vous rendre, étant donné que la TVA sociale n’est pas entrée en application ? Voilà une majorité formidable, qui rend un argent qui n’a pas été pris : avouez que c’est savoureux ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
En abandonnant la TVA sociale, vous renoncez – et c’est cela qui me gêne avant tout – à taxer les importations.
M. Marc Le Fur. C’est cela le problème.
M. Yves Jégo. Vous renoncez à mettre un coup d’arrêt à ce qui a causé la mort d’une grande partie de l’industrie de notre pays. Les entreprises vont produire ailleurs avec des coûts de main-d’œuvre très éloignés des nôtres et réimportent ensuite sur le territoire national pour vendre avec des marges confortables pour la grande distribution. En fait, vous mettez fin à ce qui pouvait commencer à inverser la tendance.
J’ai pris bonne note, monsieur le ministre, que jamais, ô grand jamais, la majorité ne nous parlera d’augmenter la CSG – dont acte, c’est inscrit dans nos mémoires. Nous verrons bien.
M. Jean-Pierre Door. Eh oui !
M. Yves Jégo. Hélas, je ne crois pas que vous serez en mesure de tenir cette promesse, et croyez bien que je le regrette. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.
M. Marcel Rogemont. Avec l’article 1er, nous posons une première pierre afin de mettre la justice au cœur de notre fiscalité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Pierre Gorges. Quelle justice ?
M. Philippe Vigier. La justice, ce n’est pas le chômage !
M. Marcel Rogemont. Il n’y a pas si longtemps, le ministre du budget rappelait que notre Constitution exigeait une fiscalité juste, reposant sur la capacité contributive de chacun de nos concitoyens. C’est ce que nous faisons lorsque nous supprimons 12 milliards d’impôts qui touchent l’ensemble de nos concitoyens et qui pénalisent la consommation.
M. Jean-Pierre Gorges. J’espère que vous les avez !
M. Marcel Rogemont. Pour masquer cette réalité, vous avez à cœur de revenir sur la question de la détaxation des heures supplémentaires. Je rappelle que nos collègues Gorges et Mallot ont rédigé un rapport démontrant que cette mesure favorisait principalement les hauts revenus.
M. Charles de Courson. Pas du tout !
M. Marcel Rogemont. Si : à 60 000 euros de revenu, on y gagne trois plus qu’à 15 000 euros. Là encore, c’est la justice sociale qui est en jeu.
Je rappelle également que l’Allemagne, au moment où vous votiez ce dispositif, améliorait la prise en charge du chômage partiel, ce qui aurait été certainement bien plus utile à l’économie française.
M. Charles de Courson. Ce n’est pas comparable !
M. Marcel Rogemont. Et puis, à vous entendre, on finirait par croire que cette TVA dite sociale, ou anti-délocalisation, ne touche que les produits importés ! Il n’en est pourtant rien : lorsque vous la faites passer de 19,6 à 21,2 %, cela touche tous les produits, qu’ils soient importés ou non.
M. Philippe Vigier. Oui, mais il y a des baisses de charges !
M. Marcel Rogemont. Quant au coût du travail, il est pour le moins curieux que vous ayez attendu la fin de la législature pour vous en préoccuper ! Pour notre part, nous prendrons le temps de nous pencher sur cette question, puis nous mettrons en œuvre les mesures qui s’imposent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. À mes collègues de l’UMP, je rappellerai qu’une mesure de politique économique peut être bonne ou mauvaise selon la conjoncture. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Lorsque l’on prend une décision de politique économique – et vous l’avez un peu trop oublié au cours des cinq dernières années –, il faut toujours s’interroger sur la situation dans laquelle on se trouve.
M. Charles de Courson. Il n’y a pas que la crise !
M. Pierre-Alain Muet. J’entends aujourd’hui le chœur de l’UMP se déclarer favorable à la TVA sociale. Pour ma part, je me souviens – je passe sur 2007 – que cette idée est apparue en 2011.
C’est en février 2011, en effet, que Jean-François Copé, jusque-là farouche opposant à la TVA sociale…
M. Philippe Vigier. Comme M. Valls !
M. Pierre-Alain Muet. …qui nuisait selon lui à la consommation, relance le débat, provoquant au sein de l’UMP des échos fort dissonants. Les ministres de l’époque, dont certains sont ici présents, s’expriment, de même que des membres éminents de l’UMP, pour dire tout le mal qu’ils pensent – et ce à juste titre – de la TVA sociale !
Permettez-moi de citer les propos tenus par M. Baroin en février 2011 : « Il faudra un effort très conséquent d’augmentation de la TVA pour que cela ait un impact, au moins cinq points probablement. Qui peut dire que cela n’aurait pas des conséquences dramatiques sur notre activité économique ? »
Même tonalité chez M. Estrosi : « C’est dangereux pour notre croissance et pour le pouvoir d’achat des Français. » Il soulignait en outre que Jean-François Copé disait la même chose en février 2010 : « Opérer un tel transfert n’est pas sans danger dans notre pays où la croissance est largement portée par la consommation. Cela éroderait le pouvoir d’achat. »
Voyant M. Bertrand, je me souviens que, lors des débats sur l’instauration de la TVA sociale, il a fait preuve d’un grand mutisme, mais qu’en février 2011 il disait fort justement : « Une hausse de la TVA pour tous les Français n’est certainement pas la solution pour abaisser le coût du travail. »
M. Xavier Bertrand. Vous avez la mémoire sélective !
M. Pierre-Alain Muet. Or, dans la conjoncture actuelle, cette TVA dite sociale la mesure la plus absurde qui puisse être prise, car elle pèserait sur la consommation des ménages et contribuerait à enfoncer un peu plus notre pays dans la récession.
M. Jean-Pierre Door. Pourquoi d’autres pays l’ont-ils adoptée, alors ?
M. Pierre-Alain Muet. J’aurais bien d’autres arguments à faire valoir, mais, comme vous avez déposé beaucoup d’amendements, nous aurons l’occasion d’en discuter. Je vous rappellerai notamment les propos d’un ancien ministre de l’économie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Thévenoud.
M. Thomas Thévenoud. Pour ma part, je citerai cet ancien ministre de l’économie et des finances, qui s’exprimant le 4 juin 2004 devant la commission des finances du Sénat, a dit tout le mal qu’il pensait de la TVA sociale. Il a même expliqué, chiffres et études statistiques à l’appui, que, si la TVA sociale était mise en œuvre, il en coûterait 0,9 point de croissance à l’économie de notre pays. Ce ministre de l’économie et des finances n’était autre que Nicolas Sarkozy.
M. Jean-Pierre Gorges. Il devient votre référence
M. Jean-Christophe Lagarde et M. Philippe Vigier. Vous n’arrivez pas à l’oublier ! (Sourires.)
M. Thomas Thévenoud. Au-delà du problème du pouvoir d’achat, au-delà des 12 milliards que nous allons, en effet, rendre aux Français,…
M. Jean-Pierre Gorges. Ils n’ont pas été prélevés !
M. Thomas Thévenoud. Ils le seraient à partir du 1er octobre si nous n’adoptions pas l’article 1er.
Je veux insister sur l’impact négatif de cette hausse de la TVA sur la croissance. Non contente d’être injuste socialement, elle est économiquement inefficace car elle est un frein à la consommation. C’est pourquoi nous voulons mettre fin à cette TVA dite sociale ou compétitivité, qui est en fait antisociale, anti-croissance et anti-compétitivité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.
M. Marc Le Fur. Savez-vous, cher collègue, que la sous-préfecture d’Aubusson va fermer ?
M. Michel Vergnier. Je ne répondrai pas aux provocations !
M. Marc Le Fur. Ce n’est pas une provocation, c’est une information !
M. le président. Seul M. Vergnier a la parole.
M. Michel Vergnier. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les propos qui ont été tenus depuis hier. Il n’est pas anormal de constater des divergences notables entre la majorité et l’opposition. Mais, le 6 mai et le 17 juin, les Français ont choisi et les prochaines échéances nationales n’auront lieu que dans cinq ans. C’est long, cinq ans !
M. Éric Ciotti. Cela passe vite !
M. Michel Vergnier. Vous avez un problème existentiel, chers collègues de l’opposition. Au moment où nous débattons, vous devez défendre l’indéfendable – l’échec de votre majorité en matière de dettes, d’emploi – et contredire le choix des Français. Admettons que ce n’est pas très facile. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que cela soit très porteur pour vous, sauf lorsqu’il s’agit de régler les problèmes internes à votre parti.
Nous avions dit que nous reviendrions sur l’augmentation la TVA antisociale. Nous le faisons parce que les Français nous ont confié cette tâche. À ce sujet, vous avez dit tout et son contraire, mon collègue Pierre-Alain Muet vient de le démontrer.
Cette hausse de la TVA aurait d’abord pénalisé ceux qui ont les plus faibles revenus, vous ne pouvez prétendre le contraire. C’est pour cette raison que nous l’avons qualifiée d’antisociale. Un beefsteak, c’est toujours un beefsteak : il coûte toujours le même prix,…
M. Michel Heinrich. Il n’est pas taxé à 19,6 %, mais à 5,5 % !
M. Michel Vergnier. …sauf que les revenus ne sont pas les mêmes et que l’on ne mange pas trois fois plus quand on gagne trois fois plus !
Ne nous reprochez pas, chers collègues, de tenir les promesses qui ont été faites devant les Françaises et les Français. C’est le contraire qui serait anormal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.
M. Michel Liebgott. Nous assistons à un débat assez surréaliste : pendant dix ans, la droite a été au pouvoir, et elle n’a jamais mis en œuvre les mesures qu’elle propose maintenant qu’elle est dans l’opposition. Pour notre part, nous avons annoncé dès le début de l’année que nous ne mettrions pas en œuvre ce qu’elle proposait. Quel courage y a-t-il à appliquer un impôt invisible, mais qui pèse aussi lourd aux plus bas revenus ?
J’aimerais dire un mot de l’Allemagne, que l’on ne cesse de nous présenter en modèle. Qu’en est-il en réalité ? En Allemagne, à la différence de notre pays, il y a du dialogue social, de la cogestion, on discute des salaires. Quand il y a eu des périodes de chômage partiel dans les entreprises, des formations ont été dispensées, et cela a permis un redémarrage efficace lorsque la machine est repartie. La différence entre la France et l’Allemagne, ce n’est pas la TVA sociale.
M. Jean-Christophe Lagarde. C’est la CGT !
M. Michel Liebgott. D’ailleurs, la TVA sociale chez nos voisins s’est traduite par un surcroît d’inflation de 1,6 point.
Nous affirmons et réaffirmons que nous ne voulons pas pénaliser les plus pauvres, les smicards, les retraités, ceux, par exemple, qui touchent de toutes petites pensions, comme les mineurs, les chômeurs, et qui paieraient la TVA sociale au même titre que les hauts revenus. Nous sommes favorables à des impôts redistributifs : l’impôt sur le revenu, la CSG, tous les impôts progressifs, ou au moins proportionnels aux revenus, y compris ceux du capital car le capital doit aussi être taxé. J’entendais tout à l’heure M. de Courson dire que les choses évoluaient peu à peu, et imaginer que la CSG pourrait être utilisée à la fois pour plus de justice et pour plus d’efficacité.
M. Marc Le Fur. Ah !
M. Michel Liebgott. Ne dites pas « Ah ! », c’est une opinion personnelle.
Toujours est-il que, s’il fallait choisir, je préférerais à la TVA des impôts assis sur les revenus et sur le capital, car ce serait beaucoup plus juste. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Marc Le Fur. Voilà qui a le mérite de poser le débat !
M. le président. La parole est à M. Thierry Mandon.
M. Thierry Mandon. Monsieur le président, si je comprends bien nos collègues de l’opposition, qui sur ce sujet ont beaucoup varié,…
M. Marc Le Fur. Comme M. Valls !
M. Thierry Mandon. …la TVA sociale est une solution magique et évidente. Ceux qui sont des habitués de cette enceinte ne doivent pas connaître de tel précédent : une solution magique et évidente… trouvée au bout de quatre ans et dix mois de débats parlementaires !
Si elle est si évidente, que ne l’avez-vous mise en place plus tôt, que ne l’avez-vous appliquée plus fortement ? Vos hésitations sont la preuve des doutes qu’elle suscite chez tous les économistes.
Elle a tout d’abord des effets négatifs indéniables sur la consommation, même si l’on peut discuter de leur portée exacte : en Allemagne, en 2007, la hausse de 3 % de la TVA s’est traduite par une augmentation de 2,6 % des prix à la consommation.
Elle a aussi un effet discutable sur la compétitivité, car la baisse des prix dépend uniquement du comportement des entrepreneurs, qui peuvent choisir ou non de répercuter la baisse des charges sur le prix des produits qu’ils vendent. Compte tenu des taux de marge actuels de nos entreprises, il est peu probable qu’elles auraient choisi de baisser leurs prix si cette mesure avait été maintenue ; ils en auraient plus vraisemblablement profité pour regonfler leurs marges, et les consommateurs auraient été d’autant plus pénalisés.
M. Christian Estrosi. Qu’est-ce que vous en savez ? Les chefs d’entreprise, vous ne les connaissez pas !
M. Thierry Mandon. Le coût du travail est un vrai sujet qui réclame une réflexion très fine plutôt que ces solutions magiques et évidentes dont vous avez beaucoup de temps à accoucher, signe des difficultés qu’elles posent.
Le choix n’est pas seulement entre TVA ou CSG : il est beaucoup plus large. La créativité fiscale…
M. Jean-Christophe Lagarde. Sur ce point, on peut vous faire confiance !
M. Thierry Mandon. …et les propositions des économistes vont bien au-delà de cette alternative.
Surtout, pour bien travailler sur le coût du travail, il faut différencier la situation des entreprises selon la nature de leurs produits, mais aussi selon leur niveau d’exposition à la concurrence internationale.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue.
M. Thierry Mandon. Il faut trouver des assiettes qui permettent de tenir compte de manière différenciée des efforts menés en matière de coût du travail dans les entreprises.
M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume.
M. Laurent Grandguillaume. Nous voyons l’opposition inventer régulièrement des expressions : elle a inventé la « TVA sociale », elle aurait pu tout aussi bien inventer la « crise douce » ou le « chômage actif ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Dominique Baert. Avec eux, on peut s’attendre à tout !
M. Laurent Grandguillaume. Mais votre échec est total, mesdames et messieurs de l’opposition. Pourquoi ? Parce que la dette s’est creusée. Malgré l’échec patent de votre politique, le Gouvernement prend des décisions courageuses : il annule l’augmentation de la TVA. La TVA n’a pas à être associée à une qualité, elle n’est pas « sociale », c’est un impôt injuste, …
M. Jean-Pierre Gorges. C’est le plus juste !
M. Laurent Grandguillaume. …un impôt antiéconomique, un impôt inefficace, un impôt qui grève le pouvoir d’achat. Voilà ce à quoi vous avez abouti. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous, nous faisons un autre choix : celui d’une fiscalité juste qui contribue justement au pouvoir d’achat, d’une fiscalité qui permette un rééquilibrage entre le travail et le capital.
Nous, nous préférons le travail à la rente, que vous avez défendue jusqu’à présent à travers des cadeaux fiscaux excessifs.
La politique désormais mise en œuvre nous permettra de retrouver le chemin de l’emploi et de la compétitivité.
M. Jean-Christophe Lagarde. Il y a du travail !
M. Laurent Grandguillaume. Nous allons innover. Nous allons investir dans la recherche, dans l’éducation que vous avez cassée à travers la révision générale des politiques publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C’est le sens d’une politique courageuse, celle de la vérité et de la sincérité, celle qui s’oppose à cinq ans de régression : voilà la politique de gauche que nous défendons ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Christophe Lagarde. Bla-bla-bla !
M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.
M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, mes chers collègues, cet article 1er est paradoxal.
Il vise à supprimer un dispositif d’allégement du coût du travail alors qu’il y a un consensus – en tout cas, c’est que nous entendons depuis plusieurs semaines – entre la majorité et l’opposition sur le fait que trop de charges pèsent sur le travail en France : le coût du travail en France, compte tenu de notre positionnement en gamme, est trop élevé. Le Premier ministre et le Président de la République ont eux-mêmes insisté sur ce consensus.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Consensus, c’est vite dit !
M. Bernard Accoyer. Cet article est totalement paradoxal au regard de l’actualité dramatique que nous connaissons dans le secteur de la sous-traitance automobile. La première urgence aujourd’hui – et les collectifs sont faits pour faire face à l’urgence – serait d’alléger le coût du travail de manière immédiate.
Au lieu d’accepter cette baisse de 5 % du coût du travail, qui concernerait 80 % des salariés de l’industrie, vous décidez de maintenir le coût du travail dans notre pays à un niveau plus élevé qu’à l’étranger. C’est incompréhensible et en complet décalage avec l’actualité économique et sociale.
Paradoxal, cet article 1er l’est encore parce que, dans le même texte, vous allez nous proposer de fiscaliser les heures supplémentaires – soit 500 euros de pouvoir d’achat en moins pour les salariés français –, d’augmenter de 150 % – excusez du peu – le forfait social sur l’intéressement et la participation, et tout simplement de supprimer le dividende fiscal : trois mesures qui affecteront les salariés modestes et moyens.
Paradoxal enfin parce que les handicaps qui frappent …
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, sachez que j’ai mesuré le temps que vous accordiez aux orateurs de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Vous perdez du temps, monsieur Accoyer. Je vous prie de tenir votre temps de parole de deux minutes de la même manière que les autres orateurs. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Pierre Gorges. Soyez juste !
M. Bernard Accoyer. Paradoxal enfin, disais-je, parce que les handicaps qui frappent en France l’industrie automobile et l’industrie en général sont majeurs. Il y a un handicap considérable, et qui fait consensus car nous sommes les seuls au monde à le subir, il coûte 22 milliards chaque année à la France : ce sont les 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il est encore temps de vous rattraper, mesdames et messieurs de l’opposition. Pensez-y car, un jour, vous créerez ce prélèvement sur la consommation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Cet article 1er est marqué par un renoncement et deux impostures.
Un renoncement à lutter pour améliorer la compétitivité de la France et de ses entreprises. Je trouve cela très regrettable dans la mesure où de la compétitivité découlent à la fois la résolution des problèmes de l’emploi, la résorption du déficit et le remboursement de la dette. Vous remplacez tout cela par des expressions creuses : « stratégie industrielle », « redressement productif ». Mais, finalement, on ne voit rien venir.
La première chose que vous faites, c’est de supprimer une mesure qui permettait d’améliorer notre compétitivité. Moi qui suis élu de la Seine-Saint-Denis, je vois bien ce qui est en train de se passer à l’usine PSA d’Aulnay-sous-bois : la production d’un véhicule y coûte 460 euros de plus qu’à Vigo. Et l’on nous dit ensuite que les dirigeants de PSA sont des menteurs : attendons de voir quels effets vos discours auront sur la réalité économique. Ce renoncement à la compétitivité me paraît fort dommageable.
J’en viens aux impostures.
À des fins de communication politique, vous expliquez que vous allez rendre 12 milliards aux Français. Quels magiciens extraordinaires vous faites : en réalité, ces 12 milliards, les Français ne les ont pas payés ; vous ne leur rendez donc rien. D’ailleurs, chaque Français pourra se rendre compte de votre imposture puisqu’il n’aura rien de plus à la fin de cette année ou de l’année prochaine. En revanche, à l’article 2, vous allez augmenter de 4 milliards les cotisations et les impositions de ceux qui travaillent et ponctionner directement la poche des plus modestes, les classes populaires et les classes moyennes. En effet, 40 % des personnes qui bénéficient des heures supplémentaires sont des ouvriers. Ce sont eux qui en seront de leur poche : vous ne leur aurez rien rendu mais vous leur aurez pris 4 milliards !
Deuxième imposture, même si vous n’osez pas l’avouer maintenant, préférant attendre la rentrée prochaine : vous allez remplacer les 12 milliards destinés à améliorer la compétitivité par 12 milliards de rentrées dans les caisses de la sécurité sociale à travers une augmentation de la CSG lors du prochain PLFSS.
Au total, les Français en seront pour 16 milliards, 16 milliards que vous allez réellement prendre dans leur poche alors que les 12 milliards, vous ne les leur aurez pas rendus, puisque vous ne leur avez pas pris.
Monsieur Muet, vous nous faisiez la démonstration tout à l’heure – et j’en termine, monsieur le président – qu’une mesure est bonne ou mauvaise en fonction de la situation économique. Je prends date avec vous, monsieur Muet, que nous avons beaucoup entendu lors de la précédente législature : oui, une mesure est bonne ou mauvaise en fonction de la situation économique, et celle que vous êtes en train de prendre nous mène tout droit vers la récession. Rendez-vous dans quelques mois ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi.
M. Razzy Hammadi. La TVA sociale fut l’une des dernières mesures prises par la majorité sortante. Nous nous honorons ici de faire en sorte qu’à l’un de nos premiers engagements corresponde l’une de nos premières actions : la remise en cause de cette TVA dite sociale, qui n’a rien de social tant du point de vue de l’emploi que de l’industrialisation et de la lutte contre dumping social et fiscal. Aujourd’hui, l’ensemble des justifications ici exposées le démontre.
Deuxième chose essentielle : la remise en cause de cette TVA qu’il faut très clairement appeler antisociale, puisqu’elle fait reposer de manière injuste sur tous les Français le poids d’une ressource de plus de 10 milliards que vous n’avez pas réussi à trouver, ne serait-ce qu’à travers l’emprunt.
Cet article 1er pose le symbole d’une fiscalité différente, une fiscalité de gauche, la fiscalité de cette majorité qui est à la fois juste, proportionnelle et progressive en lieu et place d’une fiscalité aveugle faisant le fond des poches de l’ensemble des consommateurs qui, vous l’avez oublié, sont avant tout des citoyens, fiscalité mise en place de manière bâclée au détour d’une intervention télévisée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric Woerth. Mes chers collègues, nous voici au cœur du débat sur la compétitivité mais aussi du débat sur le financement de notre protection sociale. C’est au fond assez dommage de l’aborder à travers cet article 1er, qui est très idéologique.
Je suis persuadé que, si nous avions augmenté la CSG et pas la TVA, vous seriez en train de supprimer cette hausse en nous disant que l’augmentation de la TVA est la meilleure façon de financer la protection sociale. Vous êtes dans l’idéologie pure !
M. Jean-Pierre Gorges. Très juste !
M. Éric Woerth. Vous caricaturez la TVA sociale parce que vous ne parlez que de l’augmentation du taux et jamais de la diminution des charges que celle-ci permettait. Car il s’agissait bien de diminuer les charges pesant sur le travail, les cotisations patronales familiales.
Il y a un double choc de compétitivité lié à l’augmentation de la TVA : elle permet d’un côté de diminuer les charges qui pèsent sur le travail et, de l’autre, de taxer les produits importés et donc d’augmenter leur prix par rapport au prix des produits fabriqués en France.
Elle n’augmente pas pour autant l’inflation.
M. Philippe Armand Martin. En effet !
M. Éric Woerth. À partir du moment où un produit est fabriqué en France, l’entreprise qui le produit bénéficie d’une baisse des charges qui lui permet de modérer l’augmentation de son prix. La hausse de la TVA n’a donc que peu d’incidence sur les prix.
En troquant la « TVA Sarkozy », comme vous l’appelez, pour la « CSG Hollande », vous commettez une erreur, injuste tout à la fois pour les consommateurs, les travailleurs et les entreprises. Vous serez ainsi moins efficaces, et serez probablement ceux qui taxeront le plus le pouvoir d’achat des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.
M. Xavier Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, je pense que cet article est incomplet, surtout si l’on en juge par l’intervention de M. Liebgott. Et ce n’est que la première étape ; vous pouvez faire tous les procès que vous voulez à cette TVA sociale, il est évident que vous vous apprêtez à la remplacer par une CSG sociale.
J’aimerais savoir, monsieur le ministre, s’il est vrai que vous avez tenté, il y a peu, d’obtenir un arbitrage de Matignon en faveur de la création immédiate d’un « paquet compétitivité », conscient que vous êtes de la nécessité de baisser les charges pesant sur le travail. Et s’il est exact que vous n’avez pas été suivi, car il est hors de question pour votre majorité de trahir dès maintenant ses engagements, alors que ce n’est qu’une question de semaines et de mois.
Le bons sens commande aujourd’hui de constater que, comparée à la CSG, la TVA présente beaucoup d’intérêt. Elle permet tout d’abord de taxer en partie les importations, qui fragilisent notre protection sociale depuis des décennies.
M. Philippe Armand Martin. Tout à fait !
M. Xavier Bertrand. Pour une fois, nous avions trouvé le moyen de faire contribuer les importations au financement de la protection sociale !
D’autre part, je souhaite rappeler à la majorité, qui nous donne de grandes leçons sur le pouvoir d’achat, que lorsque les Français remplissent leur caddie au supermarché,…
M. Dominique Baert. Avec des produits importés !
M. Xavier Bertrand. …la TVA qui frappe leurs achats est de 5,5 %, non de 19,6 %, et que ce taux n’augmente pas,…
M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous l’avez porté à 7 % !
M. Xavier Bertrand. …ce qui garantit le maintien de leur pouvoir d’achat.
À l’inverse, avec la CSG, cela dépendra des courses que vous faites. Libre à vous de remplir votre caddie comme vous l’entendez, monsieur le rapporteur général !
Quoiqu’il en soit, un taux de TVA à 5,5 % ne pénalise pas votre pouvoir d’achat, tandis qu’une augmentation de la CSG entraînera de façon indifférenciée une baisse du pouvoir d’achat immédiate pour l’ensemble des Français.
Tous les grands discours que nous entendons aujourd’hui perdront bientôt de leur force, car si la TVA offre la possibilité de ménager le pouvoir d’achat,…
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est faux !
M. Xavier Bertrand. …la CSG en revanche est une garantie de baisse pour tous les Français ; raison de plus pour nous opposer à cet article. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.
M. Patrick Ollier. Je souhaite réagir aux propos de M. Muet et de ses collègues, qui donnent l’impression que nous n’avions voulu, par ce dispositif, qu’augmenter la TVA et par voie de conséquence les prix, pénalisant ainsi le pouvoir d’achat.
Non, monsieur Muet ! Vous oubliez que le dispositif que nous avions prévu est parfaitement fondé sur le plan économique, ainsi que M. Woerth vient de le rappeler. D’un côté, on augmente la TVA de 1,6 point, de l’autre on baisse les charges de 5 %.
Vous avez raison de dire qu’en augmentant de trois points son taux de TVA, le Royaume-Uni a vu ses prix augmenter de 3 %. Mais nous avons également raison d’affirmer que l’Allemagne, tout en baissant ses charges, a pu augmenter la TVA sans que cela ait de conséquence sur les prix !
C’est ce dispositif complet et équilibré que nous voulions mettre en place, et vous devriez avoir la courtoisie et l’honnêteté républicaines de le reconnaître. Ne donnez pas l’impression à la presse que nous sommes les méchants députés dont l’unique but est d’augmenter la TVA en France !
Oui, notre dispositif était équilibré ; en le refusant, vous portez atteinte à la compétitivité des entreprises, vous maintenez l’alourdissement des charges dont elles sont victimes, et vous maintenez ainsi la distorsion de concurrence avec l’Allemagne.
Cette distorsion, de l’ordre de 15 % concernant le coût horaire du travail, est grave pour les entreprises françaises, et agissant ainsi, vous pénalisez l’emploi en France.
M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.
M. Alain Claeys. Monsieur le président, mes chers collègues, j’ai bien entendu les arguments de l’opposition, et je souhaiterais m’arrêter quelques instants sur la question de la compétitivité. C’est là tout le bilan de votre politique depuis cinq ans !
M. Michel Vergnier. Depuis dix ans !
M. Alain Claeys. Prenons l’exemple, incontestable, de notre balance extérieure. Qu’exportons-nous ? De l’armement, du nucléaire et de l’agro-alimentaire.
Pourquoi ne vous êtes-vous pas interrogés, pendant ces cinq années, sur le problème spécifique rencontré par nos PME ? Pensez-vous vraiment que, dans le secteur automobile, dont nous évoquions la situation cet après-midi, la différence avec nos principaux partenaires, tels que l’Allemagne, tienne exclusivement au coût du travail ? Bien sûr que non ! Elle tient à l’innovation et à notre incapacité à produire aujourd’hui des biens à haute valeur ajoutée. Voilà la difficulté à laquelle nous sommes confrontés, et à laquelle vous n’avez apporté aucune réponse en cinq ans.
Il faudrait d’ailleurs demander à MM. Bertrand et Copé pourquoi ils défendent aujourd’hui avec vigueur une mesure à laquelle ils s’étaient longtemps montrés hostiles. De plus, en cette période de crise économique, cette mesure s’avère anti-économique et anti-sociale car elle ponctionne le pouvoir d’achat et entraîne par voie de conséquence le ralentissement de la consommation.
Le véritable sujet, que vous ne voulez pas aborde, concerne les raisons de votre inaction en faveur de la compétitivité : nous en constatons l’échec, mois après mois, au travers de la détérioration de notre balance commerciale.
M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
M. Christian Estrosi. Monsieur le président, monsieur le ministre, il est assez insupportable d’entendre dire en permanence que nous aurions augmenté la TVA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Michel Vergnier. C’est pourtant vrai !
M. Christian Estrosi. Je souhaite rappeler ce que recouvre la TVA : il existe un taux de 2,1 % pour les publications de presse, les médicaments remboursables ou encore certains spectacles. Ce taux est de 5,5 % pour l’eau, l’électricité, les boissons non alcoolisées, les produits destinés à l’alimentation humaine, les appareillages et équipements spéciaux pour handicapés, etc. Il s’élève à 7 % pour les médicaments non remboursables, les livres, les travaux portant sur les logements d’habitation, les ventes à consommer sur place, etc.
Ces taux, qui affectent les classes moyennes et les bas revenus, n’ont pas été modifiés.
En revanche, la TVA que nous prévoyions de porter à 21,2 % concerne les produits de luxe, l’électroménager et les voitures ; elle vise tant les importations que les entreprises françaises qui délocalisent. Il est en effet insupportable de constater qu’une entreprise telle que Renault produise une Twingo en Roumanie pour ensuite la réimporter en France. En imposant ce taux de TVA aux frontières, nous serions parvenus à bloquer ce mécanisme. De plus, nous aurions permis à Renault de diminuer son coût de production en baissant de 13 milliards d’euros les charges qui pèsent sur les entreprises.
En cherchant à produire moins cher en France et à faire financer notre protection sociale par les produits importés, nous défendions le « fabriqué en France », les usines, les ouvriers, les ingénieurs et les techniciens français, ainsi que l’emploi dans notre pays.
C’est donc la compétitivité des entreprises françaises que vous remettez en cause, en même temps que le pouvoir d’achat des salariés français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.
M. Christian Jacob. Je souhaiterais revenir sur la question de la compétitivité, que M. Claeys vient d’aborder.
Notre objectif est-il bien d’améliorer la compétitivité de nos entreprises et donc d’abaisser le coût du travail ? Je sais que vous l’avez refusé pendant longtemps, mais votre famille politique semble évoluer sur ce sujet et commence à admettre qu’il existe un problème de coût du travail.
Connaissez-vous un exemple d’un pays qui aurait amélioré la compétitivité de ses entreprises et diminué son coût du travail en avançant l’âge de la retraite, comme vous souhaitez le faire ? En supprimant les heures supplémentaires, et donc en diminuant le temps travaillé ? Est-ce ainsi qu’on améliore le coût de productivité et le pouvoir d’achat des salariés ? Si vous avez connaissance d’un tel exemple, indiquez-le nous car cela permettrait de nourrir utilement notre réflexion.
Votre logique consiste invariablement à travailler moins, diminuer le temps de travail, avec toutes les conséquences que cela implique, et dans le même temps à pénaliser systématiquement les entreprises et faire en sorte que l’entreprise France soit moins performante.
La démonstration faite à l’instant par M. Woerth sur la TVA et le financement de notre protection sociale est très claire : doit-on s’en tenir à une assiette reposant uniquement sur le temps de travail, ou doit-on au contraire rechercher une assiette plus large, en favorisant le « produire en France » ?
Notre logique à nous consiste précisément à favoriser le « produire en France », et donc à faire en sorte que les produits d’importation financent notre protection sociale. Qui aujourd’hui pourrait s’opposer à une telle mesure ? Expliquez-nous en quoi le fait de financer notre protection sociale par les produits d’importation serait néfaste à notre économie !
Il serait intéressant que, tant sur la question de la compétitivité que sur celle du pouvoir d’achat, vous puissiez nous citer un exemple d’un pays, en Europe ou ailleurs, qui aurait réussi avec votre méthode. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Faure.
M. Olivier Faure. Je souhaiterais vous rappeler cette phrase, que chacun aura gardée en mémoire : « Je ne vous mentirai pas, je ne vous trahirai pas, je ne vous décevrai pas, je ne vous abandonnerai pas. » Cette phrase est naturellement de Nicolas Sarkozy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Yves Jégo. Ça suffit !
M. Olivier Faure. Nicolas Sarkozy avait, entre les deux tours des élections législatives de 2007, publié depuis l’Élysée un communiqué expliquant que la TVA sociale, pourtant annoncée par son ministre Jean-Louis Borloo, n’était absolument pas inscrite au programme de la législature.
Je constate que, comme sur le sujet des retraites, Nicolas Sarkozy a changé d’avis…
M. Éric Woerth. Il y a eu une crise entre-temps !
M. Olivier Faure. …et n’a pas hésité à mentir, à trahir et à abandonner.
Vous évoquez sans cesse le cas de l’Allemagne qui, elle, a augmenté son taux de TVA. Mais savez-vous à quel taux est aujourd’hui la TVA dans ce pays ? Il est exactement le même que le nôtre ! Et vous envisagiez de l’augmenter encore en le portant à 21,2 %, ce qui en aurait fait l’un des taux les plus élevés d’Europe, supérieur même à celui de la Grèce, dont chacun connaît les conséquences sur la consommation et le travail au noir dans ce pays !
Je tenais à vous rappeler ces quelques vérités, puisque vous nous parlez en permanence de l’Allemagne et de compétitivité.
Vous nous reprochez également de ne pas en finir avec les 35 heures. Or, vous avez eu dix ans pour le faire, et vous ne l’avez pas fait. Pis, vous les avez cristallisées par la défiscalisation des heures supplémentaires, puisque c’est justement le seuil des 35 heures qui les déclenche.
Dernier point concernant l’Allemagne : la culture allemande repose sur l’accord. Regardez ce qui se passe aujourd’hui en France avec la grande conférence sociale, qui a abordé le financement de la protection sociale.
Faites confiance, pour une fois, aux partenaires sociaux ! Ne votez pas des lois telles que la loi Fillon, en prétendant faire confiance aux partenaires sociaux, pour finalement leur clouer le bec en décidant à leur place ce qu’ils peuvent faire et négocier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Céleste Lett. Avec qui avez-vous négocié les 35 heures ?
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, je souhaiterais d’un mot revenir sur ce débat.
La TVA est un des impôts les plus injustes qui soient, car il repose sur la consommation et se trouve être anti-progressiste et récessif.
Toutes les données statistiques sont claires : ceux de nos concitoyens qui appartiennent au premier décile payent un peu plus de 8 % de leurs revenus disponibles en TVA, tandis que ceux appartenant au dernier décile y consacrent un peu moins de 4 %. Qu’on ne vienne pas me dire que c’est un impôt juste, car les chiffrent parlent d’eux-mêmes !
Il est nécessaire de remettre de la progressivité dans l’architecture fiscale, et c’est justement ce que prévoit ce collectif budgétaire.
Alors, on nous oppose la compétitivité des entreprises. Je ne peux que rejoindre mes collègues de l’opposition, lorsqu’ils affirment qu’il faut élargir l’assiette de la TVA. Mais allons jusqu’au bout du raisonnement : on ne parle ici que du coût du travail, jamais de celui du capital ! Jamais le capital n’avait autant occupé de place dans le revenu et dans le partage de la valeur ajoutée.
C’est ce qui a miné notre économie, notre croissance.
Il est sans doute possible de moduler les cotisations sociales en fonction de l’investissement, des salaires, de la formation.
Un éminent économiste socialiste propose, pour sa part, un dispositif qui pourrait se concevoir, la « CSG entreprise », qui consiste à asseoir les cotisations sociales patronales sur la valeur ajoutée. Un tel dispositif permettrait peut-être de commencer à décourager les entreprises qui veulent rémunérer uniquement les actionnaires et les intérêts financiers.
M. Jean-Pierre Door. Vous allez faire mourir les entreprises !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Si je n’ai pas la prétention de répondre à l’ensemble des orateurs, je souhaite toutefois apporter quelques précisions.
Monsieur Vigier, vous dites que nous prétendons rendre ce qui n’a pas encore été pris. C’est oublier toutes les règles budgétaires : vous savez fort bien, en effet, qu’une mesure votée est enregistrée dans le budget. Cela veut dire que, même si la TVA Sarkozy n’est pas encore perçue, elle est comptabilisée dans les recettes à compter du 1er octobre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Philippe Vigier. Nous ne sommes qu’en juillet !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Mme Dalloz, dont je regrette qu’elle nous ait momentanément quittés, prétend que la baisse est de 5,4 % sur l’ensemble des salaires. C’est une erreur phénoménale.
Je rappelle tout d’abord qu’un smicard ne paye pas de cotisation d’allocations familiales, les allégements Fillon l’en dispensant complètement.
M. Marc Le Fur. Conserverez-vous cette mesure ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Cela signifie que la baisse du coût du travail est de zéro et non de 5,4 %.
Pour un salaire au-delà de 1,6 fois le SMIC, la baisse n’est pas non plus de 5,4 %…
M. Philippe Vigier. Elle est de 2,5 % !
M. Christian Eckert, rapporteur général. …mais de 3,8 %. Si l’on combine ces deux phénomènes, on obtient une baisse moyenne de 2 %.
Par ailleurs, la dernière étude d’Eurostat montre que, dans l’industrie manufacturière, le coût horaire total du salaire en France, charges comprises, est de 33,16 euros, contre 33,37 euros en Allemagne.
Je prends régulièrement l’exemple de l’industrie automobile car vous vous plaisez à discourir sur ce sujet. Dans ce secteur, le coût du travail est supérieur de 29 % en Allemagne à celui observé en France.
M. Jean-François Lamour. Quelle est la valeur ajoutée des voitures qui sortent des chaînes allemandes ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. La compétitivité de l’industrie automobile allemande est sans comparaison avec celle de la France. Comme le disait Alain Claeys, la compétitivité ne tient pas à une différence de deux points sur le salaire horaire : elle relève d’un certain nombre d’autres facteurs comme les choix technologiques, les transferts de technologie et l’innovation. C’est ce que ce Gouvernement va s’employer à mettre en œuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ce débat a déjà eu lieu quand, sous l’empire de la précédente majorité, cette disposition a été adoptée. Nous ne faisons donc que le rééditer, et les arguments des uns et des autres sont connus. Mesdames, messieurs de l’opposition, nous connaissons les vôtres et vous connaissez les nôtres. Il se trouve que les nôtres s’apprêtent à prévaloir puisque, entre-temps, des élections sont intervenues avec les résultats que l’on sait.
Pour autant, et parce que nombre de parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, se sont exprimés sur l’article 1er, il me paraît normal de rappeler un certain nombre de points, en priant que l’on veuille bien m’excuser si je répète quelques éléments déjà connus.
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il le faut bien, car l’opposition ne comprend pas !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le rapporteur général a raison d’indiquer que l’opération, qui avait été imaginée, de baisse des cotisations familiales pesant aujourd’hui sur les entreprises avait pour contreparties une hausse de la TVA et une augmentation de 2 points de la taxation des produits du capital, et non une hausse de la CSG, contrairement à ce que certains ont pu dire. Il indique également, à juste titre, que cela aboutissait à une baisse maximale de 2 % du coût du travail.
Si l’on admet, ce que personne ne contestera, que le coût du travail représente entre 20 et 40 % du prix du produit final, il suffit de se livrer à un calcul pour comprendre que, pour accroître de près de 12 milliards d’euros les recettes de la TVA, c’est à une baisse de prix de 0,4 à 0,8 % que ce dispositif aurait abouti pour solde de tout compte. Or une baisse de prix limitée à 0,4 ou 0,8 % est gommée, non pas au bout de quelques années, mais au bout de quelques mois par les progrès de compétitivité qu’accomplissent les concurrents, qu’ils soient en Allemagne ou dans des pays plus lointains.
Cette opération, qu’on l’appelle TVA sociale, TVA anti-délocalisations, ou autrement, et qui a été décidée bien tardivement, au bout de dix ans de gouvernement de la droite, n’avait pas beaucoup de justification économique. Elle avait, je le constate par la qualité des intervenants, davantage de justification politique. Vous avez le droit de vouloir persévérer dans cette vision, ou dans ce combat politique qui est le vôtre. Vous avez le droit de nous expliquer que cette opération aurait empêché les délocalisations, qu’elle aurait permis de recréer de l’emploi et de combler le déficit de notre commerce extérieur, particulièrement préoccupant puisqu’il s’élevait l’année dernière à 70 milliards d’euros alors qu’il y avait un excédent en 2001. Vous avez le droit de penser qu’une baisse de prix de 0,4 à 0,8 % pour solde de tout compte aurait réglé l’affaire, mais je ne crois pas que vous le pensiez vraiment.
Un certain nombre d’anciens ministres se sont exprimés, comme M. Ollier, M. Woerth ou M. Bertrand, ainsi que l’ancien président de notre assemblée. Je voudrais citer un autre ancien membre des gouvernements du quinquennat de Nicolas Sarkozy, Mme Lagarde. Elle avait remis, au début de la précédente législature, un rapport d’étape sur l’éventualité d’une baisse du coût du travail qui aurait eu pour contrepartie une hausse de la TVA. Je vous demande de prêter attention à l’analyse de celle qui, je crois, reste votre amie politique, et qui siégea au Gouvernement avec un certain nombre d’entre vous.
Voici, donc, ce qu’écrivait Mme Lagarde : « La hausse des prix intérieurs qu’impliquerait la mise en place de la TVA comporterait à court terme un risque pour la bonne tenue de la consommation et de la croissance. La hausse initiale de prix serait, pour une large part, inévitable : parce que les biens de consommation importés subiraient la hausse de la TVA. Ce renchérissement des imports serait même une condition nécessaire à la réussite de l’opération. » Nombre d’entre vous ont indiqué que ce renchérissement n’interviendrait pas ; Mme Lagarde n’était pas d’accord avec eux car, ajoutait-elle, « la hausse de la TVA s’appliquerait immédiatement à des biens produits avant la mise en œuvre de la réforme, sur lesquels les entreprises n’auraient pas bénéficié de la diminution des cotisations sociales ». Il y aurait bien eu de l’inflation, c’est-à-dire une perte de pouvoir d’achat.
« Le problème principal », poursuivait Mme Lagarde, « viendrait de la lenteur de la répercussion des baisses de charges employeurs dans les prix. Cette lenteur pourrait avoir plusieurs origines : les délais normaux du cycle de production » – qui peut le contester ? –, « le besoin éventuel de reconstitution des marges » – tout aussi incontestable car, malgré la politique favorable aux entreprises et à la compétitivité que vous avez prétendu mener pendant dix ans, leurs marges sont historiquement basses, et nul ne peut s’en réjouir – et « le manque de concurrence dans certains secteurs, qui pourrait pousser à des comportements de rente ».
Mme Lagarde est aujourd’hui directrice générale du FMI. Je doute qu’elle ait un avis différent. Celui qu’elle a émis à l’époque modifiera peut-être le jugement que ses anciens collègues peuvent avoir sur l’article 1er.
M. Xavier Bertrand. Non !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il va de soi que le Gouvernement s’opposera aux amendements de suppression de l’article 1er. Comme ils sont nombreux, les députés me permettront peut-être de répondre simplement « défavorable » lorsque l’avis du Gouvernement sera demandé sur chacun d’eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, tendant à supprimer l’article 1er.
La parole est à M. Xavier Bertrand, pour soutenir l’amendement n° 111.
M. Xavier Bertrand. Est-ce que la question du coût du travail se pose dans notre pays ? Oui, c’est une question clé, même si ce n’est pas la seule raison des difficultés économiques que nous connaissons. Nous savons en effet que la conjoncture, le financement de l’économie, les questions de flexibilité du travail, des différentes contraintes comme les seuils, de formation des demandeurs d’emploi et de formation initiale sont aussi à prendre en compte.
Prenons deux salariés de l’industrie, l’un qui travaille en Allemagne, l’autre en France. Quand ils touchent tous les deux un salaire de 1 700 euros – et il y en a –, le chef d’entreprise allemand paie deux fois moins de charges patronales que le chef d’entreprise français. C’est l’une des explications des problèmes de compétitivité de la France par rapport à nos voisins allemands.
On pourrait caricaturer les choses en disant que les problèmes ne se posent pas dans les mêmes termes vis-à-vis de nos concurrents asiatiques ou indiens. Il n’empêche que, par rapport à nos principaux partenaires qui sont aussi nos principaux concurrents, la question du coût du travail est essentielle. C’est pourquoi nous nous étions engagés dans cette voie. Pour ma part, je considérais que c’était une première étape. Dès lors que vous revenez sur cette mesure, vous affaiblissez la compétitivité des entreprises, vous augmentez les charges. Dès lors que l’on affaiblit la compétitivité des entreprises, c’est forcément l’emploi qui en fera les frais.
Je suis convaincu, hélas ! que les différentes mesures que vous prenez sont de nature à augmenter le chômage dans les mois qui viennent. C’est pourquoi je demande la suppression de l’article 1er.
M. Jacques Myard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour soutenir l’amendement n° 175.
M. Christian Estrosi. Nous avons besoin aujourd’hui de faire baisser le coût du travail dans notre pays. On a beau nous expliquer que le coût du travail serait le même en Allemagne et en France, il faut rappeler quelques chiffres.
La France a perdu environ 700 000 emplois industriels depuis 1998 : 500 000 avant la crise, à cause de la mise en place des 35 heures,…
M. Pierre-Alain Muet. N’importe quoi !
M. Christian Estrosi. …et 200 000 à partir de 2008.
Ensuite, je vous rappelle les conclusions du rapport de la Cour des comptes : dans les entreprises de moins de quarante-neuf salariés, le coût du travail en France est de 20 % supérieur à ce qu’il est en Allemagne ; dans les entreprises de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés, il est supérieur de 15 %. Or ce qui fait la force du tissu industriel français, ce sont ses PME, qui représentent 90 % de l’emploi, de la recherche et du développement. Ce que nous avons cherché à faire en limitant la force des importations face à la production française, c’est soutenir le « fabriqué en France », et notamment à travers nos PME. Quand on parle des grands groupes industriels automobiles, on ne doit pas oublier que 70 % des composants que l’on trouve sur un véhicule assemblé en France proviennent des équipementiers français, et d’abord des PME.
La mesure que nous avions adoptée était le moyen de lutter contre les délocalisations. C’était bel et bien une TVA anti-délocalisation, pour redonner de la compétitivité à nos entreprises par la baisse du coût du travail et du coût de la production, et en même temps faire payer une part de la protection sociale des Français par les importations chinoises, coréennes ou américaines. C’était là, tout simplement, une sorte de protectionnisme, que les Canadiens, les Américains, les Australiens pratiquent déjà depuis près de trente ans. Pour une fois, on se montrait vertueux à l’égard des entreprises françaises. Vous choisissez une autre voie ; je le dénonce et je le regrette.
M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n° 191.
M. Éric Ciotti. Pourquoi proposer la suppression de l’article 1er ? Le dispositif que vous nous présentez revient sur une mesure qui avait été adoptée pour favoriser la compétitivité de notre économie, pour diminuer le coût du travail, pour engager une démarche vertueuse, comme d’autres pays l’ont fait avant nous, au service de la compétitivité et donc au service de l’emploi.
Vous voulez revenir sur cette mesure. C’est tout simplement une erreur. C’est même une faute, que notre économie et nos entreprises vont payer lourdement, avec les conséquences que l’on peut imaginer sur l’emploi, et qui se feront sentir très vite.
Vous avez cité tout à l’heure, monsieur le ministre, l’un de vos prédécesseurs. D’autres citations ont été faites. Je voudrais à mon tour faire référence à un membre éminent de l’actuel gouvernement, qui déclarait, le 7 octobre 2011, dans une tribune parue dans Les Échos : « Oui, la TVA sociale est une mesure de gauche. »
M. Jacques Myard. Eh oui ! C’était Valls !
M. Éric Ciotti. Et il ajoutait : « Je défends depuis longtemps le principe d’une TVA protection, mesure qui permettrait de trouver un antidote aux délocalisations. » Il avait d’ailleurs déclaré, quelques jours plus tôt, lors d’un débat organisé dans le cadre des primaires socialistes : « La solution, c’est la TVA sociale ». Ces arguments, nous les reprenons aujourd’hui : ils sont naturellement frappés au coin du bon sens. Il faut réduire ce différentiel qui frappe notre pays : le coût horaire du travail est en moyenne de 31 euros en France, alors qu’il est à peine de 26,20 euros dans la zone euro. Cet écart de 17 % est insupportable pour notre économie. Il faut donc le réduire. Il faut élargir l’assiette du financement de notre modèle de protection sociale. C’était le sens de la mesure que nous avions adoptée, qui était efficace et juste. Vous voulez revenir dessus : c’est une erreur, et une faute.
M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 219.
M. Damien Abad. Cet amendement propose la suppression de l’article. La TVA compétitivité, qui avait été introduite par la loi de finances rectificative pour 2012 du 14 mars 2012, avait justement pour but d’alléger le coût du travail.
Sur le fond, le coût du travail est à nos yeux un élément essentiel, alors que vous le considérez, vous, comme un élément secondaire. La question de la compétitivité est pour nous une question centrale. La TVA sociale, la TVA compétitivité, permettait justement d’alléger le coût du travail, mais aussi de maintenir la compétitivité de nos entreprises et de nos emplois, agricoles comme industriels, d’ailleurs.
Sur la forme, on peut s’interroger sur cet article 1er, qui ne fait que supprimer une mesure, sans que l’on sache vraiment où l’on va : y aura-t-il ou non une augmentation de la CSG ? Cela pose aussi la question du financement de notre protection sociale. On voit bien, aujourd’hui, qu’elle ne peut être financée sur le seul travail. Il faut trouver de nouvelles bases. Le mérite de la TVA compétitivité était de poser les bonnes questions, et d’y apporter au moins des semblants de réponse…
M. Michel Vergnier. Des semblants de réponse ?
M. Damien Abad. …que nous regrettons de voir aujourd’hui balayés d’un revers de main.
M. Marc Le Fur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement n° 221.
M. Olivier Carré. Je rappellerai simplement deux chiffres qui n’ont pas encore été cités. Le premier figurera certainement dans le rapport qui a été commandé à M. Gallois : en France, la contribution des entreprises au financement de l’ensemble des dépenses publiques, et notamment des dépenses sociales, est entre sept et dix points supérieure à ce qu’elle est dans les autres pays européens : dix points de différence avec l’Allemagne, sept points avec l’Italie.
Deuxième élément, la taxation des produits consommés sur notre sol est, par contre, inférieure d’environ deux points à la moyenne européenne.
C’est la raison pour laquelle ces transferts avaient été imaginés, comme cela a été dit par plusieurs de mes collègues. On aurait pu espérer, comme l’a rappelé Xavier Bertrand, maintenant que la nouvelle majorité s’est emparée de ce débat, qu’elle suive cette première mesure, et même qu’elle aille plus loin. Car il faudra aller plus loin, parce que nos entreprises ont besoin d’être davantage soulagées.
Je suis certain que nous reprendrons ce débat dans quelques mois, et avec des arguments qui seront, pour beaucoup, l’inverse de ceux que met en avant par la majorité actuelle.
M. Céleste Lett. Exactement !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 222 rectifié.
Mme Marie-Christine Dalloz. Il est bien évident que lorsque nous parlons de compétitivité de nos entreprises, ce n’est pas seulement pour leur faire plaisir. C’est d’abord et surtout pour protéger et préserver l’emploi.
Je suis sortie quelques instants de l’hémicycle, pour apprendre que le tribunal de commerce vient d’autoriser le rachat par une firme italienne d’une entreprise de Saint-Claude, dans le Haut Jura. Elle va perdre 180 emplois. Voilà la réalité de vos mesures (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC)…
M. Jacques Myard. Ne riez pas, chers collègues socialistes, vous rirez jaune dans quelques mois !
M. Michel Vergnier. Vous êtes gonflés ! Les responsables, c’est vous !
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous nous aviez habitués à mieux, madame Dalloz !
Mme Marie-Christine Dalloz. Le contexte que nous connaissons aujourd’hui, mes chers collègues, va nécessairement nous obliger à une vraie prudence en matière de coût du travail. Or la mesure que vous nous proposez aura réellement un impact négatif sur le coût du travail. Le risque est que nous n’ayons plus de compétitivité à l’exportation, tandis que l’on continuera à voir des entreprises délocaliser, du fait du coût du travail.
La mesure que vous vous apprêtez à voter va forcément aggraver les choses dans le contexte économique que nous connaissons, et qui est, dois-je vous le rappeler, un contexte mondial. La France est la seule à prendre des mesures qui aillent dans ce sens-là. Je le déplore encore une fois, et je répète que c’est une erreur. C’est surtout une injustice pour l’emploi en France.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n° 223.
M. Jean-Pierre Door. Cet amendement permet d’alléger considérablement le coût du travail. Vous savez, monsieur le ministre, que notre proposition était d’augmenter légèrement le taux de TVA, mais aussi de relever de deux points les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. Vous supprimez l’augmentation de la TVA, mais vous gardez les deux points de CSG. Si comme j’ai cru le lire entre les lignes du rapport, ces deux points de CSG vous permettent de payer l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, confirmez-le moi. Si c’est vrai, cela veut dire que vous faites le choix de financer ainsi l’ARS, alors que nous, nous avions fait le choix de la compétitivité du pays et de la réduction du coût du travail.
M. Nicolas Sansu. Nous faisons le choix de la consommation !
M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n° 224.
M. David Douillet. Je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit par les collègues de mon groupe. J’apporterai seulement une précision supplémentaire, je veux parler du message que le nouveau gouvernement adresse à la jeunesse, en particulier à ceux qui font actuellement leurs études et se préparent en espérant devenir chef d’entreprise. Croyez-moi, les signes que vous leur envoyez aujourd’hui ne vont pas les inciter à créer leur entreprise en France. On assiste déjà à un exode massif de PME et de chefs d’entreprise qui partent à l’étranger. Je vous assure que dans nos écoles, et notamment nos grandes écoles, les enseignants expliquent d’ores et déjà à leurs élèves qu’en France, il ne sera plus possible d’entreprendre.
M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich, pour soutenir l’amendement n° 227.
M. Michel Heinrich. Je voudrais rappeler encore une fois à M. le ministre combien il était nécessaire d’alléger le prélèvement sur les salaires. L’OCDE nous dit que nous sommes, de tous les pays membres, celui qui opère les plus forts prélèvements sur les salaires. Il y a bien là un problème de compétitivité si nous nous comparons aux autres pays. La France en est à 30 %, contre 24 % en Italie, 23 % en Suède, 16 % en Allemagne, et 0 % au Danemark !
La mesure que nous avions adoptée, et qui faisait baisser le coût du travail de 5,4 %, allait donc bien dans le bon sens. D’autre part, cette TVA augmentée de 1,6 point faisait contribuer les importations à la protection sociale. Je crois qu’il est vraiment impératif de ne pas supprimer cette TVA anti-délocalisation.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement n° 229.
M. Jean-François Lamour. Je voudrais profiter de la défense de cet amendement pour répondre à M. Eckert, qui a comparé le taux horaire dans les secteurs automobiles allemand et français. Je prends acte des chiffres que vous nous avez fournis, monsieur le rapporteur général. On peut également citer la marge réalisée par les constructeurs, qui est à peu près similaire, de l’ordre de 50 à 60 %. Mais ce que vous oubliez de dire, monsieur Eckert, c’est que l’industrie allemande est en situation de quasi-monopole sur les véhicules de luxe et de haut de gamme. Ce qui n’est pas le cas en France. Nous sommes confrontés – et on le voit bien d’ailleurs avec PSA – à une concurrence particulièrement féroce. La TVA anti-délocalisation que nous avions proposée avait bien pour objet, justement, de permettre à cette industrie de se maintenir le plus possible en France. C’est pour cela que nous avions prévu de baisser le coût horaire. Ce problème ne se posait pas en Allemagne. Vous vous souvenez d’ailleurs des annonces qu’ont faites les Allemands, notamment en matière de primes : on arrivait, dans certains cas, à des primes de 7 000 euros par an. Cette industrie automobile allemande, qui est en quelque sorte une industrie de niche, est en situation de monopole, ce qui n’est pas le cas en France. C’est bien pour cela que cette TVA anti-délocalisation était très importante pour notre secteur automobile. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de l’article 1er.
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 230.
M. Marc Le Fur. Je voudrais m’adresser à mes collègues de la majorité. Ce texte, c’est le texte fondateur de votre mandat. Ce sera l’équivalent de notre loi TEPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christophe Caresche et M. Jean-Yves Caullet. Quel aveu !
M. Marc Le Fur. Par conséquent, le vrai sujet, c’est de savoir quel est son contenu ; or vous ne faites que défaire.
M. Dominique Baert. Oui, puisque nous avons compris !
M. Marc Le Fur. Pas une seule proposition positive : vous défaites ce que nous avons fait. Cette session extraordinaire n’a pas d’autre objet. En septembre, nous ne nous réunirons probablement qu’à la fin du mois. Autant dire que, début octobre, le bilan sera nul : vous n’aurez fait que défaire. Réfléchissez à cela, parce que ce texte, et en particulier cet article 1er, vous engage pour votre mandat.
Deuxièmement, les choix fiscaux ne sont pas des choix politiques, mes chers collègues : ils sont la résultante de choix économiques. À partir du moment où nous avons fait le choix d’une économie ouverte, il faut que notre fiscalité s’y adapte.
Cessons d’être naïfs ! Notre fiscalité doit peser sur les produits importés, d’où l’intérêt de la TVA anti-délocalisation. Il faut également que notre TVA épargne nos produits exportés, car le vrai enjeu est de pouvoir exporter dans de bonnes conditions.
Nous avons été de ce point de vue très cohérents, puisque nous avons supprimé la taxe professionnelle…
M. Laurent Cathala. Ah !
M. Marc Le Fur. …et créé la TVA anti-délocalisation avec un même objectif : réduire le coût direct du travail, de façon à être plus compétitifs et à accroître l’emploi.
En effet, monsieur le rapporteur général, le coût du travail est plus élevé chez nous qu’en Allemagne. Et, si l’on raisonne branche par branche, puisqu’en Allemagne prédominent les accords de branche, on peut constater par exemple dans l’agroalimentaire que les coûts sont autrement plus élevés en France qu’en Allemagne, ce qui fait que nous sommes plombés. Or les mesures que vous prenez aujourd’hui nous enfonceront encore un peu plus !
M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca, pour soutenir l’amendement n° 231.
M. Lionnel Luca. Vous faites croire que la hausse de la TVA serait automatiquement répercutée sur les prix. Mais rien ne l’indique : c’est un calcul d’apparence.
M. Dominique Baert. C’est Mme Lagarde qui le dit !
M. Lionnel Luca. Dans tous les pays où elle a été appliquée, il y a toujours eu un décalage, puisqu’en compensation les entreprises voient leurs coûts et leurs charges baisser et que leur intérêt est précisément de ne pas répercuter la hausse, pour bénéficier de cette compétitivité retrouvée.
Qui plus est, cette hausse porte sur des produits de consommation courante mais épargne les produits de première nécessité ; contrairement à ce que vous indiquez, elle ne touche donc pas forcément les plus modestes, et elle a cet énorme avantage de taxer surtout les produits importés.
En redonnant de la compétitivité à nos entreprises, sans que cette hausse se répercute automatiquement sur les prix, la TVA doit nous permettre de retrouver le même dynamisme que l’Allemagne ou le Danemark, qui ne sont pas les plus mauvaises références en la matière.
M. le président. La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour soutenir l’amendement n° 232.
M. Philippe Armand Martin. Je me livrerai à un petit rappel à l’intention de nos collègues de la majorité actuelle, par ailleurs inventeurs des 35 heures qui ont alourdi les charges de 12 % dans nos entreprises et généré du chômage – étant moi-même chef d’entreprise, je sais de quoi je parle, je ne pense pas que vous en connaissiez tellement sur la question. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Patrick Lebreton. Mais vous ne les avez pas supprimées !
M. Philippe Armand Martin. Aujourd’hui nous voulons créer des emplois. Pour cela, il faut de la croissance ; pour gagner de la croissance, il faut naturellement être compétitifs, et donc baisser les charges et le coût du travail. Voilà pourquoi la TVA « compétitivité » a pour premier objectif d’alléger massivement le coût du travail.
M. Michel Vergnier. Les idiots vous remercient, monsieur !
M. Philippe Armand Martin. Alors que nous traversons aujourd’hui une crise économique sans précédent, le maintien de la TVA compétitivité est plus que jamais nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.
M. Pierre Lellouche. Je vais vous faire une confidence…
Plusieurs députés du groupe SRC. Mais sur quel amendement est-il inscrit ?
M. Pierre Lellouche. Sur l’amendement n° 232.
Mme Catherine Quéré. Vous n’en êtes pas auteur !
M. Pierre Lellouche. Souffrez, madame, que l’opposition puisse s’exprimer…
M. le président. Exprimez-vous rapidement, monsieur Lellouche, car vous n’êtes effectivement pas auteur de l’amendement !
M. Pierre Lellouche. J’en reviens à ma confidence : Si un reproche peut être fait au gouvernement précédent à propos de la TVA anti-délocalisation, c’est bien celui de ne pas l’avoir adoptée dès 2007, comme l’ont fait les Allemands dès les années 2000.
M. Jean-Christophe Lagarde et M. Philippe Vigier. Bravo !
M. Pierre Lellouche. Madame Bricq, mon excellente successeure aux fonctions que j’occupais il y a encore quelques semaines, va découvrir une situation très simple, notamment dans le secteur automobile : de ce côté du Rhin, 70 milliards de déficit commercial, de l’autre, 160 milliards d’euros d’excédent : cherchez l’erreur ! Nos ingénieurs et nos ouvriers sont-ils plus débiles ou moins capables que les ouvriers et les ingénieurs allemands ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Pierre-Alain Muet. Faites l’inverse !
M. Pierre Lellouche. Non, le vrai sujet, c’est la compétitivité de notre économie, qui souffre d’un retard dans les réformes structurelles.
La baisse de la TVA et la baisse du coût du travail sont des éléments fondamentaux de la compétitivité de nos entreprises. J’en veux pour preuve – et je vous laisse méditer là-dessus – le fait que chaque jour 250 000 Français vont travailler de l’autre côté de la frontière. Pas au Vietnam, pas au Maghreb, pas en Europe de l’Est, mais dans des pays à monnaie forte : ils sont 80 000 au Luxembourg, 140 000 en Suisse, en Allemagne…
M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. C’est la même monnaie !
M. Christian Hutin. C’est totalement idiot !
M. Pierre Lellouche. Pourquoi ? Parce que les entreprises sont compétitives.
M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 233.
M. Jacques Myard. Je me demande parfois, monsieur le ministre, si vous avez saisi dans quel monde nous vivons et quelles sont les données macroéconomiques et monétaires qui s’imposent à nous.
C’est très simple. La TVA anti-délocalisation est une dévaluation interne semblable à ce qu’ont fait les Allemands il y a quelque temps. Si vous vous y refusez et si vous tapez ensuite sur le pouvoir d’achat des Français, vous vous retrouverez obligés de réduire les salaires. C’est aussi simple que cela. Car aujourd’hui, la politique d’austérité pratiquée par Bruxelles et sanctifiée par Francfort va inéluctablement vous conduire à agir sur les derniers paramètres : les salaires des Françaises et des Français.
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est ce que vous faites depuis cinq ans !
M. Jacques Myard. Voilà la réalité. Mais vous êtes aujourd’hui dans un complet déni de réalité, et c’est tout le peuple français, avec nos entreprises, qui subiront les conséquences de vos incongruités ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour soutenir l’amendement n° 235.
M. Arnaud Robinet. Depuis quelques jours, on entend dans la bouche de nos collègues de la majorité actuelle le mot « compétitivité ». Mais il ne suffit pas d’en parler ; il faut prendre les mesures nécessaires et qui portent leurs fruits. Malheureusement, ce n’est pas le cas de ce qu’on nous propose aujourd’hui.
Dans la compétitivité, il y a certes le coût du travail, et la TVA « compétitivité » visait à l’abaisser. Mais il y a également la recherche, l’innovation, la formation des demandeurs d’emploi et des jeunes, leur entrée dans le monde du travail, grâce notamment à l’apprentissage et à l’alternance.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est vrai.
M. Arnaud Robinet. Or, la semaine dernière, nous avons eu cette manifestation, cet écran de fumée, votre conférence sociale générale au cours de laquelle aucun de ces sujets n’a été abordé. En matière de compétitivité, c’est pourtant un devoir pour les responsables politiques que nous sommes d’agir et d’accompagner l’ensemble de nos entreprises.
Au-delà de la compétitivité, j’entends l’argument de la majorité, selon qui la TVA « compétitivité » nuirait au pouvoir d’achat des salariés français. Mais cette même majorité, probablement par le biais du PLFSS, ne manquera pas de nous annoncer une augmentation de la CSG, ce qui aura un impact direct sur les salaires !
L’article 2 de ce collectif budgétaire supprime par ailleurs les heures supplémentaires : cette mesure elle aussi aura évidemment un impact sur le pouvoir d’achat de nos salariés et de nos compatriotes.
Oui, les dispositions proposées dans ce collectif budgétaire ont bien un impact sur la compétitivité de nos entreprises et le pouvoir d’achat de nos compatriotes. Ce n’est pas de cette façon que nous préparerons l’avenir de notre pays et que nous laisserons à nos enfants une France compétitive.
Mme Catherine Quéré. Vous avez eu dix ans pour le faire !
M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir l’amendement n° 237.
M. Éric Woerth. Monsieur le ministre, ne persistez pas dans cette erreur ; je suis persuadé que les élus de l’opposition réussiront à vous en convaincre. En supprimant la TVA, vous nuisez à la compétitivité française. Vous savez bien que le coût du travail est au cœur des problèmes de compétitivité, même s’il n’est pas le seul – M. Eckert a raison sur ce point.
Par ailleurs, je signale que, dans les pays où la TVA élevée, le régime de protection sociale est souvent très élaboré. C’est vrai pour l’ensemble des démocraties nordiques où le régime de protection sociale est peu ou prou équivalent au régime français et où les taux de TVA dont élevés, car c’est une bonne façon de financer le système de protection sociale.
Vous avez cité M. Sarkozy, Mme Lagarde et d’autres encore qui, à une époque, faisaient montre de prudence sur la TVA sociale. Mais c’était une autre époque, avant la crise ! Après la crise, nous avons fait en sorte de prendre des mesures qui accroissent la compétitivité du pays, comme par exemple la baisse de la taxe professionnelle et son remplacement.
Je voudrais aussi pointer du doigt l’une de vos contradictions. Vous allez baisser la TVA et augmenter virtuellement les charges des entreprises, tout en affirmant vouloir relever la TVA sur la restauration. Curieuse manière de faire : d’un côté on baisse la TVA parce qu’il faut la baisser, de l’autre on l’augmente parce qu’il faut l’augmenter… Ajoutons que, si vous augmentez la TVA sur la restauration, ce sont de nombreux emplois qui seront supprimés dans ce secteur.
Enfin, un mot plus technique sur les mesures d’impact qui se trouvent à la fin du document budgétaire. Elles étaient auparavant très favorables à l’augmentation de la TVA et à la TVA sociale ; elles y sont désormais défavorables… Ce sont pourtant les mêmes qui les ont rédigées ! Il faudra bien à un moment donné prendre le temps de réfléchir tranquillement sur la qualité de ces études d’impact.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 416.
M. Charles de Courson. Je trouve formidable notre débat… Nous, les centristes, nous pourrions chanter une chanson célèbre : « Nous n’avons pas changé… »Nous avons toujours défendu la même idée mais, dans la vie politique, il convient de ne pas avoir raison trop tôt : en principe, on est mort depuis longtemps avant que les idées justes finissent par triompher.
Nous avons fini par convaincre nos collègues de l’UMP : réjouissons-nous ! L’actuelle opposition est désormais unanime pour trouver que l’idée est bonne, et elle commence même à progresser dans la majorité. M. Valls qui n’est quand même pas le dernier des imbéciles,…
M. Jean-Christophe Lagarde. Ça non ! C’est le ministre de l’intérieur, tout de même !
M. Charles de Courson. …qui réfléchit et se montre ouvert, a publiquement exprimé cette opinion. Soyez donc gentil avec lui et ne l’accablez pas, car ceux-là mêmes qui aujourd’hui tiennent des propos excessifs se convertiront un jour à cette idée centriste. Comme on disait en latin : In medium stat virtus.
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 417.
M. Jean-Christophe Lagarde. L’écart de compétitivité entre nous et nos principaux concurrents est le problème central.
Comme y faisait tout à l’heure allusion l’un de nos collègues, le Gouvernement a décidé de confier une mission importante à M. Sartorius pour étudier notamment les différentes stratégies industrielles que nous pourrions adopter. Sans doute M. Sartorius va-t-il pondre un rapport, mais il s’est déjà exprimé sur la question : il a notamment expliqué que le principal handicap de la France était que les charges patronales ne représentent que 23 % du salaire en Allemagne contre 49 % dans notre pays. Toujours selon votre expert, M. Sartorius, pour des niveaux de salaire sensiblement comparables, l’Allemand travaille généralement quarante heures, là où le Français ne travaille que trente-cinq heures, parfois moins. Cela suffit, dit-il, à expliquer un écart de compétitivité de 38 % entre les deux pays.
J’imagine que vous n’irez pas dire que c’est un incompétent, sans quoi ce n’est pas à lui que vous confieriez un rapport sur le redressement de la branche automobile et la stratégie industrielle française. Pourtant, c’est un constat qu’il faisait déjà il y a quelques mois.
Et, comme vient de le dire mon ami Charles-Amédée de Courson, certains d’entre vous, parmi lesquels le ministre de l’intérieur, même s’il est tenu à la solidarité gouvernementale, ont progressivement pris conscience que l’on ne pouvait continuer à faire peser l’intégralité de notre protection sociale sur le travail des seuls Français.
En réalité, l’article que vous nous proposez aura un effet : puisque vous refusez de faire financer notre protection sociale par la TVA sociale, c’est-à-dire par une partie du travail fait à l’étranger, par nos importations, vous la ferez reposer sur les seuls Français, et c’est ce que nous voulons vous empêcher de faire. En clair, vous ne leur laissez que le droit de payer leur protection sociale et d’acheter des produits étrangers qui ne paieront rien pour les assurer, ce qui ne fera qu’aggraver la distorsion de concurrence.
Je terminerai par un cri d’alarme. Vous promettez moins de compétitivité pour la France ; dans le même temps, vous commencez à annoncer l’arrêt des grands travaux, des hausses d’impôt, de la CSG et de la TVA sur la restauration. La TVA est donc bonne d’un côté, mauvaise de l’autre… On finit par ne plus rien comprendre, si ce n’est que vous nous menez tout droit à la récession !
M. Michel Vergnier. Vous aussi, vous avez augmenté la TVA d’un côté, pour la baisser de l’autre ! C’est la même logique !
M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n° 418.
M. Thierry Benoit. Nous aurons vraisemblablement du mal ce soir à convaincre nos collègues de la majorité. Mais je suis persuadé de l’utilité de ce débat sur la TVA sociale, parce que je suis heureux, comme mes collègues centristes et ceux de l’UMP, que l’on appelle enfin les choses par leur nom.
La TVA sociale est un concept que nous défendons depuis de nombreuses années. Il faut l’expliquer, non dans l’hémicycle pour nos collègues – tout le monde sait maintenant de quoi il s’agit –, mais pour les Français qui nous écoutent. Car c’est un débat, monsieur le ministre du budget, sur lequel nous reviendrons durant cette législature, j’en suis convaincu.
Il faut expliquer aux Français que la TVA sociale vise à transférer les taxes qui pèsent sur la production, et notamment la production industrielle, chère à nous tous, et en particulier à ce gouvernement et au ministre du redressement productif. Aujourd’hui, avant même qu’une entreprise s’installe sur le territoire national, son outil industriel est taxé.
Il s’agit aussi de trouver des solutions et des recettes pérennes au financement de notre protection sociale. Je pense, bien sûr, à tout ce qui tourne autour de la politique de la famille et des prestations sociales. Nous devons dire aux Français qu’après le financement des prestations sociales comme l’allocation personnalisée d’autonomie, le revenu de solidarité, active, les prestations de compensation du handicap et le financement de nos retraites, il y a encore un sujet qui nous attend dans les semaines qui viennent : le financement de la grande dépendance.
C’est pour cette raison, j’en suis convaincu, que le Gouvernement ne peut pas se priver de cette recette d’environ 12 à 13 milliards d’euros par an que représente la TVA sociale telle qu’elle a été présentée par le Gouvernement Fillon il y a quelques mois.
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 419.
M. Philippe Vigier. Il y a au moins un motif de satisfaction, c’est que le mot « compétitivité » est prononcé sur tous les bancs. Le Premier ministre n’ayant absolument pas abordé ce thème dans sa déclaration de politique générale, l’opposition a fait la preuve de son utilité en permettant que ce débat ait lieu.
M. le rapporteur général a fait référence aux coûts comparés en Allemagne et en France. Il a certainement lu ce très beau rapport d’Eurostat qui explique que le taux de marge des entreprises françaises, inférieur de trois points à celui des entreprises allemandes au début des années quatre-vingt-dix, est aujourd’hui inférieur de douze points. Au-delà du coût du travail, ce taux de marge, c’est l’investissement de demain. On ne peut pas, monsieur le rapporteur général, continuer ainsi, à constater des pertes de parts de marché, notamment avec l’Allemagne qui est notre premier concurrent et notre premier vendeur. On ne peut pas non plus continuer à laisser les pays émergents qui nous concurrencent chaque jour déstabiliser nos entreprises et nous conduire au chômage et aux drames sociaux que nous vivons aujourd’hui.
Charles de Courson l’a très bien dit : nous, les centristes, nous avons toujours été constants. Puisque M. Muet s’est fait le grand plaisir de citer Nicolas Sarkozy, je vais à mon tour citer Manuel Valls, qui disait en 2011 que seule la TVA sociale permettrait de sauvegarder notre système de protection sociale, de servir au réarmement industriel du pays et de créer 60 000 emplois par an.
Une seule question se pose, monsieur le ministre : que proposez-vous ? Le problème de la compétitivité est devant nous. Je veux bien que l’on soit bloc contre bloc, idée contre idée. Mais où est votre idée ? Est-ce seulement une augmentation de un à deux points de la CSG cet automne ? J’ai bien compris que la CSG, c’était la contribution socialiste généralisée, initiée par Michel Rocard ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Michel Vergnier. C’est de l’humour à trois balles !
M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 499.
M. Daniel Fasquelle. On a beaucoup entendu le Premier ministre, dans son discours de politique générale, parler de redressement dans la justice. En réalité, on ne trouve aucune mesure visant à faciliter le redressement de la France ; on est plutôt dans l’injustice que dans la justice.
En matière de compétitivité des entreprises, c’est le vide absolu. Aucune proposition concrète et précise. Tout ce que l’on sait faire, c’est remettre en cause ce qu’a fait la majorité précédente. Or vous avez eu les primaires, le débat de l’élection présidentielle, celui des législatives, et vous êtes aux manettes depuis le mois de mai. Résultat, en ce mois de juillet, la montagne a accouché d’une souris ! Encore faut-il bien chercher pour la trouver…
Ce que je regrette, c’est que non seulement vous n’avez rien à proposer, mais vous démolissez systématiquement ce que nous avons mis en place, des mesures courageuses et efficaces, ou du moins qui allaient porter leurs fruits. Parmi ces mesures, il y a la mise en place de la TVA antidélocalisations, que vous allez supprimer. Mais comme il vous faut de l’argent, vous allez faire les poches des Français, et pas seulement celles des plus riches ! On retombe dans une parfaite injustice, car vous avez beau le nier, vous augmenterez la CSG. C’est ce que vous préparez en douce. Mais sachez que les Français ne sont pas dupes ! La CSG, elle remplacera la TVA antidélocalisations, mais celle-ci le mérite de frapper les importations, de doper l’économie française et la compétitivité de nos entreprises. Enfin, elle pouvait n’être répercutée qu’en partie : il est évident que les entreprises n’auraient pas répercuté en totalité l’augmentation de la TVA sur les ménages, alors que la CSG, elle, les frappera de plein fouet.
Pour toutes ces raisons, je demande que cet amendement soit adopté et que le Gouvernement renonce à son projet funeste…
M. Jean-Christophe Lagarde. Hautement funeste !
M. Daniel Fasquelle. …qui consisterait à remettre en cause la TVA antidélocalisations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. La discussion a été longue : je me contenterai de revenir sur deux points.
Monsieur Vigier, nous n’allons pas faire discuter éternellement sur l’étude d’Eurostat, mais je vous rappelle simplement que c’est votre majorité qui était aux commandes ces dix dernières années. Le différentiel avec l’Allemagne s’est aggravé, vous avez tout à fait raison, mais c’est le fait de votre politique. Permettez-moi de constater que, dans le secteur industriel, même si l’écart s’est réduit, il reste encore très légèrement en faveur de la France.
M. Pierre Lellouche. Non, c’est faux !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Quant à M. Fasquelle, il soutient que ce collectif budgétaire ne sert à rien.
Quelle est la motivation du Gouvernement et de la majorité ? Pourquoi avons-nous fait un collectif, mes chers collègues ?
M. Pierre Lellouche. Pour prélever 7 milliards d’impôts !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Pour les raisons que j’ai évoquées à cette tribune, mais vous n’étiez sans doute pas là : il manquait des recettes pour tenir l’objectif de 4,5 % de déficit fin 2012. C’est ce qu’a constaté la Cour des comptes : des dépenses sous-estimées, des recettes surestimées, un défaut de recettes, notamment sur l’ISF. Ce sont donc des mesures nécessaires si l’on veut atteindre l’objectif de 4,5 %.
M. Pierre Lellouche. Vous avez fait des cadeaux électoraux !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Arrêtez avec vos fantasmes, mes chers collègues !
Il n’y a pas un orateur chez vous qui n’ait parlé de CSG. Il n’y a pas une ligne dans ce projet de loi de finances rectificative qui parle de CSG. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Chers collègues, laissez le rapporteur général s’exprimer !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Bien entendu, votre rapporteur général est défavorable à l’adoption de tous ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable.
Comme d’autres arguments ont été développés par des parlementaires qui n’étaient pas inscrits sur l’article, je me permets d’y répondre.
D’abord, je le répète, l’application de ce dispositif n’aboutirait, en termes de compétitivité-prix, qu’à une baisse du prix du produit fini. En passant de 0,4 à 0,8 %, vous pouviez en espérer je ne sais quel miracle en termes de compétitivité, d’exportation, d’emploi – tout à l’heure, j’ai même entendu parler de solidarité. Mais c’est un peu trop charger la barque avec cette mesure dont l’effet aurait été, hélas ! dérisoire en termes de compétitivité, quand bien même il aurait été massif en termes de consommation des ménages. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Or c’est une des spécificités par rapport à d’autres pays, et notamment l’Allemagne, la croissance économique de notre pays est pour les deux tiers assurée par la consommation des ménages. On peut d’ailleurs le regretter et se demander pourquoi, depuis tant de temps, les pouvoirs publics n’ont pas tenté de modifier la structure de notre croissance économique afin de faire une part plus belle aux investissements et au commerce extérieur, comme en Allemagne. Mais il se trouve que cette année et, je le crains, pour quelque temps encore, la structure de notre croissance économique est pour l’essentiel fondée sur la consommation des ménages. Par conséquent, augmenter la TVA de près de 12 milliards d’euros, c’est compromettre la consommation des ménages et le peu de croissance économique que, hélas, vous nous laissez, mesdames et messieurs de l’opposition, après dix ans de majorité sans partage !
Si nous voulons éviter un dialogue décevant, nous pourrions tenter de préciser ce dont nous parlons. Si l’on fait masse de l’ensemble des secteurs – services, agroalimentaire, industrie – il est probable que les chiffres donnés par les uns et par les autres soient exacts. Il me paraît plus intéressant – Marc Le Fur s’y est essayé – d’identifier par secteurs ce que peuvent être les handicaps. Il est vrai, monsieur le député Le Fur, que l’industrie agroalimentaire a un réel problème de compétitivité-prix par rapport à l’Allemagne. C’est une des raisons pour lesquelles l’Allemagne est passée devant nous. Je vous rappelle que les Pays-Bas sont également passés devant nous au cours des dix années pendant lesquelles vous avez eu une majorité sans partage.
Mme Marie-Christine Dalloz. Vous l’avez partagée, vous, la majorité ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Permettez-moi de vous rappeler que nous ne sommes aux affaires que depuis un mois, pas depuis le 6 mai : pour gouverner ce pays, encore faut-il une majorité dans cette assemblée ! Cela fait un mois que nous sommes en responsabilité…
Un député du groupe UMP. C’est déjà trop !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …vous l’avez été pendant dix ans et, en vous entendant, j’ai parfois le sentiment que la situation catastrophique du pays, le chômage, le commerce extérieur, la compétitivité, tout cela est dû à un seul mois de Gouvernement sous l’autorité de Jean-Marc Ayrault et la houlette de François Hollande, et que l’ensemble des ministres qui viennent de s’exprimer et qui continuent à vouloir le faire de leur banc, ceux-là mêmes qui ont été parlementaires de la majorité depuis 2002 et ministres du Gouvernement entre 2007 et 2012, n’étaient pour rien au monde responsables de quoi que ce soit ! Assumez donc un tout petit peu votre bilan et tentons d’avoir un dialogue un peu plus constructif que celui qui s’annonce ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Oui, dans l’industrie agroalimentaire et à la suite des politiques menées de façon non coopérative par l’Allemagne, nous avons un problème de compétitivité-coût, un problème qui se règlera probablement plus vite quand Polonais et Tchèques demanderont à être traités comme des salariés méritent de l’être dans l’Europe que nous voulons ; et plutôt de cette façon qu’autrement, car nous savons les difficultés que rencontre l’industrie agroalimentaire en France.
Les services ont-ils un problème de compétitivité par rapport à d’autres ? Oui, en partie, et pour autant, c’est tout de même un secteur protégé dans notre pays. On peut donc se demander s’il est intelligent d’y consacrer des moyens publics dès lors qu’il est protégé.
Quant au secteur industriel qui est, en vérité, la priorité de tous, ce fut, je le crois, votre priorité lorsque vous avez in extremis déposé cette mesure après dix ans de pouvoir. Ce pourrait être la priorité de cette majorité et de ce gouvernement tant il est vrai que la part de l’industrie dans la valeur ajoutée produite dans ce pays s’est considérablement réduite pendant les dix ans où vous étiez aux affaires.
M. Pierre Lellouche. Et les 35 heures ?
M. Michel Vergnier. Vous auriez pu les supprimer !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ne vous exonérez pas sur d’autres que vous-mêmes, car c’est vous qui aviez et la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat. Naturellement, c’étaient vos amis qui occupaient l’hôtel Matignon et l’Élysée.
Assumez vos responsabilités en la matière et convenons que, pendant ces dix ans, la part de l’industrie dans la valeur ajoutée produite s’est effondrée dans notre pays au point que nous sommes derrière la Grande-Bretagne – dont le précédent Président de la République disait que c’était un pays qui avait sacrifié son industrie.
M. Daniel Fasquelle. Qu’est-ce que vous proposez ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Et ce n’est pas, cette dernière année, cet effort un peu pathétique de baisse du coût du travail pour une baisse du produit fini de 0,4 à 0,8 % qui peut faire oublier les dix ans d’incurie auxquels vous nous avez malheureusement livrés en la matière, sinon dans tous les domaines.
M. Pierre Lellouche. Qu’est-ce que vous proposez ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ayons ce débat, tentons d’identifier les difficultés que tel ou tel secteur peut avoir, et que ceux qui en ont la responsabilité, monsieur Lellouche, assument les 70 milliards de déficit commercial de ce pays ! Après tout, vous étiez en responsabilité dans ce domaine. Vous n’étiez pas obligé de l’accepter. Il me semble que l’honneur autant que la dignité commanderaient que vous l’assumiez davantage, sans vous en prendre aujourd’hui à vos collègues de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Enfin, je me permettrai une remarque amicale envers M. de Courson et une autre qui le sera peut-être moins.
La remarque amicale est la suivante : il me semble que in, en latin, est suivi de l’ablatif et non de l’accusatif. Ce n’est donc pas « in medium », mais « in medio ». Sauf s’il y a une exception, et si tel est le cas, monsieur de Courson, je vous en donnerai acte bien volontiers !
Mon autre remarque sera moins amicale, et vos collègues de l’opposition pourraient la partager avec moi. J’ai cru comprendre que beaucoup regrettaient que ce projet n’ait pas été proposé à la majorité de l’époque au début de la mandature précédente. Convenons que celui qui préside le groupe parlementaire auquel vous avez décidé d’adhérer n’a pas contribué pour peu, au début de la précédente mandature, à ce que ce projet ne voie pas le jour… Peut-être vous souvenez-vous des déclarations de M. Borloo entre les deux tours des élections législatives : j’ai la faiblesse de penser que ce qu’il a dit n’a pas été pour rien dans le retard de maturation de ce projet dans une majorité à laquelle vous apparteniez déjà.
C’est aujourd’hui le président du groupe UDI, j’ai cru comprendre qu’il faisait partie de l’opposition ; peut-être aurez-vous à régler quelques contradictions, et au sein de ce groupe et entre vous…
M. Charles de Courson. Pas du tout !
M. Céleste Lett. Réglez d’abord les vôtres !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ce n’est naturellement pas l’occupation ni de la majorité ni du Gouvernement, mais je me permettais de faire cette remarque puisque j’ai cru comprendre que certains regrettaient le retard à l’allumage en la matière. Il me semble que si retard à l’allumage il y a eu, l’un de vos amis dans l’opposition porte une part de responsabilité non négligeable.
M. Pierre Lellouche. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, vous commencez par dire que vous souhaitez mener un débat serein, puis vous utilisez des mots comme « incurie » ou « pathétique » qui ne sont pas de nature à ramener la sérénité.
M. Thierry Mandon. Il a l’esprit de synthèse !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vais, pour ma part, essayer de dire les choses telles que je les ai ressenties précisément ces dix dernières années, et en particulier ces cinq dernières années.
Dans toutes les interventions de nos collègues qui ont présenté ces amendements, il y a une constante : nous avons aujourd’hui un problème de coût du travail dans notre pays. Ce problème de coût du travail est intimement lié aux modalités historiques de financement de la protection sociale (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.).
M. Thierry Benoit. Eh oui !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est cela, le vrai sujet. Ma conviction, c’est vrai, c’est que nous aurions dû prendre cette question à bras-le-corps au début de la précédente législature en 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Pourquoi ne l’avons-nous pas fait ?
Des maladresses ont été commises. À cette époque déjà, nous avons été empoisonnés par l’expression de « TVA sociale » ; des difficultés sont survenues et nous avons renoncé. Mais nous avons renoncé aussi parce que nous étions encore dans un contexte de croissance. Et nous avons eu tort.
À partir de 2008, deux révélateurs ont surgi : d’abord la crise, qui a accéléré ce phénomène de perte de compétitivité, de dégradation des marges de nos entreprises et donc de l’emploi. Et puis, pendant ces quatre années, de 2008 à 2012, nous avons pris conscience progressivement d’une modification profonde du coût du travail en Allemagne.
En effet, monsieur le rapporteur général, vous qui êtes presque frontalier, vous le savez…
M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous pouvez enlever le « presque ».
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il y a dix ans, le coût du travail était très supérieur en Allemagne ; vinrent ensuite les mesures dites Schröder et un blocage des salaires qui a duré presque dix ans.
M. Philippe Vigier. C’est exact !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et aujourd’hui, nous nous retrouvons avec des coûts du travail comparables. Il y a dix ans, notre force, c’était une compétitivité-prix et une compétitivité-coût ; nous l’avons perdue. Et quand on interroge des industriels français, notamment dans des ETI, qui sont en compétition sur des marchés à l’international et qui les perdent, face à qui les perdent-ils dans 90 % des cas ? Face à leurs concurrents allemands.
Nous avons donc un problème. Après avoir mis du temps, c’est vrai, à en prendre vraiment conscience, nous avons essayé de le traiter en fin de législature, au début de l’année 2012, non sans nous poser bien des questions.
Éric Woerth disait tout à l’heure, sous forme de boutade, que même si on avait proposé la CSG comme seule ressource de remplacement au financement de la protection sociale exclusivement sur le travail, vous auriez sans doute remis en cause cette réforme. Ces interrogations, nous les avons eues entre nous : ne fallait-il pas faire davantage appel à de la CSG qu’à de la TVA ?
D’ailleurs, la décision qui a finalement été prise a été de composer un ensemble,…
M. Philippe Vigier. Un mix !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …un cocktail, si je puis dire, de CSG – plutôt sur le patrimoine parce qu’on pensait que c’était une manière de faire contribuer avant tout les ménages les plus aisés –, et de TVA. Nous avons eu aussi de longues réflexions sur le niveau d’augmentation. Si on a choisi 1,6, c’est parce qu’il nous a semblé, au vu d’expériences étrangères et de l’expérience française, qu’à 1,6, une partie substantielle de l’augmentation ne serait pas répercutée sur les prix. Tout cela a donc été absolument réfléchi.
Ma conviction, à ce stade, c’est que nous n’échapperons pas à une modification du financement de la protection sociale.
M. Thierry Benoit. Très juste !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Au terme de ce débat, serait-il possible de nous mettre d’accord sur ce point : est-il logique de maintenir le financement d’une politique de solidarité nationale comme la politique familiale, un enjeu de 35 milliards d’euros, exclusivement par le travail, en pénalisant le travail fait en France, alors que manifestement ce type de politique universelle doit relever d’autres formes de financement ?
M. Thierry Benoit. Exactement !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Sur ce sujet, nous devrions pouvoir trouver un accord. Et une fois l’accord obtenu sur cet aspect des choses, se posera la question de savoir par quel type de ressource remplacer l’actuel financement.
Je suis persuadé, pour ma part, qu’il faudra imaginer, de façon pragmatique, des paniers de recettes, comme on l’a d’ailleurs toujours fait sur les questions de ressources de la Sécurité sociale. Dans ces paniers de recettes, la CSG évidemment, la TVA très probablement et peut-être la fiscalité environnementale, comme nous avons essayé de le faire. En tout cas, je souhaiterais qu’au terme de ce débat, nous tombions d’accord au moins sur deux points : premièrement, au-delà du problème du coût du travail, sur le fait que le financement d’une partie de la protection sociale relève beaucoup plus naturellement de mécanismes de type universel ; deuxièmement, sur la nécessité de bannir l’idéologie et d’adopter l’approche la plus pragmatique possible sans brûler aucun vaisseau, car vous serez peut-être les premiers, messieurs, à regretter d’avoir trop rapidement fermé telle ou telle piste. N’oubliez jamais que, faute de réflexion et de maturation, on fait souvent des erreurs en début de législature qu’on regrette amèrement ensuite (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.).
M. Yves Jégo. Très juste !
M. Jean-François Lamour. Ça, c’est un vrai président !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous avons une vision très différente de la TVA. Puisque vous avez la mémoire sélective, remontons en arrière. Fin 1999, deux mesures sont prises par la gauche sur la TVA : premièrement, la baisse de la TVA sur les médicaments remboursables, de 7 % à 2,1 % – mesure logique puisque c’est l’État qui prélevait de la TVA remboursée par la Sécurité sociale ; vous n’êtes pas revenus dessus ; deuxièmement, la baisse de la TVA de 26 % à 5,5 % sur la rénovation de l’habitat, pour lutter contre le travail au noir et créer de l’emploi ; vous n’êtes pas davantage revenus dessus.
M. Marc Le Fur. Vous ne reviendrez pas dessus j’espère !
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’était donc bien logique. La TVA, quoi que vous en disiez, est un impôt indirect, donc injuste. Et comme M. de Courson se plaît à citer la chanson française, je vais m’y essayer également. Quand vous parlez de TVA sociale, nous répondons : « Antisocial, tu perds ton sang-froid ! »
M. Étienne Blanc. Quelle finesse ! Quelle finesse !
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Notre rapporteur général m’en excusera, j’ai sous les yeux les chiffres de l’enquête Eurostat de 2011 sur les coûts du travail des salariés dans l’ensemble de l’économie, industrie et services marchands : 34,20 euros l’heure en France, contre 30,1 en Allemagne. Cessons donc le débat, il y a bien une différence entre la France et l’Allemagne en matière de coût de travail !
Mettons-nous d’accord au moins sur l’analyse ; nous débattrons après. J’ai beaucoup apprécié, pour ma part, le propos de notre rapporteur général. C’est vrai que, parmi les cotisations sociales, il y a aujourd’hui des mesures de solidarité nationale qui n’ont plus à y figurer.
Tout ce qui peut s’apparenter à un salaire différé, comme les retraites, la maladie et bien sûr les accidents du travail, doit naturellement relever des cotisations sociales, patronales et salariales. Mais ce qui s’apparente à une solidarité de nature universelle doit être pris en compte par la nation dans son ensemble.
Cela devrait d’ailleurs vous agréer, car cela veut dire que paieront et le travail, et le capital. Cela devrait vous plaire, puisque c’est l’ensemble des forces économiques qui contribueront à cette solidarité nationale !
M. Nicolas Sansu. Mais pas la TVA, dans ce cas-là !
M. Marc Le Fur. Voilà ce que nous devons faire, ensemble. C’est la condition pour que notre pays reste compétitif par rapport à nos partenaires européens.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Je ne sais pas si je pourrais en deux minutes répondre à ce long débat, mais je pense que la première des questions à se poser, c’était celle qu’évoquait M. Ollier : est-il pertinent de transférer des cotisations sociales sur les ménages ?
Personne n’ignore qu’un allègement de cotisations a un effet positif sur la croissance et qu’une hausse de la TVA a un effet négatif. Le vrai problème de cette mesure, c’est qu’elle est asymétrique : la hausse d’un point de TVA, c’est 0,9 point de croissance en moins. Les chiffres que je cite sont ceux que citait en 2004 un ministre des finances que vous connaissez très bien, mais ils sont tout aussi vrais aujourd’hui : c’est toujours à peu près un point de croissance en moins. Et l’allégement de cotisation, seulement 0,4 point de croissance en plus. Autrement dit, quand on lie les deux, pour un point de transfert de charges, on se retrouve avec un demi-point de croissance en moins. Croyez-vous que ce soit la mesure à prendre aujourd’hui ? Évidemment non.
Vous avez pris pour exemple les pays qui ont opté pour des allègements de cotisations sociales. En fait, il y en a trois. L’Allemagne – un petit peu : un point –,…
M. Pierre Lellouche. Trois points et demi !
M. Pierre-Alain Muet. …le Danemark, il y a vingt ans, et enfin la France, qui l’a fait d’une tout autre façon, aussi bien sous la gauche que sous la droite, en se disant que ce qui compte, c’est d’alléger les cotisations sociales là où le coût du travail peut être important, c’est-à-dire sur les niveaux de salaire les plus bas. C’est ainsi que nous avons mis en place – quand je dis « nous », c’est aussi bien la gauche que la droite – des allègements de cotisations progressifs grâce auxquels, au niveau du salaire minimum, il n’y a pratiquement plus de cotisations employeur. C’est là une démarche totalement différente de celle qu’ont adoptée les deux autres pays qui, eux, ont fait des transferts sur la TVA. Voilà pourquoi je maintiens que ce problème ne se pose pas en France. On peut le poser pour des raisons idéologiques ; mais que l’on regarde la situation conjoncturelle ou les raisons structurelles qui conduisent à prendre une telle mesure, cela n’a pas de sens.
Quant au problème de compétitivité, nous ne le nions pas…
Mme Marie-Christine Dalloz. Ça, c’est très bien !
M. Pierre-Alain Muet. La France avait, entre 1995 et 2003, un à deux points de PIB d’excédent, soit 20 à 30 milliards. Depuis 2004, la situation n’a cessé de se dégrader pour atteindre 70 milliards de déficit. Je rappelle qu’en 2002, monsieur Lellouche, l’Allemagne était presque en déficit – en tout cas, nous avions un excédent supérieur. Ça devrait vous amener à réfléchir sur les politiques que vous avez menées depuis dix ans : parce que le vrai problème de notre pays, c’est la désindustrialisation massive.
M. Pierre Lellouche. Mais pourquoi ? Pourquoi ?
M. Pierre-Alain Muet. Quand 750 000 emplois sont détruits dans l’industrie, alors que de 1997 à 2002, la France créait en cinq ans deux millions d’emplois et l’industrie en créait elle-même 30 000, c’est bien qu’il y a un vrai changement. Voilà la vraie question, et cela n’a rien à voir avec l’Allemagne ou le coût du travail.
Vous vous êtes trompé dans vos chiffres, monsieur Le Fur : 33 euros, c’est dans l’industrie. Quand on fait des comparaisons de coût, on les compare dans des secteurs concurrentiels, pas dans l’ensemble de l’économie.
Et quand je parle de coût horaire, vous savez tous, mais peut-être pas tous, qu’en Allemagne on travaille trente-cinq heures et demi par semaine.
M. Pierre Lellouche. Non !
M. Pierre-Alain Muet. Eh si ! Les trente-cinq heures, c’est en Allemagne ; nous, c’est trente-huit heures en moyenne. L’avantage de compétitivité coût est donc pour nous.
Autrement dit, s’il y a bien une mesure qui n’a aucun sens dans la conjoncture actuelle et qui ne répond pas vraiment à un problème structurel de compétitivité auquel il faudrait réfléchir ni au problème de réindustrialisation de la France, c’est bien cette TVA sociale que nous allons supprimer.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je voulais, parce que je suis têtu, vous redire, cher collègue Le Fur, que si nous avons les mêmes tableaux, j’ai bien précisé que je parlais de l’industrie manufacturière, par définition délocalisable ; vous, vous parlez tous industrie et services confondus.
M. Marc Le Fur. Les services aussi sont délocalisables !
Mme Marie-Christine Dalloz. Et la durée hebdomadaire de travail en Allemagne n’est pas de 35 heures !
M. le président. Merci, monsieur le rapporteur général. Nous passons au vote.
(Les amendements identiques nos 111, 175, 191, 219, 220 à 237, 416 à 419 et 499 ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le président, je demande, pour des raisons techniques, une suspension de séance de quelques minutes.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l'amendement n° 489.
M. Hervé Mariton. Le Gouvernement ne veut pas de la TVA sociale, mais il veut bien de l’augmentation des prélèvements sociaux sur le patrimoine décidée par la précédente majorité. Il serait donc cohérent d’alléger le coût du travail, en diminuant la cotisation patronale pour la branche famille, à due proportion du maintien de l’augmentation des recettes en question.
Même si nous regrettons votre choix, nous avons compris que vous supprimez une partie des recettes prévues en n’assumant pas notre décision de mettre en place la TVA sociale. Mais, puisque vous reprenez à votre compte l’augmentation des prélèvements sociaux, la moindre des cohérences, la moindre des corrections à l’égard de nos concitoyens, des acteurs économiques serait, dans l’intérêt même de notre pays, de diminuer le coût du travail.
Cette mesure serait à la fois cohérente, normale et juste.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission a repoussé l’amendement.
M. Mariton propose de supprimer l’affectation de 800 millions d’euros de recettes en 2012 – 400 millions étant destinés à l’allocation de rentrée scolaire et 400 millions à la Caisse nationale d’assurance vieillesse. En année pleine, ce montant s’élève à 2,6 milliards d’euros, soit 400 millions pour l’allocation de rentrée scolaire, et 2,2 milliards pour la CNAV dont le déficit en 2012 devrait être de 5,8 milliards d’euros. Autant dire que les 2,2 milliards prévus seront nécessaires à l’équilibre de cette caisse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement pour trois raisons.
Tout d’abord, monsieur Mariton, vous ne pouvez sérieusement prétendre que le montant que vous voulez affecter à la baisse des cotisations patronales pour la branche famille pourrait créer un quelconque choc de compétitivité. Déjà qu’il s’agissait d’un effort faible, ajouter l’effet de l’augmentation de la TVA est dérisoire.
Ensuite, vous dites que nous n’assumons pas la hausse prévue de la TVA ; pour ma part, je dirais que nous récusons cette mesure. Nous nous inscrivons en effet dans une logique totalement différente qui tend, dès ce projet de loi de finances rectificative et ultérieurement, à aligner la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail. En rapprochant la fiscalité du capital – via les 2 % – de ce que le travail acquitte au titre de la protection sociale, la majorité précédente nous a aidés, peut-être sans le vouloir, dans une entreprise que nous avons largement présentée aux Français lors de la campagne électorale.
Enfin, l’affectation à la CNAV est d’autant plus nécessaire que les comptes sociaux que vous nous avez laissés, mesdames et messieurs de l’opposition, sont gravement déficitaires. À ce sujet, je ne reviendrai pas sur le débat concernant la règle d’or relative à la CADES.
Pour ces trois raisons, je demande à l’Assemblée de repousser l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. J’observe seulement que le rapporteur général reconnaît que le dispositif du projet de loi de finances rectificative dont nous discutons a en partie pour objectif de financer des dépenses nouvelles.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais non !
M. Hervé Mariton. C’est pourtant ce que vous venez de dire concernant l’allocation de rentrée scolaire !
Dès le mois de mai, vous avez décidé d’engager des dépenses nouvelles et vous maintenez donc des financements, quand bien même ils sont sans rapport avec l’objet qui a motivé leur mise en place.
Monsieur le ministre, vous avez raison de vouloir rapprocher la fiscalité du travail et celle du capital. Mais il y a deux manières de le faire. L’une consiste à augmenter la fiscalité des uns, l’autre à alléger la fiscalité des autres. Pour notre part, c’est plutôt ce dernier choix que nous faisons en proposant d’alléger les charges pesant sur le travail.
Cette solution me paraît raisonnable. Elle va même dans votre sens.
M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric Woerth. Monsieur le ministre, vous parlez du caractère dérisoire de ce « choc ». Cependant, s’il ne s’agit pas d’un choc de compétitivité, la mesure que nous proposions en matière de TVA, et que relaye l’amendement présenté par M. Mariton, ne constituait qu’une première étape. Il faut évidemment aller beaucoup plus loin en termes de transfert des charges sociales du travail vers une autre fiscalité. Un prélèvement plus large doit permettre d’arriver à percevoir 30, 40 ou 50 milliards d’euros, mais il faut bien commencer. Une première étape n’a donc rien de dérisoire.
Par ailleurs, alors que nous traversons une période particulièrement difficile, il ne me semble pas bon de financer une dépense nouvelle comme l’allocation de rentrée scolaire, quelle que soit la légitimité sociale qu’on puisse lui trouver. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Tout prélèvement supplémentaire doit aller au financement de la dette et des dépenses existantes. Nous ne pouvons pas créer des dépenses nouvelles et donc de nouveaux financements.
Votre idée ressemble à celle qui vous a poussés à modifier à la marge la réforme des retraites en affectant des prélèvements en guise de financement. C’est une drôle d’idée. S’il y a des dépenses à financer, ce sont bien celles d’aujourd’hui, et pas des dépenses nouvelles.
(L'amendement n° 489 n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 96 de la commission.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
(L’amendement n° 96, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 98 de la commission.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Amendement de précision.
(L’amendement n° 98, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 97 de la commission.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Amendement de coordination.
(L’amendement n° 97, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 420, 421 et 423.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 420.
M. Charles de Courson. Cet amendement soulève deux problèmes.
Tout d’abord, le Gouvernement annule la réforme qui consistait à baisser les cotisations sociales patronales, mais il conserve l’augmentation de deux points de la CSG sur les revenus du patrimoine qui était destinée à compenser en partie cet allégement et qui devrait rapporter à l’État 2,6 milliards. Cet amendement tend donc à supprimer les alinéas 38 à 49 de l’article 1er, qui maintiennent l’augmentation de la CSG, car il faut être logique : si l’on supprime la dépense, il faut supprimer la recette.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous affectez l’essentiel de ces 2,6 milliards – c’est-à-dire 2,2 milliards – à la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
M. Jacques Myard. C’est du favoritisme !
M. Charles de Courson. Vous levez donc un impôt universel pour financer une caisse qui ne couvre que 60 % environ de la population française, ce qui, me semble-t-il, pose un problème d’ordre constitutionnel Vous les auriez affectés à la CNAF, le problème ne se serait pas posé, puisqu’il s’agit d’une caisse universelle.
Pourriez-vous nous répondre sur ces deux points, monsieur le ministre ?
M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, pour soutenir l’amendement n° 421.
M. Yves Jégo. Comme l’a indiqué M. de Courson, nous nous étonnons que le Gouvernement n’annule que partiellement la réforme qui a entraîné la création de la TVA sociale, pour conserver l’une des recettes prévues. Il y a là une incohérence dans la mécanique juridique qui mérite des explications de votre part, monsieur le ministre. Il serait, me semble-t-il, plus raisonnable d’annuler l’ensemble de la réforme et, si le Gouvernement veut financer des dépenses nouvelles, de créer les recettes correspondantes. En tout état de cause, ce petit tour de passe-passe mérite au moins quelques explications.
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 423.
M. Philippe Vigier. Charles de Courson vient d’insister avec raison sur l’incohérence du dispositif, puisque l’on vient d’annuler purement et simplement la création de la TVA sociale et l’allégement de 13 milliards des cotisations sociales qui pèsent sur les entreprises. Or, il était prévu que cet allégement soit compensé non seulement par la hausse de la TVA, mais aussi par une augmentation de deux points des cotisations sociales sur les revenus du capital. Dès lors que le Gouvernement revient sur la réforme et sur la TVA sociale, il devrait, au nom de la cohérence, supprimer également cette augmentation des prélèvements sociaux.
Par ailleurs, lorsque M. Cahuzac était conseiller de François Hollande, il avait déclaré dans Les Échos, en janvier 2012, que ce serait une erreur de la part de Nicolas Sarkozy d’augmenter la CSG. Mais, si l’on porte le taux de ces prélèvements sociaux de 13,5 % à 15,5 %, on diminue le pouvoir d’achat du retraité, du commerçant ou de l’artisan qui perçoit un loyer, des dividendes ou une plus-value. Le Gouvernement va donc aller chercher de l’argent dans la poche notamment des classes moyennes qui bénéficient, en particulier lorsqu’ils perçoivent de petits loyers, d’un complément de revenus important.
M. le président. Sur l’article 1er, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. J’émets un avis défavorable à ces trois amendements.
Par ailleurs, je tiens à vous répondre, monsieur Woerth. Lorsque vous étiez ministre du budget, les dépenses fiscales ou les dépenses nouvelles que vous créiez étaient systématiquement financées par la dette et aggravaient donc le déficit. Ce fut notamment le cas de la loi TEPA, ainsi que nous l’avons démontré à de nombreuses reprises. Depuis, c’est vrai, il y a eu du changement : désormais, les mesures nouvelles, notamment l’augmentation de l’ARS, sont financées par des recettes. Cette augmentation ne pèsera donc pas sur le déficit, et encore moins sur la dette.
J’ajoute que, si nous conservons cette recette de 2,2 milliards en année pleine, c’est pour mettre fin au déficit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse que vous nous avez laissé. Tout cela est donc cohérent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable à ces amendements, pour les raisons que vient d’indiquer le rapporteur général. Il est en effet peut-être encore temps de rappeler qu’outre le budget de l’État, les comptes sociaux sont eux-mêmes très gravement déficitaires et que, s’il est une justification à ce projet de loi de finances rectificative, elle réside, comme l’a montré le rapport de la Cour des comptes, dans les recettes supplémentaires dont le pays a besoin pour honorer sa parole.
Cette recette est incontestablement nouvelle, et je m’étonne que ceux qui l’ont votée l’assument si mal aujourd’hui. Nous proposons à l’Assemblée nationale de la conserver et de l’affecter à la protection sociale dont on sait qu’elle n’atteindra pas, hélas ! l’équilibre cette année.
Quant à l’argument juridique selon lequel le dispositif serait inconstitutionnel, je crains qu’il n’y ait une confusion, ce qui m’étonne de la part de spécialistes tels que les députés Vigier et de Courson. Tout d’abord, il ne s’agit pas de la CSG, mais d’une augmentation de 2 % du prélèvement sur le capital. Le Gouvernement précédent avait proposé une hausse de deux points de la CSG, mais un amendement très astucieux du rapporteur général de l’époque l’avait transformé en 2 % sur le capital, pour éviter que la majorité n’ait des difficultés à traiter la question d’une éventuelle déductibilité. Ensuite, il se trouve que des prélèvements sur le capital existent déjà qui financent, non pas la CNAM, mais la CNAV et le Conseil constitutionnel n’a jamais rien trouvé à y redire. Peut-être modifiera-t-il sa jurisprudence, mais j’en doute. Quoi qu’il en soit, en l’état actuel des choses, le dispositif que nous proposons ne court aucun risque d’inconstitutionnalité.
M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric Woerth. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous savez bien que les déficits des comptes sociaux sont largement dus à la faiblesse de la masse salariale : on voit bien que, lorsque le chômage diminue, les modalités de financement de notre protection sociale s’améliorent. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas faire de réformes structurelles, précisément pour éviter de se retrouver dans une telle situation. Ainsi, en 2011, nous sommes quasiment parvenus à tenir l’ONDAM, c’est-à-dire à maîtriser les dépenses d’assurance maladie, ce qui n’était pas arrivé depuis bien longtemps et ce qui est assez compliqué, comme vous pourrez le constater.
Par ailleurs, en ce qui concerne la Caisse nationale d’assurance vieillesse, vous insistez sur la nécessité de la financer, mais vous n’avez pas voté la réforme des retraites dont nous avons débattu, ici, durant des dizaines d’heures. Dois-je rappeler que la moitié du déficit des retraites était financée par des mesures d’âge et l’autre moitié par des mesures d’ordre financier, qui dépendent d’ailleurs beaucoup de la conjoncture économique ? C’est bien cela qu’il faut continuer à rectifier.
Bien entendu, rien n’est définitivement arrêté dans un monde qui bouge sans arrêt. Mais il est assez curieux que vous ayez pris des mesures assez laxistes en matière de retraite et que vous financiez la CNAV de manière complémentaire.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à ma question : pourquoi avez-vous choisi la CNAVTS, qui ne couvre qu’un peu plus de 60 % des actifs ? Ce n’est qu’une caisse parmi d’autres. Or, à recette universelle, affectation universelle. Vous nous auriez proposé d’affecter cette recette au prorata selon tels critères, nous aurions pu en discuter, mais pourquoi l’affecter exclusivement à la CNAV ? Les 400 millions affectés à l’ARS ne posent pas de problème, puisqu’il s’agit d’une prestation universelle sur une branche universelle. En revanche, le choix de la CNAVTS pose, je le répète, un problème, et vous ne m’avez pas répondu sur ce point. Je rappelle qu’il existe 22 ou 23 caisses de retraite en France.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur de Courson, la réponse est assez simple : nous avons fait ce choix parce qu’il s’agit du régime le plus déficitaire. D’autres régimes reçoivent également des recettes de nature fiscale.
(Les amendements identiques nos 420, 421 et 423 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 1er.
(Il est procédé au scrutin.)
Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe écologiste. Nous n’avons pas eu le temps de voter !
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l’adoption 61
contre 48
(L’article 1er, amendé, est adopté.)
(Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 1er.
M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n° 182.
M. Denis Baupin. Monsieur le président, puisque cette assemblée compte de nombreux nouveaux députés et qu’il s’agissait du premier scrutin public, il aurait été souhaitable que vous nous laissiez un peu plus de temps pour voter.
Le groupe écologiste a déposé sur le projet de loi de finances rectificative quatre amendements que je qualifierai de doublement vertueux, puisqu’ils permettent, d’une part, de procurer des recettes supplémentaires à la collectivité et, d’autre part, de supprimer des niches fiscales anti-écologiques qui ont été identifiées dans plusieurs rapports, notamment celui de la fondation Nicolas Hulot et le réseau Action Climat. J’ai entendu nombre de nos collègues, sur différents bancs, dénoncer le retard de la France en matière de fiscalité écologique, puisqu’elle occupe aujourd’hui l’avant-dernier rang européen dans ce domaine. J’espère donc que ces amendements seront adoptés par une large majorité.
J’en viens plus précisément à l’amendement n° 182, qui vise à supprimer une niche d’exemption de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques – TICPE – dont bénéficient aujourd’hui les raffineries pour leur autoconsommation de produits pétroliers. Ces raffineries, qui sont au nombre de onze sur le territoire national – dont cinq sont détenues par la firme Total, laquelle a réalisé, en 2010, un bénéfice de 10 milliards d’euros – touchent un chèque de 105 millions d’euros par an grâce à cette exemption de TIPCE. Cet amendement tend donc à supprimer cette niche, afin d’inciter les raffineries à améliorer leur processus industriel et à économiser l’énergie.
Non seulement cette mesure est pertinente pour les finances de l’État, mais elle favorise la mutation énergétique qui a été annoncée comme l’un des grands chantiers du quinquennat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission est défavorable à cet amendement. En effet, à l’article 8 du présent projet de loi, le Gouvernement et la commission soutiendront l’instauration d’une taxe sur les stocks de produits pétroliers. Je comprends, mon cher collègue, que vous puissiez considérer l’autoconsommation comme une niche, mais avec la taxation des stocks, on peut estimer que la situation sera équilibrée.
M. Denis Baupin. Ah non, ce n’est pas la même chose !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais si ! La taxe que les raffineries vont payer sur les stocks de produits pétroliers compensera, et même surcompensera l’exonération de TICPE dont bénéficient ces établissements sur la part auto-consommée de leur production.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je comprends très bien le sens de la série d’amendements présentée par Mme Sas, M. Alauzet et M. Baupin…
Mme Marie-Christine Dalloz. Les écolos ! Vous pouvez le dire !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …qui tend à rééquilibrer la fiscalité dans un sens auquel nous sommes favorables. En d’autres circonstances, une telle mesure pourrait faire consensus.
Cela étant, j’estime que l’examen de ce projet de loi de finances rectificative ne constitue pas le cadre approprié pour adopter la mesure proposée. De plus, comme l’a indiqué M. le rapporteur général, il est prévu de soumettre à votre assemblée, dans le cadre de l’article 8, le principe d’une taxe exceptionnelle sur les produits pétroliers, d’un montant d’un peu moins de 600 millions d’euros. Même si la finalité de cette taxe exceptionnelle n’est pas exactement la même que celle que vous recherchez, il ne me paraît pas souhaitable de trop charger la barque.
Si vous le voulez bien, revenons-en à l’esprit du projet de loi de finances rectificative, que Pierre Moscovici et moi-même avons exposé de façon détaillée avant le début de la discussion générale : il s’agit avant tout de prendre acte du fait que l’état de nos finances publiques commande au Parlement d’adopter un certain nombre de mesures – et j’espère qu’il adoptera celles que le Gouvernement lui propose. Dès lors, je vous invite à retirer cet amendement. À défaut, le Gouvernement se verrait contraint d’en demander le rejet par l’Assemblée, estimant que la mesure proposée a vocation à faire l’objet d’une discussion plus approfondie dans le cadre de l’examen de la loi de finances initiale.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je suis très étonné de voir nos collègues présenter un tel amendement, dans la mesure où toutes les raffineries françaises sont déficitaires,…
M. Gilles Carrez. Et on les ferme !
M. Charles de Courson. …certaines d’entre elles étant même en voie de fermeture. « Au secours, Montebourg ! », ai-je envie de dire, tant il me semble que l’attitude de nos collègues témoigne d’un manque de solidarité avec le ministre du redressement productif : en l’occurrence, ils œuvrent à l’affaissement plutôt qu’au redressement ! Une telle attitude n’est pas raisonnable.
Par ailleurs, y a-t-il du sens à instaurer taxe sur taxe ? Pour moi, l’adage juridique : « Contentieux sur contentieux ne vaut » est parfaitement transposable en matière fiscale : « Taxe sur taxe ne vaut ».
M. Thierry Benoit. Bien vu !
M. Henri Plagnol. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Je veux d’abord rappeler à M. le ministre et à M. le rapporteur que l’objectif que nous devons poursuivre consiste d’abord à redresser les finances publiques. En l’occurrence, la mesure que nous proposons ferait entrer plus de 100 millions d’euros par an dans les caisses de l’État. M. de Courson peut toujours essayer de nous faire pleurer sur la situation de la société Total, qui accumule des milliards d’euros de bénéfices chaque année, nous ne sommes pas inquiets pour l’équilibre financier des pétroliers. Rien n’empêche donc de leur appliquer une fiscalité à caractère écologique.
Cela dit, j’ai bien entendu que M. le ministre ne fermait pas la porte à un débat plus global, qui pourrait se tenir dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2013. Nous retirons donc notre amendement, en espérant pouvoir discuter à nouveau de la mesure proposée dans quelques mois.
(L’amendement n° 182 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.
M. Hervé Mariton. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1er du règlement, monsieur le président.
Chacun aura pu constater le grand trouble qui s’est emparé de la majorité, il y a quelques instants, lors de la lecture du scrutin public sur l’article 1er. Ce trouble est la démonstration, s’il en était besoin, de la gêne extrême dans laquelle se trouve la majorité (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.– Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)…
Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !
M. Hervé Mariton. …lorsqu’il s’agit de mettre à exécution le funeste projet visant à supprimer la TVA sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Dans une assemblée parlementaire, tout ce qui a vocation à être exprimé finit par l’être lors d’un vote. En l’occurrence, la lecture du résultat du vote auquel il a été procédé a montré l’extrême gêne de votre majorité. Désormais, cette gêne est portée à la connaissance des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Launay. N’importe quoi !
M. le président. C’est bien essayé de votre part, monsieur Mariton, mais il se trouve simplement que nous avons procédé au premier scrutin de cette législature,…
M. Hervé Mariton. Et alors ?
M. le président. …et je présente mes excuses à nos nouveaux collègues, qui n’ont pas eu le temps de voter. Sur ce point, je rappelle aux responsables de groupe qu’ils peuvent procéder aux modifications nécessaires, comme il est d’usage. En tout état de cause, je ne pense pas, monsieur Mariton, qu’il puisse y avoir le moindre doute sur le sens du vote.
M. Hervé Mariton. Je suis stupéfait par vos propos, monsieur le président !
Mme Marie-Christine Dalloz. Vous allez au-delà de vos prérogatives !
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 46.
M. Lionel Tardy. Dans le même état d’esprit que les amendements précédents, je propose, avec l’amendement n° 46, à la fois de permettre la réalisation d’une économie importante pour le Trésor public et de verdir la fiscalité – deux objectifs auxquels vous ne sauriez être opposé, monsieur le ministre.
Je propose en effet de supprimer l’exonération de taxe intérieure de consommation sur le kérosène. Si je suis conscient de la charge assez lourde que cette mesure peut représenter pour les compagnies aériennes concernées, elles seront loin d’être les seules à subir très douloureusement ce collectif budgétaire.
Par ailleurs, il me paraît intéressant de cesser de favoriser le transport aérien au détriment d’autres modes de transport, notamment le train, la situation actuelle allant à l’encontre des principes fondamentaux du Grenelle de l’environnement. Le groupe écologiste est sans doute favorable à mon amendement, puisqu’il en a déposé d’autres répondant à la même préoccupation.
En ce qui vous concerne, monsieur le ministre, c’est le moment de nous dire si vous souhaitez aller de l’avant en matière de fiscalité verte, une préoccupation partagée sur tous les bancs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission est défavorable à cet amendement. Comme l’a dit M. le ministre, il y a quelques instants, au sujet d’un autre amendement, il me semble que ce type de mesures aura vocation à faire l’objet d’une réflexion plus large et plus approfondie, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2013.
Par ailleurs, la mise en œuvre de la mesure proposée poserait un certain nombre de problèmes à des compagnies aériennes, notamment Air France, dont la situation financière n’est pas vraiment florissante, sans oublier la situation en matière de vols vers l’outre-mer.
La fiscalité carbone, qui monte en puissance, permettra de répondre à la préoccupation environnementale ainsi soulevée. En effet, si le prix de la tonne de CO2 n’est pas très élevé pour le moment, il est censé évoluer dans les mois et les années à venir.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à votre amendement, monsieur Tardy, pour des raisons déjà maintes fois exposées dans cet hémicycle. J’ai d’ailleurs quelques scrupules à émettre un avis défavorable car, quatre années de suite – chaque année de la législature précédente, à l’exception de la dernière –, j’ai moi-même déposé le même amendement, jusqu’à ce que notre collègue Charles de Courson parvienne à me convaincre du fait qu’il ne pouvait être adopté. En effet, la matière à laquelle il se rapporte a vocation à être régie par la convention de Chicago, qui a valeur de traité – or, un traité est une norme juridique d’une portée supérieure à celle de la loi. Mais je vois M. de Courson m’adresser des signes désespérés, ce qui semble vouloir dire que les arguments que j’avance ne sont peut-être pas les bons : sans doute ne me suis-je pas montré suffisamment attentif aux explications qu’il m’a fournies précédemment ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. L’ancien rapporteur spécial du transport aérien qui sommeille toujours en moi souhaite rappeler que la mesure proposée n’est, en réalité, pas incompatible avec la convention de Chicago. Elle pose cependant de graves problèmes, pour d’autres raisons.
Premièrement, mes chers collègues, que va-t-il se passer si l’on applique cette mesure uniquement en France ? Nous allons assister à des détournements de trafic au détriment des hubs Roissy-Charles de Gaulle et Orly, qui vont s’en trouver affaiblis. Les avions en transit ne s’arrêteront plus en France pour effectuer leur ravitaillement en carburant. Avec une telle mesure, vous allez enrichir le Luxembourg et l’Allemagne ! L’idéal serait de mettre en œuvre une politique coordonnée à l’échelle européenne, mais nous n’en sommes pas là pour le moment.
Deuxièmement, nos collègues du groupe écologiste osent dire, dans l’exposé des motifs de l’amendement n° 180 rectifié, que nous allons examiner prochainement, que « la suppression de l’exonération de la TIC pour les vols domestiques est également légitime d’un point de vue social, puisque ces vols sont empruntés par les classes sociales les plus aisées dans une large majorité de cas ». Allez demander à nos collègues de l’outre-mer si nos compatriotes ultramarins appartiennent majoritairement aux « classes sociales les plus aisées » ! Comment peut-on penser que seules les personnes les plus aisées prennent l’avion ? Une telle affirmation me semble témoigner d’une vraie méconnaissance des réalités sociales de notre pays, que nos collègues d’outre-mer auront sans doute à cœur de dénoncer, eux aussi.
Bref, une telle mesure n’est pas raisonnable. Son adoption dans un cadre européen pourrait présenter une certaine cohérence, mais dans un cadre purement national, elle ne me paraît pas justifiée.
M. Henri Plagnol. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.
M. Christian Jacob. Monsieur le président, il me semble qu’il y a une vraie confusion au sujet de la rectification du vote. Lorsque nous votons, il peut arriver que l’un de nos collègues se trompe, et demande alors au plateau de corriger son erreur. Mais en l’occurrence, ce n’est pas la même chose : ce sont des députés qui n’ont pas participé au vote, et qui viennent déclarer un vote. S’il en est ainsi, monsieur le président, je ne vois pas ce qui m’empêche d’appeler tous les députés de mon groupe, y compris ceux qui n’étaient pas présents, afin qu’ils viennent eux aussi déclarer un vote ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) On est en train de fausser le vote, monsieur le président, ce qui me paraît extrêmement grave !
M. le président. Monsieur le président Jacob…
M. Christian Jacob. Selon l’usage en vigueur, monsieur le président, l’orateur a le droit d’exposer complètement son rappel au règlement, avant que le président ne lui réponde. Je vous demande donc de me laisser terminer ce que j’ai à dire !
Le vote me paraîtrait d’autant plus faussé que rien ne prouverait que tel ou tel député demandant à faire enregistrer une correction de vote était bien présent dans l’hémicycle au moment du vote proprement dit. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Une telle situation me semblerait extrêmement choquante, monsieur le président.
M. le président. Vous êtes assez fin connaisseur du fonctionnement de notre assemblée, monsieur Jacob, pour savoir qu’à partir du moment où le vote est acquis, il ne peut plus être modifié. La possibilité offerte aux personnes présentes de faire enregistrer une mise au point ne modifie en rien le résultat obtenu, ce que vous savez fort bien, monsieur le président.
M. Christian Jacob. Qu’est-ce qui prouve que les députés étaient présents ?
M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour un rappel au règlement.
M. Christian Paul. Il me semble que M. Jacob retarde le déroulement de notre débat et fait, du même coup, perdre du temps à la France. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Mariton a argumenté, avec une finesse colossale, sur une prétendue gêne de la majorité. Or, la majorité n’est pas gênée le moins du monde : elle défend ce soir l’abrogation de la hausse de la TVA comme elle le fait depuis des mois, et la vote sans le moindre état d’âme.
Par ailleurs, monsieur Jacob, vous mettez en cause la présidence. Or, s’il est vrai que certains de nos collègues votent pour la première fois, il y en a tout de même beaucoup moins d’un côté de l’hémicycle que de l’autre, et pour cause ! Même si certains se sont étonnés de la rapidité du scrutin, le vote était majoritaire en tout état de cause…
M. Christian Jacob. On assiste à une reprise en main !
M. Christian Paul. Pas du tout ! Vous tangentez dangereusement le ridicule, monsieur Jacob !
Il est totalement infondé de mettre en cause la présidence de M. Sirugue : le vote a fait l’objet d’une majorité nette et sans bavures, et si certains de nos collègues n’ont pas eu le temps de voter, ayant été surpris par la rapidité du scrutin – dont le président s’est excusé –, leurs votes n’auraient fait que renforcer la portée de la décision majoritaire.
M. le président. Nous en revenons à l’amendement n° 46.
(L’amendement n° 46, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Eva Sas., pour soutenir l’amendement n° 180 rectifié.
Mme Eva Sas. Notre amendement n° 180 va dans le même sens que l’amendement n° 182, présenté précédemment, à quelques différences près.
Nous nous trouvons dans une situation aberrante : le kérosène utilisé par les avions est exonéré de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – la TICPE –, alors que le carburant utilisé par les voitures individuelles est taxé à 60 centimes par litre.
C’est là une aberration écologique, dans la mesure où le kérosène est deux fois plus émetteur de gaz à effet de serre que l’essence par kilomètre et par personne transportée. Par ailleurs, je maintiens que c’est également une injustice sociale, puisque l’on taxe moins un mode de transport qui est, la plupart du temps, utilisé par les Français les plus aisés.
M. Charles de Courson. Non !
Mme Eva Sas. Je suis persuadée que l’avion est majoritairement – je dis bien majoritairement – utilisé par les personnes les plus aisées.
L’exception actuelle constitue également une distorsion de concurrence favorable au secteur aérien au détriment du rail, ce qui va à l’encontre des principes fondamentaux du Grenelle de l’environnement et des objectifs de report modal inscrits dans la loi Grenelle 1. Dans la situation de crise écologique que nous traversons actuellement, est-il pertinent de favoriser, qui plus est au moyen d’argent public, le voyage en avion de quelques-uns entre Paris et Nantes, alors qu’il suffit de deux heures pour effectuer ce trajet en TGV ?
On nous a souvent opposé la convention de Chicago. Or, comme l’a reconnu M. de Courson, la mesure proposée est compatible avec cette convention – j’en veux pour preuve que la taxation sur le kérosène est appliquée aux Pays-Bas et en Norvège. Il est donc tout à fait possible d’appliquer la taxation sur les vols intérieurs.
J’entends par ailleurs l’argument concernant l’outre-mer. On pourrait effectivement aménager le texte pour l’outre-mer, mais, en tout état de cause, il est tout à fait possible d’appliquer le dispositif aux vols intérieurs ; c’est ce que nous proposons.
Nous avions dit que nous proposerions des économies pour contribuer au redressement des comptes publics. Nous tenons parole : corriger cette distorsion de taxation permettrait de réaliser une économie de 1,3 milliard d’euros. Ce n’est pour nous qu’un début, car nous pensons qu’il faut examiner l’ensemble des niches fiscales anti-écologiques pour contribuer à la réduction des déficits. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je me suis exprimé sur l’amendement précédent. Or celui-ci est du même ordre. Pour les mêmes raisons, la commission a donc donné un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable également. Il est exact que l’argument juridique opposé tout à l’heure ne peut être avancé en ce qui concerne cet amendement afin d’en demander le rejet. Considérez toutefois qu’il serait extrêmement délicat de faire la part des choses quand un vol commence à l’intérieur de notre espace aérien pour se terminer à l’extérieur.
Certains vols comportent également des escales sur notre territoire. Il faudrait donc faire une répartition au prorata, soit des kilomètres, soit du temps passé sur notre territoire, ce qui suppose des techniques de récupération auprès des uns et des autres extrêmement compliquées.
Je comprends ce qui inspire l’amendement, mais le Gouvernement ne peut que s’opposer à son adoption devant les très grandes difficultés d’application – pour ne pas parler carrément d’impossibilité – auxquelles se heurterait le dispositif. Or rien n’est pire qu’une loi votée que l’on ne peut appliquer.
M. Yves Censi. Et le vol Paris-Rodez, monsieur le ministre ? (Sourires.)
M. Jean-Frédéric Poisson. Il n’y en a plus !
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Je suis contre cet amendement. Je voudrais tout de même rappeler à notre collègue que notre compagnie nationale, Air France, est en grande difficulté. En effet, elle a un problème de compétitivité. En raison de la concurrence d’autres compagnies, elle va devoir adopter un plan de réduction d’effectifs.
Sincèrement, est-ce le bon moment, alors que cette compagnie, comme la plupart des compagnies françaises, a des problèmes de compétitivité, pour alourdir une fois de plus les charges ?
M. Jean-Frédéric Poisson. Exactement !
M. Thierry Mariani. Voilà encore une prétendue bonne idée qui aurait en réalité des conséquences négatives sur l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Thierry Benoit. Eh oui ! C’est une fausse bonne idée !
M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Je comprends le souci du groupe écologiste. Il faut effectivement que l’on étudie l’ensemble des exonérations fiscales qui ont un impact négatif sur l’environnement.
Mais, pour ce qui concerne cette question précise, je veux tout de même dire qu’il est question d’élargir à l’aviation le système du marché des quotas d’émissions au niveau européen. Comme vous le savez, ce sujet est aujourd’hui sur la table. Il suscite d’ailleurs de fortes réticences de la part des compagnies aériennes. En revanche, l’idée bénéficie d’un soutien extrêmement fort de la commissaire européenne qui s’occupe de ces questions.
Je pense donc qu’il faut aussi étudier ce sujet dans le cadre plus large de l’extension à l’aviation du système européen des quotas d’émissions. Si le système englobait l’aviation, cela aurait pour conséquence d’augmenter le prix du kérosène pour les avions.
M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas. J’ai du mal à comprendre que certains nous opposent le fait que nous essayons d’alourdir les charges pour le secteur aérien alors qu’ils viennent de voter en faveur d’une taxe qui a exactement le même sens ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je voudrais, par ailleurs, rappeler que la taxe que nous proposons d’instaurer porterait sur les vols intérieurs. Le système serait très simple à appliquer, puisqu’il concernerait seulement les vols partant et arrivant à l’intérieur de l’espace aérien français. Comme je l’ai déjà dit, un tel système existe déjà aux Pays-Bas et en Norvège. Il est donc tout à fait possible de l’appliquer.
Il est vrai qu’il peut y avoir un débat plus global sur le sujet et qu’il faut approfondir la question de l’impact économique. Il faut surtout étudier de façon beaucoup plus large l’ensemble de la fiscalité écologique. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Nous vous donnons donc rendez-vous dès que possible afin de mener, notamment, une étude sur l’ensemble des niches fiscales anti-écologiques – et elles sont nombreuses. Comme nous vous l’avons déjà dit, les économies pourraient aller jusqu’à 33 milliards d’euros. Ce sera très précieux dans la période qui vient pour contribuer à la réduction des déficits.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Pensez-vous, madame, qu’Air France et les autres compagnies qui opèrent sur les lignes intérieures seront capables de répercuter sur les prix le surcoût entraîné par cette taxe – car bien entendu elles essaieront de le faire ? La conséquence en sera une chute du trafic, donc une accentuation du déficit d’Air France et des compagnies régionales, qui en sont des filiales.
Par ailleurs, pour répondre à notre collègue M. Caresche, je précise que les compagnies aériennes sont assujetties à la directive communautaire dite ETS.
M. Christophe Caresche. Pas encore !
M. Charles de Courson. Mais si ! Demandez à l’ancien ministre des transports, ici présent !
M. Thierry Mariani. C’est vrai !
M. Charles de Courson. Il faut donc choisir entre la taxation en France et la directive ETS, car il n’est pas possible d’accumuler ainsi les taxes. La décision ayant été prise au niveau communautaire, on ne peut pas ajouter une taxe de notre côté. Si l’on veut protéger un peu l’emploi, chers collègues écologistes, ce ne serait vraiment pas une bonne idée de le faire !
M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. En entendant M. de Courson et les vociférations qui accompagnent nos propositions, on ne s’étonne pas que la France soit aujourd’hui à l’avant-dernier rang en Europe pour ce qui est de la fiscalité écologique.
Au vu de tels arguments, je m’étonne également que Mme Kosciusko-Morizet ait osé nous donner des leçons hier soir. Elle nous a dit que le projet de loi de finances ne comportait pas beaucoup de mesures écologiques, mais à chaque fois que l’on en propose une, vous avez de très bons arguments pour la rejeter.
M. Philippe Meunier. Ces idées ne sont pas bonnes ! Soyez meilleurs et nous voterons vos amendements !
M. Denis Baupin. Mme Sas a montré que d’autres pays européens ont déjà mis en œuvre des mesures similaires, qui sont nécessaires car le dérèglement climatique est aujourd’hui une préoccupation planétaire.
Il est nécessaire d’agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et c’est en mettant en place une éco-fiscalité qu’on le fera.
Plusieurs députés du groupe UMP. Dites-le aux socialistes !
M. Denis Baupin. Vous avez raison, je m’adresse aussi à mes collègues de gauche : il faut fait preuve de responsabilité et mettre en place ces mesures.
Pour ce qui vous concerne, vous vous succédez pour dénoncer la fiscalité écologique, mais regardez aussi de votre côté ! Certains de vos collègues ont voulu nous donner des leçons. Ils ont prétendu avoir inventé l’écologie avec le Grenelle de l’environnement, ce qui ne les a pas empêchés d’expliquer ensuite que l’environnement, cela commençait à bien faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Imaginons un seul instant que cet amendement soit adopté.
M. Jean-Frédéric Poisson. Oh non !
M. Marc Le Fur. Que se passerait-il ? Quelles en seraient les victimes ? Les régions périphériques, c’est-à-dire la Corse, la Bretagne – puisqu’il existe une liaison Brest-Paris ! – ou encore le Sud-Ouest, avec la liaison entre Toulouse et Paris.
Vous imaginez la catastrophe, d’autant plus grande que, nous l’avons tous entendu – vous-même, monsieur le ministre, vous avez évoqué ce sujet –, les projets de TGV sont remis en cause. Cela signifie que nous subirions la double peine : augmentation des tarifs aériens et abandon des projets de TGV. Nous disons donc clairement non à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je n’avais pas l’intention d’intervenir dans ce débat. Au demeurant, mon propos ne concernera pas cet amendement.
M. Le Fur suggère que j’ai remis en cause les projets de TGV. C’est à la fois moins grave et plus grave que cela.
Ces cinq dernières années, le schéma national des infrastructures de transport – M. Mariton ayant été rapporteur spécial, je parle sous son contrôle – a accepté l’inscription de projets, d’ailleurs très intéressants pour les régions desservies, mais qui présentent tous l’inconvénient d’être particulièrement coûteux. Le coût total de ces projets excède – et de très loin – les capacités de financement de l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Je crois me souvenir que le coût total des projets inscrits par le précédent gouvernement excède 150 milliards d’euros alors que la dotation accordée par l’État à l’agence chargée de financer ces infrastructures est de 1 milliard d’euros par an. Bref, si tous les projets que le gouvernement précédent a inscrits doivent être réalisés, il ne faut plus en accepter aucun autre et concéder qu’il faudra un siècle et demi à notre pays pour les réaliser tous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Voilà qui est factuel et relève de l’arithmétique la plus élémentaire. Cela veut dire que, au cours de la précédente législature, certains arbitrages nécessaires n’ont pas été faits. Le pouvoir exécutif devra soumettre la question au contrôle du Parlement au cours de la présente législature.
Il est vrai que, au-delà de la subvention d’État, l’AFITF doit être financée par une taxe – une de plus, créée d’ailleurs sous la précédente législature –, la taxe poids lourds, qui devrait déjà être en vigueur.
M. Jean-Pierre Gorges. Les départements l’attendent !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Si elle ne l’est pas encore, c’est pour des raisons qu’il ne me paraît pas forcément indispensable d’exposer ici, tant elles sont complexes.
M. Thierry Mariani. Ce sont des raisons judiciaires !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Disons que de nombreux contentieux ont été soulevés à l’occasion de décisions prises par le gouvernement précédent.
Quoi qu’il en soit, je crois qu’elle finira par être prélevée l’an prochain – d’ici à la mi-année, nous l’espérons. On peut d’ailleurs envisager – comme l’avait fait le précédent gouvernement – de relever le niveau de la redevance domaniale, c’est-à-dire ce que les sociétés exploitant les autoroutes versent à l’État.
Pour ces raisons, on peut donc espérer que la durée d’un siècle et demi que j’évoquais sera réduite. Je doute néanmoins que, si tous les projets sont maintenus et si les ressources restent celles que je viens d’indiquer, l’on puisse réduire significativement ce délai et encore moins le ramener à cinq ans.
(L’amendement n° 180 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.
M. Hervé Mariton. Le Gouvernement vient d’évoquer, à ce moment du débat, le schéma national des infrastructures de transport. Nous avons entendu la semaine dernière, monsieur le ministre, des critiques de votre part sur ce schéma.
J’assume totalement les analyses et les critiques que j’ai moi-même portées il y a quelques mois. Le temps ou la position que nous occupons respectivement aujourd’hui ne changent rien à l’affaire.
M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Hervé Mariton. Je veux simplement vous dire, monsieur le ministre, qu’il n’est pas correct de votre part de faire comme si ce schéma avait été bouclé et adopté.
M. Yves Censi. Tout à fait ! Il n’a pas été voté au Parlement !
M. Hervé Mariton. Nous étions dans un processus d’élaboration, de concertation et de définition de priorités. J’espère à cet égard que l’exécutif d’aujourd’hui aura le courage de définir des priorités,…
M. Philippe Vigier. Tu parles !
M. Hervé Mariton. …de consulter notre assemblée et de faire en sorte que nous ayons un SNIT opérationnel et engageant. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le président. Ce n’est pas un rappel au règlement, mon cher collègue !
M. Hervé Mariton. Pour la clarté de nos débats, il convient de dire au Gouvernement, monsieur le président, qu’il n’est pas convenable de chercher à introduire de la confusion entre ce qui n’était qu’un projet et ce qui sera bientôt – je l’espère – un schéma. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale,
Nicolas Véron