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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 25 juin 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Inondations dans le Sud-Ouest

Mme Jeanine Dubié

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

SNCM

M. Gaby Charroux

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Retraites agricoles

M. Jean-Louis Costes

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Situation des finances publiques

M. Christian Eckert

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Mesures en faveur de la compétitivité

Mme Valérie Pécresse

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Situation des éleveurs

M. Yannick Favennec

M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire

Situation des finances publiques

M. Guy Geoffroy

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Conférence sociale

M. Guy Delcourt

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Conférence sociale

M. Denis Jacquat

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Inondations dans le Sud-Ouest

Mme Carole Delga

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Situation des éleveurs

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire

Canal Seine-Nord-Europe

M. Stéphane Demilly

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Situation des éleveurs

Mme Véronique Besse

M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire

Gens du voyage

M. Jean-Marie Tetart

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Emplois non pourvus

M. Pierre Léautey

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Actions de groupe en matière environnementale

Mme Michèle Bonneton

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

2. Transparence de la vie publique

Votes solennels

Explications de vote communes

M. Guy Geoffroy, M. Stéphane Demilly, M. François de Rugy, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Marc Dolez, M. René Dosière

Vote sur l’ensemble du projet de loi organique

Vote sur l’ensemble du projet de loi

3. Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – Procureur de la République financier

Votes solennels

Explications de vote communes

M. Philippe Vigier, M. Éric Alauzet, M. Alain Tourret, M. Nicolas Sansu, M. Yves Goasdoué, M. Étienne Blanc

Vote sur l’ensemble du projet de loi

Vote sur l’ensemble du projet de loi organique

Suspension et reprise de la séance

4. Consommation

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale (suite)

Mme Marie-Lou Marcel

M. Frédéric Lefebvre

Mme Anne Grommerch

M. Daniel Fasquelle

M. Lionel Tardy

Mme Clotilde Valter

M. Dino Cinieri

M. Gilles Lurton

Mme Valérie Boyer

Mme Marianne Dubois

M. Bernard Accoyer

M. Philippe Kemel

Mme Véronique Besse

M. Marc Le Fur

M. Bernard Gérard

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Inondations dans le Sud-Ouest

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. J’y associe mes collègues Jean Glavany et Carole Delga.

Les Pyrénées viennent de vivre un épisode de crue d’une extrême violence qui a littéralement dévasté le territoire montagnard, laissant les populations sinistrées et meurtries. Mes pensées vont tout d’abord aux familles des deux victimes qui ont péri dans ces inondations. Je n’oublie pas les acteurs économiques, de Lourdes, Cauterets, Luz-Saint-Sauveur, Barèges et des vallées des Gaves, qui sont gravement touchés.

Avec le chef de l’État, Delphine Batho et Sylvia Pinel, vous êtes venu et vous avez pu vous rendre compte de l’ampleur des dégâts. Vous avez aussi, par votre présence, témoigné du soutien de la nation et je vous en remercie.

Je souhaiterais ensuite exprimer ma gratitude à tous ceux qui se sont mobilisés sans compter : les services de l’État et des collectivités locales, la gendarmerie, les pompiers, l’armée, la protection civile, la Croix-Rouge, tous les élus, les entreprises, les bénévoles. Une véritable chaîne de solidarité et d’entraide s’est mise en place. Merci à tous.

Déjà frappée en octobre dernier, cette vallée des Hautes-Pyrénées doit à nouveau faire face à des dégâts considérables : villages inondés, immeubles effondrés, routes détruites, commerces, hôtels et campings ravagés, exploitations agricoles anéanties. Le désastre est total et le bilan est lourd.

Il faudra du temps pour que le pays Toy se remette de toutes ses blessures, c’est pourquoi il faut aujourd’hui agir vite. Il est urgent, en ce début de saison touristique, de tout mettre en œuvre pour accélérer le processus de réparation et de reconstruction, d’autant que les aides attendues, liées à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle d’octobre 2012, n’ont toujours pas été débloquées.

Vous avez annoncé que l’état de catastrophe naturelle serait reconnu d’ici à la fin de la semaine et que des avances seraient mises à disposition des collectivités pour la reconstruction des infrastructures endommagées.

Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, comment, de façon concrète, le dispositif d’aide exceptionnel se traduira, tant en termes de simplification des procédures que d’accompagnement financier.

C’est dans ces moments-là que le rôle de l’État doit s’affirmer, face à la détresse de la population. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Oui, madame la députée, les inondations de la semaine dernière ont été d’une violence exceptionnelle. Elles ont frappé quatre départements du Sud-Ouest et ont profondément affecté les vallées des Pyrénées. Ces inondations ont fait trois victimes et des dégâts considérables toujours en cours d’évaluation.

Comme l’a fait le Président de la République sur place – et je sais que c’est un sentiment partagé sur tous les bancs de cette assemblée – je voudrais à mon tour dire la solidarité de la nation envers les sinistrés. Avec vous-même, madame la députée, Jean Glavany et Delphine Batho, nous nous sommes rendus sur place, ainsi que le lendemain avec le Président de la République, dans un certain nombre de villages, mais aussi à Lourdes pour constater les dégâts. D’autres ministres, Stéphane Le Foll et Sylvia Pinel se sont également déplacés.

Le Gouvernement a décidé de déclencher sans délai les dispositifs d’indemnisation prévus en pareille circonstance, notamment pour ce qui concerne les particuliers, et l’arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sera publié dans la semaine. Les collectivités territoriales seront indemnisées pour réparer les biens non assurables qui auraient été endommagés, et afin de leur permettre d’engager tout de suite les travaux urgents, le Premier ministre a décidé hier qu’un premier versement de la contribution de l’État leur sera délégué dans les jours qui viennent. Elle sera complétée une fois les dégâts définitivement chiffrés, et abondée autant que nécessaire. Le Gouvernement est tout entier mobilisé pour les sinistrés, la reconstruction des villages, cela à quelques jours de la saison touristique.

En conclusion, je veux saluer l’extraordinaire engagement des policiers, des gendarmes, des sapeurs-pompiers, de tous les services publics de l’État et des collectivités territoriales (Applaudissements sur tous les bancs), ainsi que la solidarité de nos concitoyens et l’action des maires qui ont fait la démonstration dans ces petits villages comme à Lourdes de leur sens des responsabilités.

SNCM

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Le conseil de surveillance de la SNCM a validé, ce jeudi 20 juin, un plan de réduction de l’emploi et du capital public au sein de la compagnie. (« Très bien » sur les bancs du groupe UMP.) Ce plan, qui n’est pas validé par le comité d’établissement, prévoit la suppression de 450 emplois dès 2014 et encore 200 autres en 2015 et 2016. Il réduit les prévisions de construction de nouveaux navires au gaz naturel liquéfié, plus économes et écologiques, sans que les financements ne soient clairement affirmés.

La SNCM connaît de graves difficultés financières. Pourtant, lors de sa privatisation en 2004, elle était bénéficiaire. Elle a besoin aujourd’hui d’un projet industriel, économique et social ambitieux. Elle a besoin que nous dépassions les contraintes européennes afin d’imposer le pavillon français de premier registre. Elle a besoin que la transparence soit faite sur les financements dont bénéficie la compagnie low cost Corsica Ferries.

Cette même compagnie, qui non seulement ne respecte pas le droit social français et bénéficie de fonds publics sans réelle transparence, se permet, de plus, de poursuivre auprès de la Commission européenne la SNCM sur les compensations de délégation de service public et sur l’opération de privatisation en elle-même. La SNCM pourrait de ce fait, en pleine incertitude sur l’attribution de la DSP 2014-2023, connaître un scénario catastrophe inacceptable.

Monsieur le ministre, à quarante-huit heures d’un préavis de grève qui rendrait la situation explosive, quelle est l’action du Gouvernement ? Quelles dispositions allez-vous prendre pour assurer un actionnariat stable, c’est-à-dire le maintien de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations dans le capital ?

Comment la France va-t-elle mettre tout son poids pour refuser les sanctions financières imposées à la SNCM par l’Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, la priorité du Gouvernement, c’est la défense de l’emploi, en particulier de l’emploi maritime français. Dès les premiers jours où nous avons été confrontés à la situation de la SNCM, nous avons souhaité, dans la concertation, mettre en œuvre un plan qui se traduit par la sauvegarde de l’emploi et le maintien du pavillon français.

Lors du dernier conseil de surveillance, le 20 juin, le plan industriel a été lancé sur la base d’un certain nombre de postulats. L’exigence du Gouvernement était la suivante : pas de départs contraints ni de licenciements, un environnement économique stable et une vision industrielle. Sur ces trois plans, les postulats du Gouvernement ont été respectés.

Tout d’abord, il n’y aura pas de licenciements. Le plan qui a été adopté donne de la visibilité : 515 emplois seront certes supprimés, mais par des départs en retraite ou des départs volontaires étalés de 2014 à 2019.

Ensuite, il est prévu un plan de renouvellement de la flotte et son maintien à haut niveau : composée de huit bateaux, quatre seront renouvelés dont deux immédiatement.

Pour ce qui est de l’Europe, nous avons, dès les sanctions prononcées par Bruxelles, annoncé que nous emploierons tous les recours possibles pour assurer la stabilité de la compagnie.

Par ailleurs il convient de souligner que le Parlement a, sur proposition du Gouvernement, adopté une loi antidumping maritime empêchant toute discrimination par rapport à l’emploi français.

Enfin, une commission d’enquête a été créée par l’Assemblée sur les conditions de privatisation de la compagnie. La SNCM doit vivre, et je me suis engagé sous l’autorité du Premier ministre à lui donner les conditions de visibilité industrielle, économique et sociale.

Retraites agricoles

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. Jean-Louis Costes. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de faire un petit clin d’œil aux administrés de ma commune, Fumel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. On n’est pas ici pour faire des clins d’œil ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Louis Costes. C’est avec beaucoup de fierté que j’entre dans cet hémicycle pour représenter mes concitoyens de la troisième circonscription de Lot-et-Garonne.

Issu de l’un des territoires les plus agricoles de France, je souhaite attirer votre attention, monsieur le Premier ministre, sur la situation difficile, voire dramatique, des retraités agricoles de notre pays. Ils sont 1,5 million et attendent autre chose que des discours. Ils méritent une action déterminée des pouvoirs publics.

En effet, alors que le seuil de pauvreté en France est de 964 euros, un agriculteur partant à la retraite après avoir travaillé dur et cotisé toute sa vie touchera en moyenne une pension de 680 euros seulement.

Alors que la retraite des salariés du privé est calculée sur les vingt-cinq meilleures années et celle des fonctionnaires sur les six derniers mois, celle des agriculteurs prend en compte l’intégralité de leur activité, pourtant soumise à de nombreux aléas, comme chacun le sait.

Le précédent gouvernement avait engagé plusieurs réformes afin de corriger ces injustices flagrantes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Une pension minimum a ainsi été créée. La condition de durée d’assurance dans le régime non salarié agricole permettant la majoration a été abaissée. Le régime de la retraite complémentaire obligatoire a été étendu aux collaborateurs d’exploitant et aux aides familiaux.

M. Philippe Martin. Vous n’avez rien fait pendant dix ans !

M. Jean-Louis Costes. Cette politique volontariste doit être poursuivie. Malgré des promesses maintes fois répétées, le « plan quinquennal » des retraites agricoles auquel le Président de la République s’est engagé se fait attendre.

Monsieur le Premier ministre, à l’heure où votre gouvernement revendique la mise en œuvre de mesures d’équité sociale, que comptez-vous faire concrètement pour soutenir les retraités agricoles ? C’est une urgence ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, vous avez raison, les retraités agricoles attendent autre chose que des discours, ils attendent des actes. Et ces actes, cela fait dix ans qu’ils les attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Veuillez écoutez la réponse de Mme la ministre, mes chers collègues.

Mme Marisol Touraine, ministre. Souvenez-vous, c’est le gouvernement de Lionel Jospin qui a mis en place un plan ambitieux de revalorisation des retraites agricoles.

À partir de 2002, il n’y a rien eu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Sauvadet. C’est un mensonge !

Mme Marisol Touraine, ministre. Les retraités agricoles auraient voulu que les engagements pris par le gouvernement précédent, qui avaient pour objectif de porter la retraite agricole à 75 % du SMIC, soient tenus. Or au cours des dix dernières années, rien n’a été fait en leur direction. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous me dites, monsieur le député, que vous n’étiez pas là, mais c’est votre majorité, qui était aux responsabilités et c’est votre majorité qui doit rendre des comptes aux retraités agricoles.

Pour notre part, avec Stéphane Le Foll, nous avons fait en sorte que les mesures annoncées par le Président de la République commencent d’entrer dans les faits. C’est ainsi que, depuis le 1er janvier dernier, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, les exploitants agricoles qui ont dû cesser leur activité en raison d’une maladie ou d’une infirmité grave bénéficient d’une validation au titre de la retraite proportionnelle des agriculteurs et de l’attribution d’un nombre minimal de points gratuits.

Cela, monsieur le député, ce ne sont pas des discours, ce sont des actes concrets dont les agriculteurs peuvent bénéficier. C’est dans le même esprit de justice que nous allons aborder la question des retraites agricoles dans le cadre de la réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Situation des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christian Eckert. Monsieur le ministre du budget, le président de la commission des finances, Gilles Carrez, a lancé ce matin une campagne de dénigrement de notre politique de retour à l’équilibre des comptes publics. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il s’appuie sur un rapport fantôme dont ni le rapporteur général que je suis, ni la commission des finances n’ont trouvé la moindre trace. Lui qui a porté avec la majorité précédente des dérapages budgétaires records – plus de 120 milliards en moyenne sur les trois années allant de 2009 à 2011 –, s’offusque d’un chiffre espéré en dessous de 70 milliards pour 2013.

La droite, tout à coup unanime et amnésique, parle d’instabilité fiscale alors qu’elle a modifié quinze fois en cinq ans la fiscalité de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les mêmes parlent de matraquage fiscal alors que les deux tiers des recettes fiscales supplémentaires d’aujourd’hui sont dus à leurs décisions antérieures à juillet 2012.

M. Jean-François Lamour. C’est faux !

M. Christian Eckert. Les mêmes ont augmenté la dépense publique de 6 milliards d’euros par an pendant cinq ans, en finançant celle-ci uniquement par la dette. Pour la première fois, les dépenses de l’État en 2012 ont baissé de près de 300 millions d’euros.

Monsieur le ministre, la politique budgétaire sérieuse que vous conduisez ne se fait pas au détriment de la situation sociale des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pourriez-vous, devant la représentation nationale, en toute transparence, rétablir la vérité des comptes publics et tordre le coup aux discours anxiogènes, alarmistes et politiciens tenus ce jour par ceux qui soufflent aujourd’hui sur les braises de l’incendie qu’ils ont eux-mêmes allumé ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC, dont de nombreux membres se lèvent. – Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, vous venez de rappeler avec beaucoup de brio et de pertinence qu’on ne parviendra jamais à l’absolution des fautes que l’on a commises lorsque l’on était dans la majorité en usant de la polémique à répétition et de la contrevérité à l’occasion des séances de questions au Gouvernement.

Je voudrais, comme vous m’y invitez, rétablir un certain nombre de vérités concernant les comptes publics. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Tout d’abord, en ce qui concerne l’« overdose » de dépenses dont il était question ce matin à l’occasion d’une communication hasardeuse, je veux rappeler que la dépense publique au cours du dernier quinquennat a augmenté de 170 milliards et que le déficit structurel est passé de 30 à 100 milliards d’euros, ce qui témoigne des conditions calamiteuses dans lesquelles le budget de l’État et les comptes publics ont été gérés au cours des cinq dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme Valérie Pécresse. N’importe quoi !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce que nous faisons, monsieur le député, c’est exactement le contraire puisqu’en 2012 nous affichons une diminution de 300 millions d’euros des dépenses de l’État, que nous le faisons parce que nous avons exécuté le budget 2012 dans des conditions absolument exemplaires, en essayant de gager 2 milliards d’euros de dépenses qui n’avaient pas été documentées par le précédent ministre du budget, lequel avait refusé de prendre en compte les dérapages relatifs à certaines dépenses.

Si nous n’avions pas pris ces mesures-ci et si nous n’avions pas pris les mesures fiscales que nous avons prises, c’est 5,3 % de déficit qu’on aurait constaté à la fin de l’année 2012 et non pas 4,8 %.

Nous allons poursuivre cette stratégie de sérieux budgétaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Aucune des manifestations de mauvaise foi, aucune des vociférations auxquelles vous vous livrez n’éloigneront les Français de la seule chose qui compte : le sérieux budgétaire et le rétablissement des comptes publics dans la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mesures en faveur de la compétitivité

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Pécresse. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.

Monsieur le ministre, la compétitivité est la clef de la croissance et de l’emploi dans une période où notre pays se trouve plongé dans la récession. Après avoir nié cette question pendant toute la campagne, vous avez finalement ouvert les yeux avec le rapport Gallois, et vous avez appelé à un choc de compétitivité. Permettez-moi de vous le dire aujourd’hui : votre choc, c’est un flop ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est un flop, parce que les entreprises avaient besoin d’une baisse des charges sur le travail, une baisse des charges simple, une baisse durable, une baisse massive !

La TVA anti-délocalisation que nous avions portée et que vous vous êtes empressés d’abroger, c’était 13,6 milliards de baisse des charges – une baisse des charges définitive, dès 2013 !

Vous l’avez remplacée par une mauvaise copie, une usine à gaz : le crédit d’impôt compétitivité emploi, ou CICE. Ce crédit d’impôt est trop complexe : pour le mobiliser en 2013, il faut payer un intérêt ! Payer un intérêt pour un crédit d’impôt, c’est absurde ! Il ne rapportera rien à nos entreprises en 2013, car la moitié des PME ne veulent pas y avoir recours.

Un député du groupe UMP. C’est vrai !

Mme Valérie Pécresse. De plus, il n’est pas financé : cela veut dire qu’il peut disparaître du jour au lendemain.

M. Christian Eckert. C’est faux ! Venez donc aux travaux de la commission !

Mme Valérie Pécresse. Vous aviez parlé de 20 milliards de crédit d’impôt compétitivité emploi, financés par 6 milliards de hausse de TVA, 4 milliards de fiscalité écologique et 10 milliards de baisse des dépenses.

Je vous pose donc les questions suivantes : confirmez-vous cette nouvelle hausse d’impôt et cette fiscalité écologique ? Pouvez-vous nous dire où seront les économies dans les dépenses ?

M. Christian Paul. À Versailles !

Mme Valérie Pécresse. Si vous ne répondez pas à ces questions, vous confirmerez aux Français que le CICE, c’est juste un mirage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la députée Valérie Pécresse, s’agissant de compétitivité, vous en connaissez un rayon ! La droite a été au pouvoir pendant dix ans – dix années de décrochage de la compétitivité française,… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît ! On écoute la réponse !

M. Pierre Moscovici, ministre. …marquées par un chiffre très simple : lorsque nous avons quitté les responsabilités en 2002 – j’étais alors membre du gouvernement de Lionel Jospin –, le commerce extérieur français était excédentaire. Or, quand vous avez quitté le pouvoir, il était déficitaire de 70 milliards d’euros !

Je n’aurai pas non plus la cruauté de rappeler les chiffres de la désindustrialisation française, contre laquelle luttent Arnaud Montebourg et le Gouvernement : 750 000 emplois industriels perdus en dix ans ! Aussi, venir nous critiquer parce que nous nous attaquons à ce déficit de compétitivité que vous avez creusé, je trouve franchement que c’est de mauvaise politique !

Quant au crédit d’impôt compétitivité emploi, regardez les choses en face : c’est une mesure extraordinairement puissante ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous avez évoqué la TVA sociale et les 12 milliards d’euros qu’elle était supposée coûter, et que vous avez d’ailleurs virtuellement mise en œuvre à la fin du quinquennat précédent. Le crédit d’impôt compétitivité emploi, c’est 13 milliards d’euros immédiatement, 20 milliards d’euros en régime de croisière, une baisse du coût du travail de 4 % dès cette année et, les chiffres de l’INSEE en attestent, de 6 % l’année prochaine.

M. Alain Marty. C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est une mesure tellement simple que Jean-François Roubaud, le président de la CGPME, que nous connaissons tous, a dit que c’était la plus simple qu’il ait connue depuis quarante-cinq ans !

C’est une mesure extraordinairement facile à mettre en œuvre avec un préfinancement qui, de plus, a supprimé depuis la semaine dernière tout frais de dossier pour les entreprises bénéficiant d’un CICE de moins de 25 000 euros.

Alors, vous m’interrogez sur le financement : il sera fait, comme le reste, dans le cadre de ce que nous avons promis. Il s’agit d’une mesure efficace, qui rétablira la compétitivité française que vous avez dégradée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. C’est du pipeau !

Situation des éleveurs

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Yannick Favennec. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

« Métier d’éleveur égale bonheur, revenus d’éleveurs égalent malheur ». Ils étaient 10 000 à Paris, dimanche dernier, pour crier leur détresse et défendre l’élevage français.

Les éleveurs sont menacés en raison de la hausse du prix de l’alimentation animale et du poids des normes et des réglementations. Ils sont aussi menacés par la pression qu’exerce sur eux la grande distribution.

M. Jean Glavany. Et les céréaliers !

M. Yannick Favennec. Les éleveurs veulent légitimement pouvoir vivre de leur métier. Beaucoup travaillent à perte et n’ont pas de revenu décent, en dépit des heures travaillées.

Pourtant, ils contribuent non seulement à notre indépendance alimentaire et à sa qualité, mais aussi à l’emploi : derrière chaque éleveur, il y a entre six et huit emplois. C’est le cas, dans mon département de la Mayenne.

Monsieur le Premier ministre, l’agriculture, au même titre que notre industrie, fait partie du redressement productif. Alors mettez les bouchées doubles pour sauver nos éleveurs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Ils réclament des négociations équitables avec la grande distribution, la généralisation d’un étiquetage « Viande de France » pour contrer les importations déloyales, un arrêt de la surenchère réglementaire et de l’augmentation de la fiscalité ; enfin, ils s’inquiètent des risques d’une ouverture du marché européen aux importations américaines.

La filière subit une crise particulièrement grave, à tous les échelons. Le problème est celui du revenu, mais des opportunités existent – je pense en particulier à l’exportation pour la filière viande – qui pourraient leur permettre de se tourner à nouveau vers l’avenir.

Aussi, monsieur le Premier ministre, dans un contexte où se discutent notre future politique agricole commune ainsi que les accords de libre-échange, occupez-vous des éleveurs de France et proposez-leur d’urgence des perspectives concrètes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire.

M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire. Monsieur le député Yannick Favennec, je voudrais d’abord excuser l’absence de Stéphane Le Foll, retenu pour les négociations de la politique agricole commune à Luxembourg,…

M. Christian Jacob. Il n’est jamais là !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. …des négociations dont nous avons bon espoir qu’elles aboutissent positivement au bénéfice de nos éleveurs, grâce à l’engagement de la France, plus particulièrement du Président de la République et du ministre de l’agriculture, aboutissant à une répartition plus juste des soutiens publics européens.

Une députée du groupe UMP. Bla-bla-bla !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. Monsieur le député Favennec, le Gouvernement est totalement mobilisé pour répondre aux difficultés de nos éleveurs.

M. Damien Abad. C’est faux ! Où est le ministre de l’agriculture ?

M. Guillaume Garot, ministre délégué. Le Gouvernement souhaite que chacun puisse vivre de son travail ; c’est la raison pour laquelle nous agissons depuis maintenant plusieurs mois pour redonner de vraies perspectives à nos producteurs.

Cela passe d’abord par un plan de relance pour les filières porc et volaille, pour conjuguer la performance écologique et la performance économique.

M. Marc Le Fur. Depuis le temps que vous en parlez !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. Cette action passe ensuite par la modification de la loi de modernisation de l’économie, afin de rééquilibrer les relations commerciales entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs, en prenant en considération la volatilité du prix des matières premières.

Nous agissons encore avec la revalorisation du prix du lait payé aux producteurs, grâce à une médiation par l’État, et qui devra engager toute la filière. Nous faisons de même pour la production porcine.

Enfin, nous agissons avec la mise en place prochaine, toujours à l’initiative du Gouvernement, d’un label « Viande de France ».

Vous le voyez, monsieur le député, nous entendons les inquiétudes et même les souffrances de nos éleveurs. Sachez que nous sommes parfaitement déterminés à y répondre pour que nos producteurs retrouvent espoir et confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Situation des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, le plus « gonflé » des deux n’est pas celui qu’on croit. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est probablement ce que se sont dit nombre de nos concitoyens ce matin, après vous avoir entendu, comme moi, aux questions de Jean-Michel Aphatie sur RTL.

Avec tout le respect que je dois à votre personne et à votre fonction, permettez-moi de vous dire que je vous trouve très gonflé de traiter avec un tel mépris le travail de qualité de fond réalisé par notre président de la commission des finances avec un certain nombre de nos collègues. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Permettez-moi de vous dire que je vous trouve très gonflé de persister, plus d’un an après, à faire porter encore et encore sur le précédent quinquennat la responsabilité que vous n’avez pas le courage d’assumer. (Mêmes mouvements.)

Permettez-moi de vous dire que je vous trouve très gonflé de persister à refuser de présenter à la représentation nationale un collectif budgétaire parce la réalité est là devant nous : en fin d’exercice, nous constaterons 15 milliards d’euros de recettes fiscales en moins, et c’est de votre fait, et 5 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires, toujours de votre fait, soit une impasse supplémentaire de 20 milliards d’euros.

En ce jour, monsieur le ministre de l’économie et des finances, où nous allons saluer, à travers l’ombre de M. Cahuzac (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), la prétendue transparence que vous voulez nous faire connaître, dites-nous si vous avez enfin l’intention de dire la vérité aux Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, je ne sais pas si vous vous souvenez – en tout cas, nous nous en souvenons – qu’il y a un peu plus d’un an vous étiez encore dans la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais maintenant, c’est vous qui êtes au pouvoir !

M. le président. Mes chers collègues, écoutez la réponse, s’il vous plaît !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vais vous rappeler ce que vous avez fait et ce que nous faisons.

Monsieur Geoffroy, vous considérez qu’il ne peut pas y avoir de transparence ni maîtrise des déficits sans collectif budgétaire ni loi de finances rectificative. Mais laissez-moi vous rappeler que vous avez fait quinze lois de finances rectificatives au cours des cinq dernières années…

Mme Bérengère Poletti. Justement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et que, dans le même temps, vous avez creusé de façon abyssale les déficits : déficit du commerce extérieur, déficit des comptes publics, déficit de l’État. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

S’il devait y avoir un lien entre la sincérité budgétaire des collectifs budgétaires que l’on présente devant l’Assemblée nationale et le rétablissement des comptes, au regard de ce que vous avez fait pendant cinq ans, cela se saurait.

Il y a dix jours, j’étais devant la commission des finances de votre assemblée. Concernant l’évolution de nos recettes fiscales et de nos dépenses, j’ai fait devant la commission toute la transparence…

M. Hervé Mariton. Ce n’était pas convaincant !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …en indiquant que nous avions procédé, dans le cadre du programme de stabilité, au rétablissement de notre trajectoire fiscale au regard des recettes qui, il est vrai, rentrent moins bien que nous ne l’avions pensé (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) pour des raisons qui tiennent à la conjoncture économique internationale.

Comme je l’ai dit également devant la commission des finances, nous tenons parfaitement la dépense, nous la tenons mieux que vous ne l’auriez fait en 2012 (Protestations sur les bancs du groupe UMP),parce que nous avons procédé à des gels sur la dépense publique qui nous ont permis de contenir le déficit public là où, l’an dernier, vous le laissiez filer. Nous avons réduit de 300 millions d’euros les dépenses de l’État, alors que pendant cinq ans elles avaient continué d’augmenter.

Monsieur Geoffroy, vous n’êtes pas qualifié ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Conférence sociale

M. le président. La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Guy Delcourt. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, la deuxième grande conférence sociale du quinquennat s’est tenue la semaine dernière.

Progressivement, la méthode du Gouvernement qui s’appuie sur la concertation, le dialogue et la recherche permanente d’une adhésion large aux réformes, s’impose dans le paysage institutionnel français.

C’est une démarche volontaire et nous y voyons la condition indispensable à l’instauration d’une démocratie sociale apaisée.

Les deux jours de travaux ont permis aux partenaires sociaux et aux pouvoirs publics d’échanger des points de vue constructifs sur l’emploi, c’est évident, mais aussi sur la formation professionnelle et sur les retraites.

De toute évidence, les partenaires sociaux sont conscients de l’ampleur des défis que doit relever notre pays au cours des prochaines années.

Monsieur le ministre, la deuxième année du quinquennat sera donc riche de plusieurs réformes majeures.

La formation professionnelle, levier indispensable pour sécuriser les parcours professionnels, sera un grand chantier tout comme la lutte contre le dumping social, dimension cruciale de la réorientation européenne voulue par le Président de la République.

Cette année sera aussi celle de la réforme des retraites. Elle devra trouver le juste équilibre entre pérennité du financement et indispensable garantie du pouvoir d’achat des retraités, entre niveau de prélèvement et durée de cotisation.

Chacun mesure ce qu’il serait advenu si la droite avait continué à exercer les responsabilités nationales. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.). À terme, c’est notre modèle de retraite par répartition, juste et protecteur, qui aurait été remis en cause par les apprentis sorciers du libéralisme.

M. Lucien Degauchy. Vous, vous allez faire pire !

M. Guy Delcourt. Monsieur le ministre, le projet de loi issu des négociations entre partenaires sociaux sera présenté au mois de septembre. C’est la volonté commune des partenaires sociaux et du Gouvernement. Quelles orientations doivent être tirées de cette deuxième conférence sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô !

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, vous avez souligné deux choses. Premièrement, la permanence d’une manière de faire, d’une manière de gouverner, celle du dialogue. Plus le sujet est difficile – et une réforme en profondeur et juste, durable des retraites, c’est difficile –, plus le sujet est compliqué -– et une réforme de la formation professionnelle qui soit à la fois efficace et juste, c’est compliqué –, plus il faut dialoguer. Ce n’est pas perdre du temps que de discuter, d’écouter les autres, de considérer les acteurs sociaux, les acteurs professionnels, patronaux comme syndicaux, eux qui ont été ignorés et parfois même vilipendés par ceux qui siègent aujourd’hui sur la droite de cette Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C’est d’abord une méthode, une méthode pour décider, et vous l’avez souligné, pour décider une réforme des retraites qu’il appartient, bien sûr, à la ministre chargée de cette question de mettre en concertation afin de permettre au Gouvernement de proposer ensuite une réforme durable. Mais c’était aussi, et surtout, une grande conférence sociale autour de l’emploi, pour l’emploi, pour amplifier la mobilisation en faveur de l’emploi, pour amplifier la mobilisation de ces outils qui avaient été mis en œuvre dès la première conférence sociale. Il faudra également en mettre d’autres en place, par exemple dans le domaine de la formation professionnelle. Il faut absolument que ceux qui ont le plus besoin de la formation professionnelle puissent aujourd’hui en bénéficier. Or ce n’est pas le cas.

Quels sont ceux qui en ont le plus besoin ? Les jeunes, lorsqu’ils sortent de l’école avec un bagage insuffisant, ceux qui recherchent un emploi et qui, faute de la formation adéquate, ne trouvent pas l’emploi qui pourtant peut être éventuellement vacant dans l’entreprise d’à côté. Ce sont également ceux qui sont les moins qualifiés dans l’entreprise qui ont besoin d’être protégés pour leur avenir.

Oui, monsieur le député, il s’agissait d’une grande conférence du dialogue et de l’action. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Conférence sociale

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Denis Jacquat. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

« Scénarisation », « rendez-vous manqué », « déception » : tels sont les termes crus et réalistes employés par les partenaires sociaux pour décrire la conférence sociale tenue la semaine dernière. Pourtant, il y a urgence, urgence sociale !

Depuis un an, votre Gouvernement est impuissant à juguler la hausse du chômage. Comme vous garrottez les entreprises avec toujours plus de prélèvements, vous en êtes réduit aux rustines des emplois aidés dans le public pour tenter le tout pour le tout.

Depuis un an, vous avez multiplié les décisions irresponsables, creusant les déficits sociaux et notamment ceux des régimes de retraite, alors que nous avions réussi à réduire par deux le déficit de cette branche.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin prendre des décisions courageuses en matière économique et sociale ? Ou bien souhaitez-vous vous en tenir aux rituels « litanie, liturgie, léthargie » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député Denis Jacquat, je ne sais pas très bien, à dire vrai, de quel type de question est saisi le Gouvernement. S’il s’agit de faire référence à la grande conférence sociale que vient d’évoquer le ministre du travail, je peux vous dire qu’il y avait un consensus parmi les organisations syndicales pour refuser tant la méthode qui a été la vôtre au cours des dernières années que la réforme des retraites que vous avez défendue, et qu’il y avait également un consensus pour appeler à des réformes courageuses, c’est-à-dire des réformes de justice.

M. Patrice Verchère. Bla-bla-bla

Mme Marisol Touraine, ministre. Les réformes de justice, ce sont celles que nous nous sommes engagés à lancer dès notre arrivée aux responsabilités, pour faire face à la situation que vous nous avez laissée, en particulier dans les régimes de retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Pourquoi perdez-vous toutes les élections ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Votre réforme a en effet consisté à faire peser sur les épaules de celles et ceux qui ont commencé à travailler jeunes l’essentiel de l’effort. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est pour cela que, conformément aux engagements pris par le Président de la République, une des premières mesures que nous avons prises – et nous en sommes fiers – a permis à celles et à ceux qui ont commencé à travailler à vingt ans, qui ont travaillé tout au long de leur vie et cotisé pendant toutes les années nécessaires, de partir en retraite dès soixante ans. C’est dans cet esprit de justice que nous allons défendre une réforme des retraites qui permettra de rendre confiance aux jeunes générations.

Les jeunes générations, monsieur le député, vous les avez laissées inquiètes, vous les avez laissées sans espoir et sans perspectives : c’est à cela que nous voulons, nous, remédier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Robinet. Mensonge !

Inondations dans le Sud-Ouest

M. le président. La parole est à Mme Carole Delga, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen .

Mme Carole Delga. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, et j’y associe mes collègues Jean Glavany et Jeanine Dubié.

Les inondations qui ont sévèrement frappé les Pyrénées la semaine dernière laissent derrière elles trois morts et des paysages de désolation. Les énormes dégâts de ces crues exceptionnelles sont comme une balafre sur tout le flanc de nos montagnes et de nos coteaux.

Dans ma circonscription du sud de la Haute-Garonne, de nombreuses communes des cantons de Saint-Béat ou de Luchon, pour ne citer qu’eux, portent les séquelles du déchaînement de la nature. Nombre d’habitants ont tout perdu en quelques heures. Je n’oublie pas, bien sûr, nos voisins des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques.

Par ailleurs, de nombreuses routes sont coupées, rendant d’autant plus difficile le travail remarquable, que je tiens à saluer, des services de secours et des bénévoles pour venir en aide à la population.

On ne compte plus les commerces qui ont été dévastés, les exploitations agricoles décimées, les hôtels saccagés par le passage des eaux. Il faudra du temps pour tout remettre en état. Mais la saison touristique est sur le point de commencer et de nombreux commerçants sont très inquiets.

Face à cette situation exceptionnelle, il faut des mesures exceptionnelles. Je voudrais à ce titre souligner le soutien qu’a manifesté le Président de la République en se rendant dès jeudi sur les zones sinistrées. Plusieurs ministres se sont également rendus sur place dès les premières heures pour rencontrer la population ; je les remercie également.

Mais l’heure est à la reconstruction, grâce à une solidarité exceptionnelle. Il faut redonner confiance à toute une région. L’attente est forte de la part des habitants et je sais que le Gouvernement mettra tout en œuvre pour y répondre promptement et efficacement. Elle sera accompagnée de l’énergie invincible de cette population courageuse.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous détailler le contenu des décisions prises lors de la réunion interministérielle d’hier matin, pour garantir l’avenir de nos concitoyens et soutenir nos acteurs économiques, dont la pugnacité est au service du développement de nos montagnes, les Pyrénées ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. À mon tour, je veux rendre comme vous hommage non seulement aux secours, aux bénévoles, à tous ceux qui se sont engagés, mais encore à ces services publics qu’on dénigre trop souvent et qui font la démonstration que notre pays est formidable en matière de solidarité et de générosité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur quelques bancs du groupe UDI.)

Je veux aussi saluer les maires qui au-delà des engagements politiques, ont fait la preuve d’un engagement extraordinaire, au moment où l’on critique trop souvent les élus. Je salue le maire de Lourdes, une ville importante, un site touristique et religieux essentiel qui doit recevoir le soutien de la nation. Je pense aussi aux maires de Barèges et de Luz-Saint-Sauveur – nous étions sur place avec Jeanine Dubié et Jean Glavany. Dans votre circonscription, à Luchon où j’ai vu le maire, à Saint-Béat où nous étions avec le Président de la République, il faut se rendre compte de la situation particulièrement catastrophique que connaissent ces territoires.

L’arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sera pris cette semaine, dans un délai tout à fait exceptionnel. Nous veillons avec les assureurs aux procédures d’indemnisation dans les meilleurs délais. Ainsi que le Premier ministre l’a souhaité, avec le ministre délégué au budget, nous voulons faire en sorte que les collectivités territoriales reçoivent très vite les financements dont elles ont besoin. C’est vrai pour les Pyrénées-Atlantiques et les Landes, c’est vrai évidemment pour la Haute-Garonne et les Hautes-Pyrénées, et je n’oublie pas les départements qui ont été touchés ces derniers mois, comme l’Aube ou la Côte d’Or.

Le Gouvernement s’engage à être auprès des collectivités territoriales pour réparer les voies d’accès et pour faire en sorte que la saison touristique commence dans les meilleures conditions possibles. Enfin, oui, l’arrêté concernant le secteur agricole a été pris, parce que nous voulons aussi manifester notre soutien aux agriculteurs. Voilà, madame la députée, l’engagement du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Situation des éleveurs

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le Premier ministre, je m’adresse aujourd’hui à vous non pas à cause de l’absence physique de M. Le Foll, mais parce que certains s’interrogent sur le rôle exact du ministre de l’agriculture qui s’occupe semble-t-il plus de politique politicienne que de l’agriculture française. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Le monde de l’élevage est en ébullition. Dimanche, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs ont organisé à Paris une manifestation qui a rassemblé 11 000 personnes. Les éleveurs souffrent ; ils rencontrent de grandes difficultés : augmentation des coûts de production, baisse des marges, fixation des prix agricoles, manque de visibilité sur les aides, problèmes liés à l’accompagnement des installations, absence de soutiens aux jeunes agriculteurs et aux exploitations dites viables, contraintes administratives, étiquetage, présence des prédateurs comme le loup,…

M. Jean-Marie Sermier. Très bien !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. …craintes quant à la nouvelle PAC.

Le monde agricole attend aujourd’hui des actes et non des paroles. Il attend également du ministre de l’agriculture un vrai investissement et non le dilettantisme que dénonce Xavier Beulin, président de la FNSEA. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, gardons notre calme !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. L’élevage est une chance pour la France et pour nos concitoyens en termes de qualité et de traçabilité. Ceci doit s’entendre dans une complémentarité entre céréaliers et éleveurs. L’élevage est également une réponse aux zones de montagne qui, à défaut, connaîtraient déprise et friche.

Monsieur le Premier ministre, après avoir remis votre ministre de l’agriculture au travail, entendrez-vous cet appel des agriculteurs et des terroirs ? Quelles mesures concrètes pouvez-vous aujourd’hui nous annoncer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire.

M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire. Monsieur le député, la meilleure réponse à vos insinuations, à vos affirmations, c’est la présence, depuis dimanche soir dernier, de Stéphane Le Foll à Luxembourg pour défendre les intérêts de notre agriculture et de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Le Gouvernement, vous le savez, a pris pleinement la mesure des difficultés de l’élevage.

M. Bernard Accoyer. C’est faux !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. Ce n’était pas le cas par le passé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Lucien Degauchy. Scandaleux !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. Et la manifestation de dimanche dernier avait pour but de sensibiliser les Français aux réalités et aux inquiétudes de ce secteur.

Je vous rappellerai que le Gouvernement a pris des mesures fortes pour répondre, précisément, à ces inquiétudes. D’abord, sur le plan national, il prend des mesures structurelles…

M. Bernard Accoyer. Faux !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. …à travers le projet de loi sur la consommation que défend Benoît Hamon,…

M. Bernard Accoyer. Il n’y a rien dans ce texte !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. …destiné corriger les insuffisances de loi de modernisation de l’économie que vous aviez votée des deux mains en 2008.

M. Bernard Accoyer. Mensonge !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. Cette adaptation permettra de renégocier les contrats en cas de variation significative du prix des matières premières.

Mme Catherine Vautrin. C’est faux !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. J’ajoute que des simplifications de procédure seront arrêtées pour faire en sorte qu’on soutienne la production – en particulier l’élevage, évidemment –, dans une logique exemplaire du point de vue environnemental.

Enfin, en complément, nous avons pris des mesures d’urgence pour revaloriser le prix du lait. Il en ira de même pour le prix du porc. Nous nous mobilisons également en faveur des jeunes avec des aides d’urgence pour ceux qui sont exposés en termes de trésorerie – 44 millions d’euros ont ainsi été dégagés.

La mobilisation du Gouvernement est pleine et entière…

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas vrai !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. …et elle continuera de porter ses fruits. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Canal Seine-Nord-Europe

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le Premier ministre, 1’UDI considère que la force d’un pays se mesure notamment à sa capacité de fixer un cap à travers de grands projets structurants.

C’est, ou plutôt c’était, l’ambition du Schéma national des infrastructures de transport, destiné à fixer les orientations des trente prochaines années en matière d’infrastructures. Au mois d’octobre dernier, la commission « Mobilité 21 » a été chargée d’évaluer et de hiérarchiser les 70 projets identifiés dans le SNIT. Nous craignons que derrière cette démarche ne se profile en réalité l’enterrement en catimini de nombreux projets structurants, au risque de renier la parole publique et le principe de continuité de l’État. Ainsi, certains projets majeurs semblent déjà condamnés alors même que les travaux sont engagés et plusieurs dizaines de millions d’euros déjà dépensés.

Prenons un seul exemple emblématique du SNIT et du Grenelle de l’environnement : le canal Seine-Nord-Europe. Voilà un projet majeur attendu de tous les territoires concernés, considéré comme prioritaire par l’Union européenne et lancé officiellement en 2011 par le chef de l’État. Voilà un projet pour lequel plus de 200 millions d’euros ont déjà été engagés et dont tout donne pourtant à croire qu’il sera relégué tout en bas, voire hors du classement.

Monsieur le Premier ministre, avec 80 collègues parlementaires de tous bords, avec les maires d’Amiens et de Lille, nous avons sollicité auprès de vous un rendez-vous en urgence, en février, pour vous parler de ce projet majeur. Trois mois plus tard, vous nous répondiez que votre agenda chargé ne permettait pas cette rencontre. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Après les « pigeons », les « poussins » et les « moineaux », vous risquez de faire naître une nouvelle espèce de volatiles, celle des « dindons », les dindons de la farce du canal Seine-Nord-Europe.

Monsieur le Premier ministre, la commission « Mobilité 21 » doit présenter ses conclusions à la presse ce jeudi. Pouvez-vous nous assurer que la parole publique a encore du sens dans notre pays, et nous garantir que la partition qui sera jouée après-demain ne se résumera pas à un requiem(Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, que vous dire si ce n’est qu’au fur et à mesure de nos rencontres et de ces séances, nous avons la démonstration – et les Français s’en aperçoivent – que vous avez, de ce côté de l’hémicycle, une vision, une approche hautement fantaisiste avec les chiffres, les comptes publiques ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles et Mme Catherine Vautrin. C’est pour cela que vous perdez toutes les élections ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. L’accumulation de mensonges ne forme pas une vérité.

M. Éric Ciotti. Ridicule !

M. Bernard Deflesselles. Vous avez perdu huit législatives partielles !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Force est de constater, monsieur Demilly, une fois encore, que vous essayez d’inquiéter, de faire douter, de miner la confiance dans ce pays.

M. Éric Ciotti. On n’est pas au café du commerce !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il est vrai qu’en ce qui concerne le canal Seine-Nord vous n’êtes pas à une approximation près. Le président Sarkozy, à l’époque, c’était en 2011, avait annoncé que 97 % du financement était acquis. Cela faisait partie de ses grandes promesses électorales et, in fine, il ne manque jamais « que » 3 milliards d’euros !

M. Alain Gest. Menteur !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Mais vous n’êtes pas à une approximation près, je le répète, et il a fallu confier à Rémi Pauvros une mission de reconfiguration visant à donner leur chance à ces grandes infrastructures. La commission « Mobilité 21 » n’a pas d’autre objet que de prendre à bras-le-corps la relance de la croissance.

Qu’avez-vous laissé au présent Gouvernement ? Une succession de promesses s’élevant à 245 milliards d’euros pour tout le territoire. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Les fausses promesses sur les infrastructures que vous avez distillées, qui doit les assumer si ce n’est le Gouvernement ? Mais nous allons, nous, les tenir car, au-delà des promesses, nous souhaitons donner leur chance aux territoires et c’est la mission confiée à M. Duron, notamment, qui aura à remettre au Premier ministre et à moi-même un rapport sur les investissements d’avenir et les grandes infrastructures.

M. Philippe Meunier. Reprenez votre respiration !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Voyez en matière de transport : vous avez laissé 32 milliards d’euros de dettes dans le secteur ferroviaire, vous avez laissé choir toutes les infrastructures, vous avez laissé les entreprises dans un état lamentable. Assumez votre passif, assumez votre passé ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Situation des éleveurs

M. le président. La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse. Ma question, qui s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, revient sur un sujet déjà abordé par mes collègues.

Dimanche dernier, dix mille éleveurs venus de toute la France ont défilé dans les rues de Paris. Ces agriculteurs, monsieur le ministre, sont venus manifester leur colère.

Ils sont en colère contre la surenchère fiscale et contre la surenchère réglementaire décidée par Bruxelles et orchestrée par le Gouvernement. Face à la multiplication des contraintes administratives, certains préfèrent renoncer.

Ils sont en colère, car ils ne sont protégés ni par la France ni par l’Union européenne qui les livrent à la concurrence mondiale, sauvage et déloyale imposée par les technocrates de Bruxelles. L’accord de libre-échange avec les États-Unis, imposé par José Manuel Barroso et ses amis européistes va encore aggraver le problème.

Ils sont en colère, car le rapport de force avec la grande distribution leur est systématiquement défavorable.

Quel est le constat ? Les charges augmentent, les contraintes s’empilent, les règlements parfois se contredisent, et surtout les prix sont bloqués et les revenus fondent. Les agriculteurs se sentent tout simplement abandonnés.

Monsieur le ministre, ces derniers mois, je vous ai alerté sur les contraintes de plus en plus importantes qui pèsent sur les agriculteurs. Vous m’avez toujours répondu que le Gouvernement était attentif à leur situation. Aujourd’hui, les agriculteurs attendent que leur ministre s’investisse un peu plus en faveur de leur profession, qui est sinistrée.

C’est l’avenir de toute une filière d’excellence qui est menacée. De plus en plus d’agriculteurs sont contraints de travailler à perte ; ils ne se sentent ni écoutés, ni protégés. Dans ce contexte anxiogène, c’est aussi l’avenir et l’espoir de milliers de jeunes qui s’installent qui est en jeu. Comment y être insensible ?

Monsieur le ministre, ma question est simple : qu’attendez-vous pour permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur métier ? Qu’attendez-vous pour les accompagner véritablement ? Qu’attendez-vous, enfin, pour les défendre et les protéger des technocrates de Bruxelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire.

M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire. Madame la députée Véronique Besse, je veux vous redire que Stéphane Le Foll est complètement investi dans la défense de nos éleveurs… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. C’est trop pour être sincère !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. …et d’une certaine conception de l’agriculture française, faite de solidarité, mais aussi de diversité. Cela nous change du passé !

Vous m’avez interrogé sur les mesures que le Gouvernement a prises pour soutenir nos éleveurs. Je voudrais vous les rappeler en quelques mots. Il y a d’abord le plan de relance pour la filière porcine et la filière volaille, et pour faire du levier écologique un levier de performance économique – c’est très important.

M. Franck Gilard. C’est creux !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. Vous avez ensuite évoqué les relations avec la grande distribution, qui ont été totalement déséquilibrées par la loi LME, que vous avez votée en 2008. Cette loi, nous la corrigeons aujourd’hui, pour faire en sorte que la volatilité du prix des matières premières soit prise en considération dans le calcul du prix final. Nous soutenons également, pour les filières d’élevage, la création d’un nouveau label, qui s’appellera « Viande de France »…

M. Lucien Degauchy. Toujours des promesses !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. …et qui permettra de reconnaître, non seulement la qualité du produit, mais plus encore la qualité du travail de nos éleveurs. C’est tellement important aujourd’hui !

Enfin, vous l’avez dit, il s’agit aujourd’hui de conduire une grande réforme de la politique agricole commune. C’est l’engagement du Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), c’est l’engagement du Premier ministre, c’est l’engagement de notre ministre de l’agriculture…

M. Yves Nicolin. C’est du blabla !

M. Guillaume Garot, ministre délégué. …pour faire en sorte que les aides soient mieux distribuées, et de façon plus juste. Cela avait tellement manqué par le passé !

Ce combat, c’est Stéphane Le Foll qui le mène, en ce moment même, au moment où je vous parle. Madame la députée, nous avons pris la mesure des inquiétudes de nos éleveurs, et notre détermination, sachez-le, est totale pour que chacun puisse vivre enfin de son travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Gens du voyage

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Marie Tetart. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Madame la ministre, en Haute Savoie, un maire adjoint s’est fait casser le nez, parce qu’il n’entendait pas laisser les caravanes des gens du voyage entrer sur le terrain de sport communal.

M. Franck Gilard. Eh oui !

M. Jean-Marie Tetart. En Seine-et-Marne, un maire est poursuivi en justice, parce qu’il a appelé sa population à l’entourer pour empêcher une occupation.

En Essonne, un agriculteur a pu bénéficier d’une incapacité temporaire de travail importante, pour avoir défendu sa propriété.

M. Jean-Marie Le Guen. Qu’il est sympathique, cet homme-là !

M. Jean-Marie Tetart. Dans les Yvelines, les agriculteurs se mobilisent avec du lisier pour menacer d’en faire bénéficier les caravanes occupant des terrains agricoles en partie cultivés.

M. Jean-Marie Le Guen. Ah, les braves gens !

M. Jean-Marie Tetart. La tension est grandissante, l’incompréhension des habitants croissante. Atteinte à la propriété, dégradations de biens publics, outrages aux forces de l’ordre et aux élus, coups et blessures : autant de délits qui donnent lieu à des constats, mais rarement à des poursuites et à des sanctions.

Cette situation devient un risque, quand s’y ajoute l’écœurement devant la justice, clémente avec les jeunes attaquants du train de Grigny, et d’une sévérité sans pareille vis-à-vis de Nicolas Bernard-Buss ; écœurement quand on supprime les peines planchers…

M. Philippe Meunier. Merci Taubira !

M. Jean-Marie Tetart. …et qu’on envisage de reconsidérer l’intérêt des peines d’emprisonnement de moins de six mois. Voilà le carburant de vos défaites aux élections partielles !

La loi de juillet 2000 demande de concilier le mode de vie des gens du voyage avec la nécessité du maintien de l’ordre, du respect des biens et des personnes, et du droit de propriété. Avec un peu de retard, les collectivités locales ont déployé un maillage d’aires d’accueil et elles pourront mener à bien leur extension, si l’État ne se désengage pas de leur financement.

Mais les grands passages relèvent d’une solidarité nationale, et il appartient à l’État, selon l’esprit de la circulaire de mars 2012, de prendre en charge la responsabilité de la prévision, de la coordination et de l’accueil des grands passages et des grands rassemblements, en mobilisant notamment les terrains de l’État, comme vous le préconisez pour les logements sociaux.

Quand entendez-vous, madame la ministre, mettre ces terrains à la disposition des gens du voyage ? Quand entendez-vous faire assumer à l’État son devoir vis-à-vis de la communauté des gens du voyage, qui est un devoir de solidarité, mais aussi d’autorité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Franck Gilard. Il faut arrêter de faire semblant !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député Jean-Michel Tetart, si votre question comportait de nombreux éléments…

M. Christian Jacob. Elle était claire !

M. Manuel Valls, ministre. …il y a au moins un fil conducteur dans ma réponse : c’est le respect de l’État de droit, fondé sur des droits et des devoirs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Avi Assouly. Bravo !

M. Manuel Valls, ministre. Tous ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre ou à des élus pour contester une autorité doivent être sanctionnés, poursuivis par la justice et condamnés lourdement.

M. Julien Aubert. Cela se saurait !

M. Manuel Valls, ministre. Cela vaut pour tout le monde, et comme ministre de l’intérieur, je ne tolérerai aucun acte de violence, d’où qu’il vienne.

Mais, monsieur le député, respecter l’État de droit – je le dis une nouvelle fois à l’opposition – c’est aussi respecter la justice. La justice est indépendante ; les magistrats condamnent, en fonction d’un certain nombre d’éléments, et je vous invite une nouvelle fois, sur cette affaire, comme sur n’importe quelle autre, à respecter les décisions de justice. Dans une période difficile, dans une période troublée, le Parlement comme l’exécutif doivent respecter la justice. Et vous le premier, comme député, d’ailleurs !

M. Hervé Mariton. N’abusez pas vous-même !

M. Manuel Valls, ministre. Enfin, pour ce qui concerne les gens du voyage, il faut appliquer la loi, toute la loi, et que chacun joue son rôle. Si vous le voulez, je vous ferai la liste des députés, des maires et des présidents d’intercommunalités qui ne respectent pas la loi Besson, qui ne respectent pas les règles dans ce domaine.

M. Philippe Meunier et M. Patrice Verchère. Et ceux qui la respectent ?

M. Manuel Valls, ministre. L’État assume ses responsabilités pour les aires de grand passage, comme pour l’accueil des gens du voyage. Je le répète : droits et devoirs pour les élus, et surtout pas d’exploitation de ce sujet à des fins politiques !

Monsieur le député, faisons respecter la loi : notre démocratie et la République y gagneront ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Emplois non pourvus

M. le président. La parole est à M. Pierre Léautey, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre Léautey. Monsieur le ministre de l’emploi, la semaine dernière, lors de son discours devant la conférence sociale, le Président de la République a confirmé la mobilisation générale en faveur de l’emploi. C’est indispensable et toutes les composantes de la majorité vous soutiennent pour relever le défi de l’inversion de la courbe du chômage.

Après des années pendant lesquelles l’UMP attendait de l’attribution dispendieuse de cadeaux fiscaux aux plus fortunés une amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens, le temps de l’action et de la détermination est venu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Oui, on le voit !

M. Pierre Léautey. En effet, notre majorité de gauche a lancé plusieurs chantiers considérables. Les contrats de génération vont lier les destins professionnels de 500 000 jeunes et de 500 000 seniors. Les emplois d’avenir montent en charge dans nos départements pour atteindre, à terme, le nombre de 250 000. Le crédit d’impôt compétitivité emploi abaisse le coût du travail sans diminuer les salaires. La sécurisation de l’emploi fluidifie le marché du travail tout en garantissant des droits nouveaux aux salariés. Les dispositifs de redressement productifs luttent contre les délocalisations.

Monsieur le ministre, le Président de la République a annoncé que notre majorité allait ouvrir un nouveau front dans la guerre contre le chômage. En effet, une attention particulière va être portée aux emplois non pourvus. Selon les estimations, il y a entre 200 000 et 300 000 emplois non pourvus. C’est une perte de richesse et d’énergie pour toute la société. Alors que le chômage atteint des niveaux record, nos concitoyens ne comprendraient pas que le Gouvernement ne se saisisse pas de cette question.

M. Bernard Deflesselles. D’ailleurs, ils ne comprennent pas !

M. Pierre Léautey. Nous devons aussi améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande d’emploi. Cela passe par un effort d’organisation du marché du travail et nécessite de mettre l’accent sur la formation professionnelle.

Monsieur le ministre, quelle méthode a été retenue par le Gouvernement pour conduire le chantier de la résorption des emplois non pourvus ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, vous avez rappelé les outils qui sont déjà en place, et vous avez appelé à la mobilisation pleine et entière pour les mettre en œuvre comme nous l’avons fait lors de la conférence sociale et comme nous le refaisons depuis.

C’est le cas pour les emplois d’avenir, qui montent en charge extrêmement rapidement car aujourd’hui, sur tous les territoires, l’efficacité de cet outil en faveur des jeunes est apparue, et il est mis en œuvre. C’est aussi le cas pour les contrats de génération, qui marchent très bien dans les petites entreprises de moins de cinquante salariés. Je demande à toutes les entreprises, même les plus grandes, d’ouvrir et de conclure les négociations pour permettre l’embauche de jeunes tout en maintenant des seniors dans ces entreprises.

Et puis il existe ce que vous appelez à juste titre l’adéquation entre l’offre et la demande. Nous connaissons tous des chefs d’entreprises qui ont un emploi à pourvoir et ne trouvent personne pour l’occuper ; et de l’autre coté nous connaissons trop de chômeurs qui recherchent un emploi avec détermination mais n’ont pas la bonne qualification pour occuper cet emploi. C’est à cela que nous allons nous attaquer dans les toutes prochaines semaines.

Je vais mettre à profit le mois de juillet, avec les partenaires sociaux et les collectivités territoriales, tout particulièrement les régions, pour identifier les besoins réels, filière par filière, métier par métier, région par région, ainsi que pour identifier les bons outils – car ils existent, il n’est pas nécessaire d’en inventer de nouveaux. Il suffit de mettre en œuvre les outils existants.

Nous allons également mobiliser les financements. Cela concerne les partenaires sociaux qui gèrent les fonds de la formation professionnelle et qui doivent les affecter en priorité vers les personnes qui cherchent du travail et qui ont une offre d’emploi en face d’eux, afin de leur permettre d’acquérir la qualification nécessaire. Cela concerne aussi les régions, dont c’est l’une des responsabilités, et je les remercie. Cela concerne enfin l’État, qui apportera évidemment sa contribution.

Dès le mois de septembre, ce plan d’action sera en place et 30 000 postes seront pourvus pour 30 000 personnes qui cherchent un emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Actions de groupe en matière environnementale

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

Mme Michèle Bonneton. Monsieur le ministre de la consommation, le projet de loi sur la consommation que nous examinons en ce moment à l’Assemblée nationale introduit l’action de groupe, une innovation importante. Les consommateurs lésés pourront se regrouper pour engager une action en justice.

Nous souhaitons que cette innovation ne soit pas limitée aux préjudices matériels. Les victimes de l’Erika, de l’amiante, du Mediator, d’Apollonia et, malheureusement, de bien d’autres catastrophes doivent elles aussi pouvoir recourir à l’action de groupe pour obtenir la reconnaissance de leur préjudice.

Nous devons étendre cette possibilité au domaine de l’environnement, de la santé, ainsi qu’en matière bancaire et financière. Hier, Mme la ministre de la santé s’est déclarée favorable à l’action de groupe dans le domaine de la santé, et a annoncé qu’un projet de loi spécifique serait présenté au début de l’année 2014. Je me réjouis de cette annonce.

Mme la garde des sceaux prépare, quant à elle, l’introduction de la notion de préjudice écologique dans le droit français. C’est un élément nécessaire pour une action de groupe étendue aux préjudices causés à l’environnement. L’étape suivante pourrait concerner les conséquences sur la santé des atteintes à l’environnement. Le récent scandale de Chimirec, spécialiste de la dépollution qui est accusé de faire de la dépollution fictive ainsi que d’être le premier émetteur de PCB – polychlorobiphényles – dans le ciel de France, nous rappelle la nécessité de ce dispositif pour la santé des riverains et pour la sauvegarde de la qualité de l’environnement.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir nous préciser les intentions du Gouvernement ainsi que les modalités et le calendrier de l’élargissement de l’action de groupe dans les domaines de l’environnement et de la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Madame la députée, nous discutons depuis hier de l’inscription en droit français de l’action de groupe, une nouvelle voie de recours collectif ouverte aux consommateurs de façon à réparer les litiges de consommation et du quotidien.

Vous l’avez dit, c’est une avancée démocratique considérable qui va permettre de redistribuer des centaines de millions d’euros de rente économique des grands groupes vers les consommateurs. En pratique, l’action de groupe permettra au consommateur de se voir indemnisé. Parfois de quelques euros pour la réparation d’un bien défectueux ou pour l’indemnisation d’un service interrompu, mais parfois aussi de sommes beaucoup plus importantes dans le cadre d’un préjudice financier qui pourrait être lourd dans le cas, par exemple, d’une pratique commerciale trompeuse lors de la vente d’un produit financier. Cela montre que les services financiers et bancaires sont inclus dans le champ d’application de ce texte.

Voilà le premier étage de la fusée. Le deuxième étage concerne la santé. Dans ce cas, la réparation du préjudice s’étendra aux dommages corporels. Elle suppose donc une évaluation au cas par cas du montant de l’indemnisation nécessaire, et la vérification du lien de causalité sera importante. Par exemple, dans le cas des médicaments, la causalité entre l’absorption d’une molécule et le dommage corporel et de santé qui peut concerner la personne en cause. Le Gouvernement y travaille, et Marisol Touraine a annoncé qu’au début de l’année 2014 elle fera des propositions pour étendre le champ de l’action de groupe à la santé.

Reste le troisième étage de la fusée : l’environnement. Dans ce cas, si nous prenons l’exemple d’une pollution, elle peut entraîner des dommages de nature économique, de nature environnementale mais aussi de nature corporelle et de santé. Il nous faut réfléchir sur des sujets précis tels que la notion d’intérêt à agir au nom de la nature. Je suis heureux de vous annoncer que le Gouvernement y travaille et que Delphine Batho a annoncé ce matin, lors du colloque sur la modernisation du droit de l’environnement, l’engagement d’un grand chantier pour l’extension de l’action de groupe à l’environnement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Transparence de la vie publique

Votes solennels

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote communes et les votes par scrutin public sur le projet de loi organique relatif à transparence de la vie publique (nos 1004, 1108) et du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique (nos 1005, 1109).

Explications de vote communes

Mme la présidente. Au titre des explications de vote communes, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Geoffroy. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, nous voilà donc appelés à nous prononcer par un vote solennel sur les deux projets de loi que le Gouvernement nous a présentés dans l’optique d’assurer et d’améliorer la transparence de la vie politique dans notre pays.

Le groupe UMP ne votera pas ces textes. Il ne les votera pas, non parce qu’il craint quoi que ce soit,…

M. François de Rugy. Ah bon ?

M. Guy Geoffroy. …mais parce qu’il considère que ces textes ne correspondent aucunement à l’attente de nos concitoyens et qu’ils vont largement à l’encontre du but officiel que la majorité s’est assigné. Je m’efforcerai de le démontrer en m’appuyant sur tout ce que nous avons dit pendant les trois jours de séance de la semaine dernière.

Monsieur le ministre, vous parlez de transparence, mais le travail auquel vous nous avez invités, la manière dont le projet initial a été combattu par votre majorité – et de quelle manière ! – et le résultat issu de nos travaux conduisent à des conclusions qui ne vont pas dans le sens d’une meilleure transparence de la vie politique dans notre pays.

M. René Dosière. Vous allez voter contre !

M. Guy Geoffroy. Vous avez prétendu qu’en remplaçant l’actuelle commission pour la transparence de la vie politique par une Haute autorité, les capacités d’action de cet organisme indépendant seraient améliorées. Nous pouvions y croire quelques secondes, mais il était finalement impensable de croire nous en convaincre quand on sait avec quel acharnement vous vous êtes arc-boutés sur votre décision de faire nommer par l’exécutif le président de cette instance. Quel plus bel affront pouviez-vous faire à la représentation nationale et à la représentation parlementaire que de mettre ainsi sous tutelle de l’exécutif le Parlement tout entier !

Monsieur le ministre, vous vous êtes livré avec votre majorité à un jeu bien compliqué, stérile et hypocrite. Dans un premier temps, vous avez pensé faire la même chose – c’est ce que souhaitait le Président de la République – que ce qui avait été fait pour vous, membres du Gouvernement. La France entière rigole encore de la publication de vos déclarations de patrimoine.

M. Régis Juanico. Rien que cela !

M. Guy Geoffroy. Ce que vous avez souhaité, monsieur le ministre, votre majorité s’y est opposée de toutes ses forces, du président de l’Assemblée nationale au président de la commission des lois, en passant par les si nombreux parlementaires de gauche qui ont fait en sorte d’édulcorer ce texte qui ira vraiment à l’encontre de ce que vous souhaitez.

Ce qui va être mis à disposition de nos concitoyens en matière de déclarations de patrimoine et d’intérêts, c’est du Canada Dry ! Une fois de plus, nos concitoyens ne pourront qu’en conclure qu’on leur parle de transparence mais qu’on fait uniquement de l’apparence.

M. René Dosière. La situation actuelle est-elle meilleure ?

M. Guy Geoffroy. Vous avez fait de ce texte quelque chose d’absolument inacceptable. Vous avez décidé que les élus étaient a priori suspects de toutes les turpitudes, alors que la turpitude est la vôtre : c’est celle de Cahuzac, de votre gouvernement et de votre majorité…

Mme Pascale Crozon. Ce n’est pas seulement la nôtre !

M. Guy Geoffroy. …qui n’assument pas l’affaire Cahuzac. Vous voulez couvrir d’opprobre les élus de la nation : c’est inacceptable.

Cerise bien malencontreuse sur ce bien mauvais gâteau : les délateurs. Comme toujours, vous utilisez les grands mots et les belles formules en parlant des lanceurs d’alerte dont vous n’avez pas cessé de nous vanter les mérites. Que sont vos lanceurs d’alerte, si ce n’est des délateurs en chef couverts par la loi,…

M. François de Rugy. Les lanceurs d’alerte ne sont pas vos amis ! On a compris que vous ne les aimiez pas !

M. Guy Geoffroy. …à qui vous donnez tous les pouvoirs et dont vous ne voulez pas nous faire connaître les noms, même pas à nous qui sommes à leur merci ? Vous faites rire la France entière lorsque vous prétendez que ces délateurs – tous ceux qui iront consulter nos déclarations – seront punis des foudres de la justice s’ils avaient le malheur de faire connaître ce qu’ils auraient vu ! Vous savez très bien qu’ils n’ont pas besoin de se cacher pour le faire, et que tout ce que vous prétendez protéger sera immédiatement diffusé.

M. Michel Herbillon. On institutionnalise les lettres anonymes !

M. Guy Geoffroy. Vous ne protégez même pas notre vie privée. Vous voulez assurer la transparence, mais vous ne l’assurez à aucun prix et d’aucune manière.

Comment pouvons-nous vérifier que les élus sont propres ? En permettant aux citoyens de comparer. C’est le travail de la Haute autorité : laissez le lui, et ne laissez pas à des délateurs le soin d’aller piocher ce qu’ils veulent, où ils veulent, et de le faire savoir à leur manière à la terre entière !

Avec ces deux projets, vous prétendez assurer la transparence : vous n’avez même pas sauvé votre apparence.

M. Michel Herbillon. Ce sont les lois Cahuzac !

M. Guy Geoffroy. Vous prétendez améliorer et moraliser, selon vos termes habituels, la vie publique dans notre pays : vous n’avez même pas réussi à laver l’opprobre qui est tombée sur vous avec l’affaire Cahuzac, comme l’a encore montré le peuple de Villeneuve-sur-Lot et des environs il y a quarante-huit heures. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas ces deux textes qui n’assurent pas la transparence dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Stéphane Demilly. Tout d’abord, puisque nous sommes amenés à délibérer en urgence sur ces textes qui sont la réponse du Gouvernement à l’affaire Cahuzac, la première question qui me vient à l’esprit est la suivante : ces textes empêcheraient-ils à l’avenir la reproduction d’un tel scandale ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Stéphane Demilly. Très clairement, non ! La disposition phare de ces textes, la transparence sur le patrimoine, n’empêchera ni les fraudeurs de frauder, ni les tricheurs de tricher, ni les voleurs de voler.

M. Dominique Le Mèner. Ni les Cahuzac !

M. Stéphane Demilly. Contrairement au Gouvernement, qui nous avait repassé le mistigri du mensonge et de l’évasion fiscale et avait fait des parlementaires les pouilleux du jeu de cartes bien connu, nous n’avons pas cherché à nous défausser sur qui que ce soit. Comme le dirait notre porte-parole sur ces textes, Hervé Morin, j’ai le sentiment que nous avons pleinement assumé notre mission de législateur, sans pour autant endosser l’habit du repentant.

Nous continuons à dire que ce qui compte, ce n’est pas la déclaration publique du patrimoine en tant que telle, ni le voyeurisme, mais la capacité pour une autorité indépendante de se doter des moyens de contrôle et d’investigation nécessaires pour apprécier si l’évolution du patrimoine des élus est fondée et justifiée. C’est pourquoi les dispositions des projets de loi qui accroissent et améliorent les pouvoirs de la Haute autorité doivent être saluées.

De même, nous approuvons l’extension des contrôles sur le patrimoine aux pouvoirs exécutifs locaux à partir d’un certain seuil de population, même si nous aurions probablement pu améliorer la liste des heureux bénéficiaires.

En revanche, nous doutons de la pertinence d’une surenchère démagogique prônée par certains, à droite comme à gauche. Cette surenchère me fait penser au célèbre sketch de Coluche sur une non moins célèbre marque de lessive qui lave plus blanc que blanc.

Nous approuvons aussi l’amélioration du régime des incompatibilités et le renforcement des règles sur les conflits d’intérêts.

Certains points doivent être revus au Sénat : il en est ainsi de la délicate question des conseils, notamment de l’interdiction de commencer toute activité durant un mandat alors que le démarrage d’une nouvelle vie professionnelle peut être au contraire le moyen pour un parlementaire d’entamer une reconversion après une expérience nationale.

Enfin, nous avons plusieurs regrets, notamment celui de ne pas soumettre, au nom de l’égal accès aux mandats publics, les candidats aux mêmes obligations de déclarations de patrimoine que les élus.

M. François Sauvadet. Ça, c’est très important !

M. Stéphane Demilly. C’est d’ailleurs au nom de cette égalité que nous avons aussi proposé d’inscrire dans la loi l’obligation pour les fonctionnaires réélus pour un second mandat de démissionner de la fonction publique.

M. Yves Jégo. Eh oui !

M. Stéphane Demilly. Nous regrettons que les amendements portant sur ces points aient été rejetés.

Enfin, ce texte comporte deux grosses erreurs. La première est le « mi-chèvre mi-chou » sur la déclaration de patrimoine. Vous avez finalement adopté la plus mauvaise solution : la transparence sans la transparence. Le système que vous prévoyez, madame et monsieur les ministres, est en effet une véritable machine à propager la rumeur et le soupçon. La seconde erreur est l’instauration modernisée de la loi des suspects pour les élus, par l’introduction des lanceurs d’alerte qui sont en fait des délateurs en puissance pour les politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. Vichy est de retour !

M. Stéphane Demilly. D’ailleurs, la délation couplée à la consultation, même encadrée, des patrimoines distillera de toute évidence un soupçon mortel pour la démocratie.

C’est pourquoi la majorité du groupe UDI s’abstiendra,…

M. Lucien Degauchy. Votez contre !

M. Stéphane Demilly. …regrettant de ne pouvoir voter un texte qui, sans ces excès, aurait pu être approuvé par la totalité de l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, chers collègues, je ne pensais pas devoir répondre à mon collègue de l’UDI en donnant l’explication de vote du groupe écologiste, mais je ne peux laisser passer les propos qu’il vient de tenir. (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Une fois de plus, il demande si ces lois auraient empêché l’affaire Cahuzac. Mon cher collègue, avez-vous déjà vu une loi qui empêche les fraudeurs de frauder ? (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Guy Geoffroy. Justement !

Mme la présidente. Mes chers collègues, un peu de calme !

M. François de Rugy. Une loi qui empêche les fraudeurs de frauder, c’est à peu près aussi crédible que l’arrêté municipal qu’un maire, paraît-il, aurait signé pour interdire à la pluie de tomber !

Si le contexte politique de nos débats n’était pas aussi lourd, après tant de combats pour la transparence, après tant de débats, pas toujours glorieux, sur ces textes de loi, avec mes collègues écologistes nous serions tentés de dire : « Enfin ! » Enfin, parce que ces combats pour la transparence financière de la vie politique, pour le contrôle, pour la lutte contre les conflits d’intérêts, pour un financement assaini de la vie politique, oui, ces combats-là sont, depuis des années, nos combats.

Et nos propositions, nous n’avons pas attendu le dernier épisode en date, l’affaire Cahuzac, pour les formuler. J’avais moi-même défendu ici même, il y a deux ans, dans l’indifférence de la majorité d’alors, l’UMP, un texte de loi qui allait dans le même sens.

Au terme de cette première lecture des lois sur la transparence, je voudrais commencer par saluer l’action du Gouvernement, notamment du ministre chargé des relations avec le Parlement,…

M. Jean Glavany. Très bon ministre !

M. François de Rugy. …qui a représenté le Gouvernement dans ce débat. Pour une fois, on n’a pas tergiversé sur la nécessité d’agir.

M. Damien Abad. Quelle blague !

M. François de Rugy. Pour une fois, on n’a pas enterré les questions en nommant une énième commission qui aurait reproduit peu ou prou ce que les commissions précédentes avaient déjà élaboré. Pour une fois, on a légiféré, sans tarder.

J’entends parfois dire qu’on a légiféré sous le coup de l’émotion, en hâte. Quelle imposture, quand on mesure le nombre de rapports, de propositions, d’analyses qui, sur ces sujets, attendaient dans nos tiroirs que le Parlement s’en empare, en discute et les adopte ! La discussion a eu lieu.

J’ai déjà dit notre regret devant certains louvoiements, pour ne pas dire devant les conservatismes corporatistes qui ont conduit à amoindrir la portée du texte du Gouvernement. L’incompréhensible disposition instaurant la publication non publiable de nos patrimoines n’est pas seulement une erreur politique qui occulte, aux yeux de l’opinion, une bonne partie des avancées de ce texte en matière de transparence : elle crée les conditions de futures polémiques.

M. Damien Abad. Il a raison !

M. François de Rugy. Notre conviction est que le débat est loin d’être clos sur ce point.

Comme l’a dit le président de Transparency International, une association qui se bat depuis de très nombreuses années contre la corruption et les conflits d’intérêts : nous n’avons pas à avoir peur des citoyens. Pourquoi aurions-nous peur, nous, élus, des citoyens, de leur regard, de leur contrôle, n’ayons pas peur du mot. Rendre des comptes aux citoyens fait partie intégrante de notre mandat.

Nous voulons saluer les réelles avancées de ce texte. Je veux parler notamment de l’adoption des amendements que les écologistes ont défendus en commission sur le financement de la vie politique, par exemple concernant la fameuse affaire des micro-partis. Voilà une affaire qui a défrayé la chronique sous le précédent mandat, que vous avez laissé traîner (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la présidente. Un peu de calme !

M. François de Rugy. …et pour lesquelles vous n’avez rien fait à l’époque, alors que vous aviez tous les leviers.

Désormais, il ne sera plus possible de contourner la législation en démultipliant les dons à plusieurs partis. Plafonnés, mieux contrôlés, les partis politiques seront soumis à un financement plus transparent et plus juste.

De même, nous saluons le fait que les collaborateurs des ministres aient été intégrés dans le champ des conflits d’intérêts. C’est une avancée. Les uns et les autres jouent incontestablement un rôle dans l’élaboration de nos politiques publiques et de nos dispositifs législatifs. S’assurer de leur indépendance vis-à-vis des groupes de pression, par la transparence sur leur situation personnelle, était une nécessité.

Sommes-nous allés au bout des améliorations possibles ? Nous pensons qu’il est encore possible de faire mieux, car, au-delà de la question des patrimoines, demeure ouverte celle de l’influence des lobbies dans nos institutions. Nous avions préparé – et nous n’étions pas les seuls – un amendement sur ce point, que les conditions de la discussion n’ont malheureusement pas permis de faire examiner.

Un texte encore améliorable – ce sera, nous le souhaitons, le rôle du Sénat et de la dernière lecture dans cet hémicycle – mais, enfin, un texte ! Nous l’attendions depuis tant d’années qu’au moment de le voter, malgré ses lacunes, les écologistes seront au rendez-vous de la transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. René Dosière. Très bien !

Mme la présidente. Mes chers collègues, sur les deux projets de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le ministre, les radicaux de gauche ont toujours agi pour améliorer la déontologie et la transparence de la vie publique. Nous avons été, je crois, les premiers à déposer une proposition de loi en ce sens, le 28 juin 1978, à l’Assemblée nationale. Ensuite, il y a eu la proposition de loi organique relative à la transparence de la vie publique, cosignée avec les députés socialistes et déposée le 29 novembre 1994.

Enfin, il faut bien sûr mentionner les travaux de la commission Sauvé. En octobre 2010, auditionné par cette commission, le PRG avait préconisé une série de mesures pour mieux assurer la transparence de la démocratie, en proposant, en particulier, le renforcement des obligations déclaratives des élus et des pouvoirs de contrôle de l’instance compétente, afin qu’elle puisse vérifier plus efficacement les déclarations de patrimoine.

Sur ce point, vos textes rejoignent donc nos préoccupations : mieux contrôler et sanctionner davantage. Toutefois, à côté de ce point positif, ils nous paraissent présenter quatre inconvénients importants.

D’abord, l’origine du texte, qui le fait apparaître comme un texte de circonstance. Un ministre, un membre du Gouvernement, M. Cahuzac, est mis en examen, et l’exécutif semble vouloir détourner l’attention en tournant le projecteur vers les parlementaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RRDP et sur les bancs des groupes UMP et UDI) Comme si l’on pouvait, à partir d’une défaillance ministérielle individuelle, faire peser une présomption de culpabilité collective sur les élus de la nation, présentés implicitement comme tous corruptibles, sinon corrompus.

En fait, ce projet de loi « Cahuzac » introduit une étrange innovation, la repentance pour autrui,…

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …en invitant les parlementaires à s’auto-accuser collectivement de fautes que la quasi-totalité d’entre eux n’ont pas commises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RRDP et sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Cette démarche, qui risque d’être perçue comme une tentative de diversion, constitue un procédé insolite, qui paraît peu convenable dans les rapports entre exécutif et législatif.

M. Philippe Meunier. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Il n’est pas souhaitable que l’exécutif paraisse contribuer lui-même à l’antiparlementarisme, qui n’appartient guère à la culture de la gauche, ou qu’il semble ébaucher une sorte de poujadisme d’État. (Mêmes mouvements.)

Deuxième point contestable : la composition et la désignation de la Haute Autorité, qui ne garantissent guère sa représentativité et marquent une réelle défiance envers le Parlement. Le rapport Jospin de novembre 2012 prévoyait que l’autorité en question serait composée de trois hauts magistrats et de six personnalités qualifiées. En revanche, le texte déposé initialement par le Gouvernement en avril créait bien, lui aussi, une Haute autorité de la transparence de la vie publique, mais qui n’aurait comporté aucune personnalité qualifiée ; cette instance aurait été composée exclusivement de son président et de six magistrats élus par leurs pairs.

La commission a corrigé cette absence de personnalités qualifiées, en ajoutant, aux sept membres déjà prévus, quatre personnalités : deux nommées par le président de l’Assemblée nationale, après avis conforme de la commission des lois rendu à la majorité des trois cinquièmes, et deux désignées dans les mêmes conditions par le président du Sénat. Mais, curieusement, en séance, un amendement du Gouvernement a ramené de quatre à deux le nombre de ces personnalités qualifiées désignées par les présidents des deux assemblées. Cela semble marquer une sorte de défiance persistante envers le Parlement.

Un autre point à mentionner concerne la protection de ceux que l’on appelle un peu solennellement les lanceurs d’alerte et qu’on pourrait dénommer plus simplement les informateurs. Celui qui relate, notamment aux autorités judiciaires ou administratives, des « faits relatifs à une situation de conflits d’intérêts » est présumé de « bonne foi », et c’est à la personne ainsi mise en cause qu’il appartient de prouver sa non-culpabilité. Ce renversement de la charge de la preuve est très inhabituel, car, on le sait, la preuve, en droit français, incombe généralement au demandeur et non au défendeur mis en cause par celui-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Cette inversion de la charge de la preuve pourrait inciter à porter des accusations dépourvues de fondement exact, leur auteur estimant bénéficier d’une sorte de protection liée à la notion de bonne foi, très difficile à apprécier.

Un député du groupe UMP. Impossible à apprécier !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je terminerai en disant que, jusqu’à présent, les projets de loi relatifs au financement et à la transparence de la vie publique, projets très nécessaires, avaient été élaborés par l’exécutif à un rythme normal et sans précipitation. De même, ils avaient pu faire l’objet d’un examen détaillé par le Parlement, sans recours à une procédure accélérée.

Là, au contraire, tout est allé trop vite. Légiférer dans de telles conditions, sur des textes rédigés dans l’urgence et examinés dans la hâte de la procédure accélérée, ne peut donner de bons résultats. L’élaboration de la loi ne peut devenir une course de vitesse. Il y aurait là une atteinte aux droits du Parlement et à la dignité de ses travaux.

Monsieur le ministre, malgré l’estime que nous avons pour vous-même et votre action, le groupe RRDP votera contre ces textes (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI), qui lui paraissent comporter plusieurs dispositions inopportunes, voire inconstitutionnelles. Cela dit, il y aura ailleurs une autre lecture, qui sera susceptible de modifier ces textes, si le Gouvernement y consent. Après tout, comme le disait Mascarille dans la troisième pièce de Molière : « Les plus courtes erreurs sont toujours les meilleures. » (Applaudissements sur certains bancs du groupe RRDP et sur les bancs des UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun conviendra que la mise en place de dispositifs de prévention, de contrôle et de sanction des obligations d’intégrité qui s’imposent à tous ceux qui exercent des responsabilités publiques, est une exigence démocratique. C’est pourquoi ces deux projets de loi constituent une avancée majeure, avec à la fois une définition précise de la notion de conflit d’intérêts et différentes obligations désormais imposées pour empêcher concrètement les conflits d’intérêts : renforcement des incompatibilités applicables tant aux élus qu’aux agents publics, obligation de déport ou décharge de fonction, durcissement et extension des règles de pantouflage.

De même, la généralisation et la précision du contenu des déclarations d’intérêts et de patrimoine favoriseront l’efficacité des dispositifs proposés. Pour les déclarations de patrimoine, le droit de consultation ouvert aux citoyens est une solution équilibrée qui permet de concilier la nécessaire transparence et le respect de la vie privée.

Ce qui importe, c’est de s’assurer que l’élu ne s’est pas anormalement enrichi pendant l’exercice de son mandat. C’est en ce sens que le rôle de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique sera essentiel, celle-ci constituant en quelque sorte la clé de voûte du mécanisme de contrôle de l’intégrité des responsables publics.

Si nous nous réjouissons de sa mise en place, nous sommes aussi très attentifs aux moyens humains, juridiques et financiers dont elle disposera pour mener à bien ses missions. C’est la question centrale, et la commission des lois a d’ailleurs beaucoup contribué à améliorer le dispositif. Les déclarations seront systématiquement contrôlées lors de leur dépôt par la Haute autorité, dont la composition a été judicieusement élargie à des personnalités qualifiées. Son pouvoir d’injonction, en cas de déclaration tardive ou incomplète, a été élargi, et ses prérogatives en matière fiscale étendues : fixation d’un délai de réponse à l’administration, extension de la possibilité de demander à cette administration d’exercer son droit de communication, introduction de la faculté de solliciter de l’administration fiscale la mise en œuvre des procédures d’assistance administrative internationale. Enfin, la Haute Autorité a été dotée de l’autonomie financière et de la possibilité de fixer son organisation interne et ses procédures par un règlement général.

Pour notre part, nous aurions également souhaité que la Haute Autorité dispose de moyens d’enquête en propre, essentiels pour exercer un contrôle efficace, comme c’est le cas pour d’autres autorités administratives.

En conclusion, sous cette réserve et au regard de ces différentes avancées qui favoriseront indéniablement la transparence de la vie publique, les députés du Front de gauche voteront ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen.

M. René Dosière. Quand la situation économique se dégrade, quand la vie devient difficile pour beaucoup, la confiance des citoyens envers leurs élus diminue, voire disparaît. Cela n’est pas nouveau, puisqu’en 1851 déjà, le peuple de Paris affamé a refusé de soutenir les parlementaires opposés au coup d’État de Napoléon III, comme le rappelle le récit de la mort héroïque du député Baudin.

C’est également le cas dans la France contemporaine, où la persistance d’un chômage de masse rend insupportables les liaisons dangereuses de quelques responsables publics avec l’argent – qu’il s’agisse de corruption, de fraude, de mélange des genres, de rémunérations ou de dépenses excessives. La multiplicité des enquêtes médiatiques et judiciaires a toujours rendu nécessaires des améliorations législatives.

En proposant les quatre textes soumis au vote aujourd’hui, le Président de la République souhaite, dans le cadre d’une politique globale, approfondir son engagement en faveur d’une République exemplaire, où la mystique ne se dégrade pas en politique. Quatre progrès majeurs doivent être soulignés.

M. Lucien Degauchy. Et le chômage ?

M. René Dosière. Jusqu’alors le patrimoine des élus nationaux et locaux était secret et non contrôlé ; désormais, il sera public et contrôlé. La Haute autorité de la transparence politique disposera de tous les moyens matériels et humains pour vérifier l’exhaustivité des déclarations de patrimoine, y compris celle de tous les candidats à l’élection présidentielle, pour en évaluer l’évolution et faire sanctionner sévèrement les omissions, les déclarations mensongères et l’enrichissement non justifié. Ce texte met donc un terme à vingt-cinq ans d’une législation hypocrite et inefficace que la droite avait refusé d’améliorer en décembre 2010.

En second lieu, pour éviter le mélange des genres entre l’intérêt général et les intérêts particuliers et garantir l’impartialité des décisions publiques, 7 000 élus et responsables publics – ministres et membres des cabinets ministériels, parlementaires, exécutifs locaux et hauts fonctionnaires – devront établir une déclaration publique précisant leurs activités et leurs intérêts professionnels annexes sur les cinq dernières années.

S’il n’a pas été possible d’interdire toute activité professionnelle aux parlementaires élus – le mandat parlementaire n’étant pas un métier –, la transparence est renforcée puisque les rémunérations afférentes seront rendues publiques et donc soumises à l’appréciation des citoyens. Mais, même si le mandat parlementaire n’est pas un métier, il est souhaitable de l’exercer pleinement. C’est pourquoi nous avons renforcé les incompatibilités en attendant la limitation du cumul des mandats qui sera discutée prochainement.

Troisième progrès du texte : une nouvelle pratique citoyenne est instaurée pour permettre aux électeurs de participer à cette rénovation démocratique et de nouveaux droits leur sont reconnus. Outre le fait de prendre connaissance des déclarations de patrimoine, qui jusqu’alors étaient secrètes, ils pourront désormais exercer un droit d’alerte auprès de la Haute autorité, en signalant, en toute bonne foi…

M. Lucien Degauchy. Ça suffit !

M. René Dosière. …et à visage découvert, les éléments inexacts ou partiels concernant les déclarations de patrimoine et d’intérêts.

Cette procédure d’alerte, préconisée par les chefs d’État du G20 dès 2010, le Conseil de l’Europe et Transparency International, joue un rôle majeur dans la lutte contre la corruption.

M. Claude Goasguen. On s’en fout !

M. René Dosière. La non-publication intégrale des déclarations de patrimoine des parlementaires et des présidents d’exécutifs locaux est devenue pour certains observateurs le critère unique de jugement de ce texte au mépris des autres dispositions.

M. Jacques Myard. C’est faux !

M. René Dosière. En choisissant un dispositif qui existe depuis plus de trente ans en matière de publicité de l’impôt sur le revenu, le groupe socialiste et républicain souligne que la nécessaire transparence, quand il s’agit de personnes publiques, ne doit pas effacer le respect de la vie privée, tout aussi indispensable dans une démocratie.

M. Philippe Meunier. Vous faites tout le contraire !

M. René Dosière. Mes chers collègues, je l’ai dit, le redis et le redirai aussi souvent que possible : « La transparence n’est pas le voyeurisme. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ces progrès indiscutables, salués par les associations militantes en faveur de la transparence de la vie publique, n’ont cessé d’être caricaturés par l’opposition qui a été incapable d’avancer des propositions alternatives, cohérentes et surtout communes.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est ça !

M. René Dosière. La droite préfère l’opacité à la transparence, le statu quo à la moralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il est vrai que la plupart des mesures contenues dans ces textes ont été combattues lorsque la droite était au pouvoir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), comme le plafonnement des dons aux partis politiques et la limitation des micro-partis – deux dispositions qui complètent le financement public de la vie politique et qui constituent le quatrième progrès de ces textes.

C’est pourquoi le groupe des députés socialistes et républicains votera sans aucune hésitation ces deux textes qu’il a contribué à améliorer, à enrichir, à muscler, notamment grâce au travail considérable accompli par notre rapporteur et président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas qu’il convient de saluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs des groupes écologiste et GDR.)

Vote sur l’ensemble du projet de loi organique

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 555

Nombre de suffrages exprimés 519

Majorité absolue 260

(Le projet de loi organique est adopté.)

Vote sur l’ensemble du projet de loi

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi ordinaire.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 551

Nombre de suffrages exprimés 521

Majorité absolue 261

(Le projet de loi est adopté.)

3

Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – Procureur de la République financier

Votes solennels

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle maintenant les explications de vote communes sur les votes par scrutin public sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (nos 1011, 1130) et le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier. (nos 1019, 1131)

Explications de vote communes

Mme la présidente. Au titre des explications de vote communes, la parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Nous sommes appelés à nous prononcer sur le projet de loi relatif au procureur de la République financier et sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale.

Les objectifs poursuivis par ces deux textes sont naturellement soutenus sans réserve par les parlementaires du groupe UDI. La moralisation de la vie politique n’est pas l’apanage d’une majorité qui doit faire face à ses propres turpitudes. Elle n’est pas non plus la chasse gardée que peuvent se réserver quelques députés qui font leur promotion sur le dos de l’ensemble de leurs collègues. (Applaudissements sur quelques bancs dans l’ensemble de l’hémicycle.)

Toutefois, il est pour nous évident que ces textes essentiels n’auraient pas dû être présentés « à chaud » par le Gouvernement. Ils auraient dû, au contraire, faire l’objet d’une véritable concertation en amont, en associant l’ensemble des groupes politiques, et se nourrir de la force d’un véritable accord de l’ensemble des responsables politiques. Vous qui reprochiez à l’ancien gouvernement de légiférer dans l’urgence, que n’avez-vous pas fait là, madame la ministre !

Assurer à nos citoyens que la fraude fiscale est combattue avec la fermeté la plus totale est un impératif absolu et une exigence à laquelle nous souscrivons. Le climat actuel des affaires est détestable, qu’il s’agisse de l’ancien ministre du budget ou d’autres responsables politiques. Alors que le chômage explose et que le pouvoir d’achat a connu une baisse historique, ces scandales renforcent un sentiment d’injustice que l’on constate dans les urnes dimanche après dimanche.

Il s’agit également d’un impératif pour nos finances publiques, puisque la fraude fiscale représente pas moins de 50 à 60 milliards d’euros de manque à gagner chaque année.

La « République exemplaire » promise par le Président de la République ne peut pas – ne doit pas – être seulement une promesse de campagne : elle doit être une exigence partagée par l’ensemble des forces politiques. Telle est, en tout cas, l’exigence de l’UDI. Nous saluons donc les avancées qui ont marqué l’examen du texte en commission et en séance. Je pense notamment à la création d’un statut du repenti, cher au rapporteur, Yann Galut, adopté à l’initiative de la rapporteure pour avis, ou au renversement de la preuve, comme l’évoquait tout à l’heure un collègue, en matière de blanchiment.

Pour autant, ces deux projets de loi soulèvent à nos yeux deux problèmes majeurs qui n’ont pas été résolus dans l’hémicycle.

En premier lieu, comment accepter que le Gouvernement n’ait pas voulu faire sauter le verrou de Bercy ? Bercy, citadelle imprenable !

M. Henri Emmanuelli. Mais non !

M. Philippe Vigier. Pourquoi la fraude fiscale serait-elle le seul délit à ne pas pouvoir être poursuivi d’office, madame la garde des sceaux, par le procureur de la République ?

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Philippe Vigier. Le verrouillage opéré par Bercy sur les affaires de fraude fiscale est totalement incompréhensible, alors même que le Gouvernement prône la transparence, l’indépendance de la justice et l’égalité de chacun devant la loi.

Comment comprendre en effet que des régularisations suite à des fraudes puissent être effectuées dans le secret du ministère du budget, en accord avec la commission, alors qu’une infraction majeure au code de la route constitue un délit ?

M. François Sauvadet. Il a raison !

M. Philippe Vigier. Pour le groupe UDI, cela n’est pas acceptable, comme nous l’avons fait savoir en séance. Nous tenons à ce que nos concitoyens puissent avoir la certitude que personne ne passera entre les mailles du filet. Nous espérons que l’examen du texte au Sénat pourra permettre des avancées sur ce point fondamental.

Notre seconde critique concerne la création d’un procureur de la République financier et les moyens qui lui sont dévolus. Quelle sera, madame la garde des sceaux, sa véritable indépendance ?

M. François Sauvadet. Il n’en aura aucune.

M. Philippe Vigier. Notre interrogation est légitime, lorsque l’on sait que celui-ci sera placé sous double tutelle de l’administration fiscale et du procureur général de Paris, alors, qui plus est, qu’il jouira d’une compétence nationale, soit en lien direct avec le ministère de la justice.

Il est donc évident que ce procureur de la République, contrairement aux déclarations du Gouvernement, ne sera pas plus indépendant que n’importe quel autre procureur de France nommé selon les mêmes modalités.

M. Henri Emmanuelli. Nous ne sommes plus sous Sarkozy !

M. Philippe Vigier. Nous désapprouvons donc cette usine à gaz, qui ne pourra que déstabiliser la justice et disperser ses moyens entre les deux parquets, qui risquent, qui plus est, d’entrer en conflit. Face à la capacité d’adaptation permanente des fraudeurs, la dispersion est la pire des solutions.

Madame la ministre, monsieur le ministre, nous tenons à vous assurer que les députés UDI soutiennent sans réserve la lutte contre les fraudes, qu’elles soient fiscales ou sociales. Pour autant, ces textes sont encore insuffisants à nos yeux. Néanmoins, nous ne voulons pas faire obstacle aux avancées qu’ils contiennent : c’est pourquoi nous voterons le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale – je vois que M. le ministre du budget lève les yeux avec attention –, mais nous nous abstiendrons sur le projet de loi relatif au procureur de la République financier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Yann Galut. Très bien.

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Notre époque est frappée par une crise de confiance liée aux turbulences de notre système économique. Dans cette tempête, les citoyens sont pris en étau entre le mur de la dette et le trou de dizaines de milliards d’euros qui résulte de la fraude fiscale. En plein combat pour la réduction des déficits, certains de nos concitoyens, souvent les plus riches, soustraient des milliards d’euros à l’impôt, bafouant ainsi la solidarité nationale. La fraude et son ampleur font donc craindre une possible rupture du consentement à l’impôt, au fondement de notre pacte républicain.

Dans cette période difficile, la lutte contre la fraude fiscale revêt donc un triple enjeu : économique – collecter les milliards d’euros qui manquent chaque année dans notre budget ; moral – répondre à la crise de confiance ; politique – montrer aux citoyens que le législateur n’est pas impuissant face à ceux qui trichent et face à ceux qui volent.

Les peuples n’en peuvent plus. Comment exiger d’eux des efforts, alors que prospèrent les courtisans, banquiers et marchands, alors que trop de citoyens se satisfont de vivre d’expédients et ne contribuent plus au bien commun, bref, quand l’individualisme domine et que les abus perdurent voire se multiplient à tous les étages ?

L’enjeu est colossal pour notre pays, pour les démocraties menacées au cœur, pour les finances publiques exsangues. Il suffit pour s’en convaincre de mettre en relation les 50 milliards de réduction de dépense que la France projette de réaliser d’ici 2017-2018 avec les 50 milliards annuels de l’évasion fiscale.

Le redressement des comptes publics constitue l’objectif principal de cette loi, qui trouve sa crédibilité à travers un ensemble de dispositifs, réel arme de dissuasion. Elle organise en effet un véritable encerclement, un cordon sanitaire autour des fraudeurs et surtout de ceux que la fraude pourrait tenter. Ainsi, ces contribuables se trouvent cernés par des inspecteurs de la brigade nationale de répression de la fraude dotés de moyens d’investigation permis par la législation sur le délit en bande organisé, avec le possible recours à tout type de preuve, y compris des documents dérobés, cernés par l’allongement de trois ans à six ans de la durée de prescription, cernés par le témoignage du lanceur d’alerte pour lequel nous, écologistes, souhaitions depuis longtemps une protection juridique.

M. Yann Galut. C’est vrai !

M. Éric Alauzet. Il peut s’agir du sursaut d’un repenti, qui trouve une reconnaissance dans cette loi. Dénoncer un voleur est tout sauf de la délation.

Le contribuable tenté par la fraude est aussi cerné par l’obligation de dévoiler les caractéristiques des trusts, obligation que nous sommes satisfaits d’avoir introduite dans le texte, c’est-à-dire de dévoiler des montages obscurs pour sociétés opaques, des sociétés cachées et réfugiées dans des pays cachés… Selon l’adage bien connu : pour vivre heureux, vivons cachés.

De telles mesures permettront de projeter la lumière sur des pratiques qui ne prospèrent que dans l’opacité. Bref, le choix doit désormais être entre payer ses impôts ou se préparer des nuits agitées.

Il ne faut pas s’y tromper : c’est le libéralisme même qu’il faut empoigner, plus profondément l’individualisme croissant, car le libéralisme constitue la cause principale du développement de la fraude et de l’évasion fiscale, et donc des déficits publics. Il revient à la gauche, trop longtemps contaminée par le système, de trouver enfin la parade Nous serons parfois aidés par les libéraux eux-mêmes, qui doivent aujourd’hui reconnaître les aberrations d’un système qui peine aussi à collecter l’impôt quand ils sont au pouvoir. Le libéralisme vacille. La prise de conscience est générale, les récentes décisions du G8 le montrent, nous donnant ainsi des raisons d’espérer.

M. Jean-Noël Carpentier. Très bien !

M. Éric Alauzet. L’ère de la complaisance arrive-t-elle à son terme ? Il restera difficile pour les élites politiques de dire non à celles et ceux qui détiennent le pouvoir économique car ces derniers sont en capacité de développer des moyens importants pour convaincre, côtoient souvent les élus au plus haut niveau pour leur expliquer, avec beaucoup de talent, tous les méfaits de la régulation. Il faut beaucoup de courage, de compétence et de conviction pour résister, pour prendre un lundi matin des décisions difficiles face à des capitaines d’industrie ou de la finance avec qui l’on a échangé lors de soirées conviviales, quelques jours plus tôt. Gageons que ces situations seront de plus en plus rares, mais elles ont, quand elles sont mises au grand jour, des effets dévastateurs sur l’opinion et sur la démocratie.

Notre groupe, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, votera donc ces projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, « l’exemplarité de la République est la condition de son autorité », disait dernièrement le Président de la République. Vous avez rappelé ses mots, madame la garde des sceaux. Il a d’autant plus raison que nous revenons de loin. La lutte contre la fraude fiscale, contre la grande délinquance économique et financière s’impose à nous. C’est une nécessité absolue tant il est vrai que la fraude fiscale est un chancre qui mine la démocratie.

La France n’est pas un modèle à cet égard : la fraude fiscale se monterait à plus de 50 milliards d’euros, certains l’évaluent même à 80 milliards d’euros, et l’État n’en récupère, M. le ministre du budget nous le rappelait, qu’environ 18 milliards d’euros. Cette fraude est un mal absolu, un crime contre l’État. Or, paradoxe des paradoxes, elle bénéficie d’une complaisance incroyable. Le fraudeur a en effet de multiples visages : les grandes entreprises qui fraudent et les grands groupes qui utilisent des armadas d’experts…

M. Jean-Charles Taugourdeau. Oh !

M. Alain Tourret. …sont bien évidemment stigmatisés et font l’unanimité contre eux ; mais qu’en est-il de ceux qui se font payer au black, de ceux qui ne déclarent pas leur personnel de maison, et j’en passe ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Depuis ces vingt dernières années, de nombreuses mesures ont été prises. On a par exemple créé, le 30 décembre 2009, la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, et il est vrai que l’on a alourdi les peines applicables, mais combien de fraudeurs finissent en prison pour payer leurs délits et leurs crimes ? Un ou deux, peut-être trois par an. Vous trafiquez de la drogue, revendez dix grammes de stupéfiant, et vous êtes condamné à dix-huit mois ferme, alors que si vous fraudez un million ou deux millions d’euros, vous bénéficiez à coup sûr du sursis, et encore si on vous poursuit car bien évidemment, en matière de fraude fiscale, la règle, c’est la transaction ! Les responsables de Bercy et les magistrats sont à l’image de l’opinion publique : indulgents vis-à-vis des fraudeurs, très indulgents vis-à-vis des dirigeants des grands groupes qui placent leurs liquidités dans des paradis fiscaux et qui fraudent la TVA ! Une seule chose semble compter : récupérer une partie de la fraude. Mais, madame la garde des sceaux, il ne peut y avoir aucune exemplarité à travailler ainsi. Résultat : le fraudeur a un sentiment d’impunité.

L’indice de perception de la corruption, publié par l’ONG Transparency International, est accablant pour la France : en 1997, nous étions en vingtième position, en 2002, en vingt-cinquième, en 2007, en dix-neuvième… En 2012, nous régressons à la vingt-deuxième position.

M. Dominique Le Mèner. Cahuzac !

M. Alain Tourret. Nous avons donc reculé en seize ans de deux places. Selon Transparency International, la France continue d’être perçue par les milieux d’affaires internationaux comme l’un des pays riches où l’administration et la classe politique demeurent plus perméables qu’ailleurs à la corruption.

Ma collègue Annick Girardin a déjà fort bien relevé dans son intervention les faiblesses de ces deux textes, notamment s’agissant du procureur financier, et il faut bien sûr trouver, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, l’équilibre entre le contrôle, la répression et les libertés publiques. Nous approuvons donc la mise en place par les textes que nous allons voter d’un dispositif cohérent du contrôle à l’investigation, et jusqu’à la répression. Nous approuvons le renforcement du service central de prévention contre la corruption ainsi que la création d’un office central de lutte contre les atteintes à la probité. Nous regrettons comme vous, madame la garde des sceaux, le démantèlement ces dernières années des brigades spécialisées, qui ont perdu soixante-dix enquêteurs chargés de la fraude fiscale.

M. André Chassaigne. Très juste !

M. Alain Tourret. Vous l’avez rappelé avec force : nous venons de vivre dix années d’impuissance volontaire en matière de fraude fiscale, et c’est scandaleux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut, rapporteur. C’était organisé !

M. Alain Tourret. La lutte contre la corruption, contre la délinquance économique doit à l’évidence disposer de moyens très importants car les fraudeurs, en particulier dans les grands groupes, ont leurs conseils, leurs spécialistes, leurs experts.

Je ne suis pas persuadé, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, que la fraude fiscale doive relever du ministère des finances. C’est à la chancellerie de porter les poursuites et la répression.

En tout cas, aujourd’hui, le Gouvernement affirme sa détermination : la fraude fiscale est un crime économique et les fraudeurs des délinquants. Qu’ils soient en col blanc devrait être une circonstance aggravante et non pas un motif de compréhension.

Nous allons donc voter ces textes, mais nous vous demanderons, année après année, de justifier vos dispositifs au vu des résultats obtenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Je fais annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière sort renforcé de notre assemblée. Aux mesures qu’il contenait initialement – aggravation des peines en cas de fraude fiscale, création d’un délit de fraude fiscale en bande organisée, possibilité de recourir à tout type de preuve, y compris celles obtenues de manière illicite comme la fameuse liste HSBC – sont venues s’ajouter des mesures essentielles comme l’allongement du délai de prescription de trois à six ans, une meilleure protection des lanceurs d’alerte, et également des mesures contre les trusts, ces entités juridiques qui permettent de dissimuler les bénéficiaires des placements off shore.

Nous nous réjouissons aussi de l’adoption d’amendements que nous avions proposés, tel celui sur la prévention de la fraude aux carrousels de TVA…

M. Yann Galut. Très bon amendement !

M. Nicolas Sansu. …ou celui qui facilite les poursuites en matière de blanchiment.

Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

M. Nicolas Sansu. Ces dispositions permettent d’élargir l’éventail des instruments de poursuite et de sanction.

Nous aurions aimé que le champ couvert soit plus large encore. Votre projet relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière repose en effet sur une définition restrictive de la fraude fiscale. Or nous savons, pour paraphraser un ancien ministre des finances d’outre-manche, que la différence entre la fraude et l’évasion fiscale s’apparente à l’épaisseur des murs d’une prison. C’est à l’évitement fiscal sous toutes ses formes que nous devons nous attaquer, notamment à cet ensemble de pratiques légales et néanmoins profondément scandaleuses d’optimisation des grands groupes. Au Sénat, comme lors de l’examen de la prochaine loi de finances, il sera impérieux de revenir sur les manipulations des prix de transferts et le contrôle des schémas d’optimisation fiscale. Ce sont là en effet des sujets essentiels. Il faudra s’attaquer réellement à ce vol organisé que sont la fraude et l’évasion fiscales. Il ne s’agit nullement de déviance de certains particuliers ou de certaines entreprises, c’est le cœur même du système capitaliste financier actuel : toutes les multinationales, toutes les banques ou presque ont recours aux centres off-shore pour échapper à l’impôt ou pour le proposer à leurs clients.

Le Parlement européen parle de 1 000 milliards d’euros qui font défaut dans les caisses des pays de l’Union ; pour la France, c’est 60 milliards à 80 milliards d’euros qui s’évaporeraient sous l’effet de la fraude et de l’optimisation.

Faire cesser ce système profondément injuste et inefficace, c’est faire œuvre de salubrité publique à trois titres : c’est d’abord une exigence éthique, avec le rétablissement du principe de l’égalité devant l’impôt conforme à nos valeurs républicaines ; c’est ensuite une exigence budgétaire, avec la récupération de moyens financiers considérables qui représentent trois à quatre fois le déficit annoncé de la Sécurité sociale et cela éviterait, monsieur le ministre du budget, cette course à l’austérité dont malheureusement le Gouvernement s’enorgueillit en appelant sans cesse à la diminution de la dépense publique ; c’est enfin une exigence politique car aller au bout du processus contre la fraude et l’évasion fiscales tendrait à faire sortir nos mécanismes de financement de l’économie de leur addiction à des marchés financiers qui vampirisent l’économie réelle. La fraude et l’évasion fiscales sont en effet les produits de la dérégulation et de la déréglementation des marchés financiers. En trente ans, le partage de la valeur ajoutée s’est dégradé pour les salaires, les retraites, les services publics, pour engraisser les spéculateurs, les intérêts bancaires et les dividendes. C’est là le cœur du combat !

Les textes que vous nous proposez, au terme du débat fructueux que nous avons pu mener, et je veux en remercier et le Gouvernement, et les rapporteurs qui ont toujours été attentifs et constructifs, sont un progrès notoire.

Nous aurions pu aller plus loin, notamment en matière de lutte contre les paradis fiscaux. La transparence et les échanges d’informations sont nécessaires, mais ils ne permettront pas, à eux seuls, de mettre un terme aux agissements qui sont pour le moins source de controverses, au sein même de l’Union, des États tels que le Luxembourg, l’Autriche, Andorre, Monaco, Chypre, l’Irlande et le Liechtenstein. Il est tout de même un peu incongru que les pays de l’Union soient condamnables s’ils ne respectent pas la règle des 3 %, mais que ce ne soit pas le cas s’ils refusent de lever le secret bancaire.

Nous voterons donc les deux projets de loi, mais sans cesser d’appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’ouvrir un débat plus large que celui sur la lutte nécessaire contre la fraude et l’évasion fiscales. Promouvoir une vraie séparation bancaire, une autre politique monétaire, une harmonisation fiscale européenne, agir pour une nouvelle répartition des richesses entre capital et travail, tels sont les enjeux décisifs sur lesquels nos concitoyens attendent aujourd’hui du Gouvernement et de la majorité des propositions et des engagements qui répondent concrètement aux angoisses qui s’expriment. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. Excellent ! Vous avez rappelé les fondamentaux, monsieur Sansu !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Goasdoué, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Goasdoué. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup d’orateurs l’ont rappelé : la perte fiscale représente entre 50 et 80 milliards d’euros par an, selon les modèles économiques et mathématiques utilisés.

Nous avons tous conscience que ce sont des milliards en moins pour la croissance, la compétitivité, le développement de nos villes et de nos infrastructures. Ce sont des milliards d’euros supplémentaires demandés à ceux de nos concitoyens qui respectent le pacte républicain et auxquels il est déjà demandé un effort exceptionnel.

Il y avait nécessité d’agir. Les textes dont nous avons débattu ne sont pas isolés. Ils s’inscrivent dans une dynamique européenne et internationale visant à faire refluer l’opacité financière et à retrouver une pleine souveraineté.

Lors de la dernière réunion du G8, la France et ses partenaires se sont engagés vers un échange automatique d’informations entre les administrations fiscales. La France donne aujourd’hui le « la », l’impulsion au niveau européen et international. Les projets de lois, que nous nous apprêtons à adopter, constituent une puissante contribution à ce mouvement global.

Pour contrer la grande délinquance économique, ces textes vont beaucoup plus loin que la simple augmentation des peines, ils revisitent tous les dispositifs de prévention et de répression. L’ensemble des maillons de la chaîne – l’administration fiscale, la brigade financière, le service national des douanes judiciaires, les magistrats – ont été pris en compte et voient leurs moyens d’action précisés et renforcés.

Ainsi, au regard de la complexification notable de ces dossiers, l’administration fiscale aura la possibilité, comme cela se pratique dans de nombreuses démocraties, d’utiliser toutes les informations quel qu’en soit le mode d’acquisition. Ainsi, le champ de compétence de la brigade nationale de la répression de la fraude fiscale sera étendu au blanchiment de la fraude fiscale complexe.

S’agissant enfin du nouveau procureur national financier, il sera l’interlocuteur naturel d’un futur procureur européen, il sera le réfèrent français et veillera à la mise en œuvre de la politique pénale décidée par vous, madame la garde des sceaux, par voie d’instructions générales. Je ne vois là aucune marque de dispersion, mais celle d’une volonté politique forte.

M. Claude Goasguen. D’une volonté de garder la main !

M. Yves Goasdoué. Par ailleurs, dans un effort de transparence et donc d’efficacité de l’action publique, le dialogue entre les différentes autorités est renforcé.

Enfin, parce que la fraude fiscale et la corruption constituent des agressions à l’encontre de tous de nos concitoyens, le projet de loi ordinaire consacre le droit des associations spécialisées – dont nous avons peu parlé – à se constituer partie civile et crée un statut protecteur pour les lanceurs d’alerte qui ne sont pas des délateurs…

M. Claude Goasguen. Pas du tout ! (Sourires.)

M. Yves Goasdoué.… mais des citoyens courageux et ne doivent pas le payer au prix de leur carrière.

M. Thomas Thévenoud. Très bien !

M. Yves Goasdoué. Comme vous le constatez, ces projets de lois forment un ensemble cohérent et fondé.

En concertation avec le Gouvernement, avec les deux rapporteurs que je remercie, l’examen en première lecture a permis d’améliorer substantiellement les textes qui nous sont soumis.

C’est pourquoi le groupe SRC, naturellement et avec résolution, votera pour ces deux textes et appelle tous les parlementaires qui sont soucieux de la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière à s’associer à ce vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Étienne Blanc. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, les textes qui nous sont soumis visent, pour le premier, à faciliter les poursuites en matière de fraude fiscale et à renforcer la répression dans ce domaine ; pour le second, à créer en France un nouveau magistrat, un procureur financier qualifié d’indépendant.

Ce qui est curieux, c’est que lorsque vous étiez dans l’opposition et que la majorité de l’époque, sous l’autorité de différents gouvernements, avait pris des dispositions pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale…

M. Christophe Caresche. On a pu s’en apercevoir !

M. Nicolas Bays. En amnistiant les fraudeurs ?

M. Étienne Blanc.….notamment pour confisquer les produits du crime, vous vous y étiez opposés.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Étienne Blanc. C’était le cas notamment lorsque, dans la loi de finances rectificative du mois de décembre 2009, vous aviez refusé la création de la brigade nationale de lutte contre la délinquance fiscale. Pourtant, cette création marquait une véritable évolution : le début d’une judiciarisation des procédures et l’octroi de responsabilités nouvelles à des agents du fisc qui se voyaient doter de pouvoirs judiciaires.

M. Christophe Caresche. Avec quelle efficacité ?

M. Étienne Blanc. À l’époque, vous aviez prétendu que cette loi présentait des aspects liberticides et vous aviez voté contre.

De même, vous vous êtes opposés à la loi du 9 juillet 2010, une grande loi qui créait des dispositifs nouveaux relatifs à la confiscation des assurances-vie, arguant qu’il était impossible de saisir un tel produit en l’absence du décès, c’est-à-dire du fait générateur de la disponibilité du fonds. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous aviez aussi voté contre la loi du 27 mars 2012 qui avait profondément changé les dispositifs de saisie du produit des crimes et des délits. Pourtant, nous savons que la sanction la plus appropriée n’est pas la peine de prison ou l’amende, mais c’est la confiscation du produit du crime ou du délit, y compris quand il est fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) À l’époque, vous aviez encore voté contre ce texte.

Lors de la discussion générale, je vous l’avais dit : il faut savoir changer d’avis. Jules Renard disait que changer d’avis, c’est comme changer de chemise, c’est une question de propreté. Vous avez changé d’avis ? Finalement, c’est une bonne chose et nous vous reconnaissons au moins cela mais il y a dans votre changement beaucoup de posture et d’illusions.

M. Marcel Rogemont. Monsieur Propre, vous cherchez des raisons pour voter contre les textes !

M. Étienne Blanc. La fraude fiscale est actuellement punie de cinq ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende. Vous nous proposez de porter ces peines à sept ans de prison et 2 millions d’euros d’amendes, estimant qu’il s’agit là d’une réforme essentielle et substantielle qui va changer le cours de choses. Aucun fraudeur n’a jamais été condamné à cinq ans de prison ou à 750 000 euros d’amende dans notre pays, mais dans un souci d’affichage (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ce gouvernement qui est si actif porte les seuils à sept ans et 2 millions d’euros, sur le mode : vous allez voir ce que vous allez voir !

Il y a quelques années, vous refusiez de saisir des biens immobiliers dont le fraudeur a la jouissance et non la propriété ; aujourd’hui, vous nous proposez de le faire. Je vous rappelle que l’UMP a voté pour ces différents articles.

Mais votre texte a un deuxième volet : le procureur financier (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Madame la garde des sceaux, vous assurez que les choses vont profondément changer avec ce procureur financier qui sera indépendant et qui va pouvoir poursuivre ce qu’aujourd’hui on ne poursuit pas. En clair : le procureur financier va faire ce que ne fait pas le procureur de Paris que vous suspectez ouvertement de ne pas poursuivre certaines affaires de fraude fiscale.

M. Nicolas Bays. La droite française protège les fraudeurs !

M. Étienne Blanc. Que va-t-il se passer ? Nous pouvons faire trois reproches à ce dispositif de procureur financier. Premièrement, dans votre texte, vous n’avez pas prévu de répartition des compétences entre le procureur de la République de Paris et le procureur de la République financier. En matière boursière, vous avez ainsi laissé au procureur de la République de Paris les investissements sans agrément, le démarchage illégal…

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Blanc.

M. Étienne Blanc. …et la non-déclaration de franchissement de seuil de participation. C’est-à-dire qu’en cas de fraude fiscale ou de blanchiment de produit de fraude fiscale, vous aurez deux procureurs de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il faudra alors arbitrer. Comment le ferez-vous ?

M. Claude Goasguen. C’est intéressant !

M. Étienne Blanc. Vous allez avoir deux procureurs qui vont évidemment se concurrencer. Vous le dites indépendant mais qui arbitrera ? C’est la chancellerie.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Blanc.

M. Étienne Blanc. En réalité, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, ce texte est une véritable illusion née de l’affaire Cahuzac (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous cherchez à masquer la réalité des choses, à effacer, à gommer la tache originelle. C’est la raison pour laquelle l’UMP votera contre ce texte qui n’est qu’une illusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Vives exclamations et huées sur les bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble du projet de loi

Mme la présidente. Je mets aux voix le projet de loi relatif à la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 549

Nombre de suffrages exprimés 540

Majorité absolue 271

(Le projet de loi est adopté.)

Vote sur l’ensemble du projet de loi organique

Mme la présidente. Je mets aux voix le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 543

Nombre de suffrages exprimés 509

Majorité absolue 255

(Le projet de loi organique est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Consommation

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la consommation (nos 1015, 1156, 1116, 1110, 1123).

Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures trois minutes pour le groupe SRC, onze heures trente-six minutes pour le groupe UMP, deux heures cinquante-huit minutes pour le groupe UDI, une heure quarante-deux minutes pour le groupe écologiste, une heure trente-huit minutes pour le groupe RRDP, une heure vingt-six minutes pour le groupe GDR et trente-quatre minutes pour les députés non inscrits.

Nous reprenons donc la discussion générale.

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est un texte ambitieux qui marque de grandes avancées pour la protection des consommateurs.

C’est d’abord l’instauration de l’action de groupe à la française.

Ce sont ensuite les mesures contre les clauses abusives, une plus grande souplesse pour la résiliation des contrats d’assurance, le renforcement de la lutte contre la fraude et de nouveaux moyens pour lutter contre le surendettement.

C’est également une meilleure défense de nos éleveurs dans les contrats qui les lient aux distributeurs. Élue d’un territoire rural, j’ai vu croître au cours du dernier quinquennat les difficultés de nos éleveurs. Ce projet de loi y apporte des réponses concrètes, avec la prise en compte des variations de prix à la production dans les contrats négociés entre producteurs, transformateurs et grande distribution, une plus grande transparence et un renforcement des sanctions.

Ces nouveaux outils favoriseront l’émergence de relations commerciales justes et équitables.

Enfin, c’est la protection des noms des collectivités locales et l’extension aux produits manufacturés d’une labellisation qualitative nouvelle : l’indication géographique. Pour la première fois, et comme c’est le cas depuis longtemps pour les produits alimentaires, les produits manufacturés emblématiques d’une zone géographique précise pourront bénéficier d’une certification. Cette labellisation « indication géographique » sera délivrée en fonction du respect d’un cahier des charges précis et à la condition formelle qu’ils soient produits sur place et qu’ils respectent un processus de fabrication et de transformation très rigoureux.

À cet instant, je veux, monsieur le ministre, vous remercier de votre écoute sur ce dossier aussi sensible et remercier votre collègue Mme Sylvia Pinel Je n’ai pas oublié les propos qu’elle a tenus, lors de sa visite à Laguiole, au mois d’octobre dernier, face aux élus et aux habitants. Depuis 1993, le nom de leur commune a été dévoyé. À cette date, en effet, un industriel, peu scrupuleux, a déposé la marque Laguiole pour commercialiser des couteaux bas de gamme et autre produits dérivés, sans lien aucun avec ce territoire.

M. Dino Cinieri. C’est faux !

Mme Marie-Lou Marcel. Ses produits, dont les couteaux, sont fabriqués, à bas prix, dans des pays émergents, au mépris de toutes les règles élémentaires en matière de droits sociaux et environnementaux.

Collectivité et producteurs ont vu leur réputation ternie par ce qui s’apparente à une sorte de contrefaçon légale. En effet, les producteurs de ce territoire, respectueux d’un savoir-faire, sont dans l’impossibilité d’utiliser le nom de leur commune pour commercialiser des produits manufacturés de qualité, fabriqués dans leur village.

Vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, en collaboration avec votre collègue Mme Sylvia Pinel à intégrer la création des indications géographiques pour les produits manufacturés dans le texte sur la consommation. Aujourd’hui, c’est chose faite.

Nous avions bien tenté, lors de la précédente législature, de faire avancer la législation en ce domaine, mais le gouvernement de l’époque avait refusé.

Les articles 23 et 24 du texte que nous examinons aujourd’hui permettront de protéger des produits dont on connaît la qualité, qu’il s’agisse de la dentelle de Calais, de la porcelaine de Limoges ou du savon de Marseille, qui font la renommée de nos territoires. Ce sont des produits avec lesquels nos concitoyens ont un fort lien affectif et qui leur inspirent un sentiment de fierté. Ils représentent le savoir-faire et l’excellence artisanale et industrielle de nos territoires.

Monsieur le ministre, je vous remercie d’ores et déjà d’avoir permis l’adoption en commission des affaires économiques d’amendements que j’avais déposés, qui ont permis des avancées sur le cahier des charges, sur l’étiquetage et sur le durcissement des sanctions. J’ai déposé pour la séance de nouveaux amendements afin que la protection soit étendue aux noms de pays et que l’indépendance des organismes de contrôle soit renforcée.

Ce projet de loi, grâce à ses articles 23 et 24, marquera une triple avancée : pour nos collectivités territoriales et leurs élus, pour nos producteurs – industriels et artisans – et leurs salariés et, enfin, pour les consommateurs. Il revient au législateur de protéger les collectivités territoriales, leur patrimoine et le savoir-faire des artisans et des industriels, en un mot de les protéger contre toute forme de spoliation.

Pour toutes ces raisons, je ne doute pas un seul instant, chers collègues, de votre assentiment unanime sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, lors de la passation de pouvoir, alors même que le Gouvernement avait oublié la consommation, principal moteur de l’économie française, je vous avais dit, monsieur le ministre, cher Benoît Hamon, en espérant que vous vous verriez justement confier cette responsabilité – ce fut fait quelques mois plus tard –…

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques. Quel visionnaire !

M. Frédéric Lefebvre. Peut-être, monsieur le rapporteur, mais demandez au ministre, il vous racontera cet épisode.

Je vous avais dit, monsieur le ministre, ainsi qu’à Pierre Moscovici, qu’il était urgent d’aller au bout de mon projet de loi consommation, qui avait été adopté par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat, mais dont le parcours avait été interrompu, chacun s’en souvient, par l’élection présidentielle.

Vous n’imaginez pas mon plaisir de voir ce texte inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée. Certes, j’eusse préféré, compte tenu de son urgence pour les consommateurs, qu’il le fût plus tôt.

M. Damien Abad et M. Dino Cinieri. Très juste !

M. Frédéric Lefebvre. Comme vous, d’ailleurs, j’imagine, mais je sais combien il est difficile d’obtenir l’inscription d’un texte, fût-il prioritaire. Mais peut-être avez-vous eu, comme le suggérait hier notre collègue UDI Thierry Benoit, la courtoisie d’attendre mon retour dans cet hémicycle. (Sourires.)

En tout cas, vous me permettrez de confirmer, puisque je m’en suis déjà entretenu avec vous, que j’aborde l’examen de ce texte dans un état d’esprit constructif.

Je note toutefois que le projet n’aborde pas des secteurs qui figuraient pourtant dans le champ du projet que j’avais défendu en 2011, et que nous avions, les uns et les autres, enrichi, grâce à des amendements venant de tous les bancs.

Il s’agit entre autres de dispositions relatives à l’immobilier et à l’énergie. Daniel Fasquelle, qui fut rapporteur du projet de loi que j’avais présenté en 2011, a déposé des amendements dont je suis cosignataire pour réintroduire, par amendement à l’article 11 bis, des dispositions concernant les consommateurs non domestiques. Il s’agit également de dispositions portant sur l’automobile et les communications électroniques. En particulier, il n’est plus question de rédiger une liste minimale des motifs légitimes de résiliation des contrats.

M. Daniel Fasquelle. Heureusement que nous sommes là !

M. Frédéric Lefebvre. Il s’agit enfin de dispositions concernant les établissements bancaires.

Je suppose, monsieur le ministre, qu’en ce qui concerne l’immobilier et les établissements bancaires, le gouvernement a dans l’intention de compléter ce projet de loi relatif à la consommation par les dispositions de deux textes que nous examinerons à l’avenir.

M. Thierry Benoit. C’est pour cela qu’on a examiné celui-ci en vingt-quatre heures !

M. Damien Abad. Il reste du boulot !

M. Frédéric Lefebvre. J’avais préparé mon projet de loi en suivant une méthode originale, dont la DGCCRF se souvient, qui consiste à partir des problèmes, des réclamations de nos compatriotes. Permettez-moi donc de vous poser une question, de la façon la plus solennelle qui soit, en tant que précurseur de ce projet de loi : peut-on se permettre de perdre encore du temps ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Frédéric Lefebvre. Il y a un an et demi, alors que j’étais ministre, j’avais proclamé ma volonté de chercher le consensus sur ce texte. Je l’ai prouvé lors de son examen. Je remercie le président socialiste de la commission des affaires économiques, François Brottes, et le député communiste André Chassaigne d’avoir rappelé hier la qualité des échanges que nous avons eus à l’occasion de l’examen, en 2011, de mon projet de loi. Ces échanges constructifs avaient en effet permis d’enrichir le texte du projet.

M. André Chassaigne. C’est vrai.

M. Frédéric Lefebvre. Évidemment, des différences d’approche peuvent subsister. C’est parfaitement légitime. Nous faisons plus confiance à la concurrence qu’à l’encadrement, pas vous. Pourtant les réponses à nombre de questions ne sont ni de droite ni de gauche : elles sont de bon sens. Damien Abad, qui joue pour notre groupe, dans le débat sur ce projet de loi, le rôle de whip, a rappelé l’esprit d’ouverture dont j’ai fait preuve à l’époque.

M. Lionel Tardy et M. Dino Cinieri. Il fait un excellent travail !

M. Frédéric Lefebvre. Vous étiez présents à ce moment de la discussion, monsieur le ministre, mais ce n’était pas le cas de M. le président Brottes. Il n’est pas non plus présent à cette heure dans l’hémicycle ; c’est dommage, car j’aurais aimé lui rappeler la manière dont notre collègue Damien Abad a conclu son intervention. M. Brottes avait conclu la sienne en disant que ce texte est du « fait maison », à quoi Damien Abad a rétorqué que c’est plutôt du réchauffé !

M. Thierry Benoit. C’est un feu d’artifice !

M. Frédéric Lefebvre. On peut dire, mesdames et messieurs les députés, que c’est un texte qui a deux papas.

M. Sébastien Denaja, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Oui, Pierre Moscovici et Benoît Hamon, ou François Hollande et Benoît Hamon !

M. Frédéric Lefebvre. J’entends ici parler de la loi Lefebvre, là de la loi Hamon. Arrêtons cette querelle de clocher. Je vous propose de travailler ensemble à en faire la loi Lefebvre-Hamon !

M. Thierry Benoit. C’est un sacré duo !

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. C’est une demande en mariage ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques. F allait pas s’opposer au mariage pour tous !

M. Frédéric Lefebvre. Bien au-delà, je vous propose d’en faire la loi de tous ceux qui, sur ces bancs, sont décidés à agir pour défendre les consommateurs qui ne sont autres, comme le soulignait M. le rapporteur, Razzy Hammadi, que les citoyens de notre pays.

Mme Pascale Got. Et voilà le bébé !

M. Frédéric Lefebvre. Damien Abad rappelait qu’en 2011, 22 amendements du groupe socialiste avaient été acceptés, en commission et en séance, par le Gouvernement que je représentais. De la même manière – monsieur Chassaigne s’en souvient – je n’ai jamais hésité à accepter des amendements proposés par le groupe communiste. J’ai en outre – évidemment – accepté de nombreux amendements des groupes UMP et Nouveau centre.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Encore plus d’amendements seront acceptés sur ce texte.

M. Dino Cinieri. Combien ?

M. Frédéric Lefebvre. Avec le rapporteur de mon projet de loi, Daniel Fasquelle, à qui je tiens à rendre hommage dans cet hémicycle, nous avons accepté chaque amendement qui faisait progresser la cause des consommateurs, quel que soit le groupe parlementaire qui l’avait déposé.

Avez-vous l’intention d’en faire autant, monsieur Hamon ? Avez-vous l’intention d’en faire autant, monsieur le rapporteur Hammadi ? J’espère que votre Gouvernement saura se montrer aussi constructif que je l’ai été à l’époque.

M. Dino Cinieri. C’est mal parti !

M. Frédéric Lefebvre. Certains, dans ma famille politique, ont parfois regretté cette démarche de ma part. Elle me fut aussi reprochée par certains membres du gouvernement. Pourtant, je crois que cette attitude est la voie moderne vers une gouvernance adaptée à notre époque, au XXIe siècle.

M. Thierry Benoit. Eh oui ! La voie de la coproduction législative !

M. Frédéric Lefebvre. Comme chacun sait, la situation économique et sociale est bouleversée. Nous devons donc travailler pour nos concitoyens.

J’ai vu que certains, dans votre propre famille politique, vous reprochaient de dire votre point de vue sur l’Europe. Ils ont tort. Soyons forts de nos convictions, tous autant que nous sommes !

Cher Benoît Hamon, nous nous connaissons bien, et depuis longtemps. J’espère donc que vous saurez trouver le courage et la liberté d’accepter les amendements que je défendrai au cours de cette discussion. Je ne demande pas que tous soient adoptés, bien sûr ! Certains se heurteront à la divergence des points de vue : c’est la règle de la démocratie. Mais d’autres, de bon sens, ne pourront être refusés sans mauvaise foi, ou sans arrière-pensées. J’ai déposé 46 amendements, et en ai cosigné au moins autant.

Certains parmi vous, parmi les députés socialistes, retrouveront parmi ces amendements des amendements qu’ils avaient eux-mêmes déposés fin 2011 et que j’avais acceptés. Je les dépose à nouveau sur ce texte. J’espère que les députés qui les avaient déposés à l’époque accepteront de les voter avec nous, car il s’agit de sujets essentiels pour nos compatriotes.

M. Daniel Fasquelle. À présent ils ne sont plus d’accord avec des amendements qu’ils avaient déposés eux-mêmes en 2011 !

M. Frédéric Lefebvre. Prenons le temps de travailler pour les consommateurs français, qui attendent depuis des mois des solutions aux 92 500 réclamations qu’ils ont faites à la DGCCRF. Je salue au passage Mme Nathalie Homobono, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ainsi que tous les services de cette direction. C’est en effet avec celle-ci que j’ai préparé le texte que nous nous apprêtons à examiner, qui a pour objectif premier de donner aux consommateurs le pouvoir de contenir leurs dépenses contraintes.

C’est d’autant plus important, monsieur le ministre, dans une période où le pouvoir d’achat baisse : j’y reviendrai.

M. Damien Abad. Eh oui ! À cause du matraquage fiscal du Gouvernement !

M. Frédéric Lefebvre. Quand j’ai préparé le texte de mon projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, le pouvoir d’achat augmentait. Pourtant, le « reste à vivre » de beaucoup de nos compatriotes baissait, parce que les dépenses contraintes augmentaient.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. A vous entendre, ce n’était pas le cas pour les agents de la DGCCRF !

M. Frédéric Lefebvre. Reconnaissez donc que la situation de beaucoup de Français, notamment les plus modestes, ne s’est pas améliorée. Je pense en particulier à ceux qui ne bénéficient plus de la défiscalisation des heures supplémentaires, comme les ouvriers, à ceux qui n’ont plus de treizième mois, et qui doivent affronter des fins de mois difficiles.

M. Damien Abad. Eh oui ! Supprimer ces dispositifs a été une grave erreur !

M. Frédéric Lefebvre. Ce texte a pour objectif de renforcer les pouvoirs de la DGCCRF. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir conservé en tout point le dispositif que nous avions imaginé. Je salue cet esprit de continuité, et je vous remercie d’avoir eu l’honnêteté de le dire dans votre propos introductif. C’est important.

J’ai entendu beaucoup de choses l’an dernier au sujet des moyens de la DGCCRF, lesquels n’ont d’ailleurs pas évolué cette année. Cependant je ne doute pas que les réformes que nous menons ensemble permettront d’améliorer les conditions de travail de ces agents, et de dégager le temps nécessaire pour que la DGCCRF accomplisse ses missions.

De nombreux parlementaires, siégeant sur tous les bancs de cette assemblée, ont évoqué un autre point très important. C’est le cas d’André Chassaigne, qui nous parlait tout à l’heure des couteaux Laguiole. J’ai moi-même été à Laguiole. Il s’agit de la protection de nos savoir-faire par les indications géographiques protégées : voilà un sujet sur lequel le Président de la République Nicolas Sarkozy a voulu que nous puissions légiférer. Cet aspect était inclus dans le texte du projet de loi que j’ai présenté au Parlement fin 2011. Je vous remercie d’avoir conservé ces dispositions : elles sont absolument essentielles pour défendre l’économie française.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Cette fois-ci, elles seront promulguées !

M. Frédéric Lefebvre. M. le président de la commission des affaires économiques, François Brottes, vient de nous rejoindre, à temps pour que je puisse lui dire que notre pays mérite un autre comportement politique. Montrons-nous dignes de l’attente immense et de l’impatience que vous rappeliez vous-même il y a quelques jours, monsieur le ministre, dans le quotidien Le Monde. Travaillons de concert pour le bien de nos compatriotes, avec nos différences, avec nos convictions, mais avec l’envie d’agir pour la France. Car ce qui désespère les Français – vous-même parliez, hier soir, de désespoir –, ce sont les petits jeux politiciens, les faux-semblants et les anathèmes. Ils nourrissent les extrêmes. Ils abîment notre démocratie.

Monsieur le ministre, au début de l’examen de ce texte, je veux vous dire que je n’exclus pas de voter pour ce projet de loi. C’est vous, monsieur le ministre, qui choisirez ou non de saisir la main que vous tend celui qui fut votre prédécesseur, et travailla sur ce texte avec passion pour trouver les meilleures solutions aux problèmes rencontrés par nos compatriotes.

J’ai en effet travaillé avec les services de l’État, avec les associations de consommateurs, avec les acteurs économiques et – c’est ma fierté – avec tous les députés, qu’ils soient communistes, socialistes, UDI ou UMP. Je souhaite que, dans les jours qui viennent, nous fassions de même. Monsieur le ministre, à vous de jouer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Le problème, c’est qu’il y a deux lignes différentes à l’UMP !

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Grommerch.

Mme Anne Grommerch. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi vise à renforcer les droits des consommateurs. C’est dans cet état d’esprit positif, monsieur le ministre, que j’ai commencé à étudier ce texte.

Mais malheureusement, même si l’esprit général du texte semble positif, ses détails sont plus discutables. Je constate ainsi que les mesures proposées ne permettent pas, ou peu, d’atteindre les objectifs définis. Vous nous avez présenté ce projet de loi comme novateur, mais je tiens à souligner que la plupart des mesures présentées avaient déjà été proposées par la précédente majorité.

Mme Valérie Boyer. Exactement !

Mme Anne Grommerch. Vous souhaitez par exemple généraliser le dispositif PACITEL, le rendre obligatoire pour tous les professionnels : très bien, mais n’oubliez pas de dire aux Français que vous marchez dans nos pas ! En effet, ce dispositif a été consacré par le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, adopté au Sénat en décembre 2011 après avoir été adopté par l’Assemblée nationale.

Concernant le fichier positif du crédit, est-il nécessaire de rappeler que de nombreuses mesures ont été mises en place par la loi du 1er juillet 2010 pourtant réforme du crédit à la consommation afin de lutter contre le surendettement ! Cette loi visait à responsabiliser les prêteurs, améliorer l’information des emprunteurs et renforcer l’accompagnement des ménages surendettés.

Je pense, mes chers collègues, qu’il convient, avant d’envisager d’aller plus loin, de laisser à cette loi le temps de produire ses effets. Le dispositif que le Gouvernement et la majorité ont intégré par amendement au projet de loi ne sera pas efficace. Aucune étude d’impact n’a été réalisée, or le coût financier du fichier positif est exorbitant.

M. Damien Abad. Eh oui ! Elle a raison !

Mme Anne Grommerch. Ce coût est compris, pour la Banque de France, entre 15 et 20 millions d’euros. Pouvez-vous nous expliquer comment vous comptez financer ce dispositif, vu l’état des finances publiques ? En outre, son inefficacité est prouvée : en Belgique, où il existe un tel fichier, le nombre de dossiers de surendettement a augmenté de 48 % entre 2006 et 2011, alors qu’au cours de la même période, il n’a progressé que de 28 % en France.

Monsieur le ministre, je pensais qu’un texte sur la consommation était nécessairement lié à la question du pouvoir d’achat. Vous avez d’ailleurs déclaré à de multiples reprises que ce texte aurait pour conséquence directe de l’augmenter. Or, en examinant attentivement le projet de loi, je constate qu’il n’apporte rien en matière de pouvoir d’achat : cela est regrettable. Rappelons quand même que le pouvoir d’achat est une préoccupation constante de nos concitoyens, d’autant plus qu’il ne cesse de diminuer depuis votre arrivée au pouvoir. À ce titre, l’INSEE a affirmé que le pouvoir d’achat a reculé de 0,9 % en 2012 alors qu’en 2011, sous Nicolas Sarkozy, il avait augmenté. Jamais, depuis 1993, une baisse n’avait été observée !

S’attaquer aux problèmes du consommateur, c’est également trouver des solutions pour améliorer le pouvoir d’achat, ce que vous ne faites pas. Permettez-moi de rappeler une discussion qui a eu lieu lors des débats en commission. Au cours des travaux de la commission des affaires économiques, vous avez refusé un de nos amendements visant à instaurer un tarif social pour l’accès à internet. Une proposition identique avait pourtant été adoptée à l’unanimité par les députés de votre groupe, les mêmes qui l’ont rejetée cette fois-ci !

M. Damien Abad. Eh oui ! Les temps changent !

Mme Anne Grommerch. Vous savez pourtant comme moi combien Internet est indispensable aujourd’hui pour tous les Français, en particulier ceux qui cherchent un emploi. Vous nous avez opposé des problèmes techniques, et reporté cette mesure à on ne sait quand.

Ensuite, j’ai le sentiment que ce projet instruit un procès à charge contre les entreprises. Je vous mets en garde contre certaines mesures qui donnent le sentiment que nos entreprises cherchent par tous les moyens à vendre, sans se soucier de la satisfaction du client. Je crois que la réalité est heureusement toute autre. Bien évidemment, il ne faut pas être angélique : il y a des vendeurs malhonnêtes et des brebis galeuses, mais il s’agit là d’exceptions.

De plus, les diverses mesures prévues par ce texte pour sanctionner les entreprises augmentent les contraintes qui pèsent sur elles. Elles souffrent pourtant déjà du poids excessif de ces normes ! Le Président de la République, François Hollande, souhaitait un choc de simplification. Ce projet de loi créera plutôt un choc de complexification.

En définitive, ce projet de loi ne propose que peu d’avancées. Le pouvoir d’achat n’est pas renforcé. Certaines mesures seront par ailleurs difficiles à mettre en œuvre, comme l’action de groupe. Nous avions ouvert la voie en 2011 au renforcement des droits, de la protection et de l’information des consommateurs. Nous avions apporté des réponses concrètes aux attentes des Français concernant leur vie quotidienne, en se plaçant résolument de leur côté. Une fois de plus, vous vous y êtes opposés ; je le regrette.

J’aborderai un dernier point : à l’article 61 de ce projet, vous prévoyez un régime de sanctions administratives en cas de non-respect des délais de paiement. Vous rappelez, à juste titre, qu’il s’agit là de la principale préoccupation des chefs d’entreprise, compte tenu des conséquences sur leur trésorerie qu’entraîne l’allongement de ces délais. Sous ce regard, le projet de loi s’inscrit dans un cadre normatif qui vise à instaurer une culture du paiement rapide. Le besoin est d’autant plus important que le contexte économique est peu favorable en temps de crise.

À cet égard, je vous pose la question suivante : cette volonté s’appliquera-t-elle à vos propres ministères ? Je m’explique : vous avez entendu parler du logiciel Chorus et de ses conséquences sur la trésorerie et l’emploi des PME qui ont travaillé pour le ministère de la défense.

Je ne vous donnerai qu’un seul exemple, celui d’une PME de ma circonscription : 2,371 millions d’euros de facturation dans ce ministère payés au-delà de trente jours sur un total de 2,873 millions d’euros avec, pour conséquence, 250 emplois sur 400 détruits et une entreprise en redressement judiciaire. Et ce n’est qu’un exemple parmi des centaines ! Vous le savez, les intérêts moratoires ne couvrent pas les préjudices subis. L’État veut imposer toujours plus de contraintes à nos entreprises, mais encore faut-il qu’il soit lui-même en mesure de se les appliquer. Qu’est-il prévu pour les administrations, comme celle du ministère de la défense, qui détruisent nos entreprises – en ne les payant pas dans les délais – et nos emplois, à l’heure où le chômage bat des records ?

Pour conclure, monsieur le ministre, j’ose espérer que vous saurez écouter et entendre l’opposition, contrairement à ce qui s’est passé en commission où aucun de nos amendements n’a été adopté. J’espère qu’il en ira différemment lors de l’examen en séance publique.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ah ! M. Fasquelle !

M. Daniel Fasquelle. Je sentais bien que je vous manquais déjà, monsieur Brottes !

M. André Chassaigne. Nous sommes tout ouïe !

Mme la présidente. Comme nous le sommes pour tous les orateurs, monsieur Chassaigne !

M. Daniel Fasquelle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet est, en définitive, à l’image de ce Gouvernement.

Un gouvernement, d’abord, qui n’aime pas les entreprises. En effet, le projet de loi alourdira, pour l’essentiel, les contraintes et renforcera les sanctions contre elles : après de premiers coups de matraque fiscale, en voici maintenant d’autres avec la multiplication des sanctions, ce qui n’est pas raisonnable considérant le contexte.

C’est également un gouvernement qui n’aime pas les entreprises en n’étant pas non plus à leur écoute. Le débat sur l’existence et la disponibilité de pièces détachées nécessaires à la réparation d’un produit s’est révélé, de ce point de vue, extrêmement instructif avec votre volonté de créer des obligations nouvelles. Du fait de cet excès de zèle par rapport aux textes européens, les commerces de proximité devront demain informer, on ne sait trop comment, les consommateurs sur la disponibilité de pièces détachées, même pour des achats d’un faible montant,…

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Allons, monsieur Fasquelle ! Vous êtes d’habitude plus rigoureux intellectuellement !

M. Daniel Fasquelle. …puisqu’il leur sera obligatoire de créer des stocks de pièces détachées.

Le débat que nous avons eu en commission sur ce point de vue a clairement montré l’incompréhension assez incroyable de la réalité concrète et du monde de l’entreprise du Gouvernement, ce qui explique que le texte soit mal reçu par le monde économique et par le monde de l’entreprise : il pourra, malheureusement, détruire de nouveaux emplois.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Pas vous, monsieur Fasquelle !

M. Daniel Fasquelle. C’est, hélas, la conséquence de la politique menée depuis un an !

C’est un gouvernement, ensuite, qui aime bien, avec sa majorité, mettre en place des usines à gaz.

M. Dino Cinieri. Très juste !

M. Daniel Fasquelle. Si nous avons échappé de peu au bonus-malus grâce au Conseil constitutionnel,…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous n’avez pas échappé aux éoliennes, monsieur Fasquelle !

M. Daniel Fasquelle. …nous avons eu le crédit d’impôt. C’était le remède miracle, mais dans notre pays, avec 4 300 entreprises sur 2,5 millions bénéficiant aujourd’hui du crédit d’impôt, la montagne a accouché d’une souris ! Il en va de même des emplois d’avenir : alors que des centaines de milliers d’emplois d’avenir devaient être créés, nous en comptons à peine quelques milliers. En dépit de tout, vous ne tenez pas compte de ce qui s’est passé depuis un an et vous continuez à mettre en place des dispositifs qui ne marcheront pas.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est la litanie de la désespérance !

M. Daniel Fasquelle. J’en veux pour preuve l’action de groupe. Damien Abad a bien déposé un certain nombre d’amendements pour tenter d’améliorer le « machin », mais, de toute façon, celui-ci ne fonctionnera pas. J’ajouterai à cela le fichier positif.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Au moins quelque chose de positif ! (Sourires.)

M. Daniel Fasquelle. Anne Grommerch en a très bien parlé. Ce dispositif sera cher et complexe à faire fonctionner. Il coûtera cher aux contribuables, parce qu’il reviendra cher à la banque de France. Il coûtera cher aux consommateurs parce que les banques devront, évidemment, mettre la main à la poche…

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Si les banques mettent la main à la poche, c’est grave !

M. Daniel Fasquelle. …pour un résultat qui n’est absolument pas démontré – on voit ce qui s’est passé en Belgique où le fichier positif n’a pas empêché l’explosion du surendettement. Or la loi Lagarde commence seulement à porter ses fruits avec un désendettement qui tend à baisser dans notre pays. Attendez donc au moins que cette loi Lagarde entre pleinement en application et que se passent encore quelques mois pour en dresser un véritable bilan ! Cessons, à peine une loi votée, d’en voter une nouvelle alors que l’on n’a toujours pas fait le bilan de l’application de la précédente !

M. Razzy Hammadi. Il fallait le dire à l’ancien Président !

M. Daniel Fasquelle. Un gouvernement, par ailleurs, qui n’aime décidément pas le pouvoir d’achat et ne cesse de l’abîmer. Quand vous étiez dans l’opposition, mes chers collègues, il n’y avait pas une séance de questions d’actualité sans que vous ne parliez du pouvoir d’achat. Depuis un an, silence radio ! Et pour cause : le pouvoir d’achat ne s’est jamais si mal porté. Il est même en baisse.

Concrètement, en quoi ce texte peut-il améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens ? Nous avons beau chercher, nous ne trouvons pas. C’est toute la différence avec le texte de Frédéric Lefebvre qui était un texte concret puisqu’il s’appuyait sur les plaintes des consommateurs et qui apportait de véritables avantages en termes de pouvoir d’achat. En effet, dans votre texte…

M. Dino Cinieri. Il n’y a rien !

M. Daniel Fasquelle. …vous avez malheureusement abandonné tout ce qu’il y avait d’utile, d’important et de positif dans celui de Frédéric Lefebvre.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. S’il avait été promulgué, nous n’aurions pas été obligés d’y revenir !

M. Daniel Fasquelle. Quid des dépenses en matière de communication, qui explosent dans les foyers français, ou encore de logement ? Le projet de loi de Frédéric Lefebvre, qui comportait à cet égard des propositions très intéressantes, avait été considérablement enrichi par les travaux en commission – il avait en effet souhaité, tout comme moi en tant que rapporteur, être très à l’écoute des députés de tous les bancs – avant de l’être également dans l’hémicycle.

Quid aussi des questions de santé et de sécurité des consommateurs ? Au-delà en effet du pouvoir d’achat, la protection des consommateurs, c’est également celle de leur santé et de leur sécurité. De ce point de vue, un vide existe dans le projet de loi. Nous avons ainsi déposé des amendements par exemple en matière d’ascenseurs, de cabines de bronzage et de péages autoroutiers, tous sujets très concrets qui concernent nos concitoyens. J’espère que nous serons entendus.

Un gouvernement, par ailleurs, qui n’écoute malheureusement rien, comme nous le constatons depuis un an. Texte après texte, la voix de l’opposition n’est, hélas, pas écoutée alors que si vous nous aviez entendus, certaines erreurs n’auraient pas été commises. Pour autant, ce gouvernement et cette majorité qui n’écoutent rien récupèrent tout !

M. Damien Abad. Ce n’est plus « le changement, c’est maintenant », c’est « le plagiat, c’est maintenant » !

M. Lionel Tardy. C’est du « copier coller » !

M. Daniel Fasquelle. Les quelques avancées que le texte comporte ne sont en effet que de la récupération, du plagiat. Nous devrions ajouter dans votre portefeuille ministériel, monsieur le ministre, celui de la protection de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale ! Alors qu’en décembre dernier la proposition de loi relative aux IGP – texte abouti que j’ai défendu avec d’autres collègues – a fait alors l’objet d’un refus de votre part parce qu’il émanait de l’opposition, voilà, chose assez incroyable, que, après avoir été bien ennuyé pour l’écarter, vous faites maintenant du « copier coller » !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Pas tout à fait !

M. Daniel Fasquelle. Vous avez parfaitement raison, monsieur Hammadi : Vous avez dû inverser deux ou trois phrases et changer au moins un mot !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ce n’est pas honnête !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous travaillez pour vous ou pour la France ?

M. Daniel Fasquelle. Parfois, quand on fait du « copier coller », on ne va pas jusqu’au bout parce que tout ne s’affiche pas à l’écran. C’est le cas ici, puisqu’il manque la disposition sur les marques collectives, point sur lequel j’ai d’ailleurs déposé un amendement. Cette disposition est pourtant intéressante car elle protège les communes. Il y a dû, apparemment, y avoir une erreur de manœuvre dans le « copier coller » ! Peut-être parviendra-t-on à ajouter une phrase sur ce point qui avait été souligné par des spécialistes du droit des marques.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Qui ignore le droit des marques ?

M. Daniel Fasquelle. Je pourrais également ajouter les propositions de Mme Vautrin que vous avez aussi reprises par un « copier coller », s’agissant notamment du dispositif PACITEL. La liste de cette manœuvre est longue, mais c’est finalement heureux parce qu’il y a au moins quelque contenu dans le texte !

Un gouvernement, enfin, qui manque de courage suite au débat sur l’appellation « restaurant » et sur la notion d’artisan restaurateur – et je ne parle pas de ce que l’on nous a annoncé hier, à savoir la création d’un logo symbolisant le « fait maison » pour des plats figurant sur la carte : cela n’est pas très sérieux. Un journaliste m’a dit cet après-midi que c’était pour nous couper l’herbe sous le pied. C’est surtout pour embrouiller le débat. Ce n’est pas en effet la bonne réponse aux demandes de nos concitoyens qui veulent une vraie transparence. Quand il pousse la porte d’un restaurant, un Français veut être certain que les repas sont faits sur place. Il n’en a, aujourd’hui, malheureusement pas la certitude.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Voilà ! C’est fait maison ou ce n’est pas fait maison !

M. Daniel Fasquelle. Votre disposition sur le « fait maison » n’est de ce point de vue, et nous en ferons la démonstration, absolument pas convaincante.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Si ! Vous êtes en train de le démontrer !

M. Daniel Fasquelle. Une telle disposition est inapplicable. Le contrôle est impossible et elle ne sera pas appliquée dans la pratique. C’est une manœuvre pour écarter la seule disposition valable qui est la réglementation de l’appellation « restaurant ». Vous manquez de courage. Vous cédez aux pressions des lobbies, ce qui est dommage. Pour ce qui nous concerne, nous continuerons avec courage à défendre notre position sur l’appellation « restaurant », comme l’a d’ailleurs rappelé Frédéric Lefebvre.

En conclusion, ce texte a un problème de méthode : il n’a pas de ligne directrice. Pour élaborer le sien, Frédéric Lefebvre était parti des plaintes des consommateurs, ce qui, au moins, même si cela touchait à un grand nombre de domaines, était concret. De quoi êtes-vous, pour votre part, parti ? Quelle est la ligne directrice de ce texte ? Où est la cohérence ? Nous avons beau la chercher, nous ne la trouvons pas, et c’est tout le problème.

J’espère au moins que vous serez un minimum à notre écoute au cours du débat, comme l’ont souhaité d’autres orateurs avant moi. Ce ne sont pas là des sujets politiques, au sens du combat droite gauche. Nous pouvons nous retrouver sur de nombreux sujets techniques. Telle a été à l’époque l’attitude de Frédéric Lefebvre et de moi-même, et j’espère que vous ferez comme nous. Tel n’a pas été malheureusement le cas en commission où vous avez adopté très peu d’amendements. Je souhaite qu’il en aille autrement lors de notre débat afin que soit enfin donné un contenu concret à ce texte qui protégera ainsi vraiment les intérêts des consommateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons depuis hier après-midi ce que j’appellerai un colosse législatif. puisque ce projet de loi relatif à la consommation comporte près de soixante-dix articles. Il est vrai que la consommation est un sujet très vaste et qu’un petit texte ne saurait y suffire.

L’objectif affiché est de renforcer les droits et l’information du consommateur. J’y souscris parfaitement et je pense qu’il n’est pas tenable de s’y opposer par principe d’autant plus que ce texte s’inspire largement du projet de loi Lefebvre débattu ici même en 2011 et auquel le PS s’était, à l’époque, opposé.

Sur les indications géographiques protégées, il reprend, par exemple, une proposition de loi du groupe UMP dont votre majorité n’avait pas voulu en novembre dernier. Notre groupe demande depuis longtemps l’extension de la protection des indications géographiques aux produits non alimentaires et l’amélioration de la protection des noms des collectivités territoriales, comme vient de le souligner Daniel Fasquelle.

Le projet de loi « renforçant les droits la protection et l’information des consommateurs » – projet de loi Lefebvre – prévoyait de telles dispositions dans son article 7. Ce texte n’ayant pu aller au terme de son processus législatif, le groupe UMP a repris ces dispositions dans la proposition de loi « visant à mieux protéger les indications géographiques et les noms des collectivités territoriales », examiné en séance publique le 6 novembre dernier. La majorité socialiste et le Gouvernement se sont opposés, je le rappelle, à l’adoption de ce texte, mais proposent aujourd’hui un dispositif similaire.

Cela étant, le dispositif proposé est moins protecteur des collectivités locales. Alors que le groupe UMP proposait une information automatique des collectivités territoriales, le Gouvernement les oblige à demander à l’INPI à être alertées en cas de dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque contenant leur dénomination.

De même, concernant le démarchage à distance, je rappelle que le dispositif PACITEL, que vous souhaitez généraliser et rendre obligatoire pour tous les professionnels, a été mis en place sous la législature précédente, en décembre 2011, par Frédéric Lefebvre. Le projet de loi « Droit, protection et information des consommateurs » avait consacré ce dispositif dans son article 8 ter.

Dans une réponse à une question écrite, le 12 février 2013, Benoît Hamon a ainsi affirmé que « ce dispositif a immédiatement rencontré un succès incontestable auprès des consommateurs en dépassant très rapidement le million d’inscriptions. » Je vois là, mes chers collègues, un bel hommage au travail des députés de droite et du centre, naguère dans la majorité et aujourd’hui dans l’opposition, et la preuve que le changement d’avis, c’est maintenant !

Sous couvert de renforcer les droits du consommateur, ce texte nous appelle à la vigilance sur plusieurs points.

Tout d’abord, un certain nombre de dispositions seront synonymes de complexification pour les entreprises. Je pense à celles sur les pièces détachées. ou la modification de la LME : le papier et l’écrit deviennent la règle. Nous voilà bien loin du « choc de simplification » qui, je le croyais, était devenu le fil rouge du Gouvernement.

Plus largement, je crains que ce texte n’envoie des signaux négatifs aux entreprises. Il n’y a qu’à regarder la communication officielle du ministre qui annonce que ce projet de loi va « rééquilibrer les pouvoirs entre consommateurs et professionnels ». Voir cette relation comme un rapport de force n’augure rien de bon. Je crois fermement que l’on peut parfaitement protéger le consommateur sans que cela soit au détriment des acteurs économiques.

L’extension des pouvoirs de la DGCCRF, encore une fois sans aucun moyen supplémentaire, avec le développement de l’outil de l’amende administrative est un sujet important à mes yeux, même si ces amendes étaient sans doute plus proportionnées dans le projet de loi Lefebvre.

Je souhaite toutefois que nous fassions bien attention aux conséquences globales de ce que nous pensons être une série de petits glissements, qui, cependant, font des agents de la DGCCRF des quasi-agents de police judiciaire, ainsi qu’à la nature juridique exacte des sanctions. Cet édifice n’est pas à l’abri d’être mis à bas par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Enfin, mon principal motif d’inquiétude est que ce texte devienne un véhicule politique destiné à faire plaisir à telle ou telle sensibilité ou personne, et ce sont trois éléments qui m’amènent à le craindre : l’introduction par voie d’amendement du fichier positif, que le Gouvernement s’acharne à créer en dépit de nombreuses objections et avertissements ; la création surprise de l’action de groupe simplifiée,…

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Accélérée !

M. Lionel Tardy. Nous en reparlerons tout à l’heure, monsieur le rapporteur.

…sur laquelle l’improvisation semble totale et les justifications hasardeuses ; un embryon ou, du moins, les premières pierres de dispositions sur l’obsolescence programmée, terrain de jeu favori de nos collègues écologistes, que je ne vois pas cet après-midi dans l’hémicycle.

J’aurai l’occasion de revenir sur ces sujets lors de la discussion des articles car, si la consommation est un sujet du quotidien, elle ne doit pas pour autant être traitée à la légère.

Il y a eu ces dernières années un grand nombre de débats, de rapports et de revendications récurrentes sur ce sujet. Il faut les prendre en compte et s’en servir et, surtout, éviter de tirer de grosses ficelles politiques car nombre de sujets sont complexes, sensibles et difficiles à trancher.

L’action de groupe, mesure la plus médiatisée et mise en avant par le ministre, ne doit pas nous faire oublier les autres aspects du texte. Encore une fois, tout ce qui mène à une meilleure protection du consommateur va dans le bon sens. Néanmoins, je compte être particulièrement vigilant afin d’essayer d’améliorer ce projet de loi en pointant les insuffisances, les contradictions et les excès de zèle qu’il contient.

Comme pour de nombreux textes volumineux, le diable est dans les détails et nous nous devons de faire en sorte qu’aucun ne nous échappe. Rendez-vous lors de l’examen des articles.

M. Damien Abad. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Clotilde Valter.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Enfin du constructif !

Mme Clotilde Valter. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objectif de renforcer la protection des consommateurs, avec des mesures touchant à la vie quotidienne.

Ce texte dote les services de l’État de compétences accrues pour sanctionner plus rapidement et plus efficacement les infractions au code de la consommation, avec de nouvelles méthodes – visites mystère, renforcement des moyens de contrôle pour le commerce électronique – et avec de nouvelles sanctions administratives au profit de la DGCCRF et de ses agents afin de renforcer l’effectivité des injonctions prononcées, l’objectif étant d’éviter des procédures judiciaires longues et parfois inadaptées.

Je consacrerai mon intervention, monsieur le ministre, à la question essentielle, les conditions de l’efficacité des dispositions législatives que vous nous proposez de prendre.

Nous voulons, cette fois, une loi efficace, c’est-à-dire effectivement appliquée et, pour qu’elle ne reste pas lettre morte, comme le réclament nos rapporteurs, il est capital que l’administration soit capable d’exercer ses missions. Il y a des dispositions à prendre.

La loi avait déjà prévu de renforcer les contrôles. Plusieurs années après, force est de constater que le gouvernement précédent n’a pas voulu donner à l’administration les moyens nécessaires. Les effectifs de la DGCCRF ont été fortement amputés et, comme si cela n’était pas suffisant, la réforme de l’administration territoriale les a totalement désorganisés.

M. Dino Cinieri. N’importe quoi !

Mme Clotilde Valter. Je vais le démontrer !

Il faut donc clairement stabiliser les effectifs, significativement réduits ces dernières années pour atteindre 3 000 équivalents temps plein cette année, soit une baisse de 16 % depuis 2008. C’est incontestable, mesdames, messieurs de l’opposition !

Cette évolution a fortement touché les agents affectés dans les départements, affaiblissant ainsi la capacité opérationnelle de cette Direction.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Bien sûr !

Mme Clotilde Valter. Dans plusieurs départements, la force de frappe des services atteint aujourd’hui un niveau critique, peu compatible avec l’exercice des missions confiées : 30 % des départements comptent moins de dix agents et 50 % moins de douze.

Que faire de sérieux dans ces conditions tant il est patent que l’impact de la réduction des moyens sur l’exercice des missions a été extrêmement net ? Le nombre de contrôles et d’enquêtes enregistre une baisse continue depuis 2008. La baisse est de 32 % pour le nombre de saisies, de 18 % pour le nombre de procédures civiles, de 15 % pour le nombre de contentieux et de 11 % pour le nombre d’établissements visités. Le nombre d’enquêtes nationales a également diminué et les services départementaux n’ont pu contribuer qu’à un nombre plus réduit d’enquêtes.

C’est pourquoi, afin de garantir l’application de ce texte, le Gouvernement veillera, j’en suis sûre, à ce que la DGCCRF dispose des effectifs suffisants pour exercer ses missions. Vous avez obtenu le maintien des effectifs en 2013 et demandé un renforcement des moyens. Dans le contexte actuel, c’est un signe fort de la détermination de l’actuelle majorité à donner à cette administration les moyens d’agir. Il faudra absolument poursuivre dans ce sens et vous aurez notre soutien.

Nous devons également revoir l’organisation des services territoriaux de la DGCCRF.

L’outil efficace que constituait cette direction unique en Europe a été profondément affaibli par la réorganisation, assez incompréhensible, mise en œuvre par le précédent gouvernement, qui scinde les effectifs en deux, la mission de la concurrence étant dévolue à l’échelon régional et la mission CRF à l’échelon départemental.

Afin de permettre au service public de fonctionner dans les meilleures conditions, il faut aujourd’hui rendre à l’organisation territoriale son efficacité passée et sa visibilité tant pour le consommateur que pour les acteurs économiques. Cela passe par la confirmation des agents de terrain, affectés dans les départements, dans leurs tâches de contrôle sur l’ensemble du champ de compétence de cette direction…

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Bravo !

Mme Clotilde Valter. …et par l’affirmation de l’échelon régional comme entité, légère, d’animation et de pilotage chargée de définir les priorités du contrôle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ne riez pas, mesdames, messieurs de l’opposition, c’est extrêmement sérieux.

Vous le savez bien, monsieur le ministre, la stabilisation des effectifs de la DGCCRF que vous avez obtenue est la condition nécessaire pour que les dispositions de ce texte soient efficaces, ce qui est bien l’objectif recherché, mais elle n’est pas suffisante car l’évolution du dispositif territorial est vitale pour que l’État puisse être, comme vous le souhaitez, le garant de l’ordre public économique, assurant la protection des consommateurs.

Parallèlement, il faudra également prévoir et ne pas oublier la mise en œuvre d’actions de formation nécessaires à l’exercice des nouvelles missions confiées aux agents par le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons ce soir est trompeur : trompeur car son titre laisse entendre qu’on va relancer la consommation alors que le contenu n’apporte rien en matière de pouvoir d’achat ; trompeur car il entretient un climat de défiance vis-à-vis des entreprises et qu’il ne protégera qu’à peine plus les consommateurs.

La mesure phare parmi les soixante-dix articles de ce projet de loi est la mise en place de l’action de groupe. Il s’agit de regrouper dans une seule procédure les demandes de réparation émanant d’un grand nombre de consommateurs s’estimant lésés. Mais seuls les litiges relevant de la consommation et de la concurrence pourront entrer dans le champ d’une action collective. Ainsi, les plaintes concernant la santé ou l’environnement comme dans les affaires du Mediator ou de l’amiante ne seront pas concernées.

C’est d’autant plus dommage que la ministre de la santé a récemment annoncé un projet de loi permettant les actions de groupe relatives à la santé pour 2014. Si nous sommes tous d’accord pour dire que la santé n’est pas un produit de consommation comme un autre, on ne peut néanmoins que regretter votre précipitation. Il aurait été plus pertinent de voter un texte global.

Annoncé en plein scandale des lasagnes à la viande de cheval et au moment où l’on apprenait que les poissons d’élevage seraient à nouveau nourris avec des farines, le texte prévoit également un renforcement des moyens d’action de la DGCCRF ainsi que des sanctions pour tromperie ou tromperie aggravée lorsque la santé des consommateurs est mise en danger.

Dans ce dernier cas, les sanctions pourraient aller jusqu’à une amende représentant 10 % du chiffre d’affaires et à une interdiction de toute activité commerciale pour les contrevenants. Monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, avez-vous pensé aux salariés de ces entreprises ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Oui !

M. Dino Cinieri. Doivent-ils être au chômage parce que les dirigeants ont fraudé ?

Monsieur le rapporteur, vous dites que, depuis une vingtaine d’années, le consommateur est de plus en plus isolé tandis que les multinationales n’ont cessé de se renforcer.

M. Damien Abad. C’est réducteur !

M. Dino Cinieri. Je pense au contraire que les consommateurs sont mieux avertis qu’il y a vingt ans, notamment grâce à Internet et aux réseaux sociaux. Grâce à ces nouveaux moyens de communications, les multinationales, que vous vilipendez sans cesse, ne peuvent plus étouffer les affaires, et c’est tant mieux, mais ne jetez pas systématiquement le discrédit sur tous.

Dans ce texte, vous diabolisez également les assureurs. Vous voulez permettre la résiliation des contrats d’assurance automobiles ou multirisques habitation ou encore affinitaires à tout moment, sans frais, après une première année d’engagement et non à la date anniversaire du contrat comme c’est le cas actuellement, mais comment pouvez-vous être certains que cela aboutira réellement à une baisse des tarifs ?

Autre mesure phare du projet, la création du fichier positif ou registre national des crédits à la consommation.

Le surendettement est un fléau pour bon nombre de nos concitoyens. Pour autant, faut-il stigmatiser encore ceux qui sont tombés dans cette spirale ? Ne faudrait-il pas plutôt accentuer nos efforts sur la pédagogie ? De nombreuses mesures ont été mises en place dans la loi Lagarde du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation. Elles visent à responsabiliser les prêteurs, à améliorer l’information des emprunteurs et à renforcer l’accompagnement des ménages surendettés. Pourquoi ne voulez-vous pas laisser du temps au temps et permettre à cette loi de produire ses effets avant d’envisager d’aller plus loin ?

Quelques mots enfin, monsieur le ministre, sur les identités géographiques protégées.

Les IGP, qui n’existent aujourd’hui que pour les produits alimentaires, seront étendues aux produits artisanaux et manufacturés. Dans un pays comme la France, célèbre pour sa porcelaine de Limoges, ses chaussures de Romans, sa coutellerie de Thiers ou ses tapisseries d’Aubusson,…

Mme Valérie Boyer. Le savon de Marseille !

M. Dino Cinieri. …c’est un enjeu particulièrement important tant pour l’économie que pour le rayonnement de la France.

Je ne peux cependant que regretter votre attitude politicienne sur ce sujet car, il y a plus de six mois, nous avions inscrit à notre ordre du jour une proposition de loi en ce sens. Elle reprenait d’ailleurs un projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs dont notre ami Fasquelle était rapporteur en 2011 et qui n’avait malheureusement pas abouti. Vous et votre majorité vous êtes opposés à notre texte en octobre 2012, préférant attendre la fin de juin 2013 pour récupérer à votre compte une initiative des députés UMP.

C’est d’autant plus regrettable que le dispositif que vous proposez est moins protecteur pour les collectivités locales. Alors que nous proposions une information automatique des collectivités territoriales, vous les obligez à demander à l’INPI à être alertées en cas de dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque contenant leur dénomination. Le changement, c’est maintenant : voilà le choc de complexification !

M. Damien Abad. Très bien !

M. Dino Cinieri. Vous l’aurez compris, je voterai contre ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure Annick Le Loch et chère collègue bretonne, monsieur le rapporteur, cinq minutes pour évoquer un projet de loi sur la consommation, c’est très court. Encore que le temps programmé décidé par votre Gouvernement me permettrait de dépasser ce temps comme l’ont fait un certain nombre de mes collègues depuis hier. Je sais, monsieur le ministre, que vous me répondrez que c’est la précédente majorité qui a mis en place cette méthode de travail parlementaire. Mais à mon avis, l’examen des amendements en fera les frais. C’est regrettable pour un texte qui mériterait tant et tant de discussions.

Je comprends aussi l’empressement du Gouvernement à surcharger le Parlement pour mieux le bâillonner : hier, la transparence de la vie publique, aujourd’hui, la consommation, demain, le cumul des mandats, projet de loi examiné un jeudi et vendredi alors que tout le monde sait que les parlementaires ont aussi besoin d’être présents dans leur circonscription.

M. Damien Abad. C’est vrai.

M. Gilles Lurton. Puis, le texte sur la modernisation de l’action publique territoriale. Ce n’est pas parce que le bateau gouvernemental sombre que le travail parlementaire doit en pâtir. Aussi, j’essaierai de m’en tenir au temps qui m’est imparti.

Qui d’entre nous, au quotidien en relation avec ses concitoyens, n’a pas été saisi d’un problème de consommation ? L’évolution des nouvelles technologies et les moyens de communication numérique rendent également indispensables une nouvelle législation. Vous l’avez d’ailleurs pris en compte dans votre projet.

Qui d’entre nous ne ressent pas la nécessité de faire évoluer notre code de la consommation, vieux de vingt ans, face à des pratiques qui n’ont cessé d’évoluer, face à une nouvelle législation européenne ?

Ce constat avait déjà été fait par le précédent gouvernement. Notre nouveau collègue, Frédéric Lefebvre avait initié un processus de toilettage du code de la consommation, processus qui n’a pas été jusqu’à son terme en raison, comme vous le savez, d’un changement de majorité.

Ce travail doit être avant tout inspiré par une meilleure protection des consommateurs mais, également, par la prise en compte de l’ensemble des acteurs économiques.

Voilà peut-être enfin un sujet qui pourrait nous rassembler pour le bienfait de nos concitoyens. Après tout, au-delà de nos différences politiques, nous sommes tous des consommateurs. Mais votre projet, s’il présente quelques avancées, comporte aussi des imperfections patentes, des divisions manifestes, des réductions de droit.

Mon souhait n’est pas de polémiquer à tout prix. Je suis seulement guidé par la recherche d’une juste égalité entre les consommateurs et d’une meilleure justice sociale entre les entreprises, et animé par la volonté de réconcilier consommateurs d’un côté et sociétés commerciales de l’autre. Pour illustrer mon propos, je citerai quelques exemples.

Le premier porte sur les ventes « hors établissement » appelé plus communément le démarchage à domicile. Désormais, à l’inverse de ce qui était admis, le professionnel prestataire de service pourra commencer à s’exécuter avant l’écoulement du délai de réflexion. Une telle exécution empêchera dans les faits le consommateur de revenir sur sa décision. De même, le professionnel se hâtera de s’exécuter avant la fin du délai de réflexion rendant ainsi impossible le droit à rétractation du consommateur. Désormais également, un paiement immédiat pourra aussi être autorisé dans le cas de ventes au domicile du professionnel ou du consommateur lors de réunions organisées.

Au passage, vous contribuez ainsi au développement des sociétés organisatrices de ventes privées. Elles auront moins de contraintes, à la fois vis-à-vis de leurs employés occasionnels, mais aussi à l’égard de la législation jusqu’alors protectrice des consommateurs.

À la précarisation sociale, vous ajoutez une diminution des droits des consommateurs. De même, les foires et les salons seront désormais exclus des ventes « hors établissement » alors que, jusqu’à présent, la jurisprudence permettait de leur étendre la loi sur le démarchage à domicile.

Le second exemple concerne la mesure à mon sens la plus symbolique de votre projet et porte sur les actions de groupe.

Dans un contexte économique difficile, alors que votre Gouvernement n’a cessé depuis un an d’assaillir les entreprises de charges et contraintes nouvelles, je crains que l’action de groupe n’apparaisse comme un risque supplémentaire pour les entreprises, comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase !

Pour ma part, je veux retenir une proposition régulièrement évoquée depuis plus de trente ans. Remise au goût du jour par le Président Jacques Chirac dans son discours de vœux en 2005, cette idée est revenue depuis régulièrement dans les rapports Chatel ou Novelli.

Il existe en effet un problème d’équilibre entre, d’un côté, des professionnels indélicats et, de l’autre, des consommateurs qui n’osent pas, souvent pour des raisons de coûts et de complexité de procédure, demander réparation de leur préjudice.

Notre rôle est d’assurer une meilleure protection des consommateurs face à des entreprises qui abuseraient d’eux et ne respecteraient pas leurs droits. Après tout, l’entreprise elle-même devrait s’en trouver renforcée en crédibilité et en force de vente. Car ce ne sont pas les entreprises respectueuses du consommateur qui sont visées. Ce sont celles qui fraudent et qui réalisent des profits au mépris des règles protectrices des consommateurs. Ce sont celles également qui exercent une concurrence déloyale vis-à-vis des autres professionnels. Cette action, si elle est bien encadrée, ne sera pas nuisible aux professionnels, bien au contraire.

Cependant, si nous pouvons admettre ce principe de l’action de groupe, principe, je le rappelle, imposé par la réglementation européenne, les mesures préconisées dans votre projet, monsieur le ministre, ne peuvent qu’interpeller.

Pourquoi limiter cette action aux préjudices matériels ? Hier, vous avez annoncé son extension aux problèmes de santé. Aujourd’hui, aux problèmes d’environnement. C’est bien la preuve que le débat parlementaire fait évoluer le texte et ne doit pas être négligé.

Pourquoi créer ainsi une rente, car c’est bien cela qu’il s’agit, aux associations de consommateurs nationales et, in fine, vous le verrez monsieur le ministre, à une seule association !

Pourquoi créer des compétences de tribunaux alors que nous savons tous ici que les moyens ne leur seront pas donnés ?

Que deviendront les actions individuelles dès lors qu’une action de groupe sera lancée ?

Qu’en est-il, enfin, des garanties données aux entreprises quant à la publicité d’une telle action alors que nous savons que certaines associations diffusent largement leurs actions judiciaires avant même qu’un juge ne se prononce ?

Je crains que votre projet ne divise et n’apporte que des interrogations sans pour autant améliorer le droit des consommateurs et la quiétude des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour discuter de problématiques éminemment délicates reposant sur un juste équilibre entre protection des droits des consommateurs et préservation du dynamisme économique.

Or force est de constater que le texte socialiste fait l’impasse sur un certain nombre de sujets qui constituent à mon sens une priorité. C’est pourquoi j’ai souhaité déposer plusieurs amendements visant à améliorer la protection du consommateur-locataire en donnant une définition législative précise de la location meublée et en l’assortissant de l’obligation pour le propriétaire de produire un certificat d’habitabilité à la signature du bail, et en encadrant la pratique des vendeurs de listes qui, en dépit de la loi Hoguet de 1970, continuent à exiger le paiement avant même l’exécution du service de fourniture des listes de logements.

Nous nous souvenons tous des images de certains drames causés par les activités sans scrupule de véritables marchands de sommeil. J’ose croire qu’un meilleur encadrement législatif permettra d’en réduire la survenance.

Je constate également que le Gouvernement socialiste peine dans ce texte à faire preuve de créativité, d’inventivité et peine davantage encore à reconnaître quand celles-ci n’émanent pas de leur famille politique.

Je veux parler ici de ma proposition de loi visant à rendre obligatoire la mention « photographie retouchée » sur les photographies de personnes dont l’apparence corporelle a été modifiée par un logiciel de traitement d’image. Les enjeux ici sont au-delà des enjeux sanitaires, car il y a une distorsion de la réalité. Les publicitaires donnent à voir des corps qui n’existent pas tout en faisant croire qu’ils existent ainsi, mais les enjeux relèvent également de la protection du consommateur. Par exemple, les supports publicitaires qui vantent les mérites des produits de beauté et, dans le même temps, mettent en scène des photographies retouchées donnant à voir des corps transformés amènent le consommateur à imputer au produit le résultat montré en photographie alors même que celle-ci a fait l’objet d’une retouche par logiciel de traitement de l’image. Il en va de même pour tous les produits.

L’article L. 121-1 du code de la consommation protège d’ores et déjà les consommateurs des pratiques commerciales trompeuses lorsqu’elles reposent sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant notamment sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir les résultats attendus de son utilisation. Par ailleurs, la jurisprudence a déjà eu l’occasion de se pencher sur des cas de publicité trompeuse ou mensongère mettant en cause des illustrations retouchées. Je citerai à cet égard l’arrêt de la cour d’appel de Paris chambre 13 section B, du 5 décembre 1997, et celui de la cour d’appel de Douai, chambre correctionnelle 6, du 1er mars 2005. Pourtant, comme le relève l’avocate Ilana Soskin, dans les deux cas, l’efficacité du produit avait également été sujette à contestation, raison pour laquelle le grief de publicité trompeuse avait été retenu. Dès lors, qu’en est-il lorsque la photographie est retouchée, mais que le produit permet potentiellement le résultat escompté ? Il s’agit de protéger le consommateur qui peut être induit en erreur, surtout les plus vulnérables.

L’amendement que j’ai déposé vise précisément à clarifier cet aspect et à permettre une meilleure information du consommateur quant aux conditions de réalisation de la publicité quand bien même la publicité ne serait pas trompeuse.

Concernant le rachat des métaux précieux, j’ai obtenu la création d’un groupe d’études et en assure la présidence. La hausse spectaculaire du cours de l’or qui a plus que triplé a entraîné la multiplication des points de rachat : dans le contexte de crise économique, les Français sont de plus en plus nombreux à s’y rendre pour vendre leurs bijoux. Il y a également une multiplication de publicités pour le rachat d’or, qui proposent aux particuliers de vendre leurs bijoux en profitant de la hausse des cours, mais en ne les rachetant pas au cours de l’or.

La prise de conscience publique de la situation des marchés de l’or, et des métaux précieux en général, favorisée par cette publicité désormais diffusée via de nombreux médias – télévision, presse, Internet, relance téléphonique auprès des particuliers, notamment des personnes âgées – entraîne le développement de commerces dont les pratiques ne sont pas ou mal réglementées et permettent certains abus auprès des personnes les plus vulnérables ainsi que la recrudescence des vols à l’arrachée et la vente à des sociétés qui s’exonèrent du paiement des taxes, notamment la taxe de 8 %.

Il convient de mettre fin à ces pratiques. Des exigences doivent donc s’imposer à ces activités, l’objectif étant de faire obstacle à l’augmentation des vols de métaux précieux devenus très rentables pour les délinquants et hautement préjudiciables pour la société dans son ensemble. La violence liée à ces actes devient insupportable.

Si une interdiction générale de publicité se révèle très difficile à justifier, une réglementation stricte peut néanmoins être mise en œuvre. D’autres secteurs commerciaux, à l’image des armes à feu, ont vu leurs droits à la publicité encadrés dans le but de protéger le consommateur. Il pourrait en être de même pour l’or. Cette protection est aujourd’hui nécessaire. Elle fera l’objet de la réflexion du groupe d’études. J’ai également souhaité déposer un amendement reprenant le dispositif de ma proposition de loi.

Je défends par ailleurs l’extension des indications géographiques protégées – IGP – aux produits manufacturés. À cet égard, nous avions eu un débat particulièrement intéressant au moment de l’examen de la loi Lefebvre et Roland Chassaigne avait alors approuvé mes propositions. Cela fait vingt ans que la question des IGP pour les produits manufacturés, industriels ou artisanaux, fait l’objet d’études et de débats par les pouvoirs publics.

Cette question est intimement liée à la protection de leurs noms par les collectivités territoriales. En effet, depuis Keynes, nous savons que le consommateur oriente son choix non seulement en vertu de facteurs objectifs, mais également subjectifs. L’image du produit pèse de manière déterminante dans son choix. Lorsque le consommateur choisit d’acheter des fraises du Périgord, des pruneaux d’Agen ou encore du miel de Provence, tous protégés au titre des IGP, il attend du produit qu’il présente une qualité, une réputation, une caractéristique qui puissent être liées à son origine géographique.

Quant aux produits manufacturés, la seule protection existant à ce jour est l’appellation d’origine – AO. Or seuls la poterie de Vallauris, la dentelle du Puy, l’émail de Limoges et les mouchoirs et toiles de Cholet en bénéficient. L’appellation d’origine est en effet très stricte ; la qualité ou les caractères du produit doivent être attribués essentiellement au milieu géographique.

Marseillaise et fière de l’être, j’ai alors compris que le savon de Marseille, symbole de notre patrimoine provençal, présent dans toutes les maisons marseillaises et au-delà dans le monde entier, cadeau traditionnel du touriste qui veut rapporter un souvenir de notre belle ville, n’était pas protégé et que quiconque pouvait utiliser la dénomination « savon de Marseille » sans respecter aucune de ses caractéristiques.

On a ainsi pu voir fleurir dans les boutiques de souvenirs des savons roses en forme de ballons de football estampillés Olympique de Marseille, parfumés de toutes les manières et déclinés de toutes les façons tant et si bien que le nom sur l’emballage « savon de Marseille » ne semblait plus rien vouloir dire, surtout lorsqu’ils étaient made in China.

Ce qu’il faut savoir et qui est assez spécifique avec le savon de Marseille par rapport à tous les autres produits français pouvant prétendre obtenir la future IGP, c’est que le cahier des charges auquel les producteurs devront se conformer pour obtenir l’IGP existe déjà et depuis fort longtemps. Il date de 1688 : l’édit de Colbert définit ainsi les conditions de fabrication du savon en Provence sans aucune graisse animale. Pour sa part, le décret de Napoléon Bonaparte du 22 décembre 1812 précise que la ville de Marseille possède une marque pour ses savons à l’huile d’olive constituée par un pentagone dans lequel apparaissent, en son milieu, les mots « huile d’olive », le nom du fabricant et celui de la ville de Marseille.

Enfin, deux arrêts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence – celui du 28 décembre 1927, confirmé par la Cour de cassation le 24 octobre 1928, et celui du 12 novembre 1928 – disposent que la dénomination savon de Marseille s’applique à un produit bien déterminé fabriqué avec un mélange d’huiles végétales contenant, après la fabrication, approximativement 62 % à 64 % d’acide gras ainsi que de la résine, des alcalis combinés, de l’alcali libre, du chlorure de sodium, de la glycérine et de l’eau. Or, aujourd’hui, seules quatre savonneries se conforment à la recette traditionnelle. Elles ont eu l’intelligence de se regrouper en créant l’Union des professionnels du savon de Marseille et de se doter d’une charte qui reprend cette recette. Autrement dit, dès que ce texte sera voté, elles pourront bénéficier d’une indication géographique protégée car elles sont déjà prêtes.

Malheureusement, la santé économique de ces savonneries, qui font l’effort de respecter le produit et surtout de respecter le consommateur, est fragile.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est vrai !

Mme Valérie Boyer. Il y a concurrence déloyale de la part des industries du savon et du détergent qui utilisent des graisses animales, ajoutent du parfum et du colorant. C’est une injustice pour les savonneries traditionnelles mais aussi une tromperie à l’égard du consommateur. En effet, seule la recette traditionnelle du savon de Marseille lui confère des vertus hypoallergéniques et écologiques en raison de l’utilisation d’huiles végétales et de l’absence d’additifs, de parfums et de colorants qui le rendent biodégradable en moins de vingt-huit jours.

Je ne vous ai pas fait l’apologie du savon de Marseille pour placer le mot « Marseille » dans chacune de mes phrases, mais pour illustrer combien il est impératif que cet article soit enfin voté.

Ce type d’abus ne concerne pas exclusivement le cas du savon de Marseille. Partout en France, l’absence d’encadrement de l’indication géographique pour les produits non alimentaires donne lieu à des abus et contribue à mettre en péril à la fois le savoir-faire français et l’information des consommateurs.

Ces abus constituent également un préjudice pour les collectivités territoriales, préjudice en termes d’image, préjudice au plan économique également. C’est pourquoi j’ai déposé une proposition de loi visant à étendre les indications géographiques protégées aux produits manufacturés, qu’ils soient artisanaux ou industriels. Mes collègues du groupe UMP ont également travaillé sur ce renforcement de la protection. Je citerai en premier lieu Frédéric Lefebvre, qui lorsqu’il était ministre a conduit de nombreux débats sur ces sujets liés à la consommation.

Aujourd’hui, la majorité socialiste a préféré récupérer les propositions de l’UMP au lieu de les inscrire à l’ordre du jour. Ce n’est pas élégant. Même si je vais voter en faveur de ces articles, je trouve dommage que l’on n’ait pas cru bon d’entendre ce que nous, qui avons beaucoup travaillé sur ces sujets, avions à dire.

J’ai également souhaité proposer des amendements concernant l’alimentation.

Avec plus de 10 millions de clients par jour, les enseignes des boulangeries pâtisseries figurent parmi les commerces les plus fréquentés en France au point que les spécialités françaises sont connues et reconnues bien au-delà de nos frontières.

Pourtant, la qualité artisanale des produits de pâtisserie n’est pas toujours garantie. En effet, les enseignes de pâtisserie sont de plus en plus séduites par les produits industriels : d’une part, ils sont moins chers à acheter qu’à produire ; d’autre part, leur longue durée longue de conservation grâce à la congélation permet une plus grande flexibilité dans la gestion des stocks.

Si les enseignes commerciales ne peuvent se prévaloir de l’appellation « boulangerie » sans respecter un certain nombre d’obligations visant à garantir la production artisanale des produits en vente, ce n’est pas le cas des enseignes de pâtisseries. Afin d’améliorer l’information précontractuelle du consommateur, il apparaît donc nécessaire d’encadrer l’utilisation de l’appellation de « pâtisserie » par les enseignes commerciales. J’ai bien évidemment également travaillé sur la question de l’étiquetage.

L’actualité de ces derniers mois a mis en exergue l’impérieuse nécessité de disposer d’une traçabilité complète et précise des produits de consommation alimentaire.

M. Marc Le Fur. Très bien !

Mme Valérie Boyer. Elle doit concerner tant la provenance et la nature des produits que leur processus de préparation, d’autant plus que notre pays est réputé internationalement pour sa gastronomie, inscrite depuis 2010 au patrimoine mondial immatériel de l’Unesco.

Or, de nombreuses enseignes de restauration, séduites par le faible coût de revient et une plus grande flexibilité dans la gestion des stocks, ont recours à des produits congelés ou surgelés issus de l’industrie agroalimentaire sans pour autant mentionner la qualité « industriel », « frais », « congelé », ou « surgelé ». En effet, la législation en vigueur ne fait peser aucune obligation d’information à cet égard sur les enseignes de restauration. Cette absence de réglementation porte atteinte à l’exigence de transparence et à la bonne information du consommateur.

Il est donc proposé d’y remédier en créant l’obligation pour les restaurateurs de préciser, sur leurs menus et ardoises, les mentions « fait maison », « industriel », « frais », « congelé », ou « surgelé ». L’objectif est d’informer le consommateur, ce qui est bien évidemment aussi une manière de le protéger et de le respecter.

En conclusion, je suis fière que des idées « Made in Marseille », que le Gouvernement se réapproprie, permettent de servir à d’autres produits que le savon de Marseille. Toutefois, je déplore que ce texte ne soit pas à l’écoute des problèmes concrets des Français, contrairement aux textes sur lesquels nous avions travaillé avec Frédéric Lefebvre. En effet, ce projet de loi complexifie leur vie alors que l’on nous avait promis un choc de simplification.

À l’heure où la France est confrontée à une crise économique sans précédent, restaurer la confiance des consommateurs dans les produits du terroir français et assurer une meilleure protection des producteurs locaux, est une impérieuse nécessité. Et je le dis sans poser en marinière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Attention à ne pas savonner la planche !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Dubois.

Mme Marianne Dubois. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, consommer est un acte de la vie quotidienne. C’est aussi un acte citoyen. Mieux consommer est un objectif vers lequel le législateur doit tendre, en apportant les garanties nécessaires.

Ce projet de loi est attendu. Dans le contexte difficile que nous connaissons aujourd’hui – recul du pouvoir d’achat, baisse de la consommation –, il ne faudrait pas qu’il vienne complexifier les relations commerciales qui reposent avant tout sur la confiance entre clients et vendeurs.

Le texte va ainsi autoriser les consommateurs à utiliser la procédure de l’action de groupe à la française, qui se différencie de la class action américaine. Vous en avez réduit le périmètre puisque les recours en justice ne pourront être menés que par l’une des seize associations agréées de défense des consommateurs. Il faut craindre que cette class action soit plus spectaculaire dans son énoncé que dans ses effets.

Nous estimons qu’il aurait été opportun que le projet de loi ouvre d’ores et déjà la possibilité de mener des actions de groupe dans le domaine de la santé.

M. Bernard Accoyer. C’est juste !

Mme Marianne Dubois. Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a affirmé qu’elle défendra au début de l’année 2014 un projet de loi spécifique pour les autoriser.

Plus généralement, il convient d’éviter que ne s’instaure une certaine présomption de culpabilité à l’encontre des entreprises qui serait somme toute préjudiciable pour les PME qui sont suffisamment aux prises avec la crise pour ne pas devoir subir des tracasseries supplémentaires.

Le prix des matières premières entre dans cette logique et il convient d’assurer aux éleveurs, avec lesquels je manifestais hier, un prix décent. Il est temps que la grande distribution joue le jeu qu’on attend d’elle !

M. Bernard Accoyer. Très juste !

Mme Marianne Dubois. Si la lutte contre les numéros surtaxés, les SMS toxiques, les promotions mensongères, est souhaitable et attendue, la transparence la plus grande est fondamentale et il est naturel que chacun puisse avoir le droit via son opérateur de bloquer ces numéros surtaxés. Malheureusement, les questions liées à la téléphonie et au numérique sont renvoyées à un texte ultérieur sine die.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Elles ne sont même pas citées.

Mme Marianne Dubois. Il convient aussi d’assurer aux personnes les plus vulnérables une protection renforcée car celles-ci sont souvent démunies lorsqu’elles commandent un objet sur Internet dont elles ne veulent plus. J’aurai d’ailleurs l’occasion de défendre un amendement sur ce point.

Par ailleurs, il est plus que légitime que les opérateurs s’identifient de manière claire et accessible à tous les consommateurs. Les amendements de Marc Le Fur répondront à cette attente.

M. Marc Le Fur. Merci, chère collègue !

Mme Marianne Dubois. S’agissant du registre national des crédits à la consommation, autrement dit d’un fichier positif destiné à prévenir le surendettement, si chacun comprend les raisons qui motivent sa création, il convient d’être vigilant quant à sa structuration et attentif au fait que le Conseil d’État a considéré qu’il s’agissait d’un dispositif disproportionné. On peut craindre en outre son inefficacité. Les crédits immobiliers ou les crédits renouvelables non utilisés n’y figureront pas, ce qui peut sembler réducteur.

Par ailleurs, la protection des appellations d’origine et de produits qui font l’excellence de nos terroirs apparaît légitime. Néanmoins, il faut déplorer que la procédure soit parfois complexe et décourageante, en particulier lorsqu’il n’existe plus qu’un seul fabricant pour un produit comme c’est le cas pour le vinaigre d’Orléans.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec le texte !

Mme Marianne Dubois. L’amélioration de la protection des noms des collectivités territoriales va dans le bon sens et figurait déjà au sein de l’article 7 du projet de loi Lefebvre.

La proposition de loi déposée par notre groupe, le 6 novembre dernier, a été repoussée par la majorité, mais nous constatons avec satisfaction que le projet de loi reprend le dispositif qu’elle prévoyait.

En conclusion, il convient d’être vigilants sur l’équilibre que nos débats vont donner à ce projet de loi à travers les amendements qui seront proposés. Il semble nécessaire que les relations commerciales demeurent équilibrées. Il faudra notamment veiller à ne pas conférer à l’administration trop de prérogatives. Les niveaux d’amendes en cas d’infraction doivent être dissuasifs mais non excessifs.

Bref, à quelques jours des soldes, opération hautement attendue par nombre de commerçants, l’objectif auquel nous devons nous attacher est celui, vous l’aurez compris, de redonner de la confiance sans instaurer de la défiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte n’est pas seulement un fourre-tout prétendant protéger les consommateurs, c’est un texte qui aura des conséquences préoccupantes pour les entreprises et les emplois localisés en France.

Il n’accorde pas la priorité à la lutte contre le chômage, une priorité que le Président de la République et le Premier ministre rappellent pourtant quotidiennement à juste titre et que nous partageons tous.

M. Thierry Benoit. C’est vrai !

M. Bernard Accoyer. Alors que le contexte économique et social est critique, que l’on compte chaque jour 1 300 chômeurs de plus, aggravant encore le niveau record du chômage, que les filières industrielles entières sont menacées, que l’agriculture française est en difficulté et que le pouvoir d’achat des Français a baissé pour la première fois depuis trente ans, la priorité, monsieur le ministre, n’est-elle pas dans ce contexte aux producteurs, à l’entreprise, au sauvetage des emplois et de notre économie ?

Ce texte semble avoir surtout pour objectif de mettre en place pour les associations de consommateurs un dispositif législatif qui les protège, en créant en quelque sorte des droits dérogatoires.

Les consommateurs, quant à eux, se tournent de plus en plus vers des biens et des produits d’importation en provenance de plus en plus de pays à bas coût de production. Ils sont encouragés en cela par une grande distribution hégémonique qui a fait et continue de faire des ravages dans l’appareil productif national, industriel comme agricole. À titre d’exemple, pour les produits agricoles AOC, la marge de la grande distribution atteint 40 à 50 % pendant que les producteurs, malgré un travail acharné, sont menacés de faillite.

L’intérêt général, et donc celui des consommateurs comme des producteurs, n’est-il pas là avant tout ?

Alors que les économistes et la Commission européenne pressent la France de transférer une part du financement social de la production vers la consommation et l’environnement, le texte, avec ses dispositions destinées à lutter contre l’obsolescence programmée, fait exactement le contraire. À cet égard, une société coopérative et participative de Haute-Savoie qui produit des équipements électroménagers vous a alerté, monsieur le ministre, sur les conséquences de telles dispositions sur la compétitivité, l’entreprise et l’emploi.

Mes chers collègues, la priorité n’est-elle pas de répondre à la dégradation de la compétitivité de notre économie ? Nos entreprises sont écrasées par les charges financières et normatives.

Ainsi, le coût horaire du travail en France est de 35 euros alors qu’il est de 32 euros en Allemagne et de 28 euros en moyenne dans l’Union européenne. Ce coût n’est pas dû, hélas, au salaire net, mais au niveau record des charges fiscales et sociales.

La compétitivité est aussi plombée par le poids des normes. Or, avec ce projet de loi, ce handicap sera aggravé, puisque votre texte compte pas moins de 73 articles dont un article 5 comportant 181 alinéas et quelque 19 pages, sans compter les amendements qui seront introduits par les parlementaires des deux assemblées !

En cela, je le reconnais volontiers, vous vous inscrivez, monsieur le ministre, dans la continuité de l’inflation législative qui écrase les citoyens comme les entreprises.

Ainsi, le recueil annuel des lois, en 1970, comptait 620 pages ; l’année dernière, il en comptait 1 900. Le code du travail, en 1973, comptait 600 articles ; il en compte aujourd’hui 10 000. À l’inverse, en Belgique, il y en a trois fois moins et, en Suisse, le code du travail compte seulement 54 articles. Pourtant, ni la Belgique, ni la Confédération Helvétique ne sont des pays low cost.

Monsieur le ministre, en modifiant les règles concernant les assurances, vous affaiblissez la dimension mutualisée qui fonde tout le système assurantiel. Les primes augmenteront donc mécaniquement pour nos compatriotes. En outre, votre projet de loi, s’il est adopté, aura un coût direct en emplois pour les entreprises localisées en France, qu’elles produisent ou qu’elles commercialisent.

Il en va ainsi des actions de groupe comme de la surtransposition de la directive européenne relative aux droits des consommateurs. Soyons clairs, mes chers collègues : à chaque fois que nous surtransposons une directive, nous portons un mauvais coup à l’économie et à l’emploi national en les plaçant en situation de faiblesse vis-à-vis de tous les autres pays.

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Thierry Benoit. La directive, rien que la directive !

M. Bernard Accoyer. Nous nous interrogeons également sur les conséquences pour les entreprises des pouvoirs considérables que le texte entend donner à certains agents de la DGCCRF.

On ne peut être qu’inquiet face aux conséquences de ce texte dont l’étude d’impact est insuffisante, insuffisamment étudiée, voire absente pour ce qui est du fichier positif.

Parce que ce texte n’est pas fait pour les consommateurs, qui sont avant tout des citoyens, mais pour les associations de consommateurs ; parce qu’il est contre les entreprises et l’emploi, nous ne pouvons, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous y opposer. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kemel.

M. Philippe Kemel. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le débat qui se déroule depuis maintenant plusieurs heures démontre que l’on doit aborder la consommation sur le plan social, économique et sociétal, dans une démarche globale bien sûr emprunte de valeur humaine, mais également de pragmatisme.

Je suis le dernier intervenant du groupe SRC, et il me semble que les interventions précédentes ont un peu dévié, voire occulté, la cohérence de votre projet de loi, monsieur le ministre.

Réguler la relation acheteur-vendeur est aujourd’hui une absolue nécessité, vous l’avez largement rappelé lors de votre première intervention.

Faire aveuglément confiance aux représentations classiques d’un comportement rationnel de l’entreprise et du consommateur génère beaucoup de désordre. Les « asymétries d’information », comme disent pudiquement les économistes, sont en effet particulièrement déstabilisantes pour l’économie, la cohérence et la vie sociale.

L’obligation d’agir pour protéger le consommateur s’explique notamment par l’âpre concurrence qui s’impose aux entreprises. Elles ont appris avec le temps à capter et à enfermer le désir du consommateur dans des logiques marchandes ; les travaux de Jean Baudrillard, dans son ouvrage Pour une critique de l’économie politique du signe, en sont depuis longtemps la référence.

Les entreprises asservissent le consommateur, le pousse à la consommation, souvent de manière impulsive. Nous sommes donc loin du consommateur rationnel et raisonné décrit par l’analyse traditionnelle.

Je ne citerai pas ici toutes les techniques de vente qui constituent l’atmosphère de notre système économique d’aujourd’hui, car nous les connaissons tous.

Aussi convient-il de mieux protéger le consommateur des biens qu’il achète et des modes de financement qui peuvent fortement l’appauvrir, lorsqu’il abandonne les chemins de la rationalité et de la raison, submergé par la pression sociale et la nécessité absolue de posséder, même sans en avoir les moyens.

Votre texte, monsieur le ministre, contribue à donner des assurances pour rééquilibrer les relations acheteurs-vendeurs dans un échange plus juste. Il est conçu pour inciter le consommateur à des comportements plus responsables, tout en prenant en compte l’impératif immédiat du bon développement de la vie économique.

Dans ce projet de loi, contrairement à ce qu’a dit l’opposition ici même à cette tribune, la règle et le contrôle ne deviennent pas un carcan, mais garantissent au contraire des avancées en termes de protection de l’acheteur. Ce texte, et c’est crucial, permet en outre aux associations de consommateurs agréées de jouer un rôle sociétal plus important encore.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Tout à fait !

M. Philippe Kemel. Quoi de plus normal, face à la puissance des groupes économiques, qu’émergent et se renforcent des collectifs de consommateurs ? L’économie sociale progresse chaque fois que la rente est combattue et que la responsabilité est partagée.

Ce juste échange est aussi important dans la relation entre entreprises, et particulièrement entre fournisseurs et distributeurs ; ce point est abordé spécifiquement dans les articles 61 et 62 du projet de loi, dans sa partie ciblant la loi de modernisation de l’économie, qui proposent une réécriture des articles L. 441-6 et L. 441-7 du code du commerce. Il s’agit en l’occurrence de faire que les relations avec les petites entreprises ou les entreprises de taille intermédiaire ne soient pas asymétriques, en garantissant le contrat sur le long terme et en assurant le paiement en temps et en heure.

Ce faisant, le projet de loi respecte le producteur, son savoir-faire, celui de ses ouvriers, la qualité de sa production ; il valorise et garantit le produit français et ses origines ; il sauvegarde et renforce le tissu industriel de la France et de ses régions, ainsi que leurs emplois. Vivre et travailler au pays permet d’économiser des biens et des coûts sociaux : cela peut encore s’envisager dans une économie internationale.

Au moment où la reconquête industrielle est au cœur du changement, on voit le rôle que va jouer ce texte dans le dispositif de financement de l’économie : aux côtés de la Banque publique d’investissement, des dispositifs fiscaux et du crédit d’impôt compétitivité, votre loi est celle de la défense des consommateurs.

Ce texte porte une conception de l’économie qui refuse le déséquilibre entre les acteurs de l’échange, combat la rente et contribue à mieux se prendre en compte et donc à mieux se respecter. Il le fait en donnant à l’État régalien une responsabilité régulatrice, en facilitant l’efficacité de la sanction administrative : parce qu’elle sera forte, la sanction administrative pourra se réaliser et créer de la responsabilité et de la régulation.

La vie économique n’est pas idyllique : le balancier l’amène en permanence vers la constitution de macrogroupes au comportement déviant. Il ne s’agit pas de rêver au small is beautiful, mais de dire que la domination des uns par les autres ne favorise pas l’entreprise et l’emploi, bien au contraire.

Le débat permettra encore de progresser pour améliorer les éléments de ce texte, qui a déjà belle allure avec ses trois pièces maîtresses : l’action de groupe, sous sa forme accélérée ou normale selon les situations ; la lutte pour prévenir le surendettement en responsabilisant les prêteurs ; enfin, la garantie de production, pour offrir aux distributeurs plus de sécurité dans la stabilisation des relations économiques dans le moyen voire le long terme.

Construire une économie équilibrée face à la loi du « tout marché », qui est un peu celle du renard dans un poulailler, n’est pas chose aisée. Mais la mission que vous vous êtes donnée, monsieur le ministre, et que nous nous donnons tous, nous permettra effectivement de développer l’échange juste. Les citoyens pourront en apprécier les résultats, nous en sommes convaincus, grâce à ce texte qui aura une grande importance sur les échanges et le produit intérieur brut, et donc sur de nombreux aspects de la vie sociale.

Les extensions envisagées, notamment dans les domaines de la santé et de l’environnement évoqués tout à l’heure, le démontrent. Oui, nous avons maintenant à proposer, afin que cet échange juste constitue une réelle avancée de notre société.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’adoption d’un nouveau projet de loi sur la consommation doit permettre de sanctionner un ensemble de pratiques commerciales injustes.

En effet, chaque année, des consommateurs sont victimes de pratiques trompeuses et déloyales, comme la fraude sur la marchandise, les clauses abusives, ou encore l’obsolescence programmée. Le texte que nous allons examiner doit donc constituer une réponse efficace à l’ensemble de ces problèmes.

Concernant tout d’abord le manque d’informations du consommateur, chacun se souvient de la récente affaire Spanghero : ce scandale de la viande de cheval estampillée « pur bœuf » aura eu le mérite de révéler l’absence de transparence sur l’origine des viandes consommées. Cette affaire aura aussi permis de révéler les conséquences d’une course effrénée à la réduction des coûts de production.

En effet, si nous voulons voir se développer une consommation responsable, il faut reconnaître l’existence de nos frontières et réguler nos échanges commerciaux. Or nous subissons aujourd’hui les conséquences de l’importation massive de produits que l’Union européenne refuse de contrôler au nom de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée.

Aujourd’hui, nos grandes surfaces vont chercher à l’étranger les produits à des prix qu’elles ne peuvent pas obtenir ici. Cette politique économique mise en œuvre par la Commission européenne ne permet pas de produire français, ni même de contrôler véritablement les produits que nous consommons. Jadis, les contrôles sanitaires de l’administration française étaient redoutables et redoutés ; aujourd’hui, ils sont tout simplement inexistants.

D’ailleurs, je constate que votre projet permet l’ouverture des actions de groupe au consommateur, mais les limites à la consommation. Or, au regard des différents scandales sanitaires qui s’accumulent, il est indispensable que des actions de groupe soient ouvertes également dans le domaine de la santé. Tel est l’objet d’un amendement que je soutiendrai avec plusieurs de mes collègues ; je ne peux évidemment que souhaiter son adoption par la majorité.

Développer une consommation responsable, c’est aussi soutenir des négociations commerciales justes et équilibrées. Qui peut aujourd’hui sincèrement penser que les négociations entre producteurs, industriels et grandes surfaces sont équilibrées ?

Nous avons pu le constater récemment avec les producteurs de lait : les dispositifs de régulation des relations commerciales sont insuffisants. Or, ce nouveau projet de loi se contente essentiellement de renforcer la transparence de la négociation commerciale – une transparence qui ne permettra pas de répondre aux inquiétudes des éleveurs.

Développer une consommation responsable, mes chers collègues, c’est aussi lutter avec efficacité contre le phénomène du surendettement qui est devenu un grave problème de société. Salariés ou chômeurs, personnes seules ou en couples, jeunes actifs ou seniors, tout le monde peut aujourd’hui tomber dans la spirale infernale du surendettement. Ces personnes sont victimes de la crise et de l’augmentation du coût de la vie, mais aussi des arnaques liées aux crédits.

Ces situations de détresse nécessitent en effet une véritable mobilisation de notre part. Il faut absolument que les consommateurs ne tombent pas dans certains pièges. Pour cela, il faut mieux les informer, mais aussi les responsabiliser et responsabiliser les établissements de crédits.

Je tiens à rappeler que le nombre des dossiers de surendettement est passé de 70 000 en 1995 à près de 200 000 par an aujourd’hui : la situation s’est donc considérablement aggravée. La conclusion des associations de consommateurs est sans appel : les garde-fous prévus par la loi sont insuffisants.

Certes, le nouveau projet du Gouvernement prévoit une offre de crédit amortissable pour tout contrat de crédit renouvelable. Néanmoins, on peut regretter que ce type de crédit, qui incite à s’endetter davantage, ne soit pas plus sévèrement encadré. Je rappelle que selon un rapport de la Cour des comptes, publié en 2010, 70 % des crédits non remboursés sont du type « crédit renouvelable ». Les Français doivent être protégés de ce fléau qui détruit des familles et brise des vies.

Par ailleurs, en ce qui concerne la création d’un fichier positif, c’est-à-dire d’une base de données regroupant les personnes ayant un ou plusieurs crédits en cours, plusieurs remarques doivent être faites.

D’une part, il convient de rappeler que 44 % des crédits souscrits par les ménages sont destinés à acquérir un logement. Or le dispositif proposé par le Gouvernement est un fichier positif restreint aux seuls crédits à la consommation.

D’autre part, je constate qu’aucune étude d’impact n’a été établie pour évaluer l’efficacité de ce fichier positif – efficacité qui reste donc à prouver.

Enfin, les mesures prévues dans le texte pour lutter contre l’obsolescence programmée, symbole d’un capitalisme sans frein, sont insuffisantes. On peut définir l’obsolescence programmée comme une technique consistant à raccourcir délibérément la durée de vie d’un produit afin d’accélérer son renouvellement.

Cette pratique est évidemment condamnable, pour deux raisons. D’une part, elle est génératrice de déchets supplémentaires et a un impact environnemental ; d’autre part, elle pèse sur le budget des ménages et les oblige à consommer toujours davantage.

À l’heure où nos concitoyens cherchent à mieux consommer, c’est-à-dire à moins gaspiller, l’obsolescence programmée doit elle-même devenir obsolète car, en période de crise, le pouvoir d’achat du consommateur doit être préservé.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, le but de mon intervention est de vous convaincre. Je ne vous fais aucun procès d’intention, je vous fais confiance et je suis convaincu que nous pouvons utiliser ce texte pour progresser. Nous ne serons pas d’accord sur tout, mais nous pouvons l’être sur un certain nombre de points.

Je vous proposerai des amendements concernant l’étiquetage des produits à base de viande, des produits carnés. C’est une demande des consommateurs. Monsieur le ministre, vous avez été en première ligne dans cette affaire de la viande de cheval et je suis parfaitement conscient de l’énergie que vous avez dû déployer. Nous devons tirer les conséquences de cette affaire. À quelque chose malheur est bon. Les consommateurs veulent avoir des informations claires et objectives, ils veulent savoir où l’animal qu’ils consomment est né, où il a été élevé, où il a été abattu, où il a été transformé. Voilà des éléments de bon sens. En fait, c’est un made in France que je vous propose et qui, paradoxalement, n’existe que dans le domaine industriel. Je proposerai, par voie d’amendement, de créer cette notion, interdite en matière d’alimentation.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est bizarre que cela n’ait pas été créé avant !

M. Marc Le Fur. Comme je n’ai pas vocation à porter la paternité de cette disposition, cela ne me poserait aucun problème que cette disposition, que je voterai, soit défendue par un socialiste.

Cette mesure est demandée également par les producteurs. Nous avons déjà progressé dans ce domaine puisque le label « Viande bovine française » existe depuis la crise de la vache folle, ainsi que le label « Viande française porcine ». Toutefois, cela ne concerne que la viande fraîche et non les produits transformés.

Pour illustrer mon propos, je prendrai un exemple précis. Nous importons 45 % de la volaille que nous consommons : 12 % de la volaille fraîche, ce qui est très peu, 67 % de la volaille utilisée dans les plats préparés, ce qui veut dire que, lorsque le consommateur choisit à l’étal du magasin, il a de fait un choix national, mais quand il ne choisit pas, parce que les choses lui sont masquées, on lui revend une viande d’origine étrangère. Je ne nie pas la qualité de cette viande, il ne s’agit pas d’en interdire l’importation, mais simplement de savoir d’où elle provient. La traçabilité doit donner lieu à une information du consommateur.

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. C’est déjà possible !

M. Marc Le Fur. C’est la même chose pour la viande porcine. Nous importons peu de viande fraîche directement consommée, mais beaucoup de viande qui sera utilisée en charcuterie. En effet, la charcuterie que nous croyons française est pour partie fabriquée à partir de produits importés. Je sais qu’en disant cela je heurte un certain nombre d’intérêts, dans la transformation des produits agroalimentaire en particulier, mais il est indispensable que nous agissions, monsieur le ministre. Je connais vos origines et je suis convaincu que vous y êtes fidèle. Ce sujet est devenu majeur en Bretagne – je pense à Gad et à Doux –, mais aussi dans d’autres régions. Pour sauver une partie de cette filière, nous devons imposer l’étiquetage, non pas comme un acte volontaire, mais comme une obligation. On doit y parvenir dans le domaine de la viande porcine. Je vois que vous échangez avec un certain nombre de nos collègues et je m’en réjouis. Cela signifie que le débat progresse.

M. Thierry Benoit. Il faut encourager le ministre !

M. Marc Le Fur. Si nous pouvons y contribuer, nous le ferons bien volontiers.

Si j’insiste sur ce sujet, c’est parce que nous subissons une crise extrêmement grave dans le domaine agroalimentaire, et ce n’est pas le député de Fougères qui me démentira.

M. Thierry Benoit. Tout à fait, je le confirme !

M. Marc Le Fur. Marianne Dubois a développé les mêmes arguments tout à l’heure et je crois que M. le rapporteur en est lui-même convaincu.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Vous êtes si convaincant qu’on se demande comment cela n’a pas été fait en dix ans !

M. Marc Le Fur. Face à une telle situation, que peut-on faire ? On sait bien que certaines choses sont impossibles, en raison de l’état de nos finances publiques. La disposition que je propose en matière d’étiquetage ne coûte rien.

M. Thierry Benoit. C’est vrai ! C’est une question de volonté !

M. Marc Le Fur. De plus, si la loi est promulguée dès cet été, son application peut être immédiate. L’effet peut être aussi immédiat parce que le réflexe patriote jouera. Certains me rétorqueront que cela ne représentera qu’un faible pourcentage, 4 ou 5 %, mais c’est énorme, cela suffit à faire basculer les choses. Ne nous privons pas d’une des rares solutions qui soit à portée de main !

On me répondra également que cette mesure serait contraire à des règles européennes. Mais, mes chers collègues, nous n’en sommes plus là. La situation de notre pays exige que nous soyons inventifs, que nous soyons déterminés.

À l’origine, l’Europe c’était un accord entre la France et l’Allemagne, à l’un l’agriculture et à l’autre, nos amis d’outre-Rhin, l’industrie. Or aujourd’hui, l’Allemagne est en train de tout prendre, l’industrie et l’agriculture. Nous devons savoir défendre nos intérêts. Nous avons la capacité de le faire. L’étiquetage, c’est possible. Pour une fois, les intérêts des consommateurs et des producteurs sont rassemblés. Alors, saisissons cette chance.

Monsieur le ministre, vous pouvez donner votre nom à un texte sur l’étiquetage qui sera essentiel pour notre région et je suis convaincu que nous y parviendrons avec un peu de bonne volonté.

M. Thierry Benoit. Pour la postérité !

M. Marc Le Fur. J’en profite pour aborder un autre sujet, l’action de groupe, c’est-à-dire la possibilité pour des personnes qui subissent un préjudice individuel de se regrouper pour défendre leurs intérêts. Je reviendrai sur ce point en défendant un amendement. Nous allons progresser dans le domaine de la téléphonie et peut-être en matière de santé – mais c’est un autre débat que je n’aborderai pas ici. Je veux qu’on le fasse également dans le domaine des services publics industriels et commerciaux.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Eh oui !

M. Marc Le Fur. Il faut que les usagers de la ligne C du RER, par exemple, puissent se réunir et obtenir des compensations financières en cas de retards inqualifiables, même s’il s’agit d’un service public industriel et commercial, même s’il s’agit d’une grande entreprise publique.

M. Damien Abad. Excellent amendement !

M. Marc Le Fur. Il y a des tabous qu’il faut faire sauter, et nous sommes ici pour cela, mes chers collègues.

Monsieur le ministre, je pense aussi à la distribution de l’énergie et à l’eau. Je n’imagine pas que nous laissions les consommateurs, acheteurs d’eau, désarmés et ne disposant pas de l’action de groupe, qu’il s’agisse de l’eau distribuée par de grandes entreprises fermières ou de celle distribuée en régie par les communes.

L’action de groupe permettrait aussi à un certain nombre d’usagers victimes de grèves de se faire entendre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si le droit de grève existe, les victimes méritent que nous soyons attentifs à leurs préoccupations. Ils pourraient se regrouper afin que leurs intérêts soient défendus.

Le troisième sujet que je souhaite aborder est très différent. Il concerne l’agression téléphonique, terme qui est peut-être un peu excessif. Que de fois avons-nous été victimes, chez nous, souvent à l’heure du repas,…

M. Thierry Benoit. Ou du match !

M. Marc Le Fur. …d’appels répétés de personnes qui veulent nous vendre ceci ou cela !

Dans une proposition de loi qui n’a pas eu, hélas ! l’heur de plaire au président de la commission compétente, j’ai proposé il y a quelques mois, que l’on sache très clairement d’où viennent ces appels téléphoniques, s’ils résultent d’un service rendu en France ou à l’étranger.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. « Allô, non mais allô, quoi ! » (Sourires.)

M. Marc Le Fur. Le made in France peut valoir aussi pour cela. Il paraît que cette disposition reviendrait à stigmatiser je ne sais quelle population. Pas du tout ! Il s’agit seulement de savoir d’où vient l’appel, ne serait-ce que pour que le réflexe patriotique joue là aussi. Il est temps que le consommateur cesse d’être schizophrène, qu’il comprenne qu’il est aussi producteur, que ses enfants sont aussi producteurs, que l’emploi est en cause et qu’il faut protéger l’emploi français.

Je souhaite que nous progressions dans ce domaine. La crise économique que nous traversons devrait nous y inciter. À défaut d’aller si loin, je propose une mesure simple, qui devrait faire l’unanimité : que les numéros masqués disparaissent pour ce genre d’appels, ce qui permettrait que l’on sache systématiquement qui appelle. Ainsi, le consommateur, injustement dérangé ou qui veut en savoir plus sur le service qui lui est proposé, saurait qui il doit rappeler. Or, actuellement, ce n’est pas possible étant donné que les numéros sont masqués.

Telles sont les mesures simples, concrètes que je propose qui devraient recueillir, me semble-t-il, l’unanimité de cette Assemblée. Si certains débats peuvent montrer des clivages entre nous, d’autres, au contraire, constituent ce que certains ont appelé des majorités d’idées. Je vous propose ces majorités d’idées sur des sujets que je défendrai lors de l’examen des amendements. L’étiquetage est indispensable. L’action de groupe doit être créée, y compris pour les services publics industriels et commerciaux, fussent-ils en régie. Enfin, je propose que l’on sache d’où proviennent les appels téléphoniques dont sont victimes nos compatriotes. Voilà des choses simples. Sachons progresser. Démontrons, ce faisant, que l’action publique et – pourquoi ne pas le dire ? – l’action politique, peuvent concourir à améliorer, même modestement, la vie de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Bravo ! C’était du grand Le Fur !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Monsieur le ministre, alors que le pouvoir d’achat des Français ne cesse de baisser, affecté par la pression fiscale et la conjoncture économique, alors que les entreprises doivent faire face à une politique de défiance de la part du Gouvernement et à une avalanche de taxes – 13 milliards d’euros rien qu’entre juillet et l’automne dernier – ce texte paraît décalé, tant il est urgent d’accompagner le secteur économique dont les acteurs nous font régulièrement part de leurs inquiétudes dans le Nord comme dans les autres régions de France.

Lors de précédents textes relatifs à la consommation, l’ancienne majorité s’était attelée à trouver un juste équilibre entre protection des consommateurs et préservation de la compétitivité des entreprises. Ces deux pans de la consommation sont complémentaires et non opposés. Aussi, il convient de s’interroger afin de savoir si ces soixante-treize articles garantissent cet équilibre et de s’assurer qu’ils ne fragilisent pas l’activité économique, déjà mise à mal ces derniers temps.

Dans la période de crise que nous traversons, le Gouvernement n’a de cesse de répéter que sa priorité est l’emploi. Mais, ne l’oublions pas, nous n’avons rien trouvé de mieux que l’entreprise pour créer de l’emploi. Au climat de défiance à l’égard des entreprises instauré par le Gouvernement et sa majorité, donnons-nous les moyens de restaurer la confiance. Les entreprises de toutes tailles, les petites et moyennes entreprises, se battent au quotidien pour maintenir leur activité, leur savoir-faire, leur compétitivité dans des secteurs parfois très concurrentiels. Malgré de nombreux efforts en matière d’investissements, celles-ci sont de plus en plus nombreuses à être en difficulté. Cela doit nous interpeller et nous devons veiller à ne pas alourdir la barque au risque de la faire couler définitivement.

Plusieurs articles du projet de loi mettent à mal ce devoir de conciliation entre la protection légitime des consommateurs et l’efficacité économique et opèrent un véritable choc de complexification.

L’article 4, qui transpose la directive européenne relative aux droits des consommateurs, renforce les obligations générales d’information des consommateurs sur les lieux de vente : prix, principales caractéristiques, fonctionnalités, délais de livraison, mise à disposition de pièces détachées. Cet article, en créant des obligations nouvelles à la charge du vendeur professionnel,…

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Non, il n’y aura aucune obligation nouvelle !

M. Bernard Gérard. …engendrera des frais importants pour l’entreprise, des complications notamment pour les petits commerçants et le commerce de détail.

Il convient aussi de préciser qu’il n’opère pas une transposition littérale en allant au-delà de ce qu’impose la directive en termes de contraintes administratives. Pas de zèle, monsieur le ministre ! En effet, la directive autorise les États membres à ne pas appliquer la totalité de cette information précontractuelle pour certains contrats. Aussi, afin de ne pas alourdir les obligations administratives qui pèsent sur les petites entreprises, il convient de retenir cette dispense possible. En allant plus loin que ce qu’impose la directive, le Gouvernement pénalise nos entreprises en leur imposant des obligations qui n’existent pas chez nos voisins. Faisons un peu de droit comparé, regardons ce que font nos voisins pour aider leurs entreprises. La protection des consommateurs sera certes renforcée, mais au prix d’une grande complexification pour les entreprises. Il conviendrait d’y remédier lors de nos débats.

Il en va de même à l’article 5 relatif à la vente à distance sur lequel j’ai déposé plusieurs amendements. Ce secteur d’activité va très mal. Je suis député du Nord, dans une circonscription qui connaît les plus grands groupes de vente à distance. Je peux vous dire que la situation y est gravissime.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Nous les avons rencontrés !

M. Bernard Gérard. Moi aussi, et assez souvent d’ailleurs !

Dans le cadre de la vente à distance, le délai légal de rétractation passe de sept à quatorze jours. J’insisterai ici sur l’alinéa 93 de l’article 5, source d’insécurité juridique pour le professionnel comme pour le consommateur.

En effet, un vendeur peut, conformément aux dispositions du texte, se trouver amené à rembourser des biens qu’il n’a pas encore reçus, de sorte qu’il doit le faire sans avoir pu vérifier leur état, voire se trouver dans le cas de devoir rembourser des biens qui ne lui seront jamais retournés. Il est fréquent que des gens demandent le remboursement de biens qu’ils ont essayés, qu’ils ont utilisés et qu’ils retournent en mauvais état.

M. Thierry Benoit. C’est du vécu ! Je partage ce constat !

M. Bernard Gérard. Je connais assez bien le sujet et je peux vous donner de nombreux exemples.

Aussi, le risque d’insécurité juridique lié au délai de rétractation est-il réel : il convient de prendre en compte cette insécurité et de ne pas la consacrer dans la loi. Monsieur le ministre, vous l’avez vous-même reconnu lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, le 11 juin dernier. Vous avez néanmoins souligné qu’après consultation de la Commission européenne sur ce point, il est apparu qu’il n’était pas possible de toucher aux délais et que la seule possibilité consistait à jouer sur la gravité des sanctions prévues à l’alinéa 94 de l’article 5. Dès lors que le Gouvernement reconnaît qu’il y a un problème, il convient de le régler dans la loi au stade de la transposition. Jouer sur la gravité des sanctions ne règle pas le risque d’insécurité pour le professionnel, instauré par cet alinéa 93.

Dans ce sens, pour éviter tout risque, la réception effective du produit retourné et sa vérification par le vendeur devraient constituer les conditions sine qua non pour déclencher le remboursement. Une preuve de l’envoi ne devrait pas suffire à rendre le remboursement exigible. J’aimerais donc avoir des précisions à ce sujet, car nous ne pouvons nous satisfaire de la réponse qui a été donnée en commission sur ce point.

M. Thierry Benoit. C’est important !

M. Bernard Gérard. C’est très important et je pourrais vous donner de nombreux exemples, monsieur le ministre, car il y a véritablement des fraudes qui existent. Savez-vous qu’il n’y a plus une entreprise de vente à distance qui propose des robes de mariée ? Les gens les commandaient le mercredi, les mettaient le samedi et le renvoyaient le lundi.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ce n’est pas vrai. Ces ventes existent et elles se développent.

M. Bernard Gérard. Je connais bien ce sujet pour m’intéresser à ce secteur d’activité depuis des années, et je peux vous dire que tel est bien le cas.

Concernant maintenant le crédit à la consommation, la précédente majorité a beaucoup œuvré pour son encadrement, avec une obligation renforcée d’information de la part du vendeur et une plus grande prise de conscience de son engagement par le consommateur. Dans la continuité de ces travaux et comme j’avais déjà pu le souligner alors, j’accueille favorablement la volonté de créer un fichier positif,…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Bernard Gérard. …même si la rédaction du dispositif est perfectible et si son efficacité devra être jugée à l’aune de son application. Je crois qu’il faut en terminer avec ce débat qui dure depuis trop longtemps.

Je terminerai par là où j’ai commencé : la nécessité de redonner confiance à nos entreprises, créatrices d’emploi et de croissance. Depuis qu’il est à la manœuvre, le Gouvernement entretient un climat de défiance à l’égard des entreprises : ce n’est pas légitime. En augmentant le pouvoir de sanction jusqu’au paroxysme, jusqu’à une espèce de loi du Talion économique, en instaurant un formalisme excessif, voire un choc de complexification, ce texte ne sera pas sans conséquences sur toutes ces entreprises qui œuvrent au maintien de l’activité économique dans notre pays. On ne garantit pas pour autant une relance du pouvoir d’achat ou de la consommation, qui représente pourtant l’une des priorités de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, nos entreprises ont besoin de souffler. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Bravo !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Je vais essayer de répondre, même si ce ne sera pas de la manière la plus complète puisque l’examen des amendements nous amènera à approfondir un certain nombre de sujets, mais je voudrais tout de même aborder certains points : peut-être ainsi me permettrez-vous d’être plus bref quand nous discuterons des amendements.

D’abord, je veux saluer le travail des deux rapporteurs, Mme Le Loch et M. Hammadi. Nous savons ce que leur doit ce texte et ce qu’il doit au travail considérable de la commission des affaires économiques. Je veux souligner le rôle joué par le président Brottes : pas moins de deux cents amendements ont été adoptés, qui enrichissent le texte que nous examinons. Ils témoignent de l’influence de tous les groupes et je souhaite rester ouvert à la contribution de chacun, car je considère que des remarques pertinentes peuvent venir de tous les groupes, dès lors qu’elles visent à servir l’intérêt général.

Qu’il me soit permis de saluer la contribution personnelle du rapporteur M. Hammadi sur plusieurs aspects de ce texte : la création d’une procédure accélérée est une mesure importante qui muscle notre projet et ses dispositions sur le crédit ou sur le rachat d’or manquaient sans doute à ce texte. Elles viennent aujourd’hui compléter l’ouvrage initial du Gouvernement.

Mme Le Loch a insisté, comme plusieurs d’entre vous, sur la nécessité d’un équilibre dans les relations commerciales entre la grande distribution et les fournisseurs, sauf que cet équilibre, dans la réalité, n’existait plus ou n’existait plus toujours. Cette situation appelait une meilleurs effectivité de la loi : en renforçant les pouvoirs de la DGCCRF, on s’assure que les négociations commerciales se font dans l’intérêt de toutes les parties.

Nous aménageons la LME, la loi de modernisation de l’économie : nous ne modifions pas l’équilibre fondamental, mais nous l’aménageons, avec une mesure importante, la création de cette fameuse clause de renégociation obligatoire qui permettra ainsi, en particulier aux producteurs de bétail, de pouvoir tenir compte de la volatilité du coût des intrants et notamment du prix des matières premières agricoles. C’est une demande très forte des éleveurs, en Bretagne et partout en France : merci à Mme Le Loch de l’avoir rappelée.

M. Bricout, M. Chanteguet et plusieurs députés écologistes ont évoqué ce fameux changement de paradigme que nous souhaitons. Je ne prétends pas qu’à lui seul ce texte nous fasse changer de paradigme sur les modes de consommation. Pour les modifier, il faut jouer sur les comportements – le signal « prix » étant important – et aussi sur les attitudes, ce qui suppose une certaine éducation. Nous nous méfions des conséquences du développement d’un modèle low cost, pas seulement sur nos modèles sociaux, mais aussi sur la qualité de ce que nous consommons. L’affaire de la viande de cheval révèle ces menaces. L’économie low cost, ce sont aussi, au Bangladesh, ces ateliers qui s’écroulent sur des travailleurs payés au lance-pierre, dans une chaîne de sous-traitance qui doit nous amener à mesurer ce que doit être le devoir de vigilance de toutes les entreprises.

Nous nous engageons résolument dans la modification des modes de consommation à travers une mesure sur laquelle je veux dire un mot : l’encouragement de la « réparabilité ». Ce n’est pas très joli, mais je n’ai que ce terme à vous proposer. Le réflexe, quand on ramène un fer à repasser défaillant, une bouilloire défaillante, était de leur substituer un objet neuf venu de Corée ou de Chine. Il y a là une logique du tout à jeter qui n’est pas la bonne. Nous voulons en changer. Comment ? En faisant en sorte d’encourager la réparation de ces biens d’équipement sur place, grâce à des emplois non délocalisables. J’insiste sur un point, puisque M. Gérard m’y invitait : ce n’est pas une obligation nouvelle pour les entreprises. Nous disons seulement que celles qui affirment mettre à disposition des pièces détachées doivent garantir que celles-ci sont bien disponibles. Nous voulons nous assurer qu’il n’y ait pas d’allégation mensongère. Nous ne demandons pas au distributeur de disposer de la totalité des pièces détachées pour toutes les références qu’il a en magasin, mais de faire en sorte que le produit rapporté soit réparé. C’est sur la base du volontariat, il ne s’agit pas d’une obligation. L’obligation n’existera que pour ceux qui affirment disposer de pièces détachées. Il ne s’agit que de garantir l’honnêteté des offres, ce qui va dans le bon sens.

Nous ouvrons avec prudence le débat sur l’obsolescence programmée, parce que nous avons besoin de la définir. Il n’est pas dans les intentions du Gouvernement, ni dans les miennes, de remettre en cause les cycles d’innovation. Ils contribuent à créer de la croissance et de l’emploi. Je crois qu’il faut encourager l’innovation technologique et s’attacher à définir précisément ce qui relève de l’obsolescence programmée, à distinguer des cycles d’innovation.

Par ailleurs, pour combattre la tromperie économique et commerciale, nous avons des instruments. Plusieurs d’entre vous ont insisté sur l’économie d’usage, sur l’économie de la fonctionnalité : c’est un point important sur lequel le Gouvernement veut continuer à travailler.

Permettez-moi de saluer la contribution personnelle du rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Grandguillaume, sur un point important : la mobilité bancaire. Selon une étude réalisée par le ministère de l’économie et des finances, quatre Français sur dix envisageraient de changer de banque s’ils pouvaient le faire en gardant le même numéro de compte. En clair, ils redoutent toutes ces tracasseries liées à un changement de compte : il y a une série de virements automatiques qu’il faut pouvoir transférer d’un compte à un autre.

Je veux saluer la proposition de Laurent Grandguillaume, qui est de mettre en place un service de redirection obligatoire, de sorte que celui qui change de banque n’ait pas l’obligation de s’occuper de tous ces prélèvements pour sa complémentaire santé, son loyer, etc. Ce service obligatoire est un progrès que permet la loi et je m’en réjouis.

Je salue aussi le travail de Laurent Grandguillaume sur la suppression des hypothèques rechargeables : ce sont en quelque sorte nos subprimes à nous, et il y avait là un dispositif qu’il fallait remettre en question.

Le président Brottes a joué un rôle important dans l’enrichissement de ce texte, notamment sur le renforcement de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

À propos de la CNIL, nous avons tenu compte de son avis dans la construction du registre national des crédits aux particuliers, puisque celui-ci ne comportera que dix millions de noms, ce qui est proportionné à l’objectif de lutte contre le surendettement. Le Gouvernement a fait en sorte que sa proposition de registre tienne compte des observations du Conseil d’État, de la CNIL et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Le fait que la CNIL et la CNCDH se satisfassent d’un fichier qui ne sera pas de vingt-cinq millions de noms, mais de dix millions, nous encourage à avancer. Il fallait créer un instrument efficace et le mieux pouvait être l’ennemi du bien.

Permettez-moi enfin de dire un mot du travail de M. Denaja pour améliorer le dispositif sur l’action de groupe, avec la possibilité de réparation en nature et la faculté que le tiers qui pourra assister les associations soit issu d’une profession judiciaire réglementée, ce qui de facto permettra aux avocats de jouer un rôle important.

En cas de décision définitive de l’Autorité de la concurrence, le juge pourra prononcer, en première instance, des mesures de publicité et d’exécution provisoire, ce qui permet, là encore, d’avancer en faveur d’une action de groupe plus efficace.

Je vous ai répondu, madame Bonneton, à travers les remarques que je viens d’adresser à MM. Bricout et Chanteguet. Je reviendrai néanmoins sur la question de la santé : même si l’on n’étendait pas, demain, l’action de groupe à la santé et à l’environnement, sachez que si une entreprise prétendait, à travers une charte environnementale, attirer des clients par le moyen de ce que les Anglo-Saxons appellent le green washing – « je repeins en vert la façade, mais mes productions gardent un impact environnemental tout aussi négatif » –, nous pourrions d’ores et déjà nous retourner contre elle au motif d’une allégation mensongère, d’une pratique commerciale trompeuse.

Cette possibilité ne signifie pas qu’il ne faudra pas élargir le débat à la santé et à l’environnement. Je réitère ici l’engagement du Gouvernement à aller plus loin en ce sens. Marisol Touraine formulera ainsi des propositions début 2014 pour une extension du champ de l’action de groupe à la santé, comme le fait Delphine Batho pour l’environnement. Le texte, je le répète, va introduire l’action de groupe dans le code de la consommation, dispositif qui, dans le domaine de la santé, nécessitera une procédure forcément différente. En effet, un dommage de santé suppose une expertise individuelle de l’impact de l’absorption d’une molécule sur votre santé, potentiellement lié à des pathologies que vous avez pu contracter à tel ou tel âge. Il faut également être à même de vérifier le lien de causalité entre l’absorption de cette molécule et l’impact sur votre santé.

Cela suppose un examen bien plus long que ce que nous voulons mettre en œuvre ici, à savoir la réparation du préjudice économique quelle que soit son ampleur – certaines actions de groupe aboutiront à des indemnités de quelques euros quand d’autres aboutiront à une indemnisation de plusieurs milliers d’euros. Prenons l’exemple de produits financiers qui ont conduit certains clients à perdre beaucoup d’argent parce que les mises en garde ou le devoir de conseil, les obligations précontractuelles n’ont pas été respectées : on peut imaginer que l’indemnisation des consommateurs sera dans ce cas très importante.

Pour ce qui est de l’environnement, il faudra, d’un point de vue technique et juridique, travailler sur la notion d’intérêt à agir au nom de la nature, puisque le préjudice lié à une pollution peut être économique – pour un ostréiculteur ou un pêcheur qui subit une marée noire –, sanitaire, ou encore environnemental. Il faut donc travailler sur la nature de ce préjudice. C’est l’engagement pris par Mme Batho. Là encore, si nous étions allés trop vite, nous ne serions pas parvenus, je le crains, à créer l’action de groupe. Or elle sera créée dans le cadre du droit de la consommation dans les mois qui viennent et les premières actions seront déclenchées, si vous votez le texte, dès la fin 2013 ou, plus probablement, en 2014, ce dont je me réjouis. À vouloir trop attendre et à vouloir être trop parfaits, nous n’aurions sans doute pas eu d’action de groupe du tout.

Je reviens sur l’intervention de M. Benoit. Je note la diversité des points de vue sur l’action de groupe, entre les groupes de l’opposition mais également au sein du groupe UMP lui-même.

M. Damien Abad. Dans la majorité aussi, il y a des divergences !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. La diversité est en effet partout, et elle est respectable. Mon attitude est évidemment ouverte. Qui oserait s’approcher d’un micro pour se dire fermé à un amendement au seul motif qu’il est présenté par un membre du groupe UMP ou du groupe UDI ? Cela n’aurait pas de sens. La meilleure démonstration en a été faite par M. Lefebvre, mon prédécesseur, et je l’en remercie. Je n’ai pas préparé le présent texte avec la volonté de rayer les dispositions de la loi de M. Lefebvre sous prétexte que tout ce qu’il a fait était forcément sot puisqu’il appartient à un camp politique différent du mien.

Nous avons repris les travaux de la DGCCRF, ceux du mouvement consumériste, ceux des entreprises elles-mêmes, qui nous recommandent un certain nombre d’articles de ce projet de loi. Nous avons fait en sorte de bâtir un texte qui reprenne plusieurs de vos préconisations. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a aucun débat entre la gauche et la droite sur l’action de groupe, qu’il n’y a pas, sur le surendettement par exemple, des options de gauche et des options de droite. Tout ne doit pas forcément aboutir à un consensus entre la droite et la gauche, même sur les questions touchant à la consommation, et c’est heureux.

M. Frédéric Lefebvre. C’est exactement ce que je disais !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Certaines parties de votre loi, monsieur Lefebvre, se retrouvent donc dans le présent texte. Je pense notamment à la clause erga omnes sur la lutte contre les clauses abusives. Il est indispensable que le juge puisse, demain, considérer que, lorsqu’un contrat comporte des clauses abusives, celles-ci sont annulées non pas pour un seul consommateur, mais bien pour tous les consommateurs détenteurs d’un contrat identique. C’est vrai aussi pour une partie des propositions issues des services de la DGCCRF concernant ses moyens de sanction, dispositions reprises de votre texte. Nous travaillons donc sur des bases en partie communes, et des amendements pourront très bien être repris à notre compte.

Ensuite, je dirai un mot de la transposition de la directive européenne. Nous procédons pour partie à une harmonisation maximale – et à ma place, vous diriez la même chose que moi : on ne peut pas bouger –, ce qui n’est pas le cas pour une autre partie, les informations précontractuelles. Nous allons plus loin sur un point : l’obligation de mise à disposition des fameuses pièces détachées. Je considère que cette démarche…

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est un parti pris !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …est en effet un parti pris : celui de l’honnêteté. Si je choisis une marque parce qu’elle annonce que des pièces détachées seront disponibles, mais qu’elle n’est pas obligée de les mettre à ma disposition, il y a là un manque d’honnêteté, une pratique commerciale douteuse, alors que j’ai précisément choisi cette marque en pensant pouvoir faire réparer, disons, ma bouilloire – j’ai eu récemment des problèmes de bouilloire. (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Passionnant !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous améliorons donc sur ce point la directive pour apporter une garantie supplémentaire au consommateur.

Vous avez par ailleurs été nombreux à évoquer les pouvoirs de la DGCCRF, qu’il s’agisse de Mmes Dubié et Valter ou de MM. Lefebvre et Abad. Les syndicats de la DGCCRF nous ont indiqué qu’il s’agissait à leurs yeux d’un bon texte, encore faut-il savoir si l’on pourra l’appliquer, c’est-à-dire procéder aux contrôles sur le terrain car que constate-t-on depuis cinq ans ? La RGPP et la REATE ont conduit à la diminution des effectifs et surtout des effectifs sur le terrain, en même temps que s’élevait le niveau des exigences vis-à-vis de la DGCCRF. Aussi nos agents sur le terrain sont-ils amenés à être de plus en plus polyvalents, polyvalence qui s’exerce parfois, lorsque les équipes sont moins nombreuses, au détriment de la qualité du contrôle. Bref, on effectue des contrôles, et des contrôles plus courts et donc plus superficiels.

Mon objectif était d’interrompre cette baisse des effectifs. Nous les avons ainsi stabilisés en 2013 alors que la DGCCRF, comme toutes les administrations, aurait dû être mise à contribution dans le cadre de la réduction générale des effectifs – alors qu’on créait des postes dans l’éducation nationale et la police. Et je m’assigne comme objectif pour 2014, par le biais de l’organisation territoriale des services et par le biais du projet de loi de finances pour 2014,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Et pourquoi pas à travers un projet de loi de finances rectificative ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …d’augmenter les moyens de la DGCCRF sur le terrain.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. On peut applaudir, c’est énorme ! (M. le rapporteur applaudit.)

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je me fixe des objectifs raisonnables, réalistes.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Que de chemin parcouru !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’espère – je ne veux pas chanter victoire trop tôt – que nous obtiendrons ces moyens.

M. Benoit a évoqué un point très important : l’extraction de pierres naturelles dans le cadre des indications géographiques protégées. Mme Boyer a prononcé une allocution très longue et très fournie sur les IGP, tout comme Mme Marcel, sans oublier l’intervention remarquable du président Chassaigne sur le sujet. Je suis ouvert à cette question de l’extraction des pierres naturelles. En lien avec le cabinet de Mme Pinel, nous vous ferons des propositions qui obtiendront, j’espère, l’assentiment du rapporteur.

J’ai un désaccord avec vous, et j’espère vous convaincre, sur le « client mystère ». Pourquoi voulons-nous que l’agent de la DGCCRF puisse aller au bout d’un acte d’achat ? Aujourd’hui, 45 milliards d’euros de produits sont vendus à distance. Savez-vous combien les Français ont dépensé pour acheter des produits en ligne, rien que pour les dernières fêtes de Noël ? Pas moins de 9 milliards d’euros. Or nous savons qu’il y a de la triche sur Internet et que les premiers à en abuser ne sont pas les entreprises, mais les consommateurs eux-mêmes.

Nous voulons faire en sorte que le service national des enquêtes, dont les cyber-enquêteurs sont basés à Morlaix – j’aperçois le député de Loudéac et, non loin de lui, celui de Fougères –, puisse enquêter et aller au terme d’un acte d’achat pour débusquer tous ces sites qui vendent des produits – sans en livrer s’ils se contentent d’encaisser un paiement – et s’adonnent à la tromperie sur Internet.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous sommes bien d’accord !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. De ce point de vue, MM. Benoit et Morin ont mentionné le tracking des IP, qui permettrait à certains vendeurs d’augmenter le prix auquel un article vous est proposé si vous avez acheté un produit onéreux précédemment. C’est pourquoi les agents de la DGCCRF ont besoin de la possibilité d’aller au bout d’un acte d’achat.

Concrètement, nous devons veiller à ce que la loi s’applique, notamment sur un point qui figure déjà dans la loi Lagarde et va être renforcé par le présent texte, à savoir l’obligation pour un vendeur ou un agent commercial d’un établissement de crédit de proposer, pour un achat de plus de mille euros, soit un crédit renouvelable, soit un crédit amortissable. Si je suis agent de la DGCCRF et que je me rends sur place pour vérifier que la loi est bien appliquée vis-à-vis du client et que je décline mes fonctions en montrant ma carte bleu-blanc-rouge, je suis à peu près certain que le vendeur va me lire les dispositions légales jusqu’au dernier astérisque. Si, en revanche, je peux, toujours en tant qu’agent, acheter un produit pour vérifier tout simplement que la loi est respectée, le fait de ne pas avoir à faire état de mes fonctions est déterminant. C’est pourquoi nous voulons donner ce pouvoir à la DGCCRF.

Mme Dubié, entre autres, a évoqué la question des déliaisons, je pense aux cartes confuses, comme ces cartes de fidélité qui sont aussi des cartes de crédit. De nombreux professionnels se sont d’ores et déjà engagés à proposer systématiquement, en pareil cas, une carte de fidélité dite « nue », qui est seulement une carte de fidélité.

La création du registre national du crédit aux particuliers et le fait que nous allons proposer la fermeture des lignes dites dormantes au bout d’un an – lorsqu’on a une ligne de crédit à la consommation non utilisée depuis un an, elle est fermée – permettront la déliaison effective des cartes de fidélité et des cartes de crédit, car il n’y aura plus beaucoup d’intérêt à proposer une carte de fidélité associée à une carte de crédit.

J’ai entendu vos réserves, madame Bonneton, sur le registre national du crédit aux particuliers. J’essaierai, au cours de la discussion, de vous convaincre et si je n’y parviens pas ce sera ma faute. Nombreux sont ceux qui ont fait valoir qu’un tel dispositif n’a pas arrêté le surendettement là où il avait été mis en œuvre. C’est vrai, mais la situation diffère d’un pays à l’autre : un dossier d’endettement en Belgique est de 20 000 euros en moyenne, alors qu’il est de 40 000 euros en France. L’objectif est de détecter de manière plus précoce la personne qui risque de basculer dans le surendettement et de mieux traiter son cas.

L’un des effets du registre national du crédit aux particuliers sera peut-être une augmentation du nombre de dossiers gérés par la Banque de France car, grâce au registre, nous aurons fait en sorte de détecter plus tôt les familles exposées au surendettement.

M. Lionel Tardy. Mais dans ce cas il est déjà trop tard !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce registre fait débat y compris au sein de ma propre famille politique. Je vous concède d’ailleurs que, lorsque je suis devenu ministre délégué chargé de la consommation, je n’étais pas convaincu de son utilité. C’est en travaillant avec des mouvements comme Crésus, le Secours populaire français, le Secours catholique – qui sont en contact avec des ménages surendettés –, mais aussi en examinant la proposition de loi de M. Lagarde et du groupe UDI, ou encore en recueillant de nombreux avis, que j’ai été peu à peu convaincu de vous faire cette proposition. Elle rejoint l’engagement du Premier ministre à l’issue de la conférence de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Elle correspond également à un engagement du Président de la République et je suis heureux que la majorité socialiste et au-delà puisse mettre en œuvre cet engagement fort.

J’ajoute que le président Sarkozy s’était également prononcé pour. En février 2012, à l’occasion d’une très belle émission de télévision, du moins d’une émission de Jean-Pierre Pernaut (Sourires), il annonçait en effet qu’il ferait le registre national des crédits. Cet engagement a été pris à quelques mois de l’élection présidentielle.

Je ne me permettrais pas de faire à votre place l’inventaire du sarkozysme, mais la référence à Nicolas Sarkozy peut contribuer à vous convaincre, et je dois dire qu’elle est utile. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Si vous ne voulez plus que je parle de Nicolas Sarkozy, j’arrête...

M. Damien Abad. Seriez-vous devenu sarkozyste, monsieur le ministre ?

M. Marc Le Fur. Encore un effort, monsieur le ministre !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. M. Lefebvre est tout ému !

M. le président. Mes chers collègues, seul M. le ministre a la parole.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. S’agissant des indications géographiques protégées, M. Chassaigne, Mme Marcel et Mme Boyer me permettront de leur faire une réponse commune. Il s’agit effectivement d’un dispositif important, que nous n’avons pas trouvé comme cela, en suspension dans l’air, puisque d’aucuns y avaient travaillé auparavant. Il doit nous permettre de valoriser la qualité de nos procédés de fabrication et de nos savoir-faire, en associant un territoire, un savoir-faire et une histoire. Il faut que demain, on considère qu’il est justifié de payer un peu plus cher pour avoir un savoir-faire unique, lié à un territoire.

Les IGP n’ont évidemment pas pour objet de mettre les territoires français en concurrence les uns avec les autres, mais de lutter contre la concurrence déloyale de ceux qui font, par exemple, des couteaux Laguiole en provenance de Chine ou de la porcelaine de « Limoge » – sans « s ». On recense environ quatre-vingts IGP aujourd’hui, et des dossiers continuent d’arriver. Je souhaite que, de la faïence de Quimper jusqu’à la dentelle du Puy ou de Calais, en passant par les santons de Provence,…

M. Damien Abad. C’est très bien, les santons de Provence !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …nous avancions dans ce domaine. Nous allons mettre en place un dispositif assez simple : désormais, tout territoire souhaitant être informé de la volonté d’une enseigne de déposer un nom de territoire sous la forme d’une marque pourra, en se signalant à l’Institut national de la propriété industrielle, obtenir un message automatique d’information, grâce au système dit push, qui vous permet aussi de recevoir régulièrement des notifications sur votre smartphone. Les territoires seront ainsi informés de la volonté d’une marque de déposer le nom d’une localité sous la forme d’une marque. Grâce aux IGP, nous allons protéger nos savoir-faire et nos productions. C’est l’une des facettes – Mme Besse l’évoquait tout à l’heure – du made in France, et il est clair qu’à travers le label Origine France et les IGP, nous travaillons à la valorisation de nos productions nationales et locales.

M. Frédéric Lefebvre. Vous pouvez citer à nouveau M. Sarkozy, ici !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Si M. Accoyer l’avait mieux lu, il aurait vu que ce texte va maintenir et créer de l’emploi. À ce propos, je tiens d’ailleurs à souligner que l’INSEE, l’Institut Coe-Rexecode et le Gouvernement n’ont pas la même appréciation que lui sur la différence de coût horaire du travail entre l’Allemagne et la France. Il vient en effet d’être noté par l’INSEE que le coût horaire du travail, dans l’industrie, est aujourd’hui plus faible en France qu’en Allemagne, grâce au CICE.

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Marc Le Fur. Cela dépend des filières !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Coe-Rexecode, un institut proche du MEDEF, ce qui doit être une garantie pour vous. Il ne m’arrive pas souvent de citer Nicolas Sarkozy et Coe-Rexecode dans la même intervention… (Sourires.)

Je veux revenir aussi sur l’intervention très longue de Marc Le Fur sur la traçabilité, qui mérite discussion. Je suis absolument d’accord avec tout ce qui a été dit, mais le petit problème, c’est que cela ne relève pas de la loi française, mais d’un règlement européen, et nous ne pouvons pas anticiper, dans la loi française, sur l’évolution de ce règlement européen.

M. Marc Le Fur. On l’a fait !

Mme Marie-Christine Dalloz. Absolument ! On l’a fait dans certaines filières !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous l’avons fait de manière volontaire, mais ce que nous risquons, ici, c’est tout simplement un manquement à la législation et aux traités européens. Je vous le dis très simplement.

M. Marc Le Fur. Pour la viande bovine, nous l’avons fait !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Une négociation est en cours !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Connaissez-vous l’agenda européen ? Nous avons aujourd’hui un vrai problème – pardon de le dire, j’espère que je n’effraierai personne –…

M. Régis Juanico. Oh la la !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …avec la Commission européenne. J’ai rencontré le commissaire Tonio Borg, en charge de ces questions, et j’ai compris qu’une fois les lumières des projecteurs éteintes sur la question de la viande de cheval, tout le monde revenait à une lecture du traité limitée aux questions de concurrence libre et non faussée. Comme si la traçabilité de la viande affectait les conditions dans lesquelles un certain nombre de pays pourraient mettre leur viande sur le marché !

Nous avons un problème d’appréciation, premièrement sur le contenu des traités, et deuxièmement sur ce qu’est l’intérêt général européen. Nous considérons, pour notre part – je crois que le ministre de l’agriculture fait beaucoup en ce sens et que vous le rejoindrez sur ce point – que nous devons, certes, connaître l’origine de la viande fraîche, et pas seulement celle du bœuf, mais aussi celle du porc, de la volaille, du mouton, des chèvres, et même des ânes, mais que la traçabilité de la viande doit s’étendre aux produits préparés et à la viande comme ingrédient, de façon que demain le consommateur soit informé.

M. Frédéric Lefebvre. Tout à fait !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Qu’avait fait le précédent gouvernement ? Il avait soutenu le principe d’un rapport de la Commission européenne sur ce sujet, qui devait être rendu en décembre. Nous avons demandé que la publication de ce rapport soit avancée à cet été, et que la Commission européenne n’attende pas le renouvellement de son mandat pour nous faire une proposition législative. Vous savez que c’est la pire année, puisque si nous tardons trop, compte tenu du renouvellement du Parlement européen et de la Commission européenne, nous ne sommes pas près de voir se produire une évolution de la législation européenne.

Nous avons donc demandé – et je suis moi-même allé à Bruxelles dans ce but – aux commissaires Antonio Tajani, Tonio Borg et Michel Barnier d’avancer sur ce dossier. On nous a répondu que le collège des commissaires, autour de M. Barroso, prendrait une décision. J’attends, nous allons voir. Je pense que la pression que nous exercerons ensemble sera utile, et que le Parlement européen est d’accord avec nous, mais il manque incontestablement aujourd’hui des pays pour nous soutenir sur une mesure…

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Dont l’Allemagne !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …dont je répète qu’elle est indispensable. Je suis heureux, cependant, que l’agroalimentaire français, une grande partie des enseignes de la grande distribution, ainsi que les producteurs se soient entendus au sein d’un groupe de travail, que nous avons réuni autour de Guillaume Garot, Stéphane Le Foll et moi-même, pour engager l’étiquetage volontaire de la viande de bœuf de France, de la volaille de France, de la viande porcine de France, comme une réponse française, sur la base du volontariat, à la crise de la viande de cheval. Cette affaire, néanmoins, est loin d’être terminée : les professionnels ont certes pris des engagements, mais il faut encore travailler pour obtenir une évolution de la législation européenne et du règlement INCO.

M. Damien Abad. Faites une coopération renforcée !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous débattrons de cela, mais permettez-moi de vous dire que j’apprécie de voir que tout le monde, sur ces bancs, est mobilisé sur cette question.

Frédéric Barbier est intervenu sur les moyens de la DGCCRF et a également posé la question de la résiliation des abonnements pour les chaînes cryptées. Je sais que ce sujet lui tient à cœur et nous aurons l’occasion d’en parler. Je tiens à saluer le rôle important qu’il a joué dans la coordination du travail de la majorité : c’est un rôle toujours difficile et important. À mes yeux, c’est à bien des égards grâce à lui que nous avons pu construire un texte aussi équilibré et aussi utile au consommateur.

M. Razzy Hammadi, rapporteur, et M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis. Bravo !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Abad, vous êtes, avec Mme Vautrin et M. Lefebvre, l’un de mes premiers interlocuteurs sur ce texte du côté de l’UMP…

M. Régis Juanico. Et M. Tardy ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. M. Tardy aussi.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. En cent quarante signes !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le pouvoir d’achat, dont M. Accoyer a également parlé, a incontestablement baissé en 2012, et en réalité dès 2011. Il a baissé pour une raison simple : les augmentations d’impôts…

M. Marc Le Fur. Le vrai problème de la perte de pouvoir d’achat, ce sont les heures supplémentaires !

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis. Et le bouclier fiscal ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Une hausse d’impôts de 20 milliards, dont 7 milliards sont dus à des textes, collectifs budgétaires et lois de finances, postérieurs au mois mai 2012, et 13 milliards à des textes antérieurs à cette date. Si le pouvoir d’achat a baissé, c’est à cause de ces hausses d’impôts votées successivement par vous, et par nous. Cela ne nous exonère pas d’une responsabilité directe, et cela nous oblige à trouver une réponse au problème du pouvoir d’achat.

Il y a deux manières d’augmenter le pouvoir d’achat des Français : premièrement, en faisant en sorte que ce qui rentre dans leur poche – salaires et pensions – augmente ; deuxièmement, que ce qui sort de leur poche diminue. C’est là tout le volet des dépenses contraintes. Permettez-moi de vous dire que, s’agissant de ces dépenses contraintes, nous agirons sur l’encadrement des loyers – vous ne l’aviez pas fait –, nous agirons sur la tarification de l’énergie, grâce à M. Brottes – vous ne l’aviez pas fait –, et nous agissons déjà sur les assurances. J’ai hâte, d’ailleurs, qu’entre en vigueur la possibilité pour l’assuré, de résilier, au bout d’un an, ses contrats d’assurance à la date qu’il aura choisie : cela représente 5 % des dépenses des ménages, ce qui est considérable.

M. Damien Abad et M. Marc Le Fur. Cela fera monter les prix !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous assure que la concurrence fait parfois baisser les prix. Il est étonnant que ce soit moi qui le dise à un libéral ! Elle n’est pas toujours une bonne chose, mais elle peut être utile dans certains cas.

En tout cas, monsieur Abad, j’ai un point de désaccord avec votre texte, qui reprend l’architecture de celui de M. Lefebvre : je pense que, sur un certain nombre de mesures sectorielles, on court après des évolutions qui sont inhérentes au secteur. Je pense par exemple au projet que vous aviez de réduire, pour les forfaits mobiles, la durée des engagements de deux ans à douze mois. En réalité, aujourd’hui, 50 % des forfaits mobiles sont sans engagement de durée, et on voit que l’arrivée d’un nouvel opérateur a eu des effets beaucoup plus rapides que ceux que la loi aurait pu avoir.

De la même manière, le gouvernement précédent voulait construire un forfait social mobile à dix euros de l’heure. Il aurait immédiatement été, non pas ridiculisé, mais presque, par Free, qui propose un forfait à deux euros les deux heures. On voit bien qu’en matière de réglementation sectorielle, à trop vouloir faire du sectoriel, on prend du retard sur l’évolution des marchés,…

M. Frédéric Lefebvre. Quel défenseur des marchés !

M. Damien Abad. C’est un vrai sarkozyste !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. …d’où la volonté de donner à la loi une architecture structurée autour de grands droits transversaux.

Nous débattrons bientôt de l’article 1er, et je vois le président Brottes qui commence à froncer les sourcils à cause de la durée de mon intervention… Nous débattrons de l’action de groupe, mais il y a déjà un débat entre vous, puisque la proposition de M. Abad et celle de M. Lefebvre ne sont pas les mêmes.

M. Frédéric Lefebvre. Votre proposition et celle de M. Hammadi ne sont pas les mêmes non plus, puisque M. Hammadi a créé sa propre action de groupe !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je retiendrai une proposition de M. Serville et je ferai écho à plusieurs remarques qui ont été faites sur ce sujet. Mme Got a eu tout à fait raison de dire qu’en encadrant l’action de groupe et en la confiant à des associations nationales de consommateurs – il y a seize associations agréées – nous éviterons les actions de groupe fantaisistes, à l’initiative d’associations créées ad hoc, qui attenteraient à la réputation des entreprises.

M. Marc Le Fur. Il faudrait aussi associer des associations d’usagers !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je ne veux pas que, demain, une entreprise qui travaille bien voie sa réputation et son image remises en cause parce qu’une association de consommateurs, instrumentalisée par un concurrent, aurait déclenché une action de groupe.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. D’où le verrou des associations nationales de consommateurs. Pour les usagers d’eau, monsieur Le Fur, il n’est pas interdit par l’action de groupe de se retourner contre une société, que son capital soit public ou privé. Nous tâcherons donc de satisfaire à vos demandes.

M. Marc Le Fur. Et les transports en commun ?

M. Damien Abad. Que dit le Conseil d’État ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’en finis. Le répertoire national des certifications professionnelles doit beaucoup au travail de M. Jean-Christophe Lagarde. Cela fait longtemps qu’il travaille sur ce registre national des crédits particuliers : il faut rendre à César ce qui est à César. L’UDI n’est pas le seul groupe à avoir travaillé sur ce sujet, mais il y a travaillé, et considérablement.

M. Thierry Benoit. Il y a une antériorité de dix ans !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Mme Grommerch, M. Fasquelle et M. Cinieri ont soulevé des points importants. Qu’est ce qui va changer avec Pacitel ? Étaient jusqu’ici inscrites sur un fichier un million de personnes ne souhaitant pas être dérangées le soir au téléphone lorsqu’elles regardent le match, pour reprendre les mots de M. Benoit. (Sourires.)

M. Thierry Benoit. Ah oui ! Surtout si c’est un derby !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Mais une entreprise qui achetait un fichier pour faire du démarchage commercial n’était pas obligée de croiser ce fichier avec le fichier Pacitel. Désormais, ce sera obligatoire. Et, toujours en matière de démarchage, je suis ouvert à l’obligation de pouvoir identifier le numéro de l’appelant.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Techniquement et juridiquement, monsieur Le Fur, il faudra voir avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP comment il convient de procéder. Je suis ouvert et cela ne me semble pas insurmontable.

M. Frédéric Lefebvre. Je vois que vous revenez à de bonnes dispositions par rapport au Sénat !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. S’agissant des restaurants, je préfère à la proposition de M. Fasquelle l’approche du Gouvernement et des parlementaires de la majorité.

Mme Annie Genevard. Non !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Pourquoi ? Parce que remettre en cause le label « Restaurant », c’est punir. Et vous allez complexifier les choses en vérifiant qui prépare ses repas et qui ne les prépare pas. Ce que nous proposons, c’est que ceux qui « font maison », c’est-à-dire ceux qui préparent leurs plats en cuisine à partir de produits bruts, aient la possibilité d’afficher un label nouveau.

M. Frédéric Lefebvre. Le label « Artisan restaurateur », ça existe déjà !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous propose la simplicité, là où vous proposez la complexité. J’espère que vous serez sensibles à notre proposition. Nous n’avons pas voulu récupérer votre proposition – même si je n’ai pas de difficulté à récupérer les bonnes idées quand elles sont bonnes – mais l’améliorer.

Nous avons assisté à un débat très intéressant entre M. Kemel et M. Tardy sur la notion de droit dynamique. À travers la notion de « juste échange », évoquée par M. Kemel, ce que nous voulons dire, c’est qu’il existe un rapport de force entre le consommateur et l’entreprise. Sinon, il n’y aurait pas de droit de la consommation. Ce droit, comme le dit l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est l’expression de la volonté générale. Or l’expression de la volonté générale est le fruit d’un rapport de force.

Nous prenons donc acte que les consommateurs n’ont pas toujours les mêmes intérêts que les entreprises : il y a des rapports de force, donc il y a du droit, donc il y a un code de la consommation. Il peut y avoir une vision de gauche et une vision de droite sur ces questions, mais je suis heureux que ce débat ait pu avoir lieu.

Mme Boyer a évoqué la question des photos retouchées. À mon avis, cette pratique consistant à associer une apparence extérieure aux vertus d’un produit tel qu’une crème tombe sous le coup de l’article L. 121-1 du code de la consommation sur les pratiques commerciales trompeuses. Ce n’est toutefois pas simple, car certaines photos se contentent de suggérer. Dès lors, s’agit-il d’allégations mensongères ? Il faudra sans doute travailler là-dessus.

Par ailleurs, la loi Duflot abordera le sujet des marchands de listes afin d’encadrer cette pratique afin que l’on ne découvre pas, après avoir acheté une liste, que le bien que l’on voudrait visiter a déjà été loué. C’est un point important qui répondra à la préoccupation de Mme Boyer.

Enfin, qu’elle se rassure : nous avons longuement consulté les savonniers de Marseille sur les IGP ! (Sourires.)

J’ai été un peu long, et sans doute n’ai-je pas cité tout le monde, pardonnez-m’en. En conclusion de cette discussion générale, sachez que je suis ouvert. Il y a matière à travailler. Nous allons commencer avec l’action de groupe, et j’espère qu’elle pourra être votée dès ce soir. Ce serait un pas important pour les consommateurs français qui sauront que dans quelques mois, ils disposeront enfin de la voie de recours collectif qui leur manque, ce progrès qu’il est nécessaire d’accomplir ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thierry Benoit. Merci pour les réponses !

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet relatif à la consommation.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)