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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 19 février 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Politique familiale

Mme Claude Greff

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Politique budgétaire et fiscale

M. Olivier Faure

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Politique budgétaire et fiscale

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Interdiction des protéines animales dans la pisciculture

Mme Brigitte Allain

M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire

Accord national interprofessionnel sur la sécurisation de L’emploi

Mme Kheira Bouziane

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Scandales alimentaires

M. Bruno Le Maire

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Intégration des enfants handicapés à l’école

M. Jean-Noël Carpentier

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Réforme des rythmes scolaires

M. Claude Goasguen

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Traçabilité des produits alimentaires transformés

M. Jean-Paul Dupré

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Réduction des dotations aux collectivités locales

M. Nicolas Sansu

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Politique économique et fiscale

M. Olivier Dassault

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Politique de la ville

Mme Michèle Fournier-Armand

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Réforme des élections locales

M. Guillaume Larrivé

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Avenir des territoires ruraux

Mme Sophie Dessus

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Aménagement du territoire

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

2. Fixation de l’ordre du jour

Mme la présidente

3. Séparation et régulation des activités bancaires

Vote solennel

M. Jean-François Lamour

M. Philippe Vigier

M. Éric Alauzet

M. Joël Giraud

M. Nicolas Sansu

M. Laurent Baumel

Vote sur l’ensemble

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

4. Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modification du calendrier électoral –
Élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux

Suite de la discussion d'un projet de loi et d'un projet de loi organique

Discussion générale commune (suite)

M. Christophe Léonard

M. Jean-Pierre Decool

M. Rémi Pauvros

M. Laurent Furst

M. Gilles Savary

Mme Marie-Lou Marcel

M. Philippe Goujon

Mme Carole Delga

M. Christophe Borgel

M. Bernard Roman

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Rappel au règlement

M. François Sauvadet

Discussion des articles (projet de loi ordinaire)

Avant l’article 1er

Amendements nos 776, 272, 649

Article 1er

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Guillaume Larrivé

M. François de Mazières

M. Paul Salen

Mme Pascale Got

Mme Marianne Dubois

M. François Sauvadet

M. Olivier Marleix

Mme Annie Genevard

M. Dino Cinieri

M. Bernard Perrut

M. Gérald Darmanin

M. Michel Liebgott

M. Philippe Gosselin

M. Dominique Le Mèner

M. Éric Straumann

M. Philippe Cochet

M. Éric Ciotti

Amendements nos 5, 24, 77, 121, 170, 202, 223, 263, 359, 418, 443, 516, 653, 711, 726, 957, 974

Rappel au règlement

M. Guillaume Larrivé

Mme la présidente

Article 1er (suite)

Suspension et reprise de la séance

Rappels au règlement

M. Christian Jacob

M. François Sauvadet

Mme la présidente

Suspension et reprise de la séance

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Politique familiale

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Monsieur le Premier ministre, le candidat Hollande a déclaré devant l’Union nationale des associations familiales : « Je reste très attaché à l’universalité des allocations familiales qui sont aussi un moyen d’élargir la reconnaissance nationale à toute la diversité des formes familiales. Elles ne seront donc pas soumises à conditions de ressources. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Il a même ajouté : « Oui, je considère que les allocations familiales n’ont pas à être imposées. » (Mêmes mouvements.)

Monsieur le Premier ministre, comme tous les Français, nous n’arrivons pas à comprendre votre politique.

M. Thierry Mariani. Parce qu’il n’en a pas !

Mme Claude Greff. Après avoir tant promis, notamment la création de milliers de postes de fonctionnaires, ce sont aujourd’hui les familles de France qui vont régler l’addition !

Cette crise nous impose de faire des économies ; or vous décidez de sacrifier la politique familiale pour financer vos dépenses. Après avoir abaissé le plafond du quotient familial, après avoir rogné sur les emplois familiaux, voilà que vous vous attaquez maintenant aux allocations familiales ! Quelle société allez-vous nous laisser ? Oui, l’heure est grave, car vous vous apprêtez à remettre en cause l’universalité de ces prestations.

Notre politique familiale a été stable et protégée depuis 1945, malgré les crises que nous avons traversées. Aujourd’hui, vous portez atteinte au pacte républicain issu du Conseil national de la Résistance. Demain, vous nous proposerez de revenir sur les retraites par répartition ou sur d’autres pans de la sécurité sociale. Vous attaquez encore les familles et les classes moyennes. C’est votre politique, monsieur le Premier ministre – est-ce que vous m’écoutez ? –, et vous devez l’assumer !

M. Guy Geoffroy. Vous ne regardez pas dans la bonne direction, monsieur le Premier ministre !

Mme Claude Greff. Allez-vous enfin cesser le démantèlement minutieux et systématique de notre politique familiale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame Claude Greff, chacun aura reconnu votre légendaire sens de la maîtrise et de la mesure ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Claude Perez. Eh oui !

Mme Marisol Touraine, ministre. Franchement, avec votre bilan en matière de politique familiale, un peu d’humilité ne nuirait pas ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues…

Mme Marisol Touraine, ministre. Lorsque l’on sait que vous avez sacrifié sur l’autel de la RGPP la scolarisation des enfants de moins de trois ans, en supprimant 150 000 postes (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Protestations sur les bancs du groupe UMP), on fait preuve d’un peu plus d’humilité !

Lorsque l’on sait que vous nous avez laissé en héritage…

M. Thierry Mariani. On l’a assez entendu, le coup de l’héritage !

Mme Marisol Touraine, ministre. …une branche de la sécurité sociale en déficit et des prestations familiales rognées pour l’ensemble des familles, on fait preuve d’un peu plus d’humilité ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Lorsque l’on sait que votre seule politique en direction des familles modestes était de les menacer d’une suppression des allocations familiales,…

M. Yves Nicolin. Baratin !

Mme Marisol Touraine, ministre. …on fait preuve, là encore, d’un peu plus de mesure !

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a souhaité rompre avec cette politique, revaloriser d’emblée l’allocation de rentrée scolaire et permettre le rétablissement des comptes de la branche famille de la sécurité sociale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en lui affectant un milliard d’euros de ressources nouvelles.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous spoliez les familles !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est parce que nous croyons aux familles et à leur cohésion que nous avons demandé un rapport au Haut conseil de la famille, pour étudier la meilleure façon de garantir la cohésion des familles dans notre société…

M. Yves Nicolin. Répondez à la question !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et voir s’il est préférable de leur apporter un soutien financier ou un accueil renforcé pour leurs enfants.

M. Yves Nicolin. Baratin !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est au regard des préconisations qui nous seront faites que le Gouvernement étudiera calmement et sereinement, dans l’intérêt des familles, quelles sont les bonnes mesures à adopter. Contrairement à vous, nous voulons la solidarité et la cohésion, et nous refusons l’idéologie et la division. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique budgétaire et fiscale

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Olivier Faure. Monsieur le Premier ministre, vous l’avez évoqué vous-même : notre pays n’atteindra pas l’objectif fixé par le Président de la République d’une réduction du déficit à 3 % du PIB pour l’année 2013. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe UMP.)

La droite le présente comme le signe d’un échec.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Olivier Faure. Elle fait le pari que les Français ont déjà oublié son bilan. Bilan qui a vu la dette de la France doubler en dix ans !

M. Christophe Guilloteau. Et vos promesses ?

M. Olivier Faure. Car de quoi parlons-nous ?

Il y a neuf mois à peine, le déficit public était encore de 5,2 % ! Et c’est grâce aux mesures prises dès le mois de juillet que ce déficit a été ramené à 4,5 % ! Et c’est justement maintenant, alors que nous nous rapprochons des 3 %, que l’opposition voudrait nous faire la leçon sur des recettes qu’elle n’a jamais trouvées, sur des économies qu’elle n’a jamais réalisées, sur les investissements qu’elle avait abandonnés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Alors, monsieur le Premier ministre, ce n’est pas à la droite qu’il faut répondre, elle devra d’abord faire son propre inventaire pour retrouver une crédibilité. C’est aux Français qui s’inquiètent de ce que leurs efforts ne portent pas encore tous leurs fruits. Quelle sera la réponse de votre gouvernement ? (« Aucune ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Le sérieux ? Les Français savent la gestion rigoureuse nécessaire. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) On ne sort pas d’une situation d’endettement excessif sans efforts sur la dépense publique.

L’austérité ? Nous la redoutons avec eux, car elle nous entraînerait dans une spirale dépressive et parce que le modèle français repose sur sa capacité à lier la performance économique à un haut niveau de solidarité.

Monsieur le Premier ministre, dans ce contexte, comment comptez vous arbitrer entre la nécessité de compenser les moins-values fiscales sans décourager pour autant l’investissement nécessaire pour retrouver la croissance ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Olivier Faure, lorsque j’ai pris mes fonctions de Premier ministre, j’ai trouvé un déficit de 5,2 %. En six mois, le Gouvernement l’a réduit à 4,5 % (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en dépit d’une croissance très faible. (« Une croissance nulle ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

La Cour des comptes, dont vous connaissez le jugement sans complaisance, a salué cet effort structurel considérable et sans précédent.

M. Guy Geoffroy. Mensonge !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Quant à la croissance pour l’année 2012, elle est négative au dernier trimestre, moins 0,3 %. Dans la zone euro, moins 0,6 %. En Allemagne, moins 0,6 %. En Espagne, moins 0,7 %. Avec moins 0,3 %, la France fait mieux, mais cela ne nous satisfait pas. C’est la réalité. Avec une croissance encore plus faible, c’est vrai que nous n’atteindrons pas les 3 % de réduction des déficits en 2013. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mais le cap, en dépit de cette croissance faible, reste le même.

M. Guy Geoffroy. C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est l’engagement du Président de la République : déficit zéro en 2017. Ce cap est le nôtre et il sera tenu. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pourquoi faut-il le tenir ? Parce qu’il s’agit de l’indépendance de la France. Ce n’est pas parce que d’autres nous le dicteraient ou qu’on nous l’imposerait, c’est parce que la France veut retrouver ses marges de manœuvre : ne pas laisser la facture aux générations futures, retrouver des marges de manœuvre pour investir, améliorer la situation des Français. C’est une question de souveraineté et d’indépendance nationale. C’est notre responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

C’est pourquoi il faut tenir le cap, je le répète, et le tenir sans à-coups, ne pas pénaliser l’activité économique, mais agir avec sérieux et constance et moderniser l’action publique. Vendredi prochain, vous le savez, la Commission européenne publiera la situation de chaque pays de la zone euro en matière de croissance, donc en matière de déficits. Je l’ai dit dès la semaine dernière, puisque nous ne serons pas à 3 %, nous discuterons avec la Commission, avec nos partenaires, pour trouver le meilleur calendrier possible afin de ne pas déprimer l’activité économique en 2013. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous ne prendrons pas la responsabilité de dégrader la très faible croissance pour 2013 ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C’est l’engagement que je prends devant la représentation nationale. (Mêmes mouvements.)

Je voudrais vous rappeler les deux leviers dont nous disposons, dont le pays dispose pour la croissance.

M. Marc-Philippe Daubresse. Des mesures fiscales supplémentaires !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. D’abord, le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi,…

M. Guy Geoffroy et M. Bernard Deflesselles. Zéro !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …le crédit d’impôt pour redonner des marges aux entreprises – vous l’avez voté. Il faut que les entreprises l’utilisent. J’appelle chacune et chacun d’entre vous à aller dans les entreprises afin de leur dire : vous avez ce crédit, vous avez ce plan. Qu’en faites-vous ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Zéro !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Qu’en faites-vous pour la croissance, l’investissement et l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le deuxième levier est l’investissement public. Demain avec le Président de la République, nous tiendrons un séminaire sur ce thème et j’annoncerai un certain nombre d’orientations. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Verchère. Avec quel argent ?

M. le président. S’il vous plaît.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. L’investissement public en partenariat avec les collectivités locales, avec le secteur privé, c’est l’investissement dans le haut débit, dans le numérique sur tout le territoire national. C’est le transport, le logement, la transition énergétique, c’est la santé.

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est de la brasse coulée !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Enfin, nous avons tous les outils en main : le pacte de croissance, je l’ai rappelé, l’accord sur la sécurisation de l’emploi, le contrat de génération, les emplois d’avenir. C’est à tous les acteurs de l’entreprise, des collectivités territoriales, de se saisir de ces leviers et d’agir pour redonner au pays la croissance et des perspectives.

Je ne suis pas à la tête d’un gouvernement (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qui se fixe comme seul horizon l’échec de notre pays. Moi, je veux la réussite de la France, et je demande à la droite de faire preuve d’un peu de modestie. Je vous rappelle que les 5,2 % de déficit, c’est ce que vous nous avez laissé. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, gardez votre calme !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si nous n’avions rien fait, nous aurions été à 6 % !

Plusieurs députés du groupe UMP. Zéro !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est votre responsabilité d’avoir augmenté la dette de 600 milliards d’euro. C’est votre responsabilité d’avoir contribué à l’augmentation du chômage avec un million de chômeurs en cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C’est votre responsabilité d’avoir laissé un commerce extérieur en déficit de 70 milliards. C’est votre responsabilité d’avoir détruit l’appareil productif de notre pays, avec 750 000 emplois. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Comment pouvez-vous vous permettre de nous faire la leçon, vous qui portez dix ans de politique de droite, de régression, d’injustices ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Très mauvais !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous, nous voulons sauver le modèle français, non pas en restant tels que nous sommes, mais en le réformant. Car ce qui nous anime, c’est l’avenir du pays, c’est la baisse du chômage, la solidarité, un nouveau modèle français qui fasse la fierté des Français et qui les rassemble. Mmes et MM les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Tel est notre engagement. C’est pour cela, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, que j’attends votre motion de censure avec impatience. Ce sera bilan contre bilan, projet contre projet ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Politique budgétaire et fiscale

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, les 27 milliards d’impôt que vous avez décidés en 2012 ont fait s’effondrer la croissance française.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est votre responsabilité.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous qui aimez parler de trajectoire, c’est vers une trajectoire de récession et de chômage que vous emmenez la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.) À moins de reconnaître que votre gouvernement est inutile ou inefficace. (Mêmes mouvements.) Il n’est plus temps de vous cacher derrière vos prédécesseurs. Le budget 2013, c’est le vôtre. C’est votre politique économique et fiscale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Or, deux mois seulement après l’avoir fait voter par votre majorité, il manque déjà dix milliards, et la croissance est revue en baisse, semant la cacophonie au sein du Gouvernement.

C’est le tournant de la rigueur et de l’austérité. Que vous refusiez ces mots ne change rien à la situation des familles françaises et à leur souffrance. Seuls les 10 % les plus riches paieraient des impôts sous votre gouvernement, disiez-vous. La réalité est tout autre. Petit à petit, et vous avez déjà commencé, vous piochez dans le porte-monnaie des moins pauvres des Français et vous faites dans l’improvisation fiscale pour boucher les trous que crée votre politique économique. Ce week-end, on parle d’augmenter la taxe d’habitation, de remettre en cause la politique familiale, fondée sur l’égalité depuis 1938. On parle maintenant de faire faire des efforts aux retraités, qui subissent déjà une baisse de leur pouvoir d’achat. Cette politique économique crée du chômage. Votre gourdin fiscal crée de la difficulté et de la souffrance. Et les économies de votre Gouvernement, on les attend toujours pour 2013.

Ma question est simple : qu’attendez-vous pour changer de logiciel ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, je ne suis pas certain que vous ayez posé une question, mais je vais m’efforcer de répondre point par point aux différents éléments que vous avez cru apporter à la représentation nationale.

Premier point, la hausse des impôts. Incontestablement, deux lois de finances rectificatives, une loi de finances initiale sous l’autorité de Jean-Marc Ayrault ont augmenté les impôts des Français d’une trentaine de milliards d’euros.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ah !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est par le même montant que vous aviez décidé de réagir à la dégradation des finances publiques après quatre ans de gouvernement Fillon.

M. Marc-Philippe Daubresse. On dépensait moins !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Puis-je vous rappeler que la loi de finances initiale pour 2012, que vous avez votée, ainsi que les deux plans de redressement Fillon 1 et Fillon 2 ont abouti précisément à une augmentation des impôts de 30 milliards d’euros.

Bref, pour l’augmentation d’impôts de 60 milliards d’euros, il me semble que les choses sont très équitablement partagées en volume. En revanche, cette partie-là de l’hémicycle a soigneusement veillé à ce que ces augmentations d’impôts touchent les plus aisés de nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez vous-même indiqué, pour nous le reprocher, que nous sollicitions les moins pauvres, que nous appelons les plus aisés. Peut-être pouvons-nous tomber d’accord sur le fait qu’il est assez légitime de demander davantage à ceux qui peuvent le plus, contrairement à ce que vous avez pu faire ces dernières années, lorsque vous étiez majoritaires.

Vous avez cru bon également de faire porter vos critiques sur une éventuelle politique familiale, faisant référence aux propos du Premier président de la Cour des comptes, dont vous êtes pourtant nombreux sur ces bancs à vous prévaloir lorsqu’il s’exprime, sauf bien sûr, lorsqu’il tient des propos relatifs à la politique familiale.

Monsieur le député, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault n’a pris aucune décision en la matière pour l’instant.

M. Philippe Meunier. Vous avancez masqués !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Si, en revanche, des décisions s’imposent.

En 2002 lorsque vous êtes revenus aux affaires, vous avez hérité d’une branche famille en équilibre,…

Mme Claude Greff. Menteur !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …et même excédentaire, pour nous laisser une branche famille en déficit de plus de 2,5 milliards d’euros. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Mensonge !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Madame Greff, vous qui aviez la charge de ce secteur, il me semble que vous n’êtes pas forcément la mieux qualifiée pour expliquer que cette majorité démantèlerait la politique familiale, tant il est vrai que c’est sous votre autorité que la branche famille est devenue déficitaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Interdiction des protéines animales dans la pisciculture

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour le groupe écologiste.

Mme Brigitte Allain. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire.

Plusieurs députés du groupe UMP. Qui est-ce ?

Mme Brigitte Allain. Le groupe écologiste tient à relayer les vives inquiétudes de nombreux consommateurs, citoyens et agriculteurs, quant au chemin que prend la filière agroalimentaire mondialisée.

Dernièrement, l’insuffisance des contrôles et de la traçabilité des produits a été mise en lumière dans l’affaire des lasagnes à base de viande de cheval. Aujourd’hui, la Commission européenne réintroduit les farines animales dans l’alimentation des poissons d’élevage et demain dans l’alimentation des volailles et des porcs. Rappelons que ce sont ces mêmes farines animales qui ont été responsables de la crise de la vache folle.

L’industrie agroalimentaire est entrée dans une course mondialisée au moins-disant et au moins cher, entraînée par une spéculation à outrance. En France, 99 % de la viande consommée provient d’un élevage industriel.

Nous ne pouvons passer à côté d’une réforme en profondeur. Il s’agit de poser des garde-fous contre les pratiques frauduleuses et les dérives, malheureusement trop courantes. Nous souhaitons une réorientation des filières agroalimentaires vers une production relocalisée d’aliments sains, reposant sur le respect permanent de la santé et de la biodiversité.

Je vous demande, monsieur le ministre, de rassurer nos concitoyens sur les mesures que vous allez prendre. Comment comptez-vous mettre en œuvre le principe de précaution ? Comptez-vous interdire les farines animales par un moratoire, à l’instar des OGM ? Selon quelles modalités et quel calendrier entendez-vous mettre en place un étiquetage portant sur l’origine et la nature des matières premières utilisées dans les produits transformés, de même qu’un étiquetage portant sur le mode d’élevage des animaux et un affichage environnemental des produits alimentaires ?

Merci de nous éclairer sur votre plan d’action. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire.

M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire. Madame la députée, je veux vous dire très tranquillement que nous considérons la décision de la Commission européenne d’autoriser les protéines animales transformées pour l’alimentation des poissons comme malvenue et inopportune dans le contexte actuel. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.) Je rappelle – mais vous le savez – que la France a voté contre cette décision le 18 juillet dernier.

Je veux ici saluer les efforts menés par les aquaculteurs de France pour faire en sorte que les aliments issus d’animaux terrestres soient proscrits de la nourriture des poissons. C’est un engagement pris dans une charte de qualité qui fait aujourd’hui autorité sur tout le territoire français. Sachez que Frédéric Cuvillier agit auprès de la Commission européenne pour que l’alimentation destinée à l’élevage piscicole soit issue des rejets de pêche.

Vous le voyez, l’action de la France est parfaitement cohérente.

Vous m’interrogez également sur l’utilisation des farines animales pour l’alimentation des porcs et des volailles. La France considère que, dans le contexte actuel, ce n’est pas à l’ordre du jour. Nous devons plutôt concentrer notre énergie pour remettre de l’ordre en ce domaine face à toutes les dérives que nous constatons et face aux pratiques frauduleuses que nous voyons aujourd’hui à l’œuvre.

C’est ce que nous avons fait avec Stéphane Le Foll et Benoît Hamon en agissant avec fermeté, avec diligence et avec discernement, je tiens à le dire. Nous continuerons à agir en ce sens pour protéger les consommateurs, les salariés et les citoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Accord national interprofessionnel
sur la sécurisation de L’emploi

M. le président. La parole est à Mme Kheira Bouziane, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Kheira Bouziane. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. (« Et du chômage ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

En privilégiant le dialogue social, l’action du Gouvernement en faveur de l’emploi rompt avec les pratiques de la précédente majorité.

L’effort continu pour répondre à la complexité et à l’immensité de ce chantier doit être rappelé, n’en déplaise à certains esprits chagrins : création de 150 000 emplois d’avenir, renforcement des effectifs de Pôle emploi, instauration d’un crédit d’impôt compétitivité emploi à hauteur de 20 milliards d’euros, lancement du chantier du redressement productif pour enrayer la désindustrialisation de notre pays, naissance de la Banque publique d’investissement pour soutenir les PME, vote de la loi sur les contrats de génération, qui permettront de lier le destin professionnel de 1 million de jeunes et de seniors.

Le Gouvernement ne ménage pas ses efforts pour cette grande ambition nationale, portée par le Président de la République, qu’est l’inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année.

L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 signé par les partenaires sociaux est une promesse pour l’emploi. Il va permettre de rendre le marché du travail plus fluide en offrant de nouvelles protections aux salariés : généralisation de la complémentaire santé, majoration des heures complémentaires, taxation des contrats courts, anticipation des mutations économiques, formation des salariés.

L’accord sur la sécurisation de l’emploi aidera notre pays mais aussi les salariés et les entreprises à mieux combattre le chômage.

Monsieur le ministre, hier, vous avez présenté à la commission nationale de la négociation collective le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi que notre assemblée aura à examiner. Pouvez-vous nous dire comment cette loi et cet accord s’intègrent à notre stratégie de lutte pour l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, vous avez décrit opportunément et précisément l’ensemble des outils que le Gouvernement met en place pour lutter contre le chômage, la plupart du temps avec vous par le vote de lois, avec le soutien de la majorité. Cette grande bataille pour l’emploi est le sujet de préoccupation des Français et donc le sujet de préoccupation du Gouvernement.

Un nouvel outil va être mis en place, dont vous aurez à débattre ici même. Issu d’un accord entre partenaires sociaux, il fait l’objet aujourd’hui d’un projet de loi.

Quelles sont les deux grandes directions de ce texte ?

Premièrement, il vise à apporter de la sécurité à des salariés qui sont aujourd’hui profondément insécurisés. L’explosion des contrats courts, c’est au cours de ces dernières années qu’elle a eu lieu. L’explosion du temps partiel imposé, tout particulièrement au détriment des femmes, c’est au cours de ces dernières années qu’elle a eu lieu. Grâce à cet accord, grâce à cette loi, nous allons lutter contre cette précarité grandissante.

La généralisation de la couverture santé permettra à tous les salariés de France de bénéficier d’une assurance complémentaire, financée en grande partie par les entreprises. C’est aussi l’une des grandes avancées de ce projet de loi.

Deuxièmement, il vise à lutter contre les licenciements. Aujourd’hui, une entreprise, lorsqu’elle est confrontée à une difficulté, privilégie d’abord et avant toute chose le licenciement. On est au bord du gouffre, …

M. Jean-Luc Reitzer. Oui, vous êtes bien au bord du gouffre !

M. Michel Sapin, ministre. …on n’a plus qu’une seule solution : le licenciement ! À l’avenir, grâce à cet accord, nous pourrons prévenir les licenciements, utiliser le chômage partiel, encourager la formation des salariés. Même lorsqu’il y aura des risques de licenciement, grâce à l’accord dans l’entreprise et grâce au contrôle de l’administration, nous éviterons les licenciements abusifs qui, aujourd’hui, sont beaucoup trop nombreux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Scandales alimentaires

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bruno Le Maire. Monsieur le président, chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Avant d’en venir à ma question, monsieur le Premier ministre, permettez-moi de vous dire que chaque semaine qui passe, chaque jour qui passe, vous êtes moins crédible lorsque vous reportez sur l’actuelle opposition la responsabilité de vos échecs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

La croissance zéro, monsieur le Premier ministre, c’est vous ! Les mille chômeurs supplémentaires par jour, c’est vous ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Les déficits qui se creusent, c’est vous ! (Mêmes mouvements.) Le pouvoir d’achat des salariés qui baisse parce que vous avez refusé de défiscaliser les heures supplémentaires, c’est vous (Mêmes mouvements.) Assumez vos responsabilités de Premier ministre de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Depuis une dizaine de jours, la France vit au rythme des révélations sur les trafics et les fraudes de la filière agro-alimentaire européenne. Ces fraudes et ces trafics ne peuvent pas rester sans conséquence.

À l’échelle européenne d’abord, nous vous demandons d’obtenir un étiquetage plus précis des aliments que consomment les Français : ils ont droit à la transparence totale sur l’origine, les modalités de production et de réalisation des produits alimentaires, comme je l’avais obtenu il y a deux ans, en tant que ministre de l’agriculture, pour 50 % des ingrédients dans les plats cuisinés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En ce qui concerne les farines animales, je m’étais opposé fermement comme ministre de l’agriculture à toute réintroduction en France ou en Europe. Je vous demande de faire le nécessaire pour que les farines animales ne soient pas réintroduites en France ou en Europe : vous ne pouvez pas rester les bras croisés dans cette affaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Enfin, concernant la société Spanghero, un jour l’un de vos ministres annonce le retrait immédiat de l’autorisation sanitaire…

M. Jean-Pierre Dufau. C’est faux ! L’autorisation n’a pas été retirée, elle a été suspendue !

M. Bruno Le Maire. Trois jours après, on nous annonce que l’autorisation sanitaire est rétablie : une poule n’y retrouverait pas ses petits ! Mettez de l’ordre dans votre gouvernement, et rassurez les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

S’il vous plaît ! Vous connaissez la règle du jeu : le Gouvernement décide qui doit répondre !

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le député, je vais vous rappeler ce que recèle cette affaire Spanghero, mais que vous devriez connaître puisque vous avez été vous-même ministre de l’agriculture et connaissez parfaitement ces sujets.

Je rappellerai deux ou trois éléments de procédure. Quand une enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes fait apparaître des faits de tromperie économique liés à un changement d’étiquettes dans une entreprise française – faits concordants et précis qui justifient que j’aie transmis ces éléments au parquet –, il y a là une rupture de traçabilité.

Cette rupture de traçabilité appelle immédiatement la suspension de l’agrément sanitaire en application du code rural, comme vous le savez. La suspension de cet agrément permet de vérifier que ce qui sort aujourd’hui de l’entreprise Spanghero est de bonne qualité ; c’est ce qu’ont fait les services vétérinaires. Toutefois, ces vérifications ne permettent pas de dire s’il s’agit de cheval ou de bœuf, mais seulement si la viande est de bonne qualité.

Il reste désormais à faire la lumière et, de ce point de vue, la coopérative Lur Berri comme l’entreprise Spanghero ont une responsabilité.

M. Jean-Claude Perez. Demandez à Jean Lassalle ce qu’il en pense !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. La lumière doit donc être faite sur la responsabilité des dirigeants de Spanghero, et non pas sur les salariés, raison pour laquelle nous avons reçu ces salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) et dit que la famille Spanghero n’avait rien à voir avec cette affaire ; raison pour laquelle nous nous préoccupons, en aval de ce dossier, du sort des salariés de Picard, de Findus, et de toutes celles et ceux qui commercialisent aujourd’hui des plats cuisinés et s’inquiètent pour leur emploi ; raison pour laquelle enfin nous sommes aujourd’hui mobilisés sur la question de la traçabilité.

Dois-je vous rappeler que vous avez, vous, en 2011, échoué à obtenir que l’on affiche sur les plats cuisinés l’origine de la viande, et que vous avez renvoyé cela à un rapport sur l’impact économique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Nous avons pris nos responsabilités sur ce dossier, et nous continuerons : la justice fera la lumière. En attendant, sur le dossier européen, le ministre de l’agriculture, lui, obtient des résultats ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Intégration des enfants handicapés à l’école

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jean-Noël Carpentier. Ma question s’adresse au ministre de l’éducation nationale.

Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, nombre de pays à travers le monde œuvrent pour intégrer les personnes handicapées. Tant mieux, car c’est un signe de progrès humain ! La France, bien entendu, s’inscrit dans cette voie.

Vous le savez, l’école et l’éducation constituent de ce point de vue un enjeu essentiel. Si la loi de 2005 a permis des avancées significatives, force est de constater que notre pays demeure encore en retrait par rapport à certains de nos voisins, notamment en termes de moyens.

Nous manquons ainsi de personnel accompagnant les enseignants dans leurs missions auprès des jeunes handicapés. Entre 2007 et 2010, l’État a pourtant doublé le nombre d’auxiliaires de vie scolaire, ou AVS, et a déboursé plus de 1,3 milliard dans ce projet de scolarisation spécifique. Cela est bien, car cette somme a permis de prendre en charge la grande majorité des 200 000 élèves handicapés recensés en France.

Pourtant, cet effort s’est largement ralenti ces deux dernières années. Dorénavant, les associations et les professionnels tirent la sonnette d’alarme. Un saut qualitatif paraît donc indispensable pour améliorer le soutien scolaire aux handicapés, notamment en augmentant le nombre d’AVS et en professionnalisant ce nouveau métier devenu indispensable.

Bien sûr, l’école ne peut pas tout ; mais en France, nous l’aimons, et c’est pour cela que nous en attendons beaucoup. Monsieur le ministre, je connais votre ambition pour l’école de la République, et je sais les moyens consacrés au développement de ses missions. Aussi, pouvez-vous nous indiquer comment vous envisagez d’améliorer l’intégration des jeunes handicapés dans nos écoles, nos collèges et nos lycées ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur Carpentier, vous avez raison en tous points de votre question. (« Ah ! » sur divers bancs du groupe UMP.)

Tout d’abord, la loi du 11 février 2005 fut une bonne loi, à l’honneur de l’école et la nation. Elle a permis l’intégration des enfants et des adolescents en situation de handicap, et les premières années, vous l’avez rappelé, les moyens ont été au rendez-vous.

M. Jean-Luc Reitzer. Enfin vous reconnaissez que nous avons fait quelque chose de bien !

M. Vincent Peillon, ministre. Vous avez également raison de rappeler qu’à partir de 2010 les moyens ont diminué, au point que, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avons dû, pour permettre à de nombreux enfants dans cette situation d’être accueillis et faire ainsi face à la détresse des familles, créer 1 500 postes d’auxiliaires de vie scolaire individuels, et 2 300 postes d’auxiliaires de vie scolaire mutualisés, répondant ainsi à l’urgence de cette rentrée.

Vous avez raison enfin de dire que cet effort de la communauté nationale doit être non seulement poursuivi, mais aussi amélioré. Nous devons en particulier veiller à la professionnalisation des personnels aujourd’hui précaires qui assurent ces fonctions, auxquels nous devons donner un statut.

En ce sens, Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative, et Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, ont demandé et installé un groupe de travail qui rendra prochainement ses conclusions, afin que nous soyons capables d’assurer à ces personnels la professionnalisation nécessaire.

Pour ce qui me concerne, les moyens seront au rendez-vous, et je souhaite que, lors du grand débat parlementaire sur l’école, l’ensemble de la communauté nationale se rassemble autour de ce qui fait honneur à l’école de la France et à la nation tout entière. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Réforme des rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Claude Goasguen. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

S’il fallait établir un critère de ratage,…

M. Philippe Martin. Ce serait vous !

M. Claude Goasguen. …un ministre de l’éducation nationale qui promet 60 000 enseignants supplémentaires et qui arrive à ce tour de force de dresser contre lui l’ensemble de l’éducation nationale, ça ne s’est jamais vu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Bravo, monsieur le ministre, vous resterez dans l’histoire, mais d’une façon que vous n’aviez pas souhaité !

À qui profitent vos rythmes scolaires ? Vous nous répondez qu’ils profiteront aux élèves, mais ils resteront plus longtemps dans l’école !

À qui profite le fait de rester dans l’école, sachant qu’il faudra gérer quarante-cinq minutes supplémentaires ? Comment allez-vous organiser l’épanouissement culturel que vous envisagez ? Vous savez très bien que tout cela se terminera par des haltes-garderies.

Les parents d’élèves s’opposent à cette politique qui est le contraire d’une politique qualitative (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC), vos amis enseignants s’y opposent. (Protestations sur les mêmes bancs.) Il n’est que de voir le spectacle que le maire de Paris a tenu hier devant les caméras de télévisions avec ses amis enseignants, qui lui ont fait comprendre à quel point les rythmes scolaires qu’il veut imposer n’étaient pas du souhait de la communauté scolaire !

M. Guy Geoffroy. Demandez au maire de Lyon ce qu’il en pense !

M. Claude Goasguen. Monsieur le ministre, il est des moments où il faut avoir le courage de réaliser que l’on fait fausse route. Vous demandez aux collectivités territoriales de consentir un effort supplémentaire alors que vous leur supprimez des budgets. L’ensemble de la France est contre votre système. Repoussez à 2014 la réforme des rythmes scolaires, c’est le meilleur conseil que l’Assemblée puisse vous donner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, vous nous avez laissé une dette non seulement financière (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),mais aussi éducative, sans précédent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) En cinq ans, vous avez supprimé 80 000 postes, empêchant les enfants de moins de trois ans d’être accueillis à l’école. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J’ai été obligé de créer en urgence des postes pour accompagner les enfants en situation de handicap. Vous avez démantelé les réseaux d’aide aux enfants en difficulté (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC), vous avez supprimé la formation des enseignants et – c’est unique dans le monde – vous avez supprimé une demi-journée de classe, ce qui fait que les écoliers français n’ont que 144 jours de classe par an !

Tout cela nous conduit au même résultat que vos dettes financières : nous avons plongé dans tous les classements internationaux. L’objectif de cette majorité, c’est de redresser la France et de préparer son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Cela suppose du courage, et non pas simplement de la démagogie. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il y a six mois, vous étiez pour la semaine de quatre jours et demi, comme l’ensemble de ceux qui vous entourent. Mais vous ne l’avez pas fait, vous l’avez seulement dit ! (« Démission ! Démission ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Vincent Peillon, ministre. Maintenant, nous sommes au pied du mur et vous vous contredisez car vous préférez les discours aux actes, vos intérêts politiciens aux intérêts des élèves ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Cette réforme, nous allons la conduire parce que c’est l’intérêt des élèves, qui est aussi l’intérêt de la France, que nous voulons garder comme boussole. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, de nombreux membres se lèvent, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Traçabilité des produits alimentaires transformés

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Dupré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen

M. Jean-Paul Dupré. Depuis une semaine, l’affaire dite Spanghero, impliquant la coopérative Lur Berri et portant sur une tromperie économique – de la viande de cheval trouvée dans des lasagnes en lieu et place de viande de bœuf –, met en lumière l’opacité d’un trafic européen et même mondial, à caractère mafieux, de produits de consommation, qui inquiète à juste titre les consommateurs.

Comme toujours, ce sont les producteurs, les salariés des entreprises et les consommateurs qui sont victimes de la financiarisation, de l’appât du gain d’intermédiaires peu scrupuleux et même de traders.

Lur Berri, coopérative du Pays Basque et de Basse-Navarre, c’est aussi Castelnaudary, la société Spanghero aux 360 salariés et aux lendemains incertains. L’économie lauragaise et les salariés de Spanghero ne doivent en aucun cas être les victimes de ces agissements frauduleux. Il est urgent que la société Spanghero retrouve l’ensemble de ses agréments sanitaires afin de sauvegarder l’emploi.

Avant de vous demander de me répondre, je souhaite publiquement dire à la famille Spanghero, à Laurent et ses frères, qui ne sont en rien impliqués ni concernés par cette affaire puisque la société a été vendue à Lur Berri en 2009, et qui ressentent comme un déshonneur cette mise en cause, qu’ils ont tout mon soutien et ma confiance, ainsi que ceux de Patrick Maugard, maire de Castelnaudary, et de nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le député, je souhaite tout d’abord vous rappeler quel a été, pendant cinq ans, le double impact de la REAT et de la RGPP sur les services de la DGCCRF. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Les effectifs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont baissé de 16 %. Dans votre département, ses effectifs sont passés de 16 à 10, et de 43 à 20 en Moselle. Et si aujourd’hui la voilure de la fonction publique sur le terrain a diminué, la responsabilité en revient au précédent gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

L’actuel gouvernement a pris la responsabilité – à cet égard, je tiens à saluer le ministre de l’agriculture qui est actuellement au Sénat – de suspendre l’agrément sanitaire afin de pouvoir procéder, par mesure de précaution, à toutes les analyses nécessaires pour contrôler la qualité de ce qui sortait de chez Spanghero.

Cet agrément a été rétabli pour l’essentiel de l’activité de Spanghero, c’est-à-dire pour ce qui relève de la viande hachée, de la saucisserie et des plats cuisinés. La suspension de l’agrément reste maintenue pour ce qui est du stockage des plats surgelés. Les services vétérinaires réaliseront les contrôles nécessaires pour rendre vendredi leur rapport définitif.

Treize pays européens nous demandent de faire la lumière sur les responsabilités dans cette affaire, qui concerne 4,5 millions de plats commercialisés. J’insiste sur le fait que les consommateurs français et européens, les salariés de Spanghero, ceux de la filière aval, c’est-à-dire ceux qui vendent des produits surgelés, les salariés de Findus ou de Comigel, n’ont pas à payer les pots cassés d’une tromperie économique. Je le redis, la responsabilité c’est aussi celle de l’entreprise à côté de l’enquête judiciaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Réduction des dotations aux collectivités locales

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine

M. Nicolas Sansu. Monsieur le Premier ministre, à la suite du rapport de la Cour des comptes, de nouvelles coupes budgétaires sont annoncées, qui s’inscrivent dans le dogme européen de diminution de la dépense publique et sociale. Pourtant, comme l’a souligné Mme la ministre du logement, « personne ne peut croire que de l’austérité naîtra le retour des temps meilleurs ». Ces réductions budgétaires dégraderaient en effet la vie quotidienne de nos concitoyens si elles s’attaquaient aux prestations familiales, aux retraites, et donc au pouvoir d’achat.

Cette fuite en avant dans l’austérité sera également lourde de conséquences pour les collectivités territoriales, déjà fortement pénalisées par la droite durant les dix dernières années. Le président du Comité des finances locales, André Laignel, a ainsi estimé que la réduction des dotations de 4,5 milliards d’euros en deux ans et l’accroissement des charges imposées par l’État représentent l’équivalent de 15 à 20 % de réduction des moyens des collectivités. L’Association des maires de France va jusqu’à parler d’un « coup de massue », qui aura de graves conséquences sur les services à la population, l’emploi territorial, l’investissement public et l’économie locale.

Pourtant, le nombre de personnes qui viennent frapper aux portes de nos centres communaux d’action sociale ne va pas diminuer de 15 à 20 %. Les besoins de nos écoles, de nos associatives sportives ou culturelles ne vont pas diminuer de 15 à 20 %. Les exigences de nos grands services essentiels à la transition écologique, l’eau, l’assainissement, les transports, ne vont pas diminuer de 15 à 20 %...

Ces baisses de dotations sont d’autant plus inacceptables qu’elles servent à payer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui va profiter notamment aux banques, aux assurances, aux cliniques privées, aux entreprises du CAC 40 et à leurs actionnaires.

D’autres solutions existent, comme la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscales, qui permettrait de recouvrer plus de 50 milliards d’euro nécessaires au budget de l’État. II faut arrêter de relancer la finance pour, enfin, financer la relance ! (Mouvements divers.)

Monsieur le Premier ministre, la réduction drastique des moyens des collectivités déstabilise les territoires et les villes, comme celle dont je suis l’élu, et représente une menace pour la cohésion sociale et républicaine.

Allez-vous entendre les inquiétudes et les protestations légitimes des élus locaux et revenir sur une décision économiquement inefficace et socialement injuste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député, je comprends parfaitement le sens de votre question. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Chacun ici est conscient de l’importance des économies à faire, Jérôme Cahuzac l’a largement démontré la semaine dernière.

Dans un contexte où il faut effectivement trouver des économies à court terme, objectif que peu contestent – même si je sais que vous en faites partie –, il a été proposé, sous l’autorité du Premier ministre, de diminuer de 1,5 milliard d’euros les dotations aux collectivités locales.

Il faut rappeler une chose importante : la dépense totale des collectivités territoriales s’élève à 244 milliards d’euros, dont plus de 60 milliards financés par les dotations de l’État. L’effort qui nous est demandé à tous, Gouvernement, État et collectivités territoriales, est important. Celui demandé aux collectivités territoriales s’élève de 1,25 % de leurs dépenses. Nous savons que c’est difficile.

Face à cette obligation, il nous faut être extrêmement vigilants pour faire de ce challenge collectif un challenge d’égalité républicaine. C’est pourquoi, en même temps que nous avons soumis cette réduction au Comité des finances locales, nous avons proposé de redéfinir l’ensemble des ressources des collectivités locales. Il faudra du temps pour que les départements aient des ressources pérennes pour financer les allocations qu’ils doivent verser, pour que soit réellement prise en compte la richesse ou la pauvreté des communes, pour que l’intercommunalité réponde à un certain nombre d’engagements, mais je crois que, si nous nous y mettons tous ensemble, nous serons capables de trouver les moyens de l’égalité républicaine, en examinant euro après euro où sont les économies possibles, où sont les dépenses excessives : c’est le challenge que nous partageons avec le Comité des finances locales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Politique économique et fiscale

M. le président. La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire

M. Olivier Dassault. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et concerne l’annonce de la révision des prévisions de croissance – sans reprendre la question de son ancien collaborateur, notre collègue Olivier Faure. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, votre ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, redevenu pour l’occasion ministre de l’économie et des finances, a annoncé ce matin la baisse des objectifs de croissance de la France pour 2013 de 0,8 % à 0,3 %. La semaine dernière, M. Fabius, décidemment très en verve, avait déjà été le premier à annoncer la fin de l’objectif des 3 % de déficit. Fusionner le Quai d’Orsay et Bercy, c’est une idée de génie et une première piste d’économies ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Plus sérieusement : fin de la croissance et abandon de la réduction du déficit à 3 % du PIB d’un côté ; matraquage fiscal des PME, des ménages et des retraités, austérité de l’autre. En alliant laxisme et rigueur budgétaire, vous réussissez la prouesse de réunir le pire des deux mondes. À croire que, sous votre gouvernement, « la Grèce c’est maintenant » ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il est d’ailleurs éminemment symbolique que, le jour où votre ministre des affaires étrangères, toujours lui, annonce une baisse massive de la prévision de croissance, le président de la République soit en Grèce et non pas, par exemple, en Allemagne. Alors, de grâce, un peu moins d’idéologie, un peu plus de réflexion, un peu plus de mesures économiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, vous pensiez pouvoir recourir à la facilité de la dépense publique ; la Cour des comptes vous a répondu qu’il fallait au contraire la réduire, pour l’État comme pour les collectivités.

Permettez-moi donc de vous remémorer ce que disait le cardinal de Richelieu (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : « Le moins de dépenses qu’on peut lever sur le peuple est le meilleur. »

En conclusion, monsieur le Premier ministre, maintenant que les masques sont tombés, que vos résultats parlent contre vous, permettez-moi de vous demander : à quand l’audace de la réforme, la vraie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, c’est une rafale de critiques que vous avez décidé d’adresser au Gouvernement, et c’est votre droit ! (Sourires.) Permettez-moi simplement de vous indiquer que toutes ne sont pas recevables, même si je ne doute pas de votre sincérité.

Elles ne sont pas recevables quand vous semblez donner l’impression que c’est la politique économique, budgétaire et fiscale de ce gouvernement qui serait responsable de la croissance négative en Europe – moins 0,6 % –, de celle que l’Allemagne a connue – moins 0,6 % –, de celle que l’Espagne, hélas, connaît – moins 0,7 % – et de celle que la France a connue au dernier trimestre de l’année dernière, c’est-à-dire moins 0,3 %.

De deux choses l’une, monsieur le député : soit il y a un contexte économique européen et mondial qui n’est objectivement pas favorable à une croissance économique intéressante pour notre pays, soit la France se distingue dans le concert des nations par une politique originale. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.) Les chiffres, que je viens de donner, de la croissance économique comme chez nos principaux voisins, montrent bien que, dans un contexte extrêmement difficile, les gouvernements des pays de la zone euro s’efforcent d’y répondre en étant aussi justes que possible.

Il y a d’ailleurs, puisque vous nous interrogez également sur la trajectoire des finances publiques, un critère dont vous conviendrez, je crois, qu’il est objectif : c’est celui du déficit structurel, c’est-à-dire le critère qui mesure l’effort réel du pays, indépendamment que soit la conjoncture. De ce point de vue, comparons si vous le voulez bien les bilans des uns et des autres : le vôtre, puisque vous avez siégé dans la majorité précédente pendant au moins ces cinq dernières années, et celui du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, aux affaires depuis maintenant neuf mois. (« Hélas ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Sous la précédente législature, monsieur le député, le déficit structurel s’est aggravé de 0,9 point de PIB, c’est-à-dire de près de 20 milliards d’euros. Sous la conduite du gouvernement Fillon, la majorité à laquelle vous apparteniez a endetté le pays. Sous l’autorité du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, ce sont près de 3 points de PIB de désendettement structurel que nous allons gagner. Nous attendrons quelque temps pour recueillir vos louanges, en rafale elles aussi, je l’espère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Ayrault, zéro ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Politique de la ville

M. le président. La parole est à Mme Michèle Fournier-Armand, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Michèle Fournier-Armand. Ma question, à laquelle j’associe notre collègue Christian Assaf, s’adresse à M. le ministre délégué chargé de la ville.

Monsieur le ministre, après des années d’atermoiement sous la précédente majorité, vous avez pris à bras-le-corps la question du retour de l’État dans les quartiers de nos villes. Je salue ici votre méthode, celle de la concertation la plus large réunissant aussi bien les techniciens que les associations et les habitants. (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe UMP.) Cette concertation a été efficace, puisque l’essentiel des préconisations qui en sont issues ont été retenues par le Comité interministériel des villes que préside le Premier ministre.

Le retour de la République pour tous dans nos quartiers, ce doit être, d’abord, le retour du droit commun. Contrairement à ce que beaucoup prétendent, on ne fait pas plus pour les quartiers : on en fait moins car, dès qu’il s’agit de politique de la ville, les crédits « Ville » remplacent les crédits de droit commun au lieu de s’y ajouter.

Ma question vise à savoir quelles actions concrètes permettront d’assurer le retour du droit commun, la rénovation urbaine, le « vivre-ensemble » et la cohésion sociale, notamment par le retour à l’emploi auquel tous nos concitoyens ont droit.

En posant cette question, je me fais aussi le relais des habitants des quartiers d’Avignon ou du Pontet qui sont victimes d’un ostracisme lié à leur adresse. Je sais que c’est un phénomène général puisque c’est aussi ce que vous ont dit les citoyens que vous avez rencontrés hier avec le Premier ministre à Clichy-sous-Bois. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Madame la députée, vous connaissez bien les 8 millions d’habitants de nos quartiers populaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Robinet. Elle n’est jamais venue chez moi !

M. François Lamy, ministre délégué. Vous savez que, dans ces quartiers, la crise a frappé plus durement, que le taux de chômage peut être deux à trois fois plus important que sur le reste du territoire. Vous savez également que, ces dernières années, les habitants des quartiers populaires ont été stigmatisés, montrés du doigt dans les discours publics, et qu’ils en ont assez.

Face à cette situation, le Premier ministre a décidé d’engager l’ensemble du Gouvernement. Ce matin, à l’issue du Comité interministériel des villes, vingt-sept décisions ont été prises. (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas un énième plan d’urgence, aussi vite oublié qu’annoncé, mais un véritable plan structurel qui a été décidé ce matin par le Gouvernement. Chaque ministre s’est engagé sur des décisions concrètes, précises, quantifiables dans le temps, en matière d’emploi, de sécurité, de logement, d’éducation, de droits des femmes. Chaque ministre signera avec moi une convention triennale qui permettra de mesurer la portée de ces engagements.

Ces engagements seront concrétisés dans les futurs contrats de ville qui prendront effet après les élections municipales et qui auront été signés par les services de l’État, les élus, mais aussi les caisses d’allocations familiales, les agences régionales de santé et Pôle Emploi. Y figureront les actions de cohésion sociale, le droit commun renforcé, les crédits de la politique de la ville dans les quartiers prioritaires, ainsi que de nouvelles opérations de rénovation urbaine qui seront engagées dès 2014.

Madame la députée, lorsque vous retournerez dans votre circonscription, vous pourrez dire aux habitants des quartiers populaires qu’à partir d’aujourd’hui ils sont aux yeux du Gouvernement des citoyens à part entière…

M. Philippe Meunier. Démagogie !

M. François Lamy, ministre délégué. …et que, dans les quartiers populaires, c’est l’heure du retour de l’État. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Réforme des élections locales

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre de l’intérieur, chaque jour les Français souffrent un peu plus des erreurs commises par votre gouvernement. Le chômage explose. Les violences aux personnes continuent d’augmenter.

Vous craignez par conséquent que, dans quelques mois, les Français ne vous sanctionnent dans les urnes, et vous avez décidé de bouleverser les règles du jeu électoral.

Vous voulez reporter les élections régionales et départementales. Vous voulez changer les règles d’élection du Sénat. Vous voulez supprimer des conseillers de Paris dans des arrondissements de droite pour en créer dans des arrondissements de gauche. Vous voulez multiplier les triangulaires et, dans les conseils généraux, vous inventez un mode de scrutin bizarre interdisant aux femmes et aux hommes de se présenter librement et les obligeant à être candidats en binôme.

M. Antoine Herth. Tripatouillages !

M. Guillaume Larrivé. Nous n’acceptons pas ces manipulations. Nous voulons encourager l’engagement des jeunes et des femmes et nous sommes évidemment favorables à la parité ; mais, comme l’a dénoncé ici même la présidente socialiste de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée, le binôme que vous proposez n’est qu’un dévoiement de la parité.

Ce binôme est un prétexte qui vous permet de redécouper tous les cantons de France pour dessiner une carte électorale favorisant vos intérêts…

M. André Schneider. Eh oui !

M. Guillaume Larrivé. …et sacrifiant la ruralité. Ce redécoupage brutal va en effet faire disparaître les conseillers généraux des territoires ruraux, là où ils exercent une véritable mission de service public – le Sénat l’a bien compris puisqu’il a rejeté votre texte.

Il est encore temps, monsieur le ministre, de corriger vos erreurs. C’est pourquoi nous vous demandons de retirer ce projet de loi de convenance électorale et de travailler avec nous à une vraie réforme territoriale au service de l’intérêt général et non pas au service du parti socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, nous débattons depuis hier de ce texte et, si j’ai bien compris, grâce aux nombreux amendements que vous avez déposés, nous allons passer une partie de la semaine ensemble et je m’en réjouis d’avance. Pour débattre de l’avenir de nos territoires, nous avons décidé – c’était un engagement du Président de la République – d’abroger, pour commencer, le conseiller territorial. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cet engagement, nous le tenons avec des idées simples : report des élections régionales et cantonales en 2015, amélioration et transparence du scrutin intercommunal.

M. Bernard Deflesselles. Vous vous livrez à des tripatouillages !

M. Manuel Valls, ministre. Même si, le conseiller territorial étant abrogé, nous avions décidé d’en rester au statu quo ante, nous aurions créé, évidemment, ce scrutin binominal qui permet à la fois de préserver la proximité, que vous mettiez à mal avec le conseiller territorial qui mélangeait à la fois les compétences du département et de la région, et d’instaurer la parité dans les assemblées départementales. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Depuis le début, au Sénat comme à l’Assemblée,…

M. Bernard Deflesselles. Vous avez été battus au Sénat !

M. Manuel Valls, ministre. …il suffit d’observer ce qui s’est passé dans vos rangs pour voir que vous êtes contre la parité, contre le fait de donner plus de place aux femmes dans nos assemblées départementales.

Mme Bérengère Poletti. La parité, ce n’est pas le problème !

M. Manuel Valls, ministre. Laissez-moi vous rappeler un chiffre : il y a aujourd’hui, dans les assemblées départementales, seulement 13,5 % de femmes. Or, avec le scrutin binominal que nous proposons, non seulement nous préservons le lien entre les élus et les électeurs, mais il y aura 50 % de femmes dans les conseils départementaux. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Leonetti. Ce ne sont que des magouilles !

M. Manuel Valls, ministre. Assumez vos positions rétrogrades et conservatrices. Le scrutin que nous proposons est celui de la modernité, de la préservation des départements et de la place des femmes dans la vie politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Avenir des territoires ruraux

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dessus, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sophie Dessus. Madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, quelle France voulons-nous pour demain ?

Le « nouveau modèle français » n’exige-t-il pas une France de cohésion entre l’urbain et le rural, de complémentarité entre nos régions, qui sont si diverses, entre mégapoles et hameaux, entre zones en expansion et territoires en crise ?

L’un des atouts de la France de 2030, ce seront ses 71 millions d’habitants. Notre seule option sera-t-elle de les concentrer dans les agglomérations, avec toutes les conséquences que nous connaissons, ou bien serons-nous capables de les accueillir aux quatre coins de l’hexagone ? Si tel est notre choix, veillons à ce que les territoires ruraux bénéficient équitablement de la nécessaire redistribution des crédits de l’État.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo !

Mme Sophie Dessus. L’exemple des départements, et plus particulièrement des départements ruraux, qui sont les collectivités les plus exposées comme vient de le souligner le rapport de la Cour des comptes, est frappant. Ils doivent aussi bien assumer les compétences qui leur sont transférées et les charges afférentes qu’aménager le territoire et assurer un égal accès de tous au service public. Bien sûr, huit collèges publics suffiraient en Creuse, si on les remplissait autant que ceux des Hauts-de-Seine, mais s’il y en a dix-huit, c’est parce qu’il faut un maillage du territoire.

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Claude Goasguen. Très bien !

Mme Sophie Dessus. La péréquation permet que tous les collèges soient financés dans des conditions équivalentes. Sans elle, il n’y a plus de services publics, ni d’aménagement cohérent de l’espace.

Alors, comment pouvons-nous remettre en avant ce besoin d’aménagement du territoire, qui est passé à la trappe ces dernières années, au profit d’une arithmétique pseudo-égalitariste ? Au-delà des enjeux financiers, quel projet de développement harmonieux et solidaire pouvons-nous élaborer ?

Le Président de la République déclarait, le 19 janvier dernier : « Je crois en l’égalité des territoires. Nous avons une double obligation : accompagner l’essor des grandes villes et développer notre espace rural. C’est cette dimension de la ruralité que je veux voir respectée et intégrée dans chaque mesure, chaque réforme, chaque politique. ». Ces propos, il les a traduits en actes dans le dernier accord européen. Avec les infrastructures de transport, de communication… (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur quelques bancs du groupe UMP)

M. le président. Merci, chère collègue.

La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la députée, vous avez raison, et le Premier ministre, alors que nous connaissons, comme chacun sait, une période de grande difficulté budgétaire, a tenu à débloquer 170 millions d’euros pour répondre à l’urgence dans les départements. C’était une décision difficile à prendre.

Pour l’avenir, je veux vous dire deux choses. D’abord, vous avez raison concernant l’urbain, et je ne plagierai pas les propos du Président de la République. Nous devons effectivement, pour nos zones urbaines et nos métropoles, penser en termes de recherche et développement, de transfert de connaissances et de transfert de ressources technologiques. Mais cela ne servirait à rien si l’ensemble du territoire français était abandonné.

Nous, nous croyons que chaque territoire de France est facteur de production, et que si nous abandonnions des populations, des agriculteurs,…

Mme Bérengère Poletti. C’est ce que vous faites !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …nous abandonnerions une bonne chance de redresser la France.

Mon deuxième point, c’est que tous les enfants de France ont le droit d’avoir le même accès aux services – je ne parle pas d’égalité des chances, mais de l’égalité des possibles, que leur doit la République.

Pour cela, comment faire ? Le Premier ministre en personne a tenu à ouvrir une session de travail avec Anne-Marie Escoffier, qui s’étendra sur plusieurs semaines et qui consistera à étudier la dotation des départements. Il s’agira à la fois, comme je le disais à l’instant à votre collègue, d’assurer aux départements des ressources pérennes, pour qu’ils puissent verser les allocations, mais aussi d’établir une solidarité territoriale à partir de leurs ressources

Dans notre projet de loi, qui est organisé autour de cette conférence d’action publique entre les régions, les villes, les territoires ruraux, les communes et les intercommunalités, il faudra, vous avez raison madame la députée, promettre à chaque enfant de France l’égalité d’accès aux services. Ce sera difficile, mais nous en sommes capables. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme Bérengère Poletti. Paroles ! Paroles !

Aménagement du territoire

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Plusieurs députés du groupe UMP. Il s’en va !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le Premier ministre, je m’adresse à vous aujourd’hui, car je ne sais pas qui s’occupe, au sein de votre gouvernement, de l’aménagement du territoire et de la ruralité.

Est-ce M. Valls, le ministre de l’intérieur, dont le projet de créer un conseiller départemental conduit à la division du nombre de cantons par deux ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Pourquoi le Premier ministre n’est-il plus là ?

M. le président. S’il vous plaît !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Est-ce Mme Lebranchu, chargée de la réforme de l’État ? Est-ce Mme Escoffier, chargée de la décentralisation ? Est-ce Mme Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, qui est occupée par le cinquantenaire de la DATAR, alors que celle-ci ne sert plus à grand-chose ?

Si je m’adresse à vous, monsieur le Premier ministre, c’est aussi parce que, depuis quelque temps, les mesures que vous proposez procèdent d’une véritable casse des territoires ruraux. J’en veux pour preuves la réforme des rythmes scolaires, qui va renforcer les inégalités entre les écoles des zones urbaines et des zones rurales, la diminution drastique des dotations de l’État aux collectivités locales – 4,5 milliards d’euros en moins ! –, la volonté de supprimer des sous-préfectures, la suppression, dans les communes rurales, de l’ATESAT, l’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarités et d’aménagement des territoires, ou encore la mise en cause des aides dans les zones de revitalisation rurale.

Monsieur le Premier ministre, que vous ont fait les territoires ruraux, pour connaître pareille discrimination ? Êtes-vous mus par des considérations politiques, dans la mesure où l’électorat est traditionnellement ancré à droite, ce qui, peut-être, ne vous convient pas ?

Mme Bérengère Poletti. Eh oui !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je vous rappelle, monsieur le Premier ministre qu’il s’agit de 80 % du territoire, de 11 millions d’habitants et de plus de 20 000 communes.

M. Guy Geoffroy. Tous les ministres s’en vont !

M. Antoine Herth. La gauche a un problème avec la ruralité !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : quand allez-vous définir une politique nationale d’aménagement du territoire digne de ce pays ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

M. Antoine Herth. La rurale de service !

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le député, la « rurale de service », comme vient de m’appeler, avec délicatesse, l’un de nos collègues, a ses racines en Lozère, depuis une époque qui précède peut-être même la création de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Et Villeneuve-Saint-Georges, alors ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Je vais vous répondre de façon extrêmement précise sur cette question de l’aménagement du territoire, car c’est un sujet qui dépasse les échéances électorales.

Si l’on veut qu’une politique ait une traduction concrète, il faut la penser à moyen et à long terme. C’est dans cet esprit que le Gouvernement a choisi de travailler, en privilégiant deux directions. Il s’agit d’abord de redéfinir, pour le XXIe siècle, une véritable politique d’aménagement du territoire, qui soit une politique d’égalité des territoires : c’est l’esprit qui anime le Président de la République.

Mme Bérengère Poletti. Ça commence mal !

Mme Cécile Duflot, ministre. Cet esprit ne veut pas opposer les villes et les campagnes, mais proposer une vision inclusive du territoire, en mêlant proximité et haute technologie.

Dans cet état d’esprit, j’ai commandé deux rapports (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : le premier à M. Thierry Wahl, qui a travaillé sur la redéfinition des outils de l’État, et en particulier ceux de l’aménagement du territoire, en vue de la création d’un commissariat général à l’égalité des territoires. L’autre rapport, vous le connaissez, monsieur le député, puisque vous y avez contribué : il redéfinit la notion d’égalité des territoires d’un double point de vue, puisqu’il a associé des chercheurs et des élus de toutes couleurs politiques.

M. Marc-Philippe Daubresse. Il faut arrêter de chercher : il faut trouver !

Mme Cécile Duflot, ministre. Je crois que ces questions transcendent les couleurs politiques, et c’est la raison pour laquelle elles donneront lieu à deux débats parlementaires. Le premier concernera le titre « Égalité des territoires » de la future loi de décentralisation portée par Marylise Lebranchu, qui abordera à la fois la question numérique et celle, urgente et brûlante, des services publics, en particulier dans les zones rurales, mais aussi dans certains quartiers des zones urbaines.

Par ailleurs, nous vous proposerons un autre projet de loi, relatif à l’égalité des territoires, après la réunion du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire, qui aura lieu en juin. Cela nous permettra de travailler sur l’ensemble de ces chantiers de manière apaisée, résolue et déterminée et de penser les vingt ou les trente prochaines années. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Gérald Darmanin. Nous voilà rassurés !

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Fixation de l’ordre du jour

Mme la présidente. Ce matin, la Conférence des présidents a ainsi modifié l’ordre du jour de la semaine en cours :

Mercredi 20 février, après les questions au Gouvernement, déclaration du Gouvernement et débat sur le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne ;

Vendredi 22 février, retrait de l’ordre du jour de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale ;

Samedi 23 février, matin, après midi et soir, suite de la discussion des projets de loi ordinaire et organique relatifs aux élections locales.

La Conférence des présidents a également arrêté, pour la semaine du 18 mars, les propositions d’ordre du jour suivantes :

Mardi 19 mars : débat sur le rapport annuel de la Cour des comptes, débat sur le rapport d’information sur la surpopulation carcérale ;

Mercredi 20 mars : questions au Gouvernement sur des sujets européens, débat sur le médicament générique, proposition de résolution sur l’avenir politique de la construction européenne, questions à la ministre chargée de la politique du logement ;

Jeudi 21 mars : débat sur la traçabilité alimentaire, débat sur la politique de la ville et la rénovation urbaine, débat sur la politique européenne en matière d’emploi des jeunes.

Il n’y a pas d’opposition ?..

Il en est ainsi décidé.

3

Séparation et régulation des activités bancaires

Vote solennel

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

La parole est à M. Jean-François Lamour, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-François Lamour. Ce projet de loi que nos collègues de la majorité décrivent comme « une avancée révolutionnaire, un pas immense vers la transparence », n’est en fait qu’une coquille quasiment vide, mais il peut se révéler dangereux pour nos banques.

Pourtant, les réseaux bancaires français, par la diversification de leurs activités, ont mieux résisté que les autres à la crise. Le ministre de l’économie et des finances l’a reconnu pendant les débats.

La crise financière provient non pas des banques universelles, mais de l’activité de banques spécialisées peu scrupuleuses, qui ont pris des positions risquées sur les marchés, et qui ont consenti des prêts à des ménages qui n’avaient pas les moyens de rembourser.

Ceci étant dit, nous sommes tous d’accord sur ces bancs pour réguler les activités financières. Et nous ne vous avons pas attendus pour cela, puisque, je le rappelle, nous avons adopté en 2010 la loi de régulation bancaire, qui créait l’Autorité de contrôle prudentiel et le Conseil de régulation financière, prévoyant ainsi l’enregistrement et le contrôle des agences de notation. À l’époque vous aviez voté contre cette loi dont vous reprenez aujourd’hui les principaux dispositifs.

Mais ce projet soulève trois séries de problèmes qui ne sont pas réglés à l’issue de nos débats.

Un problème d’efficacité d’abord. Ce texte prétendait encadrer des activités telles que le trading haute fréquence et la spéculation sur les matières premières agricoles ; or il se révèle, sur ces deux points notamment, totalement inopérant, à tel point que Pierre Moscovici a expliqué qu’il proposerait une nouvelle rédaction de ces articles au Sénat.

Un problème de cohérence ensuite. Madame la rapporteure, vous avez répété à l’envi que la France devait être précurseur dans la séparation des activités bancaires. Or plutôt que de coordonner cette réforme avec nos principaux partenaires, notamment en fonction de l’application des normes « Bâle III » et de l’application réelle de l’union bancaire européenne, vous avez préféré lancer la France en éclaireur, munie d’une simple lampe de poche dans la nuit noire de l’incohérence des règles.

Enfin, un problème de compétitivité. En obligeant nos banques à divulguer des informations stratégiques sur leurs activités, quel que soit leur territoire d’implantation, vous les fragilisez par rapport à la concurrence internationale. Et vous avez refusé l’amendement de bon sens que nous vous proposions et qui permettait d’adosser le dispositif non seulement à la liste des États et territoires non coopératifs, mais également aux États désignés par le GAFI.

Problème de compétitivité également, parce qu’en élargissant le champ du plafonnement des commissions bancaires à toutes les personnes physiques, vous risquez de déstabiliser nos banques de détail.

Mesdames et Messieurs de la majorité, au terme de nos débats, on a le sentiment que votre adversaire, ce n’est plus la finance, comme le claironnait François Hollande au Bourget, mais c’est l’économie française tout entière. Ces critiques nombreuses et fondées ne peuvent que nous amener à refuser les modifications imposées au Gouvernement par sa majorité parlementaire ; c’est la raison pour laquelle nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, quelle opinion avoir de ce projet de loi sur lequel nous sommes aujourd’hui appelés à voter, sinon que ce texte n’est que l’ombre des engagements défendus par François Hollande ?

Improprement appelé « projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires », force est de constater que nous sommes aujourd’hui loin des grands discours enflammés du candidat François Hollande, qui, depuis Le Bourget, disait vouloir partir en croisade contre son véritable ennemi, la finance sans visage.

Ce projet de loi signe avant tout le renoncement du Gouvernement à tenir l’engagement n° 7 du projet présidentiel de François Hollande : « Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi de leurs opérations spéculatives ».

L’Assemblée nationale est donc saisie d’une réforme timide, frileuse, ATTAC évoque même une « non-réforme bancaire », bien loin du Glass-Steagal Act à la française que le Gouvernement nous avait promis. La mobilisation des députés de la majorité présidentielle pour donner un peu de contenu à cette coquille vide en atteste.

Au-delà de ce nouveau reniement, les critiques du groupe UDI sur cette réforme sont doubles.

Premièrement, le Gouvernement ne semble toujours pas avoir compris qu’il ne pouvait pas se passer de ses partenaires européens pour s’attaquer à la régulation du secteur bancaire.

Vous avez choisi de ne pas attendre la directive européenne qui sera présentée avant l’été.

Vous avez choisi de ne pas mener de concertation alors même que notre principal partenaire et concurrent, l’Allemagne, travaille en ce moment même à une réforme du système bancaire.

Vous avez choisi de faire cavalier seul, condamnant par avance ce projet de loi à être revu et corrigé.

Les députés du groupe UDI ne croient pas en votre vision étriquée et franco-française ! Nous ne croyons pas plus dans l’efficacité d’une réglementation financière nationale. Votre réforme, ce sera donc la ligne Maginot contre la finance mondiale.

Nous croyons que face à une crise financière mondiale la réponse doit être globale, et que seul l’échelon européen permettra à la France de faire entendre sa voix afin que deux priorités soient enfin inscrites à l’ordre du jour international : renforcer les fonds propres des banques et la réglementation qui leur est applicable, d’une part ; renforcer l’uniformité des règles et l’unicité du contrôle afin d’assurer la stabilité du système financier et son fonctionnement, d’autre part.

Votre projet de loi ne fera donc que pénaliser les banques françaises vis-à-vis de leurs concurrentes européennes et mondiales puisque la réforme bancaire n’entrera en vigueur qu’en 2015 en Allemagne, en 2017 aux États-unis et en 2019 au Royaume-Uni.

Nous sommes également très critiques envers la faiblesse globale de ce texte, notamment en ce qui concerne le trading à haute fréquence et la spéculation sur les matières premières agricoles. Le Gouvernement s’est timidement engagé à continuer de travailler sur le sujet. Nous resterons très vigilants et nous nous inviterons dans le débat entre la gauche et la gauche.

Nous voulons également vous dire notre inquiétude quant aux dispositions qui prévoient que le fonds de garantie des dépôts, destiné à indemniser les clients en cas de défaillance de leur banque, devienne le fonds de garantie des dépôts et de résolution, outil prévu pour faire face aux défaillances ou aux risques de défaillances d’établissements bancaires importants.

Enfin, concernant le cantonnement des activités spéculatives, l’amendement de la rapporteure visant à donner au Gouvernement la possibilité de faire basculer des activités dans la filiale dès lors qu’elles dépassent un seuil fixé par arrêté est venu apporter une première réponse.

Il aurait toutefois été préférable qu’un seuil critique soit fixé par la loi, tout comme cela a été fait en Allemagne, plutôt que de laisser le ministre en décider.

En revanche, nous souhaitons saluer les avancées prévues par ce projet de loi en ce qui concerne le renforcement des droits des TPE et PME vis-à-vis des banques, alors que nombreux sont les professionnels en situation de fragilité dont la trésorerie est engloutie par les frais bancaires.

Nous saluons également les avancées en matière de protection des consommateurs, notamment en ce qui concerne le plafonnement des frais bancaires, même si nous attendions plus sur la possibilité de résiliation annuelle de l’assurance emprunteur.

Enfin, nous aurions souhaité que la création du fichier positif, indispensable pour lutter contre le surendettement, figure dans ce texte. Le Gouvernement s’est engagé à le mettre en place au printemps prochain.

Nous ne sommes certainement pas devant la réforme ambitieuse que le Gouvernement nous avait promise. Toutefois, au vu des améliorations apportées dans l’hémicycle pour la protection des TPE-PME et des consommateurs, le groupe UDI s’abstiendra, et prend aujourd’hui date pour le texte sur le surendettement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la rapporteure, chers collègues, le discours prononcé au Bourget par le candidat François Hollande fut l’acte fondateur de cette loi, qui a le mérite de poser des mots sur la dure réalité du profit sans foi ni loi d’une finance sans contrôle : cette loi est d’abord un acte de lucidité.

L’acte II fut celui du choix stratégique affirmé par le Gouvernement, relayé par le Parlement : il ne s’agit pas tant de mettre les banques et la finance au pas que de protéger nos concitoyens, de protéger leur épargne, de protéger les contribuables et nos entreprises : c’est l’enjeu de cette loi, c’est notre volonté.

Enfin, l’acte III, celui qui se joue aujourd’hui, c’est celui de l’action pour le Parlement, loin du laisser-faire auquel l’alliance des libéraux et des conservateurs nous a habitués, mais en étant conscients de la difficulté à répliquer un modèle des années 30, qui plus est de manière isolée. Oui, le réalisme l’a emporté. Il est vrai que le réalisme reste souvent suspect de faiblesse… Pourquoi ne pas avoir réalisé une séparation stricte, comme à l’époque bénie du Glass-Steagal Act ? C’était notre première idée. Mais une banque de marché séparée de la banque de dépôt ne nous met pas à l’abri d’un risque systémique, comme l’a montré le cas Lehman Brothers, qui a déclenché la vague de 2008, sans oublier que les cataclysmes financiers survenus suite au défaut de Lehman Brothers ou des caixas espagnoles sont souvent sous-tendus par d’autres problèmes comme la spéculation immobilière ou le surendettement.

La banque universelle est-elle pour autant la meilleure solution ? La France, nous dit-on, a mieux résisté avec ses cinq grandes banques généralistes… Sauf qu’on a perdu Dexia en chemin, que nos quatre fleurons font partie des huit banques européennes les plus proches du défaut, et que SNS Reaal, qui vient de s’effondrer aux Pays-Bas, était mieux notée que notre BPCE... Chers collègues, évitons la simplification, n’ignorons pas la complexité.

De même, ne caricaturons pas le projet français en comparaison de projets européens réputés plus ambitieux – notamment par ceux qui ne les ont pas lus – ; prenons en compte leurs échéances plus lointaines, leur progressivité et les réalités de chacun des pays.

Mais je veux surtout insister sur les évolutions que le débat parlementaire aura permises pour mieux répondre aux enjeux soulignés précédemment.

Les amendements déposés au nom du groupe SRC, notamment par Karine Berger, Laurent Baumel et Pascal Cherki, ceux du groupe écologiste et de l’ensemble des groupes de gauche vont permettre de mieux protéger l’épargnant contribuable. Cela suffira-t-il ? C’est possible, mais pas certain. Le Gouvernement et l’Autorité de contrôle disposeront des moyens pour faire évoluer ce dossier, et il faudra qu’il évolue. Sans doute le Parlement n’a-t-il pas dit son dernier mot, notamment sur la question de la responsabilité des créanciers seniors en cas de défaillance.

Je veux enfin souligner la grande satisfaction d’Éva Sas, de moi-même et de nombreux autres députés – je pense à Dominique Potier – depuis que le Gouvernement a accepté d’intégrer à la loi l’amendement qui conduira désormais les banques à publier annuellement le nom et l’activité de l’ensemble de leurs filiales, pays par pays, en précisant les effectifs en équivalent temps plein et le chiffre d’affaires.

Mme Eva Sas. En effet !

M. Éric Alauzet. Cette disposition, qui devra bien entendu être suivie d’effet, permettra de mesurer réellement l’activité des filiales

Réduire le projet de transparence, monsieur Lamour, aux seuls pays identifiées comme des paradis fiscaux aurait constitué une véritable duperie, tant cette liste s’est réduite comme peau de chagrin, tant elle ouvre la voie à des contestations et à des difficultés diplomatiques, et parce qu’elle ne révèle en réalité que les pays suspects de blanchiment d’argent. Même la liste GAFI, plus étendue, ne cite aucun pays occidental. En mettant au grand jour l’hospitalité coupable de certains pays, notamment en Europe, l’objectif est bien de conforter la lutte contre l’évasion fiscale, qui se paie toujours au prix de l’austérité.

Par conséquent, je remercie le Gouvernement en votre personne, monsieur le ministre du budget, d’avoir permis que notre travail soit fructueux, tant sur le fond que sur la forme. On a coutume de dire dans les sports collectifs, après un match réussi, que l’on tient « le match de référence » : nous pouvons aujourd’hui employer ce mot de « référence » pour qualifier la relation entre le Parlement et le Gouvernement, et aussi le travail entre les groupes de la majorité.

Je veux témoigner de ma gratitude à toutes les ONG, CCFD-Terre Solidaire notamment, dont l’engagement n’a pas faibli durant toutes ces années pour que la transparence bancaire trouve sa première concrétisation. Je salue tout particulièrement l’engagement d’Eva Joly et celui de Pascal Canfin pour le travail mené de longue date, mais plus récemment et plus précisément à l’échelle interministérielle.

Alors que l’on s’apprête à poser la première pierre de la séparation bancaire, nous constatons avec satisfaction que les écologistes peuvent inspirer, stimuler, concrétiser ; au moment du vote, les écologistes répondent présents. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Sur l’ensemble du projet de loi, je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la rapporteure, le texte du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires a été enrichi grâce à une remarquable mobilisation des députés de gauche et écologistes, et par l’écoute du Gouvernement ; nous nous en félicitons, et les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ont poussé à de telles avancées.

Tout d’abord, s’agissant de la résolution des crises bancaires, les dispositifs mis en place font consensus alors même que ce sont les plus ambitieux. Il est normal que des banques qui reposent sur la garantie des dépôts accordée par l’État soient soumises, lorsque les circonstances l’exigent, à un contrôle étendu de la puissance publique. Il est souhaitable que les actionnaires soient mis à contribution lorsqu’ils ont mal géré leurs investissements. Il faut absolument éviter la contagion de l’économie financière à l’économie réelle, et c’est pour la résolution des crises financières que la séparation des banques est utile. Aurait-elle dû être plus franche ? Certainement, et nous espérons que la tenue de marché sera bien cantonnée dans une filiale au-delà d’un certain niveau d’activité pour que les règles soient claires. Mais les améliorations apportées au texte initial limitent l’intervention de la maison-mère et interdisent celle de l’État lorsque les filiales seront en difficulté. C’est un progrès pour tenter d’éviter que l’économie réelle et les finances publiques ne soient, une fois encore, les victimes collatérales de la folie spéculative.

Le deuxième impératif, c’est la prévention, l’assurance qu’une crise comme celle de 2008 ne pourra plus se reproduire. Force est de constater que ce texte ne saurait a lui seul prévenir de futures crises financières ; il en limite tout juste la perspective par un affaiblissement des aléas. Ne nous méprenons pas : la séparation des banques ne permettra pas d’éviter de nouvelles crises. Si le texte ne va pas assez loin, ce n’est pas que la séparation soit insuffisamment tranchée, mais c’est qu’il ne s’attaque pas aux causes premières des crises financières. Celles-ci ne peuvent certes être traitées qu’en coordination avec d’autres pays, mais on ne saurait, comme le prêchent certains de nos collègues, pourtant d’habitude très souverainistes, s’en remettre perpétuellement à des accords supranationaux qui arrivent avec retard et sont empreints de compromissions. Il faut que la France et le Parlement français envoient un signal clair : c’est ce que fait le texte en s’en prenant, même modestement, aux causes premières de ces crises.

Il faut lutter contre les paradis fiscaux. Nous nous félicitons qu’un de nos amendements ait été pris en compte sur ce sujet important, même si nous souhaiterions que les informations à fournir soient plus exhaustives encore, notamment par la publication des impôts et des taxes versés par les banques dans les paradis fiscaux.

Il faut lutter contre les emprunts toxiques souscrits par les collectivités locales. Nous avions proposé que certains emprunts structurés ne puissent plus être mis à leur disposition, et un amendement reprenant celui qui avait été proposé par mon collègue Jean-Noël Carpentier a été adopté, ce dont nous nous réjouissons.

Il faut aussi lutter contre les activités spéculatives, et non pas seulement les cantonner. Ainsi, concernant les activités de trading à haute fréquence, l’interdiction devrait devenir générale. Le ministre de l’économie et des finances s’est engagé à faire des propositions à ce sujet au cours de la navette parlementaire : nous en prenons acte et nous attendons.

Enfin, au-delà des aspects purement techniques de la régulation du secteur financier, il aurait été dommage que ne soient pas incluses des mesures ayant des conséquences dans la vie quotidienne de nos concitoyens. La plus symbolique d’entre elles reste bien évidemment le plafonnement des commissions d’intervention. Personne ne conteste les coûts de traitement pour les banques, mais il est inadmissible que ces frais s’apparentent à du racket.

Mes collègues du groupe RRDP et moi-même voterons le projet de loi, non pas parce que nous sommes pleinement satisfaits, mais parce qu’il va constituer une nouvelle étape vers une meilleure régulation des activités financières et donner légitimité au gouvernement français pour négocier au niveau européen et international des accords qui mettront pleinement la finance au service de l’économie. Messieurs les ministres, l’approbation par notre groupe n’est pas un vote qui vous délie, mais un vote qui vous oblige. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous achevons aujourd’hui la première lecture d’un texte présenté parfois un peu hâtivement comme un texte historique. Historique, il pourra probablement le devenir à condition que la navette parlementaire permette d’enregistrer des modifications plus profondes. En effet, le texte issu de nos travaux ne répond que partiellement à l’objectif affiché, celui d’une sécurisation des dépôts et de la séparation entre activités spéculatives et activités de crédit et de dépôt.

Pour notre part, à l’instar d’une ONG comme Finance Watch ou des signataires d’une tribune publiée dans Libération la semaine dernière, nous préconisons une séparation effective entre banques commerciales et banques de marché. C’est probablement le seul moyen efficace de mettre fin aux conflits d’intérêts qui peuvent naître au sein des banques entre financement de l’économie et activités spéculatives, et aussi de diminuer l’opacité des groupes bancaires. La tâche nous paraît d’autant plus urgente et utile que le secteur bancaire français présente un niveau de risque systémique parmi les plus élevés du monde. Ainsi, Dexia a déjà coûté 12 milliards d’euros aux contribuables français et belges, et l’État vient d’y ajouter 85 milliards en garantie ; le Crédit Agricole prévoit des pertes record en 2012, voisines de 6 milliards d’euros, et la Société Générale aurait perdu près de 12 milliards d’euros en 2008 sans le secours du contribuable américain. Jacques Généreux, Jacques Sapir et Dominique Taddéi le soulignaient récemment dans la tribune précitée : « Le modèle français se révèle défaillant dans sa tâche de financement de l’économie » puisque « seuls 10 % du bilan de nos banques sont consacrés aux prêts aux entreprises non financières et 12 % aux prêts aux particuliers », ce qui signifie que le reste, soit 78 % de l’activité, « relève d’opérations de marché essentiellement spéculatives ».

Les amendements adoptés en commission et en séance ont certes permis d’améliorer le projet de loi initial, mais sans franchir le pas décisif qui consisterait à poser le principe de la filialisation des services d’investissement ou des activités dites de tenue de marché, aujourd’hui au cœur de la polémique. De plus, en confiant au ministre de l’économie et des finances le soin de manier les ciseaux de la séparation, nous lui offrons aussi la possibilité de ne pas le faire.

Le projet de loi reste en outre trop timide sur deux sujets clefs : le trading haute fréquence et la spéculation sur les matières premières agricoles. Nous enregistrons avec satisfaction l’adoption de l’amendement que nous proposions visant à sanctionner les pratiques d’abus de marché, mais, ainsi que l’ont rappelé de très nombreux collègues, l’enjeu reste l’interdiction pure et simple du trading haute fréquence, dont l’explosion a coïncidé avec la mise en œuvre des directives de dérégulation du marché. Nous attendons beaucoup sur ce point, de même qu’en matière de spéculation sur les matières premières agricoles, de la poursuite des travaux au Sénat et devant notre assemblée.

Le groupe GDR salue bien entendu l’adoption de l’amendement qui obligera demain les banques à détailler, pays par pays, la nature de leurs activités, leur produit net bancaire ainsi que leurs effectifs. C’est un pas important vers une plus grande transparence du secteur bancaire, un premier pas dans la lutte contre l’évasion fiscale, mais un pas qu’il conviendra de compléter.

Le mécanisme de résolution appelle en revanche quelques réserves. Il ne nous paraît pas en effet judicieux de confier au gouverneur de la Banque de France et au directeur du Trésor le pouvoir exorbitant de décider seuls comment et par qui une banque défaillante serait renflouée. Ce sont eux qui décideront si l’État français doit aller au secours d’une banque, quitte à ruiner les Français, ou s’il conviendra de lui laisser faire faillite. Sachant que la Banque de France est le principal créancier des banques privées, nous pouvons légitimement craindre que le contribuable ne soit au bout du compte sollicité sans que soit requis l’accord préalable du Parlement.

À l’aune de ces remarques, nous ne pouvons qu’inviter le Gouvernement et les sénateurs à proposer de nouvelles améliorations à ce texte, tant sur le volet séparation que sur celui des droits des consommateurs que notre assemblée a su renforcer par la voie du plafonnement des frais bancaires. Il n’est pas trop tard pour faire prendre à la loi la tournure d’une vraie et grande réforme pour rendre possible une nouvelle architecture du financement de l’économie par le biais d’une nouvelle politique monétaire. Dans l’attente de son retour devant notre assemblée, les députés du Front de gauche s’abstiendront. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Baumel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Laurent Baumel. Monsieur le ministre du budget, je tiens d’abord à vous exprimer la satisfaction et la fierté que vont avoir les députés du groupe SRC à voter dans quelques instants la loi bancaire qui a été défendue ici même par Pierre Moscovici la semaine dernière.

Nous sommes satisfaits d’abord de voter une loi utile pour le pays, une loi qui tire les leçons de la crise financière de 2008 en protégeant les déposants et les contribuables français de nouvelles dérives possibles du système bancaire.

Nous sommes satisfaits en outre de voter une loi de régulation, une loi qui ne pénalise pas inutilement un secteur important et indispensable de notre économie mais qui traduit la volonté assumée de l’État stratège et protecteur d’encadrer, d’organiser, de corriger – quand c’est nécessaire – le fonctionnement spontané de l’économie de marché en séparant les activités spéculatives des activités utiles au financement de l’économie. Elle traduit ainsi, de ce point de vue aussi, la promesse de campagne du Président de la République de réduire l’emprise de la finance sur l’économie réelle.

Nous sommes satisfaits encore de voter une loi avant-gardiste, une loi qui place la France en avant du processus européen en cours.

Nous sommes satisfaits enfin de voter une loi qui porte la marque d’une coopération législative parfaitement réussie entre le Gouvernement et le Parlement.

Dès son audition devant la commission des finances, Pierre Moscovici avait invité les députés à améliorer le texte en faisant usage de leur droit d’amendement. Attentif aux imprécisions ou aux lacunes du texte initial, à l’écoute des critiques et des réflexions émanant de la société civile et des citoyens, notre groupe a pleinement saisi cette ouverture gouvernementale. Sans bousculer l’architecture générale de votre texte, dans la confiance et le dialogue, nous avons apporté des améliorations substantielles.

Des évolutions ont été imprimées au texte dès le stade de la commission, notamment grâce à l’adoption de l’amendement sur la tenue de marché de notre collègue rapporteure Karine Berger, dont je salue ici l’engagement et le remarquable travail.

M. Jean-Marc Germain. Très bien !

M. Laurent Baumel. En offrant au ministre de l’économie la possibilité de fixer le seuil des opérations maintenues dans la banque de dépôt, cet amendement ciseau répond à la critique sur l’insuffisance de la filialisation.

Des évolutions ont aussi été permises par l’amendement de Jean Launay excluant toute couverture de la filiale par la maison mère et, bien sûr, par l’amendement identique des écologistes et des socialistes obligeant les établissements de crédit à publier des informations sur leurs activités pays par pays, ce qui place encore la France en situation pionnière dans la lutte mondiale contre les paradis fiscaux.

Mais pour ceux qui penseraient à tort qu’il ne se passe rien dans l’hémicycle en fait de travail législatif, je tiens à rappeler, sans en épuiser la liste, des amendements importants adoptés en séance : celui de Pascal Cherki qui empêchera l’État de prendre un engagement financier au bénéfice d’une filiale en difficulté ; celui de Philippe Kemel qui obligera les banques à informer chaque mois l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution de l’état des engagements consolidés qu’elles ont pris auprès de hedge funds ; celui de Christian Eckert qui luttera contre les emprunts toxiques ; mais aussi et surtout l’amendement, défendu par Christian Paul et l’ensemble du groupe, qui plafonnera les frais bancaires au bénéfice de tous les Français, donnant une nouvelle dimension à ce texte.

Quant au ministre, il a pris, sur ces sujets ou d’autres, des engagements importants en séance. Il s’est notamment engagé à travailler avec son collègue Pascal Canfin afin de mieux lutter contre la spéculation sur les matières premières agricoles, et aussi à renforcer les restrictions apportées au trading à haute fréquence.

Monsieur le ministre, la loi bancaire que nous adoptons est une étape sur la voie de la nécessaire régulation du système bancaire et financier. Elle n’en est pas moins d’ores et déjà une réforme de structure majeure du quinquennat,…

M. Guy Geoffroy. Eh bien, si c’est cela une réforme de structure majeure !

M. Laurent Baumel.… un texte qui illustre au plus haut point la démarche réformiste de votre Gouvernement.

Nous sommes heureux d’y avoir apporté notre touche. À l’occasion de l’examen de ce texte, nous n’avons été ni des godillots (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)...

M. Yves Censi. C’est un aveu !

M. Laurent Baumel.… ni des rebelles, mais des parlementaires, soucieux de se faire ici l’écho des préoccupations et des ressentis du pays. Puisse cette expérience positive se reproduire, monsieur le ministre, à l’occasion des autres grands textes qui s’annoncent. En attendant, c’est avec beaucoup de plaisir que nous voterons pour celui-ci. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. Nous avons terminé les explications de vote.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 539

Nombre de suffrages exprimés 476

Majorité absolue 239

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Merci, madame la présidente. Comme le veut la tradition, à laquelle je me plie avec un grand plaisir, je remercie le Parlement au nom de Pierre Moscovici, qui vous prie d’excuser son absence car il accompagne le Président de la République en Grèce. En son nom, je remercie tous les parlementaires, tous ceux qui ont enrichi le texte et, cela va de soi, la rapporteure du groupe socialiste dont j’ai cru comprendre l’excellence du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Élection des conseillers départementaux,
des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modification du calendrier électoral

Élection des conseillers municipaux,
des délégués communautaires et des conseillers départementaux

Suite de la discussion d’un projet de loi et d’un projet de loi organique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, rejeté par le Sénat, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (nos 631, 701) et du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif à l’élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux (nos 630, 700).

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Discussion générale commune (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée nationale a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale commune.

La parole est à M. Christophe Léonard.

M. Christophe Léonard. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, notre attention est retenue cet après-midi par l’examen du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

Ce texte est célèbre depuis son rejet par le Sénat ; je crois donc utile de préciser à nouveau sa portée réelle.

Ce texte ne concerne pas la limitation du cumul des mandats. Il est vrai qu’il est sans doute malaisé pour les parlementaires que nous sommes d’avoir le recul nécessaire concernant un engagement gouvernemental largement plébiscité par les Français.

Ce texte n’exprime pas non plus une volonté de réformer la fiscalité ou de réorganiser les compétences des collectivités territoriales. Il nous faudra attendre pour cela le débat sur l’acte III de la décentralisation. Je profite d’ailleurs de cette assertion pour appeler à davantage d’autonomie fiscale pour les collectivités territoriales. À défaut, notre pays ne sera plus un État décentralisé mais simplement déconcentré, avec des collectivités reléguées au rôle de gestionnaires de dotations d’État dans le cadre de compétences obligatoires, au mépris du principe constitutionnel de libre administration.

Enfin, ce texte n’a pas pour objectif de révolutionner le bloc communal puisque l’élection au suffrage universel des conseillers communautaires n’y est pas proposée. À cet égard, ma conviction est forte quant à la nécessité d’associer au plus vite les citoyens directement par leur vote à la désignation de leurs représentants au sein de ces structures aux compétences techniques et financières chaque jour plus nombreuses. L’adaptation des communes à cet environnement territorial nouveau est désormais clairement posée.

Dès lors, si ce texte ne concerne ni la limitation du cumul des mandats ni la décentralisation et encore moins la suppression des communes, de quoi s’agit-il ? Je m’attacherai principalement à développer l’évolution qu’il permet dans le cadre du renouvellement des conseils départementaux.

Dorénavant nous ne parlerons plus de conseillers généraux ni de conseil général mais de conseiller départemental et de conseil départemental, conseil dont le renouvellement complet sera programmé tous les six ans, et ce dès le printemps 2015. Outre ces points, je privilégierai deux éléments essentiels : la parité et la refonte de la carte des cantons.

En ce qui concerne la parité, le scrutin binominal est un pas décisif vers une ouverture sociologique de la représentativité des cantons par le biais d’une présence féminine paritaire. Permettez-moi cependant de remarquer que seule une réflexion plus large sur un véritable statut de l’élu permettra à tous les citoyens de notre pays, quelle que soit leur origine sociale, de pouvoir prétendre à la représentation élective du peuple, et que ce débat est intrinsèquement lié à celui de la limitation du cumul des mandats en nombre et dans la durée.

Par conséquent, l’élément central du texte dont nous débattons cet après-midi est assurément la refonte de la carte cantonale dont le découpage actuel date de 1800. Force est de constater que, depuis, de l’eau a coulé sous les ponts.

Conseiller général des Ardennes et président du groupe socialiste et divers gauche d’opposition de ce département, je constate en effet au quotidien le paradoxe de l’obsolescence de ce découpage lorsque le vote d’un collègue, dont le canton représente une population treize fois inférieure à celle dont je suis l’élu, a la même force décisionnelle que le mien.

De ce point de vue, et même si l’on peut légitimement s’interroger sur l’impact du redécoupage des cantons sur les circonscriptions, ce projet de loi permet des avancées majeures comme celle qui pose le principe que la population d’un canton ne pourra dorénavant être supérieure ou inférieure de plus de 20 % à la population moyenne des cantons du département, ou encore celle qui limite la possible partition électorale des communes aux villes dont la population est supérieure à 3 500 habitants.

Ce scrutin binominal majoritaire à deux tours est une innovation démocratique dont nous ne pouvons qu’attendre une meilleure gestion des conseils départementaux en ce qu’elle favorisera la dimension départementale des élus départementaux, alors que la réforme portée par le précédent gouvernement aménageait, par exemple, les trente-sept cantons ardennais actuels en seulement trente-trois cantons contre dix-neuf dans le présent texte.

Au final, seule la question de la représentation du monde rural au travers de ce nouveau mode de scrutin pourrait éventuellement apparaître comme pertinente. Or l’argument ne tient pas puisque, dans sa surreprésentation électorale actuelle, la ruralité n’a pas trouvé, de la part des conseils généraux, les réponses efficaces à ses particularismes.

Monsieur le ministre, votre texte est équilibré et efficace ; sa mise en œuvre constituera une avancée démocratique pour la France.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral, après son rejet par nos collègues sénateurs qui ont une nouvelle fois prouvé leur grande sagesse.

Ce texte est certes important, mais nos concitoyens souffrent et attendent des mesures fortes pour l’emploi. N’est-ce pas là, après le mariage pour tous, un nouvel écran de fumée ?

Qui plus est, engager des réformes sur les collectivités territoriales et leur mode électoral est difficile. Cela aurait évidemment nécessité beaucoup plus de temps, de concertation et un indispensable esprit de consensus.

J’avoue ne pas comprendre la précipitation du Gouvernement à examiner un texte aussi lourd de conséquences pour les élus départementaux ou municipaux – que certains d’entre nous sommes encore – mais également pour tous nos concitoyens.

Une grande partie du débat qui s’ouvre concerne le futur conseil départemental. S’agissant de sa dénomination comme de son renouvellement intégral tous les six ans, je suis personnellement tout à fait favorable aux propositions du Gouvernement, preuve de l’ouverture d’esprit qui m’anime. Compte tenu des délais nécessaires pour mener à bien bon nombre de projets, la durée de six ans, qui est aussi celle des mandats municipaux, me paraît cohérente et apporte donc indéniablement à nos concitoyens de la lisibilité.

Par contre, quel ne fut pas mon étonnement en voyant votre proposition, exagérément innovante, d’instaurer un scrutin binominal, soit l’élection de deux élus de sexe différent dans un canton agrandi ! Qui sait si les deux candidats du binôme ne seront pas issus de la même localité ? Je vous proposerai donc un amendement créant deux sections cantonales afin de garantir l’enracinement des candidats sur leur territoire et d’éviter la concurrence entre les deux élus du binôme.

Le conseiller territorial avait au moins le mérite de la simplification : un référent territorial unique était institué. En faisant la promotion d’un ticket homme-femme à l’échelle d’un canton agrandi, le Gouvernement nous propose une véritable usine à gaz cantonale, bien peu compréhensible pour nos concitoyens. Les électeurs sont attachés à la proximité et à une identification de leurs élus, qui sont effectivement plus fortes dans les territoires à faible densité de population où le conseiller général est en réalité le médiateur du quotidien des élus locaux et surtout des habitants d’un canton.

Nouvelle preuve de votre méconnaissance des réalités et des usages, vous allez mettre fin au rôle historique joué par de nombreux chefs lieux de cantons qui bénéficient souvent d’une brigade de gendarmerie, d’une recette-perception des impôts, d’un bureau de poste et de nombreux services publics. Cette réorganisation électorale provoquera des séquelles dramatiques en milieu rural et une casse des services publics.

Avec le scrutin binominal, vous ne favorisez pas la parité, vous l’imposez brutalement et à quel prix ! Ce système instaurera des cantons d’une taille qui méconnaît tant la réalité du terrain que l’intérêt des populations.

Ce projet de loi donne une prime sans précédent à la représentation des agglomérations au détriment de notre ruralité, de la diversité de nos campagnes et de la richesse de nos territoires. Cette réforme mettra à mal les zones rurales en confisquant la volonté de proximité de leurs habitants.

Ouvrons une petite parenthèse. Hier, vous demandiez à ce que les circonscriptions législatives soient composées de cantons entiers, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Aujourd’hui, bien étrangement, vous vous affranchissez de toute contrainte, en ne daignant pas prendre en compte les limites actuelles des circonscriptions cantonales ou législatives, et en refusant de vous soumettre à une commission indépendante.

Qui plus est, vous proposez, sans avancer aucune argumentation, un retour inexplicable au seuil de 10 % pour qu’un candidat ou un binôme puisse être présent au second tour. Vous reprenez ainsi la vieille tactique mitterrandienne visant à favoriser les triangulaires.

Fidèle à mes convictions gaullistes, j’estime qu’il aurait été préférable de favoriser l’élection à la majorité absolue, en permettant à deux candidatures seulement, ou plutôt deux binômes, de se maintenir au second tour.

Nos concitoyens ne seront pas dupes longtemps : l’objectif caché de cette réforme est purement électoraliste...

Pour les conseils municipaux, en cherchant à favoriser la parité et à simplifier le régime électoral des communes de moins de 3 500 habitants, vous proposez de rendre obligatoire le scrutin de liste dès 500 habitants. Cela signifie que dorénavant, dans ces communes, il ne sera plus possible de panacher ou de présenter des listes incomplètes et qu’il conviendra d’alterner hommes et femmes.

Le seuil de 500 habitants est bien trop bas et ne répond pas aux attentes de la plupart des élus attachés au mode de scrutin actuel. Ce nouveau seuil entraînera une politisation indéniable de la vie locale, qui est profondément regrettable.

Il n’est pas certain non plus que cela soit de nature à renforcer la démocratie locale. C’est pourtant l’objectif premier que doit rechercher tout processus de décentralisation.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

Mme la présidente. Je vous prie de conclure.

M. Jean-Pierre Decool. Je conclus. Beaucoup pensent que le nouveau dispositif confortera les seules équipes sortantes et qu’il favorisera la présentation de listes uniques.

Vous l’avez compris, ce dispositif ne pose pas de difficulté majeure sur le papier, mais la réalité sera différente...

Vous décidez donc, en un claquement de doigt, de supprimer deux conseillers municipaux dans chaque petite commune… (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le député. La parole est à M. Rémi Pauvros.

M. Rémi Pauvros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi marque une étape supplémentaire dans le processus de rationalisation et de démocratisation de la carte des collectivités territoriales françaises.

S’agissant des intercommunalités, le texte qui nous est soumis s’inscrit logiquement dans le cadre de l’évolution du fait intercommunal qui s’est, en quelques années, profondément ancré dans notre vie démocratique locale.

La coopération intercommunale commence réellement avec les lois Chevènement de 1992 et 1999. Elle est ensuite renforcée par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales puis se généralise à partir de 2010. En l’espace d’une vingtaine d’années seulement, notre pays est donc parvenu à se doter d’un échelon de gouvernance locale supplémentaire et particulièrement efficace.

Cet échelon a deux mérites principaux. D’une part, il permet de préserver l’exception française qui veut que notre pays possède, à lui seul, près de 40 % des communes de l’Union européenne. Ces 36 000 communes nous tiennent à cœur. Et si les intercommunalités tendent aujourd’hui à s’imposer comme l’avenir des communes, ce n’est pas parce qu’elles ont vocation à supprimer ces dernières ou à les remplacer. C’est pour mieux les aider et faciliter leur action au bénéfice des citoyens.

Car c’est bien là le principal objectif et le deuxième mérite de nos intercommunalités : être toujours et en tout lieu auprès du citoyen pour lui apporter le meilleur service, un service de proximité géographique, gage d’efficacité et de proximité affective.

D’autre part, l’intercommunalité se situe au carrefour des enjeux territoriaux stratégiques que sont les enjeux sociaux, économiques et d’aménagement du territoire.

Le champ d’action intercommunal s’est très vite développé au point que les intercommunalités de projet sont aujourd’hui devenues des intercommunalités de gestion et de service, prenant à bras-le-corps les problèmes concrets et quotidiens de leurs habitants. J’y retrouve la même ambiance et la même volonté qu’au sein des conseils régionaux en 1982 lors de la décentralisation.

M. Jean-Frédéric Poisson. Si les conseils régionaux s’occupaient de stratégie, cela ce saurait !

M. Rémi Pauvros. Le projet de loi tire les conséquences de la double évolution des intercommunalités : leur rôle dans la vie quotidienne des citoyens n’a cessé de croître tandis que leur nombre et leurs prérogatives se sont progressivement renforcés.

Sur la forme, l’organisation du scrutin pour élire les délégués communautaires, rebaptisés pour la circonstance conseillers intercommunaux, au suffrage universel direct peut sans doute encore être améliorée.

Le souci légitime du ministre de s’assurer de la bonne lisibilité du bulletin de vote et de la bonne compréhension du scrutin est évidemment partagé. Le système de fléchage en tête de liste présente néanmoins l’inconvénient de rendre impossible, dans la plupart des cas, la différenciation entre la fonction d’adjoint municipal et celle de conseiller intercommunal. Sans doute serait-il possible de trouver un chemin entre l’impératif de lisibilité et celui d’une plus grande souplesse démocratique.

Mais sur le fond, quelle révolution ! Ce n’est bien sûr qu’une première étape, mais une étape fondamentale car elle tente pour la première fois de créer un lien direct entre les intercommunalités et leurs citoyens. En consolidant ainsi l’ancrage démocratique de ces associations de communes, c’est leur légitimité politique que nous renforçons.

Dans cette perspective, l’élection directe des délégués communautaires dans les communes soumises au scrutin direct de liste aura de nombreux effets positifs : elle permettra notamment d’instituer un véritable mandat communautaire issu du choix des citoyens, d’étendre l’application du principe de parité et de mieux représenter les oppositions municipales au sein des assemblées intercommunales ; elle permettra enfin d’inciter les candidats à présenter des propositions et des projets précis et ambitieux pour l’intercommunalité lors des campagnes municipales, dans la mesure où celles-ci seront également le lieu d’élection directe des conseillers intercommunaux.

Je veux revenir sur l’argument qui a été avancé depuis hier sur le danger de politisation du débat dans les intercommunalités et les petites communes. Cet argument a été brillamment développé par notre collègue Bussereau. Je crois que cette évolution est irréversible, d’autant que les élections municipales de l’année prochaine seront l’occasion d’un véritable débat au niveau des intercommunalités, probablement d’une intensité inégalée jusqu’à présent.

En outre, pour les républicains que nous sommes très majoritairement sur ces bancs, ce sera l’occasion de débusquer le populisme. Car, derrière l’élection, se cachent souvent dans les intercommunalités celles et ceux qui souhaitent ne rien faire, qui restent à l’abri de leurs clochers pour éviter d’être envahis par des problèmes qui concernent l’ensemble de la collectivité. Ceux-là ne souhaitent aucune fiscalité, ils ne veulent rien faire si ce n’est se protéger et proposer des orientations populistes.

C’est donc l’occasion d’engager un vrai débat démocratique qui portera sur des projets pour l’intercommunalité. Je pense que ce sera une très grande occasion de faire vivre avec force notre démocratie (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Je suis le trentième orateur dans cette discussion générale. Je crois que l’essentiel a été dit. Je ferai quelques observations.

En premier lieu, l’élection des conseillers municipaux appelle, de mon point de vue, peu de commentaires.

Après 18 ans de vie locale, j’ai acquis la conviction que nous élisons avant tout une équipe municipale. Le mode de scrutin par liste me semble avoir fait la preuve de son efficacité. Son évolution me paraît donc acceptable. La réduction du nombre des conseillers causera des difficultés lors du premier scrutin, mais cela ne me semble pas déraisonnable.

Je veux dire un mot sur la parité, une obsession que je ne partage pas. La parité permet surtout d’éviter d’aborder le vrai problème français aujourd’hui : la professionnalisation des fonctions, liée à la complexité croissante des mandats de gestionnaires locaux. Aujourd’hui, seuls des retraités ou des fonctionnaires peuvent exercer des mandats complexes de maires et de présidents d’établissements publics de coopération intercommunale. C’est un problème majeur.

J’ouvre une parenthèse sur la parité puisque cette question a été abondamment discutée : après vérification, il apparaît que dans les 61 départements gérés par la gauche, 5 femmes sont présidentes, soit 8,19 % ; dans les 21 régions métropolitaines gérées par la gauche, deux femmes sont présidentes, soit 9,52 %. Nous prenons beaucoup de leçons. Je crois qu’il y a des maîtres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Concernant la désignation des conseillers communautaires, il est vrai que 36 000 communes, c’est beaucoup, mais ces communes sont l’essence de notre démocratie.

Le fait intercommunal est aujourd’hui un succès. J’aimerais souligner ici le silence des textes sur la carte intercommunale. Il me semble qu’on peut rendre hommage au travail mené, quasiment en pleine campagne électorale, par vos prédécesseurs. Rendre hommage à l’ancien président, à l’ancien gouvernement et à l’ancien ministre, Philippe Richert, cela peut être fait de manière apaisée.

Ce travail difficile a été fait et il nous a probablement coûté la majorité au Sénat, ce qui n’empêche pas cette institution de faire preuve parfois de beaucoup de bon sens.

Je note dans votre texte un point positif. Le principe du fléchage permet d’éviter une élection spécifique qui serait la quatrième élection au suffrage universel direct. L’intercommunalité ne devient pas une collectivité territoriale de plein exercice qui constituerait un quatrième niveau de compétence territoriale. Elle reste le prolongement de la commune, dont elle gère les compétences déléguées. Briser ce lien aurait été, me semble-t-il, catastrophique.

J’exprime toutefois un regret : que les délégués communautaires deviennent des « conseillers communautaires ». La nouvelle dénomination va à rencontre de l’esprit de votre texte qui renforce le lien avec la commune, puisqu’elle donne le sentiment d’un mandat autonome.

Sur le conseiller territorial, vous faites une erreur historique, me semble-t-il, car l’élu commun permettait de répondre à un double problème. Le premier problème est culturel ; selon son implantation en France, on est soit départementaliste, soit régionaliste. Supprimer un niveau est politiquement impossible. L’élu commun aurait été le vecteur légitime de la rationalisation des politiques du niveau intermédiaire que représentent le département et la région.

Le deuxième problème est fonctionnel : les lois de décentralisation ont fractionné d’importantes politiques publiques entre les niveaux départemental et régional. C’est vrai pour les transports, pour les questions scolaires, pour l’économie, pour le sport, et pour de nombreux autres domaines.

En désignant un élu commun, on ouvrait la porte à la rationalisation douce du désordre français. Vous avez fait un autre choix, qui fera prendre du retard à notre pays.

Vous inventez un OVNI : le nouveau conseiller départemental. À titre personnel, le principe de deux élus de sexe opposé dans la même circonscription ne me paraît pas stupide. Ce n’est certes pas la meilleure idée mais elle n’est pas scandaleuse.

En revanche, je suis farouchement opposé à l’élection dans une circonscription commune d’un couple dont les mandats seraient, en quelque sorte, liés.

Une élection, c’est un contrat entre une personne, un territoire et sa population. Si je peux comprendre, sans y être favorable, l’élection de deux personnes dans une même circonscription, je ne comprends pas pourquoi vous liez l’une et l’autre.

Ce qui me chagrine le plus, c’est le calcul que vous faites : les territoires ruraux plutôt classés à droite sont sacrifiés sur l’autel démographique au profit de l’électorat plutôt de gauche du monde urbain. Votre projet de loi nie la représentation d’un espace géographique vaste.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison.

M. Laurent Furst. Monsieur le ministre, chaque fois que les ordinateurs tournent, que le calcul est trop visible, les électeurs finissent par vous infliger une sévère défaite électorale : vous n’y échapperez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Savary.

M. Gilles Savary. Ce projet de loi – on l’a vu au grand magic circus des questions au Gouvernement – prête à controverse et à détournement d’objet. Il va néanmoins oxygéner considérablement les modes de scrutin locaux qui avaient beaucoup vieilli. Je pense notamment au mode de scrutin un peu baroque du département : la présidence est en effet en jeu tous les trois ans en raison du renouvellement triennal par la moitié du corps électoral.

Certains maires, notamment ceux des petites communes, ont demandé que cesse le tir aux pigeons. Ils souhaitent la mise en place d’une procédure favorisant une démocratie plus sereine et moins personnalisée. Chacun le sait en milieu rural : un maire qui décide dans sa grande solitude a souvent moins de voix aux élections suivantes que celui qui est passif.

Sur ces deux points, l’amélioration est considérable.

Ce projet de loi est une modernisation à plusieurs titres. Premièrement, dès lors que le conseiller territorial était supprimé, il était inévitable de voter une nouvelle loi qui ne pouvait se dispenser de réajuster les circonscriptions cantonales à la démographie. Dans mon département, les circonscriptions cantonales peuvent compter, pour la même représentation politique, de 2 000 à 54 000 habitants. Cette révision était inéluctable dès lors que se présentait l’occasion d’une nouvelle loi. Nous avons fait le choix, sur la proposition du ministre, de définir des circonscriptions plus larges : dans mon département, ce seront parfois jusqu’à six cantons qui seront réunis en un seul. Dans le mot démocratie, il y a le mot demos : c’est le peuple qui vote, ce ne sont pas les arbres. J’ai beaucoup d’arbres dans ma circonscription, si nous pouvions les faire voter, nous aurions pu nous dispenser de cette réforme.

M. François Sauvadet. Il faudra le dire à vos électeurs !

M. Gilles Savary. Il n’y a pas de problème. Nous l’assumerons. Cet ajustement n’en était pas moins nécessaire.

Vous avez raison, monsieur Sauvadet, de le dire et de nous exonérer ainsi de toute malignité : comme nous avons la majorité des départements, nous aurons d’abord, hélas, des efforts à faire dans nos rangs, pour retirer des mandats à certains de nos amis politiques hommes et faire en sorte que les femmes y accèdent et que la parité s’installe dans les conseils généraux.

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Très bien !

M. Gilles Savary. Si on le fait, c’est parce que, vous le savez très bien, le mandat le plus stable, comme le disait le président Mitterrand, est le celui de conseiller général. On n’arrivait donc pas, même avec la meilleure volonté du monde, à introduire de la parité dans les conseils généraux. Ainsi, pour reprendre un exemple que je connais bien, le conseil général de la Gironde compte neuf femmes sur soixante-trois conseillers généraux.

M. Laurent Furst. Des socialistes !

M. Gilles Savary. Oui, il y a vingt-deux socialistes à faire bouger, et c’est pour cela que je n’accepte pas vos procès d’intention. En effet, ce sera difficile, mais nous le ferons.

C’est aussi une réforme qui fait revenir d’outre-tombe le département ; je le dis pour tous ceux qui nous donnent des leçons sur le monde rural. La mort du département était programmée par le virus tueur du conseiller territorial,…

M. François Sauvadet. Mais pas du tout !

M. Gilles Savary. …et vous le savez. Il y avait, dans ce curieux mandat de cumulard légal qui allait voter, en deux fois, deux budgets dans deux institutions différentes, qui cumulait deux indemnités, élu sur un territoire beaucoup plus vaste que celui que l’on va aujourd’hui décider de donner aux cantons, infiniment plus vaste puisqu’il était presque plus vaste qu’une circonscription législative, il y avait, à terme, la mort programmée du département.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Très bien !

M. Gilles Savary. Le conseiller territorial aurait lui-même demandé la fusion des deux institutions, il aurait lui-même dit qu’il ne voulait voter qu’un budget et demandé la fusion des départements et des régions. C’est cela qui était programmé, il faut quand même jeter les masques ! C’était donc la disparition de l’institution territoriale qui est aujourd’hui la plus protectrice et la plus péréquatrice : le département.

C’est la raison pour laquelle, personnellement, j’ai été surpris par ce mode de scrutin à deux têtes. Puis j’ai réfléchi, et j’ai pensé au mode de scrutin retenu pour les élections sénatoriales. Il y a bien plusieurs personnes élues sur une même circonscription, certes, une circonscription plus grande, mais avec plus d’élus. Il y a ainsi six sénateurs en Gironde, six hommes ou femmes politiques qui ont le même mandat dans le département, dans la même circonscription. Je ne vois donc pas pourquoi on ne pourrait pas, sur un canton élargi, élire un homme et une femme. À moins que vous ne nous proposiez un scrutin proportionnel…

M. François Sauvadet. On vous le propose !

M. Gilles Savary. Si vous voulez proposer la proportionnelle, des apparatchiks à la tête du département et un découplage du département et du territoire, faites-le, chers amis, mais c’est le découplage de toute représentation territoriale, et, proposant une élection à l’échelle du département, vous ne pouvez alors soutenir que les cantons que l’on vous propose sont trop vastes.

Je trouve que le texte proposé offre un excellent compromis, un compromis qui m’a surpris, et que je voterai.

Je m’adresse, pour terminer, au Gouvernement et au rapporteur. Il y a trois types de départements : les départements 100 % urbains, les départements 100 % ruraux et les départements métropolisés. Faisons attention : il faut conserver une représentation rurale majoritaire dans les départements métropolisés. À défaut, nous aurons, entre communautés urbaines et départements, des institutions redondantes ; il faut absolument l’éviter.

Voilà le message que je voulais faire passer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise à moderniser notre organisation territoriale en rendant plus clair et plus lisible le mode de désignation des conseillers municipaux, intercommunaux et départementaux.

Il tire un trait définitif sur cette aberration que constituait le conseiller territorial. Voulu par l’ancienne majorité, le conseiller territorial, c’était moins de parité, encore plus de cumuls, et la confusion la plus totale entre la région et le département. C’était également la fin de la libre administration des collectivités territoriales et la mise sous tutelle de ces collectivités les unes par les autres.

Voilà pourquoi ce nouveau texte était indispensable.

Il était indispensable également pour rationaliser notre organisation territoriale, la moderniser et la rendre plus juste.

Comme cela a été rappelé, nous vivons aujourd’hui avec une carte cantonale qui n’a pour ainsi dire pas changé depuis deux cents ans. Or de grandes disparités existent aujourd’hui entre certains cantons d’un même département. Dans le mien, le rapport entre la population du canton le moins peuplé et celle du canton le plus peuplé est de un à vingt-cinq.

Cependant, derrière ces arguments, il existe, du fait de leur géographie, des réalités et des différences notoires entre ces territoires.

Je voudrais, monsieur le ministre, vous parler de l’Aveyron, département dont je suis l’élue. Il s’agit du cinquième département métropolitain en termes de superficie, avec près de 9 000 kilomètres carrés, et une densité de population faible, trente et un habitants par kilomètre carré. Dans ce département, les déplacements ne se mesurent pas en kilomètres, mais en temps de transport nécessaire pour effectuer un trajet.

Situé au sud-est du Massif central, notre département couvre un territoire divers, avec les grands causses, le Larzac, le Ségala, le Lévezou, le Carladez, l’Aubrac,…

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. C’est beau ! C’est tellement beau ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Ça fait rêver ! Ça fait voyager ! (Nouveaux sourires.)

Mme Marie-Lou Marcel. …et le Villefranchois, très beau et accidenté qui cumule des zones de montagne, de semi-montagne et de piémont.

Cette spécificité géographique doit nous amener à réfléchir sur la proximité des futurs conseillers départementaux avec les habitants de ce territoire. Comme le rappelait François Hollande dans son discours de Dijon sur les institutions, lors de la campagne présidentielle, il faut inventer un nouveau mode de scrutin qui assure notamment une proximité avec nos concitoyens.

M. François Sauvadet. Ça, c’est loupé !

Mme Marie-Lou Marcel. Cet engagement a été réitéré le 5 octobre 2012 lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat.

Pour ce département de l’Aveyron, le nombre de conseillers départementaux a été fixé à vingt-trois. La population de l’Aveyron étant de 277 000 habitants, la population moyenne par canton serait donc d’un peu plus de 12 000 habitants.

Compte tenu de la règle des plus ou moins 20 %, dans le cas d’un canton dont la population serait supérieure de 20 % à la population moyenne des cantons du département, nous nous retrouverions avec, par exemple, un canton nord-aveyronnais qui compterait trente-trois communes et dont la superficie serait de 1 053 kilomètres carrés, soit dix fois la superficie de Paris. Les distances nord-sud et est-ouest atteindraient au moins soixante kilomètres, soit près d’une heure et demie de route.

Dans le cas d’un canton dont la population serait inférieure de 20 % à la moyenne, nous aurions quand même un canton de vingt-trois communes, d’une superficie de 700 kilomètres carrés, soit un territoire sept fois plus grand que Paris, et entièrement situé en zone de montagne. Une heure serait nécessaire pour le traverser.

M. François Sauvadet. Et voilà !

Mme Marie-Lou Marcel. C’est pourquoi, monsieur le ministre, une application stricte de cette règle fragiliserait des territoires qui connaissent déjà un certain nombre de difficultés, par exemple en termes d’accès aux services public, que ce soit dans le domaine de la santé, de la justice, de l’éducation ou de la communication.

C’est la raison pour laquelle j’insiste tout particulièrement sur les dispositions de l’article 23 de ce projet de loi. En effet, cet article dispose qu’il ne pourra être apporté aux trois critères auxquels doit répondre la délimitation des cantons que « les exceptions de portée limitée spécialement justifiées par des considérations géographiques […] ou par d’autres impératifs d’intérêt général ». Cette souplesse doit permettre de tenir compte de certaines spécificités géographiques et de certains particularismes locaux. Ces spécificités géographiques permettraient une forme de dérogation aux critères que ce texte impose. Je pense, tout particulièrement, aux contraintes imposées par le relief, la superficie et le nombre de communes.

D’une manière générale, tant en matière d’aménagement de territoire que d’accès aux services publics, le monde rural a toujours eu, sous la précédente majorité, le sentiment d’être perçu comme une variable d’ajustement.

Pour conclure, si ce projet engendre de nombreux progrès, notamment pour la parité, s’il simplifie l’organisation de nos institutions décentralisées, il pourrait accentuer, si nous n’adoptions ces mesures, les fractures et les inégalités territoriales. C’est pourquoi, monsieur le ministre, comme vous en avez vous-même évoqué la possibilité dans votre intervention liminaire, je souhaite que nous puissions prendre en compte de manière optimale l’ensemble des problématiques liées à la ruralité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. François Sauvadet. Bravo ! Belle démonstration !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il fallait une preuve de la visée électoraliste de ce texte, il suffirait de considérer tout simplement un seul article, l’article 19, qui n’a absolument rien à voir avec le reste du projet et que je qualifierais presque de cavalier. Peut-être est-ce mon passage à Saumur… (Sourires.) Il a pour objet de modifier la répartition des conseillers de Paris, en transférant trois sièges d’arrondissements administrés par l’UMP à trois arrondissements administrés par le Parti socialiste. C’est pure coïncidence sans doute !

Si les raisons démographiques prévalaient vraiment, comme vous le prétendez à tort, la répartition des conseillers à Lyon et Marseille serait aussi modifiée, puisque les trois villes sont liées par le même statut particulier de 1982 et régies, pour ce qui concerne les élections municipales, par des dispositions adoptées parallèlement, car ce sont les seules villes à avoir été divisées en arrondissements, spécificité d’ailleurs consacrée par le Conseil constitutionnel.

Nous sommes clairement face à une atteinte caractérisée au principe d’égalité devant la loi. Si les secteurs de Marseille ont, c’est vrai, été modifiés en 1987, c’était, monsieur le ministre, il y a vingt-cinq ans, une époque où vous n’étiez pas né (Sourires), ce qui les rend tout aussi obsolètes que ceux de Lyon et de Paris, puisque, depuis lors, ont eu lieu pas moins de sept recensements. De plus, vous vous fondez sur l’évolution démographique passée, sans que ce soit toujours justifié, puisque la population du dix-septième arrondissement de Paris est quasiment stable et que, selon l’INSEE, le seizième arrondissement est celui des vingt dont la population a le plus progressé récemment, et sans tenir compte de projets d’ampleur dont l’impact démographique sera sensible à très court terme : Laennec dans le septième arrondissement, la ZAC Batignolles, avec ses 12 000 nouveaux habitants dans le dix-septième arrondissement dans quelques mois. À aucun moment, ce projet de loi ne prévoit de définir des circonscriptions spécifiques, comme partout en France, alors que l’évolution de la démographie a rendues caduques les limites des arrondissements pour ce scrutin. Comme vous le savez, mes chers collègues, les arrondissements ont été créés par Haussman en 1860.

M. Manuel Valls, ministre. Un grand homme !

M. Philippe Goujon. Absolument, et je le confirme, mais c’était il y a plus de cent cinquante ans !

L’élection des conseillers de Paris est fondue dans le scrutin municipal qui est un scrutin de liste. Prenons un exemple de cette inadéquation et donnons quelques chiffres. Dans le deuxième arrondissement, un conseiller de Paris représente 7 300 habitants, alors qu’il représente 14 114 habitants dans le seizième arrondissement et 14 038 habitants dans le dix-septième.

Avec 30 % à près de 60 % – 57 %, précisément – d’écart par rapport à la moyenne parisienne, on est bien au-delà de la variation de 20 %, limite qui, selon le Conseil constitutionnel, garantit l’égalité des électeurs devant le suffrage. Ou alors une répartition a minima pour ne tenir compte que des disparités démographiques aurait juste fait gagner un siège au dix-neuvième arrondissement au détriment du septième arrondissement, et c’est tout.

Dans ses décisions, le Conseil a étroitement encadré les dérogations à l’égalité devant le suffrage, rappelant notamment que « la mise en œuvre de l’écart de plus ou moins 20 % par rapport à la population moyenne du département doit être réservée à des cas exceptionnels ».

Alors, parmi ces cas, vous évoquez le nombre minimal d’élus, mais le Conseil constitutionnel – vous le savez tous, mes chers collègues – a décidé que « le maintien minimum de deux députés pour chaque département n’est plus justifié par un impératif d’intérêt général susceptible d’atténuer la portée de la règle fondamentale selon laquelle l’Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques ». Aussi ne peut plus être justifié le seuil minimal, derrière lequel vous vous cachez, de trois conseillers par arrondissement, curiosité juridique qui n’existe d’ailleurs nulle part ailleurs en France, ce qui rompt le principe d’égalité devant le suffrage entre Paris et le reste de la France. Ce seuil, monsieur le ministre, n’empêche même pas que l’opposition ne soit représentée ni dans le deuxième ni dans le troisième arrondissement de Paris.

Si vous aviez voulu réellement corriger les écarts et établir ainsi une véritable égalité sur le plan des suffrages, vous n’auriez pas laissé subsister de telles inégalités, ni de telles incohérences, comme, par exemple, le maintien des cantons prévus par la réforme Marleix pour Paris ou encore le découpage d’un secteur central avec moins d’élus – à Marseille, il y a bien des secteurs. Comme le disait notre excellent collègue Guillaume Larrivé en défendant la motion de rejet préalable du projet de loi, vous choisissez des règles de convenance.

La vérité, vous la connaissez, mes chers collègues, et je vais la répéter à cette tribune : ce redécoupage parisien a pour seul but d’assurer au Parti socialiste une majorité au Conseil de Paris et de favoriser Mme Hidalgo, l’héritière du système Delanoë, désignée par le fait du Prince. Il s’agit d’un avatar de plus dans un texte dont l’objectif principal est pour vous de sauver les meubles afin d’éviter un désastre électoral annoncé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Carole Delga.

Mme Carole Delga. Le projet de loi que nous allons examiner est un texte qui va moderniser nos scrutins. Surtout, il permettra de tirer un trait sur une période funeste, de tirer un trait sur le conseiller territorial, élu hybride qui mélangeait les niveaux du département et de la région. Il en résultait une grande confusion.

M. Bernard Perrut. C’est excessif !

Mme Carole Delga. Le gouvernement précédent avait ainsi fait régner un climat de défiance vis-à-vis des élus locaux, suspectés d’être dépensiers et inconséquents.

M. Laurent Furst. Cette loi ne sera pas très économe !

Mme la présidente. Monsieur Furst, laissez l’oratrice s’exprimer : vous-même n’avez pas été interrompu pendant votre intervention.

Mme Carole Delga. Nous n’avons pas de leçons à recevoir de votre part en matière d’économies !

Le dévouement et la passion doivent nous animer. Il est important de réhabiliter les élus, de créer des règles d’élection claires et de favoriser la parité. Nous devons également reconnaître le fait intercommunal, tout en rappelant que la commune reste la cellule de base de notre organisation territoriale.

Je viens d’entendre que la ruralité est de droite : permettez-moi de sourire ! Le résultat des élections municipales, régionales, cantonales, présidentielles et législatives a prouvé le contraire. La ruralité relève du bon sens, et reconnaît l’engagement ; elle est réelle, pas chimérique. La montagne et la ruralité méritent de l’attention, et non des propos démagogiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Laurent Furst. C’est vrai !

Mme Carole Delga. Plusieurs points doivent être soulignés. Le redécoupage des cantons, d’abord, était devenu nécessaire pour des raisons juridiques. En effet, la loi sur le conseiller territorial a mis fin au découpage des cantons de 2010. Ce redécoupage répond également à des préoccupations d’ordre éthique : il s’agit de limiter les écarts de représentation entre les populations, tout en tenant compte des spécificités territoriales.

Il se fera selon des règles explicites, exposées clairement dans le texte de la loi. Ces règles ne seront pas fixées dans je ne sais quel obscur cabinet, comme le fantasment certains élus.

M. Bernard Roman. Très bien !

Mme Carole Delga. Ces nouveaux cantons doivent garantir la représentation de la diversité de nos territoires. Je ne doute pas, monsieur le Ministre, que vous y êtes très attentif.

La parité est devenue un principe d’organisation de notre démocratie autant qu’un impératif moral. Il n’est pas surprenant que ce soit la gauche, à l’origine de la loi sur la parité en 2000, qui étende à nouveau cette innovation au niveau local. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Cette évolution doit être réalisée sans effacer l’héritage de notre démocratie locale. Notre République tire sa force de la richesse des territoires qui la composent. Peu de pays peuvent se vanter de rassembler une telle diversité dans un espace comparable à celui de la France. Les Français sont profondément attachés à la commune. En instituant plus de 36 000 communes, nous avons anticipé sur le concept de démocratie participative. Cette proximité entre élus et citoyens est rassurante ; elle est porteuse de développement et d’ambition partagée. Le département, quant à lui, est le fruit de la volonté, manifestée lors de la Révolution, d’assurer l’égalité sur tout le territoire. La région est un niveau d’avenir pour le développement de la construction européenne.

La modernisation à laquelle ce projet de loi procède ne détruira pas ces structures. L’ambition de faire entrer les collectivités territoriales dans le XXIe siècle est d’autant plus forte qu’elle s’appuie sur notre expérience et sur notre histoire républicaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Borgel.

M. Christophe Borgel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’opposition nous a prévenus : au cours de ce débat, elle va se répéter. Elle va se répéter, nous a-t-on dit, et répéter ses arguments…

M. Guillaume Larrivé. Pour l’instant, c’est M. Borgel qui se répète !

M. Christophe Borgel. …pour tenter de nous convaincre. Nous aussi, mon cher collègue Larrivé, nous répèterons les principes qui animent ce projet de loi.

M. François Sauvadet. Il le faut !

M. Christophe Borgel. Ces principes sont simples : la parité – enfin ! – et la proximité – toujours ! Vous nous avez invités à débattre : allons donc au fond du sujet. Plutôt que de vous entendre dénoncer des « tripatouillages » et des « charcutages » et porter des accusations sans fondements, j’aurais aimé vous entendre proposer un autre mode de scrutin, qui garantisse au moins un peu la parité et qui assure un peu plus de proximité.

M. François Sauvadet. Cette autre solution, ce serait l’introduction d’une dose de proportionnelle !

M. Christophe Borgel. La vérité, chers collègues, c’est que pour vous, la parité, c’est toujours demain ! Vous nous dites en somme, dans ce débat : la loi pose déjà l’objectif de parité, mais elle ne nous oblige pas à l’appliquer. Repoussons donc, une fois de plus, cette affaire aux calendes grecques ! Certains montent à la tribune, comme cela a été le cas il y a quelques instants, pour nous expliquer qu’il ne faut absolument pas poursuivre cet objectif ! D’autres nous expliquent qu’il sera difficile de trouver des candidates dans les campagnes.

M. Laurent Furst. Eh oui !

M. Christophe Borgel. Certains se risquent à des comparaisons. En voici une, mon cher collègue Furst : dans cette assemblée, le groupe SRC compte 37,5% de députés femmes, contre moins de 23% pour le groupe UMP !

M. Laurent Furst. Quelle différence ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC). Elle n’est que de cinq points !

M. Bernard Roman. Elle est de 50% !

M. Christophe Borgel. La différence est majeure, c’est le moins qu’on puisse dire ! Il y a plus de quinze points de différence : je vous prêterai une calculette !

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Vous ne savez pas compter !

M. Christophe Borgel. Sur ce premier point, les choses sont claires. Si vous voulez aller au fond du débat, proposez-nous donc un autre mode de scrutin qui assure la parité, tout en améliorant l’ancrage territorial de proximité des élus dans les départements ! C’est là notre volonté ; nous la maintenons.

J’évoquerai un deuxième élément : ne vous abritez pas derrière la prétendue volonté d’écraser les territoires ruraux que vous croyez discerner dans l’action du Gouvernement. Je m’adresse à ceux qui ont participé aux travaux de la commission des lois : la question de la proximité est cruciale. Le procès que vous nous faites, au cours de cette discussion générale, est un mauvais procès. Au cours des travaux de la commission des lois, nous avons échangé avec M. le rapporteur et M. le président de la commission, pour savoir comment concilier au mieux deux exigences : l’exigence de représentation de la ruralité, dont la démographie est moins forte que celle des zones urbaines, et l’exigence constitutionnelle d’un découpage électoral essentiellement basé sur la démographie. Le rapporteur a entendu des députés élus de territoires ruraux, siégeant sur tous les bancs de cette assemblée, soulever cette question devant lui. Je crois que M le rapporteur nous proposera, au cours de ce débat, un chemin pour atteindre un meilleur équilibre.

Il est dommage que notre collègue Marleix ne soit pas là pour entendre ce qui suit. Il y a à l’heure actuelle, dans la circonscription de Carole Delga – à laquelle je succède à cette tribune –, quatorze cantons et donc quatorze conseillers généraux. Ce nombre reste le même quel que soit le mode de scrutin considéré : celui qui avait été envisagé par la loi sur le conseiller territorial, celui qui est en vigueur actuellement, et le scrutin binominal que nous proposons. Mais si ce projet de loi était adopté, il y aurait demain entre six et huit conseillers généraux, qu’ils soient élus dans des cantons avec des binômes ou dans des cantons uniques. Ce n’est pas l’effet de la volonté du Gouvernement : notre Constitution le commande ! Le découpage électoral doit en effet être basé avant tout sur la démographie.

Vous nous avez dit que cette réforme vous désavantageait, car les zones rurales penchent plutôt à droite, alors que les zones urbaines penchent plutôt à gauche. Cela n’est pas toujours vrai : dans le Gard, Nîmes est à droite et les cantons ruraux à gauche ; c’est également le cas dans l’Hérault, où Béziers et Sète sont à droite et les cantons ruraux à gauche ; dans le Vaucluse, où Avignon est à droite ; dans les Pyrénées-Orientales, avec Perpignan ; dans le Tarn, avec Albi ; dans le Tarn-et-Garonne, avec Montauban ; et dans les Hautes-Pyrénées avec Tarbes. Chers collègues, quand on veut faire une démonstration, il faudrait mieux l’étayer…

Enfin, vous nous accusez de « charcutage » et de « tripatouillage ».

M. François Sauvadet. Eh oui ! Car c’est bien de cela qu’il s’agit !

M. Christophe Borgel. J’aurai la charité de ne pas insister sur ce que vous avez fait en la matière. Qu’il me suffise de rappeler le découpage électoral de la Somme, où vous avez, pour qu’il n’y ait qu’une seule circonscription à gauche, relié par un couloir la vallée du textile, les quartiers nord d’Amiens, et les bureaux de vote de gauche d’Abbeville !

M. Bernard Roman. C’était scandaleux !

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le député.

M. Christophe Borgel. Je termine, madame la présidente.

Voulez-vous que je rappelle comment vous avez détaché quatre bureaux de vote du canton de Toulouse-9, les bureaux de Saouzelong, afin qu’au moins une circonscription de ce département élise un député de droite, sans quoi elles auraient toutes choisi un représentant de gauche, ce qui a d’ailleurs permis à notre collègue Moudenc d’être élu ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il connaît bien le sujet !

M. Christophe Borgel. Ne nous donnez donc pas de leçons sur ce terrain-là ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, il y a un immense inconvénient à intervenir le dernier dans la discussion générale : c’est que tout a été dit. Il y a également un immense avantage : c’est que l’on peut tout commenter. Je m’autoriserai donc quelques commentaires.

D’abord, je voudrais évoquer la mémoire d’un ancien député. Nous allons changer le nom du conseil général, pour le transformer en conseil départemental. Depuis quinze ans, contre l’avis des gouvernements de gauche et de droite, un parlementaire, Bernard Derosier, proposait lors de la discussion de chaque texte législatif sur les collectivités territoriales de donner au conseil général le nom de conseil départemental. Il a enfin gain de cause, bien qu’il ne siège plus à l’Assemblée nationale.

Deuxièmement, je ne comprends pas bien de quelle inégalité souffriraient les secteurs non urbains. Le Président de la République a résumé simplement les objectifs de l’exercice auquel nous nous livrons : l’ancrage territorial et la parité. Les conseils généraux sont les derniers lieux, dans la démocratie française, dépourvus de dispositif incitant à la parité ou sanctionnant l’absence de parité. Il n’y a pas de sanctions financières, ni d’obligation légale concernant la présence de femmes.

Il y a, pour arriver à la parité, deux solutions : la proportionnelle…

M. François Sauvadet. Eh oui ! Pourquoi pas la proportionnelle ?

M. Bernard Roman. Permettez, monsieur Sauvadet, que je poursuive mon raisonnement.

La proportionnelle permet que les listes présentées respectent la parité. C’est le cas dans toutes les autres collectivités territoriales : dans les villes de plus de 3 500 habitants aujourd’hui, dans celles de plus de 500 habitants demain, et dans les régions. Mais si l’on s’attache, en même temps qu’à la parité, à une meilleure couverture du territoire, alors le mode de scrutin proportionnel fait courir un risque immense. On le voit bien avec la composition actuelle des listes pour les élections régionales : des parties entières du territoire régional ne sont pas représentées par des élus – qu’ils soient UMP, centristes ou de gauche. Cela relève, certes, de la responsabilité des partis. On voit cependant, à la lumière ce qui se passe dans les régions, que l’on n’a pas réussi à conjuguer la recherche de la parité et celle d’une bonne couverture territoriale. Le mode de scrutin que nous proposons permettra mécaniquement d’atteindre ces deux objectifs.

Le scrutin binominal est, certes, une invention.

M. François Sauvadet. Ça oui !

M. Bernard Roman. Il permet au moins d’assurer qu’il n’y aura pas un centimètre carré des départements qui ne sera pas représenté à l’assemblée départementale, puisque les découpages couvriront l’ensemble du département, ce qui n’aurait pas été le cas avec la proportionnelle.

Je ferai une deuxième observation, concernant la parité. J’ai eu l’immense chance d’être le rapporteur du texte qui prévoyait l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats et aux fonctions politiques, en 2000. On entendait déjà, à l’époque, des arguments semblables à ceux qui ont été défendus hier à cette tribune. Selon ces arguments, l’exigence de parité dans l’établissement des listes aux élections communales devait aboutir à l’exclusion d’un certain nombre d’hommes, qui pourtant n’avaient pas démérité ; de plus, dans certaines communes, on prédisait qu’il serait impossible de trouver assez de femmes pour constituer les listes. Or, un an plus tard, tout le monde trouvait normal que les villes de plus de 3 500 habitants soient dirigées par des conseils municipaux comptant autant d’hommes que de femmes ! Cela n’a jamais été une épreuve, mais simplement la concrétisation de l’égalité devant la capacité à se présenter à une élection. Cela n’a posé aucun problème : personne, aujourd’hui, ne considère que les modes de scrutin des élections européennes, régionales et municipales posent problème, alors qu’ils aboutissent à l’élection d’un nombre égal d’hommes et de femmes. Eh bien, à l’avenir, cette situation prévaudra également dans les départements et toutes les communes de plus de 500 habitants.

Monsieur le ministre, une seule question se pose : nous ne savons pas avec certitude quelle relation se nouera entre les citoyens et le binôme qu’ils auront élu. Cela ne remet en rien en cause ce choix, qui est à mon sens le meilleur. La pratique de la démocratie française permet de connaître la nature du rapport qui se noue entre les citoyens et les élus au scrutin uninominal, ainsi que celle du rapport entre les citoyens et les élus de liste, qui est d’abord un rapport d’adhésion à la tête de liste. En revanche, on ignore quelle sera la nature de la relation entre les citoyens et les binômes d’élus. Le texte impose une solidarité entre les deux membres du binôme pendant toute la période électorale. Cette solidarité durera-t-elle ? Et si oui, sous quelle forme ?

Un certain nombre de questions qui en découlent seront jugées par les tribunaux au cours du temps. Quelle est la nature de la solidarité institutionnelle entre les deux personnes composant le couple de candidats ?

M. Gérald Darmanin. Le divorce !

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Bernard Roman. Je conclus, madame la présidente.

M. François Sauvadet. Ce que disait M. Roman était pourtant intéressant, pour l’instant !

M. Bernard Roman. Je vous remercie, monsieur Sauvadet. Une vraie question se pose quant à la nature de cette solidarité. Si, par exemple, l’un des deux élus est frappé d’inéligibilité en cours de mandat, quels seront les effets sur le deuxième ? La solidarité jouera-t-elle toujours ? Devons-nous laisser aux tribunaux le soin de gérer cette situation, ou faut-il légiférer ? En effet, il ne s’agit ni d’une démission ni d’un décès, mais d’une décision de justice qui frappe d’inéligibilité.

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le député !

M. Bernard Roman. De telles questions se poseront. Je pense, monsieur le ministre, que cette invention d’un nouveau mode de scrutin est la bonne réponse aux deux critères fixés par le Président de la République : la parité et la représentativité des territoires et des populations.

Dans ces conditions, je ne vois pas comment, sans modèle alternatif, on pourra s’opposer à cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale commune est close.

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs, j’ai évidemment écouté avec beaucoup d’intérêt les interventions des orateurs inscrits dans la discussion générale. Je ne doute pas un seul instant qu’elles se prolongeront lors de l’examen des articles et des amendements. Je remercie, d’ores et déjà, mais j’y reviendrai, les nombreux orateurs qui ont apporté leur soutien au projet de loi. J’ai également entendu les arguments répétitifs de l’opposition, mais je comprends sa volonté d’insister. J’y ai déjà largement répondu lors des débats qui se sont déroulés à l’occasion de l’examen des motions de procédure. Ce sera le cas s’agissant de Paris, monsieur Goujon et je vous répondrai, bien entendu, de nouveau, sans trop abuser du temps de l’Assemblée.

Je veux évidemment remercier M. Da Silva, qui a souligné avec clarté et conviction combien ce projet s’inscrivait dans une démarche de modernisation de la démocratie locale. M. Savary vient également de le faire avec force arguments.

Mmes Dumont, Delga, Coutelle et Crozon ont rappelé que ce sont toujours les gouvernements de gauche qui ont fait progresser la parité. M. Roman vient d’en rappeler la genèse. Cela montre bien que sur cette question – mais chacun doit assumer ses convictions et ses arguments – il y a incontestablement une différence.

M. François Sauvadet. Ce n’est pas vrai !

M. Manuel Valls, ministre. Il y a ceux qui en parlent et qui la mettent en œuvre, et ceux qui s’y disent favorables, mais qui, à chaque fois, reculent devant l’obstacle.

M. Calmette a été très pertinent dans son intervention d’élu d’un département rural pour montrer, chiffres à l’appui, que le scrutin binominal était mieux adapté à son département que le conseiller territorial. Mme Delga l’a également évoqué. J’ai bien noté son souhait de ménager des exceptions à la règle de l’article 23 du projet ; Mme Marie-Lou Marcel l’a aussi demandé. L’Aveyron rejoint, de ce point de vue comme d’autres, l’Ariège et le Cantal. La Haute-Garonne, par la voix de Mme Delga, a elle aussi mentionné cette question. Nous devrons examiner, notamment lors de la discussion de l’article 23, les amendements qui permettront de progresser sur cette question, qui me paraît tout à fait légitime. M. Gilles Savary l’a aussi évoquée lorsqu’il a cité la Gironde. Je vous invite, au-delà des effets de tribune, à sortir de ce débat opposant l’urbain et le rural. La démonstration de M. Borgel, il y a un instant, sur la réalité politique de nos départements a été, je le crois, la meilleure illustration d’un faux débat entre la majorité et l’opposition. Ici, comme dans les conseils généraux, monsieur Sauvadet, vous ne pouvez donner aucune leçon s’agissant de la réalité locale !

M. François Sauvadet. Vous ne pouvez pas donner de leçon comme vous venez de le faire !

M. Manuel Valls, ministre. Chacun représente un territoire urbain, pour ce qui est de M. Goujon ou rural, s’il s’agit de vous, monsieur le président Sauvadet ! Nous pouvons nous écouter. Je n’ai pas eu l’occasion, hier, d’entendre toute votre intervention, mais j’en ai pris connaissance. J’ai surtout constaté vos nombreuses interruptions lors des interventions des uns et des autres. Comme nous allons passer un certain temps ensemble, je vous invite, monsieur Sauvadet, si c’est possible, à respecter les orateurs et, en tout cas, le ministre quand il s’adresse à vous !

M. François Sauvadet. Je vous invite à nous respecter !

Mme la présidente. Monsieur Sauvadet !

M. Manuel Valls, ministre. Je respecte, pour ma part, vos engagements et votre parole quand vous intervenez, ici, à l’Assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Restez calme, monsieur le ministre !

M. Manuel Valls, ministre. Mme Appéré a, elle aussi, illustré avec une grande précision le fonctionnement du binôme durant le mandat. Elle a justement souligné la nécessité d’un redécoupage auquel tout gouvernement aurait été confronté. En répondant, tout à l’heure, lors de la séance des questions au Gouvernement, à une question de M. Larrivé, j’ai rappelé que, de toute façon, sauf à mettre en œuvre, mais ce n’est pas ce que proposait l’opposition, un scrutin départemental majoritaire de liste, il fallait procéder à un découpage, que ce soit avec le conseiller territorial, en maintenant le statu quo, ou évidemment avec ce scrutin binominal.

Je remercie également Mmes Chapdelaine et Pires-Beaune qui ont rappelé les principes fondamentaux de la démocratie locale et la nécessité d’une réforme. De ce point de vue, M. Savary a apporté des arguments très importants sur la modernisation de ce mode de scrutin. Comme j’ai eu l’occasion de le souligner également dans mon intervention préliminaire, il a précisé qu’il y aurait, maintenant, une série unique. À chaque fois, d’ailleurs, que la gauche a voulu moderniser le conseil général, grâce, par exemple, à la série unique, la droite, redevenue majoritaire, a remis ce système en question. Nous avons, là, avec la série unique et avec le scrutin binominal qui permet la proximité et la parité, un scrutin moderne qui préserve le département et cette proximité et qui met surtout en œuvre, vous l’avez les uns et les autres souligné, la parité.

Mme Descamps-Crosnier et M. Cottel ont su mettre en perspective ce projet et ont rappelé que ce texte est aussi une confirmation du rôle des départements. Ici, sur ces bancs, moi compris, nous avons pu nous interroger sur l’avenir des départements. Le Président de la République, alors candidat à l’élection présidentielle, a un fait choix et l’a renouvelé à l’occasion des états généraux organisés par le Sénat : celui de préserver le département et son rôle dans la République, d’où résultent l’abrogation du conseiller territorial et la mise en place de ce scrutin binominal.

M. Borgel a très bien rappelé que l’UMP n’avait présenté aucun contre-projet permettant de préserver cette proximité et de mettre en œuvre la parité. De ce point de vue, ses arguments, comme ceux de Bernard Roman, étaient tout à fait pertinents.

M. Vincent Feltesse, dont nous connaissons tous l’attachement à la dynamique intercommunale, a souhaité que le Gouvernement aille plus vite dans cette voie. Je crois, et je le répète, qu’il faut, parfois, ménager des étapes pour garantir un bon aboutissement. M. Rémi Pauvros a d’ailleurs rappelé ces différentes étapes, ainsi que la genèse et la « jeunesse » de cette intercommunalité. Vous avez rappelé votre foi dans le développement intercommunal, foi partagée par de nombreux élus et parlementaires. Nous savons que l’intercommunalité représente, dans les territoires urbains et ruraux, une force de solidarité et de développement qui continuera progressivement son chemin. La question du suffrage universel direct se posera bien évidemment. Le fléchage est, là aussi, une première étape. Il convient de gérer le temps, la maturation de ces institutions.

Je remercie MM. Molac et Coronado pour leur soutien au projet de loi. J’ai bien noté leur volonté d’aller plus loin dans le sens de la proportionnelle. Vous savez que le Gouvernement a choisi, pour le département, de préserver une logique d’ancrage territorial et majoritaire. J’ai bien noté leur soutien au développement des intercommunalités. Ils ont aussi, pour leur part, constaté que le Gouvernement avait fait un pas vers eux en acceptant d’étendre le scrutin de liste – nous y reviendrons à l’occasion de l’examen des amendements – aux communes de 500 habitants, ce qui permet, là aussi, comme Bernard Roman et d’autres l’ont souligné, que la parité soit désormais une réalité dans ces communes.

Je veux saluer l’intervention de M. Tourret, tard hier soir. Avec talent, il nous a tous fait voyager, ce qui était bien utile, dans l’histoire politique de notre pays, et notamment de sa région, la Normandie, en compagnie de Lucien Leuwen et de Stendhal. Nous étions tous plongés dans la confrontation des républicains radicaux et de l’aristocratie normande, puis la victoire des républicains. Je salue, monsieur Tourret, votre engagement en faveur de la parité et, surtout, votre volonté – et cela rejoint ce que je disais voici un instant – de concilier les rats des villes et les rats des champs, comme votre radicalisme concilie la tradition républicaine et la modernité ! Tel est le sens du rassemblement qui vous anime en permanence. Nous aurons l’occasion d’en discuter lorsque vous présenterez vos amendements. C’est bien cela, au fond, la tradition républicaine. Les cantons, comme les départements, sont au cœur de cette histoire de la République. Nous les préservons, mais ils doivent être modernisés. Je fais évidemment miens vos arguments.

M. Dolez a rappelé ses convictions, que nous connaissons bien, s’agissant de la proportionnelle et de la défense des communes contre l’intercommunalité, même s’il a, peut-être, comme chacun d’entre nous, évolué en la matière !

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Manuel Valls, ministre. J’ai, en tout cas, été très sensible, monsieur Dolez, au ton constructif de votre intervention argumentée. Je souhaite, au cours du débat, mettre en valeur l’ensemble des aspects progressistes de ce projet. Je veux vous dire, encore une fois, aujourd’hui, monsieur Dolez, notre attachement à la commune. Partager cette volonté de construire l’intercommunalité, débat qui date de vingt ans, ne peut pas être conçu comme une remise en cause de la commune. Vous que je sais très attaché à l’expression directe des habitants – j’allais dire des militants…

M. Marc Dolez. C’était dans une vie antérieure ! (Sourires)

M. Manuel Valls, ministre. …attaché, dis-je, à l’expression directe des habitants et au rôle qu’ils ont à jouer dans l’intercommunalité, je vous invite à écouter nos arguments sur ce sujet.

J’ai aussi entendu un certain nombre d’interventions d’un autre type, évidemment.

M. Favennec, lui aussi fort de son expérience, nous a chanté la gloire des cantons mayennais. Il nous a surtout dit que rien ne devait changer !

M. Verchère a abusé des facilités de vocabulaire : il a parlé de « ruralicide » et d’intentions machiavéliques. Pour lui aussi, il faut surtout que rien ne change ! Il a eu tort, je le crois, de présenter les conseillers généraux, aujourd’hui comme demain, comme étant uniquement des décideurs, des gestionnaires d’un espace, considérant le conseiller général au même titre que le maire. Je conçois l’idée selon laquelle le conseiller général a évidemment une fonction d’animation d’un territoire. Il est d’ailleurs souvent maire ou président d’une intercommunalité, d’un syndicat intercommunal, mais il est, d’abord, élu d’un territoire, où c’est le conseil général qui gère et conduit les politiques de solidarité sociale ou territoriale.

M. Mariani nous a adressé des félicitations. Je salue, pour ma part, son imagination et je suis certain que sa situation d’élu des Français de Chine et de Russie en fait, désormais, un expert des réalités cantonales dans ces grands pays !

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est un peu facile !

M. Manuel Valls, ministre. C’est un tout petit peu de facilité, mais vous en avez eu quelques-unes ! Permettez-moi de vous rejoindre de temps en temps ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Comme nous allons passer de longs moments ensemble, je pense que les uns et les autres ne manqueront pas d’y sombrer parfois et, je l’espère, avec le sourire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Furst a affiché une position originale, je l’ai en tout cas comprise ainsi. Il est favorable au fléchage et au scrutin de liste et hostile à la parité. J’imagine que, d’ici à la fin de la discussion, il devrait, d’une manière ou d’une autre, nous retrouver sur ce texte.

Je veux répondre à MM. Sauvadet et Morel-A-L’Huissier. Ne le prenez pas mal, monsieur Sauvadet, mais…

M. François Sauvadet. Je vous répondrai tout à l’heure !

M. Manuel Valls, ministre. …vous avez d’abord, semble-t-il, nié qu’il y ait eu une phase de concertation sur ce projet.

M. François Sauvadet. Oui !

M. Manuel Valls, ministre. De ce point de vue, vous avez tort.

M. François Sauvadet. Non !

M. Manuel Valls, ministre. Cette phase de concertation, si elle ne nous a pas mis d’accord, a été, de mon point de vue, intéressante. J’ai, pour ma part, bien noté les débats qui existaient aussi au sein de la délégation de l’UDI que j’ai rencontrée. Monsieur Sauvadet, vous êtes président d’un conseil général où l’écart entre le plus grand et le plus petit canton, entre Dijon-2 et Grancey-le-Château, varie d’un à trente-trois. Pensez-vous, sérieusement, qu’il est normal et juste que l’on imagine de rester dans cette situation ? Non ! Il faut donc changer, et le désaccord porte sur la nature de ce changement. Nous vous proposons, quant à nous, une solution conciliant proximité et parité. Dans vos interventions, vous avez décrit notre pays d’une manière qui donnait l’impression que le département était destiné à représenter exclusivement la ruralité, que les villes n’y avaient pas leur place et peut-être même qu’elles n’existaient pas ! Je suis élu d’un département, l’Essonne, où un espace rural très important jouxte un espace urbain situé dans la zone dense de la région Île-de-France. Nous vivons avec ces deux réalités. Contrairement à ce que j’ai entendu, les conseillers généraux élus dans nos villes sont connus des électeurs. Le premier adjoint de la ville dont j’étais le maire, et qui en est maire aujourd’hui, était, au-delà des scores qui étaient les siens, connu pour son engagement, sa proximité et sa capacité à représenter les électeurs. Le président du conseil général de l’Essonne, M. Guedj, est un élu de Massy apprécié et connu de ses électeurs ! Qu’est-ce que cette idée selon laquelle les conseillers généraux des territoires urbains ne seraient pas connus et seraient uniquement élus en fonction de leur étiquette politique ?

Je peux prendre toute une série d’exemples, y compris dans la ville de Chilly-Mazarin, où, pendant trente ans, le maire, conseiller général, a été élu sur ces bases alors que les élections nationales étaient favorables à la droite.

Plusieurs députés du groupe UMP. Il était maire !

M. Manuel Valls, ministre. Il était maire et conseiller général, il est aujourd’hui conseiller général et a la confiance de ses concitoyens.

N’opposez pas en permanence les uns et les autres, ce qui est une manie de la droite française, et, en l’occurrence, les territoires urbains et les territoires ruraux, parce que ce n’est pas ça la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Elle est diverse et nous sommes attachés à cette diversité. Nous sommes attentifs à la ruralité et la meilleure réponse à vos arguments – la mise en cause de la ruralité, de la représentation des territoires ruraux, et l’impossibilité d’y faire élire des femmes –, vous a été fournie cet après-midi par des parlementaires femmes élues de proximité de territoires ruraux. Vos interventions, mesdames, ont démontré le contraire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Nous sommes attentifs à la ruralité, à la diversité des territoires, nous aurons l’occasion de le montrer dans le débat sur les amendements, mais également aux réalités démographiques. Je l’ai indiqué au Sénat, je suis très attentif à l’argument sur l’importance des cantons en termes de kilomètres carrés ou en termes de communes. C’est vrai pour les îles, les montagnes, les territoires ruraux. Je connais la capacité du rapporteur à faire avancer les débats sur ces questions, nous examinerons avec attention les amendements des uns et des autres.

Je ne doute pas que nous puissions trouver un accord à partir du moment où nous acceptons le scrutin binominal mais, en même temps, comme le soulignait M. Borgel, le principe constitutionnel, c’est que ce sont les électeurs qui déterminent les élus.

Prenons donc la France dans sa diversité, avec son histoire qui bouge et sa géographie qui évolue. Les départements ne sont pas des conservatoires, vous le savez bien. Ils portent une grande partie de la dynamique de notre pays. Avec ce mode de scrutin, fidèles au fond à Fernand Braudel, nous voulons inscrire dans le texte cette unité et cette diversité. C’est ce que nous devons incarner si nous voulons préserver le département.

Je comprends tous les arguments politiques, et, sur le découpage, Christophe Borgel a rappelé à quel résultat nous étions arrivés avec une commission indépendante et une haute personnalité à sa tête. À partir du moment où un découpage est nécessaire, il faut des règles. Ces règles nous viennent du Conseil d’État. Elles doivent être enrichies par notre débat parlementaire. Chaque proposition de découpage, pour chaque département, sera adressée au Conseil d’État. Il va recueillir un avis de chaque conseil général, et il faudra en tenir compte.

Nous veillerons tous à l’équilibre des territoires et à l’équilibre démographique. Procéder à un tel découpage est évidemment une entreprise particulièrement importante et délicate, mais elle aurait été également nécessaire si vous aviez voulu garder le statu quo, et je n’accepte pas les accusations de tripatouillage et de charcutage, notamment de la part de ceux qui s’y sont livrés pour le scrutin législatif, c’est-à-dire pour la représentation du peuple à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet, pour un rappel au règlement.

M. François Sauvadet. Mon intervention se fonde sur l’article 58.

Très sincèrement, monsieur le ministre, je regrette vraiment la tonalité que vous venez de donner au début de nos travaux. Je sais qu’un ministre de l’intérieur fait preuve d’une grande autorité, mais nous sommes ici au Parlement et l’opposition est fondée à poser des questions sur un mode de scrutin qui va bouleverser considérablement le système de représentation dans nos départements.

Cette caricature permanente à laquelle vous vous êtes livré, en vous adressant d’ailleurs davantage à la gauche qu’en répondant aux questions que se posent les Français, les élus locaux, sur ces modifications, n’augure pas le débat serein que nous devrions avoir, même si nous avons des désaccords que nous avons d’ailleurs déjà pu constater dans la discussion. Je vous invite donc à répondre, en tant que membre du Gouvernement et représentant ce gouvernement, aux questions légitimes que nous nous posons tous sur le fonctionnement que vous allez proposer avec ce nouvel hybride.

Vous vous livrez sans cesse à une caricature sur une remise en cause de la parité. Si vous aviez été si vertueux à gauche partout où vous avez des responsabilités, et notamment dans les conseils régionaux, où les scrutins de liste garantissent la parité, vous auriez pu montrer l’exemple et faire élire autant d’hommes que de femmes.

Mme la présidente. Monsieur Sauvadet, je ne vois pas de rappel au règlement dans votre intervention.

M. François Sauvadet. C’est un rappel au règlement sur la façon dont se déroulent nos débats. Je demande simplement, en tant que vice-président de mon groupe, que nous soyons respectés lorsque nous posons des questions, que le ministre arrête de caricaturer et de ne pas répondre en nous accusant d’être rétrogrades.

Pour la parité, monsieur le ministre, nous n’avons pas de leçons à recevoir. J’étais membre d’un gouvernement qui a imposé par un vote unanime ici la juste représentation dans la haute fonction publique et si, demain, vous devez désigner avec le Gouvernement 40 % de préfètes, vous le devrez à la loi que j’ai fait voter avec le gouvernement auquel j’appartiens.

Les leçons, il y en a assez. Ce que je demande simplement, c’est un débat serein, avec une opposition qui vous pose des questions parce que c’est de l’avenir du pays qu’il s’agit.

Discussion des articles
(projet de loi ordinaire)

Mme la présidente. J’appelle en premier lieu, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

Avant l’article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 776.

M. Gérald Darmanin. Puisque Thierry Mariani n’est pas là pour vous répondre, monsieur le ministre, je vous dirai que je n’ai pas bien compris votre attaque envers les députés des Français de l’étranger.

Mme la présidente. Monsieur Darmanin, je vous ai donné la parole sur l’amendement n° 776. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérald Darmanin. Madame la présidente, je dis ce que je veux pendant les minutes qui me sont accordées.

M. Philippe Cochet. La parole est libre !

M. Gérald Darmanin. Je défends mon amendement comme je l’entends. Cela vous choque peut-être que l’opposition puisse parler, mais c’est encore l’un des derniers espaces de liberté des parlementaires.

Monsieur le ministre, c’est sans doute le fait que deux députées des Français de l’étranger PS aient été déclarées inéligibles qui vous rend si nerveux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je souhaite l’abrogation du conseiller départemental, d’abord parce que je suis opposé à la réforme que vous présentez au Parlement. Le conseiller territorial, fusion du conseiller général et du conseiller régional, était une bonne chose et, même si je suis peut-être minoritaire dans mon groupe, je suis personnellement pour la suppression du département.

Sans doute faut-il y réfléchir pour les territoires les plus ruraux mais, de manière générale, je considère, et c’est mon droit, que le département est une strate supplémentaire, que nous ne sommes plus à la Révolution française et que les régions peuvent désormais prendre en charge ses compétences, avec les intercommunalités pour ce qu’il y a de plus proche. Cela clarifierait les compétences de ces collectivités, aiderait les citoyens à savoir quel élu fait quoi et permettrait de faire des économies d’échelle.

Mme la présidente. Je vous rappelle, monsieur Darmanin, qu’en application de l’article 54, alinéa 6, vous n’avez pas le droit de vous écarter de la question qui est en cours de débat. Vous devez donc vous en tenir à la défense de l’amendement.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cet amendement inaugure le concours Lépine d’un certain nombre d’autres que nous aurons le plaisir d’examiner au cours du débat.

Je vous précise, monsieur Darmanin, qu’il ne supprimerait pas le département. Il modifierait simplement le titre Ier du projet, dont l’intitulé serait non plus « Dispositions relatives au conseil départemental » mais « Abrogation du mandat de conseiller départemental ».

Il va de soi que, le projet de loi ayant pour vocation de conforter la collectivité territoriale qu’est le département dans ses missions de proximité et de solidarité, missions d’autant plus indispensables en ces temps de crise, la commission a repoussé cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Défavorable.

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix…

M. Guillaume Larrivé. Je vous ai demandé la parole, madame la présidente.

Mme la présidente. Vous l’avez, monsieur Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Souffrez, madame la présidente, que l’opposition s’exprime.

Mme la présidente. Je n’avais pas vu, monsieur le député, que vous aviez demandé la parole.

M. Guillaume Larrivé. D’une part, les orateurs de l’opposition ont encore le droit, dans notre République, de présenter leurs amendements et, d’autre part, les groupes ont le droit de donner leur avis après que le rapporteur et le ministre se sont exprimés.

L’article 1er est tout à fait symbolique de cette contre-réforme. Gaston Defferre, à votre place, il y a plus de trente ans, monsieur le ministre, avait présenté une grande loi sur la décentralisation et vous, vous nous présentez une loi dont l’article 1er, fondateur, la pierre angulaire de la réforme, consiste à modifier un adjectif et à appeler le conseiller général conseiller départemental. C’est tout de même un peu court comme vision de l’organisation des collectivités locales. C’est une modification parfaitement cosmétique qui traduit une chose : le Gouvernement n’a pas les idées claires quant à l’organisation territoriale.

Le Gouvernement est incapable de nous dire quel rôle il veut confier au département. La seule chose qu’il propose, c’est de changer le nom du conseiller général et, par ailleurs, de manipuler le mode de scrutin. C’est très regrettable et nous voterons donc l’amendement de M. Darmanin.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. D’abord, les mots peuvent avoir leur importance puisque, dans le texte de 1982 auquel vous faisiez référence, grand texte, vous avez eu raison de le rappeler, un mot essentiel avait été supprimé, celui de tutelle, tutelle que l’État exerçait sur les collectivités territoriales.

Ce texte a une ambition. Après l’abrogation du conseiller territorial, et au-delà des points concernant l’intercommunalité ou le conseil de Paris, il vise à instaurer le scrutin binominal. Mme Lebranchu présentera ensuite un projet proposant une nouvelle phase de la décentralisation. Ne faites donc pas de celui-ci ce qu’il n’est pas. Il a un objectif bien précis, instaurer le scrutin binominal, adapter l’intercommunalité et prendre en compte les évolutions démographiques de Paris.

C’est un texte électoral, bien évidemment, et il faut l’assumer, puisque nous ne souhaitions pas garder le conseiller territorial et qu’il fallait donc intervenir, à moins d’inventer autre chose. Je ne vois pas d’ailleurs très bien ce que vous proposez, sinon rester au conseiller territorial, ce qui vous honore. C’est logique mais ce n’est pas le choix qui a été le nôtre. Nous proposons un texte électoral, c’est tout à fait normal, c’est dans les prérogatives du Gouvernement et du Parlement.

(L’amendement n° 776 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 272 et 649.

La parole est à M. Dominique Le Mèner, pour défendre l’amendement n° 272.

M. Dominique Le Mèner. La dénomination de conseil général est importante puisqu’il s’agissait à l’origine du conseil général des communes du département. Elle est tout à fait compréhensible et on voit mal pourquoi il faudrait la changer, à moins que, comme je le soulignais hier soir, il ne faille y voir à terme une volonté délibérée d’amoindrir le rôle du département. Vous diminuez le nombre de territoires présents et représentés au sein du conseil général et votre objectif final est donc bien de faire disparaître le département au profit des conseils régionaux, dont les compétences seront à n’en pas douter élargies dans les prochains textes que vous nous soumettrez.

Vous avez souhaité tout à l’heure faire preuve d’ouverture sur un certain nombre de sujets dans un souci de consensus ; nous attendons les preuves.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Moudenc, pour défendre l’amendement n° 649.

M. Jean-Luc Moudenc. Franchement, personne ne demande que l’on change « conseiller général » par « conseiller départemental ». Il y a d’autres priorités, y compris sur le terrain de la décentralisation.

Le Gouvernement a fait le choix de diminuer de manière drastique les dotations de l’État. Que n’a-t-on entendu ces dernières années dans toutes les assemblées locales lorsque le gouvernement de François Fillon a entamé un processus à des hauteurs beaucoup plus modestes !

M. Patrick Lemasle. Sarkozy avait prévu plus !

M. Jean-Luc Moudenc. À présent, c’est le silence radio dans toutes les collectivités dirigées par la majorité, alors même que le Gouvernement a annoncé son intention de diminuer les budgets, non de 200 millions, comme c’était le cas en 2011, mais de 750 millions. Il prévoit même, le ministre nous l’a appris la semaine dernière, de doubler cette contribution, c’est-à-dire d’abaisser sa dotation de 1,5 milliard en 2014, avec reconduction en 2015. Depuis que la décentralisation a été lancée, à l’époque de Gaston Defferre, jamais aucune majorité, aucun gouvernement n’avait fait de tels choix. Dans ce contexte, vouloir remplacer l’appellation « conseil général » par celle de « conseil départemental », c’est, alors que cela aura d’importantes répercussions sur les outils et supports de communication, quelque chose d’anecdotique. Mieux vaut mettre l’argent ailleurs.

M. Bernard Perrut. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Mes chers collègues, lorsque vous dites ne pas comprendre pourquoi il serait souhaitable d’appeler l’assemblée délibérante du département le « conseil départemental », votre dialectique m’échappe. Comme pour de nombreux autres amendements que vous présenterez, vous souhaitez conserver, alors que nous souhaitons changer. C’est pourquoi la commission a donné un avis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Défavorable. La réforme du conseiller territorial, monsieur le député, impliquait aussi un changement de nom ; nous aurions pu y opposer le même argument.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Nous assistons depuis le début à une mystification. Le Gouvernement veut nous faire croire que, parce qu’il abroge le conseiller territorial, il faudrait inventer autre chose, qui serait le conseiller départemental. C’est parfaitement faux, même si de nombreux orateurs de la majorité nous l’ont répété les uns après les autres. La preuve, c’est que vous revenez au conseiller régional sans y rien changer : ils sont parfaits puisqu’ils sont majoritairement de votre bord. Vous pourriez de la même façon vous en tenir au conseiller général. C’est ce que vous demandent beaucoup de vos propres élus dans les territoires, qui sont attachés à la ruralité. En Saône-et-Loire, par exemple, les conseillers généraux socialistes ont produit une pétition vous demandant de ne pas toucher au mode de scrutin et au conseiller général. Écoutez-les ; c’est ce que nous faisons en soutenant ces amendements.

(Les amendements identiques nos 272 et 649 ne sont pas adoptés.)

Article 1er

Mme la présidente. De nombreux orateurs étant inscrits sur l’article 1er, je serai très stricte pour le respect du temps de parole. Je n’hésiterai pas à couper la parole au terme des deux minutes accordées à chacun.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bonjour, madame la présidente : c’est un peu brutal, en guise de salutations, mais je m’en contenterai. (Sourires.)

Je profiterai de cette intervention pour exprimer une position plus générale sur le texte, n’ayant pu le faire dans la discussion générale. Comme l’ont dit nos collègues de l’UDI et de l’UMP, le système que vous proposez, en particulier à l’article 1er qui est le cœur du projet, n’est conforme ni à l’intérêt des territoires, ni au souci de proximité entre les élus et la population, ni même à l’esprit du fonctionnement de nos institutions départementales. J’évoquerai deux aspects.

Notre collègue Christophe Léonard a affirmé que la ruralité n’avait pas trouvé de réponse à ses particularismes dans le système actuel et qu’il faudrait par conséquent une représentation accrue des territoires urbains qui prenne mieux en compte les équilibres démographiques dans les départements et leur disparité. Or c’est le contraire : si, à supposer que ce soit exact, les territoires ruraux sont moins bien traités que les territoires urbains dans les départements, l’objectif que nous devrions poursuivre ensemble serait de les faire mieux et davantage représenter, de faire en sorte qu’ils soient plus présents dans les assemblées départementales, c’est-à-dire l’inverse de ce que propose le texte.

Ensuite, s’agissant du fonctionnement en binôme, avec un homme et une femme candidats ensemble à l’élection, je tiens à rappeler le propos de Catherine Coutelle et les réserves émises par la délégation aux droits des femmes. Mme Coutelle a parlé d’un dévoiement du principe de la parité ; je suis d’accord avec cette position et je regrette qu’elle n’ait pas été davantage entendue.

M. Gérald Darmanin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je voudrais revenir sur un argument très pertinent que vient d’avancer notre collègue Olivier Marleix. Vous supprimez le conseiller territorial, dont acte ; nous n’allons pas refaire un débat qui a eu lieu il y a deux ans et qui, d’une certaine manière, a été tranché lors de l’élection présidentielle. Mais dès lors que vous supprimez le conseiller territorial, vous faites bien revivre tant le conseiller régional que le conseiller élu dans les départements. Si vous ne changez rien au conseiller régional, ni le nombre, ni le mode d’élection, vous voulez en revanche totalement transformer le conseiller général, et vous prétendez non pas seulement vouloir, mais devoir refaire le redécoupage de tous les cantons, comme s’il fallait partir d’une page blanche. Nous soutenons, et nous nous efforcerons de le démontrer au fil des débats, que vous n’y êtes pas obligés. Vous pouvez parfaitement redécouper ponctuellement, dans certains départements, la carte cantonale pour réduire les écarts démographiques : c’est la jurisprudence actuelle du Conseil d’État statuant au contentieux. Vous faites quant à vous le choix de la table rase, pour des raisons de convenance. Si ce ne sont pas des raisons juridiques, c’est que ce sont exclusivement des raisons politiques.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Vous mettez souvent l’accent sur l’efficacité, monsieur le ministre. Il faut vraiment se poser la question de savoir s’il s’agit d’une réforme utile et efficace. En l’occurrence, nous avons la démonstration du contraire. Vous avez essayé de nous dire que, dans votre département, vous connaissiez très bien les conseillers généraux. Fort bien, nous aussi. Il se trouve justement qu’après votre réforme il n’y aura plus d’identification claire du conseiller général, en raison du binôme. Quand une décision devra être prise, dans certains cas un conseiller du binôme pourra soutenir un point de vue différent de l’autre. On ne saura plus à qui l’on doit parler, à l’homme ou à la femme.

M. Patrick Lemasle. Aux deux !

M. François de Mazières. Comme l’a souligné Guillaume Larrivé, vous choisissez la table rase. Dominique Bussereau a fait une très belle démonstration. Il a rappelé que son département comptait cinquante et un cantons, cinquante et un collèges, un collège par canton. Vous effacez soudain toute une histoire qui remonte à la Révolution française, au Consulat. Voulez-vous être efficaces ou bien voulez-vous un redécoupage général ? Si ce n’est pas une opération politique, suivez, alors, la suggestion de Guillaume Larrivé : établissez une commission indépendante sous le contrôle du Conseil d’État. Répondez à toutes ces questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Lemasle. Dans certains cantons il y a plusieurs collèges, et dans d’autres aucun !

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Salen.

M. Paul Salen. Nous sommes réunis en vue d’examiner un texte pour le moins surprenant. Surprenant car il concerne l’organisation des collectivités territoriales alors même, monsieur le ministre, que votre collègue Marylise Lebranchu, en charge de la décentralisation, doit piloter un texte ouvrant l’acte III de la décentralisation. Surprenant aussi par son calendrier, car nous abordons la question du mode d’élection avant même de nous intéresser à la définition des contenus et des compétences de chaque collectivité.

M. Guillaume Larrivé. Très juste !

M. Paul Salen. Vous voulez, monsieur le ministre, changer l’appellation du conseiller général en « conseiller départemental ». Depuis la création des départements, il y a eu plusieurs lois et jamais personne ne l’a fait, ou plutôt cela n’a eu lieu que sous le régime de Vichy, en 1942, quand ont été instaurés des conseillers départementaux. Je n’assimile pas votre projet à celui du maréchal Pétain,…

M. Christophe Borgel. C’est gentil, merci !

M. Paul Salen. …mais je m’interroge. Est-il judicieux de bousculer à ce point le calendrier ? Croyez-vous sincèrement que les Français attendent avec impatience un tel changement de dénomination ?

Enfin, puisque vous voulez nous interdire d’employer le mot « tripatouillage », vous me direz comment je dois interpréter les propos du président du groupe socialiste au conseil général de la Loire, auquel j’appartiens, qui m’a dit : « Avec le découpage qu’on nous prépare, vous n’aurez plus de conseillers généraux sur la ville de Saint-Étienne. » (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Depuis hier, ce texte suscite nombre de réflexions, voire de critiques, notamment sur la question du mode de scrutin. Je pense pourtant que nous aurions pu parvenir à un consensus sur l’article 1er pour rebaptiser le conseil général en conseil départemental et les conseillers généraux en conseillers départementaux, même si cette disposition présente une histoire un peu particulière pour notre Parlement. Il y a vingt ans, un amendement visait déjà à changer le nom de l’assemblée départementale ; il avait suscité certaines réticences parce que, comme cela vient d’être rappelé, sous le régime de Vichy le conseil général avait été renommé conseil départemental. Très sincèrement, je crois que de l’eau a coulé sous les ponts et que nous pouvons parvenir aujourd’hui à un consensus, tout simplement parce qu’il s’agit d’une revendication ancienne des départements. Souvenez-vous, la dénomination « conseil départemental » était l’une des principales revendications aux assises des conseillers généraux de France à Deauville en 1999.

Ce sont les mêmes raisons qui nous poussent aujourd’hui à souhaiter cette modification. Il en est deux qui sont particulièrement essentielles. Il s’agit, d’une part, d’instaurer une plus grande lisibilité pour nos concitoyens, ce dont ils sont en général demandeurs, et, d’autre part, d’établir une cohérence d’appellation avec les régions, dont les assemblées sont appelées conseils régionaux et leurs membres conseillers régionaux.

Cohérence d’appellation, donc, et en aucun cas suppression, comme j’ai pu l’entendre, de l’échelon départemental. L’ancienne majorité pensait que la modernisation de la vie politique locale passait par la suppression d’un échelon. Le conseiller territorial aurait en réalité affaibli le département, échelon républicain par excellence. La nouvelle phase de décentralisation dans laquelle nous allons entrer appelle naturellement une nouvelle phase de démocratie locale. L’article 1er en est le commencement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Dubois.

Mme Marianne Dubois. La portée de cet article 1er peut paraître mineure, voire futile, sauf qu’elle balaye d’un revers de main plus de deux cents ans de notre histoire politique et territoriale. Le 17 février 1800 ont été créés dans chaque département un préfet, un conseil de préfecture et un conseil général ; deux cent treize ans plus tard, presque jour pour jour, certains ont subitement découvert que, je cite, « malgré son ancienneté, le conseil général reste trop souvent mal identifié par nos concitoyens ». Les bras m’en tombent. Livrez-vous dans vos circonscriptions, en particulier dans les territoires ruraux, à un sondage. Questionnez nos concitoyens sur le nom de leur conseiller général : une très grande majorité vous répondra. Questionnez-les sur les conseillers régionaux : ils seront bien en peine de vous fournir un seul nom.

Plusieurs députés du groupe UMP. Tout à fait !

Mme Marianne Dubois. Lors des dernières élections régionales, dans ma région Centre, une polémique a éclaté lorsqu’un journal local a livré un sondage sur la connaissance des institutions régionales. Celui-ci montrait qu’une très grande majorité de la population de la région ignorait même le nom de son président.

M. Olivier Marleix. Eh oui ! Même le ministre ne le connaît pas, d’ailleurs !

Mme Marianne Dubois. Contrairement aux attendus de cet article, ce n’est donc pas le conseil général qui souffre d’un problème d’identification. Les conseils généraux sont avec les communes les institutions dont nos concitoyens identifient le mieux les compétences, l’action et les membres.

Avec ce projet de loi et cet article 1er, je le répète, ce sont deux siècles de l’histoire de nos territoires que vous voulez effacer. Dans une société qui manque cruellement de repères, ce simple changement de terminologie est un rude coup supplémentaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Avec l’article 1er, nous entrons véritablement dans le débat. La discussion a déjà permis d’éclaircir certaines de vos positions, monsieur le ministre. Vous avez très clairement dit qu’il s’agissait d’un texte électoral.

Aussi ce qui était auparavant présenté comme une modernisation n’est-il en réalité qu’un texte électoral, visant à modifier considérablement le mode de représentation qui assurait une juste représentativité des territoires et des villes dans les départements.

Il aurait mieux valu nous écouter et améliorer cet article 1er, afin d’essayer de corriger les inégalités territoriales à la marge, mais sans remettre en cause l’ensemble du découpage territorial.

La suppression du conseiller territorial en effet n’oblige pas à revoir l’ensemble du découpage du territoire français : nous aurions ainsi pu revenir à une situation ante quem, comme je l’ai déjà dit.

Par ailleurs, s’il s’agissait de la seule transformation du conseiller général en conseiller départemental, cela serait tout à fait acceptable, et j’ai moi-même fait cette proposition. Toutefois, cette intention en cache d’autres : je comprends donc qu’un certain nombre de mes collègues manifestent d’emblée leur opposition à cette appellation, pour laquelle je n’ai quant à moi pas de réserves.

En revanche, je suis plus que réservé sur ce que la suite annonce. Si nous parlons de « tripatouillage électoral », c’est que vous n’entendez aucun de nos arguments. Il faudrait notamment regarder les limites des circonscriptions.

Votre justification de ce « tripatouillage » par un ancrage territorial n’est pas crédible. Venez constater ses effets sur le terrain : il ne s’agit pas seulement de la suppression d’un canton sur deux, mais parfois, dans nos départements, de six voire neuf cantons sur dix !

Vous auriez dû expliquer ce projet plus tôt, car il y a eu un véritable malentendu. Si d’emblée vous aviez annoncé, au moment de la campagne, les mesures que vous comptiez prendre relativement à l’organisation territoriale, il ne fait aucun doute que le débat n’aurait pas été le même, pendant les élections.

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Ce texte est un texte à visée électorale,…

M. Gérald Darmanin. Électoraliste !

M. Olivier Marleix. …comme vient de le dire M. le ministre de l’intérieur. Vous faites croire à votre majorité, aux Français, aux 3000 conseillers généraux que vous allez renvoyer chez eux, que vous êtes obligés d’adopter ce texte, ce qui est faux.

Vous n’êtes en effet pas obligés de diviser par deux le nombre de cantons, ni d’inscrire dans la loi un tunnel de plus ou moins 20 %. C’est de votre part le choix d’une certaine brutalité : celle de vous passer de ces 3000 conseillers généraux ruraux, qui sont sans doute les élus les moins politisés et les moins impliqués dans la vie partisane – un conseiller général sur deux seulement adhère à un parti politique.

La plupart de ces conseillers sont en effet des hommes et des femmes de bonne volonté, qui viennent pour remplir un mandat local et se consacrer à leurs concitoyens, éloignés de considérations trop partisanes. Visiblement, c’est cela qui vous dérange, puisque vous préférez le modèle des conseillers régionaux, qui sont tous affiliés à un parti politique.

On ne peut que regretter votre conception de la démocratie locale. Vous allez l’éloigner des citoyens qui attendent des hommes et des femmes proches d’eux et non des élus qui ont le petit doigt sur la couture du pantalon.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Contrairement à ce qu’on a pu dire sur la dénomination, ce changement n’est pas neutre.

La fonction actuelle de conseiller général repose sur un équilibre subtil entre la représentation d’un territoire et la participation à l’assemblée départementale. Telle est la force du conseiller général ; telle est aussi la faiblesse relative du conseiller régional, qui n’est pas connu s’il n’est pas maire ou parlementaire par ailleurs.

De la même manière, le député effectue un savant dosage entre le national et le local : je suis députée de la cinquième circonscription du Doubs et membre d’une Assemblée nationale dont chaque membre représente l’ensemble de la population française.

C’est cet équilibre que votre projet de loi met à mal : le changement de dénomination n’est pas si anodin, en faisant le choix de la structure au détriment du citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Une fois de plus, le Gouvernement s’attaque avec une certaine précipitation à un sujet qui n’a rien de prioritaire pour nos concitoyens.

Existe-t-il en effet quelque urgence à recréer 1800 conseillers régionaux et à changer le nom du conseiller général en conseiller départemental, alors que notre pays, en pleine crise, compte chaque jour 1000 chômeurs supplémentaires ?

M. Gérald Darmanin. Quel décalage !

M. Dino Cinieri. C’est certain : les campagnes seront sous-représentées, tandis que les villes seront sur-représentées. Tel est le paradoxe de cette réforme.

Changer le nom du conseiller général en conseiller départemental est une mesurette inutile qui nous fait perdre du temps et de l’argent.

Il va falloir en effet refaire toutes les plaquettes de présentation et de communication, les documents officiels, les papiers à en-tête de cette instance départementale. Ne lésinons par sur les dépenses puisque nous sommes si riches !

Le conseiller général va disparaître de nos campagnes, alors qu’il était connu, reconnu et utile : il est un élu de proximité essentiel dans les petites communes.

En réalité, vous avez sans doute raison de vouloir le rebaptiser, car le conseiller départemental que vous voulez nous vendre se multipliera, lui, au contraire, dans les villes aux côtés des nombreux conseillers municipaux, urbains et intercommunaux.

Revenez à plus de sagesse, monsieur le ministre. Si vous voulez changer quelque chose, rétablissez donc le nom d’origine de notre instance départementale, en remettant à l’honneur le conseil général des communes du département. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. J’aurais souhaité qu’avant d’examiner ce texte purement électoral nous menions le véritable débat, …

M. Gérald Darmanin. Évidemment !

M. Bernard Perrut. …celui sur les compétences et la décentralisation.

Mais votre vision est tout autre et vous préférez nous entraîner avec vous dans la destruction de notre organisation territoriale, qui est pourtant celle de votre prédécesseur, M. Chaptal, un grand ministre de l’intérieur qui avait précisément souhaité que le département et les cantons soient la représentation des territoires.

Aujourd’hui, au prétexte de la parité, vous voulez remettre en cause ce fondement de la proximité.

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est un sophisme complet.

M. Bernard Perrut. Être conseiller général, c’est s’occuper des affaires du canton, soit une activité bien plus large que votre nouvelle dénomination de conseiller départemental le laisse entendre.

Il est regrettable, monsieur le ministre, que vous vous engagiez dans un redécoupage des cantons d’une ampleur que nous n’avons jamais connue dans notre histoire, et à seule fin de vouloir donner, apparemment, plus de poids aux secteurs urbains et moins aux secteurs ruraux et à nos petites communes.

Il s’agit d’une transformation totale de notre société, dont nous verrons, dans quelques mois ou quelques années, tous les inconvénients.

De plus, à l’heure où vous allez demander aux collectivités locales, monsieur le ministre, un certain nombre d’économies – 1,5 milliard d’euros en 2014 puis en 2015 – comment pouvez-vous exiger des conseils généraux de revoir toute leur communication, tous leurs papiers à en-tête ?

M. Philippe Cochet. Ce n’est pas raisonnable !

M. Bernard Perrut. Comment l’expliquer à nos concitoyens ? Je vous laisse le soin de répondre.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Après un texte sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels, voici une autre priorité des Français : le changement de nom du conseiller général en conseiller départemental et la création d’un binôme départemental. Nous constatons que le Gouvernement a le sens des priorités.

Quitte à occuper sa majorité, autant l’occuper avec des textes de peu d’importance plutôt qu’avec de vraies questions économiques, ainsi que l’a montré la séance des questions au Gouvernement cet après-midi.

S’il s’agissait de revoir entièrement notre réforme territoriale – d’ailleurs, je suis quant à moi favorable à la suppression du département –, voyez comme les textes s’emboîtent à la façon des poupées russes.

On nous présente d’abord ce texte-ci ; ensuite peut-être un autre relatif au cumul des mandats, même si la majorité ne semble pas s’accorder ; enfin l’acte III de la décentralisation.

M. Hollande, qui a promis le changement, avait promis la fin de la baisse des dotations aux collectivités territoriales ; or ce n’est plus à une baisse que nous assistons mais à un effondrement des dotations, avec une diminution programmée de 4 milliards d’euros en deux ans. Il avait ainsi promis le respect des institutions et des élus locaux.

Cependant, vous nous présentez ce texte, en prétendant que les élus sont dans l’ensemble favorables à votre réforme, alors que les premiers touchés, les sénateurs, l’ont refusée, malgré la majorité dont vous disposez.

Cela n’est pas raisonnable : occupez-vous des questions économiques de la France !

Une fois que vous aurez trouvé un compromis avec le Sénat, avec M. Rebsamen ou M. Collomb, sur le cumul des mandats, sur l’acte III de la décentralisation, sur la dotation des collectivités territoriales et sur ce texte, vous pourrez revenir devant la majorité de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. J’entends nos collègues de l’opposition qui semblent s’opposer à cette nouvelle dénomination. Pour ma part, je passe régulièrement dans les écoles, comme vous sans doute, en tant que maire ou député,…

M. Philippe Cochet. Cumulard !

M. Michel Liebgott. …à l’occasion du Parlement des enfants.

Les enfants sont très surpris lorsqu’on leur parle du conseil général. Quand on veut être pédagogue, il faut parler concrètement, et donc expliquer concrètement ce que sont la région et le département ; leur dire, par exemple, que la région gère les lycées et le département les collèges.

Aujourd’hui, d’un point de vue pédagogique, il est très difficile d’expliquer à ces mêmes élèves que le conseil général n’est pas le conseil départemental. Nous allons corriger une inexactitude sémantique.

Vous poussez des cris d’orfraie ; pourtant, vous faisiez pire en créant un néologisme. Tout en maintenant en effet l’existence du conseil régional et du conseil général, qui alors ne signifiait plus grand-chose, vous inventiez un troisième terme, le conseiller territorial. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Certains évoquaient tout à l’heure l’impression des papiers officiels ; or vous étiez amenés à devoir consolider ce qui existait, sans le réformer – ce qui est votre marque de fabrique, puisque en général vous consolidez sans réformer –, quand nous, nous allons réformer intelligemment,…

M. Philippe Gosselin. Attention les chevilles !

M. Michel Liebgott. …en préservant ce qui existe et ce qui fonctionne, mais en le modernisant.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et le cumul des mandats ?

M. Michel Liebgott. Nous agirons de même pour la parité, à l’article 2 ; car, comme je le disais tout à l’heure, il faut savoir vivre avec son temps. En 1946, les femmes ne votaient pas ;…

M. Philippe Gosselin. Elles ont eu le droit de vote en 1944 et ont voté pour la première fois en 1945.

M. Michel Liebgott. …aujourd’hui, elles doivent pouvoir disposer du droit d’être élues selon un principe de parité.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Au-delà des aspects sémantiques sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir dans un amendement, je voudrais traiter de la réforme.

J’aurais préféré que l’on nous présente d’abord le contenu de la réforme de la décentralisation et que l’on examine d’abord la question des compétences, avant de voir dans quelle mesure le mode de scrutin était adapté ; or vous inversez le processus.

Quelques fuites nous laissent entrapercevoir la réforme Lebranchu : on ne sait plus s’il s’agit d’un acte III de la décentralisation, d’un raccommodage quelconque ou d’une autre piste. Tout cela laisse un sentiment d’inachevé.

Ce texte est électoral : il n’améliore pas ce qui existe, comme beaucoup d’entre nous l’aurions souhaité, mais, sans que l’on s’en aperçoive aujourd’hui, il va révolutionner la vie politique locale, en la politisant et en l’organisant autour d’autres territoires que les territoires ruraux, qui se voient sacrifiés.

Au-delà de l’an VIII que l’on assassine, ce sont les territoires ruraux qui sont mis à mort, alors qu’ils sont organisés autour de cantons qui disposent d’une identité, qui constituent très souvent un bassin de vie et permettent à nos communes de s’exprimer.

Au-delà de la disparition des territoires ruraux, que je constate dans mon département de la Manche, au-delà de cette curieuse présentation des noms par ordre alphabétique, sur laquelle nous reviendrons tout à l’heure, c’est aussi un mode de scrutin original, que l’univers entier nous enviera sans doute, que je voudrais mettre en avant et décrier.

Ces solidarités de couples seront particulières. Comment associer sur un même territoire deux personnalités ? Comment éviter une bicéphalie qui pourrait se transformer en maladie dangereuse pour la démocratie ?

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Le Mèner.

M. Dominique Le Mèner. Monsieur le ministre, je vous rassure : nous attachons beaucoup d’importance au sens des mots. Parfois, nous allons même chercher ce qu’il y a derrière !

M. Philippe Cochet. Père et mère, cela veut aussi dire quelque chose !

M. Dominique Le Mèner. Néanmoins, quand vous proposez de changer l’appellation du conseiller général en « conseiller départemental » et celle de conseil général en « conseil départemental », vous ne vous posez pas la question de la dénomination du conseiller municipal et du conseil municipal. Pourquoi ne rebaptisez-vous pas subitement ce dernier « conseil communal », puisqu’il s’agit de l’assemblée délibérante de la commune ?

M. Philippe Gosselin. Cela viendra !

M. Gérald Darmanin. Ce sera la prochaine réforme ! En cinq ans, le Gouvernement trouvera bien l’occasion !

M. Dominique Le Mèner. Il faudrait être logique jusqu’au bout ! Si l’on veut simplifier à l’extrême, il faut changer beaucoup d’appellations.

Cependant, nous débattons de ce texte dans un contexte économique extrêmement difficile. Vous avez rappelé hier soir la diminution considérable des moyens qui seront mis à la disposition des communes et des collectivités territoriales. Or ces changements d’appellation constituent évidemment des dépenses supplémentaires et totalement inutiles pour une simple formule. Vous devriez accepter notre amendement tendant à maintenir l’appellation du conseil général : au bout du compte, cela ne modifiera pas véritablement le sens de votre texte mais nous permettra de réaliser des économies.

Vous le savez, monsieur le ministre : nous sommes tous très favorables à la présomption d’innocence. Lorsque nous examinons les mots et cherchons vos intentions, nous n’allons pas jusqu’à penser que vous avez l’intention, en tant que ministre de l’intérieur, de commettre un hold-up électoral. Nous sommes simplement attentifs à ce que vous voulez nous proposer. On peut évidemment toujours améliorer les choses mais, pour l’instant, vous ne nous en donnez aucun signe.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann.

M. Éric Straumann. La suppression du terme « conseil général » posera des problèmes pratiques. J’imagine, dans nos chefs-lieux de départements, un ouvrier juché sur sa nacelle en train de démonter le panneau « conseil général » pour le remplacer par un panneau « conseil départemental ».

M. Manuel Valls, ministre. En Alsace, on fait encore mieux !

M. Éric Straumann. Un passant s’approche de l’ouvrier et lui demande la différence entre les deux panneaux. L’ouvrier lui répond qu’a priori c’est la même chose. Certes, une réforme est en cours en Alsace – nous pourrons en parler plus tard –,…

M. Manuel Valls, ministre et M. Pascal Popelin, rapporteur. Ah !

M. Éric Straumann. …mais de nombreux panneaux « conseil général » existent ailleurs qu’en Alsace ! L’ouvrier répond donc : « Je crois que conseil général et conseil départemental désignent exactement la même chose. » Le passant se plaint de cette réponse et demande l’avis du chef. Celui-ci lui confirme que c’est exactement la même chose, et lui propose de contacter son député car c’est à l’Assemblée nationale que la décision a été prise.

Quelle est l’explication de ce changement ? A priori, les Français sont devenus trop bêtes. Pendant deux siècles, ils ont compris ce qu’était le conseil général (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP), mais maintenant, les écoliers ne savent plus à quoi correspond cette institution, ce qui nécessite de remplacer les panneaux dans toute la France.

M. Philippe Meunier. Cela s’appelle le socialisme !

M. Éric Straumann. Ainsi, les nouveaux Français, moins sensibles aux questions politiques, pourront comprendre le rôle de cette collectivité qui existe depuis bientôt deux siècles.

M. Christophe Guilloteau. Le changement, c’est maintenant !

M. Éric Straumann. Cette histoire illustre le ridicule d’une décision qui va encore éloigner les Français de la politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Perrut. Et ce sont les Français qui vont payer !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet.

M. Philippe Cochet. Nous discutons d’un deuxième texte qui n’intéresse pas les Français. Notre pays compte mille chômeurs supplémentaires par jour, et je vous rappelle, monsieur le ministre de l’intérieur, qu’il y a actuellement une explosion du nombre des cambriolages. Je parle de fric-frac, car on peut facilement faire un parallèle avec ce texte.

Vous n’aimez pas le terme « tripatouillage ». J’aime tous les ministres de l’intérieur, mais ce ne sont quand même pas des vierges nées de l’année ! Je pense que les ordinateurs de la place Beauvau ont bien travaillé. À partir des résultats des ordinateurs, vous avez essayé de constituer un texte ; avec ce texte, vous voulez nous amuser en passant du conseiller général au conseiller départemental, mais derrière tout cela se cache un fric-frac électoral. Monsieur le ministre, je suis désolé si le terme « tripatouillage » ne vous plaît pas, mais c’est la réalité et il faut que vous puissiez l’affronter ! Je veux simplement vous mettre en garde : tous ceux qui ont essayé de tripatouiller les élections avant une échéance…

Mme Michèle Fournier-Armand. Nous sommes tellement habitués !

M. Philippe Cochet. …ont eu généralement un retour de bâton assez exceptionnel.

M. Manuel Valls, ministre. C’est vrai !

M. Philippe Cochet. Je ne vais pas vous souffler ce conseil dans l’oreille, monsieur le ministre de l’intérieur,…

M. Philippe Gosselin. On veut vous protéger, monsieur le ministre. Soyez reconnaissant !

M. Philippe Cochet. …mais je souhaite simplement que vous en teniez compte et que vous reveniez à la raison !

Par ailleurs, ce texte met à mal la ruralité : c’est aussi l’un des aspects qui me touchent particulièrement. Un conseiller général parle au fin fond de la Corrèze ; il est vrai qu’il ne parle pas beaucoup sur la place des Vosges, mais n’oublions pas que la France est diverse et variée.

Ce changement de terminologie montre bien que le tripatouillage est vraiment la ligne rouge de votre démarche.

M. Bernard Perrut. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Monsieur le ministre, vous proposez de changer le nom des conseils généraux. Cette modification, qui pourrait paraître anodine, traduit en fait votre volonté de changer radicalement la nature des conseils généraux, institutions de proximité qui expriment une solidarité humaine et territoriale.

Le texte que vous proposez affaiblira considérablement les conseils généraux, dans la mesure où il coupera ce lien entre les territoires et un élu, entre les populations et un élu, et surtout dans la mesure où il affaiblira cette mission de solidarité territoriale qu’expriment au premier rang de toutes les collectivités les conseils généraux. Ceux-ci mettent aujourd’hui en œuvre des politiques de solidarité avec les quartiers défavorisés, en participant notamment aux politiques conduites par l’ANRU, mais aussi et surtout des politiques de solidarité territoriale en faveur des territoires ruraux.

Ce texte porte un mauvais coup à la solidarité territoriale, à l’aménagement du territoire et à toutes les zones rurales. Désormais, les zones rurales se retrouveront sans véritable représentation. Nous connaîtrons des situations totalement incohérentes où des territoires couvrant jusqu’à 70 % d’un département ne seront représentés que par un binôme de conseillers généraux : leur représentation sera affaiblie, et leur voix au sein de l’assemblée départementale complètement minorée. L’affaiblissement de cette mission de solidarité territoriale et d’aménagement du territoire portera un coup très dur à l’équilibre de nos territoires. C’est bien cela qui est en jeu, et qui est dangereux, avec ce changement de nom.

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques tendant à supprimer l’article 1er.

La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l’amendement n° 5.

M. Patrice Verchère. L’appellation « conseil général » désigne l’assemblée départementale depuis la création des départements : il n’y a donc aucune raison valable d’en changer le nom. Autant il y avait une raison évidente avec la création du conseiller territorial, autant il n’y en a pas ici.

Pour les communes, on ne parle pas de conseil communal mais de conseil municipal, sans que cela ne pose de problème de compréhension pour nos concitoyens.

Si votre projet de loi est adopté, ce changement de nom engendrera des dépenses non négligeables pour adapter les différents supports de communication des départements.

Dans un contexte économique difficile pour les collectivités locales, qui seront au pain sec en 2013, 2014 et 2015, vous conviendrez que ce changement de nom n’est pas une priorité.

Il faut rappeler qu’en débit des changements d’appellation, toute institution dont le nom est bien ancré dans l’esprit de nos concitoyens finit par reprendre sa dénomination originelle. Je citerai les préfets, dont le nom a été plusieurs fois changé en « commissaire de la République » avant de revenir à l’appellation « préfet ». Il en est de même pour la DATAR, qui fut appelée DIACT et est redevenue depuis peu la DATAR.

Il est donc franchement inutile de changer le nom du conseil général !

Mme Annie Genevard et M. Philippe Meunier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n° 24.

M. Éric Straumann. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, pour les raisons que nous venons d’évoquer. Le changement de dénomination soulève un problème d’ordre budgétaire pour les conseils généraux. J’ai évoqué tout à l’heure la question des panneaux indicateurs ; le coût moyen de remplacement d’un panneau est de 800 euros, à multiplier par le nombre de panneaux qui existent dans un département. Outre les panneaux indicateurs du siège du conseil général, il faut également compter ceux des centres départementaux des conseils généraux pour l’entretien des routes, par exemple.

M. Philippe Cochet et M. Patrice Verchère. Et les collèges !

M. Éric Straumann. Et les collèges, naturellement. D’autres collègues pourront en parler mieux que moi.

Il s’agit d’un important transfert de charges vers les conseils généraux. Je ne sais pas si une étude d’impact a été réalisée sur le coût occasionné par ce changement de nom pour une collectivité territoriale déjà confrontée aujourd’hui à des difficultés financières sérieuses. Même s’il ne représente que 200 000 euros dans un budget de conseil général, il s’agit d’une somme importante pour une dépense totalement inutile.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, revenez sur votre décision et conservez l’appellation historique du conseil général !

M. Philippe Gosselin. Rendez-nous nos conseils généraux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour soutenir l’amendement n° 77.

Mme Marianne Dubois. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour soutenir l’amendement n° 121.

M. Alain Marc. L’intelligence et la pertinence d’un texte ne se mesurent pas au nom qu’il porte. Vous qui êtes si soucieux de parité, je relève que vous n’avez pas défini la forme féminine de l’appellation « conseiller départemental ». Sera-ce « conseillère départementale » ? Je ne sais trop.

Les arguments économiques soulevés ne me semblent pas stupides dans cette période de disette budgétaire. Monsieur le ministre, vous parliez tout à l’heure du conseiller territorial : vous avez omis de dire qu’il aurait entraîné la suppression de 2 500 élus, et donc des économies très importantes dans les budgets.

M. Bernard Perrut. En effet !

M. Alain Marc. Comment les différents conseils généraux – je continue à les appeler ainsi – feront-ils demain pour payer l’adaptation de leurs supports de communication ?

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement n° 170.

M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, vous avez été un homme de communication, assez talentueux paraît-il. Vous avez visiblement gardé des traces de ce passé. Pourtant, les envies de communicant doivent avoir des limites.

Comme l’ont rappelé plusieurs de mes collègues, aucune étude d’impact n’a été réalisée sur ce changement d’appellation. Changer le logo et l’ensemble du marquage d’un département coûte extrêmement cher : cette modification concerne aussi des parcs de voitures ou d’autocars, car vous savez que les transports interurbains relèvent de la compétence du conseil général.

M. Bernard Perrut. Eh oui !

M. Olivier Marleix. Pour un département moyen, ces dépenses sont de l’ordre de 400 000 à 500 000 euros,…

M. Bernard Perrut et M. Éric Straumann. Au moins !

M. Olivier Marleix. …et même beaucoup plus s’il faut marquer à nouveau tous les cars. Au total, ce changement d’appellation représentera pour notre pays une dépense d’une cinquantaine de millions d’euros, au bas mot.

Les Français ont d’autres priorités que la réfection de la peinture des autocars des conseils généraux. Je veux bien comprendre que vous ayez un attachement particulier à la peinture, monsieur le ministre (Sourires), mais les Français ont d’autres priorités ! Pour le ministre de l’intérieur, la lutte contre la délinquance, la criminalité et les cambriolages serait une vraie priorité par rapport à celle que vous proposez à l’article 1er de ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 202.

M. Christophe Guilloteau. Depuis l’élection du nouveau Président de la République, nous assistons à une démarche politique du parti socialiste.

Mme Audrey Linkenheld et Mme Estelle Grelier. Eh oui, nous avons gagné les élections !

M. Christophe Guilloteau. Oui, mais cela changera, vous verrez ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

À l’Assemblée, ce n’est pas tout de venir : l’important, c’est de revenir ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Éric Straumann. Vous aurez des surprises !

M. Sébastien Denaja. À l’UMP, ils ne sont pas tous revenus !

Mme la présidente. Monsieur Guilloteau, vous seul avez la parole.

M. Christophe Guilloteau. On a supprimé le conseiller territorial, qui avait une certaine logique. J’ai été conseiller régional et je suis actuellement conseiller général : je peux vous dire que nos concitoyens ne comprennent plus cette superposition, et que l’institution du conseiller territorial avait tout son intérêt. Après avoir supprimé le conseiller territorial, on veut aujourd’hui remplacer le conseiller général, institution de la République dans les zones rurales dont je suis l’élu. Ce n’est pas en instituant le conseiller départemental que les Français vont comprendre.

Il faut supprimer cet article 1er : tel est l’objet de mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 223.

M. Jacques Lamblin. Changer le nom du conseil général pour des raisons uniquement cosmétiques est absolument insensé. En revanche, lorsque nous avions décidé de créer le conseiller territorial, cela avait du sens (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Patrick Lemasle. Ridicule !

M. Jacques Lamblin. …en termes de démocratie et de relation entre l’élu, le territoire et les citoyens. Le conseiller territorial permettait en effet de légitimer le conseil régional aux yeux des citoyens et de rapprocher les élus de ceux-ci. Il permettait également d’organiser une meilleure répartition des conseillers régionaux sur les territoires, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Je déplore que vous ayez, un peu rapidement, supprimé le conseiller territorial. Et je me place seulement au plan de la démocratie, je ne parle même pas de la répartition des rôles entre conseil régional et conseil général. Là aussi, il y aurait beaucoup à dire.

L’article 1er relève du gaspillage pur et simple, mais avec vous nous commençons à être habitués ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Solère pour défendre l’amendement n° 263.

M. Thierry Solère. Monsieur le ministre, je ne vous parlerai pas du changement de nom, même s’il ne faut pas négliger le fait que, pour quelque 101 départements, un tel changement aura des conséquences financières non négligeables. À un moment où les départements ont des contraintes budgétaires fortes, cela ne me paraît pas très opportun.

S’agissant de la parité, la loi l’instaurant avait déjà produit des effets positifs sur la représentation féminine dans les conseils municipaux et avait également permis de faire émerger des femmes dans les conseils généraux, car les femmes conseillères générales sont souvent maires ou adjointes au maire. Au Havre, chez notre collègue Édouard Philippe, sur les neuf cantons, sept sont détenus par des femmes. Dans ma propre ville, Boulogne- Billancourt, sur les trois conseillers généraux, il y a deux femmes et je suis le seul homme.

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Ce n’est le cas partout !

M. Thierry Solère. Bref, je ne tiens pas à m’attarder sur le sujet, car je veux surtout vous dire, à l’instar de M. Darmanin, que vous avez raté une occasion. Le conseiller territorial était peut-être imparfait, et vous avez toute légitimité pour procéder à des changements, mais il avait le mérite de commencer à engager la fusion de deux strates d’élus : conseiller général et conseiller régional. Avec votre projet, vous faites machine arrière en conservant le même nombre d’élus. À cet argument, vous avez répondu que l’objet de ce projet de loi n’était pas de s’attaquer au millefeuille territorial et que Mme Lebranchu présenterait prochainement un texte sur le sujet.

Votre nouveau dispositif ne s’appliquera qu’à partir de 2015. Et la prochaine réforme, si réforme il y a, reportera à des années la réforme du millefeuille territorial français. À cet égard, je vous rappelle que nous détenons un record : à nous tous seuls, nous représentons 45 % des élus locaux d’Europe ! Vous aviez une occasion historique de travailler à la réduction des déficits publics. Vous l’avez manquée. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n° 359.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. J’ai cosigné l’amendement avec mon collègue Favennec.

L’article 1er ne prévoit qu’un changement de nom symbolique. Le conseil général est l’une des plus anciennes institutions de la République, et s’appelle ainsi depuis son origine. Ce changement de nom est pure fantaisie, monsieur le ministre. Le Gouvernement se fait plaisir aux frais des contribuables…

M. Philippe Meunier. C’est vrai !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. …à un moment où le pays connaît une crise grave.

Cela entraînera certainement de nouvelles chartes graphiques, peut-être des logos. Bref, des dépenses inutiles. Franchement, nous aurions pu nous en passer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour soutenir l’amendement n° 418.

M. Charles-Ange Ginesy. Comme mes collègues, je rappelle que la création du conseiller départemental ne réduira pas le nombre total des élus. Vous complexifiez le système, en même temps que vous amoindrissez représentation des élus dans les zones rurales. En supprimant l’échelon de solidarité, vous pénalisez la représentation dans les zones rurales, des zones de montagne. En fait, vous vous attaquez au cœur même de cette représentativité en transformant une collectivité territoriale en collectivité démographique.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 1er.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 443.

M. Philippe Cochet. Je veux insister sur l’inutilité de changer de nom. Un tel changement porte atteinte à la mémoire collective. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Il faudra non seulement changer les plaques sur les édifices, mais encore modifier les livres d’histoire, ce qui représente un coût supplémentaire.

Surtout, derrière la sémantique se profile un tripatouillage électoral. Même si la terminologie actuelle vous déplaît, elle recouvre une réalité que vous devez garder à l’esprit. En maintenant l’article 1er, vous remettez en cause l’image des élus de proximité, en particulier dans les territoires ruraux. À l’heure où nous avons besoin d’un pays rassemblé autour de ses élus, vous creusez, une fois de plus, un fossé entre les élus de la nation et le peuple qui les élit. Vous commettez là une grave erreur. C’est la raison pour laquelle je demande la suppression de cet article. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 516.

M. Jean-Frédéric Poisson. Si vous le permettez, je vais soutenir une thèse un peu différente de celle de mes collègues.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Plus intelligente !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ne vous réjouissez pas trop vite car je crains fort que cela ne vous plaise pas davantage... (Sourires.)

Aucun changement sémantique n’est anodin. Historiquement, le conseil général, c’est le conseil général des communes du département. Cela signifie que l’assemblée départementale est une sorte de petit sénat, chargé de s’occuper de l’aménagement du territoire, des investissements. Cette assemblée est censée représenter davantage les territoires que la population.

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

M. Jean-Frédéric Poisson. Un de mes excellents collègues a parlé tout à l’heure du « droit des arbres ». Je le renvoie à l’histoire du Sierra Club créé aux États-Unis au XIXe siècle pour œuvrer en faveur de la protection de la nature, du droit pour les arbres et pour les pierres. Nous n’en sommes pas là, mais un territoire dans lequel il y a peu d’habitants est aussi important qu’un territoire très peuplé.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. À partir du moment où l’on donne la priorité à la population, on se dirige vers une représentation démographique et non plus territoriale. Ce changement, vous l’opérez, monsieur le ministre, non dans l’intérêt des territoires, mais pour des raisons politiques. La seule chose que l’on vous demande, c’est de l’assumer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n° 653.

M. Éric Ciotti. Ce changement de nom, monsieur le ministre, est inopportun dans le contexte de crise que nous traversons et dans le contexte de difficultés que connaissent les conseils généraux.

M. Dominique Le Mèner. Bien sûr !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est évident !

M. Éric Ciotti. Ces difficultés, vous les connaissez. Nous sommes aujourd’hui doublement étranglés par un effet de ciseau, lié à l’augmentation très forte des dépenses sociales et à celle de la dotation de péréquation, qui mettra en péril de nombreux départements. Choisir ce moment pour imposer un tel changement est pour le moins malvenu. Le département que j’ai l’honneur de présider aura à mettre en œuvre environ un million d’euros de dépenses pour modifier la signalétique, puisqu’il y a, au-delà de tout ce qui relève de l’imprimerie, des autobus, des collèges, des bâtiments départementaux. Vous avez l’air de prendre cet argument de façon quelque peu anecdotique,...

M. Bernard Perrut. Alors que ce sont des coûts énormes !

M. Éric Ciotti. …mais nos concitoyens aujourd’hui plongés dans la difficulté sociale, notamment à cause de la politique du Gouvernement, auront du mal à comprendre que, pour des raisons de confort, l’on soit contraint de changer la dénomination du conseil général. En outre, ce changement va à l’encontre de l’histoire et de la structure de la plus ancienne collectivité de notre pays.

M. Philippe Gosselin. Le ministre est déjà convaincu !

M. Éric Ciotti. À la suite de mes propos antérieurs, je répète que cela va dans le sens de la modification profonde du rôle des départements et de l’affaiblissement de sa mission d’aménagement du territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Philippe, pour soutenir l’amendement n° 711.

M. Edouard Philippe. Le choix du terme « conseiller départemental » est probablement motivé par le désir d’une plus grande clarté, mais ce que l’on gagne – peut-être – en clarté, on le perd sur le plan de l’usage, le terme « conseiller général » étant connu de tous. Or l’usage, dans notre République, a bien des vertus.

Si le but était de faire de la sémantique, il serait plus utile d’intervenir sur un autre point. Un certain nombre de nos collègues, toutes tendances politiques confondues, ont pris l’habitude de se faire appeler « président de département » ou « président de région » alors qu’il est plus correct de se faire appeler « président de conseil général » ou « président de conseil régional ».

Certes, selon une jurisprudence du Conseil d’État, les délibérations qui font figurer la mention « président du département » ou « président de la région » ne sont pas entachées d’illégalité, mais, quitte à rechercher la simplification et la rectitude linguistique, on aurait pu veiller à ce que nos présidents d’exécutifs restent présidents de conseils régionaux ou généraux.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 726.

M. François de Mazières. Bien des arguments ont été avancés. Le plus évident reste celui des coûts, dont notre collègue Straumann a parlé de manière amusante, et en même temps si vraie. Il va falloir partout décrocher les panneaux mentionnant le conseil général.

M. Philippe Gosselin. C’est très choquant !

M. François de Mazières. Cela représentera un coût extrêmement élevé.

M. Guy Geoffroy. Il y aura peut-être des subventions ?

M. François de Mazières. Maintenant que le Gouvernement se soucie enfin des déficits et que cela devient même une préoccupation très forte, il paraît indispensable que vous entendiez cette considération de pur bon sens.

Un autre argument a trait au respect des conseillers généraux. Olivier Marleix a fait remarquer que ce sont les élus les moins politiques, les plus engagés sur le terrain.

Pour toutes ces raisons, il serait bon de revenir à l’essentiel : l’efficacité de tous ces niveaux d’administration. Nous, élus, savons que la difficulté actuelle est l’articulation entre la commune, l’intercommunalité, le département et la région. C’est là que réside le problème. Nous aurions aimé que votre loi s’y attaque. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 957.

M. Philippe Gosselin. Au-delà des remarques sur la décentralisation dont on attend encore les modalités, ou sur des restrictions budgétaires – 1,5 milliard annoncé dans un premier temps, puis encore 1,5 milliard de plus, ce qui finit par faire des sommes énormes –, je voudrais revenir sur l’origine historique du conseil général et rappeler qu’il remonte à l’an VIII.

Je trouve curieuse cette manie socialiste de vouloir changer le sens des mots. Faudra-t-il, demain, changer les conseils municipaux en conseils communaux ? Faudra-t-il revenir sur les paroles de La Marseillaise comme certains l’ont évoqué il y a quelque temps ? Faudra-t-il changer le nom des écoles maternelles ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. Ce sera obligatoire !

M. Philippe Gosselin. Un débat qui vous rappellera quelques bons souvenirs... Tout cela va dans le même sens, et je vous renvoie à la proposition de notre collègue Mazetier, parue au Journal officiel du 18 décembre. Est-ce que, de même, il n’y a plus d’idiots, mais seulement des « malcomprenants » ? C’est une question qui ne cesse de m’interpeller, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes. C’est le début d’une prise de conscience !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 974.

M. Gérald Darmanin. Madame la présidente, permettez-moi de penser aux personnes qui sont actuellement dans les tribunes du public et qui doivent se dire qu’à dix-neuf heures quinze, alors qu’il y a mille chômeurs de plus en France, que les chiffres de la délinquance explosent, les députés ici réunis sont en train de pérorer… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Monsieur Darmanin, je vous ai déjà interrompu tout à l’heure pour vous demander de rester dans le cadre de la défense de l’amendement, faute de quoi, je vous retirerai la parole. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. La parole est libre !

M. Olivier Marleix. Ce n’est pas de sa faute si le texte est ridicule !

M. Gérald Darmanin. J’espère que ce n’est pas parce que vous êtes minoritaires en séance que vous faites des effets de manche, madame la présidente. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Ce n’est pas le cas.

M. Sébastien Denaja. Ça suffit, les machos !

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Arrêtez !

M. Sébastien Denaja. Retirez vos amendements et on oublie tout !

M. Gérald Darmanin. Cet amendement est tout en fait en rapport avec mes remarques liminaires. Nous allons engager 50 à 60 millions d’euros pour mettre en application votre projet de loi, alors que nous avons bien d’autres problèmes à régler.

Je voudrais que M. Christian Jacob, le président de notre groupe, intervienne pour que nous entendions M. Dosière. Notre collègue Dosière, en effet, a pointé avec talent et énergie les pratiques dispendieuses de l’État et des collectivités locales. Mais il n’est pas présent aujourd’hui pour nous parler de l’inefficacité économique de cette mesure proposée par les socialistes, et qui fera peut-être l’objet d’une analyse dans l’un des prochains rapports de la Cour des comptes… Il est important en effet de dénoncer dans quelles proportions vous dépensez l’argent public.

Supprimons cet article ! Supprimons le changement de nom, revenons aux vrais problèmes et écoutons enfin la parole des Français ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Monsieur le député, permettez-moi de vous inviter à nouveau à relire l’article 54, alinéa 6, de notre règlement. Il vous éclairera.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Larrivé. Je me fonde sur l’article 58 du règlement.

Madame la présidente, vous avez l’étrange habitude, depuis le début de ce débat, de tenter d’interrompre Gérald Darmanin alors même que ses interventions portent sur le cœur du sujet.

Mme Pascale Crozon, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. Absolument pas !

M. Guillaume Larrivé. La parole est libre dans cet hémicycle. Notre collègue a parfaitement le droit de défendre des amendements de suppression même si l’argumentation qu’il déploie n’a pas l’heur de vous satisfaire.

Mme la présidente. Monsieur Larrivé, il n’est pas d’usage dans cet hémicycle de mettre en cause la présidence. J’ai simplement conseillé à M. Darmanin de prendre la bonne habitude de ne pas s’écarter de la question, conformément à ce qu’indique l’alinéa 6 de l’article 54. En l’occurrence, son amendement était un amendement de suppression et je lui ai demandé de s’en tenir à cet amendement de suppression. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sébastien Denaja. Machos !

Article 1er (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay.

M. Claude de Ganay. Mon excellent collègue Straumann a défendu mon amendement avec brio. Je risque donc de me répéter, mais la répétition possède une vertu pédagogique.

Pour ma part, je ne suis pas opposé au changement de dénomination, mais je regrette que la charge budgétaire que ces modifications impliquent n’ait pas fait au préalable l’objet d’une évaluation chiffrée. Le rapport de la commission des lois n’y fait aucune allusion.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements de suppression ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Si je ne m’abuse, chers collègues de l’opposition, vous souhaitiez faire disparaître le conseiller général pour le remplacer par le conseiller territorial.

M. Maurice Leroy. Cela n’a rien à voir !

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est donc avec grand intérêt que je vous observe, depuis de très longues minutes – tout en déplorant ce que vous qualifiez vous-mêmes de perte de temps –, crier votre amour, qui est déjà presque une forme de nostalgie, pour l’appellation « conseil général ». Comprenne qui pourra !

M. Philippe Cochet. Deux siècles d’histoire !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Je voudrais saluer le ton équilibré et modéré de certaines interventions, sans revenir sur la manière dont certains ont qualifié cette réforme.

Plusieurs arguments ont été avancés.

Le premier, que nous connaissons par cœur, est celui des priorités. Il n’a échappé à personne que notre pays traverse depuis quelques années une crise économique et financière, marquée par l’augmentation du chômage. Cela n’a empêché ni la droite hier, ni la gauche aujourd’hui, d’engager des réformes sur des sujets de société ou sur l’organisation territoriale et le mode de scrutin.

Permettez-moi de rappeler au passage que, si nous avions conservé le conseiller territorial, le ministère de l’intérieur aurait été amené à procéder à un redécoupage. Vous nous auriez sans doute alors accusés, perdant la mémoire, de mettre en œuvre une réforme électorale inique, sans passer par une commission indépendante – que vous aviez vous-mêmes oublié de créer…

L’Assemblée nationale a voté tout à l’heure une loi très importante sur le système bancaire. Sur ce texte, vous êtes nombreux à avoir déposé des amendements, ce qui est tout à fait votre droit, mais ne l’opposez pas à la réalité que vivent les Français. C’est aussi l’honneur du Parlement et de la démocratie que de se saisir de sujets divers, sinon nous n’avancerions sur rien.

Le deuxième argument sur lequel j’aimerais revenir est celui de la « page blanche », que M. Larrivé a exposé tout à l’heure. Le Président de la République s’est engagé à supprimer le conseiller territorial. Le Sénat, dans sa majorité, s’est prononcé en faveur de cette suppression. Ce débat a eu lieu aussi à l’Assemblée nationale. Le texte que j’ai l’honneur de vous présenter revient sur cette question.

Dès lors que le conseiller territorial était supprimé, il y avait un choix à faire, et ce choix était simple.

Nous aurions pu choisir un scrutin de liste à deux tours avec prime majoritaire, comme celui que nous connaissons pour les élections municipales ou régionales. Ce n’est pas la solution que nous avons retenue, car nous pensons important de conserver un lien entre le conseiller départemental et les électeurs.

Nous avons donc fait un autre choix – et c’est là où nous divergeons, monsieur Larrivé : celui de la parité qui, mêlée au scrutin majoritaire et au souci de maintenir un lien avec les électeurs, nous a menés à la solution du binôme.

Si nous en étions restés au statu quo, nous aurions été amenés de toute façon à changer la taille des cantons, et cela aurait entraîné dans votre département, monsieur Ciotti, une modification importante puisque l’écart y est de 1 à 31. Il aurait donc fallu des règles pour établir un nouveau découpage. Nous avons préféré créer le binôme pour ancrer la parité.

M. Philippe Cochet. C’est ingérable !

M. Manuel Valls, ministre. C’est un débat. Et certains d’entre vous l’assument.

J’en viens au troisième argument, qui porte sur les appellations de « conseil général » et « conseiller général » héritées de la loi du 10 août 1871. Nous avons considéré que ces termes étaient peu explicites. Évidemment, il y a les traditions, et je sais que beaucoup d’entre vous y sont très attachés. Reste que la nouvelle appellation, comme l’a souligné le rapporteur, retrace avec cohérence le lien entre le département, son assemblée et ses élus. C’est le sens de cet article 1er.

Mme la présidente. Sur l’article 1er, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué tout à l’heure qu’une très large concertation avait été engagée. Vous me permettrez de m’interroger sur sa qualité. Au Sénat, où vous êtes majoritaires, votre texte a été rejeté par ceux-là mêmes qui sont chargés de représenter les collectivités territoriales. Je vous ai d’ailleurs demandé à plusieurs reprises quelle analyse vous faisiez de ce rejet.

Par ailleurs, je trouve extrêmement paradoxal que, depuis le début de ce débat, vous justifiiez le binôme par la nécessité d’apporter une autre solution que celle du conseiller territorial. En réalité, vous faites bien pire que le conseiller territorial. C’est une nouvelle fois une mystification que de laisser entendre ou de laisser croire qu’avec des binômes élus sur des circonscriptions immenses vous allez régler le problème que vous dénonciez hier, celui d’un relâchement dans l’ancrage territorial.

La solution du conseiller territorial impliquait certes un redécoupage, mais elle maintenait un lien étroit entre l’élu et son territoire. Cela ne réglait sans doute pas le problème de la parité, mais, sur ce sujet aussi, nous vous avons fait des propositions sur lesquelles j’aimerais vous entendre. Pourquoi, par exemple, ne pas avoir prévu une dose de proportionnelle ? Les élections départementales seront en effet les seules dont le mode de scrutin ne comprendra pas la moindre dose de proportionnelle. Le paradoxe est patent car, dans le tripatouillage électoral de grande ampleur que vous apprêtez à faire, vous prévoyez 10 % d’élus à la proportionnelle aux législatives. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. À la suite de la discussion générale, le ministre s’est félicité du soutien du groupe écologiste qui s’est exprimé par la voix de Paul Molac et par la mienne. Je sais que le ministre est taquin mais, à défaut de soutien politique, nous pouvons au moins lui manifester un soutien sémantique. (Sourires.)

Nous ne voterons pas les amendements qui visent à supprimer le changement de dénomination prévu à l’article 1er, et ce pour une raison simple : les différentes interventions de l’opposition reposent toutes sur la même défense acharnée de la tradition et du passé, un passé où la parité fait cruellement défaut. De notre point de vue, la parité n’est pas un prétexte, elle est une exigence démocratique que nous partageons sur les bancs de la majorité, au même titre que le non-cumul des mandats – deux exigences qui semblent totalement étrangères à l’opposition.

Les écologistes partagent avec le Gouvernement la volonté d’un changement de dénomination au profit de « conseil départemental ». À nos yeux, cela permet de faire primer une logique de projet sur une logique de territoire. C’est la logique dans laquelle nous nous inscrivons. C’est pourquoi nous proposerons des amendements en faveur de la mise en place d’un scrutin de liste.

Chers collègues de l’opposition, soyons francs : j’entends les conseillers généraux qui défendent la fonction qu’ils occupent. Vous vous plaisez à dire que c’est le mandat le plus apprécié, celui qui fonde la proximité avec les électeurs. Rappelons tout de même que ce sont les élections cantonales qui enregistrent le taux d’abstention le plus élevé. (« C’est faux ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Soulignons encore les enseignements de certains sondages. Ainsi, dans l’Aude, en décembre 2012, 70 % des personnes interrogées ignoraient le nom du président du conseil général !

Il y a beaucoup à faire pour refonder la démocratie locale. Consacrons-nous à cette tâche plutôt que de nous battre sur ce type d’arguments.

Plusieurs députés du groupe UMP. Il a excédé son temps de parole !

Mme la présidente. Mes chers collègues, ne vous inquiétez pas. J’ai un chronomètre sous les yeux : au bout de deux minutes, je coupe la parole à tout le monde.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Nous comprenons bien que cet article 1er soulève à la fois une question sémantique et une question de principe.

S’agissant de sémantique, il est bien certain que tous les mots ont leur importance. Lorsque la fonction de préfet a été remplacée par celle de commissaire de la République, on s’est très vite rendu compte que c’était une énorme erreur et on est très vite revenu au titre de « préfet ». En ce qui concerne le conseil général, je dois avouer, alors même que je fais de la politique depuis longtemps, que je n’ai jamais compris exactement en quoi ce conseil était général et en quoi il était, par là même, éventuellement supérieur au conseil régional. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Bérengère Poletti. Nous vous l’expliquerons !

M. Alain Tourret. À l’évidence, « conseil départemental » s’impose largement, de même que « conseil communal » au lieu de « conseil municipal ».

C’est pourquoi il faut rejeter les amendements de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Borgel.

M. Gérald Darmanin. Deux minutes de plus pour gagner du temps avant le scrutin public !

M. Christophe Borgel. Il me semble que le groupe SRC a encore le droit d’expliquer son vote, chers collègues de l’opposition !

Le changement de dénomination repose sur une logique de clarification : aux départements, les conseillers départementaux ; aux régions, les conseillers régionaux. Vos amendements s’attaquent en réalité au fond du projet de loi.

La volonté qui est la nôtre, au-delà des questions de parité et de proximité, est de redonner, à travers ces modes de scrutin, de la clarté, de la précision, de la transparence à nos concitoyens. Et cette évolution de termes apporte précisément de la clarté, de la précision et de la transparence.

Pour cette raison, je crois que la voie empruntée est la bonne. Le groupe SRC appelle donc l’Assemblée à rejeter les amendements de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe des groupes UMP et UDI.)

M. Manuel Valls, ministre. Vous en appelez au respect de vos procédures ; souffrez donc que je réponde au président Sauvadet ! (Mêmes mouvements.)

Je lui réponds, monsieur le président Jacob, parce que nous avons décidé les uns et les autres – mais vous n’étiez pas encore arrivé – de faire avancer le débat, de nous écouter et de répondre.

Nous avons eu ce débat au Sénat, monsieur le président Sauvadet. Il existait, c’est vrai, des options différentes, ce qui explique d’ailleurs le sens du vote. Cela a été assumé, notamment par les groupes de la majorité sénatoriale : certains sont très attachés à la proportionnelle sur scrutin de liste, comme je le rappelais tout à l’heure ; d’autres sont attachés au mode de scrutin actuel ; nous avons fait cette proposition de scrutin binominal. Ces positions expliquent tout simplement le vote obtenu au Sénat.

Mais ce que j’ai ressenti lors de ce débat, et nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous aborderons les articles suivants, c’est précisément l’importance de la question de la représentation des territoires, qu’il s’agisse des territoires ruraux, des vallées et des montagnes, ou des îles, que nous avons déjà évoquées. A travers les amendements qui seront présentés, comme à travers les réponses qui seront apportées par le rapporteur ou par le Gouvernement, nous essaierons d’avancer sur ce sujet.

Je vous le répète, monsieur le président Sauvadet, je reste évidemment ouvert aux amendements et aux propositions qui, en recherchant la proximité et la parité, permettront à la fois ce lien et cette représentation des territoires. Je serai donc extrêmement attentif aux propositions qui iront dans ce sens, qu’elles émanent de l’opposition ou de la majorité.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Madame la présidente, je souhaiterais une suspension de séance. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La suspension est de droit. (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise. (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. le président Jacob pour un rappel au règlement. (Les protestations continues.)

Monsieur Cochet, le président du groupe UMP me demande la parole, j’aimerais pouvoir la lui donner !

M. Christian Jacob. Madame la présidente, nous venons d’être confrontés à un grave incident de séance.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et ce n’est pas la première fois !

M. Christian Jacob. Madame la présidente, le vote était annoncé. Vous aviez donné la parole à tous les présidents de groupe de la majorité ; vous avez ensuite redonné la parole au ministre, ce qui n’est absolument pas la coutume, mais le Gouvernement peut intervenir chaque fois que cela lui semble utile.

Madame la présidente, je souhaite qu’on n’en reste pas là…

M. Dino Cinieri. Très bien !

M. Christian Jacob. …et que la Conférence des présidents se réunisse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Je vais vous donner lecture de l’intervention qu’a faite le président de l’Assemblée nationale le mardi 6 novembre 2012, et qui figure au Journal officiel : « Dorénavant, il est acquis que, dès lors que l’ouverture du scrutin aura été annoncée, il ne sera plus possible d’interrompre la procédure de vote par une suspension de séance. » (« Démission ! sur les bancs du groupe UMP.)

Madame la présidente, soit vous déjugez le président de notre Assemblée,...

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce serait grave !

M. Christian Jacob. …soit votre explication est purement politicienne, c’est-à-dire que votre groupe est incapable de se mobiliser sur ce sujet puisqu’il crée un certain nombre de fractures au sein de votre majorité. À ce moment-là, vous ne seriez plus dans votre rôle, puisqu’il s’agirait d’une interprétation politicienne du règlement, d’une contestation de la décision du président de l’Assemblée nationale telle que chacun peut la consulter puisqu’elle est au Journal officiel. Convenez, madame la présidente, qu’il n’est pas acceptable de conduire les débats de cette manière,…

M. Dino Cinieri. C’est scandaleux !

M. Christian Jacob. …c’est-à-dire de suspendre la séance pour convenance personnelle afin de s’assurer que le groupe majoritaire a le temps de rappeler ses députés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. Monsieur le président Jacob, je pense que vos propos sont peut-être allés au-delà de ce que vous vouliez dire. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Balkany. C’est scandaleux !

Mme la présidente. Monsieur Balkany, ne vociférez pas ! J’essaie de répondre à votre président sur l’interpellation qui m’a été faite ! (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Sauvadet. Rappel au règlement !

Mme la présidente. Je souhaitais répondre d’ores et déjà au président Jacob, mais je vais vous donner la parole tout de suite, monsieur Sauvadet, pour un rappel au règlement. Je vous répondrai, ainsi qu’au président Jacob, ensuite.

M. François Sauvadet. Madame la présidente, il ne faudra pas chercher à minorer ce qui vient de se passer. C’est particulièrement grave.

M. Dino Cinieri. Scandaleux !

M. François Sauvadet. Cela s’appelle un déni de démocratie. (Les députés des groupes UDI et UMP se lèvent et applaudissent.)

M. Philippe Gosselin. Exactement !

M. François Sauvadet. Une Assemblée nationale, lorsqu’elle est majeure et responsable et qu’elle est présidée de manière impartiale, respecte les règles qu’elle s’est elle-même fixées pour que le Parlement puisse se prononcer lorsque le débat a eu lieu.

Ce n’est pas le premier incident de ce type que nous avons connu, madame la présidente.

M. Philippe Gosselin. Hélas non !

M. François Sauvadet. C’est le second.

J’étais là lors du premier incident. La situation était la même : le groupe majoritaire était absent.

Tout à l’heure, vous avez donné la parole à chacun avant de passer au vote. Très bien. Mais, au moment de voter, vous avez accepté une suspension de séance alors même que ce genre de situation avait été réglé en Conférence des présidents et ici même.

M. Philippe Gosselin. C’est du tripatouillage !

M. François Sauvadet. Nous étions en effet convenus, de manière unanime, et je parle devant le président Bruno Le Roux, qu’il ne fallait plus accepter en notre sein, quelles que soient les majorités, le moindre tripatouillage qui conduit à attendre que les députés reviennent en séance.

Chaque député exerce sa responsabilité pleine et entière en tant que telle. Ces pratiques d’un autre temps qui consistent à suspendre la séance pour permettre à la majorité de se retrouver sont inacceptables dans un Parlement démocratique et digne de ce nom. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. Monsieur le président Sauvadet, je pense que vos propos sont peut-être allés, comme ceux du président Jacob, au-delà de ce que vous souhaitiez exprimer. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. François Sauvadet. Mes propos sont mes propos !

Mme la présidente. Je vous rappelle, messieurs les présidents de groupe, que les suspensions de séance peuvent être demandées jusqu’au moment où les opérations de vote ont effectivement commencé, c’est-à-dire lorsque le président de séance dit : « Nous allons maintenant procéder au scrutin. ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Yves Censi. Non, c’est quand le scrutin est annoncé !

M. Yves Nicolin. C’est incroyable de tartuferie !

Mme la présidente. Cette règle a été rappelée en Conférence des présidents le 6 novembre 2012. Je cite les propos du président de l’Assemblée nationale, tels qu’en fait foi le procès-verbal de la Conférence des présidents : « Le président constate également qu’après l’annonce du scrutin le débat continue normalement et parfois longuement. Il n’est donc pas anormal que, pendant cette phase de la discussion – nous en étions à ce moment-là – (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI)…

M. Dino Cinieri. C’est faux !

M. Christian Jacob. C’était fini !

Mme la présidente. Laissez-moi poursuivre !

« Il n’est donc pas anormal que, pendant cette phase de la discussion, des suspensions de séance puissent être demandées. En revanche, ces demandes cessent d’être recevables à partir du moment où les opérations de vote ont effectivement commencé. Les formules mises à la disposition des présidents de séance seront précisées et communiquées aux groupes pour information. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le président Jacob, je vois que vous avez le même papier que moi sous les yeux.

M. Jean Lassalle. Si cette loi est votée, jamais je ne la reconnaîtrai !

Mme la présidente. Certes, le scrutin était annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale,…

M. Yves Censi. Il n’y avait donc aucune raison d’interrompre la séance !

M. Patrick Balkany. Ils étaient où, les socialistes !

Mme la présidente. …mais je n’avais pas encore prononcé…

Plusieurs députés du groupe UMP. Magouilles !

Mme la présidente. Messieurs Cochet, Gosselin et Morel-A-L’Huissier, je vous déconseille d’employer ce terme, car je n’ai fait que respecter absolument la décision de la Conférence des présidents (Protestations sur les bancs du groupe UMP),et je pense que le président Jacob en conviendra.

Comme je n’avais pas encore prononcé la phrase « Nous allons maintenant procéder au scrutin », toutes les demandes de suspension de séance étaient encore recevables.

Monsieur le président Le Roux, vous avez la parole. (Les députés des groupes UMP et UDI se lèvent et entonnent La Marseillaise.)

Je suspends la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise dix minutes plus tard.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Conformément à la demande du président Jacob, nous allons lever la séance pour réunir la Conférence des présidents.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux, des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)