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Commission des affaires européennes

mercredi 11 juillet 2012

17 heures

Compte rendu n° 3

Présidence de Danielle Auroi Présidente

I. Audition de Mme Connie Hedegaard, Commissaire européenne en charge de l’action pour le climat

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Nous, occidentaux, portons ainsi une lourde responsabilité envers les peuples qui subissent aujourd’hui les effets du changement climatique sans en avoir été les initiateurs et sans avoir joui des bénéfices de l’ère industrielle. Couplés à l’épuisement des ressources naturelles, ces risques pèsent lourdement sur la planète, sur les plus faibles d’entre nous et sur les générations futures.

Enfin, je vous proposerai de revenir sur les conclusions de Rio +20. Les ONG l’ont fait remarquer haut et fort, ce sommet n’a pas apporté les réponses immédiates que l’urgence environnementale exige. Cependant, l’Union européenne, unie, en liaison avec l’Afrique, a pu obtenir quelques avancées et éviter quelques régressions. Pouvez-vous, Mme la Commissaire, nous en dresser un premier bilan ?

Quelles perspectives concrètes en faveur de la transformation écologique de l’économie ? Je pense notamment à l’adaptation de l’industrie automobile, ainsi qu’à l’impératif de verdissement de la politique agricole commune.

Il nous faudra aussi vous interroger sur les possibilités de financement de cette adaptation, et les perspectives budgétaires, notamment les projets de taxe carbone.

Enfin, et plus largement, nous souhaitons vous interroger sur votre vision des avancées concernant la gouvernance internationale du développement durable, et le bilan de la lutte contre la pauvreté, qui y est profondément lié. En effet, comme a pu le souligner Pascal Canfin, ministre chargé du développement, « construire la gestion soutenable de notre planète est plus que jamais notre priorité. »

Mme Connie Hedegaard, Commissaire européenne en charge de l’action pour le climat. Je serai brève, afin de permettre l’instauration d’un véritable échange entre nous.

Je partage votre analyse de base sur Rio +20 : il n’a pas été assez ambitieux, n’est pas allé suffisamment loin. Les progrès attendus n’ont pas eu lieu, mais il ne s’agissait pas véritablement d’une conférence sur le changement climatique, dans la mesure où chaque grande cause de notre planète y a été abordée.

La question est désormais de savoir comment aller plus loin, s’agissant notamment de l’accès à l’énergie durable pour tous. Comment aller au-delà de l’analyse basée sur le PIB traditionnel ? Comment nous éloigner progressivement des carburants fossiles ? Il y a plusieurs étapes à franchir et je pense que certains pays vont essayer d’aller plus loin.

Au mois de septembre, le Commissaire européen chargé de l’environnement, Janez Potočnik, verra ce que l’Europe peut faire s’agissant de la question climatique, et comment il est possible d’aller plus loin dans le processus post Rio.

Je partage votre point de vue s’agissant du fait que nous avons tendance à marquer le pas en matière de lutte contre le changement climatique : nous n’allons pas assez loin pour obtenir une transformation efficace, tant d’un point de vue financier, que du point de vue des ressources et de l’énergie.

Lors des deux dernières années nous avons présenté une « Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l’horizon 2050 » et également une « Feuille de route pour l’énergie à l’horizon 2050 », ainsi qu’une proposition financière et budgétaire pour la communauté européenne. Elles mettent le climat au centre de toutes les questions, comme par exemple les questions agricoles. Il s’agit selon moi d’un pas important pour une façon nouvelle de voir les choses. Les ressources étant rares en Europe, nous devons faire de notre mieux : chaque euro dépensé l’est là où nous avons la meilleure valeur ajoutée.

Nous avons également formulé des propositions très ambitieuses en ce qui concerne la directive efficacité énergétique. Vous avez parfaitement raison, l’Europe doit améliorer ses performances de 20 %. Sans cette directive, la performance n’aurait été que de 9 % d’ici à 2020 ; après discussion au Parlement européen, nous sommes parvenus à fixer un objectif de 17 %. La Commission européenne n’a pas le pouvoir d’aller plus loin, je le regrette ; c’est au Parlement européen et aux Conseil qu’il incombe d’en décider.

M. Jacques Myard. On ne peut que vous approuver quand vous souhaitez réagir avec intelligence pour relever les défis du futur. Je vous prends donc au mot en matière d’objectif de réduction des gaz à effet de serre : l’utilisation de l’énergie nucléaire est parfaite pour cela, la France étant ainsi un moindre producteur de ces gaz que l’Allemagne avec son charbon et son lignite.

Je suis bien sûr favorable à l’utilisation de véhicules plus propres et à une moindre importation de pétrole, domaine où, là encore, la France est en bonne position grâce à son énergie nucléaire, même si cela peut déplaire. Je suis favorable aux énergies nouvelles et aux économies d’énergie auxquelles je suis très sensible mais il ne faut pas rêver. Quelle est donc votre position sur l’énergie nucléaire ?

M. Christophe Caresche. Il faut faire le constat qu’il est difficile d’avancer sur ces questions. Il est très bien que l’Europe souhaite être exemplaire mais elle ne pourra rien faire toute seule car cela entraîne une hausse des coûts et des risques de distorsions de concurrence. Il faut donc que l’Europe trouve une stratégie pour progresser tout en sauvegardant sa compétitivité. La France est, de façon constante, très favorable, même si ce n’est pas le cas de tous les autres pays, à l’instauration d’une taxe carbone aux frontières européennes comme l’a rappelé le Président de la République. Cela est une des conditions de l’acceptation de cette politique par les populations européennes qui voient bien la concurrence déloyale faite au plan social et environnemental alors qu’on lui demande des efforts pour éviter le changement climatique. Où en est-on de cette demande très forte qui est loin d’être partagée au niveau européen mais qui permettrait de débloquer la situation tant au niveau des États que des populations ?

M. William Dumas. Vous avez évoqué les défis climatiques pour le deuxième pilier de la Politique agricole commune (PAC). Le département du Gard, dont je suis l’élu, souffre beaucoup de problèmes d’eau qui est tantôt trop abondante et tantôt trop rare. En 2002, M. Michel Barnier, alors Commissaire à la politique régionale, nous avait apporté des crédits européens pour faire face à ces problèmes. Quelles solutions préconisez-vous pour relever le défi du changement climatique ?

M. Didier Quentin. M. Laffineur vous a trouvée pessimiste, alors que moi, je vous trouve très déterminée. Une des conséquences de ce changement climatique est la montée des eaux, phénomène qui a très fortement éprouvé l’Ouest de la France avec le passage de la tempête Xynthia en février 2010. Selon le Conservatoire national du littoral qui administre entre 125 000 et 130 000  hectares, un quart de la bande littorale devrait disparaître par submersion d’ici 2050. Des moyens financiers seront-ils prévus pour ces situations, le Commissaire Hahn nous ayant alloué 35 millions d’euros en 2010 alors que les travaux d’endiguement devraient coûter des centaines de millions d’euros ? La question se pose d’ailleurs de savoir s’il faut endiguer ou laisser la mer s’avancer.

Ma deuxième question concerne les conséquences du changement climatique sur les énergies renouvelables. Il n’est pas facile de prévoir s’il y aura plus de soleil, plus de vent. Quelle serait la possibilité de maîtrise des conditions météorologiques à moyen terme ?

Mme Connie Hedegaard. Je vous remercie de vos remarques et questions. Je veux être ni pessimiste ni optimiste mais réaliste dans le domaine des négociations internationales sur le climat. Il y a certainement un réel désir d’avancer qu’il ne faut pas sous –estimer. Certes les intérêts en présence sont divers, comme le problème de l’élévation du niveau de la mer qui vient d’être évoqué. Les questions sont très complexes et il faut approfondir les connaissances scientifiques pour pouvoir avancer.

Il faut aussi définir le rôle de chacun et établir le principe de responsabilité commune mais partagée. Ainsi, les pays développés en 1992 ont-il dû s’engager à verser des subventions et à réduire leurs émissions alors que les autres pouvaient ou non contracter les mêmes engagements.

Rio n’a pas été assez loin de ce point de vue et on ne peut pas continuer à agir dans une situation de confrontation Nord/Sud car le contexte international a évolué vers une interdépendance. En effet, ce qui affecte les uns a des conséquences pour les autres, cela apparaissant dans les négociations actuelles sur le climat. Il est alors tentant de dire que le Nord devrait être pionnier en la matière mais le Brésil, la Chine ou l’Afrique du Sud doivent s’impliquer pour tenter de mettre en place une croissance plus durable sans répéter les erreurs des pays du Nord. Il y a encore des confrontations mais aucun autre forum ne pourrait nous permettre d’arriver à des résultats aussi satisfaisants, et c’est pourquoi nous participons à ces conférences. Les experts ont mis dix jours, à Durban, pour se mettre d’accord sur l’ordre du jour, ce qui est évidemment excessif.

Depuis Copenhague, plus de 82 pays ont des objectifs nationaux dans ce domaine, et tous les pays du G20, sauf l’Arabie Saoudite. Donc il y a des progrès et ce n’est pas parce que certains pays ne prennent pas d’engagements dans le cadre de ces négociations qu’ils ne font pas de progrès. Certains avancent, comme la Chine, par exemple, où certaines usines de production de ciment sont pionnières, pour le respect de normes plus exigeantes que celles appliquées en France. Il ne faut donc pas sous estimer les efforts faits par ces économies.

Concernant le nucléaire, je vous rappelle que la Commission estime que le choix du bouquet énergétique est du ressort de chaque État membre.

S’agissant des taxes aux frontières, nous mentionnons la possibilité d’en instituer au cours des négociations. On serait très satisfait si on pouvait forcer la Chine à instituer un système d’échange de quotas. On travaille actuellement à établir sept projets pilotes d’échange de quotas qui profiterait à 250 millions de personnes. Mais cela est difficile à mettre en place.

L’agriculture doit utiliser de nouvelles technologies pour s’adapter au changement climatique. Je ne connais pas bien le secteur agricole français, mais dans de nombreux pays, des cultures énergétiques sont effectuées dans les milieux humides. On peut aussi produire du biogaz par valorisation des déchets agricoles. Il est important pour ce secteur de s’appuyer sur la connaissance pour trouver des cultures plus résistantes et pour empêcher les sols d’être inondés. Il y a beaucoup de réponses possibles à trouver en liaison avec les agriculteurs mais les solutions applicables en France ne le seront pas au Danemark ou en Espagne. Les subventions agricoles européennes pourraient aussi faciliter la découverte de solutions pour le bien commun.

La science ne peut certainement pas dicter les mesures politiques à prendre mais il faut en tenir compte pour prendre des mesures intelligentes au XXIe siècle. Certes, on pourra nous dire, dans vingt ou trente ans, qu’on a fait fausse route mais est-ce que cela sera dramatique si on a réussi à mettre en place des transports et des habitats moins énergivores et plus respectueux de l’environnement? Le risque encouru n’est pas très grand si on prend des mesures intelligentes.

L’été dernier, au Danemark, pays passant pour être sensible au changement climatique, des inondations sont intervenues à trois reprises aux mêmes endroits, ce qui a surpris la population qui s’est plainte de ne pas avoir été prévenue. Ces phénomènes se répètent pourtant année après année et les scientifiques ont dit que le changement climatique se marquera, au Nord, par des précipitations plus abondantes. Nous n’aurions donc pas dû être surpris, ce qui renforce la nécessité de prêter attention aux avis des scientifiques afin de faire preuve de réalisme pour trouver les solutions qui s’imposent à la problématique du changement climatique.

La Présidente Danielle Auroi. Merci beaucoup Mme la Commissaire pour cet échange très précis et très dense qui nous permettra de réfléchir aux prochaines étapes de ce dossier, notamment à travers le budget.

- virement de crédits no DEC 21/2012 - section III - budget général - exercice 2012 (document E 7485).

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 11 juillet 2012 à 17 heures