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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 19 février 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modification du calendrier électoral

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion des articles (suite)

Rappels au règlement

M. Thierry Mariani

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Mme la présidente

M. Christian Jacob

M. François Sauvadet

M. Bruno Le Roux

Article 1er (suite)

Amendements nos 274, 361

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Amendement no 273

Après l’article 1er

Amendements nos 801 rectifié, 845

Avant l’article 2

Amendements nos 275, 362, 655

Article 2

M. François Sauvadet

M. Jean-Frédéric Poisson

Mme Audrey Linkenheld

M. Christian Jacob

M. Guillaume Larrivé

Mme Virginie Duby-Muller

M. Paul Salen

M. Hervé Gaymard

M. Thierry Mariani

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Alain Marc

Mme Marianne Dubois

M. Alain Chrétien

M. Lionel Tardy

M. Guillaume Chevrollier

M. Olivier Marleix

M. Dino Cinieri

M. Jean-Pierre Decool

Mme Annie Genevard

M. Michel Liebgott

M. William Dumas

M. Bernard Perrut

M. Marc Dolez

Mme Marietta Karamanli

M. Philippe Folliot

M. Jean Lassalle

M. Christian Estrosi

M. Jacques Lamblin

M. Dominique Le Mèner

M. Guy Geoffroy

Mme Marion Maréchal-Le Pen

Mme Véronique Louwagie

M. Philippe Cochet

M. Philippe Gosselin

M. Serge Janquin

M. Patrice Martin-Lalande

M. Éric Ciotti

M. Daniel Fasquelle

Mme Monique Rabin

Mme Isabelle Le Callennec

M. Laurent Wauquiez

M. Michel Ménard

M. Julien Aubert

Mme Marie-Christine Dalloz

Amendements nos 6, 25, 33, 78, 93, 122, 171, 201, 224, 270, 340, 363, 444, 507, 519, 599, 710, 760, 846, 956, 973

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes

Rappel au règlement

M. François Sauvadet

Article 2 (suite)

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Élection des conseillers départementaux,
des conseillers municipaux
et des délégués communautaires,
et modification du calendrier électoral

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, rejeté par le Sénat, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux, des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (nos 631, 701).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant avant le vote sur les amendements de suppression de l’article 1er.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani, pour un rappel au règlement.

M. Thierry Mariani. Madame la présidente, mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1, du règlement et s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Je n’étais pas présent dans l’hémicycle au moment de votre réponse à mon intervention, monsieur le ministre, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser. Vous avez émis l’idée, avec humour, que, représentant notamment les Français de Russie et de Chine, je n’étais pas forcément le mieux qualifié pour discuter des collectivités locales.

M. Manuel Valls, ministre. Ah non, j’ai dit le contraire !

M. Thierry Mariani. Ce sont bien vos propos, je les ai réécoutés.

Je me permets de vous rappeler, mais le ministère de l’intérieur le sait bien, qu’avant d’être l’un des députés représentant les Français de l’étranger, je n’ai effectué que trois mandats de maire, deux mandats de conseiller général, trois mandats de conseiller régional et deux mandats de président d’une communauté de communes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Cumulard !

M. Thierry Mariani. Absolument, cumulard, et sans jamais être battu !

Je tenais simplement à ce que vous en soyez bien informé. Mes propos valent donc ceux de mes collègues.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Un peu d’humour, monsieur Mariani ! En votre absence, j’ai seulement salué votre imagination, ajoutant que j’étais certain que votre situation d’élu des Français de Chine et de Russie faisait de vous désormais un expert des réalités cantonales dans ces grands pays. Ce n’était qu’un trait d’humour et nul n’était besoin de rappeler votre passé tout à fait estimable d’élu local.

Plusieurs députés du groupe UMP. Un passé glorieux !

M. Manuel Valls, ministre. Glorieux, certes ! (Sourires.)

Je saisis l’occasion qui m’est offerte pour rappeler à votre bon souvenir et à celui de votre groupe, monsieur Mariani, la proposition de loi enregistrée à la présidence de l’Assemblée le 9 avril 2008, tendant à la nouvelle nomination de l’assemblée délibérante du département. Cette proposition avait été signée par Jean-Frédéric Poisson, qui s’est largement exprimé tout à l’heure,…

M. Bruno Le Roux. Et par Mariani !

M. Manuel Valls, ministre. …et par vous-même, monsieur Mariani. Ce texte visait à rédiger ainsi l’intitulé du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie du code général des collectivités territoriales : « Le conseiller départemental », l’exposé des motifs précisant que « nos coutumes retrouvent très régulièrement le contour de nos départements actuels ». Cela devrait vous amener, après la fin d’après-midi que nous avons vécue, à réfléchir et surtout à ne pas voter vos propres amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Martin. Eh oui, monsieur Poisson !

Mme la présidente. La conférence des présidents s’est réunie à l’issue de la séance de cet après-midi. Elle a confirmé l’interprétation déjà donnée lors de sa réunion du 6 novembre 2012 : l’annonce du scrutin, à savoir le fait qu’une demande de scrutin public est annoncée et que la sonnerie est déclenchée pour permettre aux députés de rejoindre l’hémicycle, n’interdit pas les suspensions de séance.

M. Jean Leonetti. C’est nouveau, ça !

Mme la présidente. Non, ce n’est pas nouveau.

Ce n’est que lorsque la formule : « Nous allons maintenant procéder au vote » a été prononcée que les opérations de vote sont commencées et les suspensions de séance interdites.

Je constate que c’est la procédure que j’ai suivie cet après-midi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Néanmoins, puisque un groupe de travail sur le fonctionnement de l’Assemblée doit tenir demain sa première réunion (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), la conférence a conclu que cette question serait inscrite à son ordre du jour.

M. Jean Leonetti. Comme par hasard !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je vous remercie, madame la présidente.

Pour clore cet incident, j’invite nos collègues à rester attentifs : quand l’un d’entre nous a affirmé que cette manière de procéder était nouvelle, il avait raison puisque, si l’on reprend la lettre du règlement, il n’est question que de l’annonce du scrutin. Aussi, dès lors que la sonnerie est déclenchée, le vote étant donc annoncé, il ne peut plus y avoir de suspension de séance.

À la suite d’un incident survenu au mois de novembre dernier parce que la majorité était minoritaire dans l’hémicycle au moment du vote sur le budget de l’agriculture – ce qui montre au passage l’intérêt qu’elle porte à ce sujet (Protestations sur les bancs du groupe SRC) –, la conférence des présidents s’est réunie et a livré une interprétation du règlement à laquelle notre collègue Sauvadet, qui représentait le groupe UDI, et moi-même nous étions opposés.

Je prends toutefois acte, madame la présidente, que ce point sera à l’ordre du jour de la première réunion du groupe de travail chargé d’examiner le fonctionnement de l’Assemblée. Car cela pose un vrai problème : à la seule convenance de la majorité, on décide de passer au vote ou non !

M. Guy Geoffroy. Ou même seulement à la convenance du président de la commission qui, ainsi, prend parti, ce qui est grave !

M. Christian Jacob. Ou, en effet, à la convenance du président de la commission.

Cela ne me semble pas relever d’un bon fonctionnement démocratique. Quoi qu’il en soit, l’important pour nous reste de pouvoir en discuter à nouveau. Et si l’incident est clos, la lettre du règlement, j’y insiste, n’a pas été respectée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Monsieur le président Jacob, je constate que l’incident est clos, mais je ne peux pas vous laisser dire qu’il se soit agi d’une nouvelle interprétation du règlement puisque la procédure que j’ai suivie était conforme à la décision de la conférence des présidents du 6 novembre 2012.

M. Christian Jacob. Adoptée par la seule majorité !

M. Philippe Plisson. Le président Jacob n’avait pas lu le règlement !

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. J’invite nos collègues de la majorité à bien écouter ce que vient de dire la présidente, puisque nous sommes convenus d’examiner, notamment avec le président du groupe SRC, les conditions dans lesquelles nous pouvons prendre en compte la nécessité pour les groupes de se réunir même au moment du déclenchement d’une procédure de vote. Une commission de travail va examiner un certain nombre de questions parmi lesquelles, comme nous l’avons demandé, celle qui nous occupe ici.

Le président de l’Assemblée a d’ailleurs pleinement joué son rôle puisqu’il a convoqué la conférence des présidents ainsi que nous le souhaitions. C’est une avancée. Tout ce qui peut nous rassembler, mes chers collègues, au-delà de nos divergences sur le fonctionnement de l’Assemblée, est un service rendu à la démocratie. Ne nous cherchons pas querelle ; un problème doit être éclairci…

M. Serge Bardy. Quelle ironie !

M. Philippe Plisson. Cet après-midi, il y en a eu des tas, de problèmes !

M. François Sauvadet. Ce n’est pas de l’ironie, j’affirme simplement, et le président Le Roux en est convenu, que tout ce qui peut nous rassembler pour le bon fonctionnement de l’Assemblée, je le répète, rend service à la démocratie. Si cela fait rire certains, je pense qu’ils devront l’assumer devant les citoyens français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Nous avions le souvenir de l’interprétation donnée par la conférence des présidents au mois de novembre dernier.

M. Marc Le Fur. C’est le bon terme : il s’agit bien d’une interprétation !

M. Bruno Le Roux. De la même façon, monsieur Le Fur, qu’à la suite du débat qui aura lieu sur cette question, le groupe de travail donnera une interprétation…

M. Guy Geoffroy. Une réinterprétation !

M. Bruno Le Roux. …sur la façon dont l’Assemblée doit fonctionner, et sur la nécessité ou non de changer les choses.

Il me paraît normal qu’un député fasse valoir que la pratique d’il y a dix ans n’était pas forcément celle décidée aujourd’hui ; mais nous savons, nous, présidents de groupe, ce qui a été décidé par la conférence des présidents et nous devrions à ce titre le rappeler, plutôt que de remettre en cause systématiquement la procédure décidée par la présidence de séance au prétexte que l’opposition se croit majoritaire dans l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

M. Bruno Le Roux. J’ai connu de nombreuses situations de ce genre ces dix dernières années, où je croyais que nous nous retrouvions majoritaires ; mais cela n’arrive jamais. (Mêmes mouvements.) Je voudrais vous mettre à l’aise : vous savez fort bien que ces majorités, quand elles se produisent, ne sont que de circonstance et qu’au final, la majorité est toujours du côté de la majorité. Il ne sert donc à rien de provoquer des moments tels que ceux que nous avons vécus tout à l’heure – le prochain scrutin le montrera. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Article 1er (suite)

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques de suppression de l’article 1er nos 5, 24, 77, 121, 170, 202, 223, 263, 359, 418, 443, 516, 653, 711, 726, 957 et 974.

Je vous rappelle qu’à partir de ce moment précis, plus aucune suspension de séance n’est possible.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 295

Nombre de suffrages exprimés 294

Majorité absolue 148

(Les amendements identiques nos 5, 24, 77, 121, 170, 202, 223, 263, 359, 418, 443, 516, 653, 711, 726, 957 et 974. ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 274 et 361.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n° 274.

M. Dino Cinieri. Le conseiller général institué par la Révolution constitue par conséquent l’une des plus anciennes institutions françaises. Le conseiller général, pour de nombreux Français, constitue un repère dans le cadre de la décentralisation de l’État ; ses fonctions sont clairement identifiées et comprises par nos concitoyens. Une modification de sa dénomination pourrait entraîner une incompréhension. Bien que ce changement d’appellation reste symbolique, il donne le sentiment que l’on crée une nouvelle institution. Nos concitoyens pointant souvent du doigt le nombre d’échelons administratifs, ce sentiment risquerait d’accroître leur désaffection pour la chose publique locale.

Ce changement pourrait donc avoir un effet pervers en éloignant un peu plus les Français de cette institution, avec un risque majeur : une faible participation aux prochaines élections qui soulèverait la question de la légitimité de nos représentants dans le département. C’est pourquoi mon amendement vise à maintenir la dénomination de « conseiller général » et à supprimer l’alinéa 2 de l’article.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n° 361.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. La dénomination actuelle correspond à notre histoire. Je ne vois pas pourquoi on changerait de terminologie, d’autant que, on l’a déjà évoqué, cela engendrerait des dépenses publiques importantes.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques.

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. L’Assemblée vient de rejeter une série d’amendements identiques de suppression de l’article ; nous voilà maintenant saisis de deux amendements identiques qui visent à supprimer un alinéa de ce même article… La nuance est subtile mais l’avis de la commission reste le même : défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Tout le monde peut changer d’avis, cela arrive à chacun d’entre nous. Laissez-moi néanmoins vous lire un extrait de l’exposé des motifs de la proposition de loi que j’ai évoquée tout à l’heure, déposée en 2008 et signée, je le rappelle, par plusieurs députés de la majorité à l’époque et qui aujourd’hui siègent sur les bancs de l’opposition :

« Parmi toutes les collectivités territoriales, le département occupe une place singulière dans le cœur des Français. Le département constitue un élément essentiel du socle identitaire de nos pays. Nos histoires locales, nos coutumes recouvrent très régulièrement le contour de nos départements actuels. Toutefois, malgré cet attachement, les dernières élections cantonales ont atteint un taux d’abstention de 44,55 %, beaucoup trop important […]. La raison ? Une organisation politico-administrative floue et incompréhensible pour le Français non initié au droit des collectivités territoriales. Nous votons lors du scrutin cantonal, nous élisons un conseiller général qui incarnera le département. Il est temps de mettre fin à cet imbroglio sémantique en simplifiant le vocabulaire employé. Il convient donc d’attribuer la nomination de conseil départemental à l’assemblée délibérante du département et de qualifier l’élu de conseiller départemental. »

M. Philippe Martin. Et voilà !

M. Manuel Valls, ministre. « Pour cette raison, la présente proposition vise à harmoniser l’organisation administrative du département et à réconcilier les Français avec la vie politique de nos départements. En cosignant cette proposition de loi, vous permettrez, cher collègue, aux électeurs de se rapprocher de la vie politique locale. »

Je reconnais que ce n’est pas le sujet essentiel, mais la cohérence devrait vous amener à ne pas présenter ces amendements.

M. Hervé Féron. Évidemment !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, maintenant que les députés de la majorité ont bien voulu rejoindre les bancs pour participer à nos débats (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Patrick Lemasle. Mauvais départ !

M. Guillaume Larrivé. …et que nous retrouvons une forme de sérénité dans nos échanges, je voudrais souligner que ni le rapporteur ni le ministre, n’ont répondu à la question extrêmement précise posée notamment par nos collègues Éric Ciotti et Olivier Marleix sur le coût, pour les budgets départementaux, de cette réforme sémantique.

Ce n’est pas qu’une question d’intendance : je suis député de la Puisaye. Les élus de la Puisaye sont à la recherche de subventions et de dotations. Ils n’ont guère envie, me semble-t-il, de dépenser des sous – pardonnez-moi l’expression – ou de mobiliser des crédits simplement pour modifier une appellation. Car cela va coûter de l’argent. Peut-être pensez-vous que ce n’est qu’une question d’intendance, mais il est tout à fait regrettable que rien n’indique, dans votre étude d’impact, le coût de ce changement de dénomination.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, je vous écoute avec beaucoup d’attention et je suis d’ailleurs prêt à vous suivre sur ce point. Plusieurs d’entre nous, c’est vrai, avaient estimé que, par cohérence et dans un souci de visibilité, il pouvait être opportun d’envisager un changement d’appellation.

Mais il y a une différence entre le projet que vous présentez aujourd’hui et ce que nous avons proposé par le passé, dans la mesure où votre article 1er préfigure un changement profond de ce que vous allez désormais appeler le conseiller départemental.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. François Sauvadet. Ce changement profond tient au nouveau mode de scrutin, qui va tuer la représentation des cantons ruraux et par là mettre à mal l’une des grandes spécificités de ce qu’étaient, et de ce que sont encore aujourd’hui les conseils généraux, qui assurent véritablement une péréquation territoriale.

Le système de représentation que vous proposez arrive à un moment un peu singulier dans notre histoire : vous allez de fait confier la gestion des conseils généraux aux agglomérations, au moment même où les agglomérations vont se voir confier de plus en plus de compétences qui relevaient des conseils généraux. Vous allez ainsi laisser les territoires ruraux désarmés face à eux-mêmes, sans aucune représentation.

Si le conseiller départemental et le conseil départemental suscitent autant de débats, c’est parce qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème de sémantique, mais d’un sujet de fond. Vous allez provoquer une rupture totale avec le rôle et la mission qu’assumait jusqu’ici, le conseil général au service de l’aménagement du territoire. Aucune autre structure ne sera capable de l’assumer demain. C’est cela, le cœur du débat, et vos arguties ne pourront apaiser notre envie de connaître les intentions véritables qui se cachent derrière cette réforme du mode de scrutin.

(Les amendements identiques nos 274 et 361 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n° 273.

M. Éric Straumann. Mon amendement n° 273 vise à maintenir le terme de « conseil général », puisqu’il désigne originellement le « conseil général des communes du département ». Cette dénomination historique permet donc d’affirmer la place de la commune dans ce conseil, alors que la dénomination « conseil départemental » conduirait à un certain affaiblissement de l’ancrage local.

La nouvelle dénomination risque de surcroît de créer une confusion dans la mesure où nombre de structures organisées par l’État portent déjà le nom de conseil départemental : ainsi le conseil départemental de l’éducation nationale ou le conseil départemental d’hygiène. Pour éviter toute confusion dans l’esprit de nos concitoyens, je vous demande de conserver la formulation originelle de « conseil général » et de repousser celle de « conseil départemental » qui sera mal comprise.

M. Jean-Frédéric Poisson. Excellent !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Après les amendements qui proposaient de supprimer la totalité de l’article 1er, repoussé par notre assemblée.

M. Gérald Darmanin. Non sans mal !

M. Pascal Popelin. …puis les amendements tendant à supprimer l’alinéa 2 de l’article 1er, également repoussés, nous voilà saisis de l’amendement qui propose de supprimer l’alinéa 3 de l’article 1er.

M. Christian Jacob. Oui : nous avons un souci de cohérence !

M. Pascal Popelin. Je propose que, par cohérence, l’Assemblée nationale repousse également cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, j’observe que vous ne nous répondez pas sur la question du coût de ce changement de nom. Cette question vous a pourtant interpellé, puisque vous évoquez, dans votre étude d’impact, le coût qu’aurait représenté la réforme instituant le conseiller territorial, du fait de la construction de nouveaux hémicycles coûteux. Selon une estimation de l’Association des régions de France, avez-vous indiqué, chaque nouvel hémicycle aurait coûté entre 15 et 20 millions d’euros.

Mme Catherine Coutelle. C’est vrai ! Alors que notre réforme, elle, ne coûte rien !

Mme Annie Genevard. Soit un coût par siège de 172 811 euros.

M. Dominique Baert. Ça, c’est ce que vous proposiez !

Mme Annie Genevard. Et vous avez invoqué le coût du conseiller territorial, entre autres motifs de sa suppression.

Je tiens, au passage, à noter que ce coût paraît tout à fait exorbitant ; quand bien même il aurait été consenti, il aurait fallu un mandat pour l’amortir. Alors, pourquoi êtes-vous si préoccupé par la question du coût quand il s’agit du conseiller territorial, et si peu attentif à nos remarques relatives au coût de la mise en place du conseiller départemental ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Voilà une très bonne question !

Mme Anne Grommerch et Mme Bérengère Poletti. Mais nous n’obtenons jamais de réponse !

(L’amendement n° 273 n’est pas adopté.)

(L’article 1er est adopté.)

Après l’article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 801 rectifié, portant article additionnel après l’article 1er.

M. Gérald Darmanin. Il est défendu.

(L’amendement n° 801 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Sur l’amendement n° 845, je suis saisi par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l’amendement n° 845.

M. François Sauvadet. J’espère que le rapporteur et le ministre pourront s’expliquer sur cet amendement.

Le cœur du débat, c’est de savoir ce que nous voulons faire du conseil général de demain, faute d’avoir eu des précisions au préalable sur ses missions et ses compétences, ou sur l’acte III de la décentralisation. On nous parle de modernisation, mais la vraie modernisation aurait consisté à clarifier les compétences de chacun. Nous avions trouvé une réponse avec le conseiller territorial, qui aurait siégé dans les deux assemblées. Vous avez décidé de mettre un terme à ce dispositif, qui aurait permis de rapprocher les deux institutions, chacune étant préservée dans son rôle essentiel, l’une de proximité, l’autre de stratégie pour les territoires.

Puisque vous nous avez invités à prendre des initiatives, nous vous proposons donc, monsieur le ministre, de réaffirmer le rôle que doit jouer le conseil général. Un conseil général, vous l’avez rappelé, doit bien sûr représenter les populations – un homme, une voix –, mais il doit représenter aussi les populations qui vivent sur les territoires. C’est là que nous touchons le cœur du débat : avec votre mode de scrutin, vous allez tuer les territoires ruraux qui n’auront plus demain de représentants. Le lien de proximité qui existait avec les élus locaux et les maires dans les circonscriptions territoriales qu’étaient les cantons, autour desquels s’organisaient et s’organisent toujours les services au public, vous allez le détruire.

Je souhaite donc que l’Assemblée nationale réaffirme ce lien particulier et singulier qui existe entre les populations d’un département, populations qui résident sur les territoires qui le composent.

Vous allez probablement essayer, comme depuis le début de nos débats, de nous opposer un argument constitutionnel sur ce sujet, mais j’avoue que je demanderai à être convaincu. Vous le savez, il a par exemple été réaffirmé que le Sénat représente des collectivités territoriales. En réaffirmant dans la loi la dimension territoriale du département, vous donneriez un signal qui permettrait d’éclairer les débats que nous aurons plus tard, au sujet de l’article 2, puis au sujet du redécoupage.

Si tel n’est pas le cas, et si vous ne donnez pas de signaux dans ce sens, cela nous confortera dans la conviction que vous entendez redécouper l’ensemble du territoire à des fins électoralistes.

M. Jean Lassalle et M. Philippe Folliot. Bravo !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. La commission n’a pas adopté cet amendement, mais quand je vois la manière dont se déroule le débat depuis tout à l’heure et le procès d’intention qui nous est fait…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas notre genre !

M. Pascal Popelin. …quand j’entends dire que les partisans de ce texte voudraient faire en sorte que les conseils départementaux de demain ne soient plus les représentants du territoire, eh bien, le rapporteur que je suis, à titre personnel, donne un avis favorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur le président Sauvadet, ce débat a déjà eu lieu au Sénat, il a maintenant lieu ici : c’est logique et cohérent.

Tout élu, y compris les parlementaires, même s’ils représentent une part de la souveraineté nationale, est l’élu d’un territoire ; c’est ce qu’a voulu nous dire M. Larrivé, en rappelant quel territoire il représentait, ou plutôt de quel territoire il était l’élu.

Nous allons retravailler, si le texte est adopté,…

M. Philippe Gosselin. Sage précaution !

M. Manuel Valls, ministre. …sur le redécoupage. Je tiens à rappeler qu’un redécoupage aurait été nécessaire dans tous les cas, que l’on instaure le conseiller territorial ou que l’on conserve le département et le type de découpage que nous connaissons depuis deux siècles. Dans un cas comme dans l’autre, le redécoupage était inévitable.

Tout découpage repose sur une représentation de la population – les choses sont très claires du point de vue constitutionnel –, mais il faudra en même temps travailler sur la réalité de ces territoires. Vous avez parlé de l’intercommunalité, d’autres ont appelé, et à juste titre, notre attention sur les aspects géographiques : montagnes, vallées, îles, territoires urbains, territoires ruraux.

Je vous ai écouté affirmer que le conseil général représente la population et les territoires du département. Je veux vous montrer que nous sommes à votre écoute, que nous voulons lever tous les doutes, voire tous les procès d’intention, et répondre à vos questionnements qui me semblent tout à fait sincères. C’est pourquoi le Gouvernement donne un avis favorable à votre amendement.

M. Philippe Gosselin. C’est Noël !

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je suis sous le coup de l’émotion, à voir ce grand consensus et le Gouvernement à notre écoute… Au nom de mes collègues, je crois pouvoir vous dire que nous en sommes touchés – et je vérifierai s’il ne neige pas en sortant de l’hémicycle !

Je crois effectivement que cet amendement est très important. La réforme territoriale aura pour effet de créer des « macro-cantons », comprenant à la fois des territoires très ruraux et des villes. Le risque, c’est que, du fait de l’écart démographique, les élus ou les candidats viennent de ces villes, au détriment des espaces les plus reculés.

J’habite moi-même dans un canton de 3 000 habitants, le plus petit canton du Vaucluse, qui va disparaître. Tout le sens de cet amendement est de faire en sorte que les deux élus d’un gros canton puissent représenter la diversité des territoires – montagne, territoires ruraux, etc.

Je ne peux que nous féliciter du consensus qui est en train d’émerger.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je voudrais souligner, au nom du groupe UMP, la portée de l’amendement du président Sauvadet, portée d’autant plus importante qu’elle s’inscrit dans la lignée de quelques décisions du Conseil constitutionnel, sur lesquelles nous prendrons appui tout à l’heure, ou dans les prochains jours, lorsque nous évoquerons, de manière beaucoup plus précise, les critères du redécoupage.

Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 25 juillet 1984, comme dans plusieurs décisions ultérieures, a reconnu explicitement les « diverses composantes territoriales, dont le département est représentatif ». Sont donc d’ores et déjà inscrits dans la jurisprudence constitutionnelle le principe d’égalité des suffrages, et donc la représentation démographique des populations, mais aussi le principe d’une représentation proprement territoriale au sein des départements. L’amendement du président Sauvadet a le grand mérite d’expliciter cette jurisprudence et nous fournira un point d’appui pour modifier les articles portant sur le redécoupage.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi. Je suis très satisfait que vous acceptiez cet amendement de notre collègue Sauvadet, tout en souhaitant que votre réponse ne soit pas, quelque part, empreinte d’hypocrisie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. Voyons, ce n’est possible !

M. Christian Estrosi. Nous le mesurerons dans la suite de nos débats. C’est une affaire suffisamment grave et sérieuse que la représentation des territoires dans notre pays, inscrite dans l’histoire de notre démocratie, pour qu’on ne la prenne comme une plaisanterie à l’occasion de ce débat.

Mme Marietta Karamanli. Il est vrai que vous nous avez donné un bel exemple de sérieux !

M. Patrick Lemasle. Valls n’est pas maire de Nice, lui !

M. Christian Estrosi. Cela touche à l’humain. Or ce que vous êtes en train de proposer par cette réforme, c’est une forme d’humiliation, de mépris, à des hommes et des femmes qui habitent les territoires les plus reculés de la République, qui, depuis 1871, s’honorent de pouvoir revendiquer quelquefois qu’ils sont les citoyens d’un chef-lieu de canton.

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Christian Estrosi. Savez-vous ce que cela fait, lorsque l’on vit dans les territoires les plus éloignés, parfois à plus de deux heures de route de son chef-lieu de département,…

M. Patrick Lemasle. Mais oui ! Nous le savons bien !

M. Christian Estrosi. …de pouvoir se dire, au fond de soi-même, que l’on est l’habitant d’un chef-lieu de canton ? C’est une fierté…

M. Patrick Lemasle. Nous le savons bien mieux que le maire de Nice !

M. Philippe Martin. Nous y vivons, dans ces cantons !

M. Christian Estrosi. C’est une fierté que l’on s’est transmise de père en fils, et de mère en fille ! C’est une fierté que vous êtes en train de bafouer par ce texte, par cette réforme qui est en train de déséquilibrer tous les territoires de la République, de gommer la justice et l’équité entre les citoyens de ce pays.

M. Michel Ménard. C’est vous qui les avez supprimés avec le conseiller territorial !

M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre, je vous mets en garde : j’espère que vous acceptez de bonne foi cet amendement. Cela part sans doute d’un bon sentiment, mais nous veillerons à ce que vous soyez bien en cohérence dans le reste du texte, et nous verrons la position que vous prendrez sur d’autres amendements qui permettront de vérifier si la représentation territoriale sera bien au rendez-vous dans la suite de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 845.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 274

Nombre de suffrages exprimés 271

Majorité absolue 136

(L’amendement n° 845 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, je connais votre habileté légendaire, et je découvre celle du rapporteur. Quoi qu’il en soit, vous venez d’envoyer un signal très fort. Nous devrons le retrouver dans l’ensemble des articles, et nous ne manquerons pas de rappeler cet engagement sur la présence territoriale, notamment lorsque nous aborderons la question du redécoupage et des conditions dans lesquelles il doit s’opérer.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Pas de problème !

M. François Sauvadet. En tout cas, ce premier pas de votre part n’entraînera pas de notre part un soutien quelconque à ce binôme sur lequel nous allons revenir, et qui est un hybride dû à l’imagination débordante du Gouvernement et de sa majorité.

Avant l’article 2

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 275, 362 et 655.

La parole est à M. Éric Straumann, pour défendre l’amendement no 275.

M. Éric Straumann. Ma question est très simple : nous avons entendu dire au sein de l’Association des départements de France que ce changement de dénomination devrait coûter au minimum 200 000 euros par département. À raison de cent un départements, le coût total atteindra les 20 millions d’euros. l’État va-t-il compenser cette dépense des conseils généraux ?

M. Hervé Gaymard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n° 362.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est un amendement de coordination, comme M. Straumann vient de l’expliquer : combien tout cela va-t-il coûter, dans un moment difficile pour notre pays ? Je serai intéressé de savoir ce que le ministre de l’intérieur peut nous dire en la matière. Pourquoi changer de terminologie, alors que le conseil général était un acquis national ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 655.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous sommes dans un registre infiniment grammatical. Il y a un dogme socialiste : il faut impérativement tout changer. Nous avions le conseiller territorial, il faut le supprimer. On élimine la notion de territoire…

M. Dominique Baert. On avait Sarkozy, on a voulu mettre Hollande !

Mme Marie-Christine Dalloz. La notion de conseil général était une référence : nos concitoyens étaient habitués aux élections cantonales, tous les six ans, qui permettaient d’élire le conseiller général qui siégeait au département.

M. Michel Ménard. C’est vous qui vouliez le supprimer !

Mme Marie-Christine Dalloz. Par pure idéologie, vous êtes en train de changer les choses.

M. Dominique Baert. Eh oui ! C’est le changement !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il me semble qu’il faut laisser de la lisibilité à nos concitoyens et préserver cette habitude. Il y a suffisamment d’abstention aux élections locales pour ne pas en rajouter. Pour une meilleure clarté et répondre à une habitude électorale, il aurait été judicieux de conserver l’appellation « conseiller général ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Nous avons largement débattu de ces questions de dénomination.

Comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur en faisant état de la proposition de loi no 800 déposée au cours de la précédente législature par des parlementaires UMP, hier dans la majorité, aujourd’hui dans l’opposition, souvent député varie. Le rapporteur, lui, ne varie pas : avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Nous ne voudrions pas paraître trop insistants, mais cela coûte-t-il ou pas ?

Soyons très concrets : les autocars des conseils généraux qui sillonnent nos départements ruraux arborent généralement des panneaux au nom du conseil général. Il va falloir les changer. Cela entraîne des dépenses…

M. Philippe Martin. Vous n’avez jamais été conseiller général, vous !

M. Guillaume Larrivé. Je comprends que la majorité s’estime très, très au-dessus de ces questions d’intendance ; mais nous autres, qui représentons notamment des départements ruraux, nous estimons qu’il y a là un coût, et nous regrettons que vous vous obstiniez à ne pas nous répondre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a peu de temps, en 2011, le conseil général du Jura a changé de majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le nouveau président socialiste a tenu à afficher un nouveau logo sur tous les bâtiments du département : les collèges, les centres routiers, les CTER, tous les relais d’assistantes sociales. Tous les panneaux ont été changés.

Le coût, pour un département, est pharaonique. Bien sûr, c’est joli : c’est rose – c’est pour vous faire plaisir. ! Selon les départements, cela sera rose ou bleu, mais le coût sera forcément conséquent. Monsieur le ministre, il serait bien que vous puissiez nous indiquer un ordre de grandeur du coût moyen par département de la modification de l’ensemble de cette signalétique.

Mme la présidente. La parole est à M. Carlos Da Silva.

M. Carlos Da Silva. Puisqu’une de nos collègues a souhaité aborder la situation du conseil général du Jura, je vais parler du conseil général de l’Essonne, dont je suis le vice-président chargé des finances et des ressources humaines. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Cumulard !

M. Patrice Verchère. Et la parité ? C’est pour la suppléante !

M. Carlos Da Silva. Eh oui, je suis un cumulard, mais ce que nous cumulons le plus en Essonne, ce sont les résultats des lois que vous avez fait voter en 2004. Ces lois, dites « Acte II de la décentralisation », coûtent au conseil général de l’Essonne très précisément 330 millions d’euros cumulés sur huit ans. Et aujourd’hui, vous êtes en train d’ergoter sur les quelques dizaines de milliers d’euros que va coûter le changement de dénomination du conseil départemental ! Ce n’est pas sérieux !

(Les amendements identiques nos 275, 362 et 655 ne sont pas adoptés.)

Article 2

Mme la présidente. La parole est à M. Sauvadet, premier orateur inscrit sur l’article 2.

M. François Sauvadet. L’article 2 est celui qui institue ce nouvel hybride, qui n’existe nulle part au monde. Sur un même territoire, nous allons voir un couple élu ensemble, constitué d’un homme et d’une femme, et leurs deux suppléants. Et ils vont exercer leur mandat – c’est là que les choses se compliquent – indépendamment l’un de l’autre.

Lorsque nous débattions de l’appellation de conseiller départemental, vous parliez d’un facteur de lisibilité. Je dois vous dire qu’en matière d’illisibilité, vous venez de remporter la palme !

Vous avez inventé un nouvel hybride, une hydre de Lerne, cet animal à corps de chien avec plus de neuf têtes, qu’Hercule avait eu le plus grand mal à combattre lors de ses douze travaux. Mais je ne désespère pas de vous convaincre que le monstre à deux têtes que vous souhaitez installer va générer des concurrences et une gestion intenable dans les territoires.

J’ai entendu l’un des porte-parole du Parti socialiste déclarer qu’un conseiller général n’était pas un animateur du territoire : il était exclusivement le membre d’une représentation départementale. Si c’est bien ce que vous pensez, mes chers collègues socialistes, il fallait franchir le pas et mettre en place un scrutin de liste départemental.

J’observe d’ailleurs que le système que vous nous proposez est le seul mode de scrutin pour lequel il n’y aura pas une part de proportionnelle. Cela aurait pu être une réponse permettant de maintenir le mandat d’un homme sur son canton et en ouvrant le jeu d’une part de proportionnelle qui aurait pu permettre une juste représentation des courants de pensée et la parité.

Non seulement ce scrutin sera complètement illisible, mais il se traduira de plus par la suppression d’un canton sur deux. C’est une moyenne, mais en réalité vous allez créer des cantons immenses.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. François Sauvadet. Dans ma circonscription, qui compte dix-sept cantons, nous allons passer à quatre cantons pour plus de 300 communes. Je vous laisse donc imaginer…

Mme la présidente. Merci !

La parole est M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le président Sauvadet vient de résumer à la perfection la portée de cet article.

Alors que la question de l’instauration automatique de la parité dans les élections cantonales est présentée comme le motif principal de ce projet de loi, je remarque que les délégations aux droits des femmes n’ont pas rendu un avis unanime sur le sujet, c’est le moins que l’on puisse en dire. Ces dissensions ont de quoi étonner. J’aimerais que les représentantes de notre délégation aux droits des femmes puissent nous dire pourquoi elles n’ont pas rendu un avis unanime sur ce sujet.

M. le ministre de l’intérieur a eu la gentillesse de sortir des archives de l’Assemblée cette proposition de loi de 2008, que j’ai d’ailleurs trouvée plutôt bien argumentée (Sourires). Cela étant, monsieur le ministre, il faut comparer ce qui est comparable.

M. Manuel Valls, ministre. Toujours !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous ne pouvez pas imaginer que les circonstances soient tout à fait les mêmes qu’en 2008, alors que les départements étaient menacés de disparition par le texte sur le conseiller territorial ? Je ne suis d’ailleurs pas sûr que je l’aurais voté à l’époque ; j’avais eu l’occasion de m’en expliquer avec le président de la commission des lois. Craignant la disparition des départements, nous avions considéré que, dans ce contexte, notre proposition de loi était une bonne manière de les défendre en leur assurant une place et une pérennité.

Le contexte n’est évidemment plus le même aujourd’hui, mais le fait, comme l’a dit André Sauvadet, que votre projet de loi change le mode de scrutin dans de telles proportions nous amène évidemment à maintenir le contenu de notre proposition de loi de 2008, mais aussi notre vote de tout à l’heure pour les amendements de suppression de l’article 1er.

Mme la présidente. La parole est à M. Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Il y a treize ans maintenant, notre société débattait passionnément du principe de la parité. Je me souviens que je n’y avais pas spontanément adhéré : personne n’aime vraiment être réduit à une idée de quota. Mais j’avais comparé les grands discours sur l’égalité entre les hommes et les femmes avec les actes des partis politiques, et je m’étais dit qu’après tout, à voir la lenteur avec laquelle les choses avançaient en laissant faire, pourquoi ne pas essayer d’accélérer le processus en forçant le destin avec l’obligation de parité… Aujourd’hui, c’est la même analyse qui me conduit à approuver, monsieur le ministre, la philosophie générale du projet de loi, tout particulièrement le scrutin binominal proposé à l’article 2.

Plus de dix ans après la loi sur la parité, on voit bien sur ces bancs et sur ceux du Sénat que la parité arithmétique n’est pas encore parfaite, mais on voit aussi qu’elle progresse, y compris ici – même si elle progresse davantage de ce côté de l’hémicycle que de l’autre. Évidemment, ce scrutin peut soulever quelques questions, comme toute nouveauté, mais il nous fera franchir un pas considérable. C’est la raison pour laquelle je soutiens cet article avec l’ensemble du groupe SRC. Il permettra enfin de faire entrer la parité là où elle est encore pratiquement inexistante, c’est-à-dire dans les conseils départementaux, particulièrement dans leurs exécutifs.

Je soutiens donc l’article 2, dispositif essentiel du projet de loi : avec un homme et une femme par canton, il contribuera non seulement à féminiser le personnel politique, mais plus largement à le renouveler comme nous le demandent les Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le ministre, on voit bien qu’avec ce mode de scrutin, vous avez cherché un moyen d’habiller le découpage que vous souhaitez mettre en œuvre. Nous aurons l’occasion d’y revenir sur d’autres articles, mais ce découpage, qui permettrait de dépasser les limites des circonscriptions, peut laisser deviner des intentions moins avouables. Vous vous êtes agacé quand on a parlé de tripatouillage, mais reconnaissez que, a minima, le doute est permis. Ce mode de scrutin ne vise qu’à habiller tout cela, avec une sous-représentation des territoires : plusieurs de mes collègues l’ont évoqué, François Sauvadet citait l’exemple de sa circonscription, tout le monde pourrait faire de même : la mienne passerait de huit cantons à deux cantons : c’est donc bien une sous-représentation des territoires alors même qu’il faudrait tenir compte des spécificités des territoires ruraux, qu’il s’agisse des politiques de transport, de la petite enfance, ou encore des réseaux internet. Il y a des particularités vraiment propres aux zones rurales qui ne pourront pas être prises en compte si ces territoires ne sont pas suffisamment représentés.

Et qu’en sera-t-il lorsqu’il faudra porter des projets ? Nous serons dans un système assez incohérent : comment répartir le portage des projets ? Ou bien il faudra procéder à découpage géographique entre les deux co-conseillers, ou bien il faudra trouver un point d’accord, au risque, dans un cas comme dans l’autre, de fagiliser les projets.

Je vois donc bien que vous avez recherché dans la parité les moyens de masquer des choses moins avouables ; mais surtout, vous allez provoquer un vice de fonctionnement par le fait qu’avec deux représentants sur le même territoire, vous allez fragiliser le portage des projets.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues de gauche, nous sommes les défenseurs de la ruralité. Nous sommes aussi défenseurs des libertés locales.

M. Serge Bardy. Il n’y a pas que vous ! Nous aussi, nous sommes des défenseurs de la ruralité !

M. Guillaume Larrivé. Or ce qui est très singulier dans le mode de scrutin binominal que vous proposez, c’est qu’il interdit à une femme comme à un homme de se présenter seul, librement, dans un canton (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC), et de contraindre une femme de se présenter en binôme avec un homme, ou un homme de se présenter en binôme avec une femme.

C’est tout de même assez singulier, cette vision que vous avez à gauche, cette volonté de tout enrégimenter comme si la France devait être découpée en petits carrés et que des règles devaient empêcher la libre expression du suffrage. Il y a des endroits où il est totalement légitime de maintenir des libertés. Ainsi, dans nos territoires urbains ou ruraux, il faut préserver la liberté de choix du suffrage, cette grande conquête de la République, une grande conquête sur laquelle, malheureusement, vous allez revenir.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très juste !

Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. La nouvelle majorité a voté la suppression des conseillers territoriaux au motif que le rapprochement entre conseil général et conseil régional, proposé par la loi du 16 décembre 2010, que vous avez abrogée, ne garantissait pas une réelle simplification. À la place vous proposez, à l’article 2 du projet de loi, un mode d’élection des futurs conseillers départementaux on ne peut plus complexe et pour le moins inédit puisqu’il n’existe nulle part ailleurs : le scrutin binominal paritaire. Certes, il s’agit d’un scrutin paritaire alors que nos assemblées départementales restent d’irréductibles bastions masculins, avec seulement 14 % de femmes élues en 2011. En Haute-Savoie, nous n’avons même qu’une seule élue sur trente-quatre conseillers généraux.

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Vous en aurez bientôt 50 % !

Mme Virginie Duby-Muller. Mais permettez-moi, mes chers collègues, d’être sceptique sur la réalité du bon fonctionnement d’une représentation multiple, en l’occurrence deux candidats élus de chaque sexe, sur un même territoire. Des membres de votre majorité, monsieur le ministre, ont même dit en commission que de nombre de questions subsistaient encore concernant les modalités d’exercice de son mandat par le binôme, un député vous suggérant, afin de simplifier les choses et de permettre aux acteurs locaux d’identifier facilement leurs interlocuteurs, « de délimiter deux aires géographiques différentes à l’intérieur de chaque canton de manière à ce que le binôme, bien qu’élu ensemble, représente des territoires distincts ». On n’arrête pas le progrès… Sans parler du bulletin de vote, sur lequel apparaîtra une liste de quatre noms. En un mot : pour une bonne cause, celle de la parité, vous nous proposez ce que Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, a qualifié en commission d’OPNI – objet politique non identifié. Même si celui-ci peut avoir un effet mécanique positif, il me paraît concrètement très compliqué, coûteux, à la limite du bidouillage électoral…

M. Guy Geoffroy. Pas à la limite ! La limite est bel et bien franchie !

Mme Virginie Duby-Muller. …et en réalité moins valorisant pour les femmes que le scrutin de liste qui aurait eu déjà au moins le mérite d’avoir fait ses preuves.

D’un point de vue philosophique, je suis opposée aux quotas et à la parité ; mais d’un point de vue empirique, je reconnais qu’ils ont permis aux femmes d’accéder à la sphère politique.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la députée.

Mme Virginie Duby-Muller. Je considère toutefois que le dispositif proposé est avilissant car il suppose que pour être élue, une femme soit associée à un homme, et je crains que cette association ne s’apparente de facto à un tutorat. C’est pourquoi je suis contre cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Salen.

M. Paul Salen. Votre projet de loi pourrait être considéré comme intéressant, monsieur le ministre, s’il n’était en décalage avec la réalité de l’acte III de la décentralisation. Vous allez démonter le mode de scrutin mis en oeuvre pour élire les conseillers généraux. Le moins qu’on puisse dire, c’est que vous démontrez une imagination vraiment sans borne. Songez un instant que sur chaque territoire cantonal, nous aurons deux élus de sexe opposé représentant leur canton… Nous serons le seul pays du monde à avoir réussi une telle prouesse !

Songez aussi au découpage qui se profile à l’horizon : les départements vont profondément changer d’aspect en raison de la réduction du nombre de cantons – deux fois moins pour être précis –, et pour un même nombre d’élus, ce qui signifie que ceux-ci seront évidemment éloignés des réalités quotidiennes. Aucune garantie n’est apportée sur un nombre minimal de cantons permettant de préserver ceux d’entre eux qui se trouvent en milieu rural afin d’assurer une bonne représentativité de la diversité de nos territoires. Dans ma circonscription de la Loire, plusieurs cantons sont menacés, et tous se situent en milieu rural. Ainsi, un nombre croissant de nos concitoyens auront le sentiment justifié de ne plus être représentés, puisqu’ils vivront dans des cantons aux contours peu familiers et avec des binômes d’élus.

Tout cela traduit une précipitation de la part du Gouvernement car vouloir établir la règle de l’élection avant même que nous ne débattions du contenu de la réforme territoriale est absurde. Je rappelle que nous attendons toujours le contenu exact du projet de loi qui sera défendu par Mme la ministre en charge de la décentralisation.

Monsieur le ministre, votre projet, en l’état, n’est pas représentatif de votre sens de l’État et de l’action publique dont je ne doute pas. Je me refuse de croire que vous ne puissiez pas mesurer les faiblesses évidentes d’un texte qui laissera des millions de Français dans une forme d’impasse institutionnelle, car ils auront le sentiment de ne plus être représentés. Aussi, monsieur le ministre, je vous demande d’écouter la voix de la sagesse et de retirer ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, imaginons un instant que François Mitterrand assiste à nos débats. Il serait…

Mme Marie-Louise Fort. Horrifié !

M. Hervé Gaymard. …tout à la fois enchanté, ironique et désolé.

M. Stéphane Travert. Laissez les morts tranquilles !

M. Hervé Gaymard. Enchanté, parce qu’il aimait le canton. Candidat de droite en 1949, il a repris le canton de Montsauche-les-Settons, dans la Nièvre, au parti communiste, et il a toujours chanté le canton en expliquant qu’un homme politique, un homme d’État qui ne comprenait pas le canton n’était pas un vrai homme politique, un vrai homme d’État. Nous avons entendu notre collègue Tourret évoquer Lucien Leuwen, et si André Chassaigne était là, il nous parlerait du canton d’Ambert, voué malheureusement à disparaître, ce qui aurait fait beaucoup de peine à Alexandre Vialatte. Bref, nous avons eu un débat allégorique sur le canton, et nous en sommes tous très heureux, parce qu’il fait partie de notre identité républicaine.

Mais François Mitterrand serait aussi très ironique parce qu’il poserait les questions qui fâchent : ainsi, comment vont s’appeler ces nouveaux cantons ? Par exemple, dans la vallée de La Maurienne, aura-t-on un canton qui s’appellera Saint-Jean-Saint-Michel-Modane-Lanslebourg-Mont-Cenis, tout collé, puisqu’il en faudra quatre pour en faire un ? Quel sera le chef-lieu de canton ? Y en aura-t-il seulement un et quel sera le contenu juridique de la notion de chef-lieu de canton ? Lequel des deux élus siégera dans des instances délibérantes telles que le conseil d’administration du collège ou le conseil de surveillance du centre hospitalier ? Faudra-t-il tirer à la courte paille ? Y aura-t-il, Paul Salen a relevé ce point, des cantonales partielles ? Si un conseiller départemental et son suppléant renoncent, que va-t-il en effet se passer ? Vous le voyez, monsieur le ministre, énormément de questions restent ouvertes.

Enfin, François Mitterrand serait sincèrement désolé. Car dans votre projet, il y a deux risques : le premier, nombre de mes collègues l’ont souligné, c’est évidemment l’éloignement, voire l’effacement, des territoires ruraux (« Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI),…

M. Jean Lassalle. C’est vrai !

M. Hervé Gaymard.…et il faut donc absolument que, dans le redécoupage, les écarts maximums par rapport à la moyenne ne soient pas de plus ou moins 20 % mais de plus ou moins 40 %.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le député.

M. Hervé Gaymard. Madame la présidente, je n’abuserai pas de mon droit de parole dans ce débat, mais le second risque me paraît extrêmement important : c’est bien évidemment celui des triangulaires, voire des quadrangulaires. Le seuil abaissé à 10 % va créer un bazar épouvantable et rendre les départements ingouvernables. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. Jean Lassalle. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre, comme j’ai tout de même une certaine pratique du conseil général, je me pose une question technique sur un cas très particulier : celui de l’Enclave des Papes. Comment allez-vous faire ? J’ai été pendant douze ans élu dans ce canton et vous le savez en tant que ministre de l’intérieur : il s’agit d’un cas, peut-être unique en France, où une partie d’un département est dans un autre et une partie d’une région dans une autre. En effet, une partie du Vaucluse est géographiquement située dans la Drome, ce qui fait que j’étais encerclé par Hervé Mariton (Sourires), ce qui fait qu’une partie de la région PACA est enclavée dans la région Rhône-Alpes.

Vous allez regrouper les cantons par deux, mais j’ai cru comprendre que la continuité territoriale serait obligatoire. Je sais que j’évoque un cas très particulier ; n’y voyez aucune ironie, mais comment allez-vous procéder avec ce style de territoire ? Allez-vous tout de même le regrouper avec un autre canton ? Mais il n’y aura par le fait aucune continuité territoriale et ce sera donc complètement artificiel. Serez-vous alors obligé de dédoubler les élus du canton ? Le Vaucluse est l’exemple même du département rural, avec vingt-quatre conseillers généraux, et quand je vois les binômes que vous nous préparez, en dehors de l’étonnement devant ce montage bien particulier, j’avoue, comme mes collègues, avoir un certain mal à comprendre comment cela fonctionnera. J’ai profité de mon intervention sur cet article pour vous demander des précisions sur l’avenir de ce canton tout à fait particulier.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. L’article 2 du projet gouvernemental mérite de figurer parmi les élucubrations juridiques les plus saugrenues que notre assemblée ait jamais eues à examiner. Les débats qui ont eu lieu au Sénat il y a quelques semaines, et qui ont finalement conclu au rejet du texte, ont été riches d’arguments démontrant, au-delà de l’exotisme de la formule du binôme cantonal, son absurdité et son inutilité. D’autres épithètes plus imagées ont fleuri dans les travées de la Haute assemblée.

Pour ma part, je retiendrai que si notre pays s’honore d’avoir connu, au cours de son histoire, des innovations institutionnelles remarquables, l’incongruité juridique qui nous est proposée aujourd’hui marque une rupture totale avec cette tradition universellement reconnue. On chercherait en vain dans le monde un dispositif électoral analogue.

En réalité, cet article ne vise qu’à faire du chiffre et à exhiber un 50-50 dont la dimension spectaculaire ne doit surtout pas faire illusion. La parité se décrète moins qu’elle ne se gagne. Elle n’a nul besoin de puiser dans cette idéologie aux accents revanchards illustrée par cette saillie d’un ministre socialiste qui déclarait naguère à ce propos : « La sous-représentation des femmes est un défi à l’universalisme républicain. »

M. Manuel Valls, ministre et Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. C’est vrai !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est beau comme l’antique, mais la magie du verbe ne suffit pas à faire triompher la parité, pas davantage que le concept unique au monde de binôme ne garantit que la parité sortira gagnante de cette aventure.

Monsieur le ministre, si le binôme s’entend, il n’y a pas de problème, mais s’il ne s’entend pas ? Vous n’avez jamais répondu à cette problématique. Si, à un moment donné, il y a des discordances entre cet homme et cette femme, que faisons-nous dans nos pays ?

M. Thierry Mariani. On divorce !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Monsieur le ministre, l’un des orateurs a qualifié hier de baroque cette loi et plus particulièrement le mode d’élection des futurs conseillers départementaux. En quoi l’idée d’un binôme sur un territoire est-elle choquante ? Jusqu’alors le conseiller général était issu d’un canton et identifiable par tous. Il était responsable aux yeux de ses administrés et rendait des comptes, surtout en milieu rural : on l’interrogeait sur les projets ou l’état des routes départementales, le niveau de qualité des bâtiments du collège, les ramassages scolaires ou sur la pertinence de l’implantation des services sociaux de son canton.

Le conseiller général était un véritable animateur d’un petit territoire, comme d’autres orateurs l’ont souligné, tout en se préoccupant de la politique départementale. Qu’en sera-t-il à l’avenir ? Comment partagera-t-on les responsabilités sur le territoire ? Une concurrence exacerbée entre les deux titulaires absorbera l’énergie qui aurait dû être mise au service du territoire et de ses habitants. C’est une dilution, une diminution effective de la responsabilité de ces élus nouvelle formule qui affectera à l’évidence l’efficacité du travail sur le terrain.

Le ridicule ne tuant pas – c’est une chance ! –, quel spectacle donneront deux politiques élus d’un même canton qui se disputeront ? Sous prétexte de parité, je crains que l’on assiste à une nouvelle dégradation de l’image que nos concitoyens se font de leurs élus.

Cette idée baroque n’est pas bonne. En prévoyant deux élus pour un même territoire, vous faites preuve d’une imagination débordante visant en fait à procéder à un redécoupage à votre guise, dont vous espérez qu’il vous assurera la victoire dans des départements lors des échéances futures. Je ne sais si c’est du tripatouillage, du dépeçage, de la charcuterie ou de la boucherie mais il est sûr qu’il y a tromperie sur la marchandise, pour faire écho à une actualité récente.

Vous trompez les Français qui habitent en zone rurale et vous agitez la parité comme un miroir aux alouettes mais vous n’allez instaurer que désolation et pauvreté. La voix de la ruralité était enrouée, atténuée…

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Alain Marc. … et je souhaite qu’elle ne soit pas définitivement bâillonnée comme vous voulez le faire, madame la présidente, à mon égard. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Monsieur le député, je ne vous permets pas cette remarque. Vous avez dépassé votre temps de parole (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et je vous ai prévenu quinze secondes avant la fin de vos deux minutes pour que vous ayez le temps de chercher votre chute, comme je le fais pour tous les orateurs. Je traite tous les députés de la même manière.

La parole est à Mme Marianne Dubois.

Mme Marianne Dubois. Cet article constitue le nœud du problème. Il est ainsi proposé un nouveau scrutin applicable aux élections départementales, un scrutin atypique et inédit qui complexifie inutilement et durablement le système. Personne n’est dupe, comme cela a été dit maintes fois : ces nouvelles modalités d’élection ne serviront que des intérêts purement politiques. Les derniers jours passés au sein de ma circonscription m’ont permis de mesurer l’incompréhension totale de ce projet.

Au-delà du tripatouillage politicien et du mépris de la ruralité, c’est l’esprit même de cette loi qui pose problème. Alors que plusieurs textes sont annoncés sur une nouvelle étape de la décentralisation, sur un énième redécoupage des circonscriptions, alors que nos territoires travaillent depuis plusieurs mois sur la refonte de leurs intercommunalités, alors que dans ma région le conseil régional met en place une nouvelle organisation territoriale pour reprendre la main sur les pays qu’elle avait pourtant elle-même créés, vous allez effectuer un bricolage cantonal sans aucune cohérence avec les réflexions et travaux en cours. Où est la visibilité ?

Dans un instant, je présenterai un « amendement Loiret », reprenant celui qu’Éric Doligé a présenté au Sénat, visant à instaurer un scrutin mixte pour ne pas déshabiller les cantons ruraux au profit des cantons urbains, tout en tendant vers plus de parité et une meilleure représentativité de toutes les composantes politiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Monsieur le ministre, il y a quelques minutes, vous avez repris une proposition de loi pour en souligner les paradoxes et les contradictions. Permettez-moi de reprendre les propos tout autant paradoxaux et contradictoires de Mme Catherine Coutelle, la présidente de la délégation aux droits des femmes, concernant ce projet de loi.

« C’est une solution qui me choque énormément et qui me heurte profondément. Le message que je reçois en tant que femme politique, c’est : "Vous n’êtes pas capable d’y arriver toute seule, donc il faut faire des couples ! " C’est stupéfiant ! Je trouve même cela humiliant et je le vis comme un mépris : "On vous offre la parité, alors taisez-vous ! Et en plus vous n’êtes jamais contentes !" La parité oui, mais pas à ce prix-là… C’est un dévoiement de la parité. Je n’ai pas envie, si je devais me présenter au conseil général, d’aller chercher un homme pour le faire. »

M. Philippe Gosselin. Très bien !

M. Alain Chrétien. Ce n’est pas fini !

« On ne dit pas à chaque candidat sortant d’aller se chercher une femme pour se représenter. Car c’est ce qui va se passer, faut pas raconter d’histoires : les sortants qui sont des hommes vont aller se chercher une présidente d’association. »

Ces propos sont tenus par la présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale avec toute l’autorité qu’elle a et qu’elle doit avoir dans cette enceinte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mais le plus fort, mes chers collègues, c’est cette phrase : « Si je m’exprime, c’est que je pense que le débat est encore possible. J’ai fait un courrier à la mission Jospin, j’ai fait une note au parti socialiste.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ça ne donne rien !

M. Alain Chrétien. Le projet pourra évoluer à l’Assemblée nationale. » Voilà des propos contradictoires qu’il faut assumer quand on est un homme public ou une femme publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. D’autres l’ont dit avant moi, mais il est important de le répéter : ce binôme électoral est une anomalie juridique et politique.

Je ne connais que deux modes de scrutin : uninominal ou de liste à la proportionnelle. Ici, nous avons un hybride complètement baroque : ce n’est pas un scrutin uninominal puisqu’il y a deux élus ; ce n’est pas un scrutin proportionnel puisque les deux candidats seront élus, ou alors aucun d’eux.

Je comprends le confort que cela va procurer à certains qui sont incapables d’être élus sur leur nom personnel et qui vont pouvoir bénéficier d’une locomotive. Il suffira pour un ou une obscure apparatchik d’être sur le même ticket qu’une personnalité locale pour se retrouver élu sans difficulté.

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Vous avez une haute opinion des femmes !

M. Lionel Tardy. On va se retrouver avec des élus de seconde classe qui n’auront été élus que par le fait qu’ils étaient en bonne compagnie mais qui, seuls, n’auraient certainement pas été élus. Comment voulez-vous qu’ils aient une réelle légitimité politique dans ces conditions ?

Je suis attaché au scrutin uninominal, le vrai, celui où l’on est seul face à l’électeur. C’est le vrai test politique et démocratique. La proportionnelle ne permet pas cela et le scrutin binominal que vous inventez dans ce texte créera deux classes d’élus : ceux qui auront été élus sur leur nom et ceux qui se seront fait porter par l’autre membre du ticket.

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. C’est incroyable, ce machisme !

M. Lionel Tardy. Avec ce dispositif, nous allons également rendre plus difficiles les candidatures indépendantes et celles des petits partis. Avant, pour se lancer aux cantonales, il suffisait de déposer sa candidature. Puis, il a fallu trouver un suppléant, ce qui compliquait un peu les choses mais restait faisable. Désormais, il faudra être quatre : deux hommes et deux femmes.

Nous voyons ainsi la difficulté qu’il y aura à se lancer sans investiture. Pour les petites formations, il sera difficile de trouver quatre candidats par canton. Et comme par hasard, une partie du financement de la vie politique va être assise sur le résultat de ces élections !

M. Philippe Gosselin. Eh oui !

M. Lionel Tardy. Si l’on voulait tuer la diversité politique et étouffer les petits partis, mes chers amis, l’on ne s’y prendrait pas autrement.

M. Jean Lassalle. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le ministre, cet article 2 est représentatif de votre action : cela part d’un bon sentiment, la défense de la parité…

M. Manuel Valls, ministre. Ce n’est déjà pas mal !

M. Guillaume Chevrollier. …mais la solution proposée n’apporte que des inconvénients car le binôme que vous nous proposez va déstabiliser la représentativité des élus locaux. En effet, ce tandem, système unique au monde, va être source de confusion, de conflits, mais aussi de surcoûts.

Comme d’habitude, vous avez voulu casser ce qu’avait fait le gouvernement précédent et vous avez supprimé les conseillers territoriaux qui avaient pour but – louable – la réduction des dépenses publiques et le développement de la synergie entre les départements et les régions. Non seulement votre binôme va coûter plus cher mais il va aussi éloigner les élus de leurs électeurs car vous allez supprimer des cantons, les agrandir, ôtant ce lien territorial étroit si important.

Qui plus est, avec cette réforme qui va sacrifier les territoires ruraux, vous allez porter atteinte à l’équilibre de notre République. De surcroît, vous allez imposer un scrutin de liste pour les communes de plus de 500 habitants au lieu de 3 500 actuellement, ce qui est un changement très important. Que cherchez-vous à faire ? À politiser des élections qui ne le sont pas actuellement ?

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Philippe Gosselin. Tout à fait, c’est ce qui se passera !

M. Guillaume Chevrollier. À décourager les bonnes volontés ? Car vous n’allez pas faciliter la constitution des listes. Attention ! Permettez à l’élu d’un département rural que je suis de vous demander de prendre en compte le ras-le-bol des territoires ruraux. Ils ne veulent plus être les parents pauvres de notre pays et les résultats électoraux récents le montrent bien.

Vous profitez aussi de cette loi pour faire ce que vous auriez appelé, si vous aviez été dans l’opposition, du tripatouillage électoral. N’est-ce pas ce à quoi votre projet aboutit en abaissant de 12,5 % à 10 % le seuil du maintien au second tour de l’élection ? N’est-ce pas clairement une manière de permettre le développement des triangulaires avec toutes les conséquences que cela entraîne ?

M. Philippe Meunier. La main dans le sac !

M. Guillaume Chevrollier. N’est-ce pas ce que vous préparez, ce tripatouillage, en faisant un redécoupage de nouveaux cantons ?

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, je vous l’ai dit hier, le binôme en soi est une idée a priori plutôt sympathique, davantage en tout cas que le sort désastreux que vous réservez dans la suite de votre texte aux cantons ruraux que vous ferez disparaître.

L’idée est sympathique mais néanmoins totalement baroque : nous sommes seuls au monde à avoir pensé à ce mode de scrutin, comme l’ont dit plusieurs de mes collègues. Vous avez d’excellents collaborateurs au ministère de l’intérieur, je suis bien placé pour les apprécier, mais nous devrions appréhender ce sujet avec un peu d’humilité et en ayant bien fait le tour de la question.

Ce binôme présente trois défauts majeurs.

Premièrement, il porte une atteinte au principe de liberté, ainsi que l’ont dit Guillaume Larrivé et Catherine Coutelle. C’est même pire que ce qu’elle dit : il faudra qu’elle aille se chercher deux hommes si elle veut être candidate aux élections cantonales à l’avenir, un titulaire et un suppléant.

Deuxièmement, il porte une atteinte au principe de proportionnalité – et j’aimerais avoir votre réponse sur ce point, monsieur le ministre : à l’avenir, avec une voix d’avance, l’on gagnera non pas un siège, mais deux. C’est une formidable opération et une atteinte au principe de proportionnalité.

Troisièmement, il porte atteinte à un principe qui est fondateur dans toute démocratie, celui de la responsabilité de l’élu devant le corps électoral. Celui qui est candidat doit, au terme de son mandat, pouvoir se représenter au suffrage de ses concitoyens et, le cas échéant, être sanctionné par eux. Avec votre système, ce ne sera plus possible puisque le candidat est un binôme qui pourra se séparer à l’échéance électorale suivante. Vous faites complètement disparaître ce principe fondateur de toute démocratie, le principe de responsabilité. C’est très grave à une époque où, plus que jamais, les hommes politiques doivent être en mesure de répondre de leurs actes et de leur gestion devant leurs électeurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Nous avons beaucoup parlé de parité ces dernières semaines et je me réjouis, monsieur le ministre, qu’à défaut de la défendre au sein des familles, vous la défendiez dans nos instances départementales.

Comme vous, je trouve qu’il n’y a pas assez de femmes engagées en politique…

Mme Marie-Louise Fort. C’est vrai !

M. Dino Cinieri.… mais vos mesures sont pour le moins surprenantes. Le mode de scrutin binominal que vous proposez prévoit que, dans un même territoire, seront désormais élus deux conseillers départementaux de sexe différent, se présentant en binôme, chaque suppléant devant être du même sexe que le titulaire.

Ainsi, le binôme sera totalement solidaire au moment de l’élection, mais chaque conseiller départemental sera censé exercer ensuite son mandat de façon indépendante.

Je ne saisis pas vraiment en quoi ce dédoublement facilitera le travail des élus de terrain au service de la population. Les deux élus seront soit des doublons, soit des concurrents, ce qui ne peut être que préjudiciable à l’exercice de la démocratie locale.

Et puis, comme mes collègues l’ont rappelé avant moi, pourquoi suivant cette logique, monsieur le ministre, n’institueriez-vous pas deux maires par commune, deux présidents de conseil général par département et deux députés par circonscription ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Et deux ministres de l’intérieur !

M. Philippe Goujon. Et deux présidents de la République !

M. Dino Cinieri. Pourquoi pas deux ministres de l’intérieur, deux Premiers ministres, deux chefs de l’État ?

M. Patrice Verchère. On en a déjà deux au niveau de la présidence de la République, c’est bon !

M. Dino Cinieri. Le conseiller territorial que nous avions instauré sous la présidence de Nicolas Sarkozy avait, sur le plan pratique, le mérite de la simplification. Il avait aussi le mérite d’engendrer des économies de fonctionnement puisqu’il supprimait de fait plus de 1 800 élus rémunérés.

Je vous demande à mon tour, monsieur le ministre, de retirer cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. L’article 2 introduit une innovation particulièrement exagérée : le scrutin binominal paritaire. Je veux appeler votre attention sur le fait que cela peut sembler réalisable sur le papier mais sera probablement autrement plus difficile à mettre à mettre en œuvre.

Deux aspects heurtent le bon sens. Premièrement, en zone rurale, les cantons vont s’étendre sur des dizaines de kilomètres. Or chacun sait que le conseiller général est l’avocat des élus locaux et le médiateur des petites gens qui viennent auprès de lui se renseigner. Ils n’ont pas forcément les moyens de se déplacer. Vous allez éloigner l’élu de ses électeurs et de la population.

Deuxième problème très important, le manque de lisibilité. Nous avons bien compris que votre démarche est dogmatique et que vous serez jusqu’au-boutiste. Aussi vais-je vous proposer, monsieur le ministre, de créer deux sections par nouveau canton. Cela aura au moins le mérite d’être lisible. Au moins saura-t-on où trouver son conseiller départemental. Cela évitera les superpositions de responsabilité et les ambiguïtés d’usage. Je vous remercie de retenir cette proposition que je vous présenterai dans un amendement. Je vous invite au bon sens (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Après la discussion générale, je veux continuer d’interroger l’efficacité du choix que vous faites avec ce scrutin binominal. Est-ce la bonne réponse en matière de parité ?

Je ne vous cache pas que j’aurais préféré, comme la présidente de la délégation aux droits des femmes, une formule qui laisse aux femmes le plein exercice de leur mandat de conseiller général, demain de conseiller départemental.

Je l’ai dit hier mais je le répète : je crains la spécialisation des fonctions pour l’avoir vue trop souvent à l’œuvre, y compris dans des assemblées dirigées par des présidents de gauche : aux femmes, les compétences dites féminines, le social, la culture ; aux hommes, l’économie ou les infrastructures.

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Faites confiance aux femmes !

Mme Annie Genevard. Un de nos collègues m’a rétorqué hier qu’il s’agissait d’une caricature.

Mais, monsieur le ministre, dans le Gouvernement auquel vous appartenez, qui est ministre de la culture ? Une femme ! Qui est ministre des affaires sociales : une femme ! Qui sont ministre de l’économie et ministre de l’intérieur : ce sont des hommes !

Pour ce qui est de la droite affreusement misogyne que nous représentons, essayez de vous rappeler ce qu’il en était sous les précédents gouvernements. Qui était ministre de l’économie ? Une femme ! Qui était ministre de l’intérieur ? une femme ! Qui était ministre des armées ? une femme ! Qui était ministre de l’agriculture ? une femme ! Les ministres des affaires sociales et de la culture étaient des hommes.

Vous voyez donc que cette spécialisation sévit aussi dans vos rangs. Ce scrutin n’est peut-être pas la réponse efficace à la nécessité de faire progresser la parité. Je l’espère, mais je n’en suis pas sûre. Vous ne pouvez pas, en tout cas, la parer de toutes les vertus.

Relisez cette phrase d’Hérodote, qui figure en exergue du journal L’hémicycle que chacun d’entre vous reçoit : « le pouvoir n’est rien, seule compte l’influence. » Je veux dire à Mme Coutelle dont je regrette l’absence : madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, faites preuve de votre influence, faites des propositions en matière de parité. Elles seraient certainement plus intéressantes que celles qui nous sont soumises.

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Je crois que nous sommes tous d’accord pour faire progresser la parité. Sans être un ayatollah de la parité, force est de constater que les partis politiques n’ont guère réussi à la faire avancer lorsqu’on le leur a demandé.

Les incitations financières offertes aux partis politiques n’ont pas mieux fonctionné. Cela n’était d’ailleurs pas très glorieux de proposer des incitations financières pour que les femmes puissent occuper des fonctions exercées par les hommes.

De la même manière, l’obligation de désigner des suppléantes et pas seulement des suppléants n’a permis de progresser que modestement.

La seule formule qui a fait ses preuves est le scrutin proportionnel aux élections régionales. Lorsqu’on impose une parité vraie, la représentation des femmes progresse. Il n’y a pas d’autre solution que celle-là. Si j’avais dû me déterminer à titre personnel, c’est sans doute la formule que j’aurais choisie. La solution proposée est cependant tout aussi efficace puisqu’elle aboutit au même résultat : avoir autant de femmes que d’hommes. C’est l’objectif que nous poursuivons tous, me semble-t-il, sans exception dans cet hémicycle.

Je veux rappeler quelques chiffres. Lorsque j’ai été élu maire en 1989, il y avait malheureusement 5,6 % seulement de femmes conseillères générales et 17 % de femmes conseillères municipales. Cela paraît faible. Au début de la IVe République, après la deuxième guerre mondiale, ce pourcentage, je n’ose citer les chiffres, était inférieur à 1 pour les conseillères générales et autour de 2 ou 3 pour les conseillères municipales.

M. Philippe Meunier. Et sous Vercingétorix ?

M. Michel Liebgott. Je pense que nous avons encore une marge de progression sans aller jusqu’à nommer un ministre de l’intérieur bis féminin ou un président de la République bis féminin. Jusqu’à nouvel ordre, il n’y a en effet qu’un ministre de l’intérieur et qu’un président de la République. Mais dans chaque département, il y a entre dix et soixante-dix conseillers généraux.

M. le président. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. L’article 2 permet de concilier, à travers un changement de mode de scrutin, deux objectifs : la parité et l’égalité devant le suffrage. Le mode d’élection inédit, qui est introduit avec le scrutin binominal dans les départements, assurera en effet une parité parfaite et permettra de conserver, contrairement à la proportionnelle, un ancrage territorial. La parité est un gage de représentativité mais elle ne suffit pas. La sous-représentation – le mot est faible – des femmes dans les assemblées départementales est devenue insupportable.

Lentement, difficilement, la parité a partout progressé : dans les régions, dans les communes, au Parlement, même si certains ont fait davantage d’efforts que d’autres. Il reste bien sûr des progrès à accomplir. Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 13,5 % de l’ensemble des conseillers généraux. Jusqu’à présent, les différentes mesures mises en œuvre n’ont pas permis de grand changement.

Je suis persuadé que la réforme que vous nous présentez, monsieur le ministre, même si elle soulève certains problèmes en matière de représentation des territoires ruraux et urbains, permettra à nos collectivités de vivre une vraie modernisation de la démocratie territoriale.

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. L’introduction du scrutin binominal, nous l’avons compris, a pour but de permettre la permettre la parité. Nous partageons d’ailleurs cette volonté de donner toute la place qu’elles méritent aux femmes dans la vie publique.

Avouez toutefois que nous pouvons être surpris et nous interroger devant la méthode utilisée, mais aussi devant certaines contradictions.

Ainsi, je lis dans le rapport : « Une fois élus, les conseillers départementaux issus d’un même binôme exercent leur mandat en toute indépendance. » Expliquez-moi, monsieur le rapporteur, comment se traduit cette indépendance… Indépendance de l’un vis-à-vis de l’autre ? J’avoue ne pas comprendre. Vous ajoutez : « les candidats formant le binôme pourront d’ailleurs ne pas nécessairement être de la même tendance politique ». Alors là, je n’y comprends plus rien ! Vous indiquez d’un côté que les élus sont évidemment solidaires devant le scrutin et, de l’autre, que l’un ne pourra être élu sans l’autre. Je vois là beaucoup de contradictions.

Sur le terrain, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment cela va-t-il s’appliquer ? Imagine-t-on un maire qui s’adresserait à deux élus – ou à l’un d’entre eux seulement, mais auquel ? Ajoutons que les deux élus ne seront pas nécessairement d’accord entre eux. Vont-ils siéger tous les deux dans tous les conseils d’administration des collèges ? Vont-ils être invités ensemble à toutes les réunions qui ont lieu tous les jours dans tous les domaines ? Un élu ne prendra-t-il pas l’ascendant sur l’autre ?

Ce système hybride va se complexifier encore avec les suppléants, le remplaçant devant être du même sexe que le candidat. Je crains que l’existence de ce couple à deux, qui va devenir un ménage à quatre sur le bulletin de vote, ne favorise pas la lisibilité et ne permette pas à nos concitoyens de se retrouver, comme ils le faisaient par le passé, autour de leur conseiller général (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Notre groupe est opposé à la création de ce binôme. S’il permet certes d’atteindre la parité, cela se fait au détriment du pluralisme et de la démocratie. Ce mode de scrutin va favoriser le bipartisme. Là où il y avait deux élus de sensibilité différente, il y aura désormais deux élus de la même sensibilité.

J’ajoute que votre projet ne va évidemment pas favoriser la proximité dans des cantons qui vont être considérablement agrandis. Un même canton sera désormais composé de deux, voire de plusieurs anciens cantons en milieu rural.

Votre projet ne va pas non plus favoriser, en raison de l’idée même du binôme, la lisibilité pour les élus locaux et les citoyens.

Monsieur le ministre, nous aimerions convaincre le Gouvernement de renoncer à cette création pour que le projet de loi qu’il porte soit véritablement une avancée démocratique. Pour cela, il doit conjuguer parité et pluralisme. C’est le sens des amendements que nous proposons sur le scrutin proportionnel. Il existe plusieurs variantes possibles dont nous discuterons lors de l’examen des amendements.

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. J’ai entendu de nombreux qualificatif : certains ont parlé d’anomalie, d’autres ont employé les mots d’hybride ou de baroque. D’autres sont allés jusqu’à évoquer l’hydre des travaux d’Hercule.

Selon moi, le mode de scrutin prévu pour l’élection des futurs conseillers départementaux innove en faisant élire au scrutin majoritaire à deux tours deux conseillers, un binôme à la fois solidaire et paritaire.

Ce mode de scrutin concilie le scrutin majoritaire et la parité, c’est-à-dire la proximité et l’égalité des genres.

Soyons honnêtes, chers collègues. En 2014, si la loi créant le conseiller territorial s’était appliquée, il y aurait eu, d’après les projections, 20 % de femmes élues, soit moins de 700 femmes sur 3 471 élus. En faisant progresser le pourcentage à chaque élection de 10 % seulement, il aurait fallu, d’après mes calculs, attendre soixante ans pour parvenir à la parité avec 1 800 femmes élues (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je crains donc qu’en 2074, mes chers collègues, aucun de nous, même parmi les plus jeunes sur ces bancs, ne soit là pour voir advenir ce jour.

C’est au prix de mesures volontaires que nous permettrons la parité, l’isothimie. Ce mot grec, qui désigne l’égalité d’accès aux fonctions – pour paraphraser Strabon, c’est la jouissance des mêmes droits, la participation aux mêmes charges et le partage des honneurs du Gouvernement – convient plus que celui d’anomalie. C’est l’isothimie que nous mettons en œuvre, l’égalité civique et juridique mais aussi l’égalité politique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Le conseiller territorial avait le mérite de préfigurer des relations peut-être plus étroites entre le département et la région. Pour ma part, j’ai toujours été favorable à une fusion de ces deux collectivités en une seule, avec un statut analogue à celui de Paris, Lyon et Marseille et des représentations de proximité à l’exemple de ce qui existe au niveau de leurs arrondissements.

Malheureusement, ce texte me paraît le signe non d’un progrès mais plutôt d’une forme de régression, à certains égards, sur un certain nombre de points. À tout prendre, je préfère cependant la formule du binôme à un scrutin proportionnel intégral à l’échelle du département. Une proportionnelle départementale intégrale aurait eu pour conséquence d’avoir des élus hors sol aussi peu reconnus sur le terrain que les conseillers régionaux, avec tout ce que cela implique.

Reste que l’application de votre texte entraînera des inéquités et des différences en termes de représentation tout de même assez importantes, qui nous interpellent. Prenons l’exemple du département du Tarn qui comporte deux agglomérations et se caractérise par un territoire de montagne. Les deux agglomérations d’Albi et de Castres totalisent 50 % de la population sur 5 % du territoire départemental. Si le texte est adopté en l’état, ce sont douze cantons qui se partageront ces 5 % du territoire. En revanche, dans le secteur montagneux du département, si le critère démographique reste inchangé et si la proposition de notre collègue Sauvadet dont l’objet est de faire que soient représentés à la fois une population et un territoire n’est pas adoptée, un seul canton représentera 25 % du territoire. Cela nous interpelle, sans parler du fait que nous n’aurons pas réglé le problème des découpages totalement arbitraires qui font que, dans une même ville, les habitants se retrouvent dans un canton ou dans un autre selon qu’ils habitent d’un côté ou de l’autre d’une même rue.

La solution, c’est un mode de scrutin hybride : des élus au scrutin uninominal en zone rurale et au scrutin proportionnel dans les agglomérations.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous parlons de la représentation des hommes et des territoires de notre pays dans ce qu’elle a de plus ancien et de plus fort.

Nous sommes en train de briser le lien si ancien qui unit les hommes au territoire. C’est sur ce lien charnel, historique et culturel que s’est construit notre pays et que s’est appuyé notre État. À mon avis, nous le regretterons très longtemps.

Monsieur le ministre, je vous tiens en très haute estime et je sais quelles valeurs vous portez. Je vous demande donc de mettre un terme, d’une manière ou d’une autre, à ce projet de réforme, d’ailleurs entaché d’emblée d’une irrégularité : car ce n’est pas parce qu’il y a eu un petit arrangement par la suite qu’il n’y a pas eu tout à l’heure une irrégularité lors du vote.

Pour ma part, je refuse ce texte, parce qu’il est trop important. La mort politique précède toujours la mort économique et sociale des territoires. Je ne voudrais pas, après qu’ils ont mis le feu dans les banlieues, que l’on retrouve les bandits de grand chemin dans nos campagnes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Manuel Valls, ministre. Ah, en parlant de grand chemin !

M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre, mes chers collègues, bien évidemment, essayer d’introduire plus de parité dans les élections des conseils généraux est tout à fait louable, mais la voie choisie est-elle la bonne ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Christian Estrosi. Un certain nombre d’intervenants l’ont démontré : la réponse, à l’évidence, est non.

Nous le voyons bien, nous nous acheminons vers une domination du monde rural par le monde urbain.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Christian Estrosi. Au-delà du fait que, dans une circonscription comme celle que j’ai l’honneur de représenter depuis de nombreuses années, nous allons passer de neuf cantons à trois ou quatre, et que, vraisemblablement, la route la plus haute d’Europe, qui va du niveau de la mer jusqu’à 3 200 mètres d’altitude, n’aura plus de représentant au sein du conseil général de mon département,…

M. Régis Juanico. Quelle tristesse !

M. Christian Estrosi. …je pose, après d’autres, la question de la représentativité et de la légitimité de chacun.

Pour traiter de la condition d’un élu dans nos débats, ce qui compte, avant tout, c’est de penser à la condition des hommes, des femmes, des enfants, de ceux qui attendent d’un élu qu’il ait le pouvoir, la puissance, la capacité de défendre au mieux leurs intérêts et la cohésion économique et sociale pour laisser le moins de monde possible sur le bord du chemin.

Les questions sont simples. Dans les conseils d’administration, comment procédera-t-on ?

M. Pascal Deguilhem. Par désignation !

M. Christian Estrosi. Et, lorsqu’un des deux élus sera intégré dans un exécutif, présidera une commission, qui sera le référent dans le canton, qui apparaîtra, aux yeux de nos populations, comme le plus habilité à les représenter ou à les défendre ? Ce sera forcément celui qui sera en position de force et qui, de fait, amoindrira d’autant l’efficacité et la représentativité de son partenaire.

Je crois, monsieur le ministre, que vous êtes en train de vous engager sur une voie extrêmement dangereuse pour la représentation de nos territoires et de nos populations, que vous exposez au risque de grandes iniquités et de grandes injustices.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Lorsqu’on essaie de l’expliquer à des élus locaux, le mode de scrutin que le projet de loi tend à instaurer est accueilli avec incrédulité ; soit les gens haussent les épaules, soit ils lèvent les yeux au ciel. Ce sont en tout cas, pour l’essentiel, les deux attitudes que j’observe.

Analysons tout de même cette proposition avec indulgence. Elle présente incontestablement un intérêt : celui de concilier le scrutin majoritaire et l’émergence de la parité.

Mme Karine Berger. Merci !

M. Jacques Lamblin. Malheureusement, elle induit des dommages collatéraux.

Le premier, à mon avis, c’est que, de façon subtile, intuitive, ce projet fait émerger l’idée que, dans un territoire donné, les femmes sont là pour représenter les femmes et les hommes là pour représenter les hommes.

Le deuxième, c’est que la nature de l’assemblée départementale est complètement modifiée : ce n’est plus une assemblée des territoires.

Peut-on faire mieux ? Il me semble, à tout prendre, que la solution d’un scrutin proportionnel en zone urbaine et majoritaire en zone rurale…

M. Jean Lassalle et M. François Sauvadet. Très bonne solution !

M. Jacques Lamblin. …permettrait de faire quand même émerger la parité tout en ménageant le secteur rural et donc en préservant la dimension d’assemblée des territoires du conseil.

M. Denys Robiliard. Ben voyons !

M. Jean-Paul Bacquet. Ce serait pire !

M. Jacques Lamblin. Par ailleurs, essayez au moins de prendre en compte la proposition de mon collègue Decool, qui offre aussi une amélioration.

Enfin, je vous le demande, est-ce que, dans votre frénésie paritaire, vous envisagez de jumeler les élections municipales, de jumeler les communes deux par deux, pour que soient élus simultanément un maire homme et une maire femme ? En toute logique, vous devriez le faire.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Le Mèner.

M. Dominique Le Mèner. Monsieur le ministre, vous avez, dans vos interventions précédentes, rappelé l’importance des mots. Il est vrai que, lorsqu’on lit cet article, on peut, pour employer un euphémisme, dire qu’il est original.

Il est original dans sa conception, puisqu’il vise à instaurer une parité, mais, en lisant l’exposé des motifs, on apprend que ces deux candidats, une fois élus, exercent leur mandat séparément. Si l’on remplaçait un instant ce binôme mixte par un binôme de deux hommes ou de deux femmes, on s’apercevrait qu’il est très compliqué à mettre en œuvre dans un département où la représentativité sur un territoire, même plus vaste, suppose un homme ou une femme, mais difficilement deux personnes en même temps.

On peut comprendre le souhait de la parité et nous ne préjugeons pas des intentions qui vous animent ; mais on voit les difficultés d’un système qui, sur le territoire, va entraîner une perte de représentativité des candidats qui seront élus. Peut-être pourrait-on déceler derrière tout cela quelque intérêt à faire disparaître petit à petit une représentation des territoires ruraux, pour peu qu’elle vous soit défavorable politiquement, mais je crois que c’est plus grave. En réalité, la représentation des territoires ruraux, c’est, très souvent, la représentation de territoires déshérités, très éloignés des centres de décision, une représentation que nous avons un devoir républicain d’assurer.

Je trouve donc, monsieur le ministre, que, même si la démarche de parité est en soi est concevable,…

M. Carlos Da Silva. « Concevable » ! Quel mot !

M. Dominique Le Mèner. …le fait de passer de cinq cantons à un dans les territoires les moins peuplés va entraîner une perte de représentativité et, pour le binôme élu, une perte de légitimité.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. À ce stade de nos débats, les choses sont claires, et il ne faut pas y aller par quatre chemins.

Votre objectif, c’est de faire en sorte que, dans les départements, le poids de la population des milieux urbains écrase l’identité des territoires ruraux. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) C’est tout simplement cela, et, moi qui suis élu d’un département dont une moitié de la population vit dans les villes et l’autre dans les territoires ruraux, je sais le calcul que vous avez fait pour garder la présidence du conseil général grâce à ce mode de scrutin, comme je sais que vous le faites dans d’autres départements où vous aspirez à prendre la présidence du conseil général. En fait, ce que vous proposez là est assez surprenant. Cela en a d’ailleurs surpris beaucoup : la présidente de la délégation aux droits des femmes et aussi – faites attention, monsieur le ministre, à ceux qui sont au banc des commissions, à côté du vôtre – le rapporteur de ce texte.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous jouez sur les mots !

M. Guy Geoffroy. Le 7 novembre dernier, M. Popelin, qui n’était pas encore rapporteur de ce texte, et qui saluait les propos par lesquels j’exprimais mon souhait d’une représentation des territoires en même temps que la parité serait introduite, me répondait ainsi : « Si, par extraordinaire, la conciliation de ces deux objectifs – essentiels – devait amener le Gouvernement à proposer un scrutin binominal… » Voilà ce que disait le futur rapporteur du texte à l’occasion de la suppression du conseiller territorial.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Et la suite ?

M. Guy Geoffroy. Il me disait ensuite : « vos inquiétudes ne me paraîtraient pas justifiées ». Quelle duplicité ! Il nous disait que ce n’était pas possible, que cela ne pourrait exister que « par extraordinaire »… Mais, en fait, il savait bien qu’il serait le rapporteur de ce texte !

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Guy Geoffroy. Vous voulez imprimer une marque politique sur les départements. Il n’y a donc…

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Finalement, monsieur le ministre, je trouve que nous avons beaucoup de points communs. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Oui, nous avons beaucoup d’objectifs communs ; je pense à la sécurité, à la lutte contre le terrorisme. S’y ajoute aujourd’hui la représentativité.

La différence, c’est ce que nous mettons chacun derrière ces mots. Pour ma part, quand j’entends « représentativité », je pense d’abord à « démocratie » et donc à « courants d’opinion ». Avant de nous proposer votre binôme « chabadabada », vous auriez mieux fait de vous soucier d’une meilleure représentation des idées, et donc des partis, au sein des conseils généraux.

La différence, c’est que, avant de voir des hommes et des femmes, avant de voir des sexes, nous voyons d’abord, nous, des idées, des convictions, des projets, des compétences, et c’est cela qui compte, c’est cela qui doit être le moteur de la démocratie, c’est ça qui doit être la matière de nos institutions. C’est pourquoi mon petit groupe ne votera pas cet article 2, qui ne répond pas à l’objectif et qui ne correspond pas à l’idée essentielle que nous nous faisons de la représentativité démocratique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le ministre, cet article modifie le mode de scrutin et innove ; cela a été dit. Analysons-le en nous attachant uniquement aux hommes et aux femmes, aux citoyens et aux habitants de notre territoire, aux conséquences que cela a pour eux. Je pense que c’est le plus important.

Le premier point, c’est la création d’un nouveau mode d’élection, hybride, inédit. Ces nouvelles modalités entraînent, pour nos électeurs, des pertes de repères, des pertes de références. Je pense que cela ne doit pas, en cette période, être notre propos. Nous connaissons actuellement le scrutin uninominal à deux tours et le scrutin de liste. Pourquoi perturber davantage nos citoyens que la complexité de ce millefeuille rend déjà perplexes ?

Le deuxième point, qui n’est pas écrit dans votre projet de loi, c’est l’après, l’après-vote.

Les deux candidats sont liés et solidaires, cela a été dit et répété. Ils le sont jusqu’au soir même de l’élection, mais après, qu’en sera-t-il ? Votre projet de loi ne prévoit rien à ce sujet. Que se passera-t-il si les deux candidats ont des avis divergents sur un même projet dans un même territoire ? Une telle situation ne peut qu’être source de confusion. Comment les habitants de nos territoires – car c’est à eux que je pense – pourront-ils s’y retrouver ? Qui sera leur interlocuteur naturel % Finalement, nous ne le savons pas.

Pourquoi rendre les choses moins lisibles, alors que les liens qui unissent les conseillers généraux et leurs électeurs sont clairement établis ? Pourquoi cette confusion ? Pourquoi rendre la représentation des territoires plus difficile ?

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet.

M. Philippe Cochet. Monsieur le ministre, je crois que vous vous êtes trompé de deux mois : le concours Lépine, c’est au mois d’avril ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez en effet réussi à trouver une formule extraordinaire, qui n’existe nulle part ailleurs. Il faut dire que vous, les socialistes, avez pour cela un certain talent : vous avez déjà inventé les trente-cinq heures, que personne n’a osé breveter au niveau mondial. Cette fois-ci vous nous présentez un système électoral – les différents orateurs du groupe UMP l’ont évoqué – invraisemblable !

J’évoquerai simplement à mon tour un cas de figure concret. Lors de l’inauguration d’une infrastructure pour la construction de laquelle des aides départementales ont été accordées, lequel des deux membres du binôme élu prendra la parole ? Le monsieur, ou la dame ?

M. Patrice Verchère. Les deux, mon général ! Par ordre alphabétique !

M. Philippe Cochet. Au-delà de ces réalités, le diable en fait se cache dans les détails. Vous avez très bien joué, monsieur le ministre : vous nous amusez avec cette histoire de scrutin binominal d’une espèce unique au monde, pour mieux dissimuler votre volonté. Je l’ai déjà dit : si vous avez fait tourner les ordinateurs de la place Beauvau, la parité n’était pas votre priorité. Votre préoccupation est uniquement de conserver durablement la majorité dans un certain nombre de territoires. Monsieur le ministre, cet objectif, car tel est le vôtre, assumez-le !

M. Jérôme Chartier. Il a raison !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Je félicite le Gouvernement, (« Ah ! »sur les bancs du groupe SRC) car, alors que nous reculons dans tous les secteurs, que nos exportations sont en difficulté, que nous perdons des places dans les classements internationaux comme le classement de Shangaï, nous conservons la palme de l’innovation ! Le monde entier nous envie. Oui, nous sommes les champions en la matière avec ce jus de crâne : tout l’univers nous enviera le mode de scrutin que nous examinons ! Le Gouvernement mérite donc tout particulièrement d’être félicité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

D’aucuns, à d’autres périodes, y auraient vu une anomalie parmi les démocraties. Mais sans doute faut-il se rendre à l’évidence : ce mode de scrutin sera efficace. Il n’y a, bien sûr, aucun risque d’incohérence, de mésentente ou de friction, aucun risque de rupture de solidarité dans le couple de candidats, formé par un homme et une femme, classés par ordre alphabétique sur les bulletins de vote ! Il n’y a pas de difficulté quant à leur prise de parole en public, pas de problème d’organisation des territoires, non plus que de dyarchie. Le général de Gaulle, dans sa conférence de presse du 31 janvier 1964, a justement dit qu’« on ne saurait accepter qu’une dyarchie existât ». Je me rends compte qu’aujourd’hui, nous en sommes bien loin.

Que dire, cette fois sans ironie, des territoires ruraux, qui seront sans doute les grands sacrifiés de cette opération de remodelage et de tripatouillage ?

M. Jean Lassalle et M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Philippe Gosselin. Ils n’attendent que les derniers coups de ciseaux pour pouvoir s’exprimer définitivement.

Je remarque, une fois encore, que la majorité a si peu de confiance en ce texte qu’elle a déserté les débats au Sénat mais aussi à l’Assemblée nationale puisque, lors de la séance précédente, il n’y avait pas de majorité pour adopter l’article 1er ! C’est tout de même assez révélateur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Laurent Wauquiez. Eh oui !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Janquin.

M. Serge Janquin. Chers collègues de l’opposition, je vous trouve vraiment extraordinaires. (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP). Il est en effet extraordinaire d’invoquer, lors de ce débat, les mânes de François Mitterrand.

Mon cher collègue Hervé Gaymard a quitté l’hémicycle. Je ne lui en veux pas : il ne m’en voudra pas non plus de m’adresser à lui en son absence. Il a connu, comme moi, l’ancien président, son attachement aux cantons et aux communes. Dont acte. Peut-être François Mitterrand aurait-il été en effet d’abord un peu intrigué, surpris, par la proposition du binôme électoral. Mais je ne suis pas certain qu’il l’aurait désapprouvée ! Il aurait peut-être même été admiratif de l’inventivité du Gouvernement et de sa majorité, lui qui a si souvent soutenu l’engagement des femmes en politique, jusqu’à nommer pour la première fois l’une d’elles au poste de Premier ministre.

Finalement, je pense qu’il eût été admiratif,…

M. Philippe Gosselin. Pour le moins !

M. Serge Janquin. …devant cette occasion extraordinaire de faire accéder de nombreuses femmes, comme autant de nouveaux hussards de la République, aux conseils départementaux.

M. Patrice Verchère. Et qu’en aurait pensé Napoléon ?

M. Serge Janquin. Voyez-vous cet horizon se dessiner devant vous ? Tant de femmes pour représenter la volonté du peuple dans ce pays, qui sans cela ne pourraient se faire l’interprète de l’expression populaire ! Je pense même, voyez-vous, que François Mitterrand en aurait ressenti une sorte de jubilation toute républicaine.

M. Philippe Gosselin. Il aurait été émerveillé !

M. Laurent Wauquiez. La jubilation républicaine : quelle belle formule !

M. Serge Janquin. Quant aux difficultés éventuelles de représentation, puis-je vous rappeler qu’il y a plusieurs conseillers régionaux par département ? Or il n’y a pas pour autant la guerre entre ces conseillers, chers collègues !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le ministre, de nombreux députés – notamment Olivier Marleix et Bernard Perrut – ont rappelé les graves défauts du mode d’élection des conseillers départementaux que vous voulez mettre en place. Tout en regrettant ce choix, je cherche, dans l’hypothèse où ce dispositif sera adopté, à atténuer ces défauts.

Il n’existe pas, en France, de scrutin plurinominal majoritaire. Toutes les élections à scrutin de liste, même avec peu de candidats – comme les élections sénatoriales dans certains départements, ou les élections législatives de 1986 dans les départements où il y avait deux députés – se font selon les modalités du scrutin proportionnel. Les futures élections départementales ne sauraient donc être les seules élections non proportionnelles à élire plusieurs candidats. Le mode de scrutin proposé par le projet de loi peut aboutir à l’élection de deux élus d’une même liste qui n’aurait pourtant qu’une seule voix d’avance sur une liste concurrente, soit une demi-voix par candidat. C’est pourquoi, sans remettre en cause le principe de double candidature d’un homme et d’une femme dans chaque canton, je propose de remplacer le scrutin majoritaire à deux tours par un scrutin de liste à un tour à la représentation proportionnelle. J’ai déposé plusieurs amendements à cet effet avec Maurice Leroy et Olivier Marleix. Tout en assurant la parité dans chaque canton, ce mode de scrutin sera ainsi plus favorable au pluralisme politique.

Le projet de loi affiche l’ambition d’un équilibre démographique, au risque de sous-représenter les territoires. Il vise également l’équilibre entre les hommes et les femmes. Les amendements que nous présenterons ont pour objet d’ajouter à ces objectifs celui d’un meilleur équilibre politique grâce à l’application du mode de scrutin proportionnel aux listes présentées dans chaque canton. Il s’agirait de répartir les sièges dans chaque canton soit selon la règle de la plus forte moyenne, soit selon la règle du plus fort reste. Les sièges seraient attribués aux candidats dans l’ordre de présentation de chaque liste, le second siège étant attribué à un candidat de sexe opposé au candidat attributaire du premier siège.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Comme Philippe Gosselin, je voudrais à mon tour saluer la créativité et l’inventivité du ministre. Incontestablement, ce mode de scrutin mériterait d’être breveté. Je suis moins certain que vous parviendrez à l’exporter, et à réduire ainsi le déficit de la balance commerciale française,…

M. Patrick Lemasle. Quel humour !

M. Éric Ciotti. …tant il comporte d’aspects négatifs. Il faut cependant souligner que ce nouveau mode de scrutin aura pour effet de supprimer une réforme majeure de notre organisation territoriale, menée par la précédente majorité : celle du conseiller territorial. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Popelin, rapporteur. On ne peut rien vous cacher !

M. Éric Ciotti. Le conseiller territorial avait essentiellement deux vertus : d’abord, cette réforme permettait de diminuer le nombre des élus, et constituait ainsi un signe clair de rationalisation des dépenses publiques. Ensuite, elle témoignait d’une meilleure organisation des collectivités territoriales. En effet, en permettant à la même personne de siéger à la fois au conseil général et au conseil régional, elle aurait mécaniquement rapproché ces deux collectivités, et par là même lancé l’indispensable modernisation de notre organisation territoriale. Il est regrettable que vous reveniez sur cette réforme, et que vous ayez abrogé ce texte qui marquait un véritable progrès dans l’organisation territoriale de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis stupéfait d’entendre les députés socialistes nous parler de la parité, et nous dire qu’il faut à tout prix la mettre en place, alors qu’ils n’ont pas été capables de le faire dans les départements où ils sont eux-mêmes majoritaires ! Monsieur Janquin, vous êtes député du Pas-de-Calais. La majorité de gauche, socialistes et communistes réunis, y détient 60 sièges sur 72 au conseil général : combien y a-t-il de femmes parmi ces 60 conseillers généraux ? Seulement 5 !

M. Laurent Wauquiez. Cela n’est pas très respectueux !

M. Daniel Fasquelle. L’UMP compte, elle, 2 femmes pour 12 élus : en proportion, nous sommes meilleurs que vous ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il est quand même incroyable que vous nous donniez des leçons à ce sujet, alors même que vous avez été incapables d’assurer la parité dans les départements où vous êtes très présents, comme celui du Pas-de-Calais !

Ensuite, j’ai très franchement l’impression que cet hémicycle a changé depuis quinze jours. Il y a deux semaines, dans le cadre du débat sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, on nous expliquait, selon la théorie du genre, qu’il ne fallait plus faire référence à la différence des sexes, et que nous étions complètement ringards de parler d’hommes et de femmes. Vous avez d’ailleurs supprimé la référence aux notions de « père » et de « mère », de « mari » et de « femme » dans le code civil.

Mme Brigitte Bourguignon. Cela n’a rien à voir !

M. Daniel Fasquelle. Or, tout à coup, voilà qu’à l’occasion de ce débat la différence des sexes réapparaît ! Votre capacité à effacer votre mémoire est incroyable !

En réalité, pourquoi faites-vous tout cela ? Pour conserver la majorité des conseillers généraux et pour maintenir votre majorité au Sénat, alors que vous vous sentez en difficulté ! Voilà la réalité ! Vous masquez un tripatouillage électoral derrière l’objectif de parité pour garder les départements et le Sénat ! Tout cela n’est pas très honnête. Nous continuerons à le dénoncer au cours de ces débats, devant les Français.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Je ne savais pas, en venant à l’Assemblée nationale participer à l’examen de ce projet de loi, que nous parlerions avant tout de parité : je pensais que nous parlerions du conseiller départemental.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est normal : nous parlons de l’article 2 !

Mme Monique Rabin. Mais puisque nous parlons de parité, laissez m’en dire quelques mots. Tout le monde semble s’y rallier. C’est un scoop ! L’an dernier, en 2012, la proportion de femmes élues à l’Assemblée nationale ne s’est élevée qu’à 37,5 % du nombre total de députées, sachant que ce sont les partis de gauche qui ont fourni le plus gros des effectifs féminins. Et en l’espace d’un an, les femmes ici présentes et les hommes qui ont permis cette avancée, portent ce texte avec une relative unanimité.

La parité, on en parle depuis 1791. Je n’ai pas fait le calcul, car je n’avais pas prévu d’intervenir ce soir, mais il me semble que depuis cette date, vous avez été au pouvoir, chers collègues de l’opposition, pendant au moins 170 ans ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Qu’avez-vous fait pour améliorer les choses, vous qui vous dites ce soir tous d’accord avec la parité ?

Je veux aussi rappeler les engagements pris par le précédent Président de la République, qui avait fait de la parité l’une de ses promesses électorales. Au fil des années, nous avons vu les femmes présentes au Gouvernement partir les unes après les autres.

M. Gérald Darmanin. Pour le FMI !

Mme Monique Rabin. Et puis, un jour, il a décidé de mettre en place le conseiller territorial. Or toutes les statistiques le montrent, si cette réforme avait abouti, il y aurait 60 % de femmes en moins dans les conseils généraux.

Vous dites être pour la parité, mais je n’ai entendu, depuis le début de l’après-midi, aucune proposition constructive à cet égard.

M. Daniel Fasquelle. C’est faux !

Mme Monique Rabin. Finalement, ce qui nous sépare, c’est une certaine conception des mandats, et de la place respective des hommes et des femmes. C’est donc, finalement, que la perspective d’une société ouverte vous heurte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le ministre, on ne peut pas tout justifier au nom de la parité : d’abord l’abrogation du conseiller territorial, puis le redécoupage des cantons au détriment des cantons ruraux, enfin la création – objet de l’article 2 – d’un binôme paritaire pour des cantons fusionnés.

Nous ne sommes pas dupes : ce nouveau mode d’élection des conseillers généraux ou territoriaux n’a qu’un objectif : conforter vos positions électorales. Un conseiller territorial élu au scrutin uninominal à deux tours avec un suppléant de sexe opposé, sans triangulaire, sur des territoires cohérents, aurait été assurément plus efficace au regard de la proximité et du rapprochement nécessaire entre le département et la région.

Pour faire progresser la parité, puisque tel est l’objet de cet article, je crois personnellement davantage en notre capacité collective à donner goût à l’engagement des femmes dans la vie publique. Dès les élections municipales de 2014, nous en aurons l’occasion, puisqu’il est question d’abaisser les seuils, ce qui oblige à établir des listes paritaires. Donc, potentiellement et mécaniquement, nous aurons bien davantage de femmes compétentes et volontairement candidates, l’année d’après, aux élections départementales.

Mes collègues l’ont parfaitement exposé, les modalités d’exercice de ce nouveau binôme posent de nombreuses questions auxquelles vous ne répondez pas, monsieur le ministre. Ce dispositif n’est malheureusement qu’affichage.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 2.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Je tenterai de sortir d’un débat gauche-droite et j’associerai à mon propos des élus issus de territoires différents, notamment des élus de la montagne.

Cet article 2 et ce mode de scrutin mettent en jeu une certaine conception de la République. La question qui nous est posée est bien de savoir comment la République traduit, à travers son mode électoral, sa conception de la représentation de la population et des territoires.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Laurent Wauquiez. Le choix que vous faites, et qui est un choix lourd, consiste à donner une prime quasi unique à la représentation arithmétique de la population.

M. Philippe Folliot. Eh oui !

M. Laurent Wauquiez. Ce faisant, vous revenez sur une conception traditionnelle de la République française qui est héritière des fondations de la IIIe République que vous, qui êtes un républicain, connaissez et défendez. Cela consiste, dans notre représentation du territoire, à combiner la représentation arithmétique de la population et la prise en compte des territoires,…

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Laurent Wauquiez. …considérant que, sous le ciel de la République, tous les territoires doivent avoir le droit à leur chance, à leur parole et à leur représentation.

M. Jean Lassalle. Il a raison !

M. Laurent Wauquiez. En réalité, avec ces grands cantons que vous formez, avec cette règle des 20 %, sur laquelle nous reviendrons, vous allez faire disparaître toute une série de territoires qui seront dilués dans des ensembles beaucoup plus vastes.

Pour ne me concentrer que sur un sujet auquel plusieurs d’entre nous sensibles, à savoir la place de la montagne, vous allez fortement diluer la représentation des territoires de montagne qui seront englobés dans des grands massifs comprenant la vallée et la montagne.

Monsieur le ministre, au-delà de cette question portant sur un type de territoire, c’est bien à votre conception de la République à laquelle je souhaite faire appel. Restez fidèle à la conception des pères fondateurs de la IIIRépublique qui combine la représentation des populations et la digne parole qui doit être laissée à tous les territoires de la République. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Ménard.

M. Michel Ménard. Rappelons tout de même pourquoi nous débattons, aujourd’hui, de ce mode de scrutin des futurs conseillers départementaux ex-conseillers généraux. C’est parce que vous avez créé, chers collègues de l’opposition, le conseiller territorial, ce qui excluait, d’ailleurs, toute proximité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons alors décidé de supprimer ce conseiller territorial qui devait représenter le conseil général le matin et le conseil régional l’après-midi !

M. Régis Juanico. Une usine à gaz !

M. Michel Ménard. C’était vraiment un élu hybride, comme vous le rappelez régulièrement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il était, dès lors, nécessaire de déterminer un mode de scrutin. Les règles ont été rappelées. D’abord, assurer la proximité. La réponse apportée sur ce point est très claire puisqu’il y a une élection dans un territoire. Ensuite, garantir la parité. Celle-ci sera parfaite puisque seront élus un homme et une femme dans chaque territoire. Ce mode de scrutin paritaire est donc le plus abouti.

Toutefois, des contraintes ont été fixées par le Conseil constitutionnel avec la règle des plus ou moins 20 % à laquelle Laurent Wauquiez vient de faire référence, règle que vous avez d’ailleurs respectée lors du redécoupage des circonscriptions législatives. D’ailleurs, lorsque vous n’avez pas respecté cette règle, le Conseil constitutionnel a retoqué une partie du découpage. Faut-il rappeler qu’actuellement, il y a parfois un écart d’un à soixante-dix entre le canton le plus peuplé et celui le moins peuplé dans un même département ? Est-ce cela l’équité ?

Quant à établir les cantons que vous avez supprimés, le Conseil constitutionnel a déclaré cela impossible.

M. Régis Juanico et M. Dominique Raimbourg. Très bien !

M. François Sauvadet. C’est faux !

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Reconnaissons, monsieur le ministre, que le mode de scrutin proposé est vaguement ridicule.

M. Jean-Paul Bacquet. Vous êtes un connaisseur !

M. Julien Aubert. Nous avons le sentiment que les candidats vont participer à cette sorte de course où l’on attache la cheville de deux participants, chaque binôme devant courir jusqu’à la ligne d’arrivée !

Certains cantons étant, effectivement, très petits, un acte de courage politique pouvait consister à regrouper des cantons et à faire disparaître des élus. Vous n’avez pas voulu aller jusqu’au bout de la logique, à savoir fusionner deux cantons et supprimer un élu, et vous avez donc conservé ces deux élus en trouvant, pour habiller le tout, la formule magique : la parité ! C’est cette parité qui sert de cache-sexe à votre incapacité à aller jusqu’au bout de votre logique consistant à réduire le nombre d’élus en France, ce qui pose d’ailleurs un problème de légitimité et d’égalité.

Avec votre proposition, nous sommes face à une égalité absolue entre les deux élus, contrairement au scrutin de liste où il y a une tête de liste et des colistiers. Ainsi, quand une subvention sera octroyée, comment fera-t-on si l’un dit oui et l’autre non ?

La situation pourra même être ubuesque. La bonne ville de Carpentras, qui a déjà, du fait du découpage électoral, deux conseillers généraux, en aura quatre grâce à vous. Comme elle a également deux députés, cela fera bien des élus pour une même ville !

Un problème de représentativité se posera également. Deux cantons qui aujourd’hui ont un conseiller général de droite et un autre de gauche auront demain, si les deux sont fusionnés, deux de gauche…

M. Jean-Paul Bacquet. C’est très bien !

M. Julien Aubert. …ou deux de droite. Le phénomène majoritaire sera, par conséquent, amplifié, ce qui n’est pas très bon pour la représentation des micropartis ou des petits partis.

Vraiment, la situation est bizarre. Bientôt, si l’on estime qu’il peut y avoir deux élus pour un même territoire, pourquoi ne pas prévoir deux députés par circonscription ?

M. Gilbert Sauvan. Il n’a rien compris !

M. Julien Aubert. Votre projet de loi « Maritie et Gilbert Carpentier » n’est vraiment pas sérieux ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. S’il y a un sujet sur lequel nous pouvons être d’accord, c’est bien celui de la parité. Oui, la représentation des femmes dans nos assemblées en général pose problème. J’ai parlé tout à l’heure du Jura dont le président est socialiste : on compte une femme pour dix-neuf hommes au groupe socialiste ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation de aux droits des femmes. Ce n’est pas le problème !

Mme Marie-Christine Dalloz. N’imaginez donc pas que votre parti est celui où la représentation de la femme est importante. Vous devez, là aussi, travailler sur le sujet !

Peut-être aurait-on pu plutôt imaginer un système de pénalités supplémentaires ? Tout était possible.

En fait, vous n’arriverez jamais – si on pousse votre raisonnement jusqu’au bout – à des assemblées départementales composées d’une majorité de femmes et d’une minorité d’hommes, ce que nous connaissons aujourd’hui, mais dans le sens inverse. On ne pourra en effet jamais dépasser la parité 50-50. Il n’y aura aucun sexe dominant numériquement.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est pour cela que l’on a voté la parité !

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous ne pouvons pas en tout cas être d’accord avec votre proposition de créer un binôme. Un tel mode électoral est impossible ! Qui fera quoi ? Pendant que l’un travaillera, l’autre ira-t-il serrer des mains en vue d’une prochaine campagne pour des élections législatives ou autre ? Cette idée de prévoir deux personnes pour assurer une même fonction est ubuesque. Y aura-t-il deux discours différents lors de chaque inauguration ? La situation sera incroyable !

Tant que nous y sommes, allons jusqu’au bout du raisonnement ! Pourquoi, monsieur le ministre, ne seriez-vous pas en binôme ? Pourquoi n’en irait-il pas ainsi pour le Président de la République ? Faire de l’innovation pour de l’innovation a vraiment des limites !

M. Philippe Meunier. Très bien !

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements tendant à supprimer l’article 2.

La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l’amendement n° 6.

M. Patrice Verchère. Le conseiller territorial avait, sur le plan pratique, le mérite de la simplification. Un référent territorial unique était institué, ce qui présentait une mesure de clarification, donc plus de transparence, plus de proximité notamment pour l’institution régionale. Les élus de gauche, comme de droite d’ailleurs, ne sont-ils pas très souvent inconnus sur leur territoire ?

Il avait aussi le mérite d’engendrer des économies de fonctionnement grâce à la suppression de plus de 1 800 élus rémunérés et, surtout, parce qu’il supprimait les doublons dans les interventions qui existent entre le conseil régional et le conseil général.

Alors, non seulement le conseiller territorial sera supprimé, mais, en plus, il y aura deux conseillers départementaux avec, en prime, une concurrence entre les deux !

Si, depuis la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, l’article 1er de la Constitution dispose que : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives… », il ne s’agit, là, que d’un objectif, d’un but à atteindre et non d’une obligation constitutionnelle à mettre en œuvre, séance tenante et coûte que coûte !

Oui, la loi doit favoriser la parité, mais elle ne permet pas et impose encore moins. Avec votre thèse, comme trop souvent dans notre pays, un excès est corrigé non pas par une mesure équilibrée, mais par un excès en sens inverse. Sous couvert de permettre la parité dans les institutions départementales, vous nous proposez un vrai gadget. Il n’y a rien à gagner en lisibilité et en simplification, mais beaucoup à perdre.

Votre article engendre, aussi, une vraie discrimination s’agissant du nom de famille. En effet, monsieur le ministre, le binôme de candidats doit présenter les noms dans l’ordre alphabétique, ce qui engendrera une discrimination suivant que l’on s’appelle Valls-Verchère ou Coutelle-Crozon ! Devra-t-on prendre un nom de scène pour être le premier des binômes ?

Avec votre texte « guillotine », ce sont près de 3 000 têtes de conseillers généraux sur les 4 000 conseillers généraux actuels qui vont tomber !

Monsieur le ministre, nous demandons donc la suppression de cet article !

M. Guy Geoffroy. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n° 25.

M. Claude de Ganay. Le statut du conseiller territorial créé par l’article 5 de la loi portant réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a été définitivement été abrogé en novembre dernier. Pourtant, ce nouveau statut aurait contribué à réduire le nombre d’élus locaux tout en clarifiant leur rôle. Le nombre de conseillers généraux et régionaux aurait été divisé de moitié. Cela aurait également permis de réaliser des économies – environ 77 millions d’euros par an – sur le montant des indemnités versées aux élus.

L’article 2 vise à élire, dans chaque canton du département, deux membres de sexe différent qui se présentent en binôme. Ce statut présente deux inconvénients principaux : rendre encore plus opaque le rôle et la fonction de l’élu départemental et ne pas contribuer à l’objectif de réduction du nombre d’élus locaux et de l’économie qui en découle.

Le présent amendement vise à supprimer ce statut que l’on peut qualifier, à juste titre, d’« OVNI politique » et qui n’a pour objet que de légitimer un redécoupage électoral sous couvert de parité !

M. Dominique Le Mèner. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 33.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement vise à supprimer l’article 2 parce que le conseiller territorial avait au moins, sur le plan pratique, le mérite de la lisibilité. Le conseiller territorial sera non seulement supprimé, mais il y aura deux conseillers départementaux avec, en prime, une ambiguïté entre les deux ! C’est la raison pour laquelle je propose deux sections dans un nouveau canton.

De plus, les effets de ce gadget paritaire seront dévastateurs en termes d’efficacité, puisque le conseiller départemental – général jusqu’à aujourd’hui – était l’avocat des élus locaux et, comme je l’ai précisé tout à l’heure, un médiateur pour les gens en difficulté.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour soutenir l’amendement n° 78.

Mme Marianne Dubois. Cet amendement vise à maintenir la proximité tout en tendant vers la parité, qui est un objectif constitutionnel.

L’idée est d’instaurer des cantons d’agglomération. Dans ces circonscriptions bien déterminées, les conseillers départementaux seraient élus sur des « listes chabadabada » à la proportionnelle intégrale, pour assurer la parité.

Dans les agglomérations, le scrutin à la proportionnelle intégrale permettrait d’assurer la parité et, dans les secteurs hors agglomération, on en resterait au système actuel, le scrutin uninominal à deux tours, ce qui garantirait une bonne représentation dans les cantons ruraux comme aujourd’hui.

Ce mode de scrutin mixte n’est pas le fruit d’une imagination farfelue mais répond très clairement à la réalité du terrain. C’est la traduction électorale de l’action effective de nos conseillers généraux.

En zone urbaine, les conseillers généraux sont très peu visibles, noyés parmi les élus locaux, maires, conseillers municipaux, conseillers de quartier, élus communautaires. Ils n’ont aucun poids dans la vie locale et nos concitoyens peinent à les identifier.

Au sein de nos territoires ruraux il en va tout autrement. Le conseiller général est clairement identifié, tout comme son action.

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme Marianne Dubois. C’est un acteur clé de la vie économique et sociale, de la voirie, de l’environnement, avec les politiques de l’eau et de l’assainissement. C’est un facilitateur entre les communes et les différentes intercommunalités.

Avec ce projet de loi, et ce mode électoral new-look, vous allez détruire ce lien indispensable à nos territoires ruraux.

M. Jean Lassalle. Bravo !

Mme Marianne Dubois. Dissocier le mode d’élection des territoires ruraux et celui de nos villes répond à une réalité. Cela présente en outre un grand nombre d’atouts et répond à l’objectif de tendre vers la parité. Cela permet de maintenir une juste représentation de nos territoires ruraux et d’assurer une meilleure représentativité des différentes composantes du paysage politique. Cela permet surtout de ménager l’avenir et les différents projets en cours liés à la décentralisation et à l’organisation de nos territoires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour soutenir l’amendement n° 93.

M. Jean-Pierre Barbier. Monsieur le ministre, votre texte créera des dépenses supplémentaires pour les départements, ne clarifiera en rien les compétences des collectivités contrairement à ce que demandent nos concitoyens, ne simplifiera pas le millefeuille administratif et politique de notre pays et entraînera un découpage territorial dans la plupart des départements dans lesquels vos amis tiennent les ciseaux. Le conseiller territorial aurait, lui, permis de rapprocher les collectivités, de clarifier les compétences et, évidemment, de réaliser des économies, mais c’est un terme que vous fuyez depuis déjà quelques mois.

Bien sûr, il reste la parité. Quel bel argument après celui de l’égalité que vous évoquiez il y a quelques semaines ! C’est un beau principe mais auquel on peut faire dire beaucoup de choses.

Mes chers collègues, je rencontre sur le terrain peu de femmes qui regrettent de ne pas pouvoir faire de la politique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Dolez. N’importe quoi !

M. Jean-Luc Laurent. Lamentable !

M. Manuel Valls, ministre. En voilà un qui me réveille !

M. Jean-Pierre Barbier. Vous ne devez d’ailleurs pas en trouver beaucoup non plus puisque, dans tous les départements que vous administrez, il y en a fort peu. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En revanche, on rencontre souvent des jeunes qui aimeraient faire de la politique et qui, eux, n’ont pas de place. Vous devriez donc peut-être introduire un critère d’âge pour être candidat.

Bref, vous allez découper les territoires en fonction des paquets de population. Vous éloignez l’électeur et il y aura bien sûr bien moins de participation.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour soutenir l’amendement n° 122.

M. Alain Marc. Comme je l’expliquais tout à l’heure, monsieur le ministre, je souhaite la suppression de l’article 2, car, avec un tel scrutin, il n’y aura aucune lisibilité et la responsabilité sera diluée.

Le système qu’a proposé M. Decool me paraît bon, car il va vers la parité. S’il y avait deux sections à l’intérieur des cantons, le candidat et la candidate en ayant chacun une, ils seraient ensuite responsables. Cela me semble de bon aloi.

Il faudrait aussi accentuer la possibilité de déroger à la moyenne. Pour que nos territoires ruraux, et par voie de conséquence les territoires isolés soient correctement représentés, il faudrait arriver non pas à plus ou moins 20 % mais à plus ou moins 40 % pour certains territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 171.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre je reviens sur un point qui me tient à cœur et sur lequel je voudrais vraiment vous entendre.

L’un des sujets essentiels auquel nous devons nous intéresser, c’est le regard que nos concitoyens portent sur la classe politique dans son ensemble.

Rendre compte en permanence de ce que nous faisons dans le cadre de nos mandats, c’est un principe fondateur de toute démocratie. Or, avec ce binôme, vous êtes en train d’institutionnaliser une irresponsabilité politique des élus que vous allez créer, tout simplement parce que ceux qui se représenteront au terme de leur mandat auront la faculté de le faire en ordre dispersé. Pour l’élection suivante, ils pourront se marier différemment, de sorte qu’il n’y aura aucun contrôle, aucune responsabilité devant le corps électoral.

C’est tout à fait contraire à tous nos principes et j’imagine ce que serait une démocratie si vous transposiez ce mode d’élection à l’Assemblée nationale comme j’ai entendu hier un certain nombre de mes collègues dans cet hémicycle en envisager la perspective. C’est vraiment faire fi du principe de la responsabilité en démocratie, et c’est extrêmement grave.

C’est un point sur lequel il faudra appeler l’attention du Conseil constitutionnel. Je pense d’ailleurs qu’il ne manquera pas de s’y pencher lui-même, a fortiori si vous imaginez des prolongements à ce mode de scrutin.

C’est exactement le contraire de ce qu’attendent les électeurs et de ce que réussissent finalement assez bien les conseillers généraux actuels parce que ce sont des élus connus, estimés par leurs concitoyens, qui, au quotidien, rendent compte de leur action.

De ce point de vue, votre réforme ne va malheureusement pas dans le bon sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 201.

M. Christophe Guilloteau. Élire deux conseillers généraux de sexe différent dans chaque canton, je me demande si ce n’est pas une fausse bonne idée.

M. Julien Aubert. Très mauvaise !

M. Christophe Guilloteau. C’est même une très mauvaise idée effectivement parce que je ne vois pas comment cela peut fonctionner.

Je peux comprendre qu’on veuille faire le bien des gens malgré eux mais comment cela va-t-il se passer pour les élections, comment cela va-t-il s’organiser pour les prises de parole ? Il y a un protocole de la République en France. Cela se fera-t-il à l’ancienneté, au savoir-vivre, par ordre alphabétique ? Lorsque les gens viendront voir le conseiller général et n’obtiendront pas telle ou telle subvention, iront-ils voir l’autre après ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Bien sûr !

M. Christophe Guilloteau. Vous avez certainement les réponses à toutes ces questions, monsieur le ministre, et j’aimerais bien les obtenir au travers de cet amendement.

Nous avions pour notre part adopté un texte opportun, qui prévoyait la fusion du conseiller général et du conseiller régional. Est-ce par goût électoral, est-ce par tripatouillage, est-ce pour essayer de résister aux rejets électoraux futurs que vous réalisez un chamboulement ? J’avoue que je ne comprends. Je suis sûr en tout cas que les électeurs, eux, comprennent ce que vous voulez faire et vous donneront rendez-vous dans les urnes dans quelques mois.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 224.

M. Jacques Lamblin. Monsieur le ministre, je voudrais procéder à une comparaison entre le conseiller territorial que vous avez bien légèrement aboli et la proposition qui est la vôtre.

Le conseiller territorial tel que nous l’avions projeté avait le mérite de rapprocher le conseil régional de nos concitoyens par la grâce du scrutin majoritaire. Il avait aussi le mérite de maintenir le conseiller général à proximité des habitants. Enfin, il assurait une homogénéité politique.

Dans le système que vous proposez, il y aura trois élus, y compris le conseiller régional, et l’on peut imaginer qu’il y aura assez souvent une grande disparité politique. De plus, non seulement vous éloignez le conseiller général de son territoire, mais vous maintenez tout aussi éloigné le conseil régional des citoyens. Trois élus, tous plus éloignés les uns que les autres des citoyens, tel est le résultat auquel vous aboutissez, tout cela au nom de la parité. Comme le soulignait M. Dolez tout à l’heure, vous allez peut-être instaurer la parité, mais ce sera au prix de la pluralité.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 270.

M. Lionel Tardy. D’autres raisons que celles que j’ai déjà avancées en m’exprimant sur l’article m’amènent à être résolument contre ce dispositif.

Les nouveaux conseillers généraux continueront à être des élus d’un territoire. On sait bien comment cela se passe. Les élus sont porteurs des dossiers du territoire et les séances du conseil général ressemblent davantage parfois à un guichet où chacun vient chercher un droit de tirage pour son canton. Le jour où on aura deux élus ayant juridiquement les mêmes droits et les mêmes pouvoirs, cela va se compliquer, surtout s’ils ne s’entendent pas.

Si le dispositif est utilisé à des fins uniquement électoralistes, afin de constituer des coalitions plurielles, les disputes et les désaccords seront encore plus fréquents. Comment feront les maires et les responsables associatifs quand ils auront quelque chose à demander au conseil général ? Ils risquent fort de se retrouver dans la situation d’enfants de parents divorcés et de faire les frais de chamailleries politiques ou, pire, de querelles d’ego.

Quand on sait comment fonctionne la vie politique, faite d’alliances mais aussi de combats, on se rend bien compte que le binôme cantonal ne peut pas fonctionner. Un proverbe africain dit que l’on ne peut pas mettre deux crocodiles dans le même marigot. C’est pourtant l’erreur que vous êtes en train de faire et qui se paiera par des dysfonctionnements dont les citoyens, encore une fois, feront les frais.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 340.

M. Daniel Fasquelle. L’argument de la proximité me fait vraiment sourire. Vous avez remis en cause le conseiller territorial en nous expliquant que c’était affreux parce qu’on allait éloigner les élus des territoires et de nos concitoyens, mais qu’êtes-vous en train de faire ? Faites ce que je dis, pas ce que je fais, ou, en tout cas, vérité pendant un mandat n’est plus vérité lors d’un autre mandat.

Dans ma circonscription, il y a huit conseillers généraux et il n’y en aura plus que six. Tous les territoires ruraux vont d’ailleurs subir un tel traitement, parce qu’ils ont un gros défaut à vos yeux, ils votent mal. Si vous avez pu leur faire croire que vous mettriez en place une politique leur étant favorable, ils sont en train d’ouvrir grand les yeux et, croyez-moi, ils sauront s’exprimer aux prochaines élections municipales.

L’objectif, on le voit bien, est ailleurs, c’est de diminuer le poids des territoires ruraux pour garder demain les départements et le Sénat. Avec la barre des 10 % pour être candidat au second tour, le seuil à 500 pour les scrutins de liste et la diminution du nombre de conseillers municipaux, c’est une attaque en règle contre les territoires ruraux pour garder des postes que vous risquez de perdre parce que vous êtes impopulaires dans le pays. Telle est la réalité de cet article 2 et du projet de loi.

Avec d’autres, cette mesure traduit un mépris à l’égard des territoires ruraux. Si l’on ajoute la suppression des sous-préfectures que vous préparez, la réforme scolaire, qui pénalise les communes rurales, ou la diminution de la dotation globale de fonctionnement, qui va aussi déstabiliser les communes rurales, c’est une attaque en règle contre la ruralité, que nous dénonçons.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, pour soutenir l’amendement n° 363.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. L’élection au conseil départemental dans chaque canton du département de deux membres de sexe différent qui se présentent en binôme de candidats est source de difficultés et de contentieux entre les deux membres élus en raison d’un risque probant de concurrence entre eux.

Bien loin de simplifier le fonctionnement des élections et des collectivités territoriales, l’article tel qu’il est rédigé propose une usine à gaz cantonale, en faisant la promotion d’un ticket homme-femme à l’échelle d’un canton agrandi. Dans la pratique, il faudra aussi des suppléants, ce qui signifie quatre noms sur le bulletin de vote.

Les effets de ce gadget paritaire seront dévastateurs en matière d’efficacité. Il n’y a rien à gagner en lisibilité et en simplification, mais il y a beaucoup à perdre.

J’ajoute que vous mettez en cause l’unité administrative cantonale sur laquelle repose toute l’organisation institutionnelle et administrative de notre pays – gendarmeries, écoles, bureaux de poste… Que deviendront les chefs-lieux cantonaux actuels, points fixes de la présence des services publics locaux ? C’est un mauvais signal pour les habitants des territoires ruraux.

Nous avons réuni aujourd’hui le collectif des parlementaires de la ruralité et nous combattrons toutes les mauvaises mesures que le Gouvernement entend prendre concernant les territoires ruraux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n° 444.

Mme Isabelle Le Callennec. Comme je l’ai dit tout à l’heure, on ne peut pas tout justifier au nom de la parité. Nous vous avons fait, monsieur le ministre, des propositions pour améliorer cette parité, mais le binôme est réellement incongru. Vous ne nous avez d’ailleurs toujours rien dit de ses modalités de fonctionnement une fois élu ; est-ce un aveu de faiblesse ?

En outre, nous aurions aimé pouvoir examiner auparavant la loi de décentralisation : ces binômes porteront des compétences qui ne sont toujours pas définies à ce jour. Une fois de plus, le Gouvernement met la charrue avant les bœufs, comme il l’a fait en adoptant la loi « Mariage pour tous » avant celle sur la famille, ou encore en prenant un décret sur les rythmes scolaires avant de faire voter la loi de refondation de l’école. Vous faites tout à l’envers.

Nous aimerions en savoir plus sur ce que feront demain ces conseillers départementaux. Pouvez-vous prendre un peu de temps pour nous expliquer comment fonctionnera concrètement ce binôme ?

Mme la présidente. La parole est à M. Lionnel Luca, pour soutenir l’amendement n° 507.

M. Lionnel Luca. Monsieur le ministre, alors que le Gouvernement cherche désespérément de l’argent, en évoquant même la possibilité de pénaliser les couples avec enfants, votre réforme supprime le conseiller territorial qui permettait des économies.

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. C’est faux !

M. Sébastien Denaja. Vous indemnisiez les suppléants !

M. Lionnel Luca. Vous rétablissez 6 000 élus d’un coup de baguette magique. Vous doublez donc leur nombre tout en divisant celui des cantons, ce qui ne manquera pas de provoquer l’anarchie, une incapacité de gestion par la suite. Disons-le clairement : la parité n’est qu’un alibi dont vous vous servez pour conserver la majorité, en réduisant le nombre des cantons dans les secteurs que vous jugez « mal-votants » et en privilégiant ceux où vous pensez avoir vos chances. C’est d’ailleurs pour cela que vous avez reporté l’élection cantonale comme l’élection régionale, de peur du résultat pour le Sénat.

Si vous vouliez vraiment la parité, vous pouviez la mettre en œuvre, comme l’ont indiqué plusieurs collègues, en introduisant la proportionnelle dans certains cantons urbains.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Lionnel Luca. Qui connaît la définition exacte d’un canton dans les grandes villes ? Personne ne sait de quelle rue à quelle rue cela se situe. Et vous auriez pu permettre le scrutin majoritaire dans les cantons ruraux,…

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Lionnel Luca. …quitte à renforcer les pénalités pour non-respect de la parité. On le voit bien, votre texte n’est que de la poudre aux yeux. Seulement, cette poudre aux yeux coûtera cher aux contribuables. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 519.

M. Jean-Frédéric Poisson. Si j’ai bien compris les raisons de ce projet de loi et du dispositif de binôme, ils répondent à quatre objectifs : instaurer la parité, améliorer l’implantation et la visibilité des élus, accroître la responsabilité de ceux-ci, équilibrer la représentation des territoires.

En ce qui concerne le premier objectif, vous l’atteindrez, bien sûr, mécaniquement, mais j’exprime à nouveau mon souhait très vif d’entendre la délégation aux droits des femmes sur les raisons pour lesquelles elle n’a pu rendre un avis unanime sur le sujet.

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits de femmes. On peut ne pas être d’accord !

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela m’intéresse de savoir pourquoi ! Ce serait éclairant pour nos débats.

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Il fallait lire mon rapport !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour atteindre cet objectif, vous auriez pu choisir un mode de représentation proportionnel. Le fait de ne l’avoir pas fait empêchera à mon avis d’atteindre les trois autres objectifs, d’implantation et de visibilité des élus, de responsabilité personnelle de ces derniers à l’égard de leurs électeurs, et de représentativité des territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 599.

M. Julien Aubert. Ce mode de scrutin est une chimère, au sens antique du terme, qui s’applique à un monstre composite possédant les attributs de plusieurs animaux. On connaît, d’un côté, le scrutin de liste, qui a l’avantage de permettre la représentation de la société ; c’est d’ailleurs pour cette raison qu’on lui applique la proportionnelle. On connaît, de l’autre, le scrutin uninominal, qui désigne un individu, lequel transcende le corps social qui l’élit, selon le fait majoritaire. Or, avec votre scrutin binominal, vous tombez exactement au milieu. D’une part, vous allez fusionner des cantons qui présentent une diversité politique, les homogénéiser politiquement, amplifiant le phénomène majoritaire et supprimant tout effet de proportionnelle politique ; vous niez donc tous les attributs du scrutin de liste. D’autre part, vous souhaitez une représentation sociale ou biologique de la société puisque vous proposez un binôme constitué d’un homme et d’une femme ; vous niez donc fondamentalement la logique du scrutin uninominal, qui considère qu’un homme comme une femme peuvent chacun représenter des hommes et des femmes. Vous êtes donc dans la négation à la fois du scrutin de liste et du scrutin uninominal.

Le système n’est d’ailleurs pas une innovation. Après avoir substitué, il y a quinze jours, à la définition de la famille la notion de gens romaine beaucoup plus large, mélange de famille et d’individus qui se compose régulièrement, vous êtes arrivé à recréer le système de binôme inconnu depuis les deux consuls de Rome. Votre inventivité consiste, on le voit, à puiser dans l’Antiquité romaine.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 710.

M. Guillaume Larrivé. Souvent, au cours de nos débats, les orateurs de la majorité prétendent incarner le camp du progrès. Or le progrès, ce n’est pas de renier les libertés locales. Ce n’est pas de dissoudre des milliers de cantons ruraux. Ce n’est pas d’oublier l’histoire et la géographie pour ne retenir que la démographie. Ce n’est pas d’organiser une zizanie territoriale en créant des doublons, des concurrents. Ce n’est pas de redessiner la carte électorale en refusant toute transparence et en procédant en catimini, comme c’est déjà le cas entre certains préfets et certains députés ou sénateurs socialistes. Tout cela, ce n’est pas le progrès ; c’est une régression, et c’est pourquoi nous nous y opposons en défendant avec détermination ces amendements de suppression.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n° 760.

M. Éric Ciotti. Le mode de scrutin qui nous est proposé sera mauvais pour notre démocratie territoriale. Il induira des conséquences extrêmement négatives pour la représentation des territoires en créant des déséquilibres géographiques majeurs et en instillant l’abandon des zones rurales et des zones de montagne,…

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Éric Ciotti. …ainsi que l’a souligné Laurent Wauquiez.

C’est un mode de scrutin qui ne fait que cumuler les handicaps. Les zones rurales perdront en représentativité et seront de ce fait exclues d’une indispensable solidarité territoriale, que portaient les conseillers généraux. La complexité sera beaucoup plus grande.

Nos questions restent d’ailleurs sans réponses, par exemple sur les conditions de représentation des cantons : quel élu, alors qu’un binôme improbable aura été désigné, siégera auprès des différentes commissions et administrations ?

Enfin, au plan de la modernisation territoriale, l’efficience est des plus faibles. C’est pourquoi nous demandons la suppression de ce mode de scrutin.

M. Guillaume Larrivé. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l’amendement n° 846.

M. François Sauvadet. Je tiens à récuser de nouveau l’argument selon lequel la suppression du conseiller territorial ouvrirait un vide juridique et vous contraindrait, monsieur le ministre, à revoir l’ensemble de la carte électorale, donc à appliquer le plan funeste que vous préparez. Le débat a déjà eu au moins cette vertu d’éclairer nos compatriotes et les élus locaux sur le fait qu’il s’agit d’une loi électorale, d’une loi à visée électoraliste. Vous ne vous en êtes pas caché, et au lieu de vous entendre parler de « modernité », j’aurais préféré que vous évoquiez la vocation que vous voulez voir jouer à chaque niveau de collectivité. C’était d’ailleurs l’enjeu du conseiller territorial. Il est faux que vous soyez aujourd’hui contraints ; vous avez fait un choix politique et, je le dis à l’ensemble des députés de la majorité, vous devrez l’assumer en tout point du territoire.

Je vous souhaite d’ailleurs bon courage. Pour l’instant, le débat est un peu confiné entre nous ; nos compatriotes n’en ont pas encore pleinement conscience. Mais lorsque vous aurez à revenir dans vos circonscriptions, vos cantons, vos départements, et qu’ils découvriront le mode de scrutin que vous avez adopté, qu’ils découvriront que certains cantons sont le rassemblement de huit ou dix cantons, pour élire un binôme, un homme, une femme, dans ces immenses superficies, je vous souhaite bien du courage.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. François Sauvadet. Vous avez trompé l’opinion sur le conseiller territorial, mais vous ne pourrez vous dérober à votre avenir. Cela vous poursuivra, car la gouvernance sera impossible. Sur un même territoire, cela a déjà été souligné. Mais aussi, quand un maire viendra trouver l’un des deux protagonistes et qu’il se verra opposer un refus sur son projet, il ira automatiquement voir l’autre. Vous allez organiser la compétition territoriale ; ce sera une situation impossible.

M. Philippe Gomes. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 956.

M. Philippe Gosselin. François Sauvadet a raison : dans la pratique, ce sera infernal. Au-delà de la disparition des territoires ruraux, que vous semblez ne pas aimer, vous entrez, monsieur le ministre, dans la complexité et dans une forme de maltraitance, j’y reviendrai, avec le mode de scrutin et le nouveau seuil de 500 habitants pour les communes. Vous allez non seulement politiser les petites communes, où les uns et les autres ne s’y retrouveront plus, mais vous allez également éloigner les électeurs de leurs élus.

Comme Jean-Frédéric Poisson, j’aimerais d’ailleurs entendre la délégation aux droits des femmes nous donner les raisons de sa cacophonie.

De même, il faudra expliquer à nos concitoyens que, pour un seul conseiller général auparavant, qui pouvait se déclarer indépendant de tout parti politique, se présenter selon une procédure assez simple, il faudra désormais quatre noms, deux titulaires, deux suppléants : quatre noms pour un poste antérieurement, cela devient ubuesque. C’est de la dyarchie, de la bicéphalie, mais à l’état pathologique ; nous avons évoqué un Janus.

Ce sera tout à fait ingérable, au-delà même des difficultés juridiques : dans la pratique, on ne saura plus à qui s’adresser, comment organiser le territoire en l’absence de l’un, sans l’accord de l’autre… Cela nous promet de beaux jours dans la gouvernance des conseils généraux, alors que ces territoires ont aujourd’hui besoin de toutes les énergies. Ils ont mieux à faire que de perdre leur temps sur cette réforme électorale.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 973, dernier amendement de cette série.

M. Gérald Darmanin. Ceux qui veulent améliorer la démocratie doivent avoir à l’esprit trois thématiques : la clarté, l’efficacité et le pluralisme.

S’agissant de la clarté, on ne peut pas dire que le bulletin de vote qui sera présenté aux électeurs sera plus simple, plus clair.

S’agissant de l’efficacité, qui parlera, qui défendra les dossiers ? Comment le président du conseil départemental répartira-t-il les compétences et l’influence ? L’efficacité va en prendre un sacré coup, si vous me permettez cette expression.

Enfin, le pluralisme est le sujet le plus important.

J’ai à cet égard une pensée pour nos collègues du groupe écologiste, qui doivent se sentir bien seuls ce soir, puisque vous faites fi des accords électoraux passés avec eux. Pour être un fervent lecteur des journaux internes d’EELV, comme M. Molac le sait, j’ai appris qu’il y avait eu une négociation pour que le scrutin soit proportionnel lors des élections locales. Nos camarades écologistes sont donc désormais les « idiots utiles » du socialisme – j’espère que je peux reprendre cette formule léniniste –, puisqu’ils ont été bernés et qu’ils n’auront pas la proportionnelle aux élections locales, ni même le scrutin de liste aux élections nationales. Sans doute M. Désir craint-il de se faire doubler par M. Mélenchon !

Le pluralisme, certes, monsieur le ministre. Mais on ne parviendra pas toujours, comme l’a relevé M. Tardy, à trouver quatre candidats dans les cantons. Cela sera très compliqué pour les petits candidats, pour les petits partis et pour ceux qui ne sont pas affiliés : vous ne rendez pas service à la démocratie locale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Je ne relèverai pas certains des propos entendus dans cette assemblée ; je rappellerai simplement à Mme Duby-Muller, ainsi qu’à d’autres de ses collègues, que je regrette qu’elles aient oublié que nous devons notre présence ici, en tant que femmes, à la lutte qu’ont menée des hommes et des femmes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP et UDI.)

M. François Sauvadet. Elles le doivent d’abord à elles-mêmes et à leurs qualités ! C’est assez machiste comme discours !

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Le Gouvernement aujourd’hui prend une bonne initiative, qui n’est en rien menée comme je l’ai entendu par une « frénésie paritaire » : c’est parce que d’autres partis politiques n’ont pas su et pas voulu faire de place aux femmes.

Mesdames et messieurs de l’opposition, l’humiliation, pour les femmes, ne se trouve pas dans le binôme, mais dans ce qu’il n’y ait que 14 % de femmes dans les conseils généraux et 26 % à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Paul Molac. Très juste !

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Ce projet de binôme saura trouver sa légitimité auprès des femmes auxquelles je fais toute confiance, contrairement à vous dans l’opposition. Elles sauront trouver leur place dans ces assemblées cantonales.

M. Lionnel Luca. Ce n’est pas le sujet !

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Mesdames et messieurs de l’opposition, je suis très choquée voire atterrée par les propos sexistes entendus dans cette assemblée. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Olivier Marleix. C’est faux !

M. Philippe Gosselin. Le problème n’est pas le sexisme, mais le binôme quels que soient les sexes. Un binôme asexué aurait le même effet !

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Ces propos, nous les ferons savoir aux femmes qui sauront les apprécier.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet, pour un rappel au règlement.

M. François Sauvadet. Madame Crozon, nous vous avons écoutée avec attention dans un débat utile car il vise à éclairer le pays sur les intentions réelles qui sont les vôtres : ce mode de scrutin qui s’apparente à un « tripatouillage » électoral et dont on voit bien les finalités.

Que vous osiez dire devant la représentation nationale qu’il y aurait des propos sexistes qui auraient été tenus ici même,…

M. Sébastien Denaja. Oui !

M. François Sauvadet. …voilà qui est particulièrement choquant. C’est un mensonge.

Nous n’avons pas de leçons à donner ni à recevoir ; toujours est-il que dans les conseils généraux où mon groupe est majoritaire, nous avons deux fois plus de femmes que dans les vôtres.

Madame la rapporteure, nous cherchons ensemble une solution pour mettre un terme à ce binôme qui est un système infernal destiné à anéantir les territoires ruraux.

Si la parité est importante, le véritable sujet est que le fait majoritaire démographique devient le facteur principal dans le mode de désignation d’une assemblée qui est en charge de l’aménagement du territoire.

Une nouvelle fois, madame Crozon, je n’ai pas de leçons à recevoir de vous en matière de parité. Dans cet hémicycle, j’ai fait voter la seule loi qui réserve, grâce à un quota imposé au gouvernement, un certain nombre de places aux femmes dans le cadre de la nomination des hauts fonctionnaires. Cette loi avait fait l’unanimité.

Je n’accepte pas un procès en sexisme, quand il s’agit d’un procès fait au Gouvernement, contre une loi qui va conduire à la mort des territoires ruraux ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDI et UMP.)

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. C’est nuancé !

Article 2 (suite)

Mme la présidente. Nous en revenons aux amendements de suppression.

Quel est l'avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je connaissais à M. Geoffroy, qui a bien voulu me citer tout à l’heure, un esprit plus délié, pour ne pas prendre chaque mot au premier degré et savoir saisir l’ironie.

M. Philippe Gosselin. Cela devient complexe.

M. Pascal Popelin, rapporteur. La fin de la citation, que vous aviez commencé par taire, dissiperait les doutes des moins subtils sur le sens des propos que j’ai tenus à l’occasion de la commission des lois du 7 novembre 2012.

M. Guy Geoffroy. Le rapporteur rame !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Revenons à l’objet de l’article 2 : l’instauration d’un binôme pour l’élection des conseillers départementaux.

M. Gérald Darmanin. Pourquoi pas deux rapporteurs ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Nous avons entendu bien des propos hors sujet relatifs au débat sur cet article et à la présentation de ces amendements de suppression – il y a même eu un amendement qui a été défendu avant d’être appelé. Par ailleurs, beaucoup d’arguments étaient contradictoires.

Chers collègues de l’opposition, à un moment, le choix s’impose : êtes-vous pour ou contre la disparition des départements ? Le conseiller territorial, d’une certaine manière, actait la disparition des départements.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Sébastien Denaja. Si !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous avez voté tout à l’heure, comme un seul homme, l’amendement de M. Darmanin, qui proposait la suppression des départements.

M. Gérald Darmanin. Ce sont des économies ! Vive le préfet !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Êtes-vous pour ou contre la représentation du territoire ? Nous allons discuter tout à l’heure d’un amendement de M. Sauvadet relatif à l’ouverture du scrutin départemental à la proportionnelle.

Vous n’avez cessé de parler, avec la plus grande inexactitude, de « tripatouillage » ou de « charcutage » ; s’agissant du découpage,…

M. Guy Geoffroy. Le découpage, c’est le tripatouillage !

M. Pascal Popelin, rapporteur. …si je vous ai cité hier un ministre, M. Richert, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, que déclarait le 25 octobre 2011 devant le Sénat Mme Marie-Luce Penchard, ministre en charge de l’outre-mer ? Je la cite : « Depuis leur première délimitation, en 1791, les deux tiers des quatre mille cantons n’ont jamais été modifiés et cinquante-six scrutins s’y sont déroulés depuis 1833.

« Comme le prévoit la loi, le Gouvernement procédera par décrets en Conseil d’État à la délimitation de nouveaux cantons dans lesquels seront élus les conseillers territoriaux » – changez cette expression pour « binômes départementaux » – « à partir de mars 2014 » – changez par « mars 2015 ». Ces décrets, monsieur le sénateur » – changez par « monsieur le député » – (Protestations sur les bancs du groupe UMP), « seront pris après avis de chaque conseil général et respecteront quelques grands principes fondés sur les termes de la loi et sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, à savoir des “bases essentiellement démographiques” pour garantir le respect du principe d’égalité – avec toutefois la prise en compte de motifs d’intérêt général liés à la spécificité des territoires, comme la densité démographique, le nombre de communes et les particularités géographiques – et le respect des limites tant des circonscriptions législatives que des communes de moins de 3 500 habitants.

« L’objet de cette réforme est très clair : le Gouvernement compte réduire fortement les écarts de représentation de la population, qui vont aujourd’hui de un à quarante-cinq – de un à quarante-sept en réalité –, sans oublier cependant les réalités géographiques ou historiques de nos cantons. »

Voilà, mes chers collègues, ce que disait votre propre majorité lorsque la question du découpage lui était posée il y a deux ans. Toutefois, vous n’avez pas eu le courage de faire ce découpage : nous, nous le ferons…

M. François Sauvadet. Bel aveu !

M. Pascal Popelin, rapporteur. …pour respecter les principes de la République française. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Je ne vous demande pas en revanche si vous êtes pour ou contre la parité. Il suffit de vous entendre : aller vers la parité, assurément, mais pas trop vite et pourquoi pas en reculant.

M. Guy Geoffroy. On n’a pas dit ça !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Depuis l’ouverture de nos débats, j’ai parfois eu l’impression de regarder un poste de télévision en noir et blanc. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) La couleur existe, même dans les territoires ruraux, ainsi que des femmes prêtes à prendre des responsabilités dans les conseils départementaux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Il suffit de regarder combien il est difficile de devenir députée à l’UMP, d’examiner les instances de votre parti pour comprendre que la seule parité qui prévale, c’est celle qui existe entre les amis hommes du candidat installé et ceux du candidat recalé.

M. Julien Aubert. Cela n’a rien à voir avec le sujet : recalé !

M. Pascal Popelin, rapporteur. En matière de hors sujet, j’ai en effet beaucoup de retard !

La majorité, et la commission des lois par voie de conséquence, a choisi de conforter l’échelon départemental : nous ne voulons donc pas du conseiller territorial ; elle a choisi également l’ancrage territorial de ses élus, avec le scrutin majoritaire ; enfin, elle a choisi d’instaurer avec le scrutin binominal la parité dans les dernières assemblées démocratiques de notre République, où elle était absente.

Est-ce la nouveauté qui vous pose problème ? Vous vous demandez comment cela va fonctionner,…

M. Lionnel Luca. On ne sait pas !

M. Pascal Popelin, rapporteur. …n’ayant à l’esprit que le modèle de vos propres difficultés à œuvrer en collectif. Pourtant, il existe déjà des sénateurs et des sénatrices élus de manière concomitante dans les départements ou sur le même territoire (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ; et il en va de même pour les conseillers régionaux.

Cela fonctionne très bien quand cela doit fonctionner et cela ne fonctionne pas quand les gens sont trop stupides pour ce faire !

La commission a donné un avis défavorable à ces amendements de suppression.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Nous débattons depuis quelques heures et nous allons encore débattre pendant plusieurs jours,...

M. Sylvain Berrios. Et plusieurs nuits :

M. Manuel Valls, ministre. …et plusieurs nuits : c’est un plaisir renouvelé.

Plusieurs députés du groupe UMP. On ne s’en lasse pas !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. On a pris des habitudes ; d’aucuns se retrouvent, d’autres se rencontrent avec plaisir sur ces bancs…

L’article 2 du projet met en place un nouveau mode de scrutin binominal auquel vous vous opposez. Encore une fois, nous ne souhaitions pas prolonger l’existence du conseiller territorial. À partir de ce moment, il fallait mettre en œuvre un autre dispositif qui permette à la fois la proximité et la parité. Nous n’avons pas fait le choix du scrutin de liste, qu’il soit proportionnel ou majoritaire ; nous n’avons pas plus fait le choix d’un mode de scrutin par arrondissement, par intercommunalité ou par circonscription ; nous n’avons pas non plus fait le choix d’une part de proportionnelle.

Cette option posait, à l’échelle du département un problème de lisibilité. Il y avait deux possibilités : proportionnelle et scrutin majoritaire pour le même département ou, habileté suprême – je m’étonne d’ailleurs de ce que vous n’y ayez pas pensé par le passé –, certains départements au scrutin majoritaire et d’autres à la proportionnelle. Ce choix aurait reposé sur une hypothèse qui est la vôtre, mais fausse à mon sens : scrutin majoritaire dans les territoires ruraux qui seraient plutôt à droite et ailleurs, là où il faut partager, le scrutin proportionnel. La ficelle était grosse.

Aussi en sommes-nous venus au binôme à partir du moment où nous voulions un scrutin intégrant la proximité et la parité. D’ailleurs, messieurs de l’opposition, si j’ai bien dit qu’il s’agissait d’un projet électoral, vous faites une confusion entre électoral et électoraliste : il est simplement électoral puisque nous instituons le binôme pour les élections départementales.

Le mode de scrutin que nous souhaitons mettre en place se caractérise donc par la proximité – j’y reviendrai dans un instant – et la parité.

Ce choix de la parité, c’est un changement très important, y compris par rapport à ces dernières années. La parité ne se discute pas : il ne s’agit pas d’un quota ou d’une part de parité. Ce choix de la parité, nous l’avons même fait dans le cadre du scrutin législatif.

M. François Sauvadet. C’est un quota !

M. Manuel Valls, ministre. La parité, c’est 50/50 : le binôme s’imposait donc naturellement.

Vous me faites grâce d’une certaine inventivité ; j’ai cependant déjà eu l’occasion de vous dire – et je me permets de vous le rappeler – que ce mode de scrutin n’a pas été inventé par le ministre, par ses collaborateurs ou par l’administration, mais par Mme Michèle André qui présidait en 2000 la délégation aux droits des femmes du Sénat. À l’époque, il avait été adopté à l’unanimité de ses membres.

M. François Sauvadet. Et il a bien fonctionné !

M. Manuel Valls, ministre. C’est donc un dispositif qui peut fonctionner, dès lors que nous considérons que notre objectif est bien celui de la parité.

Quant à la proximité, monsieur Sauvadet, elle va nous amener à évoquer d’autres questions, notamment celle de la représentation des territoires telle que nous l’avons définie. D’ailleurs, l’amendement que vous avez présenté a été accepté par la commission et le Gouvernement parce qu’il permettra d’avancer, ici et en deuxième lecture au Sénat, sur la représentation des populations – ce qui est normal en démocratie – mais aussi des territoires. S’agissant notamment des territoires ruraux ou de montagne, nous avons à cœur d’adopter des amendements visant à intégrer des critères et des principes permettant d’assurer effectivement leur représentation.

Cependant, à partir du moment où nous voulons représenter les territoires par un scrutin majoritaire, avec ce lien de proximité et en respectant la parité, c’est le scrutin binominal qui s’imposait. C’est pourquoi le Gouvernement invite évidemment l’Assemblée à rejeter ces amendements de suppression.

M. Régis Juanico. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Monsieur le ministre, j’ai vraiment l’impression d’assister ce soir à un débat hors sujet. Lorsqu’on est au contact des élus locaux et de nos compatriotes, on s’aperçoit qu’ils attendent de la simplification, de la rationalisation et de l’efficacité.

Ils attendent de la simplification, car tout le monde est fatigué de ce mille-feuille institutionnel qui fait dépenser beaucoup d’énergie aux uns et aux autres.

Ils attendent de la rationalisation, car tout le monde est bien conscient que les ressources publiques se feront de plus en plus rares et que nous avons besoin de rationaliser nos moyens. Nous ne devons pas multiplier les frais de fonctionnement : notre devoir impérieux d’élus est de faire plus, demain, avec le même euro.

Ils attendent enfin de l’efficacité. Combien de grands projets d’aménagement du territoire n’ont pas pu voir le jour à cause des financements croisés, des susceptibilités des uns et des autres ou de telle ou telle baronnie qui s’est opposée à tel ou tel projet ? Avec le système actuel, nous perdons en efficacité, et nos compatriotes s’en rendent bien compte.

Face à cette situation, j’ai l’impression que le Gouvernement et sa majorité sont, une fois de plus, fâchés avec les problèmes de fond, parce que vous n’apportez aucune réponse concrète aux problématiques que je viens d’évoquer. Vous présentez une sorte d’artifice qui n’est pas digne des plus grandes maisons pyrotechniques. Certes, ce dispositif est explosif, mais demain il manquera beaucoup d’éclat. Il est explosif parce que nous allons à l’encontre de graves dysfonctionnements…

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. François Vannson. Vous aurez compris qu’il faut voter contre !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Voter contre : c’est bien ce que nous allons faire ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Plus j’entends le Gouvernement et la commission s’exprimer sur ce sujet, plus je trouve que ce qu’ils proposent est une nouvelle génération d’OVNI, c’est-à-dire d’objet votant non identifié. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Gilbert Sauvan. Comme il est drôle !

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est en tout cas un jeu de mots bien travaillé !

M. Guy Geoffroy. C’est un objet votant parce que, par leur vote, les nouveaux conseillers départementaux détermineront un certain nombre de politiques départementales importantes, en particulier le budget. Mais c’est un objet non identifié parce que personne ne va s’y retrouver, du bulletin de vote jusqu’à la réalité du quotidien de la relation entre les citoyens et leurs élus départementaux, en particulier entre les élus locaux et les élus départementaux.

S’agissant du bulletin de vote, quand vous lisez l’article 2, tout est possible !

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est vrai : ensemble, tout devient possible ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. Aujourd’hui, dans le scrutin cantonal, il y a un candidat ou une candidate avec une suppléante ou un suppléant : c’est clair. Demain se présentera un binôme avec des suppléants du même sexe. Vous dites que leurs noms seront mentionnés sur le bulletin dans l’ordre alphabétique. De gauche à droite, de bas en haut ? La parité en abscisse et la non-parité en ordonnée, ou la parité en ordonnée et la non-parité en abscisse ? Personne n’y comprendra rien !

Monsieur le rapporteur, votre référence au Sénat est une belle erreur. Aux élections sénatoriales, il n’y a dans les départements où l’on vote au scrutin majoritaire que des candidatures individuelles : le scrutin est toujours uninominal, et non binominal. Vous vous êtes donc trompé en faisant cette référence, ce qui m’a permis de dire que vous aviez tout mélangé.

Bref, vous allez instaurer le bazar : personne ne va s’y retrouver. Nous allons assister à la chasse à l’élu le plus offrant et le plus répondant : c’est absolument inacceptable ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je souhaite simplement répondre à M. Darmanin.

Monsieur Darmanin, vous nous dites : « Franchement, nos amis socialistes ne sont pas très sympathiques avec nous ! » Mais qu’avez-vous à nous proposer ? Rien.

Plusieurs députés du groupe UMP. Le conseiller territorial !

M. Paul Molac. C’est bien le problème ! Finalement, vous nous proposez un retour en arrière.

M. Guy Geoffroy. Et c’est un écologiste qui dit cela ?

M. Paul Molac. Je vous ai entendu faire l’apologie du canton, créé en 1801, qui n’a quasiment pas changé. Vous avez aussi fait l’éloge des pères de la République. Eux aussi voulaient que les territoires soient représentés, mais à l’époque la densité de population était à peu près la même sur tout le territoire français. Voilà ce qui changeait : on pouvait à l’époque représenter les territoires et la population en même temps. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Chers collègues de l’opposition, êtes-vous prêts à modifier la Constitution et à faire du Sénat un véritable représentant des territoires, où nous aurions par exemple trois sénateurs élus dans chaque département, comme au Sénat des États-Unis où deux sénateurs sont élus dans chaque État, qu’il s’agisse du Connecticut ou de la Californie ?

M. Julien Aubert. Vive le suffrage universel direct !

M. Paul Molac. Qu’avez-vous à nous proposer ? Rien ! Vous ne voulez même pas modifier la Constitution comme l’a proposé François Hollande ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Je souhaite présenter quelques arguments face à l’avalanche de leçons que nous venons de recevoir en matière de démocratie locale.

Premièrement : si nous voulions conserver un avantage électoral, nous n’aurions rien changé au système. En effet, j’ai cru comprendre que les derniers résultats nous étaient plutôt favorables et que nous avions conquis un certain nombre de départements.

M. François Vannson et M. Dominique Le Mèner. Cela va changer !

M. Dominique Raimbourg. Deuxièmement : aujourd’hui, la parité n’existe pas. Ne serait-ce que pour cette raison, il faut changer le système.

Troisièmement : la description des territoires ruraux que vous faites sur un mode passéiste ne correspond pas à la réalité. Nous faisons un effort, notamment par le biais de l’intercommunalité, pour moderniser ces territoires et leur donner toute la place qu’ils méritent.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Très bien !

M. Paul Molac. C’est vrai !

M. Dominique Raimbourg. Quatrièmement : le conseiller territorial aboutissait finalement à la constitution d’assemblées ingouvernables, compte tenu du nombre des élus.

Cinquièmement : tous les députés soucieux de réaliser des économies devraient limiter le nombre des amendements, parce que le fonctionnement de l’Assemblée en séance de nuit coûte extrêmement cher. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Sixièmement : je suis très compétent pour parler du conseil général, et j’en parle en toute objectivité. Je m’y suis souvent présenté et j’ai toujours été battu ! (Rires sur divers bancs. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le rapporteur, nous vous avons écouté avec attention, mais aussi avec une certaine consternation. Les caricatures de nos propos que vous avez faites…

M. Manuel Valls, ministre. Il n’y en a pas eu !

M. Philippe Folliot. …sont véritablement affligeantes. Je ne les reprendrai pas une à une pour ne pas ajouter de la polémique là où il n’y en a pas besoin. Je veux simplement dire que vos propos augurent mal de la suite de nos débats si vous continuez dans ce registre.

Monsieur le ministre, nous avons également écouté vos propos avec une grande attention, et je perçois une lueur d’espoir. J’espère qu’un certain nombre de choses pourront se concrétiser, notamment au regard de la spécificité de plusieurs de nos territoires – je pense notamment aux territoires de montagne. Nous espérons que cela se traduira par des actes, notamment au travers d’amendements – votre sourire nous conforte dans cette espérance !

M. Dominique Le Mèner. Je n’en suis pas très sûr !

M. Philippe Folliot. Nous espérons que vous pourrez, comme l’ensemble de la représentation nationale, tenir compte de la spécificité des territoires de montagne.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Philippe Folliot. Si l’on applique, notamment dans des départements qui comportent à la fois un secteur montagneux, un secteur urbain et un secteur de plaines, les mêmes règles en termes d’équité démographique, alors on obtiendra des écarts de représentation inacceptables. Il faut entendre la voix de la montagne et des territoires ruraux enclavés ! Nous espérons que certains des amendements que nous allons proposer seront retenus, afin que ce texte puisse être rendu acceptable.

M. Manuel Valls, ministre. Ce que M. Folliot a dit est important.

Mme la présidente. La parole est à M. Erwann Binet.

M. Erwann Binet. À mon tour de dire mon effarement devant les leçons de rattachement au territoire, de clarification des modes de scrutin et de démocratie que nous entendons depuis plusieurs heures dans la bouche de ceux qui, lorsqu’ils étaient dans la majorité, ont complètement cassé l’ensemble des cantons en créant cet être hybride qu’était le conseiller territorial.

M. Julien Aubert. Non !

M. Erwann Binet. Vous avez cassé les cantons, désolidarisé totalement l’élu de son territoire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et même de sa collectivité, et brouillé pour l’électeur l’ensemble du fonctionnement de nos collectivités territoriales.

Je suis également abasourdi parce que, contrairement à mon ami Dominique Raimbourg, je suis conseiller général…

M. Alain Chrétien et M. Guy Geoffroy. Cumulard !

M. Julien Aubert. Vous êtes surtout député ! À bas le cumul des mandats !

M. Erwann Binet. …et je souhaite dire en toute subjectivité que je ne me reconnais absolument pas dans le portrait que vous dressez du conseiller général.

Lorsque vous dites que chaque conseiller général de France serait un rural ou un urbain qui ne défendrait que son territoire, vous méconnaissez la situation des conseillers généraux qui partagent aussi une vision de leur territoire et de leur département, qui sont aussi capables de percevoir les intérêts, les enjeux et les problèmes du canton voisin voire de celui situé à plusieurs centaines de kilomètres du leur.

En outre, à aucun moment un conseiller général n’est seul à décider ; à aucun moment il n’est incontournable ou il n’est le seul référent. Vous méconnaissez totalement le fait que dans nombre d’EPCI, plusieurs conseillers généraux, parfois de droite et de gauche, peuvent partager les mêmes difficultés. Il m’est arrivé de partager les mêmes problèmes et de manifester les mêmes intérêts que des élus de droite. Je ne me reconnais donc pas dans votre image du potentat local qui devrait être le conseiller général. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Voilà un conseiller général que j’aimerais avoir dans mon opposition ! Franchement, je ne sais pas, mon cher collègue, sur quelle planète vous vivez. Quand vous décrivez un conseiller général qui serait un être pur, qui ne défendrait pas uniquement son territoire et qui n’appellerait pas l’attention sur ses quartiers sensibles, je ne sais pas de quel conseil général vous parlez ! J’en préside un depuis déjà quelques années, et ai été renouvelé dans mes fonctions même en situation de vents contraires : vraiment, j’aimerais vous avoir dans l’opposition de mon conseil général !

M. Julien Aubert. On vous a trouvé un point de chute, monsieur Binet !

M. François Sauvadet. Monsieur le rapporteur, je vous ai écouté avec une grande attention. Franchement, je crois que vous avez poussé le bouchon là où nous voulions que vous arriviez ! Vous avez lu le texte relatif au conseiller territorial et à son élection pour justifier mot pour mot une situation que vous avez tant combattue et que vous allez aujourd’hui aggraver. Nous attendions ce moment, et je vous remercie du fond du cœur, monsieur le rapporteur, d’avoir contribué à cet éclaircissement.

Lorsque vous étiez dans l’opposition, vous avez combattu le conseiller territorial. Aujourd’hui, dans la majorité, vous faites pire avec votre binôme.

Monsieur le ministre, que cela soit en tout cas bien clair, mon groupe, l’UDI, est opposé au binôme.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. On avait compris !

M. Manuel Valls, ministre. Je croyais qu’il y avait une lueur d’espoir.

M. François Sauvadet. En prenant en compte les territoires, vous n’avez pas seulement entendu l’opposition. J’ai entendu en effet beaucoup d’interrogations émanant des bancs de la majorité sur la manière dont les territoires ruraux seront représentés. M. Bernard Roman notamment vous a posé des questions très concrètes auxquelles vous n’avez pas répondu.

Vous ne ferez pas croire à la France qu’avec moins de conseillers généraux dans des cantons ruraux, ils seront mieux entendus ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour répondre au Gouvernement.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous sommes à un point important du débat. La question n’est plus de savoir ce qu’il adviendra du conseiller territorial. Nous sommes pour, vous êtes contre, nous l’avons compris. L’élection présidentielle a tranché. Le débat est de savoir si nous sommes pour ou contre votre binôme.

Les choses sont très claires à cet égard : pas une voix sur les bancs de l’opposition ne manquera pour voter les amendements de suppression. UDI et UMP, nous sommes tous contre votre binôme.

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout à fait.

M. Guillaume Larrivé. La situation est bien différente sur les bancs de la majorité. La présidente socialiste de la délégation aux droits des femmes, même si elle reste très silencieuse, est contre le binôme.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est la réalité.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Je ne parle que lorsque j’ai quelque chose à dire.

M. Guillaume Larrivé. Une partie du groupe écologiste est contre le binôme. Une partie des radicaux de gauche est contre le binôme. La vérité c’est que le débat sur l’article 2 permet de montrer la ligne de fracture. L’opposition est tout entière rassemblée contre ce mode de scrutin baroque tandis que la majorité se fissure. La majorité est divisée ; une partie ne soutient pas le ministre de l’intérieur ce soir.

M. Manuel Valls, ministre. Oh !

(Les amendements identiques nos 6, 25, 33, 78, 93, 122, 171, 201,224, 270, 340, 363, 444, 507, 519, 599, 710, 760, 846, 956 et 973 ne sont pas adoptés.)

M. Guy Geoffroy. Résultat serré !

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mercredi 20 février 2013 à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Déclaration du Gouvernement et débat sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 de l’Union européenne ;

Suite de la discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, et du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 20 février 2013, à zéro heure cinquante.)