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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 23 avril 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Économie verte

M. Bertrand Pancher

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Protéines animales

M. Jean-Louis Roumegas

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Mariage pour tous

M. Philippe Gosselin

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Stratégie économique

M. François Brottes

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

M. le président

Mariage pour tous

Mme Pascale Got

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Pouvoir d’achat

M. Thierry Braillard

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Insécurité dans les transports en Île-de-France

Mme Valérie Pecresse

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Morale laïque

Mme Françoise Dumas

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Mariage pour tous

M. Étienne Blanc

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Contrat de génération

Mme Sylvie Tolmont

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Politique économique

M. Dominique Dord

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Vie chère outre-mer

Mme Hélène Vainqueur-Christophe

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Budget de la défense

M. Alain Marty

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Aide personnalisée aux élèves en difficulté

M. Patrick Hetzel

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Taxe foncière dans les DOM

M. Alfred Marie-Jeanne

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Suspension et reprise de la séance

2. Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Vote solennel

Explications de vote

M. Bernard Roman, M. le président, M. Hervé Mariton, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Noël Mamère, M. Alain Tourret, Mme Marie-George Buffet, M. le président

Vote sur l’ensemble

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

3. Déclaration du Gouvernement, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur le programme de stabilité de la France pour 2013-2017, débat et vote sur cette déclaration

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

M. Bruno Le Roux

M. Hervé Mariton

M. Philippe Vigier

Mme Eva Sas

M. Paul Giacobbi

M. Nicolas Sansu

M. Christophe Caresche

Mme Valérie Pecresse

M. Éric Alauzet

M. Jacques Bompard

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Alain Chrétien

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes

M. Pierre Moscovici, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Explications de vote

M. Dominique Lefebvre, M. Hervé Mariton, M. Philippe Vigier, M. Éric Alauzet, M. Paul Giacobbi, M. Nicolas Sansu

Vote sur la déclaration du Gouvernement et levée de la séance

M. le président

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Économie verte

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Elle concerne les conditions de développement de l’économie verte, qui réconcilie notre souci de créer beaucoup d’emplois et celui de transmettre demain à nos enfants un monde enfin équilibré. Cette économie ne peut se construire que si nous mettons en place une vérité des prix, incluant dans nos productions les coûts sociaux et environnementaux.

En 2008, la présidence française de l’Union européenne avait porté sur les fonds baptismaux un paquet de mesures très volontaristes, le « trois fois vingt », reposant notamment sur un marché d’échange de carbone. Du fait de la récession, ce marché, qui devait avoisiner les 30 euros la tonne, s’est effondré pour atteindre 5 euros récemment. Il n’y a plus de signal-prix pour encourager les productions de demain.

Face à cette situation, le Parlement européen avait demandé à la Commission d’agir, et celle-ci avait proposé de reporter 900 millions de quotas de CO2 vers la fin de la troisième période des enchères, en 2020, afin de rééquilibrer ce marché. Malheureusement, ces derniers jours, une coalition hétéroclite de parlementaires européens a rejeté la proposition de la Commission européenne, et le prix de la tonne de CO2 est passé de 5 à 3 euros.

Alors que nous allons accueillir en 2015 la conférence sur le réchauffement climatique, et que beaucoup de pays du monde, comme l’Australie, la Chine, la Corée du Sud, l’Inde ou la Californie, ont voulu prendre modèle sur l’Europe, cette décision est catastrophique. Je voulais donc vous demander comment le Conseil européen allait maintenant se mobiliser, et notamment la France.

Je voulais aussi profiter de la présence des dirigeants des principaux partis politiques français dans notre hémicycle, pour les prier instamment de travailler avec leurs parlementaires européens, afin de revenir au plus vite sur une décision qui va ruiner tous les minces espoirs que nous pouvions avoir de rendre notre planète plus accueillante et de développer enfin l’emploi pour demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député Bertrand Pancher, vous avez raison de souligner que les conditions du marché de carbone européen ont évolué, et particulièrement le système européen de quotas de CO2, qui a vu le cours de la tonne s’effondrer à moins de 5 euros, puis 3 euros il y a quelques jours.

Nous regrettons vivement, tout comme vous, le vote négatif du Parlement européen sur la proposition de la Commission européenne de geler des quotas carbone mis aux enchères d’ici 2020. Cette proposition avait pour objectif de relever le prix du quota de CO2 et de rétablir un marché du carbone européen. La France, avec une dizaine d’autres États, soutient activement la proposition de la Commission européenne. Le marché européen de carbone doit être réformé pour devenir un véritable outil, au service de la lutte contre le réchauffement climatique.

Le débat ne s’arrête pas là : il va se poursuivre au sein de la commission de l’environnement du Parlement européen, où la France continuera à être une force de proposition. Il faut maintenant mener des réformes structurelles pour soutenir le marché.

Lors de la conférence environnementale, le Président de la République a fixé l’objectif de réduction des émissions de CO2 de 40 % en 2030, puis de 60 % en 2040. La France invite ses partenaires à la rejoindre et Delphine Batho, actuellement retenue à un conseil informel des ministres de l’environnement et des ministres de l’énergie de l’Union européenne, ne manque pas de prendre des initiatives ; elle en prendra notamment lors du conseil européen du 22 mai prochain.

Elle fera des propositions de réforme des marchés carbone dans les mois à venir, condition nécessaire pour réussir la transition énergétique et écologique, et surtout pour trouver les moyens et les leviers d’une nouvelle croissance assise sur l’enjeu environnemental.

Protéines animales

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour le groupe écologiste.

M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur le ministre de l’agriculture, la Commission européenne a décidé d’autoriser à compter du 1er juin 2013 la réintroduction des protéines animales transformées, interdites suite à la crise de la vache folle.

La commission des affaires européennes du Sénat, par un vote unanime, a souhaité la mise en place d’un moratoire sur la réintroduction de farines animales dans l’alimentation des poissons d’élevage. À l’Assemblée nationale, la commission des affaires européennes s’est divisée sur les solutions juridiques.

Depuis quinze ans, et la crise de la vache folle, aucun élément nouveau justifiant la réintroduction des farines animales n’est apparu.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation a insisté sur la nécessité d’une « parfaite étanchéité des filières produisant et utilisant les protéines animales transformées. » Or « aucune méthode permettant d’identifier les espèces animales entrant dans la composition des PAT » n’existe à ce jour selon cette même Agence. Le manque de moyens de contrôle justifie donc à lui seul le maintien de l’interdiction de ces farines. Seule cette interdiction nous protège de nouvelles crises sanitaires.

Le Président de la République a déclaré lors de son passage au salon de l’agriculture le 23 février : « La France n’introduira pas ces protéines animales pour ce qui la concerne. »

Dès lors, monsieur le ministre, au nom du principe de précaution, au nom des écologistes mais aussi de tous les élus soucieux de répondre à l’inquiétude des populations, pourriez-vous clarifier votre position sur la perspective d’un moratoire ? Comment imaginer qu’il n’existe aucune disposition juridique capable de nous protéger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, vous avez évoqué les protéines animales, sujet différent de celui des farines animales. Vous le savez, la Commission européenne a fait une proposition, et un vote s’est tenu à l’échelle européenne. La position de la France a été claire : nous avons voté contre l’introduction des protéines animales pour l’alimentation des poissons, adoptée à l’échelle européenne. Ce vote s’est appuyé sur le fait qu’aucun risque sanitaire n’a été évalué ni mesuré dans ce domaine. Pour autant, la règle européenne autorise donc le recours à ces protéines animales.

Quelle va être la position de la France ? Vous évoquez la question du moratoire, mais il n’existe aucune base juridique pour mettre en place un moratoire sur ce sujet.

Toutefois, l’ensemble des professionnels de la filière aquacole en France, qui propose des produits de nos régions, se sont engagés à ne pas avoir recours aux protéines animales, ce qui offre d’ailleurs l’occasion de valoriser les productions agricoles et alimentaires françaises.

Telle est la réponse que nous apporterons à une décision prise à la majorité à l’échelle européenne : mettre en place une stratégie de valorisation de nos filières qui n’auront pas recours aux protéines animales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mariage pour tous

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Merci mes chers collègues !

Ma question s’adresse au Premier ministre et concerne, vous vous en doutez, le projet de mariage faussement dit « pour tous. »

Depuis des mois, le Président de la République se cache derrière son élection pour prétendre que, pendant la campagne, les Françaises et les Français ont validé son programme.

Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

M. Philippe Gosselin. Non ! Au nom de cette élection, il a refusé d’organiser des états généraux, puis un référendum. Et il a refusé, indirectement en tout cas, la saisine du Conseil économique et social.

Il s’appuyait sur des sondages positifs, mais tel n’est plus le cas. Les Françaises et les Français disent « non » au projet de mariage et d’adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thomas Thévenoud. Il sera voté !

M. Philippe Gosselin. Aujourd’hui, alors que la situation économique de notre pays est catastrophique, alors que les chiffres de l’emploi sont très mauvais, alors que chaque jour il y a plus de 1 300 demandeurs d’emploi supplémentaires, il est urgent de réunir et de cesser de cliver, de diviser les Français. La seule guerre qui vaille est la bataille économique, la bataille de l’emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

À deux heures du vote solennel, nous voulons vous redire, monsieur le Premier ministre, que ces Françaises et ces Français ne veulent pas de ce projet qui les inquiète.

M. Thomas Thévenoud. Égalité !

M. Philippe Gosselin. Ils ne veulent pas de la PMA, ils ne veulent pas de la gestation pour autrui par la suite, ils ne veulent pas de cette logique de l’enfant à tout prix. C’est cela qui effraie les Françaises et les Français !

Ne restez pas sourds à ces villes et à ces campagnes qui grondent ! Dès le vote de la loi, nous irons déposer un recours au Conseil constitutionnel. Les griefs sont très nombreux ! Alors, monsieur le Premier ministre, demandez donc au Président de la République de retirer ce projet tant qu’il en est encore temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – « Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Les députés sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Gosselin, vous savez pertinemment que vous ne parlez pas au nom de tous les Français. (« Vous non plus ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Les Français sont nombreux à accepter cette grande avancée, cette grande réforme de société.

Vous avez été assidu à nos travaux en première comme en seconde lecture ; par conséquent vous savez probablement mieux que personne ce que contient ce texte : il ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. Les autres sujets sur lesquels vous voulez continuer à faire diversion ne sont pas soumis cet après-midi au vote solennel de l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et écologiste.)

Nous avons travaillé ensemble, et l’Assemblée a bien enrichi, ainsi que le Sénat, ce texte qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. Il permet à ces couples, au-delà de l’union libre et du pacte civil de solidarité, de construire un projet conjugal et un projet parental. C’est un texte généreux, d’égalité, qui ouvre une grande et belle institution républicaine à certains de nos concitoyens dont la citoyenneté n’était pas pleinement reconnue.

Je ne doute pas une seconde qu’indépendamment du jeu qui a eu lieu ces dernières semaines,… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

MM. Philippe Meunier, Philippe Cochet et Julien Aubert. Ce n’est pas un jeu !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …vous qui êtes un législateur et aussi un maire, vous aurez à cœur de faire œuvre de pédagogie. Si cette loi est adoptée tout à l’heure, elle deviendra une loi de la République, et je ne doute pas que vous vous assurerez que les lois de la République soient appliquées sur l’ensemble du territoire. Ainsi, vous participerez à la grande œuvre en faveur de l’égalité engagée par ce Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Stratégie économique

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. François Brottes. Monsieur le Premier ministre, lorsqu’un commentateur sportif analyse le jeu d’une équipe, il ne se contente pas de parler seulement de la couleur du maillot, de la taille des crampons, de la tactique envisagée, de la santé ou du tatouage des joueurs, ou encore de l’enthousiasme des supporters. En fait, il parle de tout. Il sait que c’est l’ensemble qui compte, et qui permet de jouer la gagne.

Monsieur le Premier ministre, sous l’impulsion du Président de la République, vous êtes le capitaine de l’équipe de France de la croissance à venir et de l’emploi à retrouver. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Le terrain est difficile. Les vents contraires sont puissants. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les supporters encouragent trop souvent les adversaires. Et les commentateurs s’intéressent plus à ce qui se passe dans les vestiaires qu’à ce qui se déroule sur le terrain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mais notre majorité construit, loi après loi, les alternatives. Bien sûr, chaque mesure prise isolément ne peut faire le match à elle seule. Mais tous les commentateurs n’ont pas le talent des journalistes sportifs pour faire une analyse complète. Il y a un cap, une cohérence. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ceux qui en doutent encore doivent retrouver le chemin de la bonne foi et sortir des vestiaires. (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. François Brottes. Monsieur le Premier ministre, votre action forge les atouts. Je veux citer le financement du temps long pour l’industrie,…

M. Sylvain Berrios. Barjot !

M. François Brottes. …l’entrée des jeunes dans l’emploi, la valorisation de l’expérience des seniors, la lutte contre l’héritage de la dette qui a plombé nos marges de manœuvre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC),…

M. Philippe Cochet. Carton rouge !

M. François Brottes. …la mise en œuvre d’une stratégie nationale de l’innovation filière par filière pour nos PME, l’obsession de trouver des repreneurs plutôt que de subir l’infinie désespérance des plans sociaux, la baisse des charges des entreprises pour retrouver la compétitivité à l’export, mais aussi la priorité donnée à ceux qui investissent dans l’économie réelle et la pénalisation de ceux qui jouent au yo-yo de la spéculation. Déjà tout cela, monsieur le Premier ministre !

Mais le brouhaha de l’intolérance et des égoïsmes…

M. le président. Merci, monsieur Brottes !

M. François Brottes. …l’actualité médiatique qui vit du zapping…

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est fini !

M. Julien Aubert. Coupez-le !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président François Brottes, je pourrais moi aussi poursuivre la métaphore sportive. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Sébastien Huyghe. Allô !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous connaissez mon attachement au beau jeu, au jeu collectif.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas le cas !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Certains parleraient de jeu à la nantaise. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mais j’arrêterai là la métaphore, parce que je veux nous ramener au réel, car seul compte le réel.

M. Yves Fromion. Où sont les supporters ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, ne nous racontons pas d’histoires. Nous avons trouvé un pays plongé dans une crise d’une exceptionnelle gravité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Olivier Audibert-Troin. Vous dites toujours la même chose !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je sais la situation du peuple français. Je connais son inquiétude et la dureté de ce qu’il vit. La crise, c’est d’abord et avant tout un mot-clé : c’est le chômage de masse dont la progression est ininterrompue depuis plus de cinq ans. Voilà la réalité que vivent nos compatriotes !

M. Sébastien Huyghe. C’est de la brasse coulée !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’en connais le coût pour les familles françaises, ainsi que la peur de ceux qui se demandent quel est l’avenir de la France.

M. Philippe Gosselin. Ça, on se le demande !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mon devoir et celui de mon gouvernement, depuis le premier jour où le Président de la République m’a confié cette mission et où le Parlement m’a donné sa confiance, a été de répondre à cette angoisse par l’action. C’est ce que nous faisons, mesdames et messieurs les députés.

M. Philippe Meunier. On dirait du Cahuzac !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Aujourd’hui, je ne veux pas seulement incarner un pouvoir des mots. Je veux incarner devant cette assemblée un pouvoir en actes. Quels actes, me direz-vous ? Qu’avons-nous réussi, si nous voulons, malgré la multiplicité des mesures qui ont été prises, nous concentrer sur l’essentiel ? Je ne citerai que trois actes.

Nous avons sauvé l’euro alors que tout le monde n’en donnait pas cher. Si nous ne l’avions pas fait, nous aurions connu la catastrophe et la pénurie en Europe. (De nombreux députés du groupe UMP brandissent leur carte de vote tournée du côté rouge.)

M. le président. Allons, je vous en prie, mes chers collègues !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est le premier acte politique du Président de la République, que nous avons réussi.

Nous avons aussi choisi le sérieux budgétaire. Je dis bien « choisi », parce que nous avons choisi la souveraineté. (Mêmes mouvements.) Nous avons choisi l’indépendance de la France et nous avons refusé l’austérité que certains, sur ces bancs, veulent pratiquer les députés de l’opposition. (« Carton rouge ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, calmez-vous : on a compris !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Qui a dit ce matin qu’il fallait maintenant travailler trente-neuf heures payées trente-cinq ? C’est vous qui l’avez dit, mesdames et messieurs de l’opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Croyez-vous qu’une telle mesure permettrait au pays de s’en sortir ? Nous refusons l’austérité, parce qu’elle engendrerait encore plus de chômage, de misère et d’inégalités. Nous avons fait le choix du retour de la croissance.

Pendant un an, nous avons forgé ensemble les armes pour la bataille de l’emploi et de la compétitivité. Des armes, oui ! Ces armes sont prêtes : à présent, la bataille peut prendre toute son ampleur. Nous avons passé un an pour préparer et engager l’offensive ; nous disposerons de quatre ans pour la réussir et la gagner ensemble.

Je vous invite à cette bataille. Nous l’avons engagée avec un handicap d’une décennie de retard, une décennie d’abandon, une décennie de négligence, de négligence coupable.

M. Frédéric Reiss. Carton rouge !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Voilà le défi que nous devons réussir à relever. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Je sais que beaucoup de Français doutent encore de gagner cette bataille. Aujourd’hui, je leur demande, je vous demande de nous mobiliser tous – toutes les forces de la France : les entreprises, les salariés, les collectivités locales, les citoyennes et les citoyens.

Je demande à chacune et chacun d’entre vous de vous poser cette question : « Qu’aurai-je fait pour lutter contre le chômage ? » Je le demande à la majorité – la majorité de tout un peuple –, mais aussi à l’opposition.

Cette bataille est celle de toute une génération. J’y mets toutes mes forces, toutes les forces du Gouvernement, toutes les forces de la France. La bataille, c’est maintenant ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous renvoie à l’article 9 de l’instruction générale du Bureau, dont M. Accoyer pourrait vous parler mieux que moi. Je vous demande de cesser ce type de comportement, prescrit de manière précise par l’article 9 de l’instruction générale du Bureau, relatif à la tenue des séances. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mariage pour tous

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Pascale Got. Chers collègues, j’espère que nous partageons tous, dans cet hémicycle, la même vision de la démocratie et de la République.

M. Franck Gilard. Ce n’est pas sûr !

Mme Pascale Got. Je veux parler du droit de manifester, du droit de contester des choix politiques, du droit d’amender et, bien sûr, de la liberté de vote.

Mais il y a une chose qui n’est pas cautionnable, dans cet hémicycle et en dehors : c’est la remise en cause de la légitimité de nos institutions et la violence sur les personnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce pas a été franchi par certains à l’occasion de la discussion du texte sur le mariage pour tous que, de toute façon, nous voterons dans quelques instants.

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

Mme Pascale Got. Quel que soit notre point de vue sur ce sujet, je regrette la dérive homophobe et extrémiste inadmissible et violente à laquelle nous avons assisté. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Claude Goasguen et M. Jean-Luc Reitzer. C’est faux !

M. Franck Gilard. Elle injurie ses collègues ! Et l’article 9, monsieur le président ?

Mme Pascale Got. Je le dis aux élus de l’opposition : le cautionnement par le silence, le laisser-faire, l’instrumentalisation et surtout la participation active et enthousiaste de certains députés de vos bancs à ces dérives extrémistes menacent la légitimité de notre Parlement. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ces comportements n’honorent ni notre pays, ni notre République, ni ses représentants.

Malgré ce contexte malsain et ces tentatives de désordre démocratique, nous vous félicitons, madame la garde des sceaux, d’avoir gardé le cap et d’avoir défendu de manière acharnée, passionnée et respectueuse cette nouvelle liberté individuelle.

M. Philippe Meunier. Ne touchez pas au mariage !

Mme Pascale Got. Avec le mariage pour tous, notre assemblée va adopter aujourd’hui une grande loi de liberté, une grande loi d’égalité et une grande loi de fraternité.

Plusieurs députés du groupe UMP. N’importe quoi !

Mme Pascale Got. Madame la garde des sceaux, pouvez-vous nous dire quand ces nouveaux mariés de la République pourront enfin célébrer leur union…

M. Philippe Meunier. Ce n’est pas demain la veille !

Mme Pascale Got. …et, surtout, quand les enfants des couples homoparentaux deviendront des enfants de la République comme les autres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée Pascale Got, vous avez raison : c’est une belle et grande réforme que nous avons eu l’honneur de conduire, Dominique Bertinotti, ministre chargée de la famille, et moi-même, avec la présence active d’Alain Vidalies pendant ces quelques semaines de débats à l’Assemblée nationale et au Sénat. Nous avons eu l’honneur de porter ce projet de loi au nom du Gouvernement et selon les engagements du Président de la République.

C’est, surtout, une réforme juste. L’opposition a dit à plusieurs reprises qu’elle avait l’intention de saisir le Conseil constitutionnel. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois pour se prononcer. Sans préjuger de sa décision, si le Conseil valide ce texte, le Président de la République disposera d’un délai de dix jours pour promulguer la loi. Cela nous renvoie à la fin mai environ. Les mairies ont également besoin de dix jours pour la publication des bans. Ainsi, en fonction des disponibilités des mairies, les premiers mariages pourraient intervenir dans le courant du mois de juin de cette année. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Pour ma part, j’ai pris toutes les dispositions pour que les textes nécessaires aux adaptations du code de procédure civile, les textes et documents relatifs à l’état civil et au nom de famille ainsi que les livrets de famille qui seront disponibles dans les mairies soient prêts à cette échéance. Nous avons, en effet, travaillé très en amont. La chancellerie est en contact avec les éditeurs, de sorte que les livrets soient disponibles.

Nous sommes tous fiers, vous et nous,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Pas nous !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …du travail que nous avons effectué ces dernières semaines. Les Français sont nombreux à être fiers de l’œuvre que nous avons accomplie.

Nous pensons que les premiers mariages seront beaux, et qu’il soufflera dans ce pays un souffle d’allégresse. Ceux qui contestent cette loi aujourd’hui seront sûrement confus d’être saisis par l’émotion du bonheur des mariés et de la joie des familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et sur quelques bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pouvoir d’achat

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Thierry Braillard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.

Un député du groupe UMP. Ce qui en reste, des finances…

M. Thierry Braillard. Hier, un sondage nous apprenait que 79 % des Français estiment que leur pouvoir d’achat a baissé en 2012 et de plus en plus de plus de nos concitoyens ont du mal à joindre les deux bouts en fin de mois.

M. Philippe Meunier. Et ils descendent dans la rue !

M. Thierry Braillard. Je sais que la question du pouvoir d’achat est l’une des priorités de ce gouvernement, contraint par la situation financière calamiteuse laissée par l’UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Aussi avons-nous déposé une proposition de loi visant à améliorer le pouvoir d’achat des Français…

M. Yves Fromion. Ah ?

M. Thierry Braillard. …en précisant les dates de paiement des salaires et des loyers afin d’offrir un petit ballon d’oxygène de trésorerie en fin de mois aux salariés les plus modestes. L’idée est de percevoir son salaire avant d’avoir à payer son loyer.

M. Yves Fromion. Dans l’allégresse.

M. Thierry Braillard. L’idée est de caler le paiement des salaires du secteur public et du secteur privé pour qu’il ait lieu le 25 du mois en cours alors qu’aujourd’hui, il est d’usage de le recevoir, au mieux, au début du mois suivant et de permettre le paiement du loyer à partir du 5 ou du 10 du mois à échoir. Au-delà d’un gain de trésorerie, une telle mesure éviterait surtout à beaucoup de nos concitoyens de payer des agios bancaires à la fin de chaque mois, ce qui est insupportable. Elle permettrait également d’assurer aux salariés une plus grande stabilité en cas de changement d’employeur ou de domicile.

Notre proposition de loi n’a pu être discutée en séance publique le 28 mars dernier, compte tenu de l’obstruction des députés du groupe UMP sur un autre texte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Ils ont même réalisé l’exploit de présenter une motion pendant plus de trente minutes pour finalement ne pas la voter !

M. Jean-Marie Le Guen. Magouille !

M. Thierry Braillard. Monsieur le ministre, dans le but d’améliorer le pouvoir d’achat des Français, notamment des salariés qui sont locataires, êtes-vous prêt à solliciter un rapport sur les conditions de mise en place d’une meilleure articulation entre le paiement des salaires et celui des loyers, et de travailler en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances, que l’on écoute en silence.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député Thierry Braillard, vous avez raison de souligner les difficultés de pouvoir d’achat des Français.

Un député du groupe UMP. La faute à qui ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Il n’est pas exact que 79 % aient vu leur pouvoir d’achat reculer, mais il est vrai que le pouvoir d’achat a reculé de 0,4 % en 2012. C’est l’une des préoccupations centrales du Gouvernement et vous avez bien fait de souhaiter incarner ce combat par le biais de votre proposition de loi.

Le pouvoir d’achat, priorité du Gouvernement, c’est d’abord l’emploi. C’est la raison pour laquelle l’emploi est au cœur des politiques que nous menons (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) à travers des politiques spécifiques tels le contrat de génération, les emplois d’avenir, les emplois aidés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais aussi et d’abord à travers le pacte de compétitivité qui doit permettre aux entreprises françaises d’investir et d’embaucher davantage.

Le pouvoir d’achat, c’est aussi le sens des mesures ciblées que nous prenons, tels l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire et le coup de pouce au SMIC qui avait été oublié pendant cinq ans ou encore toutes les mesures de justice que nous prenons dans le cadre de notre politique…

M. Yves Nicolin. De hausses d’impôt !

M. Pierre Moscovici, ministre. …fiscale, une politique fiscale qui est tournée tout entière vers le pouvoir d’achat, notamment celui de ceux qui consomment davantage. C’est sur ce point que nous avons concentré l’effort pour le projet de loi de finances 2013, devenue la loi de finances 2013.

Le pouvoir d’achat est présent dans la loi bancaire quand nous plafonnons les commissions d’intervention. Il sera présent dans un projet de loi que nous présenterons, avec Benoît Hamon, qui permettra de créer en France, ce qui n’existait pas : une action de groupe…

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Pierre Moscovici, ministre. …afin de permettre l’indemnisation des petits préjudices qui aujourd’hui ne sont pas réparés. Telle est notre démarche.

M. Yves Nicolin. Bla bla bla !

M. Pierre Moscovici, ministre. Soyez sûr que c’est et que cela sera l’une de nos priorités. Puisque vous avez soulevé le sujet de l’articulation entre les salaires et les loyers et que votre proposition de loi a souffert d’une obstruction, je suis prêt à étudier avec vous les moyens pour faire avancer cette grande cause. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Insécurité dans les transports en Île-de-France

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Pecresse. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le 16 mars dernier, vers vingt-trois heures, une bande d’une vingtaine de voyous encagoulés prenait d’assaut une rame du RER D en gare de Grigny. Les passagers pris au piège se sont retrouvés sous la menace des coups et des gaz lacrymogènes. Cet acte d’une violence inouïe n’est pas un acte isolé. Les chiffres sont sans appel. Dans les transports en Île-de-France, en janvier et en février, les vols à la tire ont augmenté de 29 % dans les RER et les trains et de 50 % dans les bus.

Face à cette dégradation de la sécurité, votre Gouvernement semble impuissant. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.) J’en veux pour preuve la relaxe prononcée par le tribunal d’Évry d’une personne interpellée qui, selon le parquet, avait été identifiée par la vidéosurveillance. J’en veux pour autre preuve la nouvelle arrestation d’un autre membre de la bande remis en liberté pour des actes de violence à la gare du Nord à Paris.

La spectaculaire et médiatique arrestation de cette bande n’a d’égale que le silence de votre Gouvernement sur les suites judiciaires de cette affaire.

M. Yann Galut. Et l’indépendance de la justice ?

Mme Valérie Pecresse. Monsieur le Premier ministre, je vous le demande : que sont devenues précisément les seize personnes interpellées dans l’affaire du RER D à Grigny ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Et l’indépendance de la justice ?

Mme Valérie Pecresse. Par respect pour les familles et pour le travail remarquable des forces de l’ordre, le ministère public va-t-il faire appel de la relaxe du tribunal d’Évry ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre fin à l’impunité, ce sentiment qui conduit à la hausse de la délinquance dans tout le pays depuis votre élection ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Madame Valérie Pecresse, même vous, vous enfourchez le cheval de la démagogie (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), de la mise en cause de la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Même vous, qui avez été ministre, qui avez gouverné, vous mettez en cause la justice, les magistrats qui sont indépendants ! (Mêmes mouvements.)

Même vous, vous vous attaquez à l’État de droit ! (Mêmes mouvements.)

Même vous, vous mettez en cause cette justice…

M. Franck Gilard. Mais non !

M. Manuel Valls, ministre. …qui, comme vous le savez, agit de manière indépendante. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)Même vous, parce que vous êtes candidate à la région Île-de-France, vous mettez en cause l’État de droit.

Même vous, alors que vos collègues, il y a quelques jours, s’attaquaient aux forces de l’ordre qui faisaient leur travail (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous venez ici nous donner des leçons ! (Mmes et MM les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent vivement.) Même vous, madame Pecresse ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, reprenez votre calme.

M. Manuel Valls, ministre. Ça suffit cette démagogie qui crée ce climat dans le pays. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Veuillez vous asseoir.

M. Manuel Valls, ministre. Madame Pecresse, les forces de l’ordre sont déterminées à s’attaquer à cette délinquance que vous n’avez pas été capables d’endiguer. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Le Fur. Zéro pointé !

M. Manuel Valls, ministre. Vous ne ferez croire à personne que les violences dans le RER, dans les quartiers que vous avez abandonnés, sont le fruit de la politique que nous menons depuis quelques mois. Nous, nous agissons pendant que vous, vous faites de la démagogie ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Mmes et MM les députés du groupe SRC, des groupes RRDP et écologiste se lèvent et applaudissent.)

M. Pierre Lellouche. C’est insupportable, monsieur le président ! C’est un excité !

Morale laïque

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Françoise Dumas. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, le rapport intitulé Pour un enseignement laïque de la morale vous a été remis hier par Rémy Schwartz, Alain Bergougnioux et Laurence Loeffel. Il formule des propositions concrètes concernant l’instauration prochaine de cours de morale laïque dans nos écoles.

Après la loi pour la refondation de l’école, la lutte contre le décrochage scolaire, le recrutement de 60 000 enseignants supplémentaires dans cinq ans, cet enseignement laïque de la morale complète la palette d’outils mis en œuvre par le Gouvernement pour enrayer le déclin scolaire de notre pays relevé par les enquêtes internationales.

Dès la rentrée 2015, du cours préparatoire à la terminale, les écoliers de France devraient donc disposer d’un horaire dédié pour la transmission des valeurs républicaines de la laïcité.

L’instauration de cours de morale laïque répond à une demande forte de la communauté éducative et des parents d’élèves et s’inscrit dans la tradition de l’école républicaine.

Notre société actuelle, fortement attachée à la liberté individuelle de pensée, de croyance, de sens donné à nos vies, est affaiblie par la domination de l’argent, le repli identitaire et communautaire, sur fond de crise économique et sociale.

Monsieur le ministre, Il est temps de renouer avec nos valeurs de dignité, de solidarité, de respect afin de lutter contre toute forme de discrimination, creuset des extrêmes.

Nous saluons l’initiative du Gouvernement, qui relie ainsi l’individu et le collectif, piliers de notre démocratie à redéfinir. Elle apporte la preuve que la gauche croit en l’école et en sa capacité à réparer les injustices, à recréer les conditions du vivre ensemble et à créer des destins.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer comment seront transmises et enseignées les valeurs de la République par la communauté scolaire qui en a la responsabilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Philippe Cochet. Et du chichon !

M. le président. Je vous en prie !

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Madame la députée, l’école de la République a pour mission d’instruire, c’est la raison pour laquelle le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault a souhaité non seulement créer 60 000 postes de professeurs mais aussi redonner la priorité au primaire, remettre en place une formation des enseignants et se donner les moyens, par la révision des programmes, de permettre la réussite de tous les enfants de France à un moment où, vous l’avez dit, nous déclinons dans les enquêtes internationales.

À ce moment où, vos questions le montrent, nous vivons une crise économique, l’école doit veiller à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est la raison pour laquelle le gouvernement de Jean-Marc Ayrault et le ministère de l’éducation nationale se sont mobilisés pour lutter contre le décrochage scolaire – nous avons de premiers résultats –, remettre en place un service public de l’orientation, réviser les cartes de formation professionnelles.

Mais l’école de la République doit aussi transmettre des valeurs et les valeurs de la République. Au moment où le déséquilibre entre droits et devoirs pénalise non seulement l’école mais la société tout entière, au moment où l’individu et le commun ne trouvent pas à se renouer, nous souhaitons en effet que les valeurs de la République soient enseignées…

M. Claude Goasguen. À Cahuzac !

M. Vincent Peillon, ministre. …à tous les enfants, du cours préparatoire à la terminale.

Nous ne partons pas de rien. Le rapport que nous avons demandé à trois personnalités indépendantes l’a bien montré. Les professeurs font déjà beaucoup ; mais il faut faire davantage.

Pour cela, il faut un horaire dédié, des professeurs formés, des programmes, une évolution, une cohérence. Nous allons tous nous mobiliser pour qu’à partir de 2015, l’enseignement moral et civique des valeurs de la République, que nous partageons tous, soit offert à l’ensemble des enfants de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mariage pour tous

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Étienne Blanc. Monsieur le Premier ministre, depuis le mois de novembre, un grand nombre de Français vous apostrophent : ils vous disent, et ils ont le droit de le faire, que l’on ne peut changer une civilisation en utilisant une loi ordinaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Face à ces demandes, vous affichez un souverain mépris. Ils sont descendus dans la rue, ils ont couvert le Champ de Mars, ils ont couvert l’avenue de la Grande armée…

M. Patrick Lemasle. Et alors ?

M. Marcel Rogemont. Vous savez ce qui est arrivé à la Grande armée !

M. Étienne Blanc. Ils ont couvert l’esplanade des Invalides : vous ne les avez pas écoutés et vous ne les avez pas entendus.

Voici que maintenant, avec votre gouvernement soutenu par moins d’un Français sur cinq, vous avez décidé d’utiliser les moyens de l’État pour les discréditer.

Ils veulent vous parler, vous leur envoyez les forces de l’ordre. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste, et RRDP. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Oui, monsieur le ministre de l’intérieur, ces forces de l’ordre auraient davantage leur place dans le métro qu’aux Invalides, au Champ de Mars ou aux abords de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ils veulent vous parler, et vous détournez les moyens médiatiques publics pour les ridiculiser.

Ils veulent, monsieur le Premier ministre, vous envoyer un message clair ; mais vous leur envoyez les procureurs, les avocats généraux. Vous les citez maintenant devant les tribunaux correctionnels pour des peccadilles (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP), simplement parce qu’ils portent une chemise avec une impression qui n’a pas l’heur de vous plaire.

M. Jean Launay. Factieux !

M. Étienne Blanc. Monsieur le Premier ministre, vous et votre gouvernement humiliez une grande partie des Français.

M. Yves Fromion. Très juste !

M. Étienne Blanc. Pensez-vous que le mépris et l’humiliation soient une bonne méthode pour gouverner la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (Huées sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je vous prie, chers collègues, de cesser avec ce genre d’attitude : personne n’y a intérêt.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, de quelle humiliation parlez-vous ? Depuis des mois, le pays s’est saisi, et c’est légitime, d’un débat qui concerne toute la société. L’Assemblée et le Sénat discutent de ce sujet depuis des semaines. L’Assemblée nationale, en toute légitimité, va voter dans un instant un texte de loi important qui a déjà été adopté par beaucoup de pays en Europe et dans le monde.

De quelle violence parlez-vous, sinon de celle de ceux qui, après avoir mis en cause la justice, contestent la légitimité du Président de la République, contestent la légitimité du Sénat, contestent la légitimité de l’Assemblée nationale, contestent la légitimité des parlementaires de faire et de voter la loi ?

De quelle violence parlez-vous, sinon de celle des groupes d’extrême droite qui, à Paris et à Lyon, s’en prennent aux institutions de la République ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

De quelle violence parlez-vous…

Mme Bérengère Poletti. De la vôtre !

M. Manuel Valls, ministre. …sinon de celle de ceux qui s’en prennent à des couples homosexuels, à des gays, à des lesbiennes, à Lyon, à Nice, à Bordeaux, à Lille, à Paris ?

M. David Douillet. C’est faux !

M. Manuel Valls, ministre. De quelle violence parlez-vous sinon de celle des groupes qui s’en prennent, par des menaces directes, à des parlementaires de la République, de gauche et droite, pour qu’ils ne votent pas cette loi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

De quelle violence parlez-vous, sinon de celle de ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre ? (Mêmes mouvements.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Zéro !

M. Manuel Valls, ministre. Alors, monsieur, respectez les institutions de la République et faites en sorte que, oui, l’apaisement revienne, que le Parlement, en toute liberté, décide de la loi, la loi de la République. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP. – Exclamations et huées sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Contrat de génération

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Tolmont, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sylvie Tolmont. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Monsieur le ministre, entré en vigueur le 18 mars dernier, le contrat de génération traduit l’accomplissement d’une promesse forte de campagne de François Hollande pour lutter contre le chômage. (« Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

En liant le destin de nos jeunes et celui de nos seniors pour transmettre des savoir-faire et des savoir-être, le contrat de génération incarne les valeurs sociales, humaines et économiques que vous avez souhaité installer dans nos entreprises.

Avec l’objectif de 500 000 contrats de génération signés sur la durée du mandat, votre réforme est opérationnelle, adaptée aux besoins de chaque acteur de notre appareil productif et en phase avec la gravité de la situation, après des années d’abandon par la droite des politiques actives pour l’emploi.

Aujourd’hui, les sociétés et mutuelles d’assurance donnent l’exemple en concluant le premier accord de branche relatif au contrat de génération.

En visant le recrutement de 2 000 jeunes en contrat à durée indéterminée, le maintien dans l’emploi des seniors et la mise en place d’actions en faveur de la transmission des compétences, cet accord symbolise pleinement l’ambition que s’est fixée la loi. Il souligne l’appropriation par les partenaires sociaux et les entreprises des valeurs du dispositif. (« Allô ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Le pari audacieux du Gouvernement d’associer l’expérience du senior et la motivation du jeune devient aussi celui des entreprises.

Nous nous félicitons de la signature de cet accord, qui rappelle la nécessaire mobilisation des partenaires sociaux pour soutenir cette mesure, véritable élan au sein de nos entreprises pour changer le regard porté sur les seniors et envoyer des messages de confiance aux jeunes.

Ma question est simple, monsieur le ministre : quelles sont les actions engagées par le Gouvernement qui permettront la mobilisation de l’ensemble des partenaires sociaux et offriront les conditions nécessaires à la réussite de cette mesure ambitieuse et à la réalisation de ces objectifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, vous avez parfaitement bien décrit, non seulement la beauté de l’idée – il vaut mieux que les idées soient belles ! –, mais également l’efficacité de l’idée qui est derrière le contrat de génération.

Quels que soient ceux qui siègent sur ces bancs, quel qu’ait été leur vote – et beaucoup ont voté positivement sur la loi relative aux contrats de génération –, tout le monde devrait se rassembler autour de quelques idées simples.

Faut-il aider les jeunes, quelle que soit leur qualification, à rentrer dans l’emploi, oui ou non ? La réponse est oui !

Faut-il profiter de l’expérience des plus âgés dans l’entreprise pour accompagner ces jeunes dans la prise de contact, dans la possession même de leur savoir-faire ? La réponse est oui, plutôt que de les pousser vers l’extérieur, vers le chômage, vers une retraite qui recule dans le temps !

Faut-il utiliser les compétences des hommes et des femmes qui travaillent dans l’entreprise, de ceux qui dirigent ces entreprises comme de leurs salariés, pour booster, pour pousser en avant leur savoir-faire, leurs capacités de création, leurs capacités de production, leurs capacités de création d’emplois ? La réponse est oui !

Voilà donc un sujet, voilà une idée, voilà un processus, voilà quelque chose de concret, qui devrait tous nous rassembler au-delà de ces petits sarcasmes qui ne servent à rien, et qui surtout ne servent pas les Français.

Oui, madame la députée, depuis quinze jours, sur l’ensemble du territoire, toutes nos forces – préfets, Pôle emploi, chambres de commerce, chambres de métiers, syndicats, organisations artisanales – sont mobilisées pour faire valoir ce qu’est ce nouvel outil, le contrat de génération, au service de la jeunesse, au service des entreprises, pour lutter contre le chômage avec efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique économique

M. le président. La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Dord. Monsieur le Premier ministre, l’attitude de Manuel Valls, son arrogance, sa virulence sont insupportables et inadmissibles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Monsieur le ministre, nous vous demandons des résultats et de l’apaisement, pas de l’insulte !

Monsieur le Premier ministre, dans votre réponse faite à notre collègue François Brottes, vous avez souhaité des faits : je vais vous en donner quelques-uns !

Vous aviez promis la croissance, et elle est à zéro ; mais ce n’est pas de votre faute !

Vous aviez promis de l’emploi, et le chômage va battre son record historique, alors que vous êtes depuis bientôt un an à Matignon ; mais ce n’est pas de votre faute !

Vous aviez promis le pouvoir d’achat, et pour la première fois dans notre pays depuis trente ans, le pouvoir d’achat a baissé ; mais ce n’est pas de votre faute !

Vous aviez promis de faire payer les riches, mais les riches sont partis, et ce sont les classes moyennes qui payent ; mais ce n’est pas de votre faute ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous aviez promis de mettre la finance internationale à genoux, mais c’est vous qui êtes à genoux devant la finance internationale pour qu’elle comble nos déficits ; mais ce n’est pas de votre faute !

Vous aviez promis la République irréprochable, et vous avez osé nommer Ségolène Royal à la tête d’une banque publique ; mais ce n’est pas de votre faute !

Vous nous aviez promis une majorité exemplaire, et toute la France sait ce qu’il en est de votre majorité exemplaire ; mais ce n’est toujours pas de votre faute !

Monsieur le Premier ministre, ce n’est pas une boîte à outils que le Président de la République vous a donnée, mais une boîte à gifles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et dans cette boîte à gifles, il reste encore quelques perles comme le cumul des mandats ; ce cumul des mandats que vous vous êtes engagés à respecter, chers collègues socialistes, dès le mois de septembre 2012, en promettant devant vos électeurs, la main sur le cœur, de démissionner de vos mandats locaux en septembre. Aucun de vous ne l’a fait ; mais ce n’est pas de votre faute, monsieur le Premier ministre ! (Mêmes mouvements.)

Alors, monsieur le Premier ministre, à force de dire que rien n’est de votre faute, à force de n’être responsable de rien, il ne faudra pas vous étonner si un jour les Français vous disent : « Mais qui est le Premier ministre dans ce pays ? ». Ce ne sera pas de leur faute ! (De nombreux députés du groupe UMP se lèvent. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. Chers collègues, merci de vous asseoir.

La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jean-Claude Bouchet. Où est le Premier ministre ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, vous avez raison : ce n’est pas de notre faute, c’est de la vôtre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est de la vôtre, et je vais vous expliquer pourquoi.

Vous aviez promis, lorsque vous êtes arrivés au pouvoir en 2007, de diminuer les dépenses publiques. Or elles ont augmenté comme jamais elles n’avaient augmenté sous la Ve République, de 2,3 % entre 2002 et 2007 et de 1,7 % entre 2007 et 2012 !

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous aviez promis avec la révision générale des politiques publiques de faire des économies comme jamais : vous avez fait 12 milliards d’économies, vous en avez recyclé la moitié en mesures catégorielles, et dans le même temps, monsieur Dord, vous avez augmenté les dépenses publiques de 170 milliards en plombant notre pays ! Alors oui, cela est de votre faute ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Dord. C’est vous qui êtes au pouvoir !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous aviez promis, monsieur Dord, de rétablir la compétitivité de notre pays, de donner à nos entreprises la possibilité d’être performantes à l’international ; or, monsieur Dord, vous nous avez laissé 75 milliards de déficit du commerce extérieur. Eh bien oui, cela, c’est de votre faute !

Vous nous aviez promis de travailler plus pour gagner plus, et vous nous aviez promis que les plus pauvres des Français seraient traités correctement par votre gouvernement ; or vous avez mené une politique fiscale parmi les plus injustes de la Ve République, qui a contribué à creuser largement les déficits. Eh bien, cela, monsieur Dord, c’est de votre faute ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans la même veine, pendant toute la période de votre quinquennat, les déficits publics se sont creusés comme jamais, le déficit structurel de notre pays a augmenté de 2 %, tandis que sous notre quinquennat, pendant la première année, il a diminué de 1,2 %, et qu’il diminuera de 1,8 % cette année et de 1 % l’an prochain ! Cela, c’est grâce à nous, et tout le reste, c’est de votre faute ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. Gardons un peu d’énergie pour le vote qui se tiendra après ! (Sourires.)

Vie chère outre-mer

M. le président. La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Monsieur le ministre des outre-mer, en octobre dernier notre Assemblée votait la loi relative à la régulation économique outre-mer, dite loi contre la vie chère.

Sous votre impulsion et conformément aux engagements du Président de la République pendant la campagne présidentielle, le Gouvernement et le Parlement ont mis en place des mesures fortes pour la remise en ordre des marchés dans nos territoires et pour la redynamisation de notre économie locale, avec pour principal objectif la défense du pouvoir d’achat de nos compatriotes ultramarins.

S’attaquer aux causes de la vie chère dans nos territoires demande du courage politique, mais surtout de la détermination et de la constance, tant la concurrence y est limitée par des situations historiques de monopoles.

Cette loi propose une véritable boîte à outils pour améliorer le fonctionnement de nos marchés où les prix demeurent bien supérieurs à ceux de l’hexagone : l’écart atteint 38 % pour les produits alimentaires.

Elle prévoit notamment la mise en place d’un bouclier qualité-prix pour une liste de produits de grande consommation, des observatoires des prix renforcés ainsi que diverses mesures visant à mettre fin à des situations d’exclusivité génératrices de rentes.

À l’heure où les Français, et plus particulièrement ceux qui vivent en outre-mer, souffrent d’une crise économique et sociale profonde, quel premier bilan le Gouvernement peut-il faire de l’application de cette loi ?

En 2009, la droite avait réagi à la crise sociale qui avait enflammé nos territoires, d’abord avec précipitation, puis avec inertie. Une loi avait été votée, mais les décrets n’avaient jamais été pris, ou avaient été pris avec un tel retard que nombre de dispositions même consensuelles sont restées inappliquées.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer aujourd’hui que le Gouvernement évitera cet écueil et veillera à la mise en œuvre effective de la loi promulguée le 20 novembre 2012 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Madame la députée, comme vous l’avez rappelé, la loi relative à la régulation économique outre-mer a été votée le 20 novembre dernier. Le premier décret a été pris le 27 décembre ; hier encore, tous les préfets de région et tous les présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus étaient réunis au ministère des outre-mer pour en faire un premier bilan.

Plusieurs mesures étaient prévues dans ce que nous avons appelé le changement de l’environnement concurrentiel outre-mer.

La première mesure emblématique, le bouclier qualité prix, est en fait un accord de modération des prix sur un chariot type comprenant une soixantaine de produits environ. Les premiers résultats engrangés montrent une baisse des prix de 10 à 15 % partout dans les territoires d’outre-mer, sans subventions et sans un centime d’euro d’aide publique – c’est remarquable.

Par ailleurs, le décret concernant les nouveaux observatoires des prix sera bientôt pris puisque la consultation interministérielle est terminée.

S’agissant du fret maritime qui entre, comme vous le savez, dans les mécanismes de formation des prix de revient, des marges et des prix de vente, dès demain l’autorité de la concurrence qui doit être saisie pour avis avant un décret en conseil d’État va statuer et un avis sera émis.

Sur les carburants, secteur réglementé et particulièrement difficile, on le sait, nous sommes à la fin de la consultation interministérielle et le Premier ministre pourra très bientôt décider, si j’ose dire, de prix raisonnables pour les consommateurs et d’une rentabilité juste et raisonnable et normale pour les opérateurs. Il ne sera plus question de garantir 12 %, comme c’était le cas auparavant, dans un secteur à monopole. Donc, on travaille, et ça marche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Budget de la défense

M. le président. La parole est à M. Alain Marty, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Marty. Monsieur le président, ma question concerne la politique de défense de notre pays.

Nous sommes nombreux sur tous les bancs de cette Assemblée à souhaiter que notre pays conserve un outil militaire suffisant et efficace pour assurer la sécurité des Français et notre place dans le monde. Mais nous avons sur ce point un certain nombre d’inquiétudes.

Certes, le Président de la République a déclaré à la télévision que les budgets de la défense seraient maintenus en 2014 et 2015. Mais cela ne nous rassure pas pour autant. Depuis un an, les promesses non tenues sont si nombreuses, les annonces démenties le lendemain si fréquentes, que les Français se demandent s’il y a encore un cap, une politique définie au sommet de l’État.

Dans ce contexte, je rappelle que l’application de la loi de programmation militaire devait représenter 34,6 milliards en 2014. En 2013, le budget était de 31,4 milliards. Quelle est notre ambition pour 2014 ? Reconduction des crédits 2013 à zéro volume, soit à peu près la même voilure ? Reconduction des crédits 2013 à zéro valeur, soit 30,9 milliards ? Reconduction des crédits 2013 à zéro valeur moins 1 milliard de gel budgétaire qu’il y aura probablement en fin d’année, soit 29,9 milliards ? Dans ce dernier cas, cela se traduit par une réduction d’effectifs de 7 000 hommes tous les ans, soit la perte d’une brigade.

Monsieur le ministre, je sais que je vais devoir compter de votre part sur une réponse sérieuse, où vous nous indiquerez quelle est l’hypothèse retenue.

Enfin, je veux dire à M. Valls et M. Cazeneuve que la force des convictions ne s’exprime pas uniquement par le nombre de décibels au micro. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, je vous remercie de l’intérêt que vous portez à notre outil de défense.

M. Jean-Luc Reitzer. Heureusement !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il est largement partagé dans cette assemblée : nous l’avons vu hier lors du débat sur le Mali.

Le livre blanc sur la défense et la sécurité de notre pays sera rendu public lundi, puisqu’il sera remis au Président de la République par la commission présidée par Jean-Marie Guéhenno.

Comme vous le savez, à la suite de ce livre blanc sera préparée la loi de programmation militaire qui prévoit un échéancier à la fois capacitaire et financier pour les années 2014-2019.

Sur cet échéancier, le Président de la République s’est déjà engagé : vous avez bien voulu rappeler qu’il a indiqué que les budgets de 2015 et 2014 seraient les mêmes que celui de 2013.

M. Yves Fromion. Mais lequel ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. À cet égard, je vous ferai observer, mais cela ne vous a pas échappé, que le budget de 2013 était le même que celui de 2012, c’est-à-dire celui voté par l’ancienne majorité.

M. Yves Fromion. Et les gels ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il ne vous a pas échappé non plus que les 7 000 postes en moins de l’outil de défense résultent de la loi de programmation militaire antérieure. Je ne fais qu’appliquer les décisions qui avaient été prises par la majorité précédente.

Je voudrais aussi vous faire observer, mais vous le savez, que la dernière loi de programmation militaire avait été élaborée avant la crise et qu’elle n’a pas été modifiée depuis. Lorsque je suis arrivé au ministère de la défense, il y avait un décalage de 4 milliards par rapport à la trajectoire initiale, conforté par la Cour des comptes. Je suis obligé, monsieur le député, de gérer avec cela, avec le souci d’avoir un outil de défense cohérent et efficace, que le livre blanc affichera et que la loi de programmation militaire confortera. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aide personnalisée aux élèves en difficulté

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire

M. Patrick Hetzel. Ma question s’adresse à M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale.

Monsieur le ministre, vous occupez l’espace médiatique à propos de la morale laïque, alors qu’il serait bien plus pertinent d’engager un travail de fond autour de l’éthique républicaine, comme le développe le philosophe André Comte-Sponville.

Cette focale médiatique et votre écran de fumée occultent un autre sujet très important, dans lequel votre responsabilité est lourde. En effet, dans une récente note de votre Inspection générale dont L’Express a publié les grandes lignes, il est dressé un bilan très positif de l’aide personnalisée aux élèves, mise en place dès 2008 par Xavier Darcos : perception positive par les enseignants, effets favorables sur le comportement des élèves, amélioration du climat de l’établissement, retour très positif des parents.

Alors, pourquoi ignorez-vous ce rapport ? Pourquoi supprimez-vous cette aide personnalisée aux élèves en difficulté, alors qu’elle donne des résultats extrêmement positifs ?

Votre décision est très grave, pédagogiquement et budgétairement. En effet, vous supprimez trois heures de face-à-face pédagogique hebdomadaire. Est-ce que vous vous rendez compte que cela revient, pour les enseignants du primaire, à supprimer d’un seul coup l’équivalent de 36 000 professeurs, sur 325 000 dans notre pays ?

Monsieur le ministre, quand cesserez-vous de prendre des décisions irresponsables ? Quand prendrez-vous conscience qu’il faut être attentif aux équilibres budgétaires ? Quand cesserez-vous de jouer à l’apprenti sorcier ? Quand arrêterez-vous de bricoler avec l’avenir de nos enfants ? Quand prendrez-vous au sérieux votre mission ministérielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. L’apprenti sorcier, monsieur Hetzel, c’est vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous avez supprimé 80 000 postes, vous avez supprimé la formation des enseignants, vous avez été incapables de mettre en place des programmes suivis par les enseignants !

Vous avez à l’instant cité une note d’étape et le rapport de l’Inspection dit le contraire de ce que vous dites : cela montre la scientificité de vos démarches !

Vous parlez d’écran de fumée, mais les évaluations nationales ou internationales sur l’état de l’école après dix ans de majorité de droite, elles, ne sont contestées par personne. L’effort de redressement que nous menons, c’est un effort pour lequel nous aurions dû nous rassembler, car vous étiez d’accord pour la priorité au primaire, vous étiez d’accord pour la semaine de quatre jours et demi, vous étiez d’accord pour l’enseignement de la morale. Mais la volonté d’en découdre de façon purement politicienne, la honte de ce qu’a été votre désengagement, vous conduisent aujourd’hui à tenir des propos indignes, sur le dos des enfants de France.

Vous n’avez aucune légitimité pour vouloir m’apprendre la fonction qui est la mienne. Oui, nous allons redresser l’école de la République ! Oui, nous allons enfin faire en sorte que l’école primaire française retrouve sa grandeur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Taxe foncière dans les DOM

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alfred Marie-Jeanne. Ma question s’adresse à M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances.

M. Philippe Meunier. Et des impôts !

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le ministre, la situation fiscale des personnes âgées au regard de la taxe foncière, dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion, est extrêmement problématique.

Il est vrai que le système d’exonération et de dégrèvement tient compte de la modestie des ressources. Cependant, la législation fiscale applicable aux personnes âgées introduit une distinction difficilement justifiable en fonction de l’âge. C’est ainsi que les propriétaires âgés de plus de 75 ans dont le revenu fiscal de référence n’excède pas une certaine limite peuvent prétendre à une exonération totale de la taxe foncière sur les propriétés bâties. En revanche, les personnes de 65 à 75 ans bénéficient d’un dégrèvement maximal de cent euros, si leur revenu fiscal de référence n’excède pas la limite prévue.

Dans ces conditions, comment comprendre une telle différence lorsqu’on sait que les retraités concernés de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion ont des revenus le plus souvent inférieurs au revenu médian ?

Monsieur le ministre, vu la modicité des retraites et la cherté de la vie, n’est-il pas possible de remédier à cette différence de traitement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Sylvain Berrios. Et des impôts !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Merci beaucoup, monsieur le député, pour cette question qui met en évidence la situation particulière des personnes âgées dans les territoires et départements d’outre-mer.

Un dispositif particulier a été mis en place, concernant notamment la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui exonère les personnes de plus de 75 ans, dès lors qu’un certain nombre de conditions fiscales sont réunies. Il en va de même des personnes de plus de 65 ans, qui bénéficient d’un dégrèvement de cent euros, mis en place en 2001 par le gouvernement de Lionel Jospin.

Pour les personnes âgées qui bénéficient des dispositifs de solidarité, l’exonération peut être totale.

La situation des départements d’outre-mer est différente de celle qui prévaut en métropole, puisque le plafond de déclenchement de ces mesures est plus élevé : il est de 10 000 euros en métropole, de 11 800 euros à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe et de 12 400 euros en Guyane.

Des dispositifs comparables s’appliquent à l’impôt sur le revenu, mais aussi à la taxe d’habitation : ils représentent un coût global d’à peu près 1,3 milliard d’euros.

Il n’est pas possible aujourd’hui de modifier l’équilibre de ces mesures, pour des raisons qui tiennent à la situation des comptes publics ; en revanche, afin de répondre à la préoccupation qui est la vôtre concernant le pouvoir d’achat, le ministre Victorin Lurel a pris, en liaison avec les acteurs de ces territoires, des dispositions destinées à faire en sorte qu’il puisse y avoir une baisse de 10 à 13 % du coût de la vie pour un panier moyen de la ménagère, dans ces départements qui connaissent, vous l’avez dit, la vie chère et des difficultés sociales dont il faut tenir compte.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 920, 922).

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

M. Bernard Roman. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, « L’histoire montre que les grands débats qui ont divisé un moment les Français apparaissent avec le recul du temps comme une étape nécessaire à la formation d’un nouveau consensus social ».

M. Guy Geoffroy. La plupart des grands débats, pas tous !

M. Bernard Roman. C’est ce que déclarait, dans cet hémicycle, le 26 novembre 1974, Mme Simone Veil qui présentait le projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse.

Sept ans plus tard, Robert Badinter, ministre de la justice, demandant aux députés d’abolir la peine de mort, déclarait : « La France est grande par l’éclat des idées, des causes et de la générosité qui l’ont emporté aux moments privilégiés de son histoire. »

Ce n’est pas la première fois que l’Assemblée nationale est au rendez-vous de l’histoire avec un vote qui va changer profondément la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vitel. Malheureusement !

M. Bernard Roman. Ce n’est pas la première fois, mes chers collègues, que nous avons le sentiment de contribuer à une avancée décisive de notre droit. Nous sommes ici dans le lieu où bat le cœur de la République. Nous allons voter une loi qui fait vivre sa devise : « Liberté, Égalité, Fraternité ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Oui, c’est une loi de liberté car elle consacre le droit pour chacun d’être respecté sans discrimination. Oui, c’est une loi d’égalité car elle accorde les mêmes droits pour tous les citoyens quelle que soit leur orientation sexuelle. Oui, c’est une loi de fraternité car elle cultive notre vivre ensemble et le refus du rejet de l’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

C’est pensant à ces valeurs qui nous guident, nous inspirent et nous dépassent, que nous honorons la grandeur de la politique et la légitimité du mandat qui nous est confié, car ce que nous allons voter n’est pas une loi pour une minorité : c’est une loi pour la société tout entière, pour une société dans laquelle le droit sera enfin le même pour tous, quelle que soit son orientation sexuelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Vous l’avez compris, mes chers collègues, c’est avec solennité que nous abordons ce vote. En votant ce projet de loi, nous pensons aux jeunes homosexuels que certains propos, au cours des dernières semaines, ont blessés, fragilisés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Selon les associations, les appels d’adolescents perdus ont triplé ces dernières semaines.

En votant ce texte, nous pensons à ceux qui croyaient que la société française les avait acceptés et qui ont découvert qu’« une partie de la France est homophobe » – ce sont leurs mots. (Mêmes mouvements.)

M. Patrick Balkany. N’importe quoi !

M. Bernard Roman. En votant ce projet de loi, nous pensons à ceux qui se battent depuis des décennies contre l’injustice des discriminations, contre l’intolérance des préjugés, et pour le droit à l’indifférence et au bonheur.

En votant ce texte, nous pensons à ces couples qui attendaient que nous leur donnions accès à la reconnaissance sociale et à la protection juridique que seule l’institution du mariage peut garantir.

En votant ce projet, nous pensons aussi à ces parents qui demandent que les enfants qu’ils élèvent ensemble, souvent depuis des années, puissent être adoptés par le conjoint et protégés par la reconnaissance d’une filiation qui existe déjà d’un point de vue affectif et social.

Enfin, nous voulons offrir ce texte à ces enfants, à ces dizaines de milliers d’enfants qui veulent pouvoir, à la sortie de l’école, donner la main à leurs deux papas ou à leurs deux mamans. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Balkany. Quel cinéma !

M. Bernard Roman. Nous mesurons aujourd’hui le poids séculaire de la devise de la République : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Nous mesurons aussi que ces droits nouveaux ouverts aux couples homosexuels et à leurs enfants n’en retirent aucun aux autres couples.

Oui, le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe, non seulement nous allons le voter, mais nous allons le voter avec une certaine émotion et avec une très grande, avec une immense fierté. (Les députés des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR se lèvent et applaudissent vivement.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. Nicolas Bays. Rappel au règlement !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, essayez de respecter tous les orateurs.

M. Jean-Luc Reitzer. Où est la tolérance ?

M. Hervé Mariton. Dans quelques semaines, peut-être, des amies, Diane et Françoise, se marieront. Je leur présenterai mes vœux de bonheur et leur offrirai un bouquet de roses et de résédas. Mais je suis inquiet que vous forciez aujourd’hui les Français à poursuivre le chemin d’un triple déni dont vous porterez la faute. (Protestations sur quelques bancs du groupe SRC.)

Un déni de démocratie : c’est le refus du référendum ; c’est aussi un Parlement bousculé. Un déni affectif également pour tous ceux que vous aurez blessés ; un déni affectif encore tant vous aurez flatté l’individualisme et le matérialisme. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Un déni moral, enfin : rappelez-vous que le mariage, avant d’être des droits, ce sont des obligations ; rappelez-vous qu’un enfant, c’est d’abord un don.

Mme Catherine Coutelle. Et alors ?

M. Hervé Mariton. À quel prix brisez-vous ce consensus autour de la famille qui a tant uni notre nation !

Souvenez-vous, à la Libération, de la Confédération générale du travail et de ceux qui portaient la doctrine sociale de l’Église, et qui partageaient cette vision française de la famille : unissez et ne divisez pas ! Souvenez-vous de ce que la Révolution française a su construire : un sacré républicain grâce auquel nos cérémonies de mariage en mairie ne sont comparables à aucune autre dans le monde. Mais aussi de cette invention de Napoléon qui fait que l’adoption plénière n’est comparable à aucune autre adoption dans le monde.

Alors ne vous étonnez pas qu’en France, ici, à l’Assemblée, nous soyons particulièrement attachés au mariage, à la filiation et à l’adoption. Ce sont des principes fondamentaux de la République. Mesurez la responsabilité grave que vous prenez à les abîmer.

Vous brisez le bonheur de la filiation, la force de la transmission.

M. Jean-Claude Perez. Pathétique !

M. Hervé Mariton. Demain, comme maire, je devrai remplacer les mots « père » et « mère » par le mot « parents ». C’est écrit dans votre texte ! (Applaudissements sur les bancs sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Et ils applaudissent !

M. Hervé Mariton. Et vous applaudissez ! Les Français sauront que ce que vous avez voulu masquer pendant toute une part du débat est la réalité : maires, nous ne dirons plus « père » et « mère », nous dirons « parents » et vous dites : « Et alors ? ».

Vous ajoutez de la crise à la crise. Vous provoquez des tensions. Vous allumez la mèche indigne de l’homophobie. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Claude Perez. Vous n’avez pas honte ?

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de respecter l’orateur.

M. Hervé Mariton. Vous aurez sans doute la majorité, mais votre texte est fragile. Nous saisirons le Conseil constitutionnel.

Et, chacun le sait ici, vous vous méfiez du peuple. Face au soulèvement d’un peuple généreux, optimiste et confiant, vous affichez votre surdité, vous refusez toujours le référendum. Vous vous défiez du peuple et le peuple se défie de vous, et il a pour cela tant de raisons.

Nous, nous faisons confiance au peuple. Nous porterons un projet généreux, pour la famille, proposerons le contrat d’union civile plutôt que le mariage, la reconnaissance du droit des tiers plutôt que l’adoption, sans rien retirer aux situations acquises. Le référendum sera la meilleure voie de l’unité retrouvée.

« Si la France se mariait avec elle-même, /Si un jour elle se disait enfin je t’aime,/ Elle inventerait la ronde qui épouserait le monde,/ Si la France s’embrassait un jour qui sait. »

Parce que nous aimons la France, parce que nous aimons tous les enfants de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, la majorité des députés du groupe UDI votera contre ce texte.

M. Thomas Thévenoud. Et Borloo ?

M. Jean-Christophe Fromantin. Avant de rappeler nos arguments, je voudrais dire à nouveau, au nom de mes collègues de l’UDI, qu’il n’y a dans notre position ni tactique ni manœuvre, mais simplement la ferme conviction, dans le respect des couples homosexuels, qu’en touchant à la filiation vous mettez en danger un des fondements essentiels de la société. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Pourquoi voterons-nous contre ? Nous voterons contre car, comme de nombreux Français, nous n’avons pas compris le sens de ce projet. Nous n’avons pas compris, madame le garde des sceaux, le sens de votre obstination.

Alors que nous avons demandé du temps, alors que nous avons demandé un débat, alors que nous avons demandé un référendum, alors qu’une pétition recueillant plus de 700 000 signatures a été remise au Conseil économique, social et environnemental, alors que des centaines de milliers de Français ont manifesté, à chaque fois vous nous avez opposé un refus du dialogue, un refus de l’échange, et ce alors que le Président de la République reconnaissait lui-même, il y a quelques mois, que ce texte posait un cas de conscience aux maires, et donc aux Français.

Quel est le sens de ce blocage, madame la garde des sceaux, alors que l’opposition vous a proposé, il y a plusieurs semaines, une solution de compromis, de rassemblement, d’unité nationale, qui aurait répondu probablement aux aspirations des couples homosexuels ? Il s’agissait de créer une union civile dans la paix, dans la concorde, permettant l’accès à la délégation d’autorité parentale, à l’adoption simple, et répondant à la majorité des cas des couples homosexuels qui nous interpellaient.

Quel est le sens de votre obstination à faire passer le mariage et l’adoption plénière à tout prix, si ce n’est votre volonté de créer un droit ouvrant ensuite la voie à la PMA et à la GPA ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)

Au-delà de cela, notre surprise et notre incompréhension face à votre obstination et au contenu de ce texte viennent surtout du fait que, sous prétexte de créer une égalité entre les adultes, vous créez une terrible inégalité entre les enfants. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Claude Perez. Faux !

M. Jean-Christophe Fromantin. Sous prétexte de promouvoir l’égalité pour tous, vous allez créer l’inégalité pour beaucoup. Au nom de quoi les députés de la République que nous sommes vont-ils priver des enfants d’avoir un père et une mère ? Rien ne nous autorise à priver des enfants de ce droit fondamental (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Au nom de quels principes et de quelles valeurs nous arrogeons-nous aujourd’hui ce droit de priver un enfant d’un père et d’une mère ?

M. Jean Launay. Invention !

M. Jean-Christophe Fromantin. Nous ne pouvons pas accepter, madame la garde des sceaux, cette loi du plus fort. Ce n’est pas le sens de l’engagement de la plupart d’entre nous, d’un côté comme de l’autre. Nous nous sommes engagés en politique pour servir d’abord le plus faible, pas le plus fort (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP), et cette loi qui est celle du plus fort ne protégera pas le plus faible.

Comme nombre d’entre nous, et sûrement comme des millions de Français, j’éprouve surtout et malheureusement un sentiment de tristesse. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. Le scrutin public est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe écologiste.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, l’Assemblée nationale peut-être fière de ce qu’elle propose aujourd’hui aux Français. Cette fierté n’a aucun caractère historique, mais elle répond à la vocation de la gauche quand elle est rassemblée, quand elle est fidèle à ses valeurs et à ses convictions, sans céder à l’horreur de la rue. (Vives exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Oui, nous y reviendrons.

M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît, respectez tous les orateurs.

M. Noël Mamère. La gauche vient en effet d’ouvrir ce soir le champ des libertés au nom de l’égalité des droits. Après tout, notre fonction n’est-elle pas de garantir la protection des libertés et d’en élargir le champ au nom de l’égalité des droits, afin de lutter contre toutes les formes de discrimination, y compris celles liées à l’orientation sexuelle ?

Souvenons-nous qu’un député de gauche, Raymond Forni, a fait voter ici une loi pour en finir avec la pénalisation discriminatoire de l’homosexualité. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP et GDR.) C’était il n’y a pas si longtemps.

Souvenons-nous, en nous posant la question de savoir si cela a provoqué un chamboulement de civilisation, que les femmes ont obtenu le droit de vote, bien tardivement. (Mêmes mouvements.) Cela n’a pas provoqué de chamboulement, mais cela a fait évoluer la place de la femme dans la société.

C’est une ministre de droite, Mme Veil, qui, ici même, a fait voter la loi sur l’interruption volontaire de grossesse pour que les femmes puissent enfin exercer librement leurs droits sur leur corps et sur leur famille. (Mêmes mouvements.) Et cela n’a pas chamboulé la famille, bien au contraire, cela l’a fait évoluer.

M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir !

M. Noël Mamère. Arrêtons l’emphase et les grands mots, car ce jour n’est pas réellement historique : la France ne fait que rattraper son retard par rapport aux pays de l’Union européenne et du reste du monde qui ont ouvert, bien avant elle, le mariage aux personnes de même sexe. Dois-je rappeler que le Danemark l’a fait dès 1989, avant l’Espagne, les Pays-Bas et le Portugal, et que l’Afrique du Sud l’a fait dès la fin de l’apartheid, en 1994 ?

M. Daniel Fasquelle. Et alors ?

M. Noël Mamère. Il nous aura fallu attendre jusqu’à 2013 dans le bruit, la fureur et la haine homophobe. Nous n’avons pas à être fiers de nous. Non, la France n’est pas un vieux pays, mais elle éprouve des blocages : une partie de la société reste dans l’essentialisme, pour reprendre une expression qu’aiment bien les sociologues, comme si la famille, c’était un père, une mère et un enfant. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous faites comme si la famille n’avait pas évolué, comme si vous n’acceptiez pas cette évolution de notre société que le législateur doit prendre en compte pour lui donner un cadre. C’est comme cela que l’on construit l’État de droit, ce n’est pas dans la rue ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Nous avons accordé des droits à certains sans en prendre aux autres.

M. Daniel Fasquelle. Si, aux enfants !

M. Noël Mamère. Nous avons aussi été victimes de quelques illusions. En 1999, notre collègue Patrick Bloche et Jean-Pierre Michel faisaient voter le PACS. Vous utilisiez les mêmes mots contre ceux qui voulaient que des couples puissent vivre en paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste SRC.)

M. Jean-Claude Perez. Les mêmes !

M. Noël Mamère. Je me souviens du 5 juin 2004 à Bègles, des 4 000 lettres d’insultes que j’ai reçues.

M. Daniel Fasquelle. Cela n’a rien à voir !

M. Noël Mamère. Je me souviens de ce médecin qui en avait écrit dix et qui, à la onzième, a dessiné un four crématoire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J’ai encore dans l’oreille les mots de ceux qui criaient devant les grilles de la mairie de Bègles : « Les pédés en camp de concentration ! » (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Noël Mamère. Chers collègues, nous sommes ici les représentants du peuple. Nous ne sommes pas ici pour jeter le peuple dans l’ignorance et inventer des boucs émissaires. Nous sommes ici pour lutter contre la peur de soi et contre l’ignorance : quand on a peur de soi, on a peur des autres et on invente des boucs émissaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Voilà la réalité devant laquelle nous sommes, et voilà notre fierté !

En 2004, il ne s’agissait pas d’une initiative individuelle, et certains acteurs de l’époque sont aujourd’hui dans les tribunes pour suivre ce débat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. Ces propos sont scandaleux !

M. Noël Mamère. Après la lâche agression d’un homosexuel qui est depuis en fauteuil roulant, un manifeste avait été publié : le manifeste pour l’égalité des droits. Voilà le fondement de la République, et voilà pourquoi nous voterons pour ce texte. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, depuis quelques mois, la majorité est attaquée de toutes parts. On nous reproche de nous intéresser aux seuls faits de société et de ne pas nous occuper de la situation économique et sociale du pays.

Nous répondons avec force par cette loi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous sommes fiers, madame la garde des sceaux, de ce texte fondateur de la République. Nous sommes fiers qu’il vienne démontrer nos capacités à écouter (Mêmes mouvements), à imaginer, à riposter, à remédier à l’injustice. Les homosexuels souffraient d’une véritable injustice, d’un déni de justice. J’ai une pensée pour tous ceux qui ressentaient une souffrance immense dans leur corps, dans leur être, dans leur savoir. Désormais, homosexuels et hétérosexuels pourront se pacser ou se marier s’ils le veulent. Cette égalité nouvelle est une pierre blanche apportée à l’humanité.

Nous avons renforcé le mariage républicain et l’adoption qui reste encore le grand échec de notre vie en société. Tout cela s’est fait dans le vacarme, dans les cris et les huées de la rue, chauffée au rouge par les cris de certains d’entre nous qui n’ont pas compris qu’ils minaient les bases mêmes du pacte républicain. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

On nous a accusés d’être des assassins d’enfants, rien que ça ! Un pas de plus a été franchi par rapport à la période, pourtant bien sombre, qui a précédé l’adoption du PACS. Et pourtant, personne ne reviendra sur ce texte (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Nulle part dans le monde, on n’a abrogé les textes sur le mariage pour tous, pas même dans l’Espagne conservatrice qui a conforté les lois de 2005 voulues par Zapatero. Dire le contraire, comme le fait encore la droite, c’est vouloir entretenir le tumulte et le fracas.

La droite est-elle revenue sur la légalisation de l’avortement ? Non. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La droite est-elle revenue sur l’abolition de la peine de mort ? Non. La droite est-elle revenue sur le PACS ? Non. (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît.

M. Alain Tourret. La droite est-elle revenue sur le divorce par consentement mutuel ? Non. À l’évidence, la droite n’abrogera pas ce texte de progrès, ni par une loi ni par référendum.

Ce texte, madame la garde des sceaux, a pourtant ses limites : il ne prévoit ni la PMA ni la GPA. Nous l’avons fait clairement savoir : nous ne souhaitons pas que le Comité consultatif national d’éthique se prononce en faveur de la PMA et nous nous opposons de toutes nos forces à la gestation pour autrui, cette marchandisation insupportable du corps humain. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

À notre amie Christiane Taubira et au Premier ministre, nous le redisons : nous souhaitons que la France prenne des initiatives déterminantes sur le plan international pour faire interdire le recours à la gestation pour autrui ici, là et ailleurs.

Monsieur le Premier ministre, toute la gauche est aujourd’hui réunie derrière vous, pour voter ce texte qui enrichit le code civil. C’est aujourd’hui un jour faste, qui compte, qui montre un clivage positif entre la droite réfrigérée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et la gauche imaginative. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe RRDP, SRC et écologiste.)

Cette droite décomplexée, pour reprendre un terme si cher à M. Copé, vote des amendements communs avec le Front national ; elle défile, bras dessus, bras dessous et goguenarde avec M. Gilbert Collard.

M. Gilbert Collard. C’est très bien !

M. Alain Tourret. Alors oui, avec le groupe RRDP, avec les radicaux épris de l’esprit des Encyclopédistes, soyons fiers de ce texte, soyons fiers de répondre aux aspirations de la jeunesse française qui l’approuve massivement. Monsieur le Premier ministre, soyons fiers d’avoir apporté notre pierre à ce surplus d’humanité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, chers collègues, dans quelques instants, par un vote solennel, nous allons ouvrir à toutes et tous, le droit au mariage. C’est une avancée majeure dont notre pays peut être fier.

Depuis des années, des hommes et des femmes se battent contre les discriminations liées à l’homosexualité. Le cœur de ce combat n’est pas la reconnaissance d’un statut particulier, spécifique : il est seulement une formidable exigence d’égalité.

Notre République est fondée sur ces valeurs : liberté, égalité, fraternité. Elle ne peut admettre que des discriminations frappent ses enfants. En France, l’homophobie est un délit. La justice aura à le rappeler aux individus et aux groupuscules d’extrême droite, auteurs ces derniers jours de violences homophobes.

Mais notre République doit aller plus loin. Elle doit assurer l’égalité des droits. C’est l’objet de ce projet de loi.

Le débat sur le mariage pour les couples de même sexe est depuis très longtemps présent dans la société. Il a permis à l’égalité de se frayer un chemin dans le dédale de tous les a priori et préjugés. Il était temps de légiférer. Nos échanges, à part quelques moments de tension, ont porté sur le fond. Le débat a fait appel à des pans entiers de notre expérience sociale et humaine. Face à la vision statique de la famille exprimée par les opposants au texte, nous avons donné à voir son évolution au fil de l’histoire. La famille a bougé. Les femmes sont sorties de leur statut premier de reproductrices grâce à leur combat contre le patriarcat. Elles ont gagné leur indépendance et la maîtrise de leur fécondité. La famille s’est conjuguée, monoparentale, homosexuelle, et s’est recomposée. Aussi est-il temps de mettre le droit en accord avec le fait.

Les opposants au texte nous présentent le mariage comme une institution basée sur l’altérité – un père et une mère – et sur la filiation, alors que, d’ores et déjà le mariage est un droit, le droit pour chaque individu, quelle que soit son identité sexuelle, de se donner un projet de vie avec la personne qu’il aime et de fonder famille.

Tout au long de ce débat, l’opposition a opposé au mariage pour toutes et tous le droit des enfants. Mais justement, cette loi va permettre à de très nombreux enfants d’avoir enfin des parents de plein droit, et d’être donc des enfants de plein droit. Car ce qui importe le plus, pour les enfants, c’est bien l’amour qui les entoure, la démarche éducative, la protection accordée par leurs parents. Les droits des enfants, ce sont le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit au bien-être, quelle que soit l’identité sexuelle de leurs parents.

Hier, dans le journal L’Équipe, l’ancienne attaquante de l’équipe de France de football Marinette Pichon disait de très belles choses en faveur de ce projet de loi. Je vous conseille, mesdames les ministres, si vous n’êtes pas lectrices habituelles de l’Équipe, de vous pencher sur cet entretien ! (Sourires.) Marinette Pichon y dit qu’elle veut simplement vivre sa vie, pas prendre les droits de Pierre, Paul ou Jacques. Elle termine en disant qu’elle a une femme qu’elle aime et qui l’aime, un grand garçon bien dans sa peau et équilibré, qu’elles ont réussi à construire leur petite famille avec leurs convictions et leurs valeurs, et qu’elles sont heureuses…

Mesdames les ministres, vous avez mené un très beau combat. C’est un bonheur de pouvoir voter votre projet de loi et ainsi d’assurer à toutes et tous la possibilité de vivre leur amour en toute quiétude, dans une société plus humaine. Comme de nombreux élus, j’ai hâte de célébrer les premiers mariages de ceux et celles qui me l’ont déjà demandé. Alors s’il vous plaît, mesdames les ministres, ne tardez pas sur le décret et la circulaire : marions-les, marions-les dès l’été ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP, dont de nombreux membres se lèvent. – Clameur dans plusieurs tribunes du public, où une banderole est déployée. – Huées sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

M. le président. Sortez-moi ces excités de l’Assemblée ! Les ennemis de la démocratie n’ont rien à faire dans l’hémicycle ! Que l’on expulse ces individus ! (Les huées continuent tandis que les contrevenants sont expulsés des tribunes.)

Mes chers collègues, s’il vous plaît, rasseyez-vous. Ceux qui n’avaient rien à faire dans cette enceinte n’y sont plus ; il n’y reste plus que les amoureux de la démocratie. Je demande le retour du silence avant ce moment important pour notre assemblée.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 566

Nombre de suffrages exprimés 556

Majorité absolue 279

(Le projet de loi est adopté.)

(Les députés des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR se lèvent et applaudissent longuement, en scandant : « Égalité ! Égalité ! »)

M. le président. Après cent trente-six heures et quarante-six minutes de débat, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Acclamations sur les mêmes bancs.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je dois avouer que je suis submergée par l’émotion. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J’espère être néanmoins capable de vous dire combien je suis reconnaissante au Premier ministre et au Président de la République de nous avoir offert la chance de conduire cette très belle réforme, de la conduire avec force, de la conduire avec la confiance constante du Gouvernement, de la conduire avec votre participation active, mesdames et messieurs les députés. Vous avez amélioré le texte. Vous l’avez enrichi. Vous avez été fortement présents, durant de longues nuits, stoïques, à entendre des propos parfois absolument insupportables qui heurtaient nos valeurs profondes et notre éthique. Mais nous avons eu aussi de très grands et de très beaux moments de démocratie. Nous avons vu dans l’opposition des parlementaires qui se battaient, qui faisaient valoir leurs positions fortes et fermes avec des arguments de fond. Nous leur en savons gré : ces interventions-là resteront aussi dans l’histoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

M. Franck Riester. Très bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous savons désormais que nous savons bâtir ensemble. Nous savons que nous n’avons rien pris à personne. Nous nous sommes interrogés lorsque les premiers questionnements se sont exprimés dans la société ; nous nous sommes demandé si nos convictions suffisaient. Nous avons écouté attentivement les inquiétudes et les protestations, et nous nous sommes efforcés d’y répondre lucidement, franchement, clairement, en prenant appui sur le texte.

Nous nous sommes demandé ce qui était le plus précieux pour les couples hétérosexuels et les familles hétéroparentales. Nous savons que c’est d’abord le lien biologique, et nous n’y avons pas touché. Nous savons qu’ils sont très attachés à la présomption de paternité, et nous n’y avons pas touché. En revanche, nous avons amélioré l’exercice de l’autorité parentale et facilité son partage. Nous avons protégé des milliers d’enfants. Nous avons fait en sorte qu’ils puissent maintenir le lien avec un parent en cas de séparation conflictuelle, y compris hors mariage. Nous avons élargi, pour les futurs époux, la possibilité de choisir – eux seuls, non les maires – le lieu de la célébration du mariage. Nous savons donc que nous n’avons rien ôté à personne, qu’au contraire nous avons reconnu, par ce texte, les droits de nos concitoyens dont la citoyenneté était sournoisement contestée, et aussi ouvert des droits à tous les autres couples.

C’est donc incontestablement un texte généreux que vous avez voté aujourd’hui, et nous vous en savons définitivement gré. Nous savons aussi qu’il faut parler à celles et ceux qui ont été blessés ces jours derniers par des mots, des gestes, des actes – leur dire qu’ils sont pleinement dans la société et que la responsabilité de la puissance publique est de lutter contre les discriminations, que c’est une exigence du pacte républicain. Lutter contre les discriminations, c’est évidemment ouvrir à tous les citoyens les dispositifs de droit commun ainsi que les plus belles institutions de la République.

Nous voulons dire en particulier aux adolescents de ce pays qui ont été blessés, désemparés ces derniers jours, plongés dans un désarroi immense, qui ont découvert une société où une sublimation des égoïsmes permettait à certains de protester bruyamment contre les droits des autres, nous voulons leur dire simplement qu’ils ont toute leur place dans la société ; que nous les reconnaissons à leur place dans la société, avec leurs mystères, avec leurs talents, leurs défauts, leurs qualités, leurs fragilités ; que c’est cela, la singularité de chacun d’entre nous, indépendamment de toute question sexuelle. Chacun d’entre nous est singulier. C’est la force de la société, c’est même la condition de la société, la condition de la relation dans la société.

Alors nous leur disons : si vous êtes pris de désespérance, balayez ces paroles qui vont s’envoler ! Restez avec nous, gardez la tête haute, vous n’avez rien à vous reprocher !

Nous le disons haut et clair, à voix puissante parce que, comme le disait Nietzsche, les vérités tues deviennent vénéneuses. Merci à vous tous. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – MM. Yves Jégo et Franck Riester applaudissent également, ainsi que M. Philippe Gosselin.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Déclaration du Gouvernement, en application
de l’article 50-1 de la Constitution, sur le programme de stabilité de la France pour 2013-2017, débat et vote sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, sur le programme de stabilité de la France pour 2013-2017, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, la priorité absolue de la majorité présidentielle, c’est le recul durable du chômage. Toute notre politique économique vise à mettre en œuvre les conditions nécessaires pour atteindre cet objectif : le redressement de la compétitivité de notre tissu productif, la soutenabilité de nos finances publiques, la mise en œuvre des réformes structurelles et, enfin, également, une politique économique européenne qui soit plus favorable à la croissance.

Le Gouvernement et la majorité doivent répondre ensemble à deux questions. Comment redresser nos comptes sans étouffer la croissance ? Quelle réforme mener pour susciter activement la reprise de l’activité ? L’objet du premier programme national de réforme et du premier programme de stabilité que nous présentons aujourd’hui est d’y apporter des réponses précises et ambitieuses.

Ces programmes décrivent la stratégie économique du Gouvernement, ainsi que le scénario macroéconomique et la trajectoire de finances publiques qui les sous-tendent. Ils disent aussi quelles réformes permettront de parvenir à la croissance souhaitée et à l’équilibre des finances publiques que nous décrivons. Même si ce ne sont pas des projets de loi de finances, ces textes – j’y insiste d’emblée – ont la même portée symbolique et politique. Nous leur avons accordé, avec Bernard Cazeneuve, le même soin, et ils doivent être abordés par la représentation nationale dans le même esprit, un esprit de responsabilité. Ce sont des textes fondamentaux et fondateurs. Le Président de la République a rappelé récemment les grandes orientations de l’action du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, et le Premier ministre a eu l’occasion, tout à l’heure, de s’exprimer sur ces questions. Le redressement de l’économie du pays, autour d’une approche équilibrée qui réconcilie remise en ordre des finances publiques, réformes fortes de notre économie et recherche active de la croissance, c’est le sillon que nous traçons depuis notre arrivée aux responsabilités, avec toujours pour boussole la justice, et avec pour ligne d’horizon, vous le savez, l’inversion de la courbe du chômage dès la fin de cette année 2013.

Le programme de stabilité et le programme national de réforme s’inscrivent, vous le savez également, dans un contexte difficile, qu’il faut rappeler en préambule.

En premier lieu, nous avons un lourd héritage à assumer. Je ne me livre pas à cet exercice pour le plaisir de la rhétorique, ou par volonté de me défausser : nous le savons pertinemment, nous sommes aux responsabilités, et nous serons jugés sur nos résultats, mais les faits sont têtus, et les conséquences du passé sont lourdes. L’héritage financier, bien sûr, Bernard Cazeneuve le rappelait tout à l’heure, est terriblement pesant :…

M. Éric Woerth. C’était la même crise qu’aujourd’hui !

M. Pierre Moscovici, ministre. …600 milliards d’euros de dettes supplémentaires, un ratio de la dette rapportée à notre richesse nationale augmenté de vingt points, un déficit structurel dégradé de 1,8 point de PIB en cinq ans, un déficit nominal qui aurait été de 5,5 % du PIB si nous n’avions rien fait en 2012.

M. Jean Launay. Eh oui !

M. Pierre Moscovici, ministre. De lourdes faiblesses structurelles pèsent également sur nous : une croissance nulle, en moyenne, de 2007 à 2011, un million de chômeurs de plus au cours du quinquennat précédent, 750 000 emplois perdus dans l’industrie en dix ans, un secteur secondaire qui a reculé dans la valeur ajoutée en France de 18 % à 12,5 % entre 2000 et 2011. Tout cela traduit une perte de substance industrielle, une forte dégradation de la compétitivité dix ans, ce qu’illustre un déficit commercial encore supérieur à 65 milliards d’euros en 2012.

Je n’y reviens pas, je le répète, par esprit de polémique, mais pour souligner que face à une situation aussi dégradée que celle de la France, qui reste une grande économie, qui est la cinquième économie du monde, nous devrons poursuivre nos efforts de redressement sur le long terme.

En deuxième lieu, nous sommes confrontés à une crise sans précédent dans la zone euro. J’ai déjà eu l’occasion de le dire devant vous, je le répète aujourd’hui : comme l’a dit le Président de la République, nous avons apporté des réponses fortes à la crise de la zone euro ; j’insiste sur la préposition, c’était une crise de la zone euro. Quand nous sommes arrivés aux responsabilités, la question suivante était dans tous les esprits : est-ce que l’euro va survivre ? Est-ce que l’euro existera encore dans un an ? Toutes les réunions internationales ou européennes auxquelles je participais étaient dominées par cette question. Une pression s’exerçait presque sur nous, pour que nous sortions de cette crise. Eh bien, un an plus tard, regardez ce qui s’est produit, les solutions qui ont été apportées, qu’il s’agisse du système bancaire espagnol, de la dette italienne, de la situation de la Grèce ou, même si ce fut laborieux, de Chypre. Oui, aujourd’hui, je peux le dire, l’euro est sauvé.

Je ne peux cependant nier que demeure une crise dans – je dis cette fois « dans » – la zone euro. La zone euro est stabilisée, oui, mais ce n’est pas une fin en soi, et la zone euro n’a pas pour autant retrouvé la croissance. Au contraire, force est de constater que la dégradation de la situation économique s’est accélérée à la fin de l’année 2012 et que toutes les prévisions récentes, à commencer par celles de la Commission, suggèrent que la zone euro resterait en récession en 2013, pour la deuxième année consécutive, une récession de 0,3 % du PIB, alors que le chômage touche à présent près de 19 millions de personnes en Europe.

Dans ce contexte, que je voulais présenter très rapidement, je veux d’abord rappeler le sens de notre action, en recourant à cette formule : nous voulons réformer au bon rythme pour réussir le redressement du pays.

Il y a actuellement en Europe, et même en France, personne ne peut le cacher, un débat sur le rythme du redressement des comptes au regard de la nécessité de soutenir la croissance. Peut-on redresser l’économie sans redresser ses finances publiques ?

J’ai déjà eu l’occasion d’exposer longuement devant l’Assemblée, et ce à de multiples reprises, les raisons pour lesquelles le Président de la République et le Premier ministre ont fait du sérieux budgétaire l’un des axes de leur politique économique. Il ne faut pas, mesdames et messieurs les députés, opposer remise en ordre des comptes et croissance, car il ne peut y avoir de croissance durable sans finances publiques maîtrisées et sans confiance.

La question, en réalité, n’est pas, n’est plus de savoir si les finances publiques doivent être redressées. Cela a été tranché, et personne ne conteste la nécessité du désendettement. Une économie qui s’endette, c’est une économie qui s’affaiblit, une économie qui s’appauvrit, une économie qui perd de sa liberté, une économie qui perd de sa souveraineté, et ce d’autant plus que les taux d’intérêt ont tendance à augmenter avec l’endettement. C’est pourquoi les questions du désendettement et de la crédibilité sont des questions tout à fait centrales, qui, me semble-t-il, ont été tranchées à l’épreuve des faits.

La question qui reste, c’est celle que j’évoquais, celle du rythme du redressement, et de l’équilibre entre croissance et réduction des déficits, ce que l’on appelle en jargon économique la consolidation budgétaire. Comment concilier les deux ? Eh bien, mesdames et messieurs les députés, nous pouvons le faire, et nous le devons, par une gestion qui soit sérieuse sans être rigide ou dogmatique, c’est-à-dire par un pilotage en termes structurels, c’est-à-dire qui défalque ces faits de la conjoncture, qui engage nos finances publiques sur la voie d’un assainissement en profondeur, durable, mais en laissant jouer ce que les économistes appellent les stabilisateurs automatiques quand la situation économique l’exige.

Quand nous sommes dans la situation qui est aujourd’hui la nôtre, avec une croissance ralentie, voire une récession dans la zone euro, il faut en effet faire en sorte de soutenir la croissance.

Cette approche, qui permet de préserver la demande intérieure et, in fine, les perspectives de croissance, tout en conservant une ambition intacte pour le solde structurel de nos comptes publics, c’est l’inverse d’une politique d’austérité, qui se crispe sur des objectifs comptables sans prendre en compte les aléas de la conjoncture. Je le dis notamment à la majorité : nous refusons absolument, j’insiste sur l’adverbe, une gestion comptable de nos finances publiques. Nous voulons une gestion économique, dynamique, solidaire.

Cette question du rythme du redressement, le Gouvernement la pose avec force, depuis l’élection de François Hollande, dans tous les forums de coopération économique internationaux. À l’échelle européenne notamment, nous défendons depuis l’an dernier un rééquilibrage des politiques économiques en faveur de la croissance. Je la pose aussi dans le cadre de nos relations bilatérales, en particulier avec nos partenaires allemands, non pas dans un esprit de stérile confrontation, mais parce que cette relation franco-allemande qui reste puissante nous permet de dire à notre partenaire allemand, dont les finances sont solides, qu’il a les moyens de donner plus de dynamisme à son économie.

Je la pose enfin dans les enceintes plus larges, comme la semaine dernière lors des assemblées générales du FMI et de la Banque mondiale, ainsi que dans le cadre du G20. Ce sont autant de lieux où, je peux vous le dire, nos idées ont considérablement progressé ces derniers mois, autant de lieux où je défends l’idée que, pour la croissance européenne, c’est aussi indispensable de relancer son économie quand on peut le faire que d’assainir ses finances publiques quand on doit le faire. Je retiens d’ailleurs du dernier G20 la forte convergence autour d’un même message : il faut faire davantage pour la croissance et l’emploi. Évidemment, il faut continuer à améliorer la soutenabilité budgétaire, mais la priorité des priorités, c’est l’emploi, et ce climat anti-austérité gagne maintenant la société internationale.

Ce message, je l’ai partagé avec le Fonds monétaire international, avec la Commission européenne, avec le gouvernement des États-Unis, avec plusieurs de nos partenaires européens. L’économie mondiale se tourne vraiment davantage, dans ses priorités, vers la croissance. Le sérieux ne peut pas être abandonné, les réformes de structure sont indispensables, mais l’austérité n’est pas une solution : la voie que nous empruntons, le chemin que nous dessinons, je suis persuadé que c’est la bonne voie, le bon chemin.

Et ce n’est pas s’éloigner des préoccupations du pays que de porter ce débat sur la scène internationale car, en réalité, agenda intérieur, national, et agenda européen sont étroitement liés. C’est parce que nous faisons et ferons les efforts attendus que nous serons entendus par nos partenaires européens. C’est parce que nous sommes et serons crédibles que nous pouvons et pourrons réorienter la construction européenne. Si nous ne sommes pas crédibles, nous ne pèserons pas. Faisons donc, à notre façon, sans nous renier, avec notre modèle social, les réformes qui sont attendues de nous. C’est déjà le cas avec le pacte de compétitivité, ou l’accord sur la sécurisation de l’emploi. Eh bien, poursuivons dans cette voie, continuons le redressement des finances publiques, mais au rythme que nous estimons à la fois économiquement efficace et socialement juste. Continuons les réformes pour une croissance plus forte et plus solidaire, en restant fidèles à nos principes et nos méthodes, c’est ainsi que nous serons forts, sur la scène internationale et sur la scène européenne.

J’en viens maintenant à nos programmes, bâtis sur des prévisions de croissance réalistes. Elles sont identiques, pour 2013 et 2014, à celles de la Commission, et vous vous doutez bien que cela ne doit rien au hasard : 0,1 % en 2013, 1,2 % en 2014. Puis nous escomptons, pour les années 2015 à 2017, une croissance de 2 % par an.

Le Haut Conseil des finances publiques – nouvelle instance créée à l’initiative du Gouvernement et de la majorité pour éclairer le débat parlementaire, symbole de transparence et de rénovation en profondeur de la gouvernance des finances publiques – a rendu la semaine dernière son avis sur ces prévisions. Je ne veux pas le taire ici, cela n’aurait pas de sens, sinon à quoi bon créer de telles institutions ? Dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques estime que le scénario macroéconomique du Gouvernement est entouré d’un certain nombre d’aléas qui, dans leur ensemble, font peser un risque à la baisse sur les prévisions. Nous reconnaissons l’existence de ces facteurs, qui jouent d’ailleurs à la hausse comme à la baisse, mais, avec Bernard Cazeneuve, nous avons souhaité confirmer devant la commission des finances, mercredi dernier, les prévisions de croissance du programme de stabilité, et je les confirme encore aujourd’hui, dans cet hémicycle.

C’est vrai, il y a, comme toujours, une part de volontarisme dans ces prévisions. Cela ne veut pas dire qu’elles sont fantaisistes : je le répète, pour 2014, notre prévision est en ligne avec celle de la Commission européenne. Franchement, ne pas croire et ne pas savoir que le potentiel de l’économie française est supérieur à 0,1 % de croissance en 2013 et 1,2 % en 2014, ce serait plus que du pessimisme, ce serait du défaitisme ; nous nous y refusons. Au contraire, nous pensons que l’ampleur des réformes engagées permet de maintenir ces prévisions, voire de faire mieux.

Ces prévisions s’appuient sur deux convictions. La première conviction, c’est que l’Europe va progressivement redémarrer. Pour de nombreux pays, le plus gros des efforts est désormais passé ; le commissaire aux affaires économiques Olli Rehn reconnaissait d’ailleurs la semaine dernière que le rythme de l’ajustement s’était déjà ralenti, avait été divisé par deux, et que cette décélération des efforts structurels, pour les pays qui les avaient déjà entrepris – ce n’était pas le cas de la France lors du précédent quinquennat –, allait se poursuivre. La politique monétaire de la BCE reste durablement accommodante, et les pays sous tension pourront effectivement bénéficier de meilleures conditions de financement, grâce à la mise en œuvre résolue d’une union bancaire pour laquelle la France se bat. Oui, donc, cette Europe stabilisée va redémarrer.

Ma deuxième conviction, c’est que les réformes que nous menons en France portent et porteront leurs fruits. Ces réformes, précisément, nous les décrivons en détail dans le programme national de réforme, et je veux m’y arrêter.

En économie, il n’y a pas d’immaculée conception. Notre économie ne pourra renouer avec les créations d’emploi que si nous conduisons des réformes audacieuses et innovantes pour stimuler la croissance. Le programme national de réformes dont vous débattez aujourd’hui se présente autour de quatre axes : redresser les comptes publics, et je terminerai évidemment mon propos par là ; rétablir la compétitivité de notre tissu productif ; préparer l’avenir ; lutter contre le chômage et la précarité.

Tout d’abord, en matière de compétitivité, nous avons pris en onze mois davantage de décisions positives qu’au cours des dix dernières années. L’année 2013 sera consacrée à la mise en œuvre et à l’approfondissement des mesures que nous avons prises.

Nous devons d’abord réorienter notre système fiscal pour encourager la compétitivité et l’innovation : tel est le sens du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, d’un montant de vingt milliards d’euros, qui permettra de relever d’un demi-point de PIB le niveau d’activité, de créer 300 000 emplois d’ici à l’année 2017. Nous travaillons à la montée en puissance de ce crédit d’impôt, notamment au moyen d’un dispositif de préfinancement. La Banque publique d’investissement propose d’ores et déjà ce préfinancement du CICE à toutes les entreprises, sans effet de seuil : je dis cela à l’attention de tous les députés, de la majorité comme de l’opposition.

Au-delà de cette mesure puissante, qui représente tout de même 1 % du PIB, d’autres dispositions favorables à l’investissement ont été votées : il s’agit de la nouvelle fiscalité des dividendes, qui incite les entreprises à réinvestir leurs bénéfices, ou encore de l’extension du crédit d’impôt recherche, que nous avons renforcé alors même que le climat budgétaire nous pousse à l’économie.

Nous avons également remis le secteur financier au service de l’investissement, de l’économie réelle, des PME et des entreprises de taille intermédiaire. Pour cela, nous avons créé la Banque publique d’investissement, fait voter une nouvelle loi bancaire, adopté le plan pour le renforcement de la trésorerie des TPE et des PME, et soutenu le financement de l’investissement des collectivités locales au moyen des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Nous approfondirons encore cette réforme du financement de l’économie au cours des mois à venir. Nous aborderons notamment la question du financement en fonds propres des entreprises. Nous réformerons à cet effet la fiscalité de l’épargne des ménages sur la base des conclusions du rapport remis par Karine Berger et Dominique Lefebvre. Il s’agit de promouvoir une utilisation plus efficace de l’épargne des Français, qui est abondante.

Enfin, nous poursuivrons la mue de la BPI en l’orientant vers le financement des exportations. C’est aussi pour soutenir notre compétitivité que nous mènerons en 2013 des réformes de structure majeures, notamment dans les secteurs des services, de l’énergie et du logement. Ces réformes permettront de faire baisser les prix, et donc de réduire les coûts supportés par les entreprises, en même temps qu’elles soutiendront le pouvoir d’achat des ménages.

S’agissant toujours du pouvoir d’achat des ménages – que j’ai évoqué tout à l’heure lors des questions au Gouvernement – nous présenterons, avec Benoît Hamon, un projet de loi sur la consommation qui renforcera les droits des consommateurs et contribuera à lutter contre les rentes injustifiées. Nous mènerons également une réforme du secteur ferroviaire : hier, Jean-Louis Bianco a présenté un rapport sur ce sujet. Cette réforme sera élaborée au cours du premier semestre de l’année 2013 pour améliorer la qualité du service et son efficacité industrielle.

Voilà ce que sont toutes ces réformes : une fiscalité plus favorable à la compétitivité, à l’investissement, à l’innovation ; une réforme du financement de l’économie ; des réformes sectorielles. J’ajouterai à cette liste, pour finir, le choc de simplification voulu par le Président de la République, auquel nous travaillons ardemment. Toutes ces initiatives, qui visent à remettre d’aplomb la compétitivité de la France, font masse, font sens, et soulignent la cohérence de l’action du Gouvernement, qui fait confiance aux entreprises et dessine progressivement une politique de l’offre ambitieuse et innovante.

J’en viens à présent au deuxième axe de l’action du Gouvernement. Celui-ci s’attache à préparer l’avenir en encourageant la restructuration de l’économie autour de filières industrielles clés et en soutenant les secteurs stratégiques par une politique d’investissements ciblés. Le Gouvernement organisera au premier semestre une consultation pour choisir les initiatives industrielles prioritaires pour le quinquennat. Ces filières prioritaires seront soutenues par un fonds multisectoriel doté de 590 millions d’euros, qui sera mis en place au sein de la BPI.

Parallèlement, nous déploierons largement notre stratégie d’investissements de long terme dans des secteurs clés comme le logement, la rénovation thermique et le numérique. Cette stratégie doit renforcer le potentiel de croissance du pays. Elle contribuera à dessiner l’économie de demain. Voilà ce que nous voulons faire : il y a là un lien entre les réformes, la croissance et le redressement des comptes publics.

Enfin, notre troisième axe concerne la lutte contre le chômage et la précarité. En la matière, nous travaillerons tout au long de l’année 2013 au déploiement complet des mesures adoptées, et nous amplifierons les effets de notre politique grâce à une grande réforme de la formation professionnelle. Permettez-moi de vous rappeler les grandes lignes de cette réforme. La création de 150 000 emplois d’avenir d’ici fin 2014 réduira le chômage des jeunes. Destiné à ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi, ce dispositif complète celui des contrats de génération, voté mi-février, qui permettra d’accorder une aide aux entreprises de moins de 300 salariés dans lesquelles l’embauche d’un jeune en CDI s’associe au maintien de l’emploi d’un senior. Les jeunes, qui sont toujours particulièrement touchés par le chômage, bénéficieront du projet « garantie jeunes », lancé sur dix territoires en septembre 2013.

En plus du déploiement de ces mesures, une réforme du marché du travail a également été adoptée par cette assemblée, tout comme par le Sénat. Permettez-moi de m’attarder un instant sur l’accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier. Cet accord a été identifié à l’étranger comme un signe absolument majeur de la volonté et de la capacité de la France à se réformer. Je ne sais pas s’il est perçu de la même façon en France ! Il est au cœur de notre programme national de réforme. Il facilitera l’adaptation des entreprises aux chocs structurels tout en accordant de nouveaux droits aux salariés : c’est la clé de voûte de la lutte contre le chômage, cause pour laquelle nous nous mobilisons tous.

Ce volet sera complété au second semestre par la renégociation de la convention d’assurance chômage, et surtout par une réforme d’ampleur de la formation professionnelle, dès cette année, afin de l’orienter vers ceux qui en ont le plus besoin : les demandeurs d’emplois, les jeunes et les salariés peu qualifiés.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, quelles sont les réformes nous mènerons dans les prochains mois, avec le concours de la représentation nationale et le soutien de la majorité, pour rechercher activement la croissance, pour la créer, la stimuler, et soutenir ainsi le redressement de notre pays.

Je terminerai la description du programme national de réforme en disant que ces réformes permettent d’envisager un redressement des comptes publics, dont le rythme et les modalités sont précisément retracés dans le programme de stabilité sur lequel vous vous prononcerez aujourd’hui. La stratégie de remise en ordre des comptes qu’il expose participe au redressement économique auquel nous travaillons. Il était important de redire cela avant de parler un peu des finances publiques.

Le redressement des finances publiques – c’est-à-dire le redressement des comptes publics – et le redressement productif sont les deux faces d’une même médaille. J’insiste à nouveau sur ce point : le désendettement est un facteur de compétitivité ! Notre stratégie est dictée par un impératif : trouver le juste équilibre et le bon rythme pour remettre nos comptes en ordre. Bernard Cazeneuve présentera les principales orientations de cette stratégie plus en détail. Je vous indique simplement que cela se déroulera en trois temps, en respectant à la fois les principes de justice sociale et d’efficacité économique.

Quelles sont ces trois étapes distinctes ? Dans un premier temps, en 2013, nous ajusterons le rythme d’assainissement des comptes pour ne pas briser la croissance. Dans un second temps, à partir de 2014, nous approfondirons notre effort structurel pour nous donner les moyens d’atteindre nos objectifs de déficit. L’année 2014 sera une année de tournant, de basculement dans la répartition de nos efforts entre recettes et dépenses. À partir de 2015, enfin, nous commencerons à réduire la part de l’endettement dans le PIB et nous progresserons vers l’équilibre structurel grâce à la montée en puissance de nos économies.

Comme l’a dit François Hollande, notre politique économique n’est pas une politique d’austérité, c’est une politique sérieuse et juste. Pour 2013, donc, nous éviterons d’ajouter l’austérité à la récession. Le déficit public nominal s’établira à 3,7 %, comme l’a prévu la Commission européenne. Comme l’écrit votre rapporteur général, Christian Eckert, dans son rapport d’information, « ni le Gouvernement ni la majorité ne souhaitent atteindre des objectifs budgétaires secondaires au prix d’une récession ». Je reprends cette formule à mon compte : le choix de ne pas resserrer la vis en cours d’année est crucial. Nous ne mettrons pas en œuvre de plan d’ajustement supplémentaire. Il n’y aura donc pas de collectif budgétaire supplémentaire pour aller dans cette direction.

Nous ne menons pas, mesdames et messieurs les députés, une politique d’austérité. Ce serait tomber dans le fétichisme du chiffre et ne pas tenir compte de la dégradation de la conjoncture dans notre trajectoire de redressement. L’austérité consisterait à effectuer des coupes aveugles dans nos dépenses, par exemple en baissant les salaires des fonctionnaires – comme certains nous appellent à le faire – ou en diminuant uniformément les prestations sociales. À vouloir obstinément tenir l’objectif d’un déficit public nominal à 3 %, nous tomberions dans ce travers, alors même que l’économie européenne s’enfonce et que nous avons déjà demandé un effort majeur aux Français. Nous ne le ferons pas, car nous ne voulons pas précipiter la France dans la récession, dont les conséquences seraient dramatiques pour les entreprises et pour l’emploi.

C’est en 2014, dans un second temps, que nous nous donnerons les moyens de ramener le déficit à 2,9 % du PIB, grâce à un effort structurel d’un point de PIB qui nous permettra de respecter nos engagements européens sans briser la croissance. Encore une fois, aller au-delà ne serait pas raisonnable. Ce serait précisément céder à l’austérité. L’effort structurel reposera à 70 % sur des économies et à 30 % sur des recettes. L’année 2014 sera donc à de nombreux égards une année charnière. Cette inflexion s’appuiera sur la conduite de la modernisation de l’action publique. Enfin, cette trajectoire est sous-tendue par une évolution maîtrisée de nos prélèvements obligatoires, dont Bernard Cazeneuve vous présentera le détail.

Je précise que cette trajectoire d’ajustement budgétaire est conçue pour soutenir la croissance potentielle de long terme, grâce à un effort de maîtrise de la dépense publique dans lequel tous les acteurs seront impliqués, un exercice ambitieux de modernisation de l’action publique. Comme je l’ai déjà dit, le retour de la croissance et la maîtrise de la dépense sont les deux faces d’une même médaille. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres clés pour apprécier l’ampleur de cet effort de maîtrise budgétaire. Tout d’abord, le rythme d’évolution de la dépense publique sera divisé par quatre par rapport aux dix dernières années : il sera de 0,5 point de PIB, contre 2 points en moyenne sur les dix dernières années. Le poids de la dépense publique dans le PIB sera réduit de 3 points au cours du quinquennat, ce qui représente un effort de plus de 60 milliards d’euros, alors que ce même indicateur a augmenté de 4,6 points au cours de la dernière décennie, comme Bernard Cazeneuve le disait tout à l’heure.

Les résultats en termes d’économies sont déjà observables, et ils s’accroîtront. La montée en puissance du processus de modernisation de l’action publique jouera un rôle clé pour pérenniser et amplifier ces économies. D’ici à l’année 2017, la modernisation de l’action publique permettra d’évaluer l’intégralité des politiques publiques menées par les différentes administrations publiques, en associant étroitement les usagers et les agents. Il ne s’agit donc pas d’une version modérée de la RGPP.

Je prendrai un exemple que je connais bien, puisqu’il s’agit d’une compétence qui relève de mon ministère : celui de l’aide aux entreprises. Ces aides sont dispersées, éclatées en 7 000 dispositifs – vous avez bien entendu : 7 000 dispositifs ! Leur évaluation devrait permettre de dégager un milliard d’euros d’économies en 2014, et 2 milliards en 2015.

La MAP, telle que nous la concevons, n’est pas un exercice punitif. Réduire le poids des dépenses n’est pas une fin en soi, mais une condition de notre croissance et de notre compétitivité futures. Réduire les dépenses, c’est réduire la dette ; et réduire la dette, c’est assurer des conditions de financement favorables aux entreprises, grâce, notamment, à un faible niveau de taux d’intérêts. C’est aussi alléger le fardeau fiscal des générations futures au nom du principe d’équité entre les générations, et nous assurer de pouvoir financer notre dette dans de bonnes conditions sur les marchés – je rappelle qu’elle est détenue pour près de 63 % par des non-résidents. C’est enfin garantir la souveraineté de notre pays et, surtout, retrouver des marges de manœuvre pour nos finances publiques.

Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les principaux éléments de notre programme de stabilité et de notre programme national de réforme. Ces programmes nous donnent l’occasion de valider nos orientations de politiques économiques : elles sont responsables, équilibrées, et surtout cohérentes. Notre ambition est connue. Elle s’inscrit dans la durée : nous voulons redresser notre pays et rétablir ses comptes publics. Nous voulons rendre la France plus productive, en gardant toujours le souci de la justice sociale et de l’emploi, tout en donnant la priorité absolue à l’investissement et à la jeunesse.

Les choix que le Gouvernement vous présente veulent concilier crédibilité et ambition. Il s’agit d’adopter un rythme de consolidation budgétaire qui ne pénalise pas la croissance, de mettre en œuvre des réformes qui préparent l’avenir, sans nous renier ni tourner le dos à ce qui fait notre identité : notre modèle social. C’est indispensable pour rendre notre économie plus forte, plus respectée, et pour donner à la France les moyens de peser davantage dans la nécessaire réorientation de la construction européenne.

En faisant ces choix, nous refusons l’austérité. Les Français n’en veulent pas, et ils ont raison ! Dans le même temps, ces choix sont sérieux et responsables. Nous n’avons pas choisi la facilité, ni le laisser-faire. Nos choix sont ambitieux et réalistes à la fois. Pour toutes ces raisons, je souhaite que ce programme de stabilité et ce programme national de réforme que Bernard Cazeneuve et moi-même vous présentons reçoivent ici un accueil favorable, et tout le soutien qu’ils méritent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j’évoquerai en quelques mots, après M. le ministre de l’économie et des finances, la trajectoire budgétaire qui sous-tend le programme de stabilité qui vient d’être présenté à l’instant.

Comme Pierre Moscovici vient de l’évoquer, au moment où nous nous apprêtons à présenter notre stratégie à l’Union européenne, nous devons avoir à l’esprit certaines considérations macroéconomiques. Nous vous présentons ce rapport selon les modalités prévues par l’article 50-1 de la Constitution : cet exercice nous donne l’occasion d’évoquer des questions plus exclusivement budgétaires. C’est pour nous l’occasion d’assurer à la représentation nationale que la démarche dans laquelle nous sommes engagés est une démarche de crédibilité.

Je reprendrai un certain nombre des points évoqués, à l’instant, par le ministre de l’économie et des finances concernant notre trajectoire des finances publiques, afin d’en préciser quelques aspects et de profiter de l’occasion qui nous est donnée de débattre du programme de stabilité pour engager, avec l’ensemble des formations politiques représentées au sein de notre hémicycle, un dialogue étroit et exigeant sur le rétablissement de nos comptes.

Le premier point sur lequel je voudrais insister concerne les critiques qui nous sont adressées, notamment par l’opposition, concernant la trajectoire des finances publiques dans laquelle nous nous sommes engagés depuis près de dix mois. Ces critiques réitérées sont assez facilement identifiables et méritent la plus grande attention. Il n’y a pas de raison de considérer que ceux qui doutent et nous interrogent ne sont pas légitimes à le faire. Nous devons donc leur apporter des réponses extrêmement précises et rigoureuses.

La première question qui nous est très souvent posée a trait à l’impact des réformes que nous avons engagées afin de procéder à des économies. La trajectoire des finances publiques dans laquelle nous sommes engagées permettra-t-elle de rétablir les équilibres budgétaires et de diminuer les déficits parce que nous aurons été pertinents dans les économies que nous aurons résolument décidé de faire ?

La deuxième question qui se pose à nous est celle de l’impact de la stratégie de redressement des finances publiques dans laquelle nous sommes engagés. Sommes-nous en mesure de conduire le redressement sans faire peser sur les ménages et les entreprises une pression fiscale trop importante, qui finirait par obérer les chances de croissance que nous devons absolument trouver parce que nous sommes dans un contexte où il n’y aura pas de rétablissement des comptes publics sans la croissance, comme vient de le rappeler le ministre de l’économie et des finances ?

Troisième question : sommes-nous capables de rétablir les déficits à travers une politique d’économies et une politique fiscale pertinentes ?

C’est à ces trois questions que je tiens à répondre. J’en ajouterai une quatrième : nos efforts de redressement sont-ils compatibles avec la croissance et que devons-nous faire, en France et à l’échelle européenne, pour créer les conditions d’une croissance retrouvée, car la France, seule, ne parviendra pas à trouver le chemin de la croissance, chemin qu’aucun contexte européen ne garantit ?

Sommes-nous engagés dans une trajectoire budgétaire permettant de dégager vraiment des économies ? Quels résultats avons-nous obtenus au regard de la situation que nous avons trouvée ? J’évoquerai, tout d’abord, la situation de 2012, car la trajectoire que le ministre de l’économie des finances et moi avons présentée devant la commission des finances, la semaine dernière, ne peut, bien entendu, pas faire fi de ce que nous avons trouvé au moment où nous sommes arrivés. On ne peut, notamment, pas ignorer la situation budgétaire qui prévalait en 2012.

À notre arrivée, nous avons trouvé un budget de 2012 qui reposait sur des hypothèses de croissance elles-mêmes très aléatoires. Il n’existait pas, à l’époque, de Haut Conseil des finances publiques nous permettant de disposer d’un avis indépendant sur la trajectoire des finances publiques présentée à la représentation nationale. Je rappellerai simplement quelques chiffres et quelques étapes. Lorsque le projet de loi de finances initial a été présenté en commission des finances en 2012, il se fondait sur une hypothèse de croissance de 1,75 %. Quelques semaines après, la loi de finances envisageait une hypothèse de 1 % et, quelques semaines plus tard, un projet de loi de finances rectificative retenait une hypothèse de 0,5 %. Lorsque, au mois d’avril dernier, nous avons, comme nous le faisons aujourd’hui, présenté le programme de stabilité à la Commission européenne, l’hypothèse de croissance retenue était de 0,7 %.

C’est la raison pour laquelle je trouve qu’il y a quelque injustice à considérer que les hypothèses de croissance sur lesquelles nous fondons notre propre trajectoire n’ont pas le mérite de la précision, alors que nous savons que tout ce qui s’est passé au cours des derniers mois avait surtout la vertu de l’imprécision. Les chiffres et les étapes que je viens de rappeler sont incontestables et chacun les a bien à l’esprit. L’hypothèse de croissance sur laquelle nous nous fondons, le ministre de l’économie et de finances l’a rappelé à l’instant, est une hypothèse de 1,2 % pour l’an prochain, puis de 2 % pour les années à venir. Cette hypothèse de croissance est-elle optimiste ?

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Philippe Vigier. Oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Haut Conseil des finances publiques le reconnaît lui-même : elle l’est. Je pense, en même temps, que, si nous ne présentions pas une hypothèse de croissance qui témoigne de notre volonté de créer les conditions de la croissance à travers les mesures de politique économique et fiscale que nous prenons, certains seraient fondés à nous reprocher de manquer d’ambition. Ce qui compte, aujourd’hui, c’est que nous veillions à ce que les hypothèses sur lesquelles nous avons fondé notre trajectoire puissent être confirmées par les faits. Le volontarisme dont a témoigné, à l’instant, Pierre Moscovici, en présentant notre trajectoire et notre stratégie macroéconomique, montre que nous sommes résolus à faire en sorte que, contrairement à ce qui s’est passé au cours des dernières années, le décalage soit minimal entre les hypothèses sur lesquelles nous avons fondé cette trajectoire et la réalité constatée.

Je dirai un mot des dépenses en évoquant la stratégie de maîtrise des dépenses de la précédente majorité, non pas pour l’accabler, mais simplement pour que nous soyons parfaitement d’accord sur la situation que nous avons trouvée, les chiffres qui se présentent à nous et les efforts qui restent à accomplir. L’évolution des dépenses publiques, a été, en moyenne, de 2,3 % entre 2002 et 2007, et de 1,7 % entre 2007 et 2012. Entre 2007 et 2012, le précédent gouvernement s’est engagé dans une politique de réduction drastique des effectifs de la fonction publique par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Il était attendu de ce mécanisme, appelé révision générale des politiques publiques, qu’il permette de maîtriser les dépenses de l’État en maîtrisant les dépenses de personnel. Or, nous ne pouvons pas ne pas constater qu’en euros courants, entre 2007 et 2012, les dépenses de l’État et les dépenses publiques, au-delà des dépenses de l’État, ont dérapé de 170 milliards d’euros et que les économies réalisées grâce à la révision générale des politiques publiques se sont élevées à 12 milliards d’euros, dont la moitié a été affectée à des mesures catégorielles. En effet, cette diminution drastique des effectifs de la fonction publique a conduit à un tel niveau de désespérance les fonctionnaires qui la subissaient qu’il a fallu la compenser par des mesures catégorielles dont on comprend bien l’objectif.

Dire, en conséquence, que la révision générale des politiques publiques a permis de maintenir les dépenses de l’État ne correspond pas à la réalité, puisque nous avons dû faire face à un dérapage massif de ces dépenses et à des économies bien plus basses qu’escompté, recyclées pour partie sous forme de mesures catégorielles. Cela fut particulièrement le cas dans un certain nombre de ministères. Je pense, par exemple, au ministère de la défense, où 54 000 suppressions d’emplois sont intervenues sans que la masse salariale de ce ministère diminue, bien au contraire !

La stratégie dans laquelle nous nous sommes engagés en 2012 nous a conduits à corriger les hypothèses sur lesquelles le budget de 2012 avait été fondé. Nous avons constaté, sur la base du rapport de la Cour des comptes qui nous a été remis au mois de juillet, que le dérapage potentiel des dépenses était de 2 milliards d’euros. C’est la raison pour laquelle nous avons procédé à des économies et à un surgel de 1,5 milliard qui n’a jamais été levé. Il était pour nous la garantie que les dérapages constatés par la Cour des comptes ne seraient pas confirmés par les faits. Par ailleurs, les recettes fiscales avaient été manifestement surévaluées de 8 milliards d’euros. Nous avons réévalué leur niveau en appelant, au mois en juillet, en loi de finances rectificative, 7 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Nous avons ainsi rétabli le montant des recettes attendu de la loi de finances telle qu’elle avait été votée.

C’est ainsi qu’au lieu d’enregistrer un déficit public de 5,5 % au terme de l’année 2012, nous sommes parvenus à 4,8 %. Si nous n’avions pas pris ces dispositions, le déficit aurait dérapé et aurait atteint 5,5 %. Le fait qu’il soit de 4,8 %, et non de 4,5 % comme prévu, se justifie par des raisons exceptionnelles que vous connaissez, qui tiennent à la nécessité de comptabiliser la recapitalisation de Dexia et au fait que nous avons dû intégrer dans le budget de 2012 800 millions d’euros de dépenses au titre du budget européen. En effet, le rabotage systématique des crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l’Union européenne avait eu quelques conséquences sur la capacité des institutions européennes à financer convenablement les politiques de l’Union.

Nous avons donc maîtrisé les dépenses et rétabli une situation budgétaire qui, en 2012, était extraordinairement difficile. Je veux rappeler que, pour la première fois sous la VRépublique, les dépenses de l’État, en 2012, et cela apparaîtra très clairement lorsque nous examinerons le projet de loi de règlement, ont diminué de 300 millions d’euros. Nous avons l’intention de poursuivre dans cette voie grâce à un effort supplémentaire, les dépenses de l’État devant diminuer de 1,5 milliard d’euros en 2014.

Pour conclure ce premier point, je dirai que les dépenses n’ont pas été maîtrisées au cours des dernières années et qu’elles le sont désormais, pour la première fois depuis longtemps. L’évolution des dépenses publiques, en France, est dans un rapport d’un à quatre depuis douze mois, au regard de ce qui se passait auparavant. Pour la première fois, les dépenses de l’État diminuent. Par conséquent, ceux qui, aujourd’hui, parlent fort pour demander des diminutions de dépenses sont ceux qui n’y sont pas parvenus. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Incroyable !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ils s’attaquent à ceux qui les font, ce qui n’est pas juste. Ces chiffres sont incontestables.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Très bien ! C’est la pure vérité !

M. Jean-Luc Laurent. Absolument !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le deuxième point sur lequel je dirai un mot a trait à la fiscalité. Oui, il y a eu un effort de redressement des comptes publics par la fiscalité en 2012 et 2013. Nous avons dû, en 2012, appeler les 7 milliards dont je parlais tout à l’heure, faute de disposer de temps pour procéder à des réorganisations administratives. Cela a permis de réaliser des économies en quelques semaines. Nous l’avons fait en 2013 pour les mêmes raisons et parce que nous devions réformer la fiscalité afin de mettre de la justice au cœur de notre politique fiscale. Nous avons l’intention, en 2014, de procéder à un équilibrage du budget de l’État essentiellement par les économies et, à la marge seulement, par l’impôt.

Je veux donner, de ce point de vue, des précisions car j’ai entendu certains, en commission des finances, avancer des niveaux de fiscalité ne correspondant pas à ce que nous avons l’intention de faire et citer des chiffres très éloignés de ce que sera la réalité du budget pour 2014. Les deux tiers de l’effort du budget pour 2014 pèseront sur les économies et un tiers seulement sur la fiscalité. Les 20 milliards d’euros d’ajustement se décomposeront en 6 milliards d’euros d’impôts et 14 milliards d’euros d’économies. J’ai entendu parler de 20 milliards d’euros d’impôts…

M. Hervé Mariton. Oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce n’est pas exact. En effet, monsieur Mariton, lors de notre échange en commission, vous comptabilisiez, dans l’augmentation de la pression fiscale pour 2014, des pérennisations d’impôts déjà votées en 2013.

M. Hervé Mariton. Non !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Dès lors que ces impôts ont déjà été intégrés dans le budget de 2013 et que les dispositions que nous allons prendre ont vocation à les pérenniser, vous ne pouvez pas considérer qu’il s’agit d’une augmentation de la pression fiscale. Vous ne pouvez pas non plus considérer que les 6 milliards d’augmentation de la TVA déjà votés et nécessaires au financement du CICE, donc déjà intégrés, correspondent à une augmentation de la pression fiscale en 2014.

En revanche, il y a, c’est vrai, une augmentation de 0,3 % de la pression fiscale en 2014, ce qui correspond aux 6 milliards d’euros dont je viens de parler. Mais ces 6 milliards sont documentés, et je vais vous expliquer la manière dont nous allons procéder pour les prélever. Tout d’abord, 1 milliard d’euros correspond à des mesures déjà décidées dans le cadre de la négociation entre les partenaires sociaux, au titre de l’augmentation des cotisations de retraite complémentaire AGIRC et ARRCO. De plus, certains prélèvements prévus en 2013 n’ont pas pu être effectués pour des raisons qui tiennent au fait que le Conseil constitutionnel a annulé des dispositions telles que, notamment, la taxe de 75 %. Nous pérenniserons donc, en 2014, des recettes que nous devions percevoir en 2013 et qui ne l’ont pas été pour les raisons que je viens d’indiquer.

Par ailleurs, nous avons l’intention d’agir sur deux plans qui font consensus dans cet hémicycle, ce dont je me réjouis. Le premier, c’est celui de la lutte contre la fraude fiscale. Je rappelle qu’en 2012, au titre de la lutte contre la fraude fiscale, nous avons enregistré 18 milliards d’euros de recettes, soit 2 milliards de plus qu’en 2011. Nous avons par conséquent l’intention d’intensifier cette lutte contre la fraude fiscale en 2014 pour atteindre, nous l’espérons, entre 2 et 2,5 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Qui peut ici ne pas se réjouir de l’effort que nous faisons pour lutter sans concession, de manière drastique et massive, contre la fraude fiscale, ce qui aura, bien entendu, un effet sur nos recettes et, par conséquent, sur l’augmentation de la pression fiscale ?

Nous avons, deuxièmement, indiqué une orientation : celle de la lutte contre les niches fiscales et sociales, qui doit permettre également d’augmenter nos recettes. Cela fait partie de ces 6 milliards, qui ne proviennent donc pas d’impôts nouveaux. Je ne sais donc pas d’où viennent les 20 milliards dont vous nous parlez, et que vous trouverez exclusivement dans votre imagination. Voilà pour ce qui concerne la politique fiscale et la manière dont nous avons l’intention d’agir en 2014.

Le troisième sujet que j’aborderai, après les économies et les impôts, est celui du rétablissement de nos comptes. Je rappelle que les déficits nominaux comme les déficits structurels ont diminué en 2012 et qu’ils continueront à baisser en 2013. Nous souhaitons qu’ils poursuivent leur décrue en 2014. Quels sont les chiffres ?

Pour la première fois depuis de nombreuses années, le déficit structurel en 2012 a été réduit de 1,2 point de PIB. Je rappelle qu’il s’était accru considérablement entre 2007 et 2012 : de 1,9 point. Il y avait donc une dégradation tant du déficit structurel que du déficit nominal.

Notre objectif, c’est une diminution du déficit structurel de 1,8 point en 2013 et d’un point en 2014. Nous pourrons regarder lors des séances à venir l’adéquation qui existe entre les objectifs que nous nous sommes assignés et les résultats que nous avons obtenus. Ce que nous pouvons en tout cas dire aujourd’hui, c’est que les déficits diminuent alors qu’ils ont sensiblement augmenté au cours des dernières années.

Le ministre de l’économie et des finances a insisté sur la nécessité de diminuer la dette. Notre objectif, c’était 89,9 % du PIB à la fin de l’année 2012. Nous sommes à un peu plus de 90 % car, en raison des événements exceptionnels que j’évoquais tout à l’heure, nous n’avons pas atteint le niveau de déficit que nous escomptions, mais notre objectif est bien, à travers l’effort d’ajustement structurel dont nous venons de parler, de faire en sorte que la dette diminue, de la même manière que nous souhaitons que l’augmentation de la pression fiscale cette année soit suivie dans les années qui viennent, au-delà de 2014, d’un effort de diminution lui permettant de revenir en 2017 exactement à son niveau de 2013.

Enfin, je voudrais dire, pour conclure, quelques mots sur la croissance. Le ministre de l’économie et des finances a précisé tout à l’heure que les mesures que nous prenions pour réduire les déficits n’avaient pas vocation à obérer la croissance.

J’ai lu, au cours des derniers jours, certaines déclarations ou propositions qui laissaient à penser qu’il y avait une antinomie entre l’effort d’ajustement structurel auquel nous procédons, l’effort de redressement des finances publiques dans lequel nous sommes engagés, et la capacité du Gouvernement à faire des investissements stratégiques relevant des politiques publiques sur lesquelles nous sommes le plus attendus.

La stratégie d’investissement de l’État et de ce Gouvernement n’a jamais été aussi offensive qu’au cours de ces derniers mois.

Faut-il rappeler que nous avons engagé un plan de numérisation de notre pays, à hauteur de 20 milliards d’euros, qui doit se déployer pendant dix ans ?

Faut-il rappeler que nous avons engagé une stratégie extrêmement volontariste en faveur du développement du logement social et des travaux destinés à améliorer le bilan thermique de nos bâtiments d’habitat collectif ? Le Président de la République a indiqué lors de son déplacement récent en région parisienne que nous allions diminuer le taux de la TVA sur les travaux lourds dans le logement social, de manière à dynamiser l’industrie du bâtiment.

Faut-il rappeler que nous sommes dans une stratégie d’investissement extrêmement volontariste, portée par le Commissariat général à l’investissement et le Programme d’investissements d’avenir ?

Faut-il également rappeler qu’à travers les travaux conduits par la commission « Mobilité 21 » nous essayons de définir dans le domaine des transports une stratégie et un calendrier d’engagement qui mobiliseront, dans les années à venir, de gros investissements ?

Faut-il rappeler que le plan de 120 milliards d’euros décidé par l’Union européenne a une déclinaison française précise, 2,5 milliards d’euros de fonds structurels étant mobilisés dans les régions pour accompagner le développement du numérique, le développement des transports de demain et la transition énergétique ?

Faut-il rappeler que les fonds de la Banque européenne d’investissement, grâce à une augmentation de son capital de 10 milliards d’euros, doivent permettre à la France de récupérer à peu près 7 milliards d’euros de prêts et que, sur les 4 milliards d’euros de project bonds, nous attendons pour l’année 2013-2014 quelque 650 millions d’euros destinés à financer des opérations structurantes ?

Ce sont donc 11 à 12 milliards d’euros qui seront mobilisés au titre du plan de 120 milliards d’euros dans les deux années qui viennent, soit environ le tiers de l’effort d’ajustement demandé aux Français lors de l’élaboration du budget de 2013.

Tels sont les quelques éléments que je voulais vous donner, à la fois sur la stratégie d’ajustement budgétaire et sur sa compatibilité avec la croissance et l’investissement. Nous aurons l’occasion, à l’occasion de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2014, d’approfondir toutes ces données ensemble de manière à consolider un certain nombre de réflexions que nous conduisons de concert. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, premier orateur inscrit.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes saisis cet après-midi d’une déclaration du Gouvernement sur le programme de stabilité de la France qui sera transmis à la Commission européenne à la fin de ce mois.

Nous allons débattre, mieux : nous allons voter. Je veux donc d’abord saluer cette procédure qui témoigne du respect du Gouvernement pour le Parlement, mais, au-delà, ce vote va donner toute la force nécessaire aux engagements pris par la France pour le redressement des finances publiques et le retour de la croissance. Il traduira, au-delà de nos frontières, pour les instances européennes comme pour les États membres, le sérieux de nos engagements. Ce sera donc une étape supplémentaire dans le retour de la France dans la politique européenne.

Le retour de la France en Europe, c’est le second point que je souhaite souligner. Sur la forme – je viens d’en parler –, comme sur le fond – j’y reviendrai –, la France, après des années de faiblesse et de suivisme, pèse à nouveau en Europe, à nouveau, car, avec la précédente majorité, notre pays arrivait affaibli dans les négociations européennes du fait des politiques alors menées dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Quand on arrive à la table des négociations en Europe avec 600 milliards d’euros de dette supplémentaires et un million de chômeurs en plus, comme c’était votre cas, mesdames, messieurs de l’opposition, on n’est pas crédible, on n’est donc pas écouté. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Quand on arrive à la table des négociations en Europe sans lutter dans son pays contre le chômage et la désindustrialisation, on n’est pas crédible, on n’est donc pas entendu. (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Luc Laurent. Il a raison !

M. Laurent Furst. Dommage que les Français ne vous croient plus !

M. Bruno Le Roux. Quand on arrive à la table des négociations en Europe sans tenir les engagements pris, on n’est pas crédible, on n’est donc pas suivi.

Au cours de la campagne électorale, nous avons pris, avec le Président de la République, l’engagement de réorienter la politique européenne. Cet engagement passe en premier lieu par le renforcement de notre crédibilité en Europe, donc par le redressement de la France.

Aujourd’hui déjà, nous sommes plus forts en Europe (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), grâce à la trajectoire de redressement des finances publiques que nous respectons, grâce à la politique de renforcement de notre compétitivité et de redressement de notre tissu économique et industriel, et grâce à l’attitude respectueuse que nous avons envers nos partenaires.

C’est parce que nous sommes plus forts que nous pourrons continuer à faire évoluer les politiques européennes. Chacun peut l’observer, les gouvernements, même conservateurs, et le président de la Commission européenne lui-même commencent à évoluer. Ils entendent que l’austérité n’est pas une voie conduisant réellement au désendettement. Ils entendent qu’il faut, à l’échelle européenne aussi, conforter les politiques menées pour la croissance et l’emploi.

Beaucoup a déjà été fait. L’action des gouvernements et de la BCE a permis de stabiliser la zone euro et de mettre fin aux craintes et aux spéculations sur sa pérennité. Sous l’impulsion de la France, un plan européen pour la croissance et l’emploi a été défini au Conseil européen de juin dernier. Il est mis en œuvre, mais nous devons arriver à faire mieux et plus vite.

Oui, il reste du chemin à parcourir pour faire de notre Union un outil au service de la croissance et de l’emploi dans chacun de nos États. Il reste du chemin à parcourir pour parvenir à une réelle intégration solidaire, la coordination de nos politiques ne se limitant pas à une gestion comptable des déséquilibres de chacun.

La France est à la pointe de cette réorientation. Bien sûr, c’est d’abord pour nous-mêmes, je vais y revenir, que nous menons la politique qui est décrite dans le programme de stabilité, mais c’est aussi un moyen de peser plus en Europe, et ce n’est pas rien aujourd’hui, tant les perspectives européennes sont aussi importantes pour notre pays.

Notre politique, nous la menons donc d’abord pour sortir notre pays de la situation dans laquelle nous l’avons trouvée.

Ni dérive des finances publiques irresponsable, ni austérité destructrice, mais toute la trajectoire du programme de stabilité qui est aujourd’hui présenté : telle est l’orientation stratégique à laquelle nous devons impérativement nous tenir.

Il est en effet indispensable de sortir de cette situation absurde qui veut que la charge de la dette corresponde presque aux ressources de l’impôt sur le revenu,…

M. Dominique Baert. Eh oui ! C’est intenable !

M. Bruno Le Roux. …une situation qui détruit nos marges de manœuvre et met en cause notre souveraineté nationale.

Pour retrouver les marges de manœuvre permettant de conduire les politiques dont notre pays et nos concitoyens ont besoin, pour préserver notre souveraineté nationale, oui, nous devons respecter la trajectoire fixée par le Gouvernement, une trajectoire nous éloignant d’une austérité qui interdirait la relance de la croissance et la baisse du chômage. Je le dis avec force car nous sommes parfois accusés de mener une politique d’austérité.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un mot tabou !

M. Bruno Le Roux. L’austérité en Europe, certains savent ce que c’est : une hausse de la TVA de dix points en Grèce, 25 % de lits d’hôpitaux de moins en Espagne,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Et 20 milliards d’impôts en plus, ce n’est pas l’austérité ?

M. Bruno Le Roux. …une baisse de 27 % des salaires des fonctionnaires au Portugal, une baisse du salaire minimum de 11,6 % en Irlande. C’est à cela que nous conduisait d’ailleurs la politique que vous avez menée pendant ces cinq dernières années, mesdames, messieurs de l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous qui nous critiquez aujourd’hui mais qui êtes totalement responsables,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Et les 20 milliards, c’était nous, bien sûr ?

M. Bruno Le Roux. …je pense notamment à M. Woerth que je vois présent parmi nous, de la situation que nous avons trouvée.

C’est justement pour éviter de telles perspectives que nous faisons tout pour préserver la croissance.

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout et son contraire !

M. Bruno Le Roux. C’est pour cela que nous sommes dans le sérieux, le réalisme et la constance, et nous allons réussir car nous travaillons, messieurs les ministres, sur l’ensemble de la chaîne, le sérieux budgétaire, mais aussi la politique pour la croissance et la compétitivité, et nous le faisons de façon juste.

Je pourrais passer du temps à rappeler la façon dont, entre 2007 et 2012, le déficit structurel de la France s’est dégradé de presque deux points pendant que la dépense publique augmentait de 1,7 point, chiffres qui montrent que nous n’avons aucune leçon à recevoir de l’opposition, mais je préfère parler de ce que nous faisons depuis dix mois.

Pour préserver la consommation, nous avons concentré l’indispensable augmentation des recettes nécessaires à l’État sur les revenus les plus élevés. Demander cet effort de solidarité à ceux qui peuvent le plus, c’est la justice.

Pour développer les filières d’avenir, le numérique, le logement, l’énergie ou les transports, nous amplifions nos efforts, ce qui nous permettra d’avoir des investissements massifs dans ces secteurs dans les dix prochaines années.

Pour soutenir les entreprises, nous avons mis en œuvre des dispositifs nouveaux dont nous attendons qu’ils soient efficaces maintenant qu’ils entrent en régime de croisière, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui aura un effet positif dès cette année, et la Banque publique d’investissement, bras armé du financement des PME.

Pour soutenir nos exportations, la politique active menée par le Gouvernement, qui rompt avec le laissez-faire que nous avons connu à notre arrivée, nous permettra de trouver de nouveaux relais de croissance.

Pour relancer l’emploi, enfin, nous avons créé les contrats d’avenir et de génération, et transposé rapidement dans la loi l’accord des partenaires sociaux. Le texte sera voté définitivement cette semaine.

Je n’oublie pas les autres leviers, peut-être moins spectaculaires mais tout aussi utiles pour développer notre potentiel de croissance et favoriser la redistribution : le projet de loi sur la consommation, la réduction des contraintes réglementaires pesant sur la construction de logements, le renforcement des filières dans le cadre de la transition énergétique, le soutien à l’innovation et aux technologies d’avenir.

Telle est la cohérence de notre politique, le sérieux budgétaire sans austérité, le soutien à la croissance et la mobilisation totale pour l’emploi. Voilà ce qui est retracé dans le programme de stabilité qui est soumis à l’Assemblée nationale.

L’occasion nous est donc donnée, messieurs les ministres, de valider les orientations de la politique économique et budgétaire que vous menez avec le soutien de notre majorité et qui associe crédibilité et ambition, une politique qui parvient à consolider nos finances publiques sans pénaliser la croissance, une politique qui nous permet de peser sur la réorientation de l’Europe en étant crédibles, en pouvant demander des mesures fortes de relance et de croissance parce que nous assumerons nos responsabilités dans notre pays, des mesures qui permettront demain à la France de retrouver toute sa place dans la construction européenne.

Parce que le groupe socialiste refuse l’austérité, nous soutenons aujourd’hui les choix sérieux, responsables, ambitieux, réalistes du Gouvernement, et nous voterons bien entendu la déclaration. C’est un vote de confiance dans l’action engagée par le Gouvernement ; c’est un vote de confiance, surtout, en l’avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Christophe Caresche. Il ne faut pas qu’il se trompe de texte ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Oui, monsieur le ministre de l’économie, le redressement des finances publiques est nécessaire au redressement de l’économie.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Que n’y avez-vous songé plus tôt !

M. Hervé Mariton. Oui, monsieur le ministre, depuis longtemps, notre pays cède à cette facilité qui est de ne pas en faire assez.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Dix ans !

M. Hervé Mariton. Le redressement des finances publiques eût dû être plus vigoureux les années passées, y compris lors de la précédente législature. Vous, cependant, non seulement ne faites aucun effort réel, mais n’avez même pas de convictions solides. Nous refusons votre stratégie, qui n’est crédible ni en France, ni en Europe, ni dans le monde.

Pour ce qui est du redressement des finances publiques, monsieur le ministre, vous n’êtes ni pratiquant ni croyant.

M. Jean-Luc Laurent. Il y a erreur de texte ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Il faudra nous expliquer comment, à la fin de l’année 2012, vous avez pu afficher, avec tant de conviction, d’engagement et de démonstration, des chiffres si radicalement démentis quatre mois plus tard. Est-il bien sérieux que le ministre des finances de la France nous communique, à moins d’un semestre d’écart, des évaluations de finances publiques à ce point différentes de ce qu’il a fait voter en fin d’année dans la loi de programmation ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous êtes amnésique et vous n’avez même pas écouté M. Cazeneuve ! Quelle honte !

M. Hervé Mariton. Comparons les soldes, à quelques mois à peine. Pour 2012, le solde se dégrade de 0,3 point, pour 2013 de 0,7, pour 2014 de 0,7, pour 2015 de 0,7, pour 2016 de 0,7, pour 2017 de 0,4.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est moins qu’avant !

M. Hervé Mariton. Pourquoi avoir affiché tant de conviction ?

Je vous ai interpellé, monsieur le ministre, sur le fait qu’aussi bien le président Claude Bartolone que le premier secrétaire de votre parti, M. Harlem Désir, contestaient votre affichage des 3 % ; vous nous avez alors juré, la main sur le cœur, que vous tiendriez ce niveau. Vous vous reniez quatre mois plus tard ! Je parle du solde, mais je pourrais dire la même chose des dépenses, systématiquement présentées à la hausse quatre mois après. Autant d’assurance fin 2012, autant d’aveux début 2013. C’est la même chose pour la dette.

Mesurez-vous, comte tenu du discrédit que votre stratégie ne manquera pas d’attirer sur la France, l’aléa considérable que vous faites peser sur les finances publiques, les risques graves de dérapage du coût de la dette que vous faites courir à notre pays ?

Il y a aussi dans votre programme – nous l’avons dit en commission et vous n’avez pas sérieusement démenti, monsieur le ministre du budget – la poursuite d’une augmentation de la fiscalité.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous n’avez pas écouté !

M. Hervé Mariton. Au contraire, monsieur le rapporteur général, j’ai écouté très attentivement. En dehors même de l’augmentation de la TVA, ce sont 16 milliards d’impôts nouveaux : 6 milliards de hausse du taux des prélèvements obligatoires, 6 milliards de compensation des revenus one shot de l’année précédente, qu’il faudra bien compenser,…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce n’est pas honnête !

M. Hervé Mariton. …et 4 milliards de compensation du CICE.

Messieurs les ministres, vous aviez initialement été prudents, en annonçant une augmentation de la fiscalité écologique en 2015, mais nous avons entendu vos réponses aux questions des députés la semaine dernière, quand vos partenaires de la majorité vous ont mis le couteau sous la gorge : vous avez répondu que ce serait dès 2014. La représentation nationale serait en droit de savoir dès maintenant, au moment où ce programme de stabilité est présenté, ce qu’il en est réellement de l’augmentation de la fiscalité, fût-elle habillée du doux nom de fiscalité écologique.

La réduction des niches fiscales, quoi que vous en disiez – les mêmes facilités terminologiques valaient déjà avant –, en bon français cela s’appelle une augmentation d’impôt.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien ! Il faut le dire !

M. Hervé Mariton. Nous approuvons, messieurs les ministres, la politique, que vous voulez continuer de mener, de lutte contre la fraude fiscale. J’appelle néanmoins votre attention sur les difficultés qui existent aujourd’hui quant au consentement à l’impôt dans notre pays. Les problèmes politique et économique que vous avez aggravés et qui débouchent aujourd’hui sur un problème de consentement à l’impôt, ne doivent en aucun cas excuser la fraude fiscale. Pour autant, vous le savez, les contribuables sont tendus. Il y a eu le mouvement des « pigeons », il y a des situations, heureusement très localisées, de refus de l’impôt. Mesurez combien de tact et de finesse il faut que vous ayez, quand bien même vous devez renforcer la lutte contre la fraude fiscale, pour que l’impôt soit constamment perçu comme légitime par nos concitoyens. La faute de votre stratégie budgétaire, cette poursuite du matraquage fiscal, ne vous aidera pas.

Il faudra bien aussi, en même temps que vous renforciez la lutte contre la fraude fiscale, que vous fassiez de nouvelles propositions de responsabilité des services de l’État. Par exemple, s’il est logique qu’il y ait des redressements quand ils sont justifiés, il serait logique aussi que l’État s’engage davantage et assume mieux ses responsabilités lorsque les redressements sont effectués à tort.

En ce qui concerne les dépenses, il faudra que vous nous expliquiez encore, car nous n’avons pas tout à fait compris, comment le crédit d’impôt compétitivité emploi, comment le contrat de génération étaient réellement financés. L’ambiguïté, à cet égard, n’est pas acceptable, ni à Paris ni à Bruxelles.

Vous parlez, monsieur le ministre, de réduction des dépenses. C’est assez intéressant. Il devrait y avoir, selon vous, 7,5 milliards d’effort sur l’État en 2014 – voilà un chiffre, pour une fois. En même temps, vous affirmez que cet effort sur l’État – dont il reste à préciser le concept – est documenté par une baisse des dépenses de 1,5 milliard. À quoi correspond la différence ?

Vous prétendez, si j’ai bien lu, que les 7,5 milliards sont hors dépenses de personnel. Cela signifie-t-il que vous allez démentir, même si c’est discrètement, car vous n’oserez pas le revendiquer politiquement, l’engagement que vous avez pris de stabilisation des effectifs de l’État ? Vous n’avez pas répondu en commission, mais nous aimerions comprendre. Cette orientation budgétaire – 7,5 milliards d’effort qui ne correspondent qu’à 1,5 milliard de baisse – est très mystérieuse. Ce sont 6 milliards qui se perdent dans un tour de passe-passe que je ne comprends pas. Chacun le dit, les économies budgétaires ne sont pas documentées ; vous restez, hélas, enfermés dans votre principe, qui consiste à ne pas bouger sur les effectifs de la fonction publique.

Vous proposez également – là, pour le coup, vous avouez – une mauvaise maîtrise de l’ONDAM, à 2,4 % en 2012. Pourquoi – ce qui est tout de même assez mystérieux – un ONDAM à 2,7 % en 2013 ?

M. Dominique Baert. Pourquoi pas ?

M. Hervé Mariton. Vous proposez pour l’avenir des économies sur la branche famille. Voilà un point sur lequel vous êtes précis ! Hélas, ce n’est pas la priorité qui nous paraît convenir à notre pays.

M. Dominique Baert. Quelles sont donc vos priorités ?

M. Hervé Mariton. Vous mettez également en avant des économies sur les régimes complémentaires. Vous mesurez, je pense, les risques que vous prenez. La désindexation sur les régimes complémentaires, puisque vous avez cautionné, et peut-être même encouragé, le choix des partenaires sociaux, signifie une incertitude sur le montant des retraites, un renforcement de l’épargne, une baisse supplémentaire de l’activité. La désindexation des retraites, c’est une responsabilité extrêmement grave que vous prenez en risquant de déprimer le niveau d’activité de l’économie.

Vous aviez plaidé avec tant de conviction, fin 2012, qu’on a du mal à vous croire aujourd’hui. Sitôt le Haut Conseil des finances publiques en place, vous vous mettez immédiatement dans la situation d’être contredit. Citons également notre collègue Eva Sas, qui n’est pas tout à fait de l’opposition : avec des prévisions de croissance surévaluées, vous ne pouvez pas vous targuer de faire preuve de sérieux budgétaire.

Avec la majorité, vous mettez constamment en avant le solde structurel, ce totem de votre politique budgétaire. Le rapporteur général affirme même que le solde réel est secondaire. Mesurez-vous, monsieur le rapporteur général, la gravité de votre propos ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne fais pas que le dire ! Je l’ai écrit, et quand on écrit on réfléchit !

M. Hervé Mariton. Il faudra bien, à un moment, rembourser le solde réel, la dette réelle.

La position des députés socialistes en commission était très inquiétante. Vous refusez l’austérité pour plaire à votre majorité, vous n’assurez pas même la rigueur ; vous serez donc amené soit au dérapage, si vous poursuivez votre politique actuelle, soit à l’austérité contrainte, lorsque l’Europe vous y conduira. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la présentation du programme de stabilité qui entérine la stratégie budgétaire du Gouvernement pour les quatre années à venir, constitue un moment de vérité pour la majorité gouvernementale.

Nous sommes aujourd’hui, monsieur le rapporteur général, au crépuscule de votre imposture électorale (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et vous ouvrez les yeux sur une réalité dont vous ne semblez pas encore avoir pris la mesure. Le voile se lève en effet sur les contradictions de cette majorité élue pour faire face à la crise, d’une violence sans précédent, alors même qu’elle s’était employée à minimiser son ampleur tout au long de la campagne électorale.

Vous n’avez de cesse de vous réfugier derrière l’héritage de la précédente majorité…

M. Michel Vergnier. Il n’y en a pas, peut-être ?

M. Philippe Vigier. …pour excuser vos échecs.

Ce programme de stabilité 2013-2017 prend acte de l’accélération et de la dégradation sans précédent de la situation économique et sociale du pays. Lorsque, au lendemain de l’élection présidentielle, monsieur le rapporteur général,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne suis pas tout seul, parlez à tout le monde ! Ce n’est pas gentil pour nos collègues !

M. Philippe Vigier. …vous avez décidé une augmentation de 28 milliards d’euros d’impôts, nous aurions pu mettre ce mauvais départ sur le compte de l’impréparation, si vous n’aviez accompli deux fautes majeures.

M. Michel Vergnier. Rendez-nous M. de Courson !

M. Philippe Vigier. La première a été d’infliger une sanction sévère aux neuf millions de Français qui faisaient des heures supplémentaires, et qui voient leur salaire se réduire et leurs impôts augmenter. La seconde aura été de priver nos entreprises d’un allègement de charges de 13 milliards d’euros en supprimant la TVA « compétitivité » que nous avions instaurée, cette décision accélérant notre déclin économique.

Ces deux fautes résument à elles seules votre politique qui, depuis un an, aura accablé la France d’impôts et de taxes – record absolu de prélèvements obligatoires ! –, mis tous les moteurs de l’économie à l’arrêt et reporté les décisions courageuses.

Le groupe UDI avait voté contre le projet de loi de finances pour 2013, car nous avions considéré – vous relirez nos propos – que vos choix ajouteraient de la crise à la crise et conduiraient à la récession économique, à l’explosion du chômage et à l’aggravation de la crise sociale.

M. Hervé Morin. Très bien !

M. Philippe Vigier. Nous vous avions averti que vous commettiez quatre erreurs majeures. Nous avions dit, monsieur le rapporteur général,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Encore ? Ne vous adressez pas qu’à moi !

M. Philippe Vigier. …que l’effort de redressement devait porter sur deux tiers de réduction des dépenses et un tiers seulement de hausse d’impôts. Vous avez fait l’inverse. Nous vous avions dit que vos prévisions de croissance étaient irréalistes. Nous vous avions prévenus qu’en augmentant les impôts des entreprises de 14 milliards d’euros, vous alliez les asphyxier et détruire des emplois. Enfin, nous vous avions démontré que la hausse massive des impôts n’était pas juste et qu’elle allait frapper aveuglément l’ensemble des Françaises et des Français. Or quelle est la situation aujourd’hui ?

Le programme de stabilité 2013-2017 que vous vous apprêtez à transmettre à la Commission européenne constitue en réalité l’acte de décès du projet présidentiel de François Hollande. Vous avez menti sur la croissance ! « Mon projet se fonde sur des hypothèses de croissance de notre économie, à la fois prudentes et réalistes », écrivait François Hollande dans son projet présidentiel. Il pariait même, à cette époque, sur une croissance de 1,7 % en 2013.

M. Hervé Morin. Plus dure sera la chute !

M. Philippe Vigier. Le 9 septembre 2012, les prévisions de croissance sont ramenées à 0,8 %. Elles sont alors toujours trop optimistes mais les plus zélés continuent d’y croire. Je ne résiste pas au plaisir de citer Karine Berger…

Mme Karine Berger. Merci.

M. Philippe Vigier. …qui avait déclaré ici même le 19 décembre 2012 : « L’année 2013 accrochera sans doute 1 % de croissance sur l’ensemble de l’année. ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Schneider. Autant croire au Père Noël !

M. Philippe Vigier. Vous nous dites aujourd’hui que la croissance ne sera que de 0,1 % en 2013 : vos prévisions de croissance ont été divisées par 17 en un an seulement. Cette approximation représente un manque à gagner de 17 milliards d’euros.

M. Charles de Courson. Une paille !

M. Philippe Vigier. Vous avez également échoué à réduire les déficits publics. L’engagement n° 9 du projet de François Hollande prévoyait que le déficit public serait réduit à 3 % du PIB en 2013. Or vous admettez aujourd’hui, monsieur le ministre, qu’il n’atteindra dans le meilleur des cas que 3,7 %.

Écoutez à ce propos ce que déclare le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, qu’il est tout de même intéressant d’écouter :…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Toujours !

M. Philippe Vigier. …« La Cour constate qu’une part de ces économies repose sur l’effet en 2013 des mesures prises sous la législature précédente dans le cadre de la RGPP, [en particulier les] réductions d’effectifs opérées en 2012. […] Les mesures nouvelles, identifiables dans la loi de finances pour 2013, n’explicitent que partiellement les autres économies de dépenses. »

Mme Marie-Christine Dalloz. Et voilà !

M. Philippe Vigier. De plus, vous visez désormais un déficit à 0,7 % du PIB en 2017. Or François Hollande avait promis de rétablir l’équilibre budgétaire en fin de mandat.

Vous avez également menti lorsque vous nous avez assuré que neuf contribuables sur dix ne seraient pas concernés par vos hausses d’impôts et que seuls les riches allaient payer. Les Françaises et les Français sont toutes et tous concernés par les hausses d’impôts et ils n’ont plus confiance en vous.

En ce qui concerne la compétitivité, monsieur le rapporteur général, vous avez été pris en flagrant délit de duplicité. De fait, le 30 janvier 2012, François Hollande déclarait : « Je considère la hausse de la TVA inopportune, injuste, infondée et improvisée. » Voici également une très belle réflexion de Bernard Cazeneuve, prononcée le 28 janvier 2012 : « La TVA sociale, c’est le triple A : antisociale, antiéconomique, antidémocratique. Nous reviendrons dessus. C’est du matraquage fiscal ».

Le 27 septembre 2012, sur France 2,…

M. Christophe Caresche. C’est une revue de presse ?

M. Philippe Vigier. …le Premier ministre confirmait dans l’émission Des Paroles et des actes : « Non, la TVA n’augmentera pas pendant le quinquennat. » Voilà pour les paroles ; maintenant, regardons les actes ! Il n’aura fallu qu’un mois pour assister au revirement du Premier ministre, un revirement qui serait sans gravité s’il ne touchait pas la compétitivité de nos entreprises.

Le 6 novembre 2012, le Gouvernement a annoncé une hausse de la TVA pour financer le CICE. Il semblerait toutefois, monsieur le rapporteur général, que votre position diffère légèrement puisque ce dernier a proposé de passer d’un taux de 19,6 % à 20 %, quand vous proposez d’aller jusqu’à 20,4 % – on ne saurait vous en vouloir de reconnaître vos erreurs passées.

M. Christian Eckert, rapporteur général. 20,5 %.

M. Philippe Vigier. Vous avez bien compris que c’était sur les produits importés qu’il fallait faire porter l’effort de TVA et non sur les taux de TVA réduits à 5 %, comme dans le logement ou les services à la personne.

M. Hervé Morin. Exactement !

M. Philippe Vigier. Le CICE représente un allégement de charges de 20 milliards d’euros avec une montée en charge progressive sur trois ans. Mais entre-temps, vous avez décidé d’alourdir la fiscalité des entreprises de 14 milliards d’euros d’impôts supplémentaires et de les priver des 13,2 milliards d’euros du crédit compétitivité, soit sur trois années 81 milliards d’euros que vous allez chercher dans la poche des entreprises…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais on leur donne 20 milliards d’euros !

M. Philippe Vigier. …et pour contrepartie, vous leur donnez 20 milliards d’euros.

Enfin, votre programme de stabilité, en prévoyant que le chômage continuera d’augmenter en 2013, prend acte de l’abandon de la promesse de François Hollande qui avait déclaré, le 9 septembre 2012, vouloir inverser la courbe du chômage d’ici à un an.

Derrière ces chiffres, monsieur le ministre, ce sont 1 000 chômeurs de plus chaque jour. Le Président de la République nous dit qu’il a une boîte à outils et qu’il a mis toutes les solutions sur la table. Quel aveu d’impuissance !

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur Bricolage !

M. Philippe Vigier. Les contrats de génération sont utiles, mais insuffisants, de même que les contrats d’avenir en faveur desquels l’UDI a voté, le CICE ou l’accord interprofessionnel.

D’ailleurs, monsieur le rapporteur général, vous déclariez il y a quelques jours…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Trop d’honneur !

M. Philippe Vigier. …que ces outils « tardaient à donner les effets escomptés ». Vous êtes inquiet, monsieur le ministre, et des millions de chômeurs partagent aujourd’hui votre inquiétude.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Non !

M. Philippe Vigier. Pire, vous persistez et signez avec un programme de stabilité 2013-2017 qui, en réalité, n’est pas à la hauteur de la crise majeure que nous traversons. Vous prévoyez une croissance de 0,1 %, mais il est probable qu’elle sera inférieure, ainsi que le souligne Didier Migaud, car vous refusez de corriger vos erreurs, puisque vous ne présenterez pas de collectif budgétaire, comme le rappelait le ministre ce matin à la radio.

Le groupe UDI s’interroge sur la sincérité de votre budget pour 2013 ainsi que sur votre capacité à boucler le budget 2014. Il vous manque d’ores et déjà 6 milliards pour 2013, car vos prévisions de croissance étaient irréalistes, et vous avez hypothéqué vos chances de renouer avec la croissance en 2013 et en 2014, en préférant la hausse des impôts à la baisse des dépenses publiques.

Comment se présente 2014 ? Vous avez annoncé que l’effort pour 2014 porterait aux deux tiers sur la réduction des dépenses publiques, soit 14 milliards d’euros. Vous prenez la bonne voie, mais cela est insuffisant. Aussi allez-vous devoir renoncer à nouveau à un engagement pris par le Président de la République, le 28 mars dernier sur France 2, lorsqu’il déclarait que « pour 2014, [...] il n’y [aurait] aucune augmentation d’impôts ». Nous savons désormais grâce au ministre qu’une pression fiscale supplémentaire de 4 millions d’euros pèsera sur les Français.

M. Charles de Courson. Ça va, ça vient !

M. Philippe Vigier. Comment financerez-vous, monsieur le ministre, les 10 milliards d’euros du CICE en 2014 ? Comment trouverez-vous les 6 milliards d’euros de recettes exceptionnelles que vous êtes allés chercher pour 2013 ?

Vous vous ralliez au réalisme, mais vous êtes encore prisonniers de vos promesses de campagne. Vous mettez en place une austérité aveugle, d’ailleurs dénoncée par certains de vos amis de la majorité, à laquelle manque une stratégie claire, cohérente et efficace pour l’emploi.

Le groupe UDI vous demande solennellement de fixer un nouveau cap. Nous vous demandons une nouvelle fois de revenir sur les erreurs que vous avez commises, par exemple en pénalisant durement les services à la personne et en supprimant la défiscalisation sur les heures supplémentaires – s’agissant du logement, vous commencez à les rectifier. Nous vous demandons également de respecter l’engagement de pause fiscale que vous aviez vous-mêmes pris pour 2014.

Enfin, il faut remettre en marche les moteurs de la croissance en baissant les charges qui pèsent sur le coût du travail de 35 milliards d’euros pour améliorer la compétitivité des entreprises et revaloriser les salaires comme le préconisait Louis Gallois. Cette mesure serait financée par l’augmentation de 5 % du taux normal de TVA, dans le cadre d’une TVA croissance dont les recettes seraient réparties entre une baisse des charges sociales patronales aux deux tiers et une baisse des charges sociales salariales.

Votre responsabilité, monsieur le ministre, est définitivement engagée avec ce programme de stabilité pour 2013-2017. Aussi, cessez de vous cacher derrière l’excuse de l’héritage, cessez vos atermoiements et écoutez le groupe UDI pour éviter la spirale de l’austérité aveugle et du chômage dont dorénavant vous serez les seuls comptables. Nous voterons contre cette déclaration. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Hervé Morin. Excellent !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’était tout en délicatesse.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce programme de stabilité pour la période 2013-2017 s’inscrit dans la lignée du traité de stabilité, de coordination et de gouvernance et, à ce titre, il suscite chez nous les mêmes interrogations. Plus encore, il nous inquiète, pour au moins deux raisons.

Les prévisions de croissance apparaissent trop optimistes aux dires mêmes du Haut Conseil des Finances Publiques. Celui-ci en effet « considère que le scénario pour les années 2013-2014 est entouré d’un certain nombre d’aléas qui font peser un risque à la baisse sur les prévisions ». Il estime en particulier que l’effet négatif des politiques d’austérité en France et en Europe est sous-estimé, à la fois sur la demande intérieure et sur les exportations. Il estime également que les effets positifs annoncés du CICE et de l’ANI ne sont pas documentés et demeurent de ce fait incertains.

Nous aurions pu considérer que ces prévisions optimistes, à défaut d’asseoir la crédibilité budgétaire de la France, laissaient une forme de souplesse par rapport au rythme des déficits : c’est en partie vrai. Mais malgré cette forme de souplesse, la contraction budgétaire prévue reste très soutenue, ce qui constitue notre deuxième source d’inquiétudes.

Vous le savez, nous, écologistes, avons toujours considéré qu’il fallait inscrire la France dans une trajectoire de réduction des déficits et qu’il s’agissait même d’une question de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Néanmoins, nous en avons aussi toujours questionné le rythme. Or force est de constater que nous n’avons pas été, jusque-là, entendu, alors même qu’un nombre toujours plus grand d’observateurs économiques alertent sur les risques sociaux et politiques de cette folle obstination : jusqu’au FMI et aujourd’hui jusqu’à José Manuel Barroso lui-même qui déclare que la politique d’austérité en Europe a atteint ses limites. Nous ne pouvons donc qu’être inquiets des conséquences de ce programme de stabilité.

Tout d’abord, l’effet sur l’emploi de ces politiques de contraction budgétaire est déjà dramatique : 5 millions d’inscrits à Pôle emploi, 1,9 million de demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an et un taux de chômage qui devrait atteindre 11,2 % en fin d’année.

Ensuite, en faisant s’effondrer l’activité, ces politiques d’austérité sont contre-productives du point de vue même de la réduction des déficits. En janvier et en février de cette année, le déficit aura été supérieur aux deux premiers mois de l’année dernière, tant les bases fiscales se sont effondrées.

De plus, ce programme de stabilité prévoit 14 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques en 2014 et 60 milliards d’euros sur la mandature, sans que l’on sache aujourd’hui quels services publics, quels projets d’infrastructures, quelles prestations sociales seront touchés.

Enfin, et surtout peut-être, la France est la seule en Europe à pouvoir infléchir la politique européenne : il est donc de sa responsabilité de faire entendre sa voix contre l’austérité généralisée. Comme l’écrit très bien Guillaume Duval dans son dernier éditorial d’Alternatives Économiques : « L’austérité généralisée en Europe, promue par une Allemagne en situation de leadership incontesté, est suicidaire pour la cohésion sociale européenne. La France doit tirer le signal d’alarme avant qu’il ne soit trop tard. »

Dès lors, la France se doit de tirer ce signal d’alarme, pour réorienter les politiques économiques européennes, et pour mettre en œuvre de véritables réformes structurelles : non pas les réformes que l’on appelle habituellement structurelles et qui ne sont que libérales – baisse du coût du travail, flexibilisation du marché du travail, baisse des dépenses publiques –, mais des réformes structurelles sociales et écologiques.

Cela suppose d’abord une réelle réforme fiscale, sur la base d’une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, afin de garantir une véritable progressivité de l’impôt, mais également une réforme fiscale écologique qui met en cohérence notre système fiscal avec nos objectifs environnementaux : réduction des niches fiscales antiécologiques, à commencer par le diesel et le kérosène, et mise en place d’une contribution climat énergie.

Cela suppose ensuite une véritable politique d’investissement, pour préparer notre économie et notre industrie aux mutations écologiques qu’elle devra affronter demain. Nous savons qu’il manque entre 15 et 20 milliards d’euros par an pour investir dans les transports, la rénovation thermique des bâtiments ou les énergies renouvelables, soit autant d’investissements salutaires pour changer de modèle, créer de l’emploi et sortir de cette crise par le haut.

La réduction des déficits ne peut tenir lieu de politique à la France. Nous devons renouer avec les véritables objectifs de notre politique commune : l’emploi et l’environnement. Vous nous disiez tout à l’heure, monsieur le ministre, que l’austérité n’était pas une solution et que notre priorité doit être l’emploi ; malheureusement, je ne retrouve pas ces louables intentions dans votre programme de stabilité.

Renoncez à ces orientations : la France doit parler haut et clair en Europe et faire cesser la course folle aux restrictions budgétaires qui prive notre jeunesse de son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, mes chers collègues, soumettre le programme de stabilité à la commission de l’Union européenne est ce que l’on appelle une figure imposée. C’est un exercice acrobatique par lequel nous allons faire semblant de démontrer que nous sommes capables de respecter cette règle, ce qui est d’ailleurs au-delà des limites du possible.

Si par extraordinaire nous y parvenions, il en résulterait une aggravation de nos problèmes, et non une amélioration. En outre, cette règle se fonde sur une théorie statistique reposant elle-même sur une erreur arithmétique et une faute méthodologique élémentaires. Avant d’aborder la réalité des perspectives économiques internationales et françaises, je voudrais vous exposer brièvement l’origine de la fable, ou du mythe.

Il était une fois – toutes les fables commencent ainsi –, deux économistes distingués – les économistes sont toujours distingués et les juristes éminents –, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff,…

Mme Valérie Rabault. Ils se sont bien trompés !

M. Paul Giacobbi. …qui observaient les statistiques de croissance des économies et de solde des finances publiques depuis de très longues années, ce qui devait être d’un ennui extraordinaire. Un jour, une bonne fée leur fit découvrir une corrélation selon laquelle, à moyen et à long terme, plus les comptes publics étaient équilibrés, plus forte était la croissance. Encouragés par la fée et alléchés par les propositions de leurs éditeurs, ils publièrent, après quelques publications académiques, un livre austère et ennuyeux, truffé de tableaux statistiques, d’analyses et de conclusions moralisantes, sous le titre prétentieux de This time is different.

La fée les gratifia d’un autre miracle : celui d’un tirage inespéré pour un ouvrage aussi indigeste. J’ai lu ce livre en 2011, et j’ai surtout été frappé par le fait qu’il était fondé sur une coupable confusion entre la corrélation et la causalité. Ce n’est pas en effet parce qu’un événement est toujours suivi statistiquement par un autre que l’un entraîne nécessairement l’autre dans tous les cas de figure, et c’est la raison pour laquelle les liens de causalité entre le solde des finances publiques et la croissance sont, comme toujours en économie, complexes et paradoxaux. Ce serait aussi stupide que de croire que ce qui entraîne les turbulences dans un avion de ligne, c’est le fait d’allumer le petit panneau où il est marqué : « Attachez vos ceintures » ! Quand on l’allume, c’est en général en prévision de turbulences.

Toujours est-il que les hommes politiques, marqués par le syndrome de la contrition et de la punition, ont accueilli ce livre comme la démonstration scientifique que leurs instincts restrictifs les entraînaient dans la bonne voie de la prospérité économique. L’Europe s’est donc lancée dans l’expérimentation de cette théorie, qui a donné ce que tout calcul macroéconomique élémentaire aurait laissé prévoir : dans une période de récession, plus on restreint la dépense publique, plus on approfondit la récession, moins on a de recettes fiscales et plus on alourdit le solde négatif des finances publiques. Cela rappelle ce qu’avait dit John Kenneth Galbraith à propos du regretté Milton Friedman : « Milton’s misfortune was that his policies had been tried. »

M. Charles de Courson. Excellent, mais l’accent est un peu corse ! (Sourires.)

M. Paul Giacobbi. On pourrait aujourd’hui répéter quasiment la même phrase : le malheur de Reinhart et Rogoff, c’est que leur théorie a été expérimentée. Mais il y a pire : ces professeurs ont voulu démontrer qu’il existait un chiffre magique. Les économistes sont très fanatiques du chiffre magique, surtout lorsqu’ils n’ont pas grand-chose à dire sur le plan théorique. Rogoff et Reinhart ont cru découvrir qu’au-delà de 90 % de ratio de dette publique par rapport au PIB, un pays s’enfonçait inéluctablement et définitivement dans la récession. Malheureusement, ces calculs savants avaient probablement été sous-traités à des thésards besogneux et négligents à moins que les distingués professeurs aient, comme votre serviteur, de considérables difficultés avec les programmes de tableurs, puisqu’en raison d’une malheureuse confusion entre moyenne et médiane, ils ont mis en évidence un chiffre magique qui n’existe pas – ce qu’ont récemment démontré trois chercheurs de l’université du Massachusetts Amherst.

Entre-temps, l’inénarrable Olli Rehn, grand penseur économiste en chef de l’Europe, avait affirmé sa foi dans la règle des 90 % en citant comme sa bible le livre des deux professeurs que, comme beaucoup de prédicateurs zélés, il avait négligé de lire jusqu’au bout, ce qui l’aurait déjà amené à tempérer son enthousiasme car les conclusions du livre et surtout celles des papiers académiques qui l’avaient précédé sont tout de même plus nuancées que la caricature que l’on en a tirée.

Voilà donc l’origine du mythe : une confusion primaire entre causalité et corrélation, une faute épistémologique très fréquente mais pas excusable pour autant, et une erreur de manipulation d’un programme de tableur, très fréquente chez les économistes et d’ailleurs aussi chez les climatologues, deux catégories de scientifiques souvent brouillés avec la statistique élémentaire.

Mais les mythes ont la vie dure, et je suis persuadé que celui-là survivra non seulement à la démonstration mathématique des erreurs sur lesquelles il se fonde, mais même à l’expérimentation en grandeur réelle qui amènera l’effondrement économique, social et politique de plusieurs nations, peut-être d’un continent entier.

S’agissant des réalités, je suis stupéfait que dans un tel programme de stabilité, on n’évoque même pas les deux risques majeurs qui affectent aujourd’hui l’économie mondiale, à savoir la remontée des taux d’intérêt sur les obligations publiques et l’éclatement des bulles financières et immobilières en Chine.

S’agissant des taux d’intérêt, nous nous réjouissons dans nos malheurs, depuis 2007, de la faiblesse des taux sur les obligations publiques. Les États affichent leurs taux d’emprunt très bas comme une preuve de confiance du monde financier, argument qu’ils opposent au mythe rigoriste, même s’il est tout aussi fallacieux que ce dernier. Or si les États bénéficient encore de taux très bas, c’est pour deux raisons simples : la première, c’est qu’ils empruntent à très court terme depuis 2007 ; la seconde, c’est qu’en période de troubles et de risques, les marchés préfèrent ne rien gagner avec des obligations publiques que de risquer beaucoup avec des obligations privées ou des actions.

Le problème avec les emprunts à court terme, c’est qu’il faut les rembourser rapidement. Ainsi, les États-Unis d’Amérique vont devoir, au cours de cette année 2013, rembourser la somme pharaonique de 4 000 milliards de dollars parce que les emprunts d’État viennent à échéance pour ce montant au cours de cette année. 4 000 milliards de dollars, c’est 25 % du PIB, soit beaucoup plus que ce qu’ils avaient dû rembourser l’an dernier ou l’année d’avant. C’est aussi beaucoup plus que le solde annuel du budget fédéral, qui est de l’ordre de 1 000 milliards de dollars. La banque centrale américaine, la Fed, pourrait évidemment souscrire les trois quarts de cette somme, mais cela lui ferait en une seule année doubler son bilan qui a été déjà multiplié par trois depuis 2007 ! Il est passé de 1 000 milliards à 3 000 milliards, et il faudrait alors passer 3 000 milliards à 6 000 milliards.

Je me souviens d’un article, paru il y a quelques années déjà, de Josef Stiglitz, un économiste pas très orthodoxe – un hyperkeynésien dans la pire acception du terme –, qui s’inquiétait portant déjà de l’excès des achats de bons du Trésor par la Fed ! Cette voie sera peut-être partiellement utilisée : elle conduirait non pas à l’inflation, mais à une augmentation folle de la masse spéculative, celle qui a entraîné la crise économique de 2007, dans des proportions cette fois-ci encore plus spectaculaires. Je signale au passage que ce que fait aujourd’hui la banque centrale japonaise en monétisant la dette publique, jusque-là financée par l’épargne nationale, n’a rien à voir avec le sujet, même si à court terme cela fait curieusement baisser les taux des bons du Trésor dans l’ensemble de l’Asie et même aux États-Unis.

Par ailleurs, vous avez tous constaté depuis quelques mois la remontée des valeurs mobilières sur les bourses d’actions et l’appétit retrouvé – et inquiétant – des marchés financiers pour les produits structurés, ce qui signifie que cette appétence pour des placements privés rend d’autant moins disponibles des financements pour les obligations publiques. De ces deux phénomènes, il devrait mécaniquement résulter une augmentation des taux d’intérêt sur les obligations publiques. La dernière fois que cela s’est produit, très brutalement d’ailleurs, c’était en 1994 et l’augmentation avait été de quatre points – devant le chœur des vierges qui disaient évidemment, comme toujours, que cela n’arriverait pas. Si cela se reproduisait aujourd’hui, il en coûterait, au bout de quelques années seulement en raison du taux de renouvellement actuel des emprunts américains, 600 milliards de dollars par an aux finances publiques des États-Unis, ce qui changerait la nature des choses.

Par ailleurs, l’explosion de la bulle du shadow banking ou celle de l’immobilier en Chine, qui représentent là aussi des montants assez pharaoniques, est sans doute un risque moins important mais qui ferait que la crise toucherait en même temps l’Asie et le monde occidental.

Dans ces conditions, présenter comme certaine une perspective de reprise progressive à partir de 2014 me paraît irréaliste.

S’agissant de la France, il faut saluer les efforts en termes de compétitivité et de flexibilité, qualitativement et quantitativement sans précédent dans notre pays. Depuis dix ans que je siège ici, je n’ai pas remarqué qu’on ait jamais fait les mêmes efforts de compétitivité et de flexibilité. On en a parlé, on l’a promis, mais il faut reconnaître que c’est ce gouvernement qui les réalise, peut-être insuffisamment mais de manière tout de même déjà significative. Mais ces efforts ne nous permettent pas de rattraper l’écart de compétitivité qui s’était creusé, dès avant la crise, avec l’Allemagne, et celui qui s’est creusé plus récemment avec les pays européens les plus durement touchés par la crise financière et qui font, par la force des choses, des efforts de compétitivité désespérés. Cela veut dire que la France n’est pas encore en état de bénéficier d’une reprise internationale, en tout cas pas autant que ses voisins de la zone euro.

Dès lors que peut faire le Gouvernement ? Prendre le contre-pied du mythe de la stabilité et se lancer, seul contre tous, dans une politique de relance massive ? Cela nous conduirait à la faillite dans quelques mois. Essayer de peser avec d’autres pays européens pour desserrer l’étau d’une orthodoxie budgétaire pernicieuse à court terme ? Certainement, et c’est ce que fait d’ailleurs le Gouvernement. Je constate que les discours s’infléchissent à cet égard en Europe, que les affirmations péremptoires se nuancent. Même M. Barroso, qui prévoyait en 2008 que la crise ne toucherait pas l’Europe, réalise l’ampleur du désastre provoqué par une politique budgétaire imposée à la zone euro et qui aggrave la crise financière.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Paul Giacobbi. Pour toutes ces raisons, le groupe RRDP, avec les nuances que j’ai exposées – sans nuance aucune – approuvera majoritairement la déclaration du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat qui nous réunit en cette fin d’après-midi doit se comprendre à l’aune de la situation économique, sociale et politique de notre pays. Près de dix millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté, nous avons un record en matière de chômage, un pouvoir d’achat qui a reculé en 2012, un sentiment ou une peur du déclassement qui touchent une majorité des Français.

La réalité, c’est aussi une prégnance de l’argent qui régit toute notre société, qui régit et qui pourrit, avec des fortunes indécentes et des mécanismes de fraude et d’optimisations fiscales qui n’ont jamais autant infusé en France, en Europe et dans le monde.

La réalité, ce sont encore ces 570 salariés de Pétroplus aujourd’hui sur le carreau, ces 4 000 postes menacés chez GDF-Suez, ces milliers et milliers de salariés qui subissent les accords de flexibilité et qui perdent du pouvoir d’achat, des droits, sous la menace du chômage.

La réalité, c’est que les marqueurs essentiels de la politique économique et sociale, budgétaires ou monétaires, n’ont guère changé depuis plusieurs décennies, avec des appels incessants à l’austérité. L’ancien Premier ministre britannique, Margaret Thatcher, l’avait si bien résumé dans une phrase célèbre : « There is no alternative. » Voilà le dogme qui continue manifestement de dicter la marche à suivre aux principaux dirigeants européens, et malheureusement à notre pays.

Bien sûr, chacun pourrait ergoter sur l’évolution du PlB – plus 0,1 % ou moins 0,1 % –, sur le retour des déficits à moins de 3 % dès 2013, 2014 ou 2015, ou sur des niveaux de dettes soutenables, notamment les fameux 90 % du PIB. Ces débats ont leur intérêt académique : chacune et chacun d’entre nous peut ainsi faire valoir ses talents de macro-économiste avisé ! Mais au final, pour nos concitoyens, particulièrement pour celles et ceux qui peinent à joindre les deux bouts, qu’en est-il ? Leur seule certitude, c’est que le capitalisme financier est non seulement en contradiction flagrante avec nos valeurs républicaines d’égalité et de fraternité, mais que sa seule efficacité est de concentrer les richesses dans les mains de quelques-uns.

Messieurs les ministres, les deux textes programmatiques que vous nous avez détaillés auraient pu être l’occasion d’une véritable rupture avec ce dogme de la compétition mortifère, là où la coopération et l’échange provoqueraient tellement moins de gâchis, rupture avec ce culte de la finance qui divise et qui corrompt, qui détruit des hommes, des territoires et nos ressources naturelles. Je ne vais pas citer à nouveau les propos du Président de la République il y a quinze mois au Bourget ; non, je vais vous citer celui qui représente le patrimoine commun de celles et ceux qui veulent la transformation sociale, le grand Jean Jaurès, qui, à l’occasion du scandale de Panama, s’écriait : « Au moment où l’on voit qu’un État nouveau, l’État financier, a surgi dans l’État démocratique, avec sa puissance à lui, ses ressorts à lui, ses organes à lui, ses fonds secrets à lui, c’est une contradiction lamentable que de ne pas entreprendre la lutte contre cette puissance […]. »

La lutte contre cette gangrène financière doit être impitoyable, monsieur le ministre. La recherche d’accommodement pour ne pas froisser les marchés financiers finit par engloutir vos bonnes intentions – dont je ne doute pas. Quoique vous en disiez, vous êtes tombé dans les politiques de restriction budgétaire et de course folle à la compétitivité. Même si vous affirmez qu’il ne s’agit pas d’une politique d’austérité mais d’une gestion rigoureuse et sérieuse, permettez que nous pensions que cela ressemble furieusement à de l’austérité. C’est si vrai que les réformes présentées ne sont pas reniées par le MEDEF et l’UMP : assouplissement des procédures de licenciement à travers l’accord national interprofessionnel, avec une insécurité accrue pour les salariés du fait de la flexibilité ; désindexation des retraites ; gel des salaires des fonctionnaires et absence de coup de pouce du SMIC ; ouverture encore plus grande à la concurrence de services publics structurants comme le réseau ferroviaire ; réduction des investissements de l’État, avec un volet croissance du traité européen pour le moins évanescent.

Il y a également l’accroissement d’une fiscalité injuste : l’augmentation de la TVA qui frappe d’abord les ménages modestes, alors que nous l’avions combattue ensemble en juillet dernier, avant que vous ne changiez de pied ! Cette TVA additionnelle, ne l’oublions pas, vient compenser un cadeau fiscal de 20 milliards d’euros aux entreprises, sans aucune distinction ni contrepartie. Les banques, les assurances, la grande distribution, les cliniques privées, pour ne citer que les secteurs les plus emblématiques, vont ainsi se voir attribuer un crédit d’impôt injuste.

Nombreux sont pourtant les économistes, les instituts et les institutions qui alertent la France et l’Union européenne sur l’impasse dans laquelle elles se sont engagées. L’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, a estimé la semaine dernière que le programme de stabilité que vous nous proposez risque d’entretenir la crise et d’aggraver encore le chômage dans les prochaines années. Xavier Timbeau, directeur du département analyse de l’Observatoire, souligne que « le programme de stabilité, c’est un point par an de restrictions budgétaires jusqu’en 2017 ». Vous pourrez toujours contester ces analyses et les juger trop pessimistes. Elles concordent malheureusement avec celles du FMI et avec l’avis du Haut conseil des finances publiques, qui se montre lui aussi pour le moins dubitatif sur les perspectives de croissance. D’ailleurs, les dernières prises de position de ces institutions laissent penser que même le FMI et le G 20 ne voteraient pas ce texte.

La réduction de 7,5 milliards d’euros des dépenses de l’État, la réduction de 1,5 milliard d’euros, deux ans de suite, des dépenses des collectivités locales et la réduction de 5 milliards d’euros sur les régimes sociaux ne sont pas soutenables : ce sont 14 milliards de dépenses publiques en moins, qui s’ajoutent aux 6 milliards supplémentaires de TVA, alors même que les fraudeurs et les évadés fiscaux en cachent et en croquent plus du double : c’est insupportable, et cela fait courir de graves dangers à la cohésion nationale.

Monsieur le ministre, il faut rouvrir le débat sur la relance de l’investissement productif et sur l’augmentation du pouvoir d’achat. Il faut sortir de cette politique de l’offre, qui plombe notre économie. D’autres solutions existent que les tours de vis dans une vis sans fin ; vous les avez esquissées au début de ce quinquennat, il y a un an, en proposant notamment des mesures de rééquilibrage fiscal.

Il faut aller plus loin dans ce sens, afin de rétablir un impôt à la fois plus juste et plus efficace. Nous préconisons, pour notre part, une refonte globale de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés, afin de rendre le premier plus progressif, au bénéfice des ménages modestes et moyens, et le second plus favorable à l’investissement et à l’emploi, par la modulation du taux d’imposition en fonction de son utilisation. Il s’agira également de relancer le pouvoir d’achat, en dégelant le point d’indice des fonctionnaires et en accroissant réellement le SMIC, pour le porter à un niveau qui permette de vivre dignement.

Nous sommes également favorables à une augmentation de la dotation de la Banque publique d’investissement, pour en faire un véritable pôle financier public, et à un autre fléchage de l’argent accordé aux entreprises. Accorder des crédits bonifiés aux entreprises qui investissent et créent des emplois et pénaliser celles qui consacrent la plus grande part de leurs bénéfices au versement de dividendes, tel est le nouveau chemin.

Dans ce cadre, un grand effort national et européen de transition écologique doit être porté par l’État français, ici et auprès de l’Union européenne, en matière de recherche, d’innovation et de développement.

Par ailleurs, nous devrons impérativement nous attaquer aux niches fiscales, et d’abord à celles qui bénéficient aux grandes entreprises et aux ménages les plus riches, car elles mitent l’impôt progressif de notre pays.

S’agissant des paradis fiscaux et de la lutte contre l’évasion fiscale, l’effort annoncé est très insuffisant. Selon le rapport sénatorial désormais bien connu, le coût de l’évasion fiscale pour l’État français serait au minimum de 30 à 36 milliards d’euros – ce chiffre pourrait en réalité atteindre 50 milliards d’euros. Il est nécessaire d’engager une politique plus volontariste, en renforçant les moyens de l’administration fiscale, qui a perdu 25 000 agents en dix ans, en interdisant aux banques et aux grandes entreprises les opérations avec les paradis fiscaux et en harmonisant la fiscalité à l’échelle européenne pour mettre fin au dumping social et salarial.

Or il n’y a rien de concret dans les textes que vous nous présentez aujourd’hui, car les paradis fiscaux européens bloquent ce projet. La France doit faire entendre sa voix pour que les choses bougent et pour que se produise une inflexion sensible de la politique monétaire. Car l’euro fort, c’est l’euro cher, et l’euro cher, c’est l’anti-croissance.

Les marges de manœuvre existent, et nous, députés du Front de gauche, nous allons œuvrer, dans les prochains mois, texte après texte, à vous convaincre de la nécessité d’engager ce changement de cap salutaire. C’est la tâche historique de la gauche, monsieur le ministre, de sortir la France et l’Europe de l’impasse du tout marché, du culte de la croissance illimitée, de la destruction méthodique des ressources naturelles, des territoires et des solidarités.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, il existe une majorité politique en France pour conduire le changement nécessaire, celui qui consiste à reprendre la main sur les forces de l’argent. C’est un impératif économique et social, mais aussi un impératif en matière de cohésion sociale et de respect du pacte républicain : sans cela, nous placerions notre pays sur un chemin dangereux pour l’avenir. La gauche doit se ressaisir et refuser ce programme de stabilité et de réforme qui nous enfonce dans l’austérité. Vous pouvez compter sur le Front de gauche pour ouvrir cette nouvelle voie avec vous, si vous le décidez.

Mme Jacqueline Fraysse. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de réagir aux propos des représentants de l’opposition qui se sont exprimés avant moi. Même si M. Mariton a fait un petit acte de contrition – on n’en attendait pas moins de sa part –, je trouve ses propos excessifs et surtout déplacés compte tenu de ce qu’a été la gestion de la majorité précédente durant les deux décennies où elle a été au pouvoir.

Mme Valérie Pecresse. Entre 1997 et 2002, ce n’était pas nous !

M. Christophe Caresche. Ce que la majorité d’hier a légué à la France, c’est un double passif, et d’abord un passif en matière de déficit et de dette. Jamais la France n’a connu une dérive aussi prononcée de ses finances publiques que sous le quinquennat précédent, madame la ministre Pecresse, et c’est en partie pour cela que notre pays a tant de difficultés à sortir de la crise aujourd’hui.

Si la France était entrée dans la crise en ayant assaini ses déficits et en ayant opéré les réformes qui s’imposaient, elle serait aujourd’hui en bien meilleure posture. C’est l’une de nos grandes différences avec l’Allemagne : celle-ci a fourni les efforts avant la crise et elle en récolte les fruits aujourd’hui.

Mais ce que nous a légué la majorité d’hier, c’est aussi un passif de crédibilité. Jamais, entre 2002 et 2010, les programmations pluriannuelles présentées par les gouvernements n’ont été respectées : aucune des programmations ne l’a été. Les prévisions de croissance ont toujours été surévaluées, égales ou supérieures à 2,5 %, et la différence entre la prévision de croissance et la réalisation de la croissance a été en moyenne de 0,9 %.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et toc !

M. Christophe Caresche. Vous nous reprochez de nous renier, mais c’est bien M. Sarkozy qui, à peine élu, s’est précipité à Bruxelles pour dire qu’il ne tiendrait pas ses engagements dans le cadre du pacte de stabilité.

M. Alain Chrétien. Sarkozy, reviens !

M. Christophe Caresche. C’est bien M. Chirac qui, en 2004, s’est affranchi du pacte de stabilité, ce qui a eu des conséquences très lourdes pour la suite.

L’opposition n’a pas de leçons de sérieux à nous donner, car elle n’a pas été sérieuse. Et compte tenu de son bilan, on pourrait attendre qu’elle fasse preuve d’un peu plus de sens des responsabilités et de l’intérêt général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est bien vrai.

M. Christophe Caresche. Il est vrai qu’avec ce programme de stabilité, le Gouvernement adapte ses perspectives budgétaires à une conjoncture qui n’est malheureusement pas celle que l’on espérait. Il le fait avec une double préoccupation, et d’abord avec celle de maintenir l’effort de réduction du déficit. Il n’y a pas de relâchement sur ce plan dans le programme de stabilité qui nous est présenté, puisque le déficit continuera à diminuer de manière sensible en 2014 et dans les années suivantes. Ce programme de stabilité ne constitue donc en rien un renoncement à l’objectif d’assainissement.

On nous dit que nos prévisions de croissance sont trop optimistes, et il est vrai que le Haut conseil des finances publiques a pointé des incertitudes sur ce plan. À cela, deux réponses : le Gouvernement, tout d’abord, a raison de maintenir un scénario que je qualifierai de raisonnablement volontariste. Il est évident qu’une prévision de croissance n’est pas seulement le constat d’une situation, mais aussi le résultat d’une politique, et on ne peut reprocher au Gouvernement de croire en sa politique, dès lors que cela ne le conduit pas à formuler des hypothèses fantaisistes. En outre, le Gouvernement s’est calé sur les prévisions de la Commission européenne, ce qu’on ne saurait lui reprocher.

Du reste, même avec un scénario plus pessimiste, ou plus prudent, la trajectoire d’ajustement budgétaire serait en réalité peu affectée, et je veux remercier notre rapporteur…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Quel succès ! Après Vigier, Caresche !

M. Christophe Caresche. …d’avoir été jusqu’au bout du raisonnement, en évaluant les conséquences de ce qu’il appelle un scénario bas, fondé sur des hypothèses de croissance plus faibles que celles retenues par le programme de stabilité, à savoir 0,1 % en 2013 et 0,7 % en 2014.

Que constate-t-on à la lecture du rapport de M. Eckert ? D’abord que la trajectoire d’assainissement structurel des comptes publics proposé par le Gouvernement ne serait évidemment pas affectée : l’effort structurel serait équivalent dans les deux scénarios. On constate également que si le déficit nominal est évidemment plus important dans le scénario bas, celui-ci continuerait de baisser et passerait sous la barre des 3 %, non plus en 2014, mais en 2015.

Ce qui importe, en réalité, c’est l’effort structurel et sa pérennité : c’est là-dessus que la politique de la France doit être évaluée, et j’ai le sentiment qu’au niveau européen, les choses progressent en ce sens. Même si certains pays restent attachés à des indicateurs nominaux, la prise en compte des indicateurs structurels progresse, conformément à ce que propose la France.

La deuxième préoccupation du Gouvernement, c’est de créer les conditions d’un retour à la croissance. Il est clair, cela a été dit, qu’un ajustement budgétaire trop brutal aurait des conséquences négatives sur la croissance. C’est une conception que beaucoup partagent ici, et c’est une réalité qui est de plus en plus admise, en Europe et dans le monde ; c’est pourquoi le rythme de réduction du déficit doit être compatible avec le retour de la croissance. C’est un équilibre délicat à trouver, mais je crois que le programme de stabilité y parvient.

M. le président. Merci de conclure.

M. Christophe Caresche. Certains de nos partenaires, à la Commission européenne, auraient peut-être souhaité que la France fasse davantage en matière d’ajustement, mais je crois que la France a raison de fixer un cap qui préserve nos capacités de croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Messieurs les ministres, vous nous présentez aujourd’hui votre programme de stabilité budgétaire pour la période 2013-2017, dans lequel vous promettez des réductions importantes des déficits publics – bien inférieures à vos promesses électorales, mais néanmoins importantes.

Comment voulez-vous que l’on vous croie ? La croissance sur laquelle vous fondez ce programme, personne ne l’imagine aussi haute. Le Haut conseil des finances publiques la met sérieusement en doute et votre rapporteur général lui-même n’y croit pas, puisqu’il présente d’ores et déjà un scénario alternatif…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et vous, à quoi croyez-vous ? Vous ne croyez même plus à vous-même !

Mme Valérie Pecresse. …et on a vu que si cette croissance n’était que de 1,5 % entre 2014 et 2017, vous renonceriez à baisser la dette sur l’intégralité du quinquennat.

Venons en maintenant aux dépenses : elles ont crevé tous les plafonds depuis votre arrivée.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oh ! Quelle honte !

Mme Valérie Pecresse. N’ayez pas peur des chiffres : elles représentent 56,4 % de la richesse nationale en 2012 et 56,9 % en 2013 : c’est 20 milliards de plus qu’en 2011.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous n’avez aucune pudeur !

M. Alain Chrétien. C’est la vérité !

Mme Valérie Pecresse. Ce record, vous l’avez atteint en déverrouillant tous les dispositifs de contrôle de la dépense que nous avions mis en place. Dès votre arrivée, vous avez en réalité rendu l’équation budgétaire insoluble. Vous êtes les seuls en Europe, et peut-être les seuls au monde, qui faites encore rimer croissance avec dépenses.

M. Michel Vergnier. Soyez sérieuse, madame !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous allons devoir supporter cela pendant cinq minutes ?

Mme Valérie Pecresse. Alors, les résultats sont là : une croissance zéro, qui devient aujourd’hui une singularité française. Notre croissance en 2013, monsieur le ministre de l’économie, sera inférieure à celle de tous nos grands partenaires,…

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est la même partout !

Mme Valérie Pecresse. …l’Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Japon. Permettez-moi de vous faire remarquer que ce n’était pas le cas durant le précédent quinquennat.

Pourquoi cette croissance zéro ? À cause de l’overdose fiscale que vous avez infligée aux ménages et aux entreprises. À tous les ménages d’abord : à ceux qui font des heures supplémentaires, à ceux qui cotisent pour leur retraite, à ceux qui paient l’impôt sur le revenu et à ceux qui épargnent. Les ménages ont vu leur pouvoir d’achat baisser pour la première fois et cela depuis combien d’années, monsieur le rapporteur général ? Et ils ont réduit leur consommation.

Mais l’overdose fiscale, vous l’avez aussi infligée aux entreprises avec 20 milliards d’impôts supplémentaires qui ne peuvent pas être compensés par les 500 petits millions d’euros mobilisés cette année par un crédit compétitivité beaucoup trop complexe pour être réellement utilisé.

M. Christian Eckert, rapporteur général. 500 millions d’euros ? D’où sortez-vous ce chiffre ?

Mme Valérie Pecresse. Les entreprises ont vu leurs marges se réduire, elles ont renoncé à investir et à embaucher et elles délocalisent massivement : voilà le cercle vicieux dans lequel vous avez plongé le pays. Croissance zéro, trop de dépenses, trop d’impôt, chômage record.

Et vous voulez nous faire croire que l’an prochain, tout va changer ? Mais vous ne dites pas où vous allez trouver les 25 milliards d’euros d’économies qu’il nous faut pour réduire les dépenses.

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

Mme Valérie Pecresse. Où sont les réformes structurelles qui, seules, pourraient ramener la croissance ? Vous ne nous parlez pas de la kyrielle de prélèvements nouveaux qui nous attendent ! Nous sommes en réalité bien loin du « zéro impôts nouveaux » que nous promettait Jérôme Cahuzac – mais on sait ici ce que valent ses promesses…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous n’avez pas pu vous en empêcher ! C’est petit !

Mme Valérie Pecresse. Je doute qu’avec cette copie, vous convainquiez les autorités de Bruxelles. En tout cas, pour notre part, nous ne sommes pas convaincus par un gouvernement qui refuse obstinément de présenter à la représentation nationale un collectif budgétaire, c’est-à-dire l’état exact de la situation financière du pays.

Rendez-vous compte qu’aujourd’hui, avec une prévision de croissance à 0,1 %, et non plus à 0,8 %, le budget 2013 est caduc. Ce projet de budget pour 2013 est donc insincère, tout comme votre programme de stabilité. Après avoir tant vanté le sérieux budgétaire pendant votre campagne, vous inventez le trompe-l’œil budgétaire, mais nous ne sommes pas dupes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs, la situation est toujours aussi périlleuse.

Nous devons cheminer sur la ligne de crête, conscients des risques. D’un côté le risque de basculer dans le gouffre de la dette, de l’autre celui de s’abîmer dans la réduction excessive de la dépense publique, avec pour risque la récession et l’austérité dans les deux cas.

Mais nous ne sommes pas du côté de ceux qui ne jurent que par la réduction de la dépense publique, bien qu’ils aient fait exactement le contraire durant les dix années pendant lesquelles ils ont occupé le pouvoir, ceux-là même qui se cachent derrière leur petit doigt fiscal. Nous ne sommes pas plus du côté de ceux qui considèrent que la dette n’est pas un problème.

Il faut encore réaffirmer que le remboursement de la dette est impérieux. D’une part, nous ne pouvons pas vivre aux dépens de nos descendants. D’autre part, tôt ou tard, les taux d’intérêt monteront et plomberont notre économie. Ce n’est évidemment pas un hasard si les pays les plus en difficulté et touchés par la récession sont ceux qui ont les taux d’intérêt les plus élevés, ceux qui sont les plus endettés.

Mais il faut regarder la réalité en face et constater les dégâts économiques et humains de l’assèchement de l’action publique. L’exemple de la Grèce est édifiant : l’endettement s’y est accru avec la déduction drastique de la dépense publique.

Ce constat funeste semble cette fois s’imposer à l’ensemble des observateurs, des acteurs et des décideurs, y compris les plus orthodoxes au sein de la troïka : la présidente du FMI, Christine Lagarde et le président de la Commission européenne, M. Manuel Barroso. Il n’y a guère que les porte-parole de l’UDI et de l’UMP pour rester dans leur superbe isolement, sans aucun état d’âme pour les dégâts qu’occasionnent ces réductions drastiques de la dépense publique.

Cette prise de conscience est nouvelle, elle se généralise, et elle est salutaire. Elle devra conduire à des assouplissements ; mieux, à un changement de cap.

Le programme de stabilité budgétaire en donne les premiers signes. Tout d’abord, en ne prévoyant pas de correction budgétaire en 2013 et en actant un déficit à 3,7 % en 2013, supérieur à la prévision de 3 %, avant que l’économie et les ménages soient totalement asphyxiés. Ensuite, en modifiant la structure du budget pour 2014 et en limitant la réduction de la dépense à 14 milliards d’euros au lieu des 20 milliards prévus initialement, compensés par 6 milliards de recettes nouvelles.

Ce moment pourrait bien être l’amorce d’un changement de cap, en tout cas nous l’espérons. Ce n’est sans doute pas du seul fait des scandales – qu’il s’agisse de celui de l’offshore leaks, ou d’autres plus hexagonaux – mais bien du fait d’une nécessité budgétaire, au-delà d’une exigence éthique, celle de rembourser la dette grâce à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale plutôt que par l’effondrement de l’action publique. Ce sont 30 à 50 milliards d’euros qui manquent à la France tous les ans.

Le programme de stabilité en donne un premier signe, qui devra bien entendu être amplifié. Ce budget prévoit en effet une recette fiscale supplémentaire de 2 à 3 milliards d’euros pour 2014 grâce au renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.

Monsieur Mariton, vous avez tenu des propos qui laissaient à penser que la fraude fiscale pouvait s’expliquer par une mauvaise compréhension de l’impôt.

M. Hervé Mariton. Je n’ai pas dit cela !

M. Éric Alauzet. C’était en tout cas l’esprit de vos propos. Je les trouve tout à fait déplacés, mais ils ne m’étonnent pas vraiment. Je me souviens de l’indifférence qui a été la vôtre lors de la discussion de l’amendement sur la transparence bancaire pour lutter contre les paradis fiscaux, avant que vous ne mettiez en avant le risque que faisait soi-disant peser cet amendement sur la compétitivité de l’industrie bancaire, comme vous la nommez.

M. Hervé Mariton. La question de la relation de l’impôt est importante.

M. Éric Alauzet. Permettez-moi de dénoncer la légèreté de vos propos.

M. Hervé Mariton. C’est faire preuve de beaucoup de malhonnêteté intellectuelle !

M. Éric Alauzet. Les ministres de l’économie des grandes puissances européennes, dont vous-même monsieur le ministre, ont montré leur volonté d’aboutir à la mise en place d’un FATCA européen, le Foreign account tax compliance act. Le G20 avait inscrit l’évasion fiscale et la lutte contre les paradis fiscaux à l’ordre du jour prioritaire le week-end dernier.

Nous voulons voir dans ce programme de stabilité de la France l’action courageuse du Gouvernement pour mettre fin au fléau de la dette sur des nouvelles bases.

Mais nous disons une nouvelle fois, dans la perspective des prochains débats européens, qu’il est urgent de reconsidérer la croissance qui ne sera plus ce qu’elle a été, ni en quantité ni en qualité. Elle sera plus prévoyante en assurant la sûreté alimentaire pour anticiper les crises. Elle sera plus moderne en finançant la protection sociale avec l’énergie fossile plus qu’avec l’énergie humaine. Elle sera plus locale en relocalisant les productions et les capitaux. Elle sera plus efficace en intégrant les coûts externes dans ses choix. Elle mettra en avant le local et le global.

C’est notre attente, monsieur le ministre, et nous voulions l’exprimer ici avant d’entrer dans des débats compliqués au niveau de l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de programme de stabilité présenté par le Gouvernement est un nouvel exemple de ce qui atrophie la puissance publique et mine l’autorité politique dans notre pays.

Il faut croire que nous ne sommes bons qu’à pérorer sur des objectifs dont on s’aperçoit toujours en cours de route qu’ils ne seront jamais atteints. Bref, on discute, on ne fait rien de concret, et les Français regardent cette assemblée avec dérision et découragement.

Voilà comment depuis trop longtemps on opère : d’abord on annonce quelques chiffres optimistes basés sur des hypothèses de croissance toujours fausses, puis on procède à une grand-messe à l’Assemblée, enfin – et c’est là l’essentiel – le Gouvernement peut communiquer dans la presse contre vents et marées. Quelle est la réalité des mesures prises, ou plutôt de l’inadéquation des mesures ? Nul ne s’en soucie.

Les termes de « programme de stabilité » sont une superbe expression de novlangue qu’on pourrait traduire par « hésitation et renonciation ». Ce sont dans ces grandes déclarations péremptoires, pontifiantes et inutiles que l’on aperçoit avec clarté que la gauche n’apporte pas de changements réels. Un peu plus d’impôts, un peu moins d’impôts, c’est une nuance importante, certes, mais le résultat est toujours le même : la ruine de la France et de nos compatriotes.

La solution, elle n’est ni de droite, elle n’est ni de gauche, elle est française. Entendez-moi bien : une solution française, c’est une solution qui s’émancipe enfin du dogmatisme bruxellois. L’orthodoxie budgétaire est un bon objectif, mais c’est inutile d’y parvenir avec un pays exsangue. Moins d’impôts, par moins de dépenses, voilà la seule voie acceptable.

Une solution française, c’est une solution qui respecte enfin l’identité de la France, la solidarité nationale de nos compatriotes à l’intérieur de nos frontières. Limitation des prestations sociales à nos seuls ressortissants et à ceux qui travaillent, arrêt de la déportation en France des immigrés pour satisfaire l’appétit du grand patronat et des tenants du mondialisme, instauration d’un protectionnisme raisonné et intelligent aux frontières, du travail pour tous, voilà ce qui nous sauvera.

Une solution française, c’est une contre-révolution sociale et culturelle. Il faut que cesse l’esprit de jouissance dans lequel une partie de l’élite se vautre, pendant que les plus pauvres et les plus fragiles souffrent et sont réduits à la misère.

Dans votre texte, monsieur le ministre, vous oubliez l’essentiel : seul le travail possède toutes les vertus propres à remettre la France sur les rails, et c’est en libérant et en aidant les initiatives des Français entreprenants que l’on combattra efficacement le chômage. Mais vous faites le contraire.

Une solution française, enfin, c’est un cadre d’autorité et de libertés concrètes. Il n’est pas possible de travailler dans un pays qui n’est pas sûr. Il n’est pas sain de travailler dans un pays où les libertés individuelles sont bafouées quotidiennement à quelques centaines de mètres du Palais Bourbon. Il n’est pas sûr de travailler dans un pays qui peine à assurer sa défense sur le plan international.

Voici les trois grandes pistes qu’il faut suivre si la France veut sortir du déclin. Il faut d’abord cesser de se focaliser sur les statistiques de Bercy, qu’infirment d’ailleurs celles de Bercy, contredites par celles du FMI. Il faut ensuite cesser de gérer la France à la façon d’un usurier retors sorti d’un roman de Balzac. Puis, pour aller à l’essentiel, j’ai fait une proposition de loi sur le droit au travail. C’est un droit qui est constitutionnellement garanti. Or la courbe du chômage démontre que ce droit est quotidiennement bafoué. Le chômage désocialise les Français, il amoindrit le lien national, il favorise la ghettoïsation et le pourrissement de quartiers entiers parce que le travail a disparu. Le droit au travail doit être rétabli, c’est la première urgence pour restaurer la stabilité économique.

D’ores et déjà le Haut conseil des finances publiques a indiqué que les prévisions du Gouvernement étaient fausses, car péchant par optimisme. Les Français attendent autre chose du chef de l’État et de son gouvernement. Ils attendent un homme et une équipe qui prennent les décisions cruciales qu’impose le bon sens. Mais j’ai l’impression que votre gouvernement, c’est à la fois « La Grande Illusion » et « La Grande Vadrouille », la division irréparable des citoyens et la farce morose.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les prévisions du FMI sont plus faibles que celles du Gouvernement. Le FMI pointe le déficit de confiance de notre pays, donc à l’égard de votre politique. Il indique par ailleurs que 2013 sera la première année de récession depuis 2009.

Le Haut conseil des finances publiques a rendu un avis sur votre programme de stabilité et dénonce les fragilités de vos hypothèses jugées trop optimistes.

Au travers de cinq critères, je vous propose d’analyser votre programme de stabilité.

Le premier critère est celui de la croissance. Dans votre projet de loi de finances pour 2013, vous aviez estimé le taux de croissance à 0,8 %. Nous avons dénoncé votre optimisme, vous ne nous avez pas entendus. Parallèlement vous avez prévu dans la loi de programmation une croissance de 2 % pour 2014. Aujourd’hui, vous devez revoir cette prévision à 1,2 %. Les réformes que vous avez engagées ne permettent en rien une perspective de reprise de la croissance. Vous avez pu le constater, on ne peut pas décréter un taux de croissance, mais on crée les conditions d’un développement économique pour y parvenir, ce que vous êtes dans l’incapacité d’imaginer.

Le deuxième critère est celui du déficit public. Il devait être ramené à 3 points du PIB, c’était votre objectif et votre engagement. Il est désormais prévu à 3,7 points. Nous sommes en avril, tiendrez-vous cet objectif à la fin de l’année ? On est en droit de se poser la question. Et que dire du renoncement à la promesse de M. Hollande qui avait prévu un retour à l’équilibre des finances publiques en 2017 ?

Le troisième critère est celui des prélèvements obligatoires. La loi de programmation avait prévu leur stabilité à 46,3 % du PIB. Or dans votre programme de stabilité, ils vont progresser et sont censés atteindre 46,5 % et rester à niveau constant en 2015, 2016 et 2017, du moins jusqu’à votre prochain reniement.

Le quatrième critère est celui des dépenses. Vous aviez annoncé une diminution de 10 milliards d’euros. Le programme de stabilité fait apparaître des prévisions réévaluées pour 2013. En lieu et place de cette diminution, annoncée à grands cris, vous augmentez les dépenses de 6 milliards d’euros. L’ajustement en dépense n’est donc qu’un effet d’annonce, mais d’annonce répétée. Rappelons que l’Allemagne a une dépense inférieure de dix points à la nôtre.

Enfin concernant les recettes, votre programme de stabilité enregistre une hausse des prélèvements obligatoires de 6 milliards d’euros malgré les 10 milliards du CICE en 2014 desquels il faut déduire les 6 milliards d’augmentation des taux de TVA et malgré les 6 milliards de prélèvements one shot opérés en 2013.

Devons-nous implicitement en conclure que nous allons de nouveau assister à une hausse d’impôt de 16 milliards hors TVA ? Ce serait contraire à toutes vos déclarations lors de la présentation du budget pour 2013. Vous aviez promis et juré que ce serait la dernière hausse d’impôt de la législature.

En définitive, à part brader les droits de l’enfant et faire des lois pour certaines minorités, vous n’avez tenu aucun de vos engagements, bien au contraire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Le débat sur le mariage pour tous est fini !

Mme Jacqueline Maquet. Il faut tourner la page !

M. Michel Vergnier. Ce n’est pas très sérieux !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est vrai, elle n’est pas très sérieuse !

Mme Marie-Christine Dalloz. Les dépenses progressent au lieu de diminuer. La réduction du déficit n’est pas au rendez-vous. L’austérité est là du fait de votre capacité à taxer toujours plus, pas seulement un Français sur dix comme vous l’aviez annoncé, mais bien neuf Français sur dix ! La croissance est en berne.

La récession s’annonce, et elle sera de votre faute.

M. Henri Emmanuelli. Ah oui ?

M. Alain Chrétien. C’est la vérité ! C’est votre récession !

M. Henri Emmanuelli. C’est celle de Rajoy ! Vous êtes ridicule !

M. Michel Vergnier. On dirait même que cela leur fait plaisir !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous aviez parlé de justice et d’équilibre – que n’a-t-on entendu sur ces sujets ? Aujourd’hui, nous constatons des improvisations multiples, une impréparation certaine et des reniements constants de votre majorité. S’il fallait une nouvelle preuve de l’insincérité de votre budget, vous refusez de présenter un collectif qui reverrait le taux de croissance et les rentrées fiscales réelles.

Les déclarations péremptoires et l’écran de fumée que vous proposez dans ce programme de stabilité ne suffiront pas à crédibiliser votre politique. C’est votre réalité et la raison de la colère des Françaises et des Français que vous plongez dans les pires difficultés. Là est votre responsabilité. Votre programme n’a de stabilité que le nom.

M. Henri Emmanuelli. Excellente conclusion ! (Sourires.)

M. Laurent Furst. Les Français ne vous aiment plus, monsieur Emmanuelli !

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Michel Vergnier. Commencez tout de suite par le mariage pour tous ! (Sourires.)

M. Alain Chrétien. « Une étape majeure qui fixe le cap du projet de loi de finances pour 2014 et entérine la stratégie budgétaire du Gouvernement pour les quatre années à venir » : c’est par cette phrase, monsieur le ministre, que vous avez présenté le programme de stabilité au conseil des ministres le 17 avril dernier. La réalité est que ce programme de stabilité est une étape majeure, certes, mais vers la sortie de route de nos finances publiques.

M. Henri Emmanuelli. Ah oui ?

M. Alain Chrétien. Oui, une succession de renoncements : un renoncement au redressement de nos finances publiques, un renoncement à la croissance et un renoncement à la crédibilité. Malheureusement, tout ce que nous avions annoncé en juillet et en novembre, notamment par la voix de Gilles Carrez, est en train de se produire.

M. Laurent Furst. Eh oui !

M. Alain Chrétien. Le renoncement au redressement de nos finances publiques : vous avez dû réajuster la trajectoire de redressement des comptes publics, en reportant à 2014 le retour du déficit public en dessous de 3 %. Le scénario idéal du candidat Hollande ne s’est donc pas réalisé. On nous avait promis une marche très haute à franchir en 2013, suivie d’années moins difficiles. La réalité devrait être différente : 2013 et 2014 se présentent comme deux années particulièrement difficiles. Alors que les taux de prélèvements obligatoires et d’endettement public vont s’élever respectivement à 46,5 % et 94,3 % du PIB, le taux de dépenses publiques devrait atteindre 56,9 % du PIB. C’est un record : vous l’avez déjà entendu et nous le répéterons.

Vos mesures de soutien au pouvoir d’achat sont financées par la dépense publique. Quant à la loi sur la sécurisation de l’emploi votée il y a quelques jours, elle va entraîner une augmentation de la taxe sur les CDD, et donc plus de lourdeur pour les entreprises.

Mme Jacqueline Maquet. Et moins de CDD…

M. Alain Chrétien. Les priorités du Gouvernement que sont l’enseignement, la sécurité et la justice…

M. Thomas Thévenoud. Excellentes priorités !

M. Alain Chrétien. …relèvent aussi du secteur public, avec une augmentation de la masse salariale et le recrutement de 65 000 nouveaux fonctionnaires. C’est incompréhensible au moment où notre pays s’avère incapable de respecter la trajectoire du redressement de ses finances et où les efforts doivent être clairement identifiés.

Deuxième renoncement : celui de la croissance. Dès le mois d’octobre 2012, Gilles Carrez avait affirmé que votre objectif de croissance à 0,8 % était d’ores et déjà moribond. Faute de réforme structurelle courageuse, vous assommiez les Français et les entreprises de 20 milliards d’euros d’impôts supplémentaires. Pour la seule année 2012, le taux moyen d’impôt sur le revenu est passé de 34,6 % à 41 %. Comme nous l’avions indiqué, les effets récessifs d’un tel budget n’ont pas tardé à se faire sentir sur une croissance ramenée à 0,1 % en 2013, puis à 1,2 % en 2014 selon les projections les plus optimistes.

Outre la perte d’attractivité fiscale, la politique budgétaire que mène le Gouvernement ne pose pas la bonne question, celle du nécessaire rééquilibrage entre hausse des recettes et baisse de la dépense. Il en résulte une politique fiscale qui fait porter les deux tiers de l’effort sur les ménages et les entreprises. Pour résumer, le changement que vous appelez de vos vœux correspond en fait à une révolution fiscale permanente.

Que dire du CICE ? On rend 20 milliards d’euros d’un côté, mais on prend 20 milliards d’euros de l’autre : il s’agit donc d’un jeu à somme nulle pour les entreprises, qui ne sont pas dupes au vu du faible nombre de CICE déjà signés. Pour signer des CICE, il faut de la confiance ; sans confiance, il n’y a pas d’envie d’investir ni d’embaucher.

Je termine par votre renoncement à la crédibilité. De ses prévisions de croissance dépend la crédibilité de tout gouvernement. Or vos prévisions de croissance ne sont pas crédibles. Comme l’a dit Valérie Pécresse,…

M. Thomas Thévenoud. Un modèle de vertu budgétaire !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Elle n’est plus là !

M. Alain Chrétien. …elles sont critiquées et remises en cause par trois grandes institutions financières que sont l’OFCE, le FMI et – excusez du peu – le Haut conseil des finances publiques. Ces trois institutions ont d’ores et déjà jugé vos prévisions de croissance totalement surestimées.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Si vous aviez vu ce qu’avait fait le précédent gouvernement…

M. Alain Chrétien. Je n’étais pas là, mais ne vous en faites pas : je sais ce qui s’est passé.

M. Thomas Thévenoud. En effet, ce n’était pas joli ! La saison 1 était calamiteuse !

M. Alain Chrétien. Aujourd’hui, il ne faut pas regarder dans le rétroviseur mais vers l’avenir. Regardez vers l’avenir, mes chers collègues ! C’est ce que les Français vous demandent.

Mes chers amis, avec ce programme de stabilité, vous ne répondez pas à trois questions essentielles. Comment allez-vous échapper à un collectif budgétaire cette année ? Comment parvenir à 2 % de croissance en 2015 sans réforme structurelle ? Comment s’exonérer de l’avis du Haut conseil des finances publiques qui discrédite complètement le programme de stabilité que vous irez présenter et défendre à Bruxelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude de Ganay. C’est vrai : comment va faire le Gouvernement ?

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le programme de stabilité 2013-2017 est destiné à restaurer pleinement la souveraineté budgétaire, économique et sociale de notre pays, fortement dégradée ces dernières années par l’aggravation du déficit, par l’aggravation spectaculaire de la dette – 600 milliards d’euros en cinq ans – et par l’aggravation du chômage qui a augmenté d’un million de personnes entre 2007 et 2012. Ce programme vise aussi à remédier aux déséquilibres structurels de notre économie.

Cet objectif n’est pas imposé par l’Europe. C’est nous-mêmes qui nous l’imposons, comme François Hollande l’a souligné pendant la campagne présidentielle et comme le Premier ministre s’y est engagé dans son discours de politique générale.

Ce programme nous permettra de retrouver des marges de manœuvre pour mettre en œuvre nos choix de réindustrialisation et de justice sociale. Il nous permettra également de peser davantage dans le débat européen pour réorienter l’Europe. Il est essentiel que notre Parlement soit totalement associé aux choix nationaux et aux objectifs que nous présentons à nos partenaires européens. En effet, notre programme à moyen terme s’inscrit dans un contexte européen sur lequel il nous faut peser : si la zone euro est partiellement stabilisée, la situation économique et sociale s’est beaucoup dégradée dans l’Union européenne.

Je tiens à apporter mon soutien total au Gouvernement concernant la ligne qu’il a tracée, car elle satisfait à mes yeux deux impératifs : d’une part, réduire notre déficit budgétaire structurel ; d’autre part, conduire des réformes ambitieuses sans étouffer la croissance.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance que nous avons ratifié nous invite à un changement de méthode en nous conduisant à raisonner principalement en termes de réduction du déficit structurel. Bien sûr, la réduction du déficit nominal reste un objectif, mais celui-ci doit être apprécié en fonction de la conjoncture : il doit permettre un équilibre entre la consolidation budgétaire et le soutien de la croissance. C’est ce que fait le Gouvernement lorsqu’il ajuste le déficit public à 3,7 %, repoussant à 2014 l’objectif des 3 %.

L’effort de réduction du déficit structurel réalisé est d’ailleurs sans précédent, et les résultats sont là : notre déficit structurel diminuera de 1,9 % du PIB en 2013. Nous restaurons ainsi la crédibilité de notre pays, indispensable pour peser sur l’avenir de l’Union européenne.

Par ailleurs, le programme national de réforme témoigne de l’effort de redressement de notre pays grâce aux réformes ambitieuses qui sont engagées : le retour de la compétitivité avec le pacte de compétitivité, la lutte contre les licenciements systématiques grâce à l’accord sur l’emploi, et la bataille contre la désindustrialisation avec la création de la Banque publique d’investissement. Il me paraît indispensable que ces réformes soient davantage connues et fassent l’objet de toute la promotion qu’elles méritent auprès de nos concitoyens, bien sûr, mais aussi de la Commission européenne et, surtout, de certains de nos partenaires européens.

Le retour de la croissance est indispensable pour restaurer une Europe forte. Nous devons poursuivre le renforcement de l’union économique et monétaire. Cela implique de consolider le pilier monétaire avec l’union bancaire, et de mieux coordonner les politiques économiques en faveur de la croissance : en d’autres termes, il faut que les pays en excédent soient solidaires des pays en déficit. Mais cela impose aussi, j’en suis persuadée, de conduire une action résolue d’harmonisation pour proscrire le dumping fiscal et social, qui est une concurrence déloyale inadmissible entre États membres d’une même union.

L’évasion et la fraude fiscales ne sont plus supportables : lorsque l’impôt n’est pas payé par tous, des charges plus lourdes pèsent sur ceux qui ne fraudent pas. Le Gouvernement a déjà engagé une action résolue dans la lutte contre la fraude à la TVA, dans la lutte contre le dumping fiscal à l’intérieur de l’Union et, plus récemment, sur l’échange automatique d’informations entre États membres de l’Union européenne pour que le secret bancaire ne puisse plus être opposé aux administrations fiscales et aux magistrats. Je suis heureuse d’entendre le ministre de l’économie et des finances affirmer que le climat est en train de changer au sein du G20 et des institutions européennes et internationales sur ce sujet.

En 2012, le Président de la République a obtenu des fonds supplémentaires pour le financement de la croissance en Europe. Monsieur le ministre chargé du budget, il serait bon que le Gouvernement présente une liste de projets concrets qui seront financés grâce à ces crédits supplémentaires. Ce serait une excellente chose !

La réorientation de l’Europe doit être guidée par la justice sociale. Dans ce domaine, l’Europe doit se donner les moyens d’atteindre quelques objectifs clés : lutter contre le chômage de masse en Europe, en particulier des jeunes, développer un salaire minimum dans chaque État de l’Union européenne proportionné au degré de développement de celui-ci, et combattre les abus, les dérives, voire les fraudes auxquels donne lieu la rémunération des travailleurs détachés, qui constitue une concurrence inadmissible sur les bas salaires, particulièrement dans les secteurs agricoles et les métiers du bâtiment.

Au-delà de la trajectoire des finances publiques proposée par le Gouvernement et que la majorité va approuver aujourd’hui, ces questions devraient désormais être placées au cœur de notre politique européenne. Elles demanderont un décloisonnement des approches et un débat beaucoup plus large au sein de notre assemblée et avec le Parlement européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, jamais un programme de stabilité n’a été aussi inquiétant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Jamais un programme de stabilité n’a montré une dégradation aussi rapide de nos finances publiques. (Mêmes mouvements.)

M. Thomas Thévenoud. Cela commence très mal ! Quelle mauvaise foi !

M. Claude de Ganay. Allons, mesdames et messieurs de la majorité, écoutez ! Apprenez !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Trois chiffres suffisent pour illustrer la situation en 2013 et 2014, messieurs les ministres. Les prélèvements obligatoires : 46,5 % de la richesse nationale : c’est un record historique !

M. Alain Chrétien. Record battu !

M. Thomas Thévenoud. Qu’est-ce qui vous arrive, monsieur Carrez ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Les dépenses publiques : 57 % du PIB : seul le Danemark fait autant que nous. La dette publique à la fin de cette année : 94 % du PIB. Jamais on n’avait connu une telle aggravation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thomas Thévenoud. Êtes-vous candidat à la présidence de l’UMP ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et encore ! Ces chiffres sont fondés sur des prévisions de croissance irréalistes,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un spécialiste qui parle !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …comme l’indique l’avis du Haut conseil des finances publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. C’est votre propos qui est irréaliste !

M. Alain Chrétien. Chers collègues de la majorité, restez sereins !

M. Claude de Ganay. Ils sont mal à l’aise !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Monsieur le ministre chargé du budget, contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure, les dépenses publiques sont en train de déraper – vous le savez aussi bien que nous. Regardez le budget de l’État : comment voulez-vous stabiliser la masse salariale sans diminution d’effectifs ? C’est mission impossible !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est faux !

M. Thomas Thévenoud. C’est surtout vous qui dérapez !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et pour ce qui est des comptes sociaux, l’ONDAM a été exécuté à 2,4 % en 2012. Vous le prévoyez à 2,7 % en 2013, tout simplement parce que vous avez, par laxisme, interrompu la convergence tarifaire entre l’hôpital public et le secteur privé.

Mme Monique Rabin. Est-ce en tant que président que vous vous exprimez ?

M. Dominique Baert. Il parle en tant que candidat à la présidence de l’UMP, pas en tant que président de la commission des finances !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’ai regardé attentivement le programme national de réforme : il ne comporte pas une seule réforme documentée, à l’exception de celle des régimes complémentaires de retraite dont on sait qu’ils relèvent de la responsabilité exclusive des partenaires sociaux. Vous, au contraire, vous aggravez le déficit du régime général en le remettant en cause.

Pour ce qui est des RGPP, on passe d’un exercice assumé de recherche d’économies à un simple exercice de littérature. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Rien n’est documenté.

M. Alain Chrétien. Il dit ce qu’il veut !

M. Laurent Furst et M. Claude de Ganay. Prenez des notes !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. S’agissant des recettes fiscales, il faudrait s’inquiéter : si je prends la principale recette, la TVA, je note une moins value de 3 milliards d’euros en 2012 par rapport aux prévisions.

M. Laurent Furst. Eh oui !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et sur les trois premiers mois de 2013, on est déjà à plus de 1 milliard d’euros. En 2013, je le dis du haut de cette tribune, nous allons enregistrer une moins-value de l’ordre de 6 milliards d’euros sur la seule TVA.

M. Thomas Thévenoud. Cela vous réjouit ?

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est le changement !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Ce n’est pas digne d’un président de commission !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous avez en outre multiplié les erreurs grossières dans vos choix de fiscalité. Je prendrai deux exemples. Votre taxe à 75 % tout d’abord : le Conseil constitutionnel vous offrait une porte de sortie honorable. Eh bien non, vous vous entêtez et vous allez taxer les entreprises sans retenir la leçon de cette taxe sur les « pigeons », qui est en train de paralyser le financement, l’investissement et le développement de toutes nos entreprises.

M. Philippe Briand. Eh oui !

M. Alain Chrétien. Ils n’écoutent pas !

M. Thomas Thévenoud. Vous êtes amnésiques !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ensuite, quel manque de clairvoyance, quel aveuglement idéologique, chers collègues !

M. Thomas Thévenoud. C’est un spécialiste qui parle !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En juillet, vous supprimez une excellente réforme compétitivité pour la remplacer par un ersatz incompréhensible pour les entreprises au niveau du crédit impôt compétitivité et absurde quant aux choix de TVA – vous le savez, monsieur Thévenoud : augmenter le taux réduit, c’est augmenter le taux sur des produits domestiques protégés de la concurrence et de surcroît bénéficiant d’une forte injection de crédits publics, comme le logement social ou les transports publics. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est le taux normal qu’il faut augmenter, pour frapper les produits importés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thomas Thévenoud. Du calme !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Dans ces conditions, ne nous étonnons pas que l’économie française soit en voie de paralysie générale. Voyez le logement : vous prévoyez 500 000 mises en chantier en 2013 ; nous allons, c’est une certitude et je le dis du haut de cette tribune, battre un record depuis les années 1950.

M. Alain Chrétien. Un de plus !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous allons passer en dessous de 300 000 mises en chantier. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Schneider. C’est la réalité !

M. Laurent Furst. Le naufrage, c’est maintenant !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et que dire du travail ? Vous avez, en 2012, réussi cette performance de dévaloriser le travail en supprimant les exonérations sur les heures supplémentaires…

M. Thomas Thévenoud. Vous étiez là pour la saison 1 !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …et dans le même temps, les crédits d’assistance – allocations, subventions – ont augmenté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Messieurs les ministres, je vous le demande solennellement : réveillez-vous !

M. Patrick Hetzel. Il a raison, car ils dorment !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le cauchemar, c’est maintenant !

M. Michel Vergnier. Un peu de retenue !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Oui, il faut vous réveiller car vous êtes dans le déni de réalité : (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je m’inquiète, chers collègues, car même notre rapporteur général me paraît atteint de cécité.

M. Dominique Baert. C’est l’ancien rapporteur général qui est atteint de cécité.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’ai lu attentivement son rapport. Page après page, il nous démontre que plus le déficit effectif augmente, plus le solde structurel s’améliore.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mais, monsieur le rapporteur général, l’emprunt, la dette, c’est sur le déficit !

Un dernier mot à propos de la première phrase de votre rapport. Non, les objectifs budgétaires ne sont pas des objectifs secondaires. Vous ne pouvez pas être en voie de mélenchonisation ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. C’est inadmissible !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Messieurs les ministres, je le dis solennellement : nous avons absolument besoin, de façon urgente, d’un collectif budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Votre devoir est de faire la transparence. Nous attendons que cette loi de finances rectificative soit présentée dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Patrick Hetzel. Le rapporteur général est en mauvaise posture !

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président Carrez vous nous avez habitués depuis quelques jours à vous comporter davantage en leader de l’opposition – il est vrai qu’il n’y en a guère –… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. Daniel Vaillant. Il n’est pas à sa place en effet !

M. Dominique Baert. Cela devient gênant !

Mme Marie-Christine Dalloz. Et chez vous ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. …qu’en président de commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.). Bien mal vous en a pris : vos opérations à la Starsky et Hutch ont fait la preuve de leur fécondité…

M. Thomas Thévenoud. Elles ont fait pschitt !

M. Christian Eckert, rapporteur. Vous persistez ; c’est votre choix. Mais je crois, monsieur le président de la commission, que vous devriez réfléchir à ce que vous êtes, semble-t-il, en train de casser au sein de notre commission.

M. Jean Launay. Tout à fait !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous vous avions connu plus humble après dix ans de gestion.

M. Jean Launay. Il n’est même pas venu s’asseoir au banc de la commission !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je pense très sincèrement que vous êtes en train de casser un certain nombre de choses au sein de notre commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Briand. Moins que Cahuzac !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne vais pas vous abreuver de chiffres : ils figurent dans un rapport. Monsieur le président de la commission, j’ai cherché en vain vos rapports sur les programmes de stabilité précédents. On y aurait certainement trouvé quelques perles, s’il y en avait eu.

M. Dominique Baert. Des rapports d’instabilité.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Moi, j’ai décidé d’en produire un, et j’assume entièrement ce que j’ai écrit.

M. Laurent Furst et M. Alain Chrétien. Un de plus !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je maintiens – et vous devriez savoir que c’est une décision en cours au sein de l’Union européenne – que le déficit structurel est effectivement la principale variable observée au niveau du comportement budgétaire des États, et je maintiens que les objectifs budgétaires nominaux sont secondaires au regard de la priorité donnée aux déficits structurels.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et la dette ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je vais vous en donner la preuve et, ce faisant, je réponds à une deuxième interpellation.

Avec mes services, j’ai dessiné un scénario bas. Vous savez ce qu’il en est des prévisions de croissance : il faut généralement plusieurs mois après la fin d’une année budgétaire pour calculer le taux réel de croissance. Vous nous demandez de nous engager sur la croissance jusqu’en 2017… Un peu d’humilité !

Mais, pour anticiper vos objections sur les chiffres de la croissance, je vous rappelle que c’est la première fois, dans un programme de stabilité, que les chiffres inscrits sur les propositions du Gouvernement sont strictement conformes aux derniers chiffres en vigueur publiés par la Commission. Vous devriez vous en souvenir.

Par ailleurs, puisque vous avez des doutes, comme nous-mêmes et comme tout le monde, sur les prévisions de croissance, j’ai, par ce scénario bas, voulu répondre à l’objection traditionnelle de notre collègue Charles de Courson, qui n’a pas participé à notre débat aujourd’hui : si les objectifs ne sont pas tenus, nous encourrons une procédure pour déficit excessif. J’ai par ces deux scénarios, notamment celui qui retient une croissance inférieure à celle qui a été retenue par le Gouvernement, voulu montrer que même dans cette hypothèse, compte tenu de la structuration budgétaire et de nos prévisions, nous ne serions pas en situation de déficit excessif.

À qui parlons-nous, mes chers collègues, lorsque nous présentons un programme de stabilité ? Nous parlons aux Français, nous parlons à nous-mêmes, nous parlons à ceux qui trouvent, comme vous le dites souvent, que nous n’en faisons pas assez, ou à ceux qui nous disent que nous en faisons trop. Nous leur expliquons que nous construisons un programme de stabilité, qui est le juste équilibre entre les efforts que nous devons faire pour résorber les déficits que vous avez creusés et le nécessaire équilibre social à l’intérieur du pays, tant il est vrai que ces efforts budgétaires finissent par créer des conditions sociales difficiles.

Cela m’amène à répondre à une autre de vos objections sur la prétendue mélenchonisation de mon rapport : voilà pourquoi je mets en avant le retour de la place de l’État dans l’économie. Les effets des dérégulations, la liberté complète pour les marchés, le libéralisme à tous crins ont montré les effets qu’ils produisaient : ceux que nous constatons aujourd’hui et particulièrement l’aggravation des inégalités.

Oui, mes chers collègues, le retour de l’État, c’est une politique économique, une politique du maintien de l’emploi. Or ce que vous galvaudez est un programme national de réformes extrêmement important. Ce programme de stabilité est-il conforme à la loi de programmation des finances publiques que nous avons adoptée il y a quelques mois ? Eh bien non, mes chers collègues. Il n’est pas conforme à la loi de programmation des finances publiques. Pourquoi ? Parce que la croissance en Europe n’a pas été celle que nous avions escomptée. Et cela vaut pour tous les pays européens, pour l’Allemagne comme pour l’Espagne, pour le Portugal et la France.

M. Dominique Baert. Très bien, monsieur le rapporteur général. Voilà des arguments plus crédibles !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oui, mes chers collègues, nous prenons acte dans ce programme de stabilité que le déficit de 2012 sera de 3,7 %. La commission l’a prévu, et c’est ce que nous prévoyons. Nous en prenons acte, mais nous prenons acte aussi que la trajectoire de redressement pour résorber les déficits, que vous avez creusés et avez laissé filer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) est maintenue.

M. Jean-Marie Sermier. Regardez devant vous !

M. le président. Merci.

Mme Marie-Christine Dalloz. La lucidité, c’est maintenant !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Elle est maintenue avec un effort structurel qui se poursuivra en 2014.

Si vous relisez ce rapport, chers collègues, vous ne pourrez que voter le programme de stabilité qui vous est présenté aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires européennes.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, au moment où toute l’Europe s’interroge sur le tout austérité, je voudrais à mon tour rappeler la nécessité de ne pas sacrifier la solidarité sur l’autel du sérieux budgétaire.

L’évolution inquiétante du chômage en Angleterre, qui applique scrupuleusement ce type de recommandations, témoigne des limites et des écueils de la politique de rigueur. Le FMI en dénonce les effets dévastateurs. M. Barroso, lui-même, vient de reconnaître que cette politique d’austérité a atteint ses limites. M. Olli Rehn plutôt que d’écouter ses sirènes habituelles devrait s’en inspirer.

Même s’il faut contenir les déficits, ne négligeons pas les investissements pour l’adaptation au changement climatique, le développement des énergies renouvelables, l’innovation, les services publics.

Les crises écologique, sociale, économique et financière, auxquelles nous devons faire face aujourd’hui appellent des réponses ne devant pas hypothéquer l’avenir. C’est ainsi que nous redonnerons du sens à la construction européenne, qui en a bien besoin. D’ailleurs, le Conseil européen de mars 2013, dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance, a rappelé la nécessité de trouver un équilibre entre les besoins en investissements d’avenir et les objectifs de discipline budgétaire. Il doit encore préciser ce que cela sous-tend.

En tout état de cause, nul ne peut faire l’économie d’une réflexion sur l’application, aujourd’hui uniforme, du critère des 3 %. Ce type de traitement ne peut en effet qu’inciter les pays sous tension budgétaire à réduire leur participation à la construction concrète d’un avenir commun.

Plusieurs options sont envisageables pour assouplir le rythme de réduction des déficits avec une meilleure prise en compte de la situation de chaque pays, voire même réviser leur calcul, par exemple en sortant les investissements d’avenir du critère des 3 %.

Il serait important également de dégager de nouvelles recettes, je pense bien sûr à une véritable fiscalité écologique. Les recommandations européennes adressées à la France l’an dernier, et reprises cette année, proposent d’ailleurs de transférer une part de la pression fiscale sur le travail vers des taxes environnementales.

Le Gouvernement a déjà fait part de son intention de mobiliser cette fiscalité écologique pour participer à hauteur de 3 milliards d’euros au financement du crédit d’impôt compétitivité et emploi.

La semaine dernière, le comité pour la fiscalité écologique a proposé de diminuer l’avantage fiscal dont bénéficient les carburants diesel, avec souplesse pour les ménages.

Pourriez-vous nous indiquer, messieurs les ministres, quelles sont les pistes privilégiées à ce stade pour que ces mesures positives pour nos recettes et la santé publique soient mises en œuvre ?

Par ailleurs, le tableau de suivi des objectifs nationaux de la stratégie Europe 2020, présenté dans le programme national de réforme, montre que la France a accumulé du retard sur les énergies renouvelables. Or le Gouvernement s’est engagé à aller vers la transition énergétique et tout le monde semble découvrir aujourd’hui ses vertus. Les énergies renouvelables ne représentent que 13 % de la consommation d’énergie finale, alors qu’il reste seulement sept ans à la France pour atteindre l’objectif des 23 %. Mais cela ne semble pas intéresser nos amis de droite…

Quels moyens pensez-vous mettre en œuvre pour respecter cet engagement ?

Enfin, préparer l’avenir, c’est aussi lutter contre le chômage, en particulier celui des jeunes, et c’est lutter contre la pauvreté. Ce sont aussi des objectifs prioritaires pour l’Union européenne. À cet égard, je me félicite que le Gouvernement lance la « garantie jeunes » dès septembre prochain. C’est en effet un signe important de la vocation, plus sociale, que nous voulons donner à l’Europe.

Dernier point, et non des moindres : il est indispensable de redonner un élan démocratique à ces débats budgétaires – mais cela non plus n’intéresse pas nos collègues de droite. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Dans le cadre du semestre européen de coordination des politiques économiques, les procédures de suivi budgétaire et macroéconomique se sont intensifiées.

Comme la Commission européenne va désormais formuler à l’automne un avis sur les projets de budget nationaux, nous pouvons ouvrir des espaces d’interpellation et de débat pour que notre Assemblée, comme les autres Parlements, soit pleinement associée à cette coordination des politiques économiques.

C’est pourquoi nous avons pris les devants en organisant, dès octobre dernier, un débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances. Nous avons ainsi préfiguré la procédure à mettre en place à l’automne prochain.

C’est pourquoi nous avons été à l’origine, il y a un mois, d’une résolution sur les orientations européennes de politique économique.

C’est pourquoi nous allons organiser, en juin prochain, une réunion consacrée aux recommandations formulées par la Commission européenne sur les programmes de stabilité et de réforme.

C’est pourquoi nous avons voulu la Conférence budgétaire interparlementaire, inscrite dans le TSCG, et qui, me semble-t-il, progresse dans l’esprit de tous les Européens.

En cette année européenne de la citoyenneté, il est en effet essentiel que les citoyens se réapproprient les grands enjeux que recouvrent les débats budgétaires et économiques, étroitement liés aux choix politiques qui permettent de faire face aux difficultés d’aujourd’hui tout en préparant demain.

Ainsi, les engagements du Gouvernement pour peser dans la construction d’une Union plus sociale ne peuvent que résonner favorablement dans les têtes de nos concitoyens éprouvés par les difficultés.

Au moment où l’Espagne et le Portugal desserrent l’étau, le Gouvernement français s’est exprimé à plusieurs reprises pour rappeler son souci de résorber les déficits tout en mobilisant son énergie pour la relance et l’emploi. Je ne doute pas que la Commission européenne soit sensible à ses arguments. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur le président, je voudrais d’abord remercier les orateurs de la majorité pour leur soutien au programme de stabilité et au programme national de réforme. Je remercie le président du groupe socialiste, Bruno Le Roux, Christophe Caresche, et bien évidemment la présidente de la commission des affaires étrangères Élisabeth Guigou, Christian Eckert, mais aussi Paul Giaccobbi et Éric Alauzet qui se sont exprimés dans un sens qui vient conforter la stratégie que nous proposons.

M. Mariton a commencé par évoquer un supposé reniement, obsédé qu’il est par je ne sais quelle lubie religieuse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Quelle mauvaise foi !

M. Pierre Moscovici, ministre. Il m’a accusé de n’être ni croyant ni pratiquant, alors que rien ne lui permet de le dire : je suis pour ma part surtout totalement laïque, dans ma vie personnelle comme dans ma vie publique.

M. Patrick Hetzel. Vous vous y connaissez en reniements !

M. Pierre Moscovici, ministre. Et si je respecte les croyances de chacun, je tiens à vous assurer qu’il n’y a de reniement ni de la part du Gouvernement, ni de la part du Président de la République.

M. Philippe Le Ray. Personne n’en doute !

M. Pierre Moscovici, ministre. Depuis que nous sommes ici, nous avons voulu ancrer notre politique économique – et personne, je l’espère, ne nous le reprochera – sur des objectifs structurels que nous respectons strictement. Cela a été le cas en 2013 avec 1,9 point du PIB ; ce sera le cas en 2014 avec à nouveau un point. C’est cela qui compte.

Vous nous suggérez, tout comme Mme Pécresse, de présenter un collectif budgétaire pour revenir sous la barre des 3 % en 2013. Mais si nous faisions cela, alors nous ferions le choix de l’austérité et de la récession. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela supposerait un plan d’ajustement supplémentaire, qu’au demeurant il faudrait financer et qui aurait des conséquences dramatiques sur les entreprises et l’emploi dans notre pays.

Disant cela, monsieur Mariton, vous avouez ce qu’est le vrai projet de l’opposition : c’est l’austérité, l’austérité encore, l’austérité toujours, c’est la paupérisation des services publics. Et là-dessus, en effet, nous ne pouvons être d’accord avec vous : nos approches sont fondamentalement différentes.

Le reniement ne porte pas non plus sur les prévisions de croissance, monsieur Mariton. J’aimerais que l’on garde un peu de mémoire, mesdames et messieurs les orateurs de l’opposition : c’est important dans le domaine économique. Le précédent gouvernement avait tablé sur une prévision pour 2012 ostensiblement optimiste.

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, mais nous avions présenté un nouveau collectif.

M. Pierre Moscovici, ministre. L’écart par rapport à des prévisions comme celle du FMI n’était pas de 0,2 %, mais bien de 0,7 %. Par souci d’honnêteté, pour rester en phase avec la réalité, nous l’avons ramenée à 0,3 %. Finalement, la croissance a été de 0 %.

Pour l’année 2013, l’ampleur de la révision est encore plus nette. Ce programme de stabilité succède à un autre que la majorité précédente a présenté l’année dernière. J’entends bien ce que Gilles Carrez a indiqué tout à l’heure dans une sorte de réquisitoire enflammé et assez peu rigoureux… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ah non !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous savez bien, monsieur le président de la commission, vous qui étiez à la place de Christian Eckert il y a un an, que votre programme de stabilité tablait sur une prévision de croissance de 1,75 %.Nous l’avons abaissée à 1,2 % en juillet, à 0,8 % en septembre et aujourd’hui, nous nous en tenons à un chiffre extraordinairement réaliste, de 0,1 %, qui est le chiffre même avancé par la Commission européenne.

Le Haut Conseil a certes formulé des observations et nous en tenons compte, bien évidemment. Mais il faut bien voir que celles-ci insistent à la fois sur les aléas baissiers et sur les aléas haussiers. Je maintiens pour ma part, sans excès de volontarisme, que l’économie française a tout à fait les moyens d’avoir une croissance de 0,1 % et plus en 2013 et de 1,2 % et plus en 2014.

Bernard Cazeneuve reviendra après moi sur les aspects budgétaires : M. Vigier nous a accusés de matraquage fiscal, utilisant une formule facile qui tourne en boucle sur les bancs de l’opposition.

M. Patrick Hetzel. Elle est tellement vraie !

M. Pierre Moscovici, ministre. Rappelons tout de même la vérité : lors du précédent quinquennat, Nicolas Sarkozy avait été élu en faisant la proposition de 48 milliards d’euros de baisse d’impôts : quatre points de PIB ! On en a bien vu ce qu’il en a été.

M. Claude Goasguen. Vous êtes bien partis, vous !

M. Pierre Moscovici, ministre. S’agissant des prélèvements obligatoires, nous, nous sommes réalistes et sincères. Nous ne prévoyons pas d’augmentations dans des proportions aussi inconsidérées. Du reste, sur l’année 2012, l’essentiel des hausses d’impôt vient de la précédente majorité. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Patrick Hetzel. Ça nous manquait, cette belle excuse !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je dis bien l’essentiel.

J’ajoute que pour ce qui nous concerne, il y a une différence fondamentale. Il n’y a rien de caché : le projet de loi de finances pour 2013 comportait 20 milliards d’euros de recettes et 10 milliards d’euros d’économies sur les dépenses. Nous prévoyons un ciblage des recettes, qui permet de défendre le pouvoir d’achat. Et je tiens à rassurer M. Sansu sur ce point : nous n’avons pas oublié le pouvoir d’achat. Ce sont d’abord les plus grandes entreprises, celles qui ont la capacité contributive la plus forte et les ménages les plus aisés qui ont été visés par notre politique fiscale qui, encore une fois, n’a rien à voir, vraiment rien à voir, avec celle de Nicolas Sarkozy.

M. Giacobbi a évoqué Reinhart et Rogoff, éminents économistes qui ont défrayé la chronique il y a peu. Leur erreur a quelque chose à la fois de comique et de tragique : comique car on imagine assez bien dans quel état de dépit se trouvent probablement ces illustres professeurs et les thésards qui ont contribué à conforter leurs travaux ; tragique aussi parce que leurs études ont constitué une sorte de Bible pour toute une profession qui se voit soudainement obligée de remonter la pente après avoir fait l’objet d’un tel discrédit.

Il y a une chose que vous ne contesterez pas, vous qui avez une culture économique et qui êtes réaliste en ce domaine : il existe un lien entre dette et croissance, même si l’on n’a pu établir ni seuils ni causalités. Dans les pays qui n’ont pas de politique monétaire autonome, comme c’est le cas dans la zone euro, une hausse de la dette s’accompagne en général d’une hausse des taux d’intérêt. De ce point de vue, l’inversion de la courbe de la dette en 2015 et son ralentissement, sur lesquels nous tablons, sont de nature à préserver un élément auquel nous tenons : des taux d’intérêt bas.

Je veux rappeler à votre assemblée – bien dissipée sur les bancs de la droite –, que le taux d’intérêt français à dix ans a atteint aujourd’hui 1,75 %. C’est un niveau historique, mais c’est aussi le signe d’une crédibilité historique. Cela montre que le programme de stabilité et le programme national de réforme que nous vous proposons vont dans le bon sens, comme vous l’avez vous-même souligné, monsieur Giacobbi.

À Mme Sas, à M. Giacobbi sur un autre volet de son intervention, à M. Sansu, je veux répéter ici que ce que nous faisons, c’est exactement l’inverse d’une politique d’austérité. La politique d’austérité, c’est l’opposition qui nous la propose…

M. Claude Goasguen. Ben voyons !

M. Pierre Moscovici, ministre. …quand elle demande un collectif budgétaire alors qu’il n’en est pas besoin, pour diminuer encore le déficit public et accroître encore un ajustement déjà très important pour 2013.

M. Maurice Leroy. Ça, c’est comique !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce que nous vous proposons, c’est au contraire d’adopter pour 2013 le chiffre de la Commission et de dépasser en 2014 ses prévisions – de l’ordre de 2,5 % à 2,7 %. Pour quoi faire ?

M. Laurent Furst. Pour faire naufrage !

M. Pierre Moscovici, ministre. Pour permettre de soutenir la croissance française dans laquelle je continue pour ma part à avoir confiance.

Et là, je pense à Mme Pécresse – qui est arrivée tard, qui est partie tôt, avant même qu’on lui réponde… (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Alain Chrétien. Ça suffit !

M. Patrick Hetzel. C’est indigne de vos fonctions !

M. Pierre Moscovici, ministre. Il paraît que c’est habituel !

Quand on veut être un ténor de la politique, cela compte aussi d’être présent dans les débats et de se confronter au Gouvernement au lieu de se contenter de partir immédiatement après sa petite intervention.

M. Laurent Furst. À Gandrange les leçons, pas ici !

M. Pierre Moscovici, ministre. Mme Pécresse se trompe en critiquant nos prévisions de croissance à moyen terme, ne serait-ce que parce qu’elles correspondent exactement aux hypothèses du dernier programme de stabilité de Nicolas Sarkozy : 2 %. Pourquoi voudriez-vous ce qui était considéré alors comme juste soit faux maintenant ?

En réalité, de quoi s’agit-il ? L’économie française, pendant les cinq dernières années, a accumulé un retard sur son potentiel de croissance qui sera rattrapé et dépassé, notamment grâce aux réformes de structure que mène ici la majorité. C’est en ce sens que nous continuerons d’aller.

Madame Dalloz, avec le sens de la nuance qui vous caractérise (Protestations sur les bancs du groupe UMP), vous avez énoncé un certain nombre de contrevérités qu’il faut rectifier ici, notamment en ce qui concerne l’évolution de la dépense publique qui sera divisée par quatre par rapport aux années où vous étiez aux responsabilités, passant de 2 % à 0,5 % du PIB. Rappelons qu’en 2012, hors événements exceptionnels, la dépense publique a progressé de 0,7 % contre 0,9 % en 2011, seule année d’effort du quinquennat précédent.

M. Laurent Furst. Le chômage, lui, continue d’augmenter !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous dites aussi que les déficits ne diminuent pas, ce qui est absurde. Ils se situaient à 5,3 % en 2011 et auraient atteint 5,5 % en 2011 si nous n’avions pas fait d’effort nécessaire pour les réduire, ce qui était indispensable.

Mme Marie-Christine Dalloz. Arrêtez !

M. Pierre Moscovici, ministre. Là, un collectif budgétaire s’imposait et nous en avons présenté un, faute de quoi nous nous serions trouvés dans de très grandes difficultés.

Enfin, j’aimerais revenir sur votre intervention, monsieur Chrétien. Elle contenait une perle. À propos du crédit d’impôt compétitivité emploi, que vous critiquez maintenant à tous crins,…

M. Alain Chrétien. Je l’ai toujours critiqué !

M. Pierre Moscovici, ministre. …alors que l’opposition semblait un temps plus encline à l’accueillir comme un élément fort de soutien à la compétitivité, vous nous accusez de reprendre d’une main ce que nous donnons de l’autre.

M. Alain Chrétien. Exactement !

M. Pierre Moscovici, ministre. Est-ce à dire que vous voudriez que les mesures de baisse des charges, de baisse du coût du travail soient financées par davantage de déficit budgétaire ?

M. Alain Chrétien. Par davantage d’économies !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce serait la conséquence logique de votre propos, qui pour moi n’a pas de sens.

Quand on prend une mesure de cette nature, il faut la financer. En l’occurrence, elle est financée à moitié par des économies et que ces économies, nous les ferons. (« Lesquelles ? » sur les bancs du groupe UMP.) Je vous renvoie au programme de stabilité.

Enfin, je veux répondre à M. Carrez, en revenant sur la remarque de M. Eckert – mais ce n’est pas tellement mon affaire – sur le ton et l’attitude du président de la commission des finances. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Mais c’est absurde !

M. Pierre Moscovici, ministre. Il a fait une intervention beaucoup plus générale, beaucoup plus unilatérale, beaucoup plus partiale aussi que celles dont il est capable à l’ordinaire. Du coup, elle a été assez imprécise puisque, pour la résumer, rien ne va.

M. Claude Goasguen. Dites-nous ce qui va alors !

M. Pierre Moscovici, ministre. Rien ne va en matière de prélèvements obligatoires, rien ne va en matière de dépense, rien ne va en matière de dette.

M. Laurent Furst. Les Français s’en rendent bien assez compte !

M. Pierre Moscovici, ministre. Au fond, on a envie en écoutant ce réquisitoire, monsieur Carrez, de vous dire : franchement, était-ce si bien durant ces dix dernières années ? La performance économique de la France était-elle si forte en termes de croissance, de dette publique, de déficit public, de chômage, de compétitivité ?

Je pense surtout, monsieur le président de la commission des finances – là, je ne m’adresse plus au député Gilles Carrez – qu’il y a une confusion que vous ne pouvez pas faire, c’est celle des temps.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Exactement !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous êtes particulièrement bien placé, par expérience et par connaissance, pour savoir ce que sont le programme de stabilité et le programme national de réforme et ce qu’ils ne sont pas. Ils ne sont pas le projet de loi de finances pour 2014, ils donnent les orientations pour les années à venir, ils disent ce qu’est la logique que nous suivons.

De ce point de vue – et je me tourne vers la majorité –, j’estime qu’ils sont une stratégie de redressement : une stratégie de redressement des finances publiques, une stratégie de redressement de l’appareil productif, une stratégie de redressement de la croissance, une stratégie ambitieuse et réaliste en même temps, une stratégie qui refuse l’austérité.

C’est la raison pour laquelle nous comptons sur le soutien très large de la majorité face à la mauvaise foi dont l’opposition a fait preuve. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Je voudrais, en quelques mots, apporter des précisions à quelques-uns des propos tenus dans cet hémicycle concernant la situation budgétaire.

Je voudrais tout d’abord en revenir aux chiffres car, au-delà des débats très vifs qui peuvent nous opposer dans cet hémicycle, nul ne peut échapper à la réalité des chiffres.

À défaut de tomber d’accord sur les orientations politiques, peut-être pouvons-nous nous accorder, monsieur le président de la commission des finances, sur des chiffres que vous connaissez parfaitement, puisque vous avez été rapporteur général avant de présider la commission des finances.

Pour commencer, êtes-vous d’accord sur le fait que les dépenses publiques ont augmenté en moyenne de plus de 2 % entre 2002 et 2011 ? Votre réponse ne peut être que positive puisque ces chiffres sont contenus dans la plupart des documents émanant de la commission que vous présidez.

Êtes-vous d’accord également pour constater que l’évolution des dépenses publiques en 2012 s’établit à 0,7 %, soit une différence de 0,2 point avec ce que nous avions prévu – la raison tenant notamment au fait que les dépenses des collectivités locales ont été, en période électorale, plus dynamiques que nous ne l’imaginions ? Il existe donc un rapport de 1 à 4 entre l’évolution des dépenses publiques constatées au cours des deux derniers quinquennats et ce que nous obtenons en 2012.

En outre, nous devrions obtenir 0,5 % en 2013 grâce aux dispositions que nous avons prises, notamment en loi de finances rectificative 2012, et qui ont permis d’éviter un dérapage du déficit budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et l’ONDAM ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vos propos concernant l’évolution de l’ONDAM sont erronés, monsieur le président de la commission. Je vais donc vous donner les vrais chiffres : les dépenses de l’assurance maladie ont augmenté de 2,6 % l’an dernier.

Le décalage entre ce que vous aviez prévu dans le budget élaboré par Mme Pécresse, qui fixait la trajectoire des dépenses de l’assurance maladie, et ce que nous avons obtenu grâce à une maîtrise très forte de ces dépenses, est de 1 milliard – en moins ! –, et vous le savez très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Quel sera le chiffre en 2013 ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous pouvez comparer l’évolution de l’ONDAM depuis que nous sommes en situation de responsabilité – 2,6 % en 2012 – à ce qu’elle fut auparavant : alors que les dépenses de l’assurance maladie ont évolué de plus de 4 % au cours du dernier quinquennat, le réalisé sur les dépenses d’assurance maladie en 2012 est inférieur de 1 milliard à ce que vous aviez prévu !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce sont les mesures que nous avons adoptées qui ont permis cela !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Non, madame Dalloz, ce ne sont pas les mesures que vous avez prises, mais bien celles que nous avons adoptées en loi de finances rectificative 2012 à la suite du rapport de la Cour des comptes. Je vous invite à en relire le contenu : il indiquait très clairement que certaines dépenses dérapaient à hauteur de 2 milliards, tandis que les recettes étaient manifestement surestimées à hauteur de 8 milliards, dont 6 milliards résultant d’erreurs manifestes d’appréciation.

Certes, nos débats budgétaires peuvent être l’occasion de témoigner de nos désaccords sur les orientations de politique économique ; mais je vous invite, chers amis de l’opposition, à faire preuve d’honnêteté intellectuelle lorsque vous avancez des chiffres, parce que la manière dont vous les manipulez n’est pas digne de nos débats devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Si vous regardez les chiffres présentés dans les documents de votre commission, monsieur le président de la commission des finances, vous vous rendrez compte, tout comme les orateurs qui se sont exprimés et notamment mon prédécesseur immédiat qu’est Mme Pécresse,…

M. Jean-Charles Taugourdeau. Vous oubliez M. Cahuzac !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …que ce que je viens de dire correspond à l’exacte réalité.

De même, vous ne pouvez pas nier, monsieur Carrez, que les dépenses de l’État ont diminué de 300 millions en 2012 : ce sont les chiffres qui émanent des documents de votre commission.

Certes, dans un contexte politique un peu fiévreux, on peut tout s’autoriser – vous vous autorisez d’ailleurs beaucoup de choses, c’est même à cela qu’on vous distingue désormais !

M. Hervé Mariton. Oh, ça suffit !

M. Claude Goasguen. Il faut faire un collectif budgétaire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais vous ne pouvez pas vous autoriser à travestir des chiffres qui sont désormais établis, et qui témoignent de la situation absolument calamiteuse que vous nous avez laissée. L’examen de la loi de finances pour 2014 sera une fois de plus l’occasion de rétablir la vérité, y compris sur la pression fiscale.

Ainsi, je tiens à vous indiquer, monsieur Carrez – ainsi qu’à Mme Pécresse, qui n’est plus là –, que pendant le dernier quinquennat, le montant des impôts prélevés sur les Français a été absolument considérable : 60 milliards d’euros ! Quand on a un tel bilan, on essaye, tant sur la forme que sur le fond, d’être un peu modéré ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Les Français ne sont pas dupes !

M. le président. Le débat est clos.

Le Premier ministre ayant décidé, en application de l’article 50-1 de la Constitution, que cette déclaration ferait l’objet d’un vote, je vais mettre aux voix cette déclaration sur le programme de stabilité de la France 2013-2017.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, notre président de groupe Bruno Le Roux, en ouvrant le débat un peu plus tôt, a indiqué le sens du vote de notre groupe : il approuvera, messieurs les ministres, la résolution que vous proposez à la représentation nationale au nom du gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Je tiens à souligner la double signification de ce vote. Tout d’abord, ce vote unanime de notre groupe veut donner toute la force nécessaire aux engagements que vous prenez.

Je veux rappeler en particulier à nos amis du Front de gauche que ces engagements pour la France visent avant tout à préserver et à restaurer notre souveraineté nationale, et à gagner la bataille de l’emploi et du pouvoir d’achat.

Nous sommes d’accord, cher Nicolas Sansu, avec ces objectifs, même si nous divergeons sur les moyens d’y parvenir. Pour notre part, nous considérons que cette voie permettra d’assurer le redressement de la France.

Nous voulons également donner de la force à ces engagements pour l’Europe. Nous le savons, dans la compétition mondiale, notre continent va mal et doit se redresser. Cela suppose une réorientation de la politique européenne, ce que le président François Hollande a engagé dès le mois de juillet 2012.

La force de cet engagement, la volonté de la France de redresser ses comptes publics et, dans le même temps, de conduire une politique favorable à la croissance, donneront effectivement au Président de la République, au Premier ministre et au Gouvernement les moyens de conduire cette discussion au niveau européen.

L’autre signification de ce vote est le soutien constant de notre groupe à la politique conduite par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, sous l’impulsion du Président de la République, depuis juin 2012.

M. Rémi Delatte. C’est dire si vous êtes têtus !

M. Dominique Lefebvre. Cette politique est cohérente, constante. Du projet de loi de finances rectificative de juillet 2012 jusqu’au vote de ce jour, en passant par le projet de loi de finances pour 2013 et la loi de programmation des finances publiques, nous n’avons eu qu’un seul but : assurer dans le même temps la consolidation budgétaire nécessaire à une politique de croissance, et permettre la croissance qui favorisera la consolidation budgétaire.

M. Philippe Le Ray. L’explosion vous guette !

M. Dominique Lefebvre. Cette politique tient compte de la situation que nous avons trouvée : un déficit public supérieur à 5,5 %, et une augmentation de la dette de 600 milliards obérant toutes les marges de manœuvre. Évidemment, si la droite ne nous avait pas laissé un tel bilan, nous aurions pu procéder autrement !

Nous vous invitons, messieurs les ministres, à poursuivre cette politique cohérente en tenant le cap.

Au terme de ce débat, qu’avons-nous appris, mes chers collègues ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Rien !

M. Dominique Lefebvre. Si ! Nous avons appris ce que nous savions déjà : la droite n’a toujours pas tiré les leçons de ses échecs politiques du printemps 2012.

M. Claude Goasguen. En ce qui vous concerne, cela ne va pas tarder !

M. Dominique Lefebvre. Elle n’a pas non plus tiré les leçons de ses échecs de politique économique et budgétaire. Il y a une raison à cela : les quelques rares qui, au sein de l’UMP, ont réclamé un droit d’inventaire, se le sont vu refuser.

Nous avons ainsi vu une ancienne ministre du budget et un ancien rapporteur général du budget intervenir à la tribune dans le déni le plus complet.

Je veux vous dire simplement, chers collègues de l’UMP et de l’UDI, que tant que vous n’aurez pas conduit à son terme, entre vous et devant les Français, ce devoir d’inventaire sur vos échecs depuis dix ans, vous n’aurez aucune légitimité pour nous donner des leçons ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC. – Exclamations sur divers bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vous qui êtes dans le déni !

M. Dominique Lefebvre. Ce matin encore, l’ancien Premier ministre François Fillon mettait en cause la légitimité du Président de la République, du Premier ministre, du Gouvernement et de notre majorité parlementaire.

Si la question de la légitimité se pose aujourd’hui, elle concerne l’opposition lorsqu’elle cherche à nous donner des leçons de politique économique et budgétaire.

M. André Schneider. Vous non plus, vous n’avez pas à nous donner de leçons ! Sûrement pas !

M. Claude Goasguen. Vous osez nous donner des leçons après l’affaire Cahuzac !

M. Bruno Le Roux. Mais taisez-vous un peu !

M. Dominique Lefebvre. Tout comme M. Christian Eckert, et en ma qualité de responsable du groupe socialiste de la commission des finances, je tiens à dire au président de la commission des finances que nous tiendrons compte à l’avenir de son comportement exclusivement partisan, contraire aux devoirs de sa charge. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Tout d’abord, monsieur le président, je pense que le ton et le contenu du propos de l’orateur du groupe socialiste à l’égard du président de la commission des finances sont proprement inacceptables ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Cela devait être signalé.

Le débat de ce soir, sur la forme comme sur le fond, est profondément insatisfaisant, d’autant plus que la procédure ne nous donne pas la possibilité de corriger votre trajectoire, alors que celle-ci le mérite tant !

Le pacte de stabilité, attendu par nos partenaires, est important pour le crédit de notre pays. Or ce que vous nous proposez aujourd’hui, la manière dont vous le présentez, la manière dont ce travail est accueilli par votre majorité, nuisent au crédit de la France.

Vous manquez de lucidité, car vous n’écrivez pas les choses. Vous refusez un collectif budgétaire pourtant bien nécessaire. Vous vous raccrochez à cette notion de déficit structurel qui, si elle permet d’alléger quelques obstacles, ne doit pas vous servir de viatique pour camoufler vos défaillances budgétaires.

Il est absolument extravagant de lire dans un rapport du rapporteur général, concernant le déficit effectif « que ni le Gouvernement ni la majorité ne souhaitent atteindre », qu’il s’agit d’un objectif budgétaire secondaire. Je suis désolé, monsieur le rapporteur général, mais la résorption du déficit effectif comme son financement ne sont pas des objectifs budgétaires secondaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il y faudrait aussi, messieurs les ministres et chers collègues de la majorité, davantage de constance. Quand on voit les critiques, tant des députés du Front de gauche que des collègues du groupe écologiste, ainsi que d’un certain nombre de députés socialistes se prononçant contre tout effort de rigueur et de discipline budgétaire, il y a fort à s’inquiéter quant à votre capacité à tenir la distance !

Un député du groupe SRC. C’est faux !

M. Hervé Mariton. Enfin, il faudrait que vous fussiez efficaces. Mais quand vos plans d’économies ne sont désespérément pas documentés, l’on peut craindre que vous ne le soyez pas.

Ainsi, messieurs les ministres, vous voulez éviter le reniement : mais vous aurez à la fois l’austérité et la récession. (Applaudissements sur les bancs sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. J’ai également été choqué par la façon avec laquelle le rapporteur général s’est adressé à Gilles Carrez, dont chacun connaît l’honnêteté intellectuelle. Vous avez oublié, mes chers collègues, avec quel engagement Jérôme Cahuzac, lorsqu’il était président de la commission des finances, s’exprimait ; jamais nous ne l’avons accusé d’être partial !

Monsieur le ministre délégué, vous parliez d’honnêteté : parlons-en ! C’est François Hollande qui a promis 1,7 % de croissance pour 2013 : ce n’est pas nous ! Puis, vous avez prévu 0,8 % de croissance. Or, dès septembre 2012, le groupe UDI vous avait averti que cette estimation était trop haute. Aujourd’hui, vous avez abaissé cette estimation à 0,1 % : si nous avons eu raison trop tôt, vous avez mis six mois à réagir !

Pire encore : que dit votre ami Didier Migaud ? Il estime qu’un léger un recul du PIB en 2013, ainsi qu’une croissance sensiblement inférieure à 1,2 % en 2014, ne peuvent pas être exclus. Cela veut dire que vos prévisions sont fausses !

Et que dire encore de la période 2015-2017, pour laquelle vous annoncez deux points de croissance ? Le Haut conseil des finances publiques – encore Didier Migaud ! – affirme que « la prévision d’une croissance effective de 2 % paraît incertaine » !

M. Patrick Hetzel. Eh oui ! C’est tellement juste !

M. Philippe Vigier. Où est l’honnêteté intellectuelle, monsieur le ministre délégué ?

Monsieur le ministre, où est l’honnêteté intellectuelle ?

Vous nous dites ensuite qu’il n’y aura pas d’ajustement budgétaire en 2013. Pourtant, monsieur Eckert, il est écrit dans votre rapport que vous irez chercher 6 milliards d’impôts supplémentaires dans les poches des contribuables. Une fois de plus, vous avez contredit le Président de la République !

Vous voulez faire passer le déficit public de 4,5 % à 3 %. Vous parviendrez à 3,7 %, 3,8 % ou 3,9 %, nous verrons bien. Mais si le taux des prélèvements obligatoires avait diminué, monsieur le ministre, on n’en serait pas à 46,3 % en 2013, contre 44,9 % en 2012. Ce résultat, c’est à vous qu’on le doit, pas à nous !

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Philippe Vigier. Vous prétendez également avoir fait 10 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques. Mais si tel était le cas, le taux des dépenses publiques aurait diminué, alors qu’il va passer de 56,6 % à 56,9 %. Un enfant de maternelle le comprendrait ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Messieurs les ministres, comment voulez-vous que nous votions un programme de stabilité qui n’est pas sincère ? Comment voulez-vous que nous votions un programme de stabilité dans lequel vous allez faire les poches aux Français et dont le pacte de compétitivité ne marche pas, comme l’a dit lui-même Christian Eckert ?

Et ces 14 milliards d’euros d’économies que vous ferez en 2013, où irez-vous les chercher ? Sur les régimes complémentaires des retraites, avez-vous dit. Mais la décision ne vous appartient pas : c’est aux partenaires sociaux de décider. Là encore, mensonge !

Les 3 milliards d’euros d’économies sur l’ONDAM correspondent à une baisse de 2 % des moyens accordés à la santé des Français. Vous ne pouvez pas dire le contraire, il n’y a aucune réforme structurelle de l’hôpital. Comment irez-vous chercher ces 3 milliards d’économies ? Vous ne le savez pas.

Et que dire du milliard et demi d’économies sur les collectivités locales ? Certes, on va de l’avant. Mais il y a deux ans, lorsqu’on nous disait de stabiliser les dépenses pour les collectivités, on garrottait les collectivités locales. François Hollande s’était engagé à ne rien changer. Or le changement, c’est tout le temps !

M. Razzy Hammadi. C’est maintenant !

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, vous aurez compris que vous êtes dans un triangle des Bermudes budgétaire : hausse des prélèvements obligatoires – c’est incontestable –, poursuite de la hausse des dépenses publiques – c’est incontestable –, réduction faible des déficits publics. Nous ne voterons pas pour ce programme de stabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat que nous menons aujourd’hui se déroule dans des conditions singulières.

Interrogé sur les politiques de réduction à marche forcée des déficits par la compression des dépenses publiques et la hausse des prélèvements obligatoires, Manuel Barroso a déclaré, hier, lors d’une conférence de presse : « Tout en pensant que cette politique est fondamentalement juste, je pense qu’elle a atteint ses limites. Pour réussir, une politique ne doit pas seulement être bien conçue, elle doit bénéficier aussi d’un minimum de soutien politique et social. »

Les prises de conscience sont multiples : il n’y a guère que sur les bancs de l’opposition qu’on ne veut pas voir les dégâts de l’austérité, les dégâts de la réduction de la dépense publique à outrance menée dans les pays occidentaux depuis quelques années. Vous êtes dans l’indifférence la plus totale, dans l’aveuglement, vous ne regardez pas les gens qui sont autour de vous. C’est regrettable.

Mais cette politique doit également produire des résultats. Car c’est bien là le problème : le traitement de cheval imposé à nos voisins espagnols, portugais, italiens, grecs, n’est pas simplement synonyme d’aggravation des inégalités sociales ou de contestations populistes dangereuses pour la démocratie : pire, la dette progresse et l’activité économique se contracte. Quand les résultats d’une politique se traduisent par une incapacité de vingt-six pays sur les vingt-sept à atteindre un équilibre budgétaire pourtant affiché comme un objectif, c’est que cette politique n’est pas bonne.

Oui, mes chers collègues, le débat aujourd’hui ne peut faire l’impasse sur ce qui est en train de devenir une nouvelle donne économique et politique. Après le FMI – oui, même le FMI –, c’est au tour des responsables politiques européens de constater que la réduction drastique de la dépense publique qui confine à l’austérité ne marche pas.

Cette prise de conscience n’est pour l’instant que verbale, et Mme Merkel veille à ce qu’elle ne se traduise pas en actes – du moins pas tout de suite : elle a des élections à gagner sur une fiction qu’elle entretient depuis trop d’années pour pouvoir l’abandonner si près du scrutin.

Alors, me direz-vous, pourquoi devrions-nous adopter une trajectoire budgétaire qui s’inscrit dans une sorte de pacte de confiance européen dont les termes sont en partie obsolètes puisque définis il y a plusieurs mois, du temps où M. Barroso et consorts n’avaient pas de doute, comme vous d’ailleurs ?

Nous, écologistes, voyons deux raisons principales pour ne pas refuser cette trajectoire, et une double condition.

Tout d’abord, il est essentiel à nos yeux de ne pas laisser croire que l’absurdité de la doxa européenne en matière budgétaire rendrait inutile l’objectif de réduction de la dette publique. Cette dette est une drogue qui a peu à peu rongé notre économie. C’est elle qui hypothèque l’avenir, abîme les peuples et fait le bonheur des institutions financières qui spéculent sur elle.

Ensuite, en raison des évolutions qui émergent dans ce programme de stabilité. Les objectifs de déficit sont plus raisonnables qu’initialement prévu, de même que la modération de la réduction des dépenses, puisqu’il est proposé 14 milliards de réduction de dépenses pour 2014, au lieu des 20 milliards prévus initialement et du fait du renforcement de la lutte contre la fraude fiscale et du débat qui émerge sur la lutte contre l’évasion fiscale.

La trajectoire affichée s’éloigne donc du carcan de la Commission pour se rapprocher de la réalité de ce qu’il est possible de faire. Nous agissons dans le cadre d’engagements européens qui devront évoluer en profondeur. Refuser de prendre en compte aujourd’hui le cadre défini par nos partenaires, ce serait nous interdire demain de faire évoluer ce cadre pour mener une action conjointe et résolue par la mobilisation de ressources propres à l’Union.

J’ai parlé des raisons de ne pas refuser cette trajectoire budgétaire. Je vous disais également que nous portons, nous écologistes, une double condition à sa réalisation : premièrement, la mise en œuvre rapide de mesures environnementales dans la politique économique et financière de notre pays. Nous avons la conviction que, sans une fiscalité écologique intelligente, incitative et qui affrontera enfin les tabous comme celui du diesel et du kérosène aérien, il ne sera pas possible d’atteindre les objectifs de rentrées fiscales portés par cette trajectoire, notamment par la réduction des niches fiscales.

Nous avons également la conviction que la transition énergétique et les potentialités de développement d’activités nouvelles doivent être accélérées, car c’est là que se trouve le potentiel d’emplois sans lequel il ne pourra y avoir de redressement de notre économie et de nos finances publiques.

La seconde condition porte sur l’engagement d’aller au bout de la lutte contre l’évasion fiscale. Les prises de position européennes et du G 20 sont encourageantes. Il y a là une exigence de réussite pour desserrer l’étreinte des taux sur la baisse des dépenses publiques.

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe RRDP.

M. Paul Giacobbi. Je le dis avec beaucoup de tristesse : voilà un débat qui n’est pas celui que l’on pouvait attendre.

Je siège ici depuis des années et je connais les qualités économiques, financières, budgétaires de nombre de ceux qui se sont exprimés. Je ne les ai pas reconnus ce soir : la passion des mots, la polémique remplaçaient le raisonnement économique et quelque chose qui, malgré tout, devrait tous nous rassembler.

Monsieur le ministre, j’ai évoqué la théorie économique. Malheureusement, elle a des applications redoutables. Si elle ne tue pas, elle fait beaucoup de mal. Pendant vingt ans, nous avons subi M. Greenspan et son âme damnée, M. Bernanke. Le bernankisme, c’est cette théorie selon laquelle il suffisait d’augmenter la masse monétaire et de baisser les taux d’intérêt pour que les questions soient réglées. C’est cette croyance, cette idée que la manipulation d’un paramètre permettait de faire aller les choses encore mieux qui est à l’origine de la crise et de la folie financière qui en a résulté. Certes, on est sorti de la crise de la bulle Internet de 2002, mais pour entrer dans une bulle encore plus grande. Et aujourd’hui, après 2007 et cinq ans d’augmentation des bulles d’une manière ou d’une autre, il y a tout de même de quoi s’inquiéter. Je vous ai montré tout à l’heure que, à l’évidence, le système bancaire revenait sur les chemins dont il avait été détourné par la crise.

Je remarque au passage que la moitié de la communauté économique dans le monde trouve la rigueur budgétaire totalement inepte, tandis que l’autre moitié, y compris les professeurs Rogoff et Reinhart, s’appuient sur des calculs absurdes, faux, et sur une idée qui confond la corrélation et la causalité, autrement dit une faute élémentaire.

Quant à l’expérimentation, bien évidemment, on l’observe. Mais la Grèce, l’Italie et l’Espagne, les pays touchés par la rigueur vont-ils mieux pour autant ? À l’évidence non. On a l’impression que le tissu s’effondre. On ne voit rien qui pourrait les sortir de la crise, hormis cette compétitivité nouvelle à laquelle j’ai fait allusion. Et à quel prix !

Par ailleurs, et vous avez raison, monsieur le ministre, il est évident qu’à long terme il est toujours mieux d’avoir une économie et des finances publiques saines que malsaines. Mais, comme le disait Keynes, ce grand économiste, à long terme nous serons tous morts, et à court terme c’est probablement catastrophique.

Cela dit, le Gouvernement n’a pas le choix : il fait très courageusement ce à quoi il ne croit qu’à moitié. Il le fait avec plus de rigueur et d’efficacité que ne l’ont fait ses prédécesseurs. M. Mariton à l’instant reprochait au ministre de se cramponner au déficit structurel. Mais j’en ai entendu parler à de multiples reprises par M. Woerth, un homme que par ailleurs je respecte et pour qui j’ai de l’amitié.

Voilà la situation d’aujourd’hui. Le Gouvernement essaie de desserrer l’étau européen. Pour le faire, il se doit d’être relativement exemplaire, ce qui n’est pas facile compte tenu de la complexité de la situation actuelle. Ce débat aurait dû nous rassembler en ce qui concerne un certain cadrage budgétaire. Les uns ne peuvent tout de même pas jeter la pierre aux autres, après ce qui s’est passé pendant un certain nombre d’années. Entendre ceux qui siègent à droite dans l’hémicycle parler des dérapages budgétaires me paraît tout de même exagéré alors que ceux qui siègent à gauche essaient de rattraper les choses…

En tout cas, notre groupe, dans sa très grande majorité, soutiendra le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe GDR.

M. Nicolas Sansu. Messieurs les ministres, je ne reviendrai pas sur mon intervention générale au cours de laquelle j’ai essayé d’exposer l’ensemble des motifs qui nous poussent aujourd’hui à proposer un changement de cap. La nouveauté, c’est que nous ne sommes pas les seuls à le faire. Récemment, dans les colonnes d’un quotidien canadien, l’économiste et prix Nobel Stiglitz soulignait l’absurdité de la voie suivie en France et en Europe.

Votre gouvernement garde pourtant l’œil rivé sur le déficit et s’accroche à l’objectif de 3 % de déficit public, espérant contre toute logique que la réalisation de cet objectif se traduira, comme par miracle, par un retour de la croissance. La réalité économique est tout autre. Les politiques conduites un peu partout en Europe sous la gouvernance du traité de stabilité ont fait replonger la zone euro dans la récession. On dénombre plus de 5 millions de personnes inscrites à Pôle Emploi en France et le chiffre de 20 millions de chômeurs dans la zone euro a été atteint en février.

Personne ici ne nie la responsabilité de la droite dans cette situation. Mais je dirai à M. Mariton qui est parti…

M. Hervé Mariton. Non, je suis là !

M. Nicolas Sansu. Mon cher ami, à l’aune des 600 milliards d’euros de déficits supplémentaires en cinq ans, vos leçons sur la tenue des comptes publics apparaissent un peu comme de mauvaises caricatures.

Personne ne nie la responsabilité de la droite, disais-je, mais l’argument de l’héritage, mes chers collègues socialistes, tient de moins en moins…

M. Guy Geoffroy. Ah !

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. Nicolas Sansu. …car le rôle de la gauche, c’est bien de faire le changement maintenant.

M. Hervé Mariton. Si c’était le cas, ça se saurait !

M. Guy Geoffroy. Le changement d’argumentaire, ça devrait être maintenant !

M. Nicolas Sansu. C’est ce qui a sans doute conduit certains de nos collègues socialistes à parler d’un « Munich économique et social ». L’expression est un peu rude, je vous le concède, mais elle a le mérite de la clarté : la fuite en avant dans la rigueur est une capitulation devant les marchés financiers qui n’offre aucune garantie de redressement et d’indépendance.

Bill Gross, gérant du fonds Pimco, l’un des principaux acteurs sur le marché des obligations, affirmait au Financial Times, que la plupart des pays européens ont commis l’erreur de croire que l’austérité, plus particulièrement la rigueur budgétaire à court terme, est la solution pour générer de la croissance réelle, mais ce n’est pas le cas. Et il ajoute : vous auriez dû dépenser de l’argent public.

M. Hervé Mariton. On prend l’argent où il est !

M. Nicolas Sansu. L’enjeu de la période qui s’ouvre est donc la relance de l’investissement productif, la relance du pouvoir d’achat et le financement de la transition écologique. Il nous faut sortir de ce dogme de la compétitivité qui nous a conduits depuis des décennies dans le mur et qui continue d’être l’alpha et l’oméga des politiques publiques en Europe.

Cette compétitivité, et on le voit à l’aune de l’ANI, est synonyme de baisse des salaires et des pensions, d’assouplissement des procédures de licenciement et de baisse des dépenses publiques.

Sans ergoter sur le terme d’« austérité », monsieur le ministre, vous restez partisan et prisonnier du dogme de la rigueur, de schémas de pensée hérités des doctrines libérales, qui nous ont conduits dans le mur ces dernières années, sans qu’on en tire de leçons.

A contrario, c’est parce que nous estimons qu’il faut rompre avec ces logiques mortifères pour privilégier la relance et nous engager dans la voie du changement promis et attendu que nous voterons contre votre déclaration. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous refuserons la voie encore plus injuste prônée par la droite.

En votant contre, mon cher collègue Dominique Lefebvre qui m’avez interpellé amicalement, nous ferons entendre les voix à gauche qui, bien plus largement que les seuls députés du Front de gauche, ont plaidé et plaident pour un changement de cap.

Vote sur la déclaration du Gouvernement
et levée de la séance

M. le président. Je fais annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

En application de l’article 65 du règlement, la Conférence des présidents a décidé que le vote se déroulerait dans les salles voisines de la salle des séances.

Le scrutin est ouvert pour trente minutes : il sera donc clos à vingt et une heures trente.

À l’issue du scrutin, la séance sera levée.

Les résultats seront proclamés à la reprise de la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :

Proclamation des résultats du vote sur la déclaration du Gouvernement, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur le programme de stabilité de la France pour 2013-2017 ;

Discussion, en application de l’article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution sur l’avenir politique de la construction européenne.

(La séance est suspendue à vingt et une heures.)

……………………………………………………………………….

(La séance est reprise et levée à l’issue du scrutin, à vingt et une heures trente.)